3. Famille, travail et entreprise : donner un visage aux TPE
p. 27-53
Texte intégral
1La présentation de la région permet de contextualiser les TPE. Nous avons ainsi pu rencontrer 102 entrepreneurs de l’Arc jurassien. Il convenait que les différents corps de métiers soient tous représentés, que les femmes cheffes d’entreprises soient suffisamment présentes dans le corpus, que les départements et cantons soient tous étudiés, etc. Notre démarche a consisté à élaborer progressivement un corpus en y intégrant la plus grande variété possible de situations1.
2Les entretiens – conduits avec ces entrepreneurs ou leurs proches – portaient sur différents aspects de l’entreprise (histoire, situation économique, organisation du travail…) et donnaient une large place au rôle joué par les membres de la famille2. C’est à partir du traitement de ces données qualitatives que nous avons pu comprendre les dynamiques microsociologiques des causes des ruptures familiales et leur incidence sur la pérennité des TPE.
I. Le « choix » de l’indépendance
3Rencontrer des petits entrepreneurs, dans l’Arc jurassien ou ailleurs, c’est d’abord croiser des hommes et des femmes qui ont fait le « choix » de l’indépendance, comme ils le soulignent à loisir. Quand ils reviennent sur les aspects positifs de leur existence, beaucoup évoquent la liberté d’être « son propre patron », ce sentiment de conduire soi-même l’entreprise et de trouver du sens à son métier. Les parcours sont bien évidemment divers, mais cet attachement à la liberté d’organisation et à la flexibilité du travail est fréquent, en particulier chez ceux qui ont créé leur propre entreprise après avoir été salariés un certain nombre d’années.
[…] le fait que j’y tourne en rond [dans mon travail], je peux rien faire et pis que j’ai pas d’avenir là-dedans, je me suis dit : « Nan, je veux me créer un bel avenir, être maître de mes activités ». Et là, je me suis dit que je ferais trois ou quatre ans dans la commune, enfin le maximum pour que ça soit intéressant et quand j’ai vu que ça commençait à stagner, je me suis dit : « Dans un an maximum, t’es loin ! » (Patrick, 41 ans, paysagiste, Vaud).
4Les raisons pour lesquelles les unes et les autres sont aujourd’hui de petits entrepreneurs indépendants sont fort diverses. Bien souvent, ils retracent dans leur récit une suite de circonstances ayant à un moment où à un autre joué un rôle. Celles et ceux qui ont hérité d’une petite entreprise familiale ont d’abord et avant tout hérité d’un rôle, d’une place (Gollac, 2008 ; Jacques-Jouvenot et Vieille Marchiset, 2012 ; Zarca, 1993). Les notions de choix et de bifurcation sont donc peu présentes dans leurs récits. Pourtant, même les héritiers sont attachés à démontrer que tout n’était pas planifié, qu’ils ont pu à une certaine période de leur vie rêver de toute autre chose, avant que le « virus » familial ne reprenne le dessus :
Non, j’ai eu une période d’adolescent rebelle… c’était ma hantise. C’est pour ça que j’ai fait tout ce que je pouvais pour m’éloigner au maximum et à force de mûrir et de me remettre en question, je me suis dit : plutôt que de faire l’autruche, t’as quand même une boîte familiale, qu’a un potentiel, c’est dommage de s’arrêter là ! […] Ben au fur et à mesure qu’on voit comment ça change, comment quand on devient adulte, je suis devenu adulte très tard moi, en 2001 j’avais 24 ans, je suis de 78, donc 23 ans, et du coup c’est là que j’ai commencé à comprendre… d’accepter aussi qu’on travaille, qu’on fait partie d’une société, qu’il y a pas de honte à être boulanger et pis de travailler la nuit pour offrir du pain frais aux citoyens le matin quoi (Nicolas, 36 ans, imprimeur, Neuchâtel).
5Lorsqu’ils décrivent leur vie d’indépendant, lorsqu’ils évoquent les avantages et les inconvénients de ce mode de vie, ce sont les mêmes thématiques qui surgissent. Ce qui constitue une source de plaisir et de satisfaction peut devenir, sous un autre angle, facteur d’angoisse et de fatigue. L’indépendance est donc tout autant décrite comme un choix assumé que comme une nécessité en partie contrainte. Ainsi, au cours des entretiens, la question économique était tantôt évoquée comme un atout (décider seul des investissements nécessaires), tantôt comme une contrainte (trésorerie fragile face aux imprévus, pression des banques). La flexibilité du travail, permettant à l’entrepreneur de dégager du temps à tout moment pour ses besoins personnels, allait bien souvent de pair avec le sentiment d’une activité chronophage, bien supérieure à celle d’un salarié. De même, l’insistance sur le bien-fondé de la solidarité familiale au sein de l’entreprise avait son corollaire : les situations de dépendance de celles et ceux qui s’investissent sans statut et le poids de la dette contractée par ceux qui bénéficient de ce soutien. Ainsi, la fierté d’être celui qui poursuit l’aventure familiale se conjuguait avec une pression à la réussite et une responsabilité parfois pesante à l’égard de ses ascendants et de ses descendants.
6Dans plus de 50 % des situations rencontrées, l’entreprise constitue la seule ressource du ménage. L’entrepreneur mobilise alors régulièrement les membres de sa famille (avec ou sans statut dans l’entreprise) pour effectuer diverses tâches : administration, secrétariat, approvisionnement, ménage, etc. Dans d’autres configurations, l’entrepreneur s’implique seul (28 TPE dans notre corpus, dont 19 en France et 9 en Suisse) : ses parents, ses enfants, ses frères et sœurs ou sa conjointe ayant leur propre activité professionnelle. On passe donc de situations où toute l’économie familiale repose sur l’entreprise à celles où des revenus complémentaires (parfois supérieurs à ceux de l’entreprise) assurent équilibre et sécurité à la cellule familiale.
7Comme le soulignent ces deux graphiques, il convient de distinguer dans notre corpus quatre catégories d’entreprise : celles qui génèrent des revenus qui ne contribuent que très faiblement aux revenus du foyer ; les situations d’équilibre économique, quand les revenus de l’entreprise constituent une part importante de l’économie familiale, mais sont complétés par d’autres revenus extérieurs ; les situations de contribution importante, où les revenus de l’entreprise constituent une part substantielle de l’économie familiale ; les situations où l’entreprise constitue la seule ressource du foyer3. La comparaison entre les deux contextes nationaux met ici en évidence une plus grande dépendance totale des foyers à l’égard de l’entreprise en Suisse et, inversement, un nombre plus fréquent en France de situations d’équilibre économique, c’est-à-dire l’existence d’un salaire complémentaire du conjoint – plus fréquemment de la conjointe – plus ou moins équivalent aux ressources générées par l’entreprise (14 % dans le corpus suisse contre 33 % dans le corpus français).
8Lorsque la contribution économique de l’entreprise est faible, cela concerne exclusivement des femmes cheffes d’entreprise qui ont développé de petits établissements de services dont les revenus sont considérés comme accessoires. Les « contributions équilibrées » regroupent plutôt les jeunes entrepreneurs. Ils présentent un discours dominant louant l’autoentrepreneur indépendant attaché à ce que sa conjointe ait sa propre indépendance professionnelle et dispose donc d’un revenu personnel assurant l’équilibre de l’économie familiale, protégeant du même coup le foyer des risques de faillite de l’entreprise. Dans les situations de « contribution importante », ce sont les conjointes qui prennent en charge certaines tâches (essentiellement administratives) au sein de l’entreprise familiale tout en conservant leur propre activité à temps partiel, assurant ainsi au foyer un revenu complémentaire. Enfin, dans les situations de « contribution totale », il existe une forte interdépendance entre l’entreprise et la famille, la fragilité de l’une ayant des répercussions systématiques sur l’autre.
