4. Les spécialités à base de camphre de Raspail
p. 81-101
Texte intégral
1En 1869, Gill caricature le « citoyen Raspail » en hercule, un personnage de foire prêt à faire la démonstration de l’efficacité de son huile à base de camphre, dont un flacon figure à l’arrière-plan. La tête déjà âgée du savant autodidacte contraste singulièrement avec le corps athlétique sur lequel elle est posée. Le dessinateur se moque du camphre et de son promoteur qui en fait une véritable panacée destinée à la fois aux malades et au cirque… Dès 1844, le produit pénètre certains formulaires de médicament comme L’Officine de Dorvault. Ce dernier rappelle que Raspail « le fait priser, aspirer ; qu’il en fait des frictions, des fomentations, des fumigations »1. Le chimiste compose de nombreuses spécialités pharmaceutiques à partir du camphre (pommade, eau sédative, vinaigre), dont la plus célèbre est probablement la cigarette, qu’il préconise « comme sédatif de quelques affections de poitrine […], telles que la toux, les catarrhes, la grippe, l’asthme »2. L’époque est à la floraison des « modes » médicales. Pour Raspail, il ne fait pas de doute que « toute maladie interne ou sous-cutanée, qui se traduit par un sentiment de reptation et d’érosion, par des bruits de craquement, par des douleurs lancinantes […] est l’effet de la présence d’une larve ou insecte parfait à mandibules »3. Dans cette optique, les médicaments à base de camphre sont avant tout des anthelminthiques destinés à éliminer l’action des insectes. Mais ils peuvent aussi être mobilisés pour faire circuler les fluides, dans une conception de la médecine qui renvoie plutôt aux humeurs. Ainsi, dans le cas des étouffements, Raspail préconise de frictionner le corps du malade autour du cou, entre les deux épaules, sur la poitrine et l’abdomen, avec une pommade aromatisée, et de placer une compresse d’eau sédative sur la région du cœur, sur le crâne et de nouveau autour du cou.
2Le succès des produits à base de camphre s’inscrit dans un mouvement plus général, marqué par le développement des spécialités pharmaceutiques. Il s’agit de produits préparés à l’avance et en quantité suffisante pour être vendus dans différentes officines4. Les historiens de la santé ont bien montré le rôle qu’ont joué les pharmaciens dans leur fabrication et leur diffusion5. Et pour cause, depuis la fin du xviiie siècle, l’élection, la préparation et le mélange des différents produits qui composent le médicament relèvent de l’art du pharmacien. La loi du 21 germinal an XI (11 avril 1803) a consolidé juridiquement cette conception du médicament qui devient indissociable de l’officine pharmaceutique6. Le marché des spécialités suscite néanmoins des vocations en dehors de la profession pharmacienne, à l’image de François-Vincent Raspail. Si les quelques travaux consacrés à ce dernier évoquent cette activité de pharmacien droguiste, celle-ci demeure encore écrasée par la figure du médecin social, du médecin des pauvres7. Cette imbrication entre médecine et médication peut se comprendre, tant est fort chez Raspail le lien entre ses thérapeutiques et son système médical. La pharmacie fondée dans le but de commercialiser les spécialités ne prend-elle pas le nom de « méthode Raspail » ?
3L’originalité de Raspail est qu’il n’est ni pharmacien, ni médecin, mais qu’il exerce les deux activités en même temps. Il enfreint donc la loi à plusieurs niveaux, et cherche d’ailleurs à construire la légitimité de ses inventions sur cette transgression, cette absence de diplôme. La publication de sa médication, apprend-on de la plume de Raspail, a effarouché « l’orthodoxie des médecins scolastiques »8. C’est sur cette rhétorique un peu démagogique et commerciale, que Raspail cherche à convaincre le public des bienfaits de ses inventions. Lors de son procès pour exercice illégal de la médecine, qui se tient en mai 1846, il explique au juge qu’il se refuse à passer tout diplôme car il craint de voir s’effondrer la confiance du public. Le succès des spécialités de Raspail questionne ainsi l’un des axes forts des études sur la médicalisation des sociétés, qui veut que celle-ci se soit appuyée sur une confiance accrue des populations dans leur médecin. Faut-il voir dans le succès des spécialités à base de camphre le rejet, de la part des malades, de la médecine officielle ? L’objectif de cette communication est de mieux saisir les ressorts de la nouveauté en thérapeutique, et par là d’éclairer les processus de médicamentalisation de la société au xixe siècle. Il nous faut pour cela partir des objets thérapeutiques en tant que tels, ces spécialités à base de camphre, qui sont tout à la fois des objets thérapeutiques, culturels et commerciaux.
I. Les spécialités à base de camphre de Raspail : interrogations sur la nouveauté en thérapeutique
Les recherches, d’où découle ce système, remontent à de longues années. Il fut facile de voir aux publications qui suivirent la nôtre, que le grain que nous avions aventuré sur la route du progrès n’était pas tombé sur une terre ingrate et stérile. Bien des praticiens se mirent à l’œuvre pour exploiter cette nouvelle veine d’études, que nous poursuivions, de notre côté, sans relâche dans le silence du cabinet9.
4La modestie n’est probablement pas la première qualité de ce court extrait, dans lequel Raspail se compare à un semeur qui plante ses découvertes comme des graines, qui ensuite essaiment. Le processus d’invention décrit ici par Raspail s’enracine dans le silence et la solitude du cabinet. On retrouve là les paradigmes de l’histoire de l’invention. Dès le xviiie siècle, « la vision du nouveau s’affirme comme rupture par rapport au passé ainsi que comme exogène au milieu dans lequel il se répand »10. Les inventeurs eux-mêmes, à l’image de Raspail, jouent un rôle dans la construction de ces stéréotypes. Peut-on arriver à démêler l’histoire du mythe en train de se construire ?
Cette nouvelle méthode, rendue publique sur la fin de 1838, était déjà en pleine voie d’adoption dès 1839 ; et quoique, dans l’expression de ses formules, elle fût contraire en tout aux théories médicales et à la pratique classique de cette époque, il n’en est pas moins vrai de dire que ce sont les médecins praticiens qui l’adoptèrent les premiers11.
5Raspail se présente volontiers comme un hétérodoxe, en rupture avec un savoir sclérosé et figé, dans une rhétorique qui n’est pas sans rappeler celle de S. Hahnemann. Ces métaphores religieuses pourraient constituer les « premiers signes d’un transfert de sacralité du religieux vers le médical »12. Faut-il voir dans la méthode Raspail un système radicalement nouveau ? « Avant nous on s’était servi quelquefois, et en certains cas, de la substance que nous appliquions à tant d’usages », écrit le chimiste13. Extrait du laurier éponyme, qui pousse principalement en Asie, le camphre est utilisé par les populations locales depuis l’Antiquité pour ses propriétés antiseptiques. À Bornéo ou à Sumatra, le camphre est utilisé pour préserver les cadavres de la putréfaction. Au xie siècle, quelques traités de médecine arabe mentionnent son existence. Il aurait pénétré l’Europe à partir des xvie/xviie siècles14. Le camphre est un bon exemple de la circulation mondiale des savoirs et des produits en lien avec la mondialisation. On ne saurait trop rappeler que la médicalisation des sociétés ne s’est pas opérée à partir du seul centre occidental.
Les progrès médicaux réalisés en Europe bénéficièrent des pharmacopées et des nomenclatures d’herbes médicinales mises au point par les spécialistes chinois et indiens, et des connaissances vivantes des guérisseurs africains ou indiens d’Afrique15.
