5. Les ruptures de trajectoire familiale : causes, conséquences et prévention
p. 79-97
Texte intégral
1Les très petites entreprises familiales de l’Arc jurassien paraissent plus ou moins bien préparées à se confronter aux ruptures de trajectoire familiale. La participation des aidants familiaux représente tant une force qu’une fragilité pour l’entreprise : tout dépend du type de rupture (accident, maladie, divorce…) et du statut de la personne directement affectée (l’entrepreneur, sa conjointe, un tiers…). Pourtant, les relations entre la dimension « familiale » du travail et les risques de rupture ne sont pas des liens de cause à effet. Observons donc la situation des petits entrepreneurs de l’Arc jurassien à l’aune des ruptures de trajectoire familiale qu’ils ont vécues et à partir desquelles ils ont parfois pu rebondir pour préserver leur entreprise, leurs proches ou leur situation personnelle.
2Comme nous l’avons déjà précisé, nous entendons par « rupture de trajectoire familiale » tout événement ou situation affectant provisoirement ou durablement une famille en modifiant les relations entre ses membres – donc sa configuration familiale – conduisant ainsi à des modifications de « trajectoires », c’est-à-dire à une réorientation des projets d’avenir. Ces ruptures comprennent les accidents invalidants, les maladies chroniques et handicapantes, les décès prématurés, qu’ils soient accidentels, liés à la maladie ou au suicide, les désaccords et les disputes importants conduisant à des ruptures de relations entre ascendants, descendants ou au sein de la fratrie et bien évidemment les divorces ou séparations de couples conduisant certains à quitter la maison familiale, à une gestion négociée de la garde des enfants ou à des arbitrages parfois conflictuels sur le plan économique et patrimonial. Il s’agit d’une large palette de situations où se côtoient des événements graves et imprévisibles et des choix de vie soigneusement négociés.
3 Toutes les situations du corpus ne correspondent pas à des cas de rupture effective, car il nous paraissait important de ne pas envisager d’emblée la rupture comme un événement déclencheur, mais bien de l’appréhender comme une éventualité que l’on peut choisir d’anticiper. Dans près de la moitié des cas seulement, nous avons observé des situations de rupture. L’autre moitié du corpus rassemblait des entreprises qui n’avaient pas (ou pas encore) connu ce type d’événement.
4Nous avons rencontré 47 entreprises ayant connu (ou connaissant actuellement) une situation de rupture. Pour huit d’entre elles, les ruptures se sont même cumulées. Il s’agit généralement d’entreprises ayant vécu à la fois des problèmes affectant la santé des personnes et d’autres touchant aux relations entre les membres de la famille (disputes, divorces). Dans certains cas, ces situations peuvent être interconnectées : la séparation affectant la santé ou l’inverse par exemple. C’est notamment le cas de Jim, restaurateur dans le canton de Neuchâtel. La séparation de son épouse fit peser sur lui une charge de travail importante (outre les souffrances liées à la séparation) et l’a conduit au burn-out pendant près d’une année, affectant lourdement son entreprise.
5Dans d’autres cas, il s’agit de deux événements distincts et éloignés dans le temps qui n’ont pas nécessairement de rapport entre eux. Félicia – qui a travaillé dans la boulangerie familiale tenue par ses parents, puis reprise par ses deux frères – évoque deux événements distincts. D’une part, les problèmes de santé de son père qui impliquaient le recours à l’entraide familiale ; d’autre part, le changement d’orientation professionnelle de l’un de ses frères associés dans la boulangerie : un événement qui eut pour conséquence l’insertion de Félicia dans l’affaire familiale.
6Les récits de nos interlocuteurs nous ont permis de comprendre quelles étaient les principales causes de ces ruptures et dans quelle mesure les entrepreneurs étaient préparés à cette éventualité. Nous avons également mesuré leurs conséquences effectives sur les petites entreprises et sur les membres de la famille. Enfin, nous avons identifié les éléments qui – pris en compte dès l’élaboration du projet professionnel – pouvaient limiter l’impact de ces ruptures.
I. Quand l’entreprise est cause de rupture
7Les 47 situations de rupture que nous avons recensées ne sont pas directement liées au travail. En effet, dans certains cas, il s’agit d’un incident survenu dans le cadre de la vie privée, mais qui aura des conséquences sur l’entreprise. C’est par exemple le cas de Jacqueline (pompes funèbres, canton de Neuchâtel) qui subit un grave accident de voiture lors d’un voyage, alors qu’elle et son mari venaient de racheter l’entreprise. C’est le cas aussi de l’épouse d’Eddy (restaurateur, Jura bernois) qui fit face à une grave maladie durant plus d’une année, alors qu’elle s’était beaucoup investie aux côtés de son mari dans le restaurant. Ainsi, dans notre corpus, 25 situations présentent des ruptures de trajectoire qui peuvent être directement liées à l’activité professionnelle.