9On ne peut donc pas mettre sur un pied d’égalité une petite entreprise de services à la personne dégageant un faible revenu complémentaire (sans avoir nécessité d’importants investissements) et une entreprise familiale coûteuse (bâtiments, machines…) sur laquelle repose toute l’économie d’un foyer. Pour nos interlocuteurs, peser les avantages et les inconvénients du statut d’entrepreneur indépendant est une opération délicate qui dépend du type d’entreprise. L’évaluation oscille entre risques et passion, entre investissements et sacrifices. Or, lorsque le souci de la stabilité économique de l’entreprise prédomine sur le bien-être du couple et que la passion de l’un n’est pas (plus) celle de l’autre, ce que l’un retire comme avantage doit être évalué à l’aune de ce que l’autre en éprouve comme contrainte.
Oui, c’était son rêve [à mon mari]. Moi c’était pas spécialement mon rêve, mais… je me suis dit que c’était un rêve qui pouvait se réaliser, je connaissais pas du tout [la restauration], euh… en fait pour moi c’était plus une expérience. […] C’est vrai qu’au départ c’était un challenge, j’avais peur de ne pas être à la hauteur. C’est vrai que la première semaine, au niveau service et tout, c’était plutôt mon mari qui était devant, qui me montrait comment faire. Si j’avais pu me mettre dans un trou de souris, je l’aurais fait. Je me sentais complètement incapable. […] C’est lourd ! Nous c’est vrai qu’on a connu des artisans qui après ont divorcé parce que ça allait plus. Y en a d’autres qui ont surmonté leurs problèmes, mais… Tout dépend déjà comment on est dans le couple (Sabine, 44 ans, ancienne tenancière d’un café-restaurant, Doubs).
10Les entrepreneurs et leurs proches tentent de trouver la configuration familiale la plus harmonieuse. Pourtant, créer ou reprendre une entreprise implique de nombreux choix parfois difficiles. Les décisions à prendre concernent le modèle juridique de l’entreprise (entreprise individuelle, SARL…), le statut des personnes impliquées dans l’entreprise, la gestion des espaces et des temps et la transmission (prévue ou anticipée) de l’entreprise. Dans chaque situation, les choix s’opèrent en fonction des pratiques héritées, des possibilités économiques, des compétences disponibles… et du degré d’attachement des uns et des autres à l’entreprise et à sa place dans l’histoire familiale. Faire le « choix » de l’indépendance implique donc, pour les personnes que nous avons rencontrées, de s’engager dans la recherche constante du bon équilibre, pour soi, pour les autres et pour l’entreprise.
II. Choisir son modèle juridique
11Les données statistiques de l’Observatoire statistique transfrontalier de l’Arc jurassien (OSTAJ) montrent qu’au sein des TPE du territoire, l’entreprise individuelle (ou raison individuelle) reste la forme juridique la plus courante. Sur l’ensemble de la Suisse, les entreprises individuelles (raison individuelle) représentent 60 % des entreprises, leur taux s’élevant à 90 % dans le secteur primaire. Sur ce même territoire, la proportion de SARL est nettement moins importante (seulement 14 % des entreprises helvétiques), mais augmente dans les secteurs d’activité qui concernent plus directement notre étude comme le commerce de détail (18 %) et la restauration (25 %). Si l’on se limite aux six secteurs d’activité retenus, on observe que les entreprises individuelles représentent 54 % des entreprises et que les SA et SARL représentent 36,5 % de l’ensemble4.
12Lorsqu’ils ont choisi la forme sociétaire (principalement SARL), les chefs d’entreprise insistent sur l’aspect juridique protecteur du statut. La SARL est la forme juridique conseillée par les organismes faîtiers lorsque l’établissement compte un ou plusieurs employés. Son fonctionnement est relativement simple : un gérant et un conseil des associés. Les associés ont l’obligation d’apporter un capital de départ, mais celui-ci est moins important que pour une société anonyme (SA), ce qui rend le modèle de la SARL attractif pour les petites entreprises. En outre, la dénomination de « responsabilité limitée » se réfère uniquement aux associés et non à la société en tant que telle. Cela signifie que la responsabilité personnelle de chaque associé ne peut pas être engagée. En choisissant ce modèle, l’entrepreneur sépare donc ses biens personnels du capital de son entreprise.
[Pourquoi une SARL ?] Alors tout bêtement, on sait pas si c’est vraiment juste, mais… pour dissocier les biens matériels privés de l’entreprise. La maison, le terrain, toutes les valeurs qu’on a ici, si tout d’un coup je fais faillite ou si j’ai une casse physique, que je peux plus travailler ou n̕’importe quoi, ben la maison ne part pas quoi. […] Non, si tu fais une raison individuelle, tu engages tous tes biens. […] Pour créer une SARL, c’est plus cher, tu dois avoir un capital en cash, tu dois poser 20000 CHF qui sont mis sur un compte de consignation juste le temps de la création de la société et après cet argent est libéré et tu peux l’utiliser (Patrick, 41 ans, paysagiste, Vaud).
13Toutes les TPE suisses de notre corpus qui ne comptent aucun salarié, sont des entreprises individuelles. Ce n’est pas le cas pour la partie française du corpus puisque sur les 32 entreprises françaises sans salariés, 17 ont opté pour une forme sociétaire. Notons néanmoins que sur ces 17 entreprises, 6 sont des GAEC5 agricoles – forme inexistante en Suisse6 – et 8 sont des EURL ou EIRL7, soit des formes sociétaires n’exigeant pas l’implication de plusieurs associés. La différence entre le corpus suisse et le corpus français peut donc s’expliquer par l’absence de ces formes juridiques dans le droit suisse qui, contrairement au droit français, permet à une personne seule de créer une SARL (alors qu’il faut être au minimum deux associés dans le droit français).
14Si les entreprises sans salariés sont généralement des entreprises individuelles, les entreprises individuelles de notre corpus ne sont pas nécessairement des entreprises sans salariés. Le choix de la forme juridique n’est pas uniquement lié à la taille de l’entreprise, d’autant plus que cette dernière est susceptible d’évoluer. La forme juridique dépend souvent du mode d’acquisition de l’entreprise. Ceux qui héritent jeunes d’une entreprise familiale ont tendance à conserver le statut d’entreprise individuelle. Inversement, ceux qui créent, après une période d’activité salariée, leur propre entreprise privilégient la forme sociétaire ou le statut d’autoentrepreneur. L’âge de la personne au moment de la création ou de la reprise de l’entreprise représente une dimension importante. Mais le sexe de l’entrepreneur est également à prendre en considération. En effet, 60 % des entreprises individuelles de notre corpus sont dirigées par des hommes8. Leurs épouses s’y investissent gratuitement ou ont une activité en dehors de l’entreprise familiale. On retrouve ce type de configuration dans les commerces de proximité, les cafés-restaurants ou l’agriculture. Notre corpus ne permet pourtant pas de généraliser ce point, mais nous avançons l’hypothèse que si une entreprise n’est pas organisée autour d’un couple « classique » (homme chef d’entreprise et femme main-d’œuvre non rémunérée) – si par exemple ce sont deux frères qui s’associent – les formes juridiques sociétaires sont nettement plus présentes.