6Le camphre, employé en Europe dans la première moitié du xixe siècle, est un produit d’importation. Comme Raspail le reconnaît lui-même, sa « découverte n’est qu’une exhumation d’une opinion anciennement classique, et puis entièrement oubliée » qu’il a ressuscité « par l’expérience directe »16. Sans remonter aussi loin, dès 1801, S. Morelot lit un long mémoire consacré au camphre devant la Société de médecine17. De même, parmi les travaux les plus récents évoqués par Raspail, on trouve ceux d’un certain docteur Cruchet qui, en 1812, affirme avoir guéri des coliques néphrétiques avec des frictions à base de camphre. Raspail ne mentionne cependant absolument pas les recherches d’Astier, pharmacien militaire, auquel on doit à la fois une théorie sur les animalcules, et des analyses sur les propriétés du camphre. Autant d’éléments qui rappellent sensiblement la méthode Raspail18. Plus proche encore, Samuel Hahnemann (1755-1843) accorde au camphre dès 1830- 1831, le rôle principal pour combattre le choléra19. Incontestablement, Raspail a pu se nourrir de ces différents apports. « L’invention » du chimiste ne réside donc pas tant dans la découverte du produit et de ses propriétés antiseptiques, que dans autre chose.
7« La substance qui en forme la base n’est certainement rien moins qu’une nouveauté en thérapeutique, il n’y a en tout ceci de nouveau que les appareils et le procédé »20, écrit Raspail à propos du camphre. Ce n’est donc pas le produit qui fait l’originalité de l’invention, ce sont plutôt les objets pharmaceutiques et médicaux qui l’entourent. La plupart des spécialités mises en vente dans le commerce s’apparentent d’ailleurs le plus souvent à des inventions techniques ou formelles. La méthode Raspail consiste en un couple de deux appareils, que le savant présente comme des nouveautés, et dont le point commun est le camphre. Le premier appareil, qualifié de petite pharmacie portative porte le nom de camphatière hygiénique. Il s’agit d’une boîte à double fond, dont un compartiment renferme les cigarettes, et l’autre la poudre de camphre à priser. Assez rapidement cette camphatière simple se double d’une « camphatière complète »21. Il s’agit d’une « boîte qui renferme, avec la camphatière précédente, un flacon d’aloès et un autre d’alcool camphré »22. En fait de nouveauté, cet objet n’est ni plus ni moins qu’une tabatière23, dont l’essor remonte aux xviie-xviiie siècles, en lien avec le goût pour le tabac à priser. Il en va de même du second appareil proposé par Raspail, qui consiste en une compresse de linges imbibée d’alcool saturé de camphre. Là encore, il semble difficile de parler d’invention. Que dire de la cigarette à base de camphre, qui rappelle la vogue des cigarettes liée au développement de la culture de la fume24 ? Le produit, vite préparé, vite allumé et vite consumé, fait fureur signant le dynamisme de la nouvelle société industrielle. Pendant plusieurs décennies, la cigarette est fabriquée manuellement par le consommateur lui-même, qui étend le tabac sur une feuille de papier. On parle alors de cousu main.
8La médecine et la pharmacie s’emparent de cet objet et se lancent dans la cigarette médicinale, une forme pharmaceutique qui connaît un certain succès au xixe siècle. Les contenus en sont variés. Elles sont à la belladone, opiacées, aromatiques, arsenicales, antispasmodiques, balsamiques, à la naphtaline, mercurielles, pectorales, au varech25. Le tabac, monopole d’État, en est quant à lui absent. Des spécialistes leur accolent leur nom, comme A. Trousseau (1801-1867). L’essor de ces cigarettes est associé à un type de maladie en particulier : les maladies pulmonaires. Les cigarettes de Raspail s’inspirent directement de ces objets. Ce sont des petits tuyaux de paille ou de plume, dans lesquels on introduit des grumeaux de camphre, que l’on contient au moyen de deux tampons de papier Joseph. Ainsi, les différents objets proposés par Raspail ne présentent pas vraiment de nouveauté sur le plan formel. Les inventions de Raspail s’inscrivent dans ce qu’Anne Rasmussen appelle une démarche « nominaliste ». Raspail s’appuie sur une mode, sur un usage, pour proposer un objet qui, nominalement est différent, mais existe déjà formellement. L’invention chez Raspail procède surtout par déplacement ou appropriation de formes thérapeutiques en expansion.
II. Raspail : diffuser c’est communiquer
9Les historiens de la santé et des médias ont assez bien montré l’importance prise par la publicité pharmaceutique au cours du xixe siècle26. Les fabricants s’appuient sur la presse (grand public et spécialisée), les imprimés (ouvrages, catalogues), les expositions, ou encore les affiches pour diffuser leurs produits. Ce processus de médiatisation est intimement lié à l’expansion des spécialités27. Les publications jouent un rôle encore plus important pour des hommes comme Raspail, qui se situent en marge de la médecine officielle. Ce dernier est d’abord et avant tout le « vulgarisateur de lui-même », pour reprendre une expression de C. Langlois. Le chimiste comprend assez vite que le succès d’une invention passe par la capacité de son concepteur à la faire connaître au public28. Raspail jouit, de ce point de vue, d’un certain nombre d’atouts. Outre des appuis non négligeables dans le monde de l’édition, au sein de l’élite, mais également au niveau du corps médical, il peut aussi compter sur sa plume, redoutablement efficace et acérée.
10Si l’on en croit Raspail, les premiers fondements de son système médical furent « jetés, afin de pressentir l’opinion, dans la deuxième édition du Nouveau système de chimie organique de mars 1838 »29. Dans cet ouvrage, qui semble s’adresser à un public cultivé, le chimiste fait le constat de l’échec de la science dans la lutte contre les épidémies. Il préconise de revenir à des « usages et des pratiques, qu’une longue tradition a rendues populaires »30. Dans une approche qui n’est pas sans rappeler la théorie des miasmes, Raspail rappelle que « les anciens conjuraient les épidémies, en allumant, autour du foyer, des grands feux, qu’ils alimentaient avec des bois odoriférants »31. À l’appui de cette analyse, le chimiste met en avant les expériences qu’il a menées depuis dix ans, sur lui-même, sur les siens, ou sur d’autres malades pour convaincre les lecteurs de l’efficacité de ses produits.
11Assez rapidement, Raspail procède à une intense campagne de promotion en direction du corps médical lui-même. Elle prend la forme d’une note adressée à différents journaux de médecine. Trois d’entre eux acceptent de publier le résultat des expériences du chimiste : le Bulletin général de thérapeutique médicale et chirurgicale, L’Expérience, et la Gazette des hôpitaux. La méthode porte « sur un système nouveau touchant l’emploi du camphre dans les maladies »32. Loin de chercher à court-circuiter les autorités médicales, Raspail s’en remet à leur « pratique éclairée », « avec la conviction qu’après avoir expérimenté eux-mêmes, sans aucune prévention favorable ou défavorable, ils jugeront qu’il n’a pas trop présumé de l’efficacité de cette médication »33. Le cas de Raspail montre combien la mise en œuvre de la police des remèdes est délicate34. En théorie, tout remède nouveau doit être examiné au préalable par l’Académie de médecine créée en 1820. C’est elle qui recommande l’achat de la formule par le gouvernement si le remède est jugé utile et efficace. Elle est ensuite inscrite au Codex, le formulaire légal des médicaments. Tous les médicaments qui ne sont pas décrits dans cet ouvrage peuvent donc être considérés comme des remèdes secrets, quand bien même ils seraient brevetés. La réalité est cependant plus complexe, comme le montrent les spécialités de Raspail. Absentes du Codex pharmaceutique de 1816, les cigarettes à base de camphre y pénètrent en 1860. On les trouve cependant disponibles dès les années 1850 dans les catalogues commerciaux de grandes maisons de droguerie, comme la maison Ménier ! Ayant accepté de publier la communication du chimiste, le rédacteur du Bulletin de thérapeutique fait d’ailleurs part de son malaise :
[L]a note, que Mr Raspail nous prie d’insérer, renferme des choses tellement merveilleuses relativement aux effets thérapeutiques du camphre dans les maladies, qu’il ne faut rien moins que son nom et l’estime que nous avons pour ses travaux, pour nous rendre à son désir35.