8Ces situations où le travail et l’entreprise sont désignés comme les principales causes de la rupture se répartissent en quatre ensembles : les accidents du travail, les conflits ou les désaccords liés à la succession et à la reprise, ainsi que les atteintes à la santé et les disputes, voire les séparations, en lien avec la dimension stressante ou chronophage de l’activité professionnelle. Ce dernier ensemble est le plus important. En particulier dans le monde de la restauration – du fait d’horaires de travail essentiellement calqués sur ceux de la vie de famille (repas, vacances, fêtes) – la confusion des espaces-temps1 constitue bien souvent, au sein des très petites entreprises familiales, un facteur de tension affectant tant la vie de famille que la santé des personnes.
Non, c’est pas que c’était trop lourd à gérer, mais de voir toujours les mêmes gens qui te parlent toujours des mêmes problèmes, qui… à la fin, ça devenait pesant. Plus de vie de famille. À l’époque, y avait déjà les deux filles… […] Voilà, tu travailles 24 heures sur 24 avec ton homme, tu te fréquentes 24 heures sur 24, au bout d’un moment, on avait plus vraiment de dialogue, ça allait plus […]. Oui, moi je lui ai dit : « Je comprends, mais c’est le café ou moi. Maintenant, t’as le choix ! » (Sabine, 44 ans, ancienne tenancière d’un café-restaurant, Doubs).
On peut jamais vraiment dire : « Je me pose… ». Il faut être prêt à ça, je crois. […] Mais ça pèse, ça. Moi, ça m’a coûté y a quatre ans… un burn-out […]. Oui, très sévère, pendant une année, j’étais vraiment, euh… j’ai cru que j’allais plus pouvoir avancer. Avec tous les symptômes… Qu’il y a hein… Insomnie, vous dormez plus, dépression, machin… C’était trop… Parce que trop quoi, trop de stress, trop de boulot, trop de sollicitations. Nan, ça se paye, niveau santé, ça se paye vraiment (Jim, 40 ans, restaurateur, Neuchâtel).
9Les cas de rupture liés à la transmission sont d’un tout autre ordre. Il ne s’agit généralement pas de désaccords sur la valeur des biens, même si la reprise d’une entreprise familiale va souvent de pair avec un partage inégal des biens entre les différents héritiers. Il est en effet fréquent que la personne qui hérite de l’entreprise familiale bénéficie d’un traitement de faveur2. Mais ceux3 qui héritent ne font pas qu’accepter un avantage. Ils contractent également une dette envers les ascendants et les collatéraux et ont alors l’obligation morale de proposer quelque chose en retour (Droz, Miéville-Ott, Jacques-Jouvenot et al., 2014, p. 117-124 ; Jacques-Jouvenot, 1997 et 2014 ; Jacques-Jouvenot et Vieille Marchiset, 2012). Dans les situations que nous avons déjà évoquées, comme celle de Joël (boucher) ou Marc (boulanger), reprendre l’entreprise familiale allait de pair avec le fait de continuer à vivre dans le même logement que leurs parents, tout en conservant dans la maison familiale des espaces libres permettant aux frères et sœurs d’y revenir régulièrement. Si certains semblent considérer que ces avantages constituent une forme de contrepartie équitable, nombre de conflits au sein des familles puisent leurs origines dans les manières divergentes de concevoir les droits et devoirs de chacun et dans le délicat moment du passage de flambeau. Mentionnons le cas de Jean (fromager) qui se trouva en conflit avec son père au moment de la transition :
Je lui avais dit : « Écoute, toi tu t’occupes des porcs et moi de la fromagerie et on règle ça comme ça ! ». Parce que j’aurais développé la fromagerie, j’avais déjà mes idées. Et il voulait rien savoir, donc j’ai commencé à soumissionner pour partir de la maison. […] Il voulait pas arrêter parce qu’il était pas prêt. […] C’était une embuche parce qu’on a perdu la production d’un article que j’avais envisagé, mis en place pour 2006 et que j’ai pas pu faire comme je voulais parce que [mon père] squatte, entre guillemets, l’appartement de fonction. Donc c’était plutôt pénible oui ! Non c’était plutôt dramatique le… le passage (Jean, 46 ans, fromager, Jura bernois).
10Nous pouvons aussi mentionner le cas d’Angélique, qui vécut un important conflit avec sa belle-famille en lien avec le statut de la maison familiale. Femme d’agriculteur, Angélique se rendit progressivement compte que la maison familiale où elle s’était installée continuait d’être utilisée « naturellement » par sa belle-mère et sa belle-sœur (qui venaient faire du jardin, empruntaient ce dont elles avaient besoin, etc.). Angélique s’interposa rapidement pour « marquer son territoire » et ne pas être envahie :
C’est la maison où mon mari est né, la maison où ma belle-sœur et mon beau-frère sont nés. C’est le noyau… le poumon de l’exploitation. Alors moi, évidemment, quand je suis arrivée j’ai demandé quand même un petit peu de réfections, j’ai pas demandé… qu’on change tout. […] Mais ça a été les hauts cris de la part de mes beaux-frères, belle-sœur, parce qu’en fait je me permettais de rafraîchir. Et là je me suis fâchée avec eux, je leur ai interdit l’accès. Total ! […] J’ai dit : « Stop ! Vous accédez plus chez moi, c’est terminé ! Vous ne passez plus la porte ! » Gros conflit ! J’ai dit : « Stop ! C’est chez nous, y a pas de raison que vous veniez mêler votre grain de sel parce que la couleur que je suis en train de mettre vous plaît pas. Moi, je suis pas venue me mêler de ce qui se passait chez vous » (Angélique, 53 ans, femme d’agriculteur, Vaud).