15Le choix d’un modèle juridique (entreprise individuelle vs SARL) est ainsi lié à la volonté de séparer le capital professionnel des biens privés, pour protéger la famille des conséquences d’une éventuelle faillite, mais aussi pour protéger l’entreprise des conséquences d’une éventuelle séparation. La nature de l’union des conjoints entre également en considération. La France et la Suisse connaissent des régimes matrimoniaux relativement semblables. Quel que soit le pays, on distingue l’union libre, le pacte civil de solidarité (PACS)/partenariat enregistré et le mariage civil. Si l’union libre n’est qu’une situation de fait, le PACS/partenariat enregistré et le mariage ont une valeur juridique. Dans ces deux cas, les conjoints se doivent assistance mutuelle, aide matérielle et doivent faire vie commune9.
16Néanmoins, en France, dans le cadre d’un PACS, si le logement est propriété de l’un des conjoints, celui-ci peut en disposer comme bon lui semble sans devoir en référer à son conjoint. Si le PACS demeure administrativement plus simple – à mettre en place comme à rompre –, en cas de séparation les conjoints sont moins protégés que dans le cadre d’un mariage : les « pacsés » ne peuvent pas demander de pension alimentaire ou de prestation compensatoire. De plus, le partenaire survivant ne bénéficie d’aucun droit en cas de décès (sauf si cela a été prévu par testament).
17Lorsque l’un des deux conjoints est responsable d’une petite entreprise, si les conjoints sont mariés sous le régime ordinaire, l’entrepreneur engage donc ses biens propres, mais également les biens de la communauté et le salaire de son conjoint (en dehors des biens propres acquis avant le mariage). Ainsi, en cas de faillite, tous les biens propres du couple sont concernés et si des biens immobiliers communs ont été hypothéqués, ils peuvent être saisis. En cas de divorce, si l’entreprise a été créée ou acquise durant le mariage, le conjoint non exploitant a droit à la moitié de sa valeur. Mais si l’entreprise a été créée ou acquise avant le mariage ou pendant le mariage avec les biens propres du conjoint exploitant, son conjoint ne peut prétendre à obtenir une compensation.
18Si, en termes de responsabilité juridique, la forme juridique de l’entreprise et le régime matrimonial sont liés, force est de constater que ce lien n’est que rarement pris en compte par les entrepreneurs. S’ils prennent vite conscience des risques d’une faillite de l’entreprise pour leur famille, peu d’entre eux semblent envisager les risques pour l’entreprise d’une rupture au sein du couple, ce qui est en lien étroit avec la signification culturelle du couple et de l’amour conjugal10. Le régime matrimonial est généralement un choix par défaut (régime ordinaire). Comme on peut l’imaginer, les conjoints n’envisagent guère le risque de la rupture au moment de l’union. Un juriste nous précisait que le fait de mentionner lors d’une cérémonie qu’un contrat de mariage a été établi crée d’emblée un malaise au sein de l’assemblée, comme si le fait d’organiser juridiquement les règles de l’union et de la désunion était incompatible avec la conviction et la confiance supposées caractériser la relation amoureuse.
III. Acquisition et transmission de l’entreprise
19En Suisse, 51000 entreprises de moins de 10 salariés (soit 18 % des entreprises de moins de 10 salariés) devraient être concernées d’ici cinq ans par un transfert de propriété (Crédit Suisse Global Research, 2013, p. 20). Cette réalité pèse lourd aujourd’hui sur les stratégies des entrepreneurs. Sommes-nous face à une crise de la transmission ? La problématique de la « bonne » reprise est en tout cas un enjeu de taille :
La famille joue souvent un rôle extrêmement important de pourvoyeur de ressources financières lors de la fondation d’une entreprise. Elle occupe de nouveau une place centrale lors de la succession d’entreprise. Mais la transmission d’entreprise au sein de la famille recèle un fort potentiel de risques et de conflits : disputes concernant la répartition des pouvoirs, peur de perte de pouvoir, inadéquation des successeurs, inertie grandissante et désaccords sur l’orientation stratégique. Ainsi, il n̕est pas rare que la famille coure le risque d’échouer voire d’éclater avec l’entreprise lors de la succession. Une planification successorale systématique s’impose donc en amont (Crédit Suisse Global Research, 2013, p. 26).
20Les organismes faîtiers que nous avons rencontrés ont très largement manifesté ce souci d’accompagner cédant et repreneur.
Sur le marché de la transmission en Suisse, une entreprise sur quatre est à transmettre (soit environ 10000 entreprises par an). Les cinq premières années, une entreprise créée a seulement 50 % de chance de durer, mais en cas de reprise d’une entreprise, il y a 95-96 % de survie. Il y a donc un marché énorme. 30 % des PME disparaissent faute d’avoir trouvé une solution satisfaisante à la question de la transmission (Eugénie, Centre patronal, entretien du 20 juin 2013).
21Cette interlocutrice se veut alarmante. Nous précisant, à titre d’exemple, qu’une boucherie ferme en Suisse chaque semaine faute de repreneur, elle souligne l’impact de ces fermetures sur la vie rurale et sur la nécessité d’accompagner ces petites entreprises durant tout le processus de transmission. Comme d’autres, elle insiste sur la nécessité de préparer au plus tôt cette étape sans exclure d’emblée les solutions externes11. Aujourd’hui, les entrepreneurs qui s’apprêtent à transmettre ou qui cherchent un repreneur potentiel sont essentiellement accompagnés par des associations professionnelles. Dans le monde agricole en France comme en Suisse, il existe depuis longtemps des organisations professionnelles qui suivent et accompagnent les reprises comme les SAFER en France12 ou la Fondation rurale interjurassienne (FRI) en Suisse.
22Les données tirées de l’étude du Crédit Suisse, portant sur un panel de 523 réponses, montrent que sur la totalité des reprises (en Suisse), 41 % s’effectuent dans le cadre familial (FBO/family buy out), 40 % s’effectuent à l’interne de l’entreprise par des employés, des associés (MBI/management buy in) et 19 % sont des rachats extérieurs (MBO/management buy out).
23Avec 41 %, la succession intrafamiliale est donc la plus fréquente : elle reste quasi constante par rapport aux données des précédentes enquêtes (2009). Il est en revanche intéressant de constater que la reprise par un employé (MBI) a été réalisée beaucoup plus souvent que dans l’enquête précédente du Crédit Suisse. Par ailleurs, cette enquête souligne également la différence importante entre les MBI envisagées (27 %) et les MBI réalisées (40 %). La pratique montre ainsi que beaucoup d’entrepreneurs songent à leurs collaborateurs lorsqu’aucun membre de leur famille ne veut ou ne peut prendre la relève. De prime abord, les collaborateurs se montrent eux aussi intéressés par cette option. Mais leur disposition à prendre des risques s’avère souvent insuffisante pour franchir le pas. Les entreprises finissent donc par chercher des repreneurs en dehors de l’entreprise (Crédit Suisse Global Research, 2013, p. 29).
24Ce bref tour d’horizon de la transmission des entreprises cache une réalité bien plus complexe que nous avons découverte au fur et à mesure de notre recherche. La manière dont les uns et les autres deviennent des chefs d’entreprise est bien évidemment une dimension centrale. Elle nous invite à distinguer les créateurs d’entreprise, qui aiment à se définir comme des self-made (wo) men (26 hommes et 31 femmes), de celles et ceux qui ont en partie hérité d’une entreprise familiale, ce qui les lie tout autant à leurs ascendants qu’à leurs descendants (38 hommes et 3 femmes). L’héritier n’hérite pas seulement d’un bien et d’un métier, il hérite avant tout d’une place, celle de successeur (Gollac, 2008 ; Jacques-Jouvenot, 1997 ; Zarca, 1993). Et cette place ne le contraint pas seulement à réussir pour poursuivre l’histoire familiale, elle le contraint également à savoir transmettre à son tour.
