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La vente à tempérament à Paris à la Belle Époque : les magasins de crédit et leur clientèle populaire
p. 113-130
Texte intégral
1Dans la seconde moitié du xixe siècle, la France, et avant tout sa capitale, voit le développement d’un système de crédit à la consommation performant à destination des acheteurs modestes. En effet, si la hausse du revenu ouvrier reste insuffisante pour un achat au comptant, elle devient cependant une garantie qui incite à leur faire crédit (Caron, 1995). Judith Coffin affirme ainsi que « les besoins de la classe ouvrière associés aux ambitions des gros distributeurs engendrèrent une nouvelle organisation de l’industrie du crédit à une grande échelle » (Coffin, 1996a, p. 123). Les travaux historiques sur le crédit à la consommation en France lors de cette époque charnière sont cependant peu nombreux, à l’exception de l’étude pionnière de Judith Coffin sur la vente de la machine à coudre (Coffin, 1994 et 1996b). Cette question est mieux connue pour les pays anglophones à la même époque (O’Connell, 2009 ; Lauer, 2010), ou pour le second xxe siècle français (Chatriot, 2006 ; Laferté et alii, 2010 ; Lemercier et Zalc, 2012 ; Effosse, 2014). Ce chapitre se propose dès lors de présenter ce secteur commercial spécifique du Paris de la Belle Époque : les magasins de vente à tempérament qui ont permis aux classes populaires stables d’accéder, via le crédit, à des biens auparavant inaccessibles (vêtements, mais surtout mobilier et décoration).
2Il s’agira dans un premier temps de présenter l’organisation commerciale de ce secteur. En se fondant sur le Bottin du commerce, on obtient une première esquisse de l’offre de crédit : le nombre de magasins de vente à tempérament de la capitale, leur distribution dans l’espace et les évolutions du secteur à la Belle Époque. Dans un second temps, nous nous attacherons à la présentation des principaux acteurs de ce système pyramidal, en faisant une large place aux établissements de Georges Dufayel, surnommé l’« Empereur du crédit ». Nous détaillerons également les prétendants au second rang, comme le Bon Génie ou Aux Classes Laborieuses, des sociétés de rayonnement national, tandis que certains établissements, comme Aux Enfants de la Chapelle ou les Galeries Voltaires restent cantonnés à une clientèle locale.
I. Les magasins de crédit populaire : un secteur hiérarchisé
3Les renseignements fournis à la fois par le Bottin du commerce, par les archives de la pratique et par les archives judiciaires, permettent d’esquisser l’étendue et le fonctionnement de la vente à crédit parisienne. Cependant, établir une liste de vendeurs à crédit se révèle une opération complexe, car cette pratique commerciale est l’objet d’une stigmatisation forte qui induit des stratégies de dissimulation de la part des entreprises. Une fois cerné à grands traits ce monde de la vente à crédit, on peut se pencher sur son organisation interne pour distinguer acteurs principaux et secondaires. Il semble alors que les maisons de vente à crédit se situent sur un continuum, de la petite entreprise fragile économiquement à quelques très grands magasins qui rayonnent dans toute la capitale, voire dans tout le pays.
1. Cartographie des maisons de vente à crédit
4Pour établir une vue d’ensemble du paysage de la vente à crédit à Paris, le Bottin du commerce est une source précieuse. Cet annuaire publicitaire publié tous les ans comporte en effet les noms et les adresses des commerçants et des fabricants de la capitale comme de la banlieue et permet donc d’étudier la répartition géographique d’une profession. Dépouiller la rubrique « vente à crédit (maison de) » donne une première vision des commerçants qui ont choisi de fonder leur réclame sur le crédit et de déclarer cette activité comme étant leur commerce principal. L’annuaire fournit des informations systématiques : nom du propriétaire et/ou de l’entreprise, adresse, éventuellement description de l’activité ou texte publicitaire de présentation. Le dépouillement et la cartographie des annonces parues dans cette rubrique tous les dix ans (en 1883, en 1893, en 1903, en 1913 et en 1923)1 permettent d’établir une première liste de commerces pratiquant le crédit et d’analyser l’ancrage géographique de ces magasins dans le paysage urbain de la capitale.