11Dans le même ordre d’idée, Annie vivra aussi un conflit avec sa belle-famille (suivi d’une séparation), parce qu’elle refusera d’accomplir des tâches bénévoles au sein de l’entreprise de son mari et de son beau-frère :
Là, c’est deux frères et moi, je suis une pièce rapportée, je suis la femme à Henri, je suis pas la sœur quoi. La sœur, c’est encore pas pareil. Moi je suis la belle-sœur et la belle-fille. […] donc j’ai travaillé pendant trois ans et demi, au bout de trois ans et demi, j’ai dit que je m’en allais parce que ça allait plus, mon beau-frère me prenait pour une andouille. […] Donc je suis partie, je me suis fâchée avec mon beau-frère oui, je me suis fâchée. Et pis, mon mari n̕a pas pris ma défense donc je suis partie, carrément de la maison, ça faisait déjà huit ans qu’on était ensemble. […] Mais si vous voulez, au début je me suis fâchée parce qu’ils ont cru que… au final j’allais venir travailler gratuitement, que j’allais tout faire ce qu’on me dit et pis que j’allais fermer mon clapet (Annie, 46 ans, assistante d’entreprise [autoentrepreneure], Doubs).
12Deux des principales dimensions qui caractérisent les entreprises familiales (la transmission et l’enchevêtrement travail/famille) sont donc potentiellement source de tensions. Si on se réfère aux quatre types d’entreprises évoqués plus haut, il est clair que les entreprises managériales contractuelles sont beaucoup moins exposées à ce type de tension que les entreprises patrimoniales familiales. On peut observer que sur les 13 cas d’entreprises managériales contractuelles ayant connu une rupture de trajectoire, deux situations seulement renvoient à l’impact du travail ou de l’entreprise sur la vie de famille. Alors que sur les 15 cas d’entreprises patrimoniales familiales en rupture, sept sont associés à des tensions liées au travail ou à l’héritage.
13L’expression récurrente, « ne pas compter ses heures », renvoie à une réalité maintes fois exprimée par ces indépendants. Dans un grand nombre d’entretiens, nos interlocuteurs font état de conditions de travail exigeantes physiquement et d’un investissement horaire trop souvent excessif :
Je me situe côté revenu dans la classe moyenne, voire moyenne supérieure. Par contre j’en paye un très haut tribut, entre mes différentes activités et toujours mes envies de développer, je fais des heures pas possibles. À l’armée, on a un adage, la journée compte 24 heures, plus la nuit [rire]. Et c’est un peu le rythme que j’ai depuis que je suis ici (Jean, 46 ans, fromager, Jura bernois).
14Selon les cas, l’amplitude horaire du travail peut être vécue comme un plaisir ordinaire ou une pesanteur à combattre. On retrouve chez les agriculteurs, notamment, ces discours sur un enchevêtrement « naturel » et nécessaire du travail et de la vie de famille, les temps de loisirs n’ayant pas nécessairement leur place dans le planning de la journée et la pénibilité du travail étant régulièrement érigée en valeur formatrice pour la génération suivante.
Non j’ai jamais trouvé cela difficile, on a baigné dedans. […] Je l’ai pas trouvé dur parce que c’était l’automatisme, on voyait pas… […] Mais c’était tout le monde, une grande partie des agriculteurs, au moins dans les milieux ruraux des petites fermes, avaient ces systèmes-là. Puis, euh… c’était de génération en génération. Mes parents ont vécu ça. Et nous on a fait la même chose avec les nôtres […]. Ben, d’où le virus que notre fils a pris hein. […] Ma maman, quand elle a accouché, du quatrième, de mon petit frère, elle avait trait 17 vaches à la main le soir même. Ils ne s’arrêtaient pas à ce moment-là (Bernadette, 54 ans, femme d’agriculteur et assistante maternelle, Doubs).
15Mais cet investissement excessif dans le travail, couplé à la tension économique que vivent nombre de ces très petites entreprises familiales peut conduire à des atteintes à la santé. Nous avons déjà mentionné le cas de Jim (restaurateur, Neuchâtel) qui évoquait son burn-out4. Citons également celui de Romuald qui, après s’être blessé à l’épaule sur un chantier, ne sera pas en mesure de suivre les recommandations du corps médical (arrêt de quatre mois) et reprendra très – trop – vite le travail pour ne pas fragiliser son entreprise, au prix d’une détérioration de son état de santé encore bien des années plus tard.