25Le fait d’être l’héritier d’une entreprise familiale affecte donc plusieurs aspects : la santé économique de l’entreprise, les dynamiques de complémentarité, la manière d’organiser le travail et la vie de famille, la socialisation au métier des enfants et la volonté – ou la nécessité – de transmettre à son tour l’entreprise. Comme le souligne Jean-Claude Daumas, l’opposition binaire entre héritier et self-made (wo) man mérite d’être nuancée (2012). Entre celui qui hérite d’une petite entreprise fonctionnelle et celui qui crée une entreprise à partir de ses seules économies, il existe une variété de situations intermédiaires où se conjuguent héritage familial et investissements personnels13. Un grand nombre d’interlocuteurs, héritiers d’une entreprise familiale, déclarent avoir considérablement investi depuis la succession et peinent à se définir comme des héritiers14. Ainsi, sur l’ensemble de notre corpus, seuls 25 % des entrepreneurs ont déclaré avoir reçu l’entreprise en héritage. Un groupe plus restreint (15 %) rassemble les situations intermédiaires, mélange d’héritage et d’investissement personnel. La majorité (60 %, dont environ la moitié de femmes) regroupe des créateurs d’entreprise n’ayant pu compter – apparemment – que sur leurs économies et la viabilité de leur projet pour obtenir l’appui des banques et démarrer leur activité. D’autres encore ont dû recourir à des aides financières familiales à défaut d’un prêt bancaire.
26Dans notre corpus, l’achat ou la création de l’entreprise par ses propres moyens demeure donc la situation la plus fréquente, en Suisse (56 %) comme en France (62 %). Précisons néanmoins que cette distinction héritier/créateur dépend également des corps de métier. Ainsi, les artisans investissent systématiquement pour s’équiper ou rééquiper une entreprise familiale vieillissante. Les agriculteurs sont très majoritairement des héritiers. Si en France, il est difficile d’acheter un domaine agricole à exploiter sans bénéficier au départ d’un capital immobilier important15, en Suisse, devenir paysan en rachetant une ferme est presque impossible16.
27Les femmes qui se sont investies dans des entreprises de services à la personne commencent avec très peu d’investissements et ne sont généralement pas héritières d’une entreprise familiale. Sur les 32 femmes cheffes d’entreprise de notre corpus, aucune n’a déclaré avoir hérité d’une entreprise familiale. En revanche, sur les 59 hommes chefs d’entreprise, 33 se désignent comme des héritiers (avec ou sans investissements complémentaires importants).
28Ces résultats corroborent une réalité qui n’a fait que se confirmer tout au long de notre enquête : le modèle de l’« entreprise familiale » est à l’évidence un modèle masculin et patrimonial. Dans notre corpus, les femmes cheffes d’entreprises sont plus fréquemment seules à gérer leur entreprise ou développent des activités qui ne génèrent qu’un revenu complémentaire sur lequel ne repose pas toute l’économie familiale. Soucieuses de prouver leurs compétences ou de s’accomplir dans une aventure personnelle, elles se montrent attachées à l’idée d’indépendance professionnelle sans chercher à asseoir le fonctionnement de leur entreprise sur des logiques d’entraide familiale.
Il y a une vraie volonté de rester seule, justement pour cette question de liberté et d’indépendance, quitte à refuser des mandats (Marianne, 45 ans, conseil management, Vaud).
Avant une année, j’arrivais pas à imaginer laisser ma fille à quelqu’un, que ce soit l’une ou l’autre. Après c’était un demi-jour par semaine, pis après un jour. Je m’en suis vraiment occupée pendant 5 ans […], puis quand elle dormait, quand elle faisait la sieste ou la nuit je travaillais. […] Et ça m’est arrivé de travailler avec le bébé sur le dos en train de le secouer pour qu’elle se calme. Y a des situations quand j’y repense [rire] (Céline, 60 ans, illustratrice, Neuchâtel).
29Le mode d’acquisition de l’entreprise est corrélé à une autre dimension de notre enquête : la volonté de transmettre. Rencontrant principalement des entrepreneurs en activité, nous les interrogions sur l’avenir de leur entreprise. Si tous ne souhaitent pas transmettre, ceux qui ont hérité d’une « entreprise familiale » se sont montrés préoccupés par cette question. Le fait d’être désigné comme successeur de l’entrepreneur – et d’accepter cette succession – semble donc bien impliquer la nécessité de transmettre à son tour. Ainsi, entre la volonté affirmée de transmettre à ses propres enfants et l’absence d’intérêt pour cette question, se décline un ensemble de stratégies généralement provisoires et potentiellement variables dans le temps.
Oui, on sait jamais, mais bon… En tout cas je ne l’envisage pas pour le moment […] Qu’est-ce que je vais faire, si je vais remettre mon entreprise ou… Bon d’ici une quinzaine d’années… Même avant, hein ? Faudra que je prenne une décision. […] Ouais, je pense que j’aurai du mal, donc je me dis que… pourquoi prendre un repreneur ? Si j’arrive à réduire suffisamment ma taille et produire un peu, quitte à ouvrir trois ou quatre jours par semaine, c’est l’idée que j’ai maintenant en ce moment, peut-être (Marc, 51 ans, boulanger, Jura bernois).
30Ainsi, la transmission de l’entreprise aux enfants n’est pas toujours évidente ou clairement planifiée. La volonté de transmettre l’entreprise reste un discours essentiellement porté par celles et ceux qui ont hérité d’un bien (une terre, un bâtiment, etc.) et dont les enfants atteignent l’âge de la reprise. Pourtant, chez ces entrepreneurs, le discours demeure souvent hésitant, d’une part car les repreneurs potentiels ne se montrent pas toujours intéressés ou parce qu’ils sont encore trop jeunes pour le manifester ; et d’autre part, parce que les valeurs de « la liberté de choix » et d’« épanouissement personnel de l’enfant » priment sur ses « devoirs » de « loyauté » vis-à-vis de la famille et du patrimoine. Comme nous le verrons au chapitre 7, la volonté de transmettre l’entreprise se décline différemment en fonction des cycles de vie. Un jeune entrepreneur qui a démarré son activité sans bénéficier d’un héritage familial se montre généralement peu soucieux de transmettre. Pourtant, quelques années plus tard, quand ses enfants grandissent et que se pose la question de l’avenir de son entreprise, il est probable que ses intentions premières soient remises en question.
31Félicia a travaillé dans la boulangerie de ses frères pendant près de 14 ans. Le jour où son frère est venu lui annoncer qu’il comptait vendre l’entreprise familiale pour changer de vie, Félicia découvre l’importance que cette entreprise familiale représente pour elle.
Au bout de 14 ans qu’on bossait les deux, un jour il arrive il me dit : « Félicia, on arrête, moi j’en peux plus ! ». Et puis moi, franchement, c’est comme si il m’avait foutu un coup d’assommoir sur la tête. « Qu’est-ce qu’il lui prend ? ». Et c’est là que j’ai compris le conflit de loyauté. Si lui avait pas osé prendre cette décision, moi, j’aurais pu tomber malade et en mourir, mais je serais jamais partie. Je n̕aurais jamais laissé tomber. Parce que c’était la continuité. […] Je voulais qu’on sauve cette histoire.
32La question se pose directement pour les agriculteurs et les commerçants qui possèdent des biens immobiliers, des terres et du matériel à transmettre. Dans leur cas, la revente de l’entreprise à sa valeur réelle n’est pas toujours possible et l’absence de repreneur constitue un risque financier important.