5La carte (fig. 1) qui figure la localisation de tous les magasins de crédit présents dans le Bottin en 1883 souligne la grande concentration de ce type de commerce dans le centre de la capitale, particulièrement dans les 3e, 10e et 11e arrondissements, avec un tropisme pour le quartier du Sentier et la place de la République. Si l’on entre dans le détail, sur les 23 commerces signalés, la moitié est localisée sur cinq rues principales : la rue Saint-Denis, la rue Saint-Martin, la rue du Temple, le boulevard Sébastopol et le boulevard de Strasbourg.
6Trois raisons au moins expliquent cette concentration spatiale. Tout d’abord, les maisons de crédit sont les héritières des « magasins de nouveautés » établis à la charnière du xviiie et du xixe siècle principalement dans ces quartiers du centre, surtout dans les 3e et le 10e arrondissements (Coquery, 2011). Ces commerces proposaient des manières inédites de réunir, vanter, présenter et vendre les produits : prix fixes affichés, multiplication des comptoirs, publicité ou encore éclairage moderne des locaux (Marseille, 1997 ; Péron, 2000). Or, les maisons de vente à crédit de la Belle Époque sont les héritières – et nouvelles concurrentes – des magasins de nouveautés : elles vendent le même type de marchandises et s’appuient sur les mêmes procédés commerciaux, mais en proposant le recours au crédit, alors que les magasins de nouveautés se sont construits sur la vente au comptant. La localisation des commerces à crédit dans le centre-est de la capitale reflète donc spatialement cette commune origine.
7Cette implantation s’explique également par les logiques de la production. Les magasins de crédit vendent principalement deux types d’articles : des vêtements et des meubles. Or, dans la deuxième moitié du xixe siècle, ceux-ci sont produits en série dans les mêmes quartiers. Le Sentier est le cœur de la confection, tandis que le faubourg Saint-Antoine abrite l’essentiel de la trôle et de l’ébénisterie prétaylorisée. Ces deux industries ne reposent pas sur de grandes usines, mais sur une multitude de petits ateliers dispersés dans le tissu urbain qui mettent en place des principes d’organisation du travail permettant la production en grande quantité de biens quasi standardisés (Du Maroussem, 1892 ; Green, 1998). Les magasins de crédit populaire sont donc installés au plus près des fournisseurs pour minimiser les coûts de transport des marchandises.
8Cette localisation des magasins de crédit est enfin à mettre en relation avec la distribution des infrastructures de transport dans la capitale et notamment avec la présence des gares du Nord et de l’Est dans le 10e arrondissement. Le grand développement du réseau ferroviaire sous le Second Empire a renforcé l’importance de ces portes d’entrée dans la ville, qui permettent à la fois de drainer la clientèle venue de la banlieue ou de la province, et d’expédier rapidement les marchandises commandées par de lointains acheteurs.
9Le dépouillement du Bottin du commerce montre que la localisation des magasins de crédit dans ces quartiers du Centre-Est est pérenne comme le confirme le tableau ci-dessous (fig. 2).
Figure 2. Répartition des magasins de crédit selon les arrondissements d’après le Bottin du commerce
Arrondissement | 1883 | 1893 | 1903 | 1913 | 1923 | Total |
1er | 2 | 1 | 0 | 1 | 1 | 5 |
2e | 0 | 1 | 3 | 4 | 4 | 12 |
3e | 7 | 2 | 1 | 5 | 5 | 20 |
4e | 4 | 3 | 2 | 2 | 1 | 12 |
5e | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
6e | 1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 |
7e | 2 | 1 | 1 | 2 | 0 | 6 |
8e | 0 | 0 | 0 | 1 | 2 | 3 |
9e | 0 | 1 | 4 | 0 | 3 | 8 |
10e | 6 | 4 | 6 | 13 | 9 | 38 |
11e | 4 | 6 | 6 | 4 | 4 | 24 |
12e | 3 | 1 | 2 | 0 | 0 | 6 |
13e | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
14e | 0 | 1 | 1 | 1 | 0 | 3 |
15e | 0 | 0 | 0 | 1 | 0 | 1 |
16e | 0 | 0 | 1 | 1 | 1 | 3 |
17e | 0 | 1 | 1 | 3 | 3 | 8 |
18e | 2 | 1 | 4 | 4 | 7 | 18 |
19e | 0 | 0 | 1 | 2 | 0 | 3 |
20e | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Total | 31 | 23 | 33 | 44 | 40 | 171 |
10Ces cinq coupes temporelles font apparaître la stabilité de l’installation dans certains quartiers : le 3e, le 10e et le 11e restent le cœur de la vente à crédit dans la capitale. On note que le 18e arrondissement prend une importance grandissante au cours de la Belle Époque et dans l’immédiate après-guerre. L’installation dans ce quartier, entre le boulevard Barbès et la rue Clignancourt, des Grands Magasins Dufayel joue probablement un rôle prépondérant dans ce tropisme vers le nord de la capitale.