Ben, ça s’est passé, mon mari s’est pété l’épaule […]. Normalement il avait quatre mois d’arrêt de travail, puis, il est reparti une semaine après pour bosser, mais t’avance pas [rire]. T’avances comme tu peux […]. Le docteur l’avait arrêté quatre mois. Quand il a vu abîmé comme il était… Mais quand t’es artisan, tu peux pas être arrêté quatre mois parce que nous, à ce moment-là, on n̕avait pas pris d’assurance qui nous permette au moins d’avoir une couverture qui fait que… […] Mais c’est vrai que… déjà de pas avoir attendu quatre mois, c’était mieux que rien, d’être reparti tout de suite, même si c’était physiquement difficile pour lui, c’était bien, parce que sinon pendant quatre mois, il y aurait eu zéro rentrée d’argent […] Ça va vite. Si y arrive une broutille, si y arrive quelque chose à celui qui fait de ses propres mains, c’est la catastrophe (Iris, 41 ans, salariée [secrétaire] dans l’entreprise de son mari [façadier], Doubs).
16Ainsi, dans les situations que nous avons évoquées, les conditions de travail peuvent être cause de rupture. Les entrepreneurs sont à la recherche d’un équilibre. Entre efficacité au travail et préservation de la vie de famille, entre rentabilité de la journée et préservation de la santé, entre besoin ponctuel d’un coup de main et exploitation excessive des proches, chaque entreprise semble chercher sa formule. Mais quand survient la rupture, c’est bien souvent tout ce fragile équilibre qui se trouve menacé. Si, comme nous venons de le voir, le travail peut être source de rupture, c’est aussi la rupture familiale qui affecte et menace l’entreprise ou celles et ceux qui en dépendent.
II. L’impact des ruptures de trajectoire
17Lorsqu’au sein d’une très petite entreprise familiale, des individus sont confrontés à une rupture de trajectoire familiale (décès, divorce, accident, maladie…), les conséquences pour l’entreprise sont de trois ordres : soit elle ne subit aucune conséquence directe de cette rupture, soit elle en est directement menacée sur le plan économique (risque de fermeture), soit elle est amenée à se réorganiser pour faire face à cet événement.
18Comme le montre ce tableau, les ruptures de trajectoires familiales peuvent avoir des conséquences pour l’entreprise. Il convient d’indiquer que cette classification des conséquences des ruptures en deux ensembles masque une grande variété de degrés : des faillites brutales aux difficultés économiques, parfois passagères. De même, la catégorie « Reconfiguration, réorganisation du travail » regroupe des personnes qui ont embauché du personnel et adapté leurs horaires, alors que d’autres ont repris sans aucune compensation financière le rôle d’un tiers.
19Les conséquences des ruptures, lorsqu’elles sont déclinées en fonction du statut des personnes diffèrent peu de celles qui affectent l’entreprise. L’impact économique demeure le plus fort, puisque les ruptures ont généralement pour effet d’immobiliser (accident, maladie) ou de faire partir (séparation) une personne ; ce qui implique parfois le recours à l’embauche. La réorganisation du travail – et notamment l’augmentation de la charge de travail des personnes qui œuvrent au sein de l’entreprise – est une réponse fréquemment apportée aux ruptures. C’est généralement le chef d’entreprise qui « héritera » de cette surcharge de travail, en principe passagère.
Pis, là, ben faut remettre les bouchées doubles, le travail qu’on faisait à deux ben, vous le refaites tout seul. […] Là, c’est une période un peu compliquée pour moi. Avec la séparation… elle, elle s’occupait plutôt de la partie administrative, pffff ! Moi, j’ai horreur de ça et là faut vous y coller quand même, la paperasse, les paiements, l’horreur quoi [rire]. […] Et puis après, y a la gestion des enfants. Nous, on a fait une garde alternée, on les a une semaine sur deux, et là c’est assez rock’n̕roll, avec deux enfants, un restaurant, pffff ! Vous êtes papa, maman, lingère à la maison, femme de ménage… Bon, avec l’aîné, ça va, mais avec la plus petite… ben, ouais, faut parfois vite courir à l’école, la ramener, l’emmener à l’anniversaire-là… Bon, les enfants s’adaptent aussi à notre vie et je crois qu’ils sont assez heureux dans leur vie […]. Mais après, en tant que parent souvent on est pris de remords aussi, on se dit : « Putain, je leur offre quand même une vie… » c’est assez speed pour eux ! (Jim, 40 ans, restaurateur, Neuchâtel).
20Comme l’exprime Jim, une rupture familiale (ici un divorce) affecte tant l’organisation et la gestion des tâches productives, que celle des tâches reproductives. Dans les petites entreprises familiales, en particulier dans celles qui se rapprochent du type « patrimonial familial », le partage des tâches suit un schéma classique : la femme dans la sphère domestique et l’homme dans la sphère productive. Pour Jim, la rupture familiale implique donc la prise en charge des tâches qu’il avait l’habitude de déléguer à sa conjointe (administration, ménage, éducation des enfants). Ne pouvant pas faire face à la situation, du fait de ses obligations professionnelles, Jim a recours à l’embauche pour le service en salle et à des tiers pour l’aider à la maison. Mais il ne peut déléguer certaines tâches productives (notamment une partie du travail administratif) et reproductives (éducation des enfants). Pour sa conjointe, les conséquences de la rupture sont également importantes, puisqu’elle quitte une situation professionnelle stable pour ouvrir un établissement, avec tous les risques et les incertitudes que cela implique5, tout en continuant de son côté d’assumer son rôle de mère et de conjointe dans son nouveau foyer.