Non, je suis contraint de transmettre l’entreprise, j’ai investi maintenant 2 millions cette année, je suis contraint de transmettre, j’ai 46 berges [ans], j’ai dix ans maintenant où je peux être un petit peu cool et pis à partir de 55, il faudra que je me pose de sérieuses questions pour la remise de l’entreprise dans les dix prochaines années. […] Alors maintenant, si c’est les gamins qui reprendront ça un jour ou pas, ça, je sais pas, mais si c’est pas les gamins, il faudra que je trouve une autre solution, une solution quelconque. Et pour avoir la meilleure solution à ce moment-là, on est en train d’investir aujourd’hui pour être sexy le jour où on envisagera d’arrêter notre activité, parce qu’on ne peut pas remettre un taudis. Il faut que tu sois une entreprise attractive. […] Ou alors directement il faut intégrer quelqu’un et faire un pas en arrière (Jean, 46 ans, fromager, Jura bernois).
33On retrouve des discours similaires chez Romuald et Iris (Doubs). Si cette dernière aimerait voir son second fils reprendre un jour l’entreprise de revêtement de façades et s’associer avec eux, Romuald est plus réservé et insiste sur les difficultés des petits entrepreneurs et la pénibilité du métier ; souhaitant pour son fils une autre vie que la sienne :
[Iris : ] Moi, personnellement, je m’en fiche un peu, mais je pense que Romuald, il serait très fier, oui, surtout si ça marchait pour lui. Il se dirait : « J’ai créé quelque chose et c’est mes enfants qui en profitent, c’est bien ! » […].
[Romuald : ] Non, je voudrais pas qu’il fasse ça, à mon âge il sera cassé en deux comme moi […]. Non, je veux pas transmettre, pas du tout. […] Bien sûr si c’était une grosse entreprise et qu’il gère cinq équipes, je dirais oui, mais là non ! […] Oui, qu’il soit salarié dans une boîte ou qu’il essaye d’être chef d’équipe ou alors, si il monte une boîte, que ce soit une grosse boîte, qu’il gère et qu’il aille pas sur les chantiers.
34Les recherches sur la transmission soulignent fréquemment le paradoxe du déni de transmission de la part des pères et des fils (Jacques-Jouvenot, 2014) et montrent qu’il s’agit d’une stratégie de reproduction professionnelle et familiale. Chez celles et ceux dont l’activité ne repose pas sur des investissements immobiliers et des infrastructures importants, la problématique de la reprise peut paraître moins essentielle. Si certains souhaitent trouver un repreneur, cet attachement à transmettre se pose alors surtout sur un plan symbolique : transmission d’un savoir-faire, d’une place de travail (Bessière, 2003 ; Gollac, 2008).
35La volonté de transmettre l’entreprise aux enfants concerne 20 % de notre corpus17 ; le projet de transmettre l’entreprise à des tiers étant moins fréquent (12 %). Pour un peu moins d’un quart du corpus, il est encore trop tôt pour formuler un projet, soit parce que l’entreprise en est à ses débuts, soit parce que les potentiels repreneurs sont bien trop jeunes pour commencer à manifester leur intérêt. Par ailleurs, on constate sur ce graphique que 41 % des entrepreneurs que nous avons rencontrés n’envisagent pas, à l’heure actuelle, de transmission. Ceux-ci sont essentiellement des créateurs d’entreprise (31 sur 41). De plus, parmi ces indécis, il y a 24 femmes, huit hommes et trois couples de chefs d’entreprise. Les femmes cheffes d’entreprise ne s’inscrivent donc guère dans une logique de transmission18.
36Chez les chefs d’entreprise, le souci de la transmission est intimement lié à l’âge de l’entrepreneur. En effet, les moins de 50 ans sont 46 % à déclarer ne pas envisager de transmettre, alors que les plus de 50 ans sont seulement 35 % à ne pas l’envisager. La volonté de transmettre l’entreprise aux enfants ne concerne que 12,5 % des moins de 50 ans alors qu’elle regroupe 26 % des plus âgés. Mais c’est la volonté de transmettre son entreprise à des tiers (un apprenti, un associé, etc.) qui s’avère la plus dépendante de l’âge de l’entrepreneur. Chez les moins de 50 ans, un seul de nos informateurs (sur 48 situations) l’envisage alors que les plus de 50 ans sont 20 % à le prévoir. Ainsi, chez ceux qui sont au début de leur carrière d’entrepreneur, la question de la transmission de l’entreprise se pose encore assez peu, en particulier en ce qui concerne une reprise hors cadre familial. Plus l’entrepreneur avance en âge et voit arriver l’imminence de la retraite, plus la réponse qui sera donnée à la transmission se précise : avec les enfants ou sans eux. On retrouve donc bien ici un lien avec la notion de « cycle de vie », chère à Alexandre Tchayanov (1990).
37Certaines questions comme celle de la transmission de l’entreprise, potentiellement douloureuses et généralement angoissantes, sont souvent repoussées à plus tard. Ainsi, l’entrepreneur laisse entendre à ses enfants qu’ils auront en temps voulu la liberté de choisir. Mais au moment de prendre une décision, l’un des héritiers doit pourtant se positionner au détriment des autres ou refuser de prendre en charge ce que ses parents espéraient lui transmettre. La transmission de l’entreprise reste donc un sujet délicat, potentiellement conflictuel. Il n’est que rarement formalisé à l’avance et c’est généralement l’imminence de la cessation d’activité qui impose la planifcation d’une stratégie, à moins qu’un décès soudain ou un accident n’impose la transmission dans l’urgence.
IV. Le travail en famille : statuts et participation
Avant, ma femme, elle n̕était pas déclarée ; maintenant, elle est déclarée conjoint gérant avec moi, 50-50, mais au début elle n̕était pas déclarée comme toutes en ce temps-là et du coup il manque de la retraite, que maintenant, les femmes elles ont chacune leur paye (Roland, 62 ans, pâtissier, Doubs).
38La question du statut professionnel des individus – en particulier des membres de la famille – au sein de l’entreprise a systématiquement retenu notre attention. En effet, les personnes qui s’investissent dans l’entreprise peuvent avoir différents statuts : chef d’entreprise, gérant, associé19, conjoint-collaborateur20, salarié ou aidant familial21. Il convenait d’identifier toutes les personnes impliquées dans les activités de l’entreprise et, pour chacune d’elles, de connaître leur statut professionnel. Nous avons ainsi retenu les quatre situations suivantes :
Seul l’entrepreneur a un statut ;
Seuls l’entrepreneur et le personnel non familial disposent d’un statut ;
Seuls l’entrepreneur, certains membres de la famille (comme la conjointe) et le personnel non familial disposent d’un statut ;
Toutes les personnes impliquées dans l’entreprise disposent d’un statut (entrepreneur, salariés, associés, etc.).
39Sur l’ensemble de notre échantillon, les entreprises renvoyant à la première catégorie (entrepreneur seul) représentent un quart des situations (28 entreprises). Néanmoins, il est parfois difficile de distinguer les entrepreneurs soucieux de fournir un statut à toute personne impliquée dans l’entreprise de ceux qui choisissent – ou acceptent – que certaines personnes liées à l’univers familial puissent accomplir un travail sans disposer d’un statut, d’un salaire et d’une protection sociale.