11La carte tirée du Bottin de 1913 (fig. 3) montre les évolutions spatiales survenues en trente ans. On constate tout d’abord une déconcentration et la dispersion croissante de la vente à crédit dans un grand quart nord-est de la capitale. À partir du quartier originel, centré autour du Sentier, ce type de commerce s’est diffusé vers la périphérie : des maisons de vente à crédit apparaissent dans le 18e, comme on l’a déjà noté, mais aussi dans le 17e arrondissement. Le 14e, le 15e, le 16e et le 19e arrondissements sont l’objet de la timide installation d’un unique magasin de crédit. Finalement cette carte parle surtout en négatif : la rive gauche est très peu touchée par cette dispersion, de même que les quartiers bourgeois de l’Ouest.
12Cependant, force est de constater que cette répartition ne recoupe pas, ou plutôt pas complètement, la géographie sociale de la capitale (Berlanstein, 1984). Certes, le nord-est parisien est majoritairement peuplé par les classes populaires, mais certains quartiers à très forte population ouvrière (comme le 13e, le 15e et le 20e) ne comptent aucun commerce de vente à crédit. La logique d’implantation de ces magasins est guidée par la localisation de la production et des transports, bien plus que par celle de la clientèle, puisqu’une partie de ce crédit se pratique à distance (Albert, 2012). La comparaison de ce premier travail avec les sources judiciaires fait également apparaître une autre lacune du Bottin : tous les magasins pratiquant le crédit ne s’y déclarent pas.
2. Le crédit honteux des magasins de nouveautés
13Le Bottin du commerce est un annuaire publicitaire qui fonctionne sur une logique déclarative : s’y trouvent recensés les magasins qui ont choisi de mettre en avant leur pratique du crédit. Or, le prêt d’argent, particulièrement lorsqu’il est destiné aux classes populaires et qu’il porte sur des objets de consommation courante, est très stigmatisé. Dans une société fortement imprégnée de valeurs chrétiennes, le stigmate de l’usurier plane (Jolivet-Roche, 2015). En outre, la petite bourgeoisie s’enorgueillissant de n’acheter qu’au comptant, le crédit se trouve affligé des stigmates sociaux propres aux classes populaires. Il ne va donc pas de soi de déclarer dans un annuaire cette activité. Elle est en réalité pratiquée par la plupart des magasins de nouveautés, alors qu’ils n’en font jamais état dans leur documentation publicitaire. À la lecture des archives judiciaires, les preuves de la vente à crédit sont pourtant multiples : pour l’année 1895, par exemple, Gobillot et Samson, les directeurs des grands magasins À la Ville Saint-Denis poursuivent douze débiteurs domiciliés dans le 15e arrondissement, tandis que la veuve Crépeau, propriétaire d’À Jean Bart, en poursuit neuf2. En février 1913, deux débitrices écrivent au juge de paix afin d’obtenir un délai pour rembourser la dette contractée auprès des Magasins du Louvre3. Ces trois enseignes, mais également le Petit Saint-Thomas, Au Tapis Rouge ou À la Place Clichy, tous ces vénérables magasins, fondés dans la première moitié du siècle et apparemment réservés à la bourgeoisie (Da Silveira, 1995 et 1998 ; Julliard, 1997), se sont en fait convertis au système de l’abonnement à partir des années 1880 pour lutter contre la concurrence des maisons de vente à crédit déclarées. Charles Couture, un juriste qui consacre sa thèse de droit au crédit populaire, explique ainsi cette conversion :
La nécessité d’échapper à la concurrence des établissements de vente à crédit a même déterminé [À la Place Clichy et le Petit Saint-Thomas] à renoncer partiellement au système de la vente au comptant. Se sentant débordés par la marée montante des magasins de crédit, ils ont préféré se soumettre […]. La situation du Petit Saint-Thomas dans un quartier aristocratique ne semblait pas le porter à organiser un système de vente à crédit, il s’y est pourtant résolu (Couture, 1904, p. 85-86).
14Tous ces magasins apparaissent dans le Bottin du commerce à la rubrique « vente de nouveautés », mais certains, conscients de la publicité que pourrait leur procurer l’annuaire se décident à apparaître à la rubrique « crédit » de manière plus ou moins