12Ce n’est donc pas la qualité du produit ni ses propriétés thérapeutiques, mais bien la notoriété du chimiste et les appuis dont il dispose, qui lui ouvre les portes de la revue. Outre son engagement politique, Raspail s’est fait connaître, dans les années 1830, par différents travaux : les Cours élémentaires d’agriculture, le Nouveau système de chimie organique ont été des publications couronnées de succès36. Parallèlement, il donne des cours à l’École pratique. Cette notoriété lui ouvre ainsi les portes de certains journaux. Baillière, fondateur de L’Expérience, est aussi l’éditeur de Raspail. Loin de s’inscrire en marge des canaux officiels, le chimiste s’appuie donc sur son réseau de relations et sa notoriété pour faire connaître ses inventions. Mais Raspail ne se contente pas de diffuser les fondements de son système médical auprès des seuls médecins, il s’adresse aussi directement aux malades.
Quand cette deuxième épreuve de toutes mes découvertes eut été subie, je publiai un petit livret populaire, afin de vulgariser et rendre domestique une médication aussi simple37.
13Publié le 24 janvier 1839, l’ouvrage reprend pour l’essentiel, le contenu de la note adressée deux mois plus tôt aux différents journaux médicaux. Mais au lieu de mettre en avant son système, Raspail préfère insister sur les produits qui le composent, à savoir les cigarettes de camphre et les camphatières hygiéniques. Une seconde édition de l’ouvrage paraît en septembre de la même année. En communicant chevronné, Raspail adapte ses publications à ses lecteurs. Le vernis scientifique de la première note a cédé la place à ce qui est susceptible d’intéresser les malades et les principaux intermédiaires du médicament (médecins et pharmaciens), à savoir les produits en eux-mêmes. Ainsi, en quelques mois, le savant diffuse largement son invention, à la fois auprès du corps médical mais aussi auprès des consommateurs. Le parallèle avec la diffusion de la doctrine homéopathique est à cet égard frappant. Raspail, tout comme les homéopathes, comprend que « le public n’est plus seulement un spectateur mais peut devenir un véritable arbitre, pour peu qu’on sache le mobiliser et le convaincre »38. Il cherche à jouer d’une certaine méfiance à l’égard de la médecine dite « traditionnelle ». Ces publications sont suivies de nombreuses autres. En 1844, paraît ainsi la sixième édition de la Médecine des familles, ou méthode hygiénique et curative par les cigarettes de camphre. La nature commerciale et publicitaire de ces différentes brochures ne fait aucun doute. On apprend ainsi dès les premières pages que les produits sont en dépôt chez M. Collas, pharmacien rue Dauphine, à Paris (cf. fig. 2).
14Un tantinet provocateur, Raspail annonce que désormais les malades pourront se soigner par eux-mêmes, sans intermédiaires. Habilement, le savant laisse entendre qu’il ne s’intéresse qu’à l’hygiène, c’est-à-dire à l’art de se préserver des maladies. En pratique, les frontières de l’hygiène, telles que définies par Raspail, s’étendaient bien au-delà du simple entretien du corps. Ainsi Raspail s’en prenait directement au monopole médical sur la santé.
15Mais « sa meilleure opération commerciale semble avoir été son Manuel annuaire de santé à travers lequel il prodigue des conseils à la portée de tous en matière d’hygiène et de soins »39. L’ouvrage, il est vrai, est d’un prix modique (1,50 F). En une année, il s’en est ainsi vendu près de 60 000. Et quelle longévité ! 77 éditions jusqu’en 193540. Il y est encouragé par la famille de Bréauté41. Dans la préface de la première édition, Raspail s’adresse « aux riches » qu’il invite à acheter et à lire son ouvrage, pour le propager ensuite auprès des pauvres42. Le premier public visé par Raspail n’est pas tant le petit peuple qu’une clientèle aisée qui peut servir ensuite de relais à sa méthode auprès des milieux populaires. Surtout, la diffusion de sa méthode était annoncée, non sans utopisme d’ailleurs, comme l’aube d’une nouvelle ère politique et médicale.
Après tant de siècles de haines et de divisions civiles et religieuses, écrit ainsi le savant, n’est-il pas temps enfin que, laissant de côté les divergences d’opinion […] nous nous réunissions tous dans la pensée commune de diriger l’esprit vers tout ce qui est grand, le cœur vers tout ce qui est noble, et le corps vers tout ce qui est hygiénique et moral ?
16Le système médical de Raspail apparaît ainsi comme un prolongement de son républicanisme et de son socialisme.
Condamner la médecine officielle monarchiste, promouvoir une médecine démocratique dans laquelle les malades auraient une place importante n’est qu’une façon de continuer le combat politique par d’autres moyens43.
17En 1847, Raspail lançait un mensuel : la Revue élémentaire de médecine et de pharmacie domestiques. Dans toutes ces publications, F.-V. Raspail ne cesse de se faire le propagandiste de sa méthode, fondée sur l’usage massif du camphre. Le succès des spécialités à base de camphre tient, semble-t-il, dans la capacité du chimiste à saisir les besoins et les aspirations de la société de son temps. Les couches populaires ont l’habitude de se passer des médecins et des pharmaciens, en particulier pour des raisons financières. À ceux-là, Raspail proposait à la fois des consultations et des remèdes, tout en mettant à leur disposition des ouvrages dans lesquels il détaillait de façon précise les remèdes à leurs maux. Même si l’illettrisme était un obstacle à la diffusion de ces écrits, il ne faut pas écarter l’hypothèse d’une médiatisation de la méthode par le biais de lectures publiques. Mais Raspail a également su saisir les comportements des classes moyennes et supérieures, soucieuses de maîtriser tout à la fois, leur destin et leur corps, sensibles à ce message finalement assez moderne d’une thérapeutique individuelle.
18La correspondance écrite adressée à Raspail montre que les ouvrages du savant jouent un rôle majeur dans la médiatisation de son système médical. Nombre de ses correspondants s’appuient sur le manuel de santé pour se soigner ou soigner des proches. « Me trouvant très bien eu égard aux accès d’asthme nerveux du traitement conseillé dans votre manuel de santé de janvier 1847, je risque aujourd’hui de vous importuner pour mon mal de nez »44 peut-on lire dans cette lettre écrite par un instituteur. La méthode circule également par voie de bouche-à-oreille. Certains correspondants ont « entendu vanter la médecine »45 de Raspail, et s’attachent à la mettre en application, sans avoir procédé à aucune consultation. Les résultats escomptés ne sont pas toujours au rendez-vous.
Le traitement n’ayant produit aucun effet je crois qu’il est nécessaire que je vous en explique l’état de la malade afin que vous ayez la bonté de nous dire si nous devons continuer le traitement indiqué dans votre petit manuel ou s’il y a quelques changements à faire pour rendre les remèdes plus efficaces46.
19La plume de Raspail est son principal atout dans la vulgarisation et la diffusion de ses spécialités, comme en témoigne cette autre lettre datée de 1864, dans laquelle l’auteur engage le savant à aborder la question du « typhus de la bête à cornes » :
[I]l me semble qu’avec l’autorité que possède tout ce sort de votre plume […] vous pourriez opposer un bien énorme à une immense calamité47.
20L’écriture de Raspail agit comme un puissant ressort dans la diffusion de ses spécialités, notamment auprès des populations éduquées et alphabétisées. Incontestablement, le style du savant envoûte et charme ses lecteurs. Mais ce n’est pas son seul atout. Ses ouvrages sont également pensés pour répondre à des problèmes pratiques. Les malades n’attendent d’ailleurs pas toujours de voir F.-V. Raspail pour utiliser ses remèdes. Et pour cause, certains ne peuvent se déplacer, du fait de la maladie ou même de l’éloignement. En dehors de ses ouvrages, Raspail peut aussi compter sur la publicité que lui assurent les procès dans lesquels il est impliqué. « Votre plaidoyer », lui écrit ainsi Nell de Bréauté suite à sa condamnation pour exercice illégal de la médecine, « a prodigieusement augmenté votre supériorité médicale aux yeux des masses et doit donner nécessairement encore plus d’écoulement à l’annuaire »48.
21Par conséquent, les silences et les contradictions de la loi pouvaient permettre à quelqu’un comme Raspail de s’affranchir du diplôme pour exploiter commercialement ses spécialités à base de camphre.
III. Exploiter commercialement les spécialités
N’ayant jamais voulu prendre de diplôme d’aucune sorte, et n’étant ni pharmacien, ni médecin patenté, je devais me renfermer dans les attributions de pharmacien et médecin charitable49.