Quand je demandais à mon mari, à la suite [de ma formation], on a appris qu’on pouvait devenir conjoint collaborateur, mais euh… revendiqué et assumé, et déclaré. Et éventuellement cotiser pour des cotisations retraite. Ben, il m’a dit : « Mais pour quoi faire ? Tu cotises déjà par le biais de ton travail, je vois pas pourquoi ! ». Donc c’était dans l’ombre totale. Ceci dit, je l’ai accepté [de rester dans l’ombre] (Marie-Claude, 53 ans, demandeuse d’emploi, Doubs).
40À l’opposé de ces situations où seul le chef d’entreprise a un statut, on retrouve les établissements où toutes les personnes impliquées de près ou de loin dans les tâches productives en disposent (salarié, associé, etc.).
Oui, maintenant… Aujourd’hui, une copine fait ça avec son mari, d’office, t’attends même pas un mois c’est tout de suite, c’est logique pour moi. Pour moi c’est la moindre des choses d’être reconnue, enfin c’est un minimum de statut (Iris, 41 ans, salariée [secrétaire] dans l’entreprise de son mari [façadier], Doubs).
41Ces situations regroupent également environ un tiers du corpus (33 entreprises). Remarquons que ces entreprises sont majoritairement dirigées par des personnes ayant créé leur propre entreprise sans en avoir hérité (20 cas sur 33). Dans les entreprises dirigées par des « héritiers », le recours à la main-d’œuvre non salariée, sans statut, est donc plus fréquent.
Mais dans une PME, dans une entreprise familiale, je pense que la participation des enfants ou des parents, inversement quand ils sont à la retraite, ils donnent un coup de main, ça fait partie d’un principe de base à mon avis (Nicolas, 36 ans, imprimeur, Neuchâtel).
42Comme l’exprime Nicolas, la mobilisation de la main-d’œuvre familiale est bien souvent considérée comme une pratique normale, « naturelle », voire nécessaire. Échange de bons procédés entre les générations, la mobilisation des ascendants et des descendants s’avère courante dans les petites entreprises que nous avons rencontrées.
43D’un côté se dessine donc le profil de l’entreprise familiale qui n’a pas de salariés et qui mobilise la force de travail des membres de la famille sur trois générations (grands-parents, parents, époux, enfants). D’un autre côté se dessine le profil du self-made (wo) man qui a créé son entreprise et qui compte la développer sans apport familial. L’entrepreneur y travaille seul ou avec un ou plusieurs employés, mais il ne mobilise pas les membres de sa famille (sauf s’ils sont directement salariés de l’entreprise). Dans cette configuration, l’entreprise et la cellule familiale sont donc, en principe, totalement indépendantes. On retrouve ce type de logique dans 44 % situations de notre corpus.
44Comme on peut le voir sur ce graphique, 44 % des entreprises ne mobilisent aucune aide familiale, alors que 56 % d’entre elles fonctionnent en se reposant en partie sur un système d’entraide familiale, qu’il s’agisse d’une gestion en couple (26 %) ou de la mobilisation (à des degrés d’intensité divers) des conjoints, ascendants, descendants et collatéraux (30 %)22.
45Comme le montrent les tableaux ci-contre, la mobilisation des membres de la famille (conjointe, ascendants, descendants et collatéraux) pour l’entreprise est fortement présente dans l’agriculture. La gestion exclusivement conjugale de l’entreprise est privilégiée dans l’hôtellerie et la restauration. Et, comme nous l’avons dit, l’absence d’entraide familiale est la plus fréquente dans les activités de service.
46Bien évidemment, derrière ces données, se cachent des situations fort variables. Romuald et Iris (façadiers), bien que très attachés à ce que chacun dispose d’un statut, font actuellement appel à leur fils mineur pour participer aux chantiers. Indépendamment de la question de la transmission de l’entreprise, tous les deux voient cela comme une socialisation professionnelle. Sabine, à l’époque où le café-restaurant employait une personne en salle, a oscillé entre serveuse salariée de son mari et épouse aidante sans statut, en fonction des impératifs économiques du moment et des logiques saisonnières (période des fêtes, saison des grenouilles, etc.). Julie (restauratrice), qui souhaitait donner un statut à son conjoint, mobilisait ses deux parents quotidiennement et a assuré toute la charge de travail depuis leur décès en demandant à sa fille mineure, ainsi que ponctuellement à ses neveux et nièces, de l’aide au café-restaurant. Marc, qui a plusieurs salariés dans sa boulangerie, continue pourtant de bénéficier au laboratoire et au magasin de l’aide conséquente de ses parents retraités et espérait – avant son divorce – que son épouse viendrait elle aussi s’impliquer dans l’entreprise familiale. L’épouse de Roland (pâtissier-chocolatier) a travaillé plus de 20 ans dans l’entreprise sans y avoir de statut professionnel, ce n’est que lorsque Roland décide en 2004 de changer le statut juridique de l’entreprise (passant d’entreprise individuelle à SARL) qu’il en profitera pour donner un statut à son épouse. Alors qu’elle avait son propre emploi, Marie-Claude a assumé bénévolement une activité de secrétariat pour l’entreprise de peinture en bâtiment de son mari durant près de 15 ans. Nous pourrions multiplier les exemples : les manières de mobiliser le réseau familial varient constamment en intensité (d’une participation gratuite à plein temps à l’aide saisonnière), ainsi qu’au cours de la vie de l’entreprise.
Donc, c’est là que le côté familial intervient, sa plus jeune sœur qui est avec son copain, ils ont pas de boulot, ils savent pas encore trop ce qu’ils veulent faire, ils sont encore chez papa-maman, et comme la maison est grande, [ma femme] les a sollicités […]. Sa jeune sœur s’occupe de notre fils en tant qu’un peu nounou quoi et son copain au départ m’aide à la cuisine […]. Donc voilà, on l’a engagé, on a tenu un petit moment comme ça, mais c’était extrême (Jim, 40 ans, restaurateur, Neuchâtel).
47Cette manière de mobiliser les membres de la famille n’a pas qu’un objectif économique. Elle répond aussi à des arrangements permettant de dégager des temps de loisir, afin que l’entrepreneur et sa conjointe ne s’épuisent pas au travail. Par ailleurs, la volonté de mobiliser en priorité des aidants familiaux répond également à un principe de confiance. Alors qu’un salarié respecte des horaires et ne se sent pas nécessairement concerné par l’avenir de l’entreprise, un membre de la famille serait capable de conserver une vue d’ensemble, d’effectuer diverses tâches et de s’impliquer en ayant le souci de maintenir le niveau de qualité attendu par la clientèle.
48Indépendamment de la question des statuts, c’est la manière de considérer comme « naturel » le fait de participer gratuitement à la vie et au développement de l’entreprise familiale qui retient l’attention. Il existe des situations où la participation de chacun à la bonne marche de l’entreprise familiale semble aller de soi. Cela est rarement questionné par les personnes qui ne bénéficient pas nécessairement d’une contrepartie équitable. On retrouve ce type de logique en particulier dans les petites entreprises qui furent l’objet d’une transmission intergénérationnelle23.
V. Le foyer et l’entreprise : partage des espaces et des temps
Oui, [tout le monde vit là] parce qu’on a trois appartements de cinq pièces et demi ici, alors y a deux appartements au-dessus, j’ai un frangin, celui qui est mécanicien, qui a un appartement, et puis la maman avec les deux sœurs elles habitent dans le même appartement. […] C’est vraiment familial (Joël, 61 ans, boucher, Jura bernois).
49Parfois, le foyer et l’entreprise sont juxtaposés, voire même confondus. La participation des membres de la famille à la vie de l’entreprise a donc un « coût » : l’hébergement gracieux de toutes ces personnes dans la maison familiale. Parents, enfants, frères et sœurs aidants trouvent ainsi une contrepartie à leurs efforts pour soutenir l’entreprise familiale.