21Il demeure difficile de distinguer clairement les conséquences économiques pour l’entreprise et les conséquences socioéconomiques pour les personnes, du fait de leur imbrication. Suite à son divorce, Hélène, thérapeute indépendante, a éprouvé des difficultés économiques en lien avec les perturbations professionnelles qu’occasionne un sentiment d’échec personnel :
Oui, totalement, j’arrivais juste plus à faire de la publicité et quand on fait plus de publicité, ben… y a plus de clients […]. Parce que j’arrivais pas à dire aux gens ben, je suis super, venez vers moi, je vais vous aider. Ouais, c’est une implication psychologique qu’avait une implication économique aussi. […] Je ne fabrique pas des choses, moi, je travaille avec les gens donc j’ai besoin d’être bien, d’être au mieux de ce que je peux être pour les aider, pour les faire avancer, pour leur dire venez chez moi quoi ! (Hélène, 65 ans, thérapeute, Neuchâtel).
22Mais les situations que nous avons rencontrées dépendent – notamment pour les entreprises individuelles – de l’antériorité de l’union sur la création de l’entreprise. Martin (45 ans, ébéniste, canton de Neuchâtel) a créé son entreprise (raison individuelle) à l’âge de 23 ans. À l’époque il n’était pas marié et n’avait pas d’enfants. Puisqu’il a commencé son activité avant son mariage, l’entreprise ne fait pas partie des acquêts. Son divorce (il y a cinq ans) ne mène pas au partage de la valeur de son entreprise qui sera donc préservée. Son ex-conjointe a retrouvé un travail de secrétariat après leur divorce et il n’a alors pas de pension alimentaire à verser pour leur enfant. Il en est tout autrement pour Raphaël (56 ans, architecte, Vaud) qui, suite au décès accidentel de son patron, a repris une entreprise à 43 ans, alors qu’il était marié et avait trois enfants. À la suite de son divorce, il y a six ans, il reverse la moitié des acquêts à son épouse, ce qui ébranle la situation économique de l’entreprise. Les conséquences des ruptures (notamment les divorces) varient donc selon plusieurs paramètres : le moment de l’union (avant ou après la création/reprise), le type d’entreprise (entreprise individuelle ou société) et le régime matrimonial (régime ordinaire/participation aux acquêts ou séparation de biens)6.
Oui, [le divorce a eu] un coût énorme ! Moi, j’ai pu sauvegarder l’entreprise, parce qu’on venait juste de la créer, c’était juste trois mois après sa création et mon ancienne épouse a pu juste exiger les parts sociales qu’on met dans l’entreprise, pour une SARL, la moitié de ma part. C’est tout ! Tout le reste a pu être protégé. J’ai eu de la chance. […] Comme c’est une SARL et que son nom n’apparaissait pas dans le cadre de l’entreprise. Si ça avait été une entreprise individuelle, là, on était mal, on était mal, mal, mal ! (Tiago, 53 ans, entreprise forestière, Neuchâtel).
23En estimant avoir « eu de la chance », Tiago évoque les risques économiques des ruptures pour les entreprises individuelles créées après le mariage. Pourtant, le fait que l’ex-conjointe exige l’obtention de la part de l’entreprise qui lui revient légalement n’est pas systématique, car l’épouse peut prendre en compte la fragilité économique de l’entreprise pour définir ses exigences. Angélique (53 ans, femme d’agriculteur dans le canton de Vaud) a été mariée une première fois avec un indépendant (entreprise de ramonage). Après son divorce, elle exigea sa part et l’obtint, ce qui lui donna une assise financière confortable sans – selon elle – fragiliser une petite entreprise à l’époque en plein essor. Il en est tout autrement pour Marie-Claude (53 ans, demandeuse d’emploi, Doubs) qui a quitté son mari artisan-peintre il y a onze ans. À l’époque, l’entreprise familiale était fragile et Marie-Claude assurait gracieusement une partie importante du travail administratif en parallèle à son activité salariée et à sa gestion quotidienne des tâches domestiques. Elle se trouva alors face à un choix cornélien et choisit de se priver de ressources financières qui lui manquent aujourd’hui encore pour ne pas mettre en danger une entreprise qui représente à ses yeux le capital économique de ses enfants.