22La réalité est cependant loin de correspondre à l’image extrêmement flatteuse que Raspail donne de lui-même. En effet, tout comme les pharmaciens, F.-V. Raspail et ses fils ont cherché à exploiter commercialement le succès des inventions à base de camphre. Ils souffrent cependant d’un handicap qui est l’absence de diplôme. Les lois consulaires ont accordé aux médecins et aux pharmaciens un monopole sur ce qui relève de la prescription pour les premiers, et de la vente de médicament pour les seconds. Ces professions diplômées se montrent sourcilleuses quant au respect de la loi, toujours promptes à faire appel aux tribunaux contre les charlatans. Il s’agit donc ici de comprendre comment F.-V. Raspail a pu s’insérer sur le marché du médicament malgré cette absence de diplômes.
Il se présenta à moi un pharmacien pour confectionner mes appareils et mes préparations, qu’on lui demandait de toutes parts ; car le public, qui me connaît aussi bien que les médecins, n’avait pas les mêmes motifs qu’eux pour rester incrédule50.
23Dans la plupart des récits qu’il donne de son entrée dans la voie commerciale, Raspail se présente comme le jouet de forces qui le dépassent. Soit quelqu’un se présente à lui, soit il y est contraint ou poussé. Dès 1839, il s’entend avec Collas, un pharmacien-droguiste de la rue Dauphine, pour diffuser ses spécialités. D’après Raspail, « cette société sans contrat et sans bénéfice pour » lui a duré six ans51. La seule condition qu’a dû respecter le pharmacien était de fournir en nature la quantité de médicaments dont Raspail avait besoin pour soigner sa clientèle de pauvres. À une époque où le « primat du coût pèse encore plus fortement sur la médecine des pauvres »52, il ne fait pas de doute que la réputation de médecin social acquise par le savant a pu tenir à cet exercice d’une médecine, et probablement aussi d’une pharmacie, charitable. D’autant que parallèlement, nombre de médecins tentent de justifier « cette sordide économie de considérations pseudoscientifiques et morales »53. Les curés de Paris ne s’y trompent pas et recommandent nombre de leurs paroissiens aux soins du « docteur » Raspail en insistant parfois sur leur indigence et leur précarité54. D’autres sources se montrent circonspectes quant à cette image d’un médecin uniquement préoccupé de charité, à l’image de Léon Duval, avocat du pharmacien-droguiste Morel, lors du procès qui opposa son client à Raspail à partir de la fin de l’année 1845.
Ce que M. Collas lui remettait en nature, M. Raspail ajoute qu’il le distribuait aux pauvres. […] Mais alors c’était une belle charité, car M. Raspail prend la moitié des bénéfices à son pharmacien ; et il a dit que sa méthode curative avait fait gagner en trois ou quatre ans à M. Collas 4 à 500 000 francs de fortune. L’imagination s’épouvante de ces grandes aumônes, et elle ne peut que les bénir55.
24À vrai dire, la recherche du profit n’exclut pas l’exercice de la charité. Si Raspail ne s’est pas contenté d’être un « médecin social », ne voir en lui qu’un horrible charlatan soucieux de son enrichissement personnel serait une grave erreur. Ce qu’il distribuait gratuitement à certains, il pouvait le faire payer à d’autres en fonction du statut social. Comme le rappelle Olivier Faure « tous les médecins du xixe siècle sont, au sens actuel du terme, des omnipraticiens libéraux qui adjoignent au traitement d’une clientèle payante diverse, une part variable d’activités hospitalières ou charitables »56. C’est pourquoi la diffusion commerciale de ces spécialités se serait révélée très lucrative. Les non-diplômés s’appuient ainsi sur les silences de la loi pour s’engouffrer dans le marché des spécialités. En l’absence de diplôme, on usait de subterfuges, on « prêtait son nom » à un pharmacien que l’on mentionnait dans des brochures, qui se situaient à mi-chemin entre la réclame et l’information commerciale, à l’image de ce que faisait F.-V. Raspail.
25Si l’on en croit Duval, Raspail aurait par la suite cherché un apothicaire qui « lui fit des remises en argent »57. Le 23 août 1845, F.-V. Raspail fondait, conjointement avec Louis-Xavier Morel, pharmacien droguiste, et son fils Benjamin Raspail, artiste-peintre et graveur, une société en nom collectif58. Il y aurait été incité par ses amis et ses clients.
La popularité qui a accueilli la méthode hygiénique et curative de Mr Raspail, père, a tellement multiplié la concurrence entre les divers exploitants, cette concurrence a tellement haussé le prix et détérioré la qualité des matières premières et des appareils qui rentrent dans l’application de cette méthode que chacun a reconnu la nécessité d’en voir l’auteur adopter une maison de commerce spéciale où il lui fût possible d’exercer une surveillance active et de régler le prix exact des marchandises59.
26L’association commerciale était donc légitimée par la volonté de réguler les prix des spécialités à base de camphre, qui faisaient l’objet, semble-t-il, d’une véritable spéculation commerciale. Surtout, le contrat confirmait l’engouement que connaissait sa méthode auprès des médecins, mais aussi des malades. Loin de s’être montrés complètement hostiles au système Raspail, les médecins prescrivaient le camphre et réclamaient des produits de qualité. « De tous ces avantages, celui de pouvoir fixer les prix au taux le plus bas possible, et de mettre ainsi ma médication à la portée du plus grand nombre, triompha seul de mes répugnances et de mon hésitation »60, expliquait par ailleurs le savant. En s’associant à Morel, Raspail s’évitait un investissement trop lourd puisque le pharmacien s’engageait à faire l’avance de toutes les substances, des ustensiles, et du matériel nécessaire à l’exploitation commerciale. Du même coup, il ne tombait pas sous le coup de la loi de Germinal. Morel mettait également à disposition son fonds de commerce, une pharmacie située au 14 rue des Lombards. L’association avec le chimiste présentait pour le pharmacien de nombreux avantages. « Raspail s’engageait » notamment « à annoncer dans tous ses livres relatifs à la vulgarisation de sa méthode la maison Morel comme celle qui avait obtenu sa confiance et dont tous les produits étaient soumis à son contrôle et à sa vérification »61. Le contrat stipulait en effet que F.-V. Raspail ou ses ayants cause « pouvaient assister à la confection de tous les ingrédients et les modifier à son gré dans l’intérêt de la santé publique », chose qui, légalement, posait problème puisque Raspail n’était pas pharmacien. Toutes les étiquettes portaient la signature Morel et Raspail, père et fils. Un tel parrainage assurait donc au pharmacien un avantage décisif sur ses concurrents. Les associés s’entendaient d’ailleurs pour faire « autant d’annonces et publications de leur exploitation qu’ils jugeraient convenables »62. Si l’on en croit ce dernier, le commerce se révéla particulièrement lucratif. « Morel aurait réalisé une fortune de près de trois cent mille francs »63, affirmation à prendre avec toutes les précautions qu’il se doit, puisqu’à cette date les deux parties étaient en procès.
27Fixée pour une durée de dix ans, l’association entre Morel et les Raspail vira à l’aigre au bout de deux mois. Au-delà des critiques parfois véhémentes que s’adressaient les deux parties en présence, les mémoires donnent à voir, en creux, quelques aspects de l’industrie du médicament telle qu’elle se développa au milieu du xixe siècle. Loin d’être contrôlé par Raspail, la fabrication avait été confiée à un ancien graveur, Choubard, et sa femme. Ils avaient été placés là par le savant lui-même, afin de surveiller les agissements de son associé. Aucun des deux ne disposait des diplômes requis pour fabriquer des médicaments ! Le compérage n’était pas non plus absent dans l’association montée par les deux hommes. Le docteur Cottereau, professeur agrégé de la faculté de médecine, prescrivait ainsi des spécialités à base de camphre pour les clients de l’officine. D’après Raspail, la qualité des produits vendus par Morel laissait, semble-t-il, à désirer. Celui-ci se livrait notamment à des procédés de falsification. Les accusations avaient de quoi surprendre de la part de celui-là même qui était chargé de superviser la production ! Les tensions entre les deux parties tenaient cependant moins à la mauvaise qualité des produits, qu’à des questions de répartition des bénéfices, Raspail reprochant à son associé de lui masquer les vrais résultats. Si la santé publique et la volonté de soigner les malades n’étaient pas absentes dans les inventions de Raspail, elles s’accompagnaient aussi de puissantes motivations commerciales. Pour diffuser leurs spécialités, Raspail et ses fils jouaient des contradictions de la loi.