50L’héritier qui a été désigné comme successeur de l’entreprise familiale endosse la responsabilité d’assurer la pérennité de l’entreprise, tout en hébergeant ses parents, voire d’autres membres de sa famille. De leur côté, les membres de la famille élargie (parents, frères et sœurs) peuvent bénéficier d’un logement gratuit et d’autres avantages en nature. En contrepartie, ils ont le devoir d’œuvrer au moins ponctuellement pour la bonne santé de l’entreprise familiale en fonction de leurs compétences. Or, ce sont justement ces situations d’entraide et d’interdépendance qui autorisent – ou rendent légitime – le recours régulier à la main-d’œuvre familiale. Des commerces, des fermes et des cafés-restaurants sont ainsi portés par toute une famille qui semble s’investir sans compter (avec ou sans statut) pour la bonne marche de l’entreprise familiale.
51Chez d’autres, en particulier les plus jeunes et les créateurs d’entreprise, la famille et l’entreprise sont deux univers clairement distincts, aussi bien physiquement (locaux séparés) qu’en ce qui concerne l’organisation du temps de travail. Ainsi, ce type de lien – ou d’échange – semble moins présent lorsqu’il n’existe aucun bâtiment considéré comme une « maison familiale », c’est-à-dire d’un patrimoine, un lieu de production et de reproduction apprécié dès l’enfance comme un espace partagé (et dont ceux qui sont officiellement propriétaires ne se sentent que les dépositaires). Cette importance du lieu, du bâti, est particulièrement forte dans le cas des exploitations agricoles familiales, alors qu’il ne concerne que peu les très petites entreprises familiales de services.
52Comme on peut le voir sur ce graphique, ceux qui ont créé leur entreprise de toutes pièces – les « créateurs »24 – ont plutôt tendance à séparer les sphères professionnelles et personnelles. Toutefois, il convient de distinguer les créateurs des créatrices, comme nous le verrons au chapitre 6. Car s’il est vrai que les hommes créateurs de TPE ont le souci de vouloir séparer les espaces-temps, les femmes créatrices profitent souvent d’une pièce dans la maison (ou attenante) pour combiner leurs fonctions de professionnelle, de mère et de femme au foyer. Inversement, les héritiers d’une entreprise familiale gèrent plus fréquemment une entreprise où les sphères privées et professionnelles sont encore largement confondues. Si l’espace-temps du travail et celui de la famille ne sont pas toujours combinés, dans la majorité des situations, une partie des tâches – notamment administratives – sont réalisées à la maison et très souvent certains horaires sont aménagés pour permettre aux impératifs du travail et à ceux de la famille de se combiner. Dans certains cas, cette cohabitation pose problème, trouble la vie de famille et l’entrepreneur cherche dans la mesure du possible à la limiter.
Moi, avant, j’avais même pas de bureau, je travaillais vraiment sur le coin de la table, quand j’ai commencé c’était des papiers un peu partout… pendant quasiment une année, hein. Et pis, après, on a fait ce bureau (connecté au hall d’entrée), mais l’idée maintenant, c’est vraiment que je parte à côté, que je sois vraiment dissocié, dans la maison, mais vraiment une autre pièce, qui pour nous, dans notre esprit, est vraiment en dehors. Moi j’ai besoin de la paix pour travailler (Patrick, 41 ans, paysagiste, Vaud).
53Dans d’autres situations professionnelles, comme les commerces qui travaillent essentiellement sur des horaires décalés (horaires des repas, soirée), l’articulation entre la vie de famille et le travail est une nécessité.
Comment tu fais tourner une entreprise quand t’as un bébé ? C’est que quand c’est l’heure du biberon, elle se retrouve sur la table en plein service du midi, tu lui donnes un coup son biberon, tu vas servir les gens, elle a lâché son biberon, tu lui redonnes son biberon… […] Ouais, on a vécu ça. C’était réglé, t’étais sûr qu’au moment du plat du jour, t’avais le biberon. T’es obligé de t’adapter (Sabine, 44 ans, épouse d’un ancien restaurateur, Doubs).
On est tout le temps au travail. En plus, y a le magasin. Donc, quand le magasin est fermé et que notre porte est ouverte ; les gens, ils débarquent chez nous pour se faire servir […]. Donc on est souvent dérangé. Et aussi, si on veut dormir le dimanche matin, ben y a énormément de bruit, la fabrication de fromages, ça fait beaucoup de bruit, les agriculteurs qui viennent couler le lait à 6h30… (Clotilde, 37 ans, salariée dans la fromagerie de son mari, Neuchâtel).
54Selon les situations, cette confusion des espaces-temps peut être source de plaisirs ou de tensions, recherchée ou évitée.
C’est une immense merde ! C’est là que je voulais en venir. Là vous avez du bol, on est mardi après-midi et la boutique est fermée et c’est le seul après-midi de la semaine, à part le dimanche, où il n’y a pas d’activités. Autrement les activités commencent à la maison à 5h15, moi j’ai la chambre à coucher dessus, donc… les gamins dorment aussi dessus. […] Bon l’avantage c’est que je peux me lever 5 minutes avant d’aller sur la place de travail et pis, je saute en bas du lit ; pis, je suis au travail. […] C’est un des avantages, mais autrement on n’ est pas toujours tranquille, dans la maison y a des vibrations, du bruit… (Jean, 46 ans, fromager, Jura bernois).
55Beaucoup d’entre eux insistent alors sur la dimension chronophage du travail de l’artisan. Dans leurs discours, vivre et travailler se confondent et ne font qu’un. Ils insistent sur cette nécessité – selon certains – de donner toujours au travail la priorité.
On est d’une génération qui travaille un peu à l’ancienne, où le travail compte beaucoup, donc on compte pas vraiment nos heures, on peut travailler le samedi ou même le dimanche pour faire du bureau s’il le faut, et partant de ce principe-là, autant être sur place, on peut avoir des horaires plus fluctuants sans trop gâcher la vie de famille par rapport à ça (Nino, 55 ans, ébéniste, Neuchâtel).
56Cette vie de travail fait souvent écho à une enfance bercée au rythme du travail familial. On retrouve ces discours, insistant sur une socialisation précoce, chez les agriculteurs. Bernadette (54 ans, Doubs) insiste longuement sur son enfance à la ferme et sur la manière dont son fils, à son tour, grandira au milieu des veaux, des traites et des tracteurs. Dans son discours, Marc rappelle à plusieurs reprises son enfance dans la boulangerie, les souvenirs des odeurs du pain et le plaisir de voir tous les jours ses parents.
Ils étaient tout le temps disponibles, j’avais tout le temps mon père à la maison. Je rentrais de l’école, mon père était là. On venait, quand il avait fini là, je me rappelle, on tirait la table et on faisait du pingpong sur la table de boulangerie. On a toujours joué avec les gamins, mes copains, ils venaient, on jouait à la boulangerie. […] Moi, j’ai toujours vécu là avec mes parents, je n̕ai jamais attendu le soir que mon père rentre du boulot. Et pis, c’est un peu comme ça que j’imaginais ma vie de famille. Et c’est aussi un peu comme ça que ça s’est passé, parce que mes gamins ils étaient aussi toujours là, ils ont grandi là, et c’est encore comme ça, même s’ils habitent une bonne partie du temps chez leur maman […]. Donc mes parents travaillent beaucoup, énormément, mais ils étaient tout le temps-là, j’étais tout le temps avec mes parents. On descendait et avant d’aller à l’école on déjeunait sur la table avec les employés. […] D’ailleurs on cuisinait ici, ma mère elle cuisinait tout le temps ici, on mangeait tout le temps à la boulangerie, on mangeait ici sur la table. […] Ah, moi, j’ai baigné là quoi (Marc, 51 ans, boulanger, Jura bernois).