Donc, j’ai officiellement autant de billes que lui dans l’affaire, sauf qu’au moment du divorce, si je lui prends la moitié de l’entreprise comme il se devrait, ben, il a plus d’outils de travail quoi. Donc je suis repartie avec zéro. […] Et l’avocate vous branche bien pour remettre de l’huile sur le feu et… demander une prestation compensatoire et… Mais, c’est pas dans ma nature. […] Les avocats nous disent que tout ce temps non salarié, il s’évalue, et ça se compense par une prime, un genre de bouquet final que mon mari m’aurait dû. En admettant… […] Ça aurait pu, mais les relations n̕auraient pas été bien maintenant. […] L’argent qui a servi à créer l’entreprise c’est autant le sien que le mien. […] Non, pour l’instant [cet argent] ne m’est jamais rien revenu. Mais parce que j’ai aussi dit à l’avocate… Mais j’aurais pu demander la moitié de la valeur de l’entreprise, mais dans ce cas, on… on aurait pu prendre le dernier bilan, dire : « Aujourd’hui l’entreprise vaut 50 000 euros et ben vous en avez 25 000 et votre mari garde ses 25 000 ». Mais je savais bien que si je lui demandais ça, ben… ça lui coulait son entreprise sur le moment ou alors il aurait fallu différer le payement et pis, vraiment le retenir sur sa part de maison pour pas qu’il y ait un trou dans son entreprise (Marie-Claude, 53 ans, demandeuse d’emploi, Doubs).
24Les efforts investis par le couple durant plusieurs années participent ainsi d’un attachement à l’entreprise familiale et à son avenir. Marie-Claude l’exprime avec force quand elle évoque sa « nature ». Elle nous incite à considérer que les efforts qu’elle a investis, même s’ils peuvent apparaître de l’extérieur comme particulièrement inéquitables, constituent pour elle une démarche « naturelle » liée à des valeurs qu’elle souhaite défendre :
Mais parce qu’y a une autre âme dans les entreprises familiales. On sait très bien que ce qu’on a mis comme… c’est comme si actuellement je disais à mon mari : « On se sépare, mais toutes ces années, je t’ai fait à manger, je me suis occupé de ton linge, t’as jamais mis les mains dans l’éducation des enfants, les emmener au sport, les emmener chez médecins, de les baigner… Et ben ça se paye ». Vous imaginez ? Comment on fait ? Ben, on va me dire : « Mais Madame, vous avez vécu avec un goujat, c’est votre problème [rire]. Venez pas réclamer maintenant ! » Cet investissement c’est un don. […] Je pense que dans ma génération, on a été habituée à donner sans retour. Que peut-être maintenant, ça se ferait plus. Actuellement, si je me remettais en ménage avec quelqu’un qui a une entreprise, je n̕agirais plus comme ça. Je poserais les bases autrement (Marie-Claude, 53 ans, demandeuse d’emploi, Doubs).
25Les ruptures de trajectoire familiale affectent donc tout autant l’entreprise que les personnes qui y travaillent. Au sein de notre corpus, en cas de ruptures de trajectoire familiale, les entreprises contractuelles (managériales ou patrimoniales) sont moins directement touchées sur le plan économique (nécessité de recourir à l’embauche), alors que les entreprises familiales (managériales ou patrimoniales) tentent plutôt de faire face à l’événement en augmentant les charges de travail des personnes en présence. En effet, les entreprises contractuelles ont généralement fait le choix d’une organisation rationalisée et statutaire du travail (salariat, horaires…) : le départ – volontaire ou accidentel – d’une personne implique donc un remplacement statutaire. Inversement, les entreprises familiales misent plutôt sur la participation active et en partie gracieuse des membres de la famille. Le départ d’une personne effectuant des tâches bénévoles représente donc un coût que l’entrepreneur cherche à compenser en augmentant sa part de travail pour ne pas alourdir les charges salariales qui pèsent sur l’entreprise ; ce qui dans certains cas peut se répercuter sur sa santé et engendrer de nouvelles ruptures (cercle vicieux).
III. Le manque de prévention : une tendance récurrente
26Les entrepreneurs de l’Arc jurassien ont-ils conscience des conséquences possibles d’une rupture familiale sur leur entreprise, sur eux-mêmes ou sur leurs proches ? Si les personnes qui l’ont déjà vécu sont bien évidemment capables de dire, comme Marie-Claude « [aujourd’hui], je n’agirais plus comme ça », la majorité de nos interlocuteurs n’anticipaient pas d’éventuelles ruptures. À plusieurs reprises, les entrepreneurs ou leur conjointe semblaient préférer éviter ce type de question et s’en remettre à leur « bonne étoile ». Les réponses comme « on croise les doigts », « il ne faudrait mieux pas que ça nous arrive », « on essaye de ne pas y penser » furent fréquentes. Se protéger et protéger son entreprise, en articulant modèles juridiques et système assurantiel, n’apparaît pas dans ce corpus comme étant l’attitude la plus répandue.
De toute façon, si y en a un qui se casse la gueule, euh… soit… je sais pas, je revends la maison, y a… j’en sais rien… on verrait… je sais pas. Ou alors, il faudrait que notre fils nous rachète la totalité des parts. Ça se passera à un moment donné, sûrement. Mais bon… de toute façon pour l’instant, sans les deux salaires, je ne fais pas face, impossible. Déjà que je trouve que la vie devient super-chère (Bernadette, 54 ans, agricultrice et assistante maternelle à domicile, Doubs).