28À la suite de leur père, ses deux fils fondèrent en 1858 la Pharmacie complémentaire de la méthode Raspail. Installée au 14 rue du Temple, elle avait été financée grâce aux apports d’Émile-Jules Raspail, ingénieur chimiste, et de Camille-François Raspail, médecin. Tessier, pharmacien de première classe, s’occupait de la gestion de l’officine. Il était assisté d’un pharmacien de seconde classe64. Ce type d’association, entre des bailleurs de fonds non diplômés et un pharmacien pour financer l’acquisition et le fonctionnement d’un atelier de fabrication, était formellement interdit par la loi65. La propriété et la gérance des établissements pharmaceutiques devaient, selon les dispositions de la loi du 21 germinal an XI, être le fait de diplômés en pharmacie. Les trois associés furent poursuivis par la justice à partir de 1859 pour exercice illégal de la pharmacie, non-respect de l’ordonnance sur les poisons, et falsification. Les mémoires rédigés à l’occasion par les fils de Raspail et par Raspail lui-même révèlent les contradictions de la loi. Ainsi, alors qu’Émile et Camille Raspail sont inculpés en exercice illégal de la pharmacie, Tessier est mis hors de cause « en vertu de son diplôme »66… Les deux hommes ont également beau jeu de souligner qu’une « foule de pharmacies » existe, dont « le propriétaire, non-pharmacien » est assisté « d’un pharmacien réduit au rôle d’homme de paille ».
En fondant la pharmacie complémentaire, nous l’avons fait sous l’égide d’une jurisprudence reçue, appliquée, respectée à l’égard de centaines d’autres pharmacies67.
29Les Raspail, père et fils, évoquaient ainsi plusieurs arrêts rendus par des tribunaux n’interdisant pas ce type de structure. Condamnés pour exercice illégal de la pharmacie les deux frères résilièrent leur traité avec Tessier. La pharmacie complémentaire de la méthode Raspail fut remplacée par la maison de Droguerie complémentaire de la méthode Raspail.
30Le 5 janvier 1861, Émile Raspail recevait la visite de deux professeurs de la faculté de pharmacie, Gaultier de Claubry et Guibourt, assistés d’un commissaire, suite à une plainte pour exercice illégal de la pharmacie. Parmi les reproches, les inspecteurs avaient noté la présence, au milieu des rayons, de produits qui relevaient moins de la droguerie que de la pharmacie68. La ligne de défense d’Émile Raspail reposait sur trois éléments : la quantité des produits, leur nature, et la partialité des inspecteurs. Le premier élément était important car, selon la loi de Germinal an XI, les pharmaciens seuls avaient le droit de vendre des drogues au poids médicinal. Les droguistes pouvaient commercialiser des produits en gros. Émile Raspail s’efforçait ainsi de montrer que les contenants dans lesquels se trouvaient les produits incriminés ne pouvaient relever que du commerce en gros. Mais surtout, insistait le droguiste, que ce fut le perchlorure de fer, l’huile de ricin, la liqueur anticholérique ou les bougies camphrées, tous ces produits n’étaient pas des produits pharmaceutiques, mais des hygiéniques. Par exemple, La liqueur anticholérique n’était autre qu’une « liqueur hygiénique et de dessert sans sucre », elle était recommandée « comme un préservatif du choléra »69. Le cérat camphré, décrit par les inspecteurs comme une drogue médicinale, n’était qu’un produit hygiénique et de toilette. Les droguistes et pharmaciens jouaient des frontières ambiguës du médicament, tout à la fois produit alimentaire, hygiénique, d’entretien. Enfin, Émile Raspail prenait un malin plaisir à rappeler aux pharmaciens inspecteurs que ces produits se retrouvaient massivement dans certaines officines. L’ingénieur n’hésitait pas à dénoncer de façon virulente l’hypocrisie de la société de prévoyance des pharmaciens de la Seine, dont la plupart des membres se livraient à la préparation en grand de 93 remèdes spéciaux, c’est-à-dire secrets70. Les procès en illégalité se heurtaient ainsi à la réalité d’une profession qui avait fait sienne les pratiques qu’elle interdisait aux autres.
31Les établissements Raspail perdurent encore au début du xxe siècle. L’entreprise s’articule alors autour de deux établissements industriels. Leur valeur est estimée à 1 200 000 francs. Le personnel est composé de dix à douze employés, de six à huit garçons et cochers, de deux contremaîtres, d’un mécanicien, d’un chauffeur, d’un emballeur, ainsi que de treize à quinze ouvrières71. L’entreprise fabrique des produits à base de camphre, la liqueur anticholérique non sucrée, des produits de droguerie, la liqueur hygiénique et de dessert de F.-V. Raspail, des produits de parfumerie hygiénique. Le chiffre d’affaires s’élève à 750 000 francs. Les ventes se font surtout à Paris qui représentent 78 % du CA.
32Ainsi, malgré les lois napoléoniennes encadrant l’exercice de la pharmacie et la vente de médicament, F.-V. Raspail parvient à commercialiser ses spécialités. Les travaux d’Olivier Faure ont bien montré que « la législation n’était pas un guide très ferme pour faire respecter une stricte police de la pharmacie »72. Les autorités elles-mêmes se montrent tolérantes à l’égard de l’exercice illégal, dans le domaine de la pharmacie comme dans celui de la médecine. L’absence de diplôme n’est donc pas forcément un frein pour se lancer dans l’industrie du médicament. Si l’on examine la législation sur les remèdes, on retrouve les mêmes ambiguïtés. Si la loi de 1791 permet à un non-pharmacien de déposer un brevet pour un produit qu’il a conçu, ce dernier doit ensuite, s’il veut l’exploiter commercialement, en concéder la patente à un pharmacien. De façon étonnante, F.-V. Raspail, fidèle sans doute à une certaine idée de la santé publique ou confiant dans l’aura qui entoure son nom, ne dépose aucun brevet. En pratique donc, n’importe qui est susceptible de s’inspirer de ses spécialités. C’est ce qui se passe avec la liqueur hygiénique et de dessert, laquelle est imitée par des fabricants. Face aux protestations du chimiste, la justice reste sourde.
En autorisant la fabrication de cette liqueur dont il ne s’est pas réservé la propriété exclusive, il est constant qu’il a permis l’usage de son nom sous lequel seuls les fabricants peuvent désigner ce produit au public73.
33Mais certains fabricants vont plus loin et n’hésitent pas à utiliser le nom et la signature de Raspail lui-même ! Nombreux sont ceux, les pharmaciens les premiers, qui, tout en déplorant l’essor des remèdes secrets puis des spécialités, se lancent dans leur exploitation, s’affranchissant allègrement des contraintes légales de mise sur le marché des médicaments.
34La réussite des établissements Raspail montre que les spécialités du même nom ont rencontré un certain succès, malgré la loi et malgré l’hostilité de certains médecins. Il nous faut tenter de comprendre ce succès en nous intéressant à des acteurs périphériques dans l’histoire du médicament : les malades.
IV. Les spécialités à base de camphre : diffusion et réception
À la Chapelle tous les gens, pauvres et riches, vous attendent comme le Messie74.
35Cet extrait d’une lettre adressée à Raspail montre la renommée qu’ont alors acquise le savant et son système. Surtout, l’espoir de la guérison s’apparente à l’attente du prophète. Pour peu que la thérapeutique fonctionne et le guérisseur acquiert une aura quasi sacrée.
Hier encore on me citait un curé des environs qui, avant d’être prêtre avait été élève en médecine et qui vient de remettre sur les pieds deux malades condamnés et abandonnés par les esculapes du lieu75.