57Ce chevauchement des espaces-temps peut devenir un ingrédient essentiel de l’attachement au travail, que l’on cherche à reproduire avec ses enfants. C’est surtout chez les restaurateurs que cette confusion apparaît comme pesante, voire conflictuelle. Chez d’autres, cette situation surgit lorsqu’il devient nécessaire de traiter les aspects administratifs de l’entreprise le soir ou le week-end sur leur temps « libre », alors que les horaires de travail de ces artisans sont déjà très étendus.
Quand je repense à ça, je me dis que c’est incroyable. Chez nous ça vivait tout le temps parce que mon père, il travaillait la nuit, ma mère le jour. […] Moi, je disais tout le temps : « Je bosse à mi-temps je fais 12 heures par jour [rire] ». […] Ça ouvrait à 6 heures le matin, ça fermait à 6h30 le soir, mais le temps de ranger… pis, c’est de la nourriture ; donc, c’est pas comme une boutique où vous laissez vos tricots, vos machins… Vous devez tout enlever et tout nettoyer (Félicia, 58 ans, ex-salariée de la boulangerie de son frère, Vaud).
58La majorité de nos interlocuteurs estiment que la surcharge de travail fait partie du métier d’entrepreneur. Certains semblent avoir appris à y prendre goût. D’autres vivent cette dimension comme un risque pour leur vie de famille. D’autres encore ont su déléguer une partie de cette surcharge de travail à leur famille, alors que certains insistent sur l’aspect pratique de cette confusion des espaces et des temps.
59La volonté de distinguer de manière stricte les espaces et les temps est généralement une affaire de self-made (wo) man25. Ce sont plutôt les créateurs qui cherchent à préserver leur vie de famille de l’envahissement du travail. Cependant, l’histoire familiale de l’entreprise joue également un rôle. Les personnes qui ont vécu et grandi dans un espace où se mêlent travail et vie de famille ont plus tendance à reproduire cette imbrication des espaces-temps familiaux et professionnels ; d’autant qu’en reprenant l’entreprise familiale, ils héritent également des logements attenants.
60Mais cette superposition des espaces et des temps de vie peut également dépendre de contraintes inhérentes au groupe professionnel. En effet, pour les cafés-restaurants et certains commerces de proximité liés à l’alimentation (boucherie, boulangerie…), le rythme de travail est de fait plus intense sur les temps traditionnellement consacrés à la vie de famille (petit-déjeuner, repas, soirée). Par ailleurs, certains petits entrepreneurs font face à des difficultés économiques et à une trésorerie limitée ne leur permettant pas d’acheter ou de louer un local distinct de leur habitation pour gérer les tâches administratives ou entreposer leur matériel26.
Notes de bas de page
1 Voir l’annexe iii « Description du corpus ».
2 Voir l’annexe ii « Méthodologie ».
3 Nous croiserons ces données avec le sexe du chef de l’entreprise au chapitre 6 « Solidarité de couple et normes de genre ».
4 Voir annexes V « Statistiques sur les établissements de l’Arc jurassien Suisse » et vi « Statistiques sur les établissements de Franche-Comté ».
5 Groupement agricole d’exploitation en commun.
6 L’existence du statut de GAEC en France et notamment la possibilité de s’y installer en couple depuis peu expliquent donc en partie cette différence.
7 EURL : Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée ; EIRL : Entreprise individuelle à responsabilité limitée. Comme la SARL, ces formes sociétaires ont l’avantage de distinguer les biens personnels des biens professionnels. L’EIRL présente des avantages sur le plan administratif (démarche facilitée) et n’exige aucun capital de départ. Par contre, contrairement à l’EURL, l’EIRL ne peut pas évoluer en SARL lors de l’arrivée d’un nouvel associé.
8 Sur les 45 entreprises individuelles de notre corpus, 27 sont dirigées par des hommes (12 sur 20 en Franche-Comté et 15 sur 25 en Suisse).
9 Pour une analyse approfondie des relations entre régimes matrimoniaux et modèles d’entreprise, voir le chapitre 6 « Solidarité de couple et normes de genre ».
10 Voir les chapitres 6 « Solidarité de couple et normes de genre » et 7 « Les logiques sociales des très petites entreprises familiales ».
11 Voir à titre d’exemple le texte d’Aurélie Bovigny dans le magazine AGEFI : « La pertinence des solutions externes », 2015, p. 29 et 30.
12 Les SAFER sont des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (URL : <http://www.safer.fr/>).
13 Voir Jacques-Jouvenot et Vieille Marchiset (2012) pour la question de la transmission, et Jacques-Jouvenot et Droz (2015) pour celle des très petites entreprises familiales.
14 Rappelons que nos données sont issues d’entretiens qualitatifs. Nous n’avons pas eu accès aux documents juridiques nous permettant de connaître avec plus de précision la manière dont le patrimoine familial a été partagé dans chaque situation.
15 Dans notre corpus, Bernadette et son mari (Doubs) sont les seuls agriculteurs qui ne se présentent pas comme des héritiers. N’ayant pas reçu un domaine en héritage, tous les deux ont très longtemps loué un domaine avant de pouvoir l’acquérir. Les investissements qui furent nécessaires, au départ puis par la suite au moment de l’installation de leurs fils, furent considérables. Prochainement à la retraite, Bernadette et son mari demeurent aujourd’hui encore dans une situation économique fragile et n’ont pas terminé de rembourser leurs dettes.
16 Le cadre légal (droit foncier rural) favorise – ou limite – la reprise ou l’achat d’une exploitation agricole à un membre de la famille (Droz et Miéville-Ott, 2001, p. 42-58).
17 Ce chiffre regroupe les cas de transmission effectifs, ainsi que celles et ceux qui ont pour projet de le faire ou qui, sans avoir la certitude que leur progéniture se montrera intéressée, espèrent pouvoir transmettre.
18 Voir le chapitre 6 « Solidarité de couple et normes de genre ».
19 L’associé possède des parts dans l’entreprise. Le conjoint de l’entrepreneur (marié ou pacsé) peut ainsi acquérir le statut de conjoint-associé en réalisant un apport personnel ou si l’entreprise a été acquise avec un bien commun.
20 Le statut de conjoint-collaborateur est spécifique à la France. Il peut être obtenu s’il est reconnu que le conjoint participe effectivement et régulièrement à l’activité de l’entreprise sans être rémunéré. Il ne donne donc pas droit à une couverture chômage, mais assure une couverture sociale et une cotisation retraite. Voir le chapitre 6 « Solidarité de couple et normes de genre ».
21 Les aidants familiaux ne touchent pas de salaire, mais bénéficient d’une couverture sociale en contrepartie de leur implication dans la vie de l’entreprise.
22 Pour plus de détails, voir le chapitre 6 « Solidarité de couple et normes de genre ».
23 Voir le chapitre 6 « Solidarité de couple et normes de genre ».
24 Pour la typologie des entrepreneurs, voir le chapitre 4-ii « Typologie des entrepreneurs ».
25 Dans notre corpus, 30 self-made (wo) men distinguent clairement les espaces du travail et ceux de la famille, même s’ils peuvent être contigus, pour seulement 12 héritiers.
26 Romuald et Iris n’ont pas les moyens de louer un local pour entreposer le matériel de l’entreprise (façadier). L’échafaudage utilisé sur les chantiers est donc chaque soir entreposé sur la pelouse de leur habitation.
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