27Bernadette n’a aucune idée de ce qui se passerait si son mari venait à se blesser. Elle compte sur le soutien de son fils et de sa belle-fille qui se sont récemment installés à la ferme (le fils et son père sont en GAEC), même si elle est consciente que les jeunes mariés n’ont pas eux-mêmes une solide assise financière pour faire face à ce type d’événement. Néanmoins, on perçoit bien dans ces discours à quel point, dans certaines configurations, la prévention repose d’abord sur des logiques de solidarité familiale. Félicia (58 ans, Vaud), par exemple, qui a travaillé pendant de nombreuses années dans la boulangerie de son frère, nous avoue qu’elle assurait secrètement son frère pour l’aider à anticiper d’éventuels incidents et ne pas mettre en péril la boulangerie familiale.
J’ai même fait deux assurances-vie que je payais moi, à son nom pour s’il m’arrivait quelque chose, afin que [mon frère] puisse payer quelqu’un, si moi je pouvais plus bosser.
28Ainsi, lorsque nous abordions avec nos interlocuteurs les questions de protection sociale (assurance perte de gain, assurance invalidité…), quelques-uns comme Alexandre (60 ans, restaurateur, Jura suisse) nous sourient et nous rappellent à quel point le prix de ces assurances est une charge trop lourde pour des très petites entreprises comme les leurs.
On a fait vraiment toutes les assurances qu’il faut, on aurait les moyens, je crois, avec l’assurance d’engager quelqu’un pour faire le travail pratique […]. Bon, c’est vrai que c’est des assurances qui coûtent cher, y en a beaucoup qui les prennent pas, comme les tout petits artisans (Clotilde, 35 ans, salariée dans la fromagerie de son mari, Neuchâtel).
29Pour certains entrepreneurs, comme Isacco (entrepreneur forestier), s’assurer est une obligation légale. Pour d’autres, comme Raphaël (architecte), la quasi-absence de risque lié à l’activité justifie pour lui l’absence de protection sociale. L’inutilité d’une assurance est également avancée par ceux dont l’entreprise est une activité complémentaire à une activité principale, comme Régis (61 ans) qui complète son travail d’informaticien avec son entreprise de marchand de vin dans le canton de Vaud. Il en est de même pour celles, comme Morgane (esthéticienne), Violette (onglerie) ou Lucie (masseuse-thérapeute), qui développent une activité qu’elles considèrent comme accessoire pour les revenus du foyer.
30Prendre une assurance, quelle qu’elle soit, constitue toujours une charge supplémentaire pour l’entreprise. Les entrepreneurs sont donc nombreux à ne pas avoir recours aux assurances sociales pour des raisons de coûts, aggravant ainsi les conséquences possibles d’éventuelles ruptures. C’est le cas de Céline (60 ans, illustratrice) qui dépend totalement de son mari en cas d’incident ou de Marianne et Hugo.
Moi, pour l’instant, je suis pas protégée. […] J’ai rien si ce n̕est mon mari [rire] et pis, quelques petites économies. Mais c’est tout ! Mon mari, lui, en revanche a une assurance perte de gain minimale qui lui permet de… de couvrir les frais essentiels (Marianne, 45 ans, conseil management, Vaud).
Parfois, on y pense et quand on discute avec des gens, normaux, ils disent : « Ah, mais t’as un deuxième pilier7, un troisième pilier8, t’as ci, t’as ça ? Tes assurances ? ». Mais moi, j’ai rien de ça, notre assurance, tout… en cas de pépin, ça peut être la galère ! (Hugo, 55 ans, artisan d’art, Vaud).
31La prise de risque semble donc assumée, principalement par manque de marge de manœuvre économique. Souvent, pour nos interlocuteurs, il s’agit d’une situation considérée comme provisoire. Plusieurs d’entre eux insistent sur leur recherche actuelle de solution. Mais le manque d’intérêt pour le recours aux protections juridiques et assurantielles est également l’objet d’un autre registre de justifications : ils insistent sur l’endurance physique des artisans et sur leur prétendue capacité à faire face aux atteintes à la santé pour le bien-être de leur entreprise. S’opposant à l’univers des salariés, jugé prompt à user des arrêts maladie dès que possible, les entrepreneurs indépendants aiment à rappeler que leurs marges de manœuvre sont fort réduites et que leur détermination au travail, quel que soit leur état de santé, est autant une nécessité économique qu’une valeur dont bien d’autres devraient s’inspirer…
J’avais pas pris assez de marge quoi, pour des raisons de prix d’une part et pis d’autre part, quand vous êtes indépendant, c’est différent quoi, vous êtes malade, ben, vous allez au boulot quoi (Jules, 68 ans, architecte, Jura suisse).
32Ainsi, entre contraintes économiques et logiques de solidarité, le faible recours aux outils de protection sociale est récurrent. Mais cette tendance n’est pas homogène au sein de notre corpus. Elle concerne plus fréquemment deux types de situations : les entreprises familiales (dirigées par des hommes) qui mobilisent de la main-d’œuvre familiale non rémunérée et les petites entreprises de services, dirigées par des femmes, qui ne génèrent qu’un faible revenu complémentaire. Dans ces deux configurations, lorsque survient la rupture, la surcharge de travail se reporte sur le chef d’entreprise et ses collaborateurs (s’il en a), puisqu’aucun moyen financier ne peut compenser la perte de gain ou assurer le remplacement de la main-d’œuvre9.