36Faut-il voir, comme le laisse entendre l’extrait, dans le succès des spécialités à base de camphre de Raspail une remise en question de la médecine officielle ou classique ? Dans la plupart des travaux sur l’histoire du médicament, les malades demeurent des acteurs silencieux et pour cause, les sources sont rares. Le fonds Raspail est à cet égard précieux car il comprend une partie de la correspondance envoyée au savant vers le milieu du xixe siècle. C’est l’occasion de saisir ce que les malades attendent du « citoyen Raspail ».
37Les spécialités diffusées sur le marché sont entourées de nombreuses incertitudes76. Le camphre, qui figure dès le début du xixe siècle dans toutes les pharmacopées, n’échappe pas à la règle. Utilisé comme sédatif (à faibles doses) ou comme excitant très énergique (à fortes doses)77, il suscite de nombreuses interrogations au sein du corps médical. Dans son formulaire de 1840, Appollinaire Bouchardat fait figurer le camphre dans la catégorie des antispasmodiques :
[L]es uns exaltent ces agents thérapeutiques outre mesure ; d’autres, au contraire […] ne leur reconnaissent aucune efficacité78.
38Là où certains émettent quelques réserves quant à l’étendue des propriétés du camphre, Raspail en fait une véritable panacée. De fait, le produit peut se révéler utile. « Le médicament, dissous dans l’eau et pris fréquemment a au moins le mérite d’hydrater le corps des malades »79 lors des épidémies de choléra. À lire la correspondance adressée au chimiste, on se rend compte que si le camphre est loin de répondre à tous les maux, il peut se montrer efficace. Il en est ainsi de ce père de famille qui écrit au chimiste pour le remercier de l’efficacité de sa pommade camphrée sur sa petite fille de cinq mois. Celle-ci avait le corps recouvert d’« une foule de petits boutons confluents […]. Trois jours après, voyant que ces boutons […] se multipliaient d’une étrange façon, craignant que ce ne fût la petite vérole, et n’osant pas prendre sur moi de traiter le mal sans en connaître les causes, je la fis voir à ses sœurs hospitalières, qui me disent que c’était la petite vérole. Assuré sur la cause, je commençais alors votre traitement une lotion d’eau sédative et une friction à la pommade camphrée, produisant les plus heureux résultats. […] Depuis le mieux se continue, et ma fille grâce à vous, se porte comme avant, mieux même car cette maladie lui a débarrassé le corps d’une indisposition dangereuse et qui nous donnait de l’inquiétude pour l’avenir n’ayant pas été vaccinée »80. Assurément, le camphre peut agir sur les affections de la peau et pour l’hygiène corporelle. Ceci est confirmé par d’autres lettres, comme celle de cet ancien détenu emprisonné à la suite des journées de Juin 1848.
Arrêté au mois de juillet, conduit à la conciergerie puis au fort de l’Est ensuite à Cherbourg nous souffrions bien car vous connaissez le régime des prisons et casemates […]. Partout nous avons été très heureux de trouver la pommade camphrée d’aloès et le camphre. […] Plusieurs détenus étant atteints de la fièvre et de rhumes ont été surpris d’une guérison aussi subite et complète par l’effet de votre médecine surtout sans le secours des sangsues ou saignées ou diètes81.
39Dans la lettre de ce prisonnier politique, la figure du thérapeute, apportant un soulagement aux maux endurés par le corps, se confond avec celle de l’homme politique, du républicain, qui se bat pour atténuer les souffrances du peuple. « Espérons car la lumière s’étend de plus en plus et bientôt la société tout entière saura prouver sa reconnaissance à l’Ami du peuple qui se dévoue tant pour elle », écrit ce dernier82. La missive se termine par « Bonne santé, Liberté et le triomphe de la république démocratique et sociale ». La rencontre entre cette espérance politique et cette espérance médicale ne se produit pas dans toutes les lettres. Beaucoup de malades s’en tiennent à des considérations strictement thérapeutiques, car le camphre se montre particulièrement efficace pour toute une série de maux du quotidien. Raspail oppose constamment à ses détracteurs, les « camphorophobes », les expériences qu’il a faites du produit sur lui-même et sur sa famille. À n’en pas douter, ceci joue un rôle fondamental dans la diffusion de la spécialité. Mais le succès du camphre tient aussi à d’autres éléments, et notamment à l’impuissance des thérapeutiques traditionnelles face à des maux du quotidien.
40Dans son Manuel de santé, Raspail pointait, non sans humour d’ailleurs, les limites de la médecine de son époque.
La médecine en tant qu’elle est l’art de soigner les malades, n’est pas une science, c’est un tâtonnement […]. Il n’est pas un élève qui ne connaisse le fait que Bosquillon, médecin de l’hôtel-dieu, qui, en entrant un matin dans la salle, se mit à dire aux étudiants accourus à la clinique : que ferons-nous aujourd’hui ? Tenez nous allons purger tout le côté gauche de la salle, et saigner tout le côté droit. Récamier, si couru par le grand monde, ordonnait la première chose qui lui passait par la tête ; aujourd’hui des tranches de pommes de terre crues ; demain une tisane de toile d’araignées etc.83
41En dehors des incertitudes qui entourent la nature des maladies et les remèdes à leur apporter, les thérapeutiques proposées par les médecins se révèlent souvent douloureuses pour les malades. C’est le cas par exemple des vésicatoires ou des moxas. Ces deux médications participent de l’idée que lorsque deux douleurs coexistent, la plus forte obscurcit ou fait disparaître les autres84. De nombreux médecins utilisent aussi la saignée ou les sangsues, pratiques particulièrement éprouvantes pour le corps85. La lecture des lettres montre que l’on s’adresse à Raspail en dernier recours, après des échecs répétés d’autres thérapeutiques.
Monsieur, un mien parent est affecté de la maladie suivante : les tissus intérieurs de la gorge sont arrivés à un état variceux et lui causent une fatigue et une gêne incroyable pour parler. […] Il y a six ans qu’il est dans cet état on l’a traité par les astringents et les irritants puis plus tard par les émollients et par les rafraîchissants86.
42Ou de cette autre malade dont le cousin écrit à Raspail en soulignant que, « depuis le mois de janvier 1847, elle était languissante et avait eu plusieurs fois recourt aux médecins sans en avoir obtenu beaucoup de soulagement ». Les thérapeutiques se succèdent tout comme les médecins : saignée, eau d’orge miellée, vésicatoire, sangsues, sinapisme, purgations, eau de sedlitz.
La fièvre résistant à tous ces traitements. Alors sulfate de quinine en poudre et en pilules. Elle en avait déjà pris vingt paquets contenant une prise de tabac environ et 20 pilules de la grosseur d’un pain, lorsque j’arrivai auprès d’elle le trois septembre dernier. Et avec tout cela la fièvre résistait toujours, et l’estomac s’affaiblissait toujours.
43D’autorité, le cousin fit supprimer « le vésicatoire, le sulfate de quinine, et la diète » pour le remplacer par du camphre. Ces traitements permettent à la malade d’expulser les vers qu’elle avait dans son estomac (une douzaine !). La force de Raspail réside probablement dans sa capacité à faire des malades des sujets autonomes, recourant à ses médications sans le consulter. Une telle pratique allait à rebours de la médecine hippocratique notamment, qui préconisait à la fois un interrogatoire poussé avec le malade et son entourage, ainsi qu’une observation du premier. Ce n’est pas tant de la défiance à l’égard du corps médical qui transparaît dans la correspondance, que du désespoir face à des situations médicales, et parfois sociales, inextricables. C’est le cas de ce chef de gare qui consulte Raspail pour des crampes d’estomac. Il évoque des « douleurs atroces » qu’il endure depuis cinq mois et qui ne lui « laissent plus un instant de repos »87. Les médecins l’ont engagé « à aller prendre les eaux de Vichy », mais ses moyens ne le lui permettent pas. « Faut-il que je souffre indéfiniment ? », écrit-il à Raspail. Les malades se tournent vers le savant lorsque la médecine officielle ne peut plus rien. Il s’agit moins d’une manifestation de défiance à l’égard du corps médical que de la volonté de rechercher tout ce qui pourrait venir interrompre une situation douloureuse et compliquée.
44Le succès des spécialités à base de camphre peut aussi s’expliquer par le fait qu’elles répondent aux attentes des consommateurs. « La plupart des malades réclament un seul médicament par maladie et en attendent des résultats palpables et immédiats »88. Les spécialités de Raspail s’inscrivaient dans ce schéma qui, tout en se déclinant sous des formes diverses, étaient vendues comme des panacées et se rattachaient à un produit unique : le camphre. La « poudre de camphre », écrit Raspail, peut se priser de la même manière « que le tabac à priser, dont elle possède tous les vertus et tous les avantages, sans offrir aucun de ses inconvénients »89. À la différence du tabac, le camphre n’est pas sternutatoire, il ne provoque pas d’écoulements nasaux, ni ne laisse de traces visibles sur le mouchoir. L’intelligence de Raspail réside dans sa capacité à saisir l’émergence de ces nouvelles sensibilités chez des consommateurs attentifs à leur maintien, soucieux d’un certain nombre d’usages. Comme le fait remarquer Raspail, le tabac sied ainsi peu aux femmes et aux enfants, il provoque de la répugnance. Son goût est « âcre », il s’accompagne d’une haleine « forte et repoussante » et est susceptible de « tâcher » les vêtements90.
45La stratégie de Raspail avec ses cigarettes à base de camphre peut ainsi se comprendre comme la volonté de proposer un produit de substitution au tabac, moins liée à des questions sanitaires qu’à des questions de sensibilité. Les objets conçus par Raspail sont surtout des inventions formelles, pensées pour être d’un usage facile et commode. La compresse imaginée par le savant en 1838 participe de la même ambition. « Imbibée d’alcool saturé de camphre », elle se trouve « dans un surtout soit en caoutchouc, soit en parchemin, soit en vessie de cochon, soit en linge fortement empesé à la gomme ou à l’amidon ». Les inventions de Raspail sont ainsi pensées pour être d’une grande facilité d’usage.
V. Conclusion
46Le succès des spécialités à base de camphre de Raspail s’inscrit dans un contexte particulier, marqué par les doutes qui entourent les thérapeutiques et les savoirs académiques. Médecins et pharmaciens peinent à apporter des réponses aux grands fléaux du moment (choléra, tuberculose), mais aussi à des maux du quotidien. Lorsque les malades se tournent vers Raspail, c’est un peu en désespoir de cause, quand les solutions proposées par leur médecin se révèlent incapables de les guérir ou de les soulager. Faut-il cependant y voir une remise en question du savoir médical ? Pas nécessairement. La trajectoire des cigarettes à base de camphre est un bon exemple de la porosité des frontières entre médecine officielle et médecine « parallèle », quoique ce dernier terme soit anachronique. Les pharmaciens n’hésitent pas à copier et à commercialiser les spécialités de Raspail. Celles-ci témoignent d’ailleurs d’une extraordinaire longévité. L’usage du camphre est encore en vogue dans certaines familles bien après la deuxième guerre. Qui sait que le baume du tigre, qui a connu une réelle diffusion ces dernières années au rayon des médecines dites alternatives, est fondé à partir du camphre ? Le succès de Raspail tient également à son talent de vulgarisateur, à sa capacité à saisir les attentes et les besoins du public. Rétrospectivement, les publications de Raspail sont très modernes puisqu’elles visent à rompre avec le système médical tel qu’il s’est mis en place au début du xixe siècle. En invitant les malades à se soigner eux-mêmes au moyen de son manuel de santé, que laissait entendre le savant sinon que la consultation et l’auscultation par un médecin diplômé étaient des étapes facultatives ? De même, en faisant office à la fois de médecin et de pharmacien, Raspail répondait en réalité à une demande du corps social, celle d’une personne qui pût à la fois diagnostiquer et prescrire.
Notes de bas de page
1 Dorvault François L. M., 1844, L’Officine, Paris, Labé, p 182.
2 Ibid.
3 Raspail François-Vincent, 1843, Histoire naturelle de la santé et de la maladie chez les végétaux et chez les animaux en général, Levasseur, Paris, p. 545.
4 Chauveau Sophie, 2005, « Le statut légal du médicament en France, xixe-xxe siècle », in Bonah Christian, Rasmussen Anne (dir.), Histoire et médicament aux xixe et xxe siècles, Paris, Glyphes, p. 97
5 Rasmussen Anne, 2005, « Préparer, produire, présenter des agents thérapeutiques, histoires de l’objet médicament », in Bonah Christian, Rasmussen Anne (dir.), op. cit., p. 159-188.
6 Gaudillière Jean-Paul, 2005, « Une marchandise pas comme les autres, historiographie du médicament et de l’industrie pharmaceutique au xxe siècle », in Bonah Christian, Rasmussen Anne (dir.), op. cit., p. 116.
7 Weiner Dora, 1968, Raspail, New York, Columbia University Press.
8 Raspail François-Vincent, 1843, Histoire naturelle de la santé…, op. cit., t. 1 Avertissement, p. xi.
9 Raspail François-Vincent, 1843, Histoire naturelle de la santé…, op. cit., p. xi.
10 Bourdelais Patrice, Faure Olivier, 2005, « Le nouveau dans le domaine médical et sanitaire : objets, pratiques, logiques sociales », in Bourdelais Patrice et Faure Olivier (dir.), Les nouvelles pratiques de santé xviiie-xxe siècles, Paris, Belin, p. 7.
11 Raspail François-Vincent, 1844, Médecine des familles, Paris, Collas, p 10.
12 Faure Olivier, 2015, Et Samuel Hahnnemann inventa l’homéopathie, Paris, Aubier, p. 97.
13 Raspail François-Vincent, 1843, Histoire naturelle de la santé…, op. cit., p. xii.
14 Grimaud François, 1855, Monographie du camphre, Paris, Thunot.
15 Bayly A. David, 2007, La naissance du monde moderne, Paris, La Découverte, p. 358.
16 Raspail François-Vincent, 1843, Histoire naturelle de la santé…, op. cit., t. 2, p. 529.
17 Weiner Dora, 1968, op. cit.
18 Astier Charles-Benoît, 1815, Réponse du pharmacien principal Astier, Toulouse, J.-A. Caunes.
19 Faure Olivier, 2015, op. cit., p. 70.
20 L’Expérience : journal de médecine et de chirurgie, t. 2, 1838.
21 Raspail François-Vincent, 1844, Médecine des familles, op. cit., p. 33.
22 Ibid.
23 Bulletin général de thérapeutique médicale et chirurgicale, n° 15, 1838, p. 312 à 315.
24 Nourisson Didier, 2010, Cigarette : histoire d’une allumeuse, Paris, Payot, p. 55.
25 Dechambre Amédée, 1864-1888, Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, série 1, t. 17, CHO-CLE, p. 234-236.
26 Ghozland Freddy, Dabernat Henri, 1988, Pub et pilules. Histoire et communication du médicament, Toulouse, Milan ; Ulmer Bruno, Plaichinger Thomas, Advenier Charles, 1988, À votre santé ! Histoire de la publicité pharmaceutique et médicale, Paris, Syros Alternatives ; Sueur Nicolas, 2014, « Les pharmaciens et la médiatisation de la spécialité au xixe siècle », Le Temps des médias, vol. 2, n° 23, p. 26-40.
27 Faure Olivier, 1989, « Officines, pharmaciens et médicaments en France au xixe siècle », Bulletin de la Société d’histoire moderne et contemporaine, n° 44, p. 31-38.
28 Poirier Jacques et Langlois Claude (dir), 1992, Raspail et la vulgarisation médicale, Paris, Sciences en situation, p. 61.
29 Raspail François-Vincent, 1843, Histoire naturelle de la santé…, op. cit., p. xi.
30 Raspail François-Vincent, 1838, Nouveau système de chimie organique, Paris, Baillière, vol. 2, p. 638, Archives départementales du Val-de-Marne (AD Val-de-Marne), Créteil, 69J 142.