IV. Les types d’entreprises face aux ruptures
33Pour chacune des huit variables retenues dans notre recherche10, nous avons cherché à saisir quels étaient les risques potentiels pour l’entreprise et pour les personnes en cas de rupture. Le choix d’une forme sociétaire (de type SARL) ou celui d’avoir recours à un contrat de mariage en séparation de biens permettent de mieux distinguer les biens privés et professionnels. Ces éléments présentent un intérêt tant pour l’entreprise que pour les individus en cas de rupture. Le recours à un statut officiel pour toutes les personnes qui travaillent au sein de l’entreprise leur garantit une protection sociale, alors que la participation des membres de la famille – avec ou sans statut – représente un intérêt pour l’entreprise (flexibilité, moindre coût). Dans le tableau suivant, chaque variable est associée à ses atouts et ses risques, pour les entreprises et/ou pour les personnes. Ces variables permettent ainsi de relier la typologie établie au chapitre 4 avec la notion de risque (en rouge dans les figures 18 et 19) au sein des très petites entreprises familiales de l’Arc jurassien.
34Les entreprises managériales familiales et contractuelles ne bénéficient pas des avantages liés à l’héritage (dimensions 1, 6 et 7). Elles sont plus touchées en cas de rupture, car elles se trouvent dans une situation économique plus fragile (investissements importants, difficulté d’accès à un capital social professionnel).
35Les entreprises managériales familiales et patrimoniales familiales font reposer leur économie sur l’entraide familiale (absence de statut pour tous, bénévolat, confusion des espaces-temps, économie familiale reposant exclusivement sur l’entreprise). Elles sont donc également touchées en cas de ruptures, car le coût du remplacement de la main-d’œuvre familiale menace leur économie et les oblige à trouver des solutions en interne (Reysoo, 2015).
36Ainsi, les quatre modèles idéaltypiques que nous avons élaborés ne sont pas égaux face aux ruptures. Les entreprises se rapprochant du modèle managérial familial et les personnes qui s’y investissent sont – au regard de ces huit dimensions – les plus exposées aux conséquences des ruptures de trajectoire familiale. Inversement, le modèle patrimonial contractuel est en principe le plus robuste pour affronter avec un certain succès ces événements biographiques.
37Les risques pour l’entreprise et les risques pour les personnes qui s’y investissent ne sont donc pas les mêmes selon le type d’entreprise considéré. Si l’entreprise patrimoniale constitue bien un avantage sur le plan économique par rapport au modèle managérial, l’entreprise contractuelle présente de toute évidence une meilleure protection pour ses membres par rapport au modèle familial. Selon leur modèle, les entreprises n’ont donc pas la même capacité à faire face aux événements. Préserver la situation économique de l’entreprise et protéger socialement les individus qui y travaillent ne constituent pas toujours deux dimensions aisément compatibles. Bien souvent, l’entrepreneur doit faire des choix et accepter certains risques – pour lui, pour son entreprise ou pour ses proches – afin d’assurer la solidité financière de son entreprise ou la sécurité sociale des personnes qui l’entourent. Mais ces décisions (organisation du travail, répartition des tâches, choix des statuts…) ne sont pas toujours prises en connaissance de cause. Bien souvent, l’organisation du travail et de la vie de famille repose sur le modèle adopté par les parents ou s’élabore par tâtonnement, sans qu’une véritable réflexion sur leurs enjeux ne soit menée.
Notes de bas de page
1 Voir le chapitre 3-V « Le foyer et l’entreprise : partage des espaces et des temps ».
2 Dans l’agriculture en Suisse par exemple, la transmission de la ferme à l’un des enfants se fait légalement selon la valeur de rendement, valeur calculée selon des normes officielles, et qui équivaut à la moitié, voire un tiers, de la valeur vénale (Droz et Miéville-Ott, 2001, p. 42-58).
3 Dans notre corpus aucune femme n’a hérité…
4 Sur le burn-out en France, voir l’étude de Technologia (2014) qui souligne que les agriculteurs comme les artisans et les cadres ou les professions intellectuelles constituent des populations à risque.
5 L’épouse de Jim a ouvert un établissement avec son nouveau conjoint (associée), mais après deux années, l’établissement ferma ses portes pour des raisons économiques.
6 Voir le chapitre 6 « Solidarité de couple et normes de genre ».
7 Prévoyance professionnelle suisse obligatoire pour les salariés.
8 Prévoyance professionnelle suisse libre (épargne).
9 Voir Droz, Miéville-Ott, Jacques-Jouvenot et al., 2014, p. 159-161 pour une comparaison des systèmes d’assurances sociales en agriculture suisse et française et leurs conséquences.
10 Voir le chapitre 4-ii « Typologie des entreprises ».
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