31 Ibid.
32 L’Expérience, op. cit.
33 Ibid.
34 Chauveau Sophie, 2005, « Le statut légal… », art. cit., p. 94.
35 Bulletin général de thérapeutique médicale et chirurgicale, n° 15, 1838, p. 312 à 315.
36 Bedeï Jean-Pierre et Bedeï Patricia, 2005, François-Vincent Raspail, Paris, Alvik Éditions, p. 131.
37 Raspail François-Vincent, 1843, Histoire naturelle de la santé…, op. cit., t. 2, p. 545.
38 Faure Olivier, 2015, op. cit., p. 106.
39 Bedeï Jean-Pierre et Bedeï Patricia, 2005, op. cit., p. 145.
40 Ibid.
41 Raspail François-Vincent, 1845, Manuel annuaire de la santé ou Médecine et pharmacie domestiques, Paris, Chez l’éditeur des ouvrages de M. Raspail, AD Val-de-Marne, Créteil, 69J 189.
42 Ibid.
43 Faure Olivier, 2015, op. cit., p. 109.
44 Lettre du 26 mars 1849, AD Val-de-Marne, Créteil, 69J 2.
45 Lettre du 10 avril 1849, ibid.
46 Ibid.
47 Lettre du 12 septembre 1864, ibid.
48 Lettre du 4 juillet 1846, ibid.
49 Raspail François-Vincent, 1848, Nouvelle défense et nouvelle condamnation de F.-V. Raspail, Paris, Chez l’éditeur des ouvrages de M. Raspail, p. 4, AD Val-de-Marne, Créteil, 69J 158.
50 Raspail François-Vincent, 1845, Manuel annuaire de la santé…, op. cit., préface.
51 Raspail François-Vincent, 1848, Nouvelle défense…, op. cit., p. 4.
52 Faure Olivier, 1994, Histoire sociale de la médecine, Paris, Anthropos, p. 112.
53 Ibid.
54 Bibliothèque de l’Inguimbertine, Carpentras, ms. 2695. Le dossier comporte les lettres de recommandation des curés de différentes paroisses de Paris pour leurs malades, parfois proches de l’indigence.
55 L’Époque, 5 décembre 1846, AD Val-de-Marne, Créteil, 69J 4.
56 Faure Olivier, 1994, op. cit., p. 106.
57 Ibid.
58 Archives nationales (AN), Paris, MC/ET/XXI/969, 23 août 1845.
59 Ibid.
60 Raspail François-Vincent, 1848, Nouvelle défense…, op. cit., p. 6.
61 AN, Paris, MC/ET/XXI/969, 23 août 1845.
62 Ibid.
63 Raspail François-Vincent, 1848, Nouvelle défense…, op. cit., p. 7.
64 Raspail Émile-Jules, Raspail Camille-François, 1860, Mémoire à consulter à l’appui de l’appel interjeté par Tessier, Émile-Jules Raspail et Camille-François Raspail, Paris, Simon Rançon, AD Val-de-Marne, Créteil, 69J 162,.
65 Chauveau Sophie, 1999, L’invention pharmaceutique, la pharmacie française entre l’État et la société au xxe siècle, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, p. 27.
66 Raspail Émile-Jules, Raspail Camille-François, 1860, Mémoire à consulter…, op. cit., p. 16.
67 Ibid., p. 17.
68 Raspail Émile-Jules, 1861, Mémoire adressé à la cour d’appel de Paris, Paris, Simon Raçon, p. 9.
69 Ibid., p. 15.
70 Ibid., p. 23.
71 Les établissements Raspail, 1904, Paris, Chaix.
72 Faure Olivier, 1993, Les Français et leur médecine au xixe siècle, Paris, Belin, p. 46.
73 Raspail François-Vincent, 1862, Notes à consulter en faveur de Raspail, Bruxelles, Vanderauwera, p. 10, AD Val-de-Marne, Créteil, 69J 162.
74 Lettre du 4 juillet 1846, AD Val-de-Marne, Créteil, 69J 2.
75 Ibid.
76 Sueur Nicolas, 2014, « Les spécialités pharmaceutiques au xixe siècle : statuts et fondements de l’innovation », Le Mouvement social, vol. 3 n° 248, p. 27-46.
77 Milne Edwards Henri, Vavasseur Pierre, 1826, Manuel de matière médicale ou Description abrégée des médicaments, Paris, Compère jeune, p. 277.
78 Bouchardat Appollinaire, 1840, Nouveau Formulaire magistral, Paris, A. Gardembas, in-12, xxiv-634, p. 124.
79 Faure Olivier, 2015, Et Samuel Hahnnemann…, op. cit., p. 70.
80 Lettre adressée à François-Vincent Raspail, 4 brumaire an LVII, AD Val-de-Marne, Créteil, 69J 2.
81 Lettre adressée à François Vincent Raspail, 1er janvier 1849, AD Val-de-Marne, Créteil, 69J 2.
82 Ibid.
83 Raspail François-Vincent, 1855 [1845], Manuel annuaire de la santé…, op. cit., p. 4, AD Val-de-Marne, Créteil, 69J 193.
84 Rey Roselyne, 1993, Histoire de la douleur, Paris, La Découverte, p. 165.
85 Lebrun François, 1995, Se soigner autrefois, Paris, Seuil, p. 65.
86 Lettre du 15 juin 1846, AD Val-de-Marne, Créteil, 69 J 2.
87 Lettre du 1er juin 1869, AD Val-de-Marne, Créteil, 69 J 2.
88 Faure Olivier, 1994, Histoire sociale de la médecine, op. cit., p. 112.
89 Raspail François-Vincent, 1842, Cigarettes de camphre…, op. cit., p. 4.
90 J. B. R. B., 1839, Considérations hygiéniques sur l’usage du Tabac, Paris, Baillière.
Auteur
Professeur agrégé d’histoire et docteur en histoire contemporaine. Il enseigne actuellement au lycée Saint-Charles à Marseille. Il est, par ailleurs, chercheur associé au LARHRA. Il a soutenu en 2012 une thèse, menée sous la direction du professeur Olivier Faure, sur la Pharmacie centrale de France. Celle-ci doit paraître aux Presses universitaires François-Rabelais en septembre 2017. Ses recherches portent sur le développement de l’industrie pharmaceutique et des médicaments au xixe siècle. Il s’intéresse également à la question de l’innovation. Son article le plus récent est paru dans la Revue d’histoire du xixe siècle et porte sur la gélatine alimentaire. Il prépare actuellement un ouvrage sur les débuts de l’industrie pharmaceutique en France en s’intéressant à la trajectoire de l’entreprise Menier.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
La formation d’une opinion démocratique
Le cas du Jura, de la révolution de 1848 à la « république triomphante » (vers 1895)
Pierre Merlin
2017
Les mutations récentes du foncier et des agricultures en Europe
Gérard Chouquer et Marie-Claude Maurel (dir.)
2018
Deux frontières aux destins croisés ?
Étude interdisciplinaire et comparative des délimitations territoriales entre la France et la Suisse, entre la Bourgogne et la Franche-Comté (xive-xxie siècle)
Benjamin Castets Fontaine, Maxime Kaci, Jérôme Loiseau et al. (dir.)
2019
Un mousquetaire du journalisme : Alexandre Dumas
Sarah Mombert et Corinne Saminadayar-Perrin (dir.)
2019
Libertaire ! Essais sur l’écriture, la pensée et la vie de Joseph Déjacque (1821-1865)
Thomas Bouchet et Patrick Samzun (dir.)
2019
Les encyclopédismes en France à l'ère des révolutions (1789-1850)
Vincent Bourdeau, Jean-Luc Chappey et Julien Vincent (dir.)
2020
La petite entreprise au péril de la famille ?
L’exemple de l’Arc jurassien franco-suisse
Laurent Amiotte-Suchet, Yvan Droz et Fenneke Reysoo
2017
Une imagination républicaine, François-Vincent Raspail (1794-1878)
Jonathan Barbier et Ludovic Frobert (dir.)
2017
La désindustrialisation : une fatalité ?
Jean-Claude Daumas, Ivan Kharaba et Philippe Mioche (dir.)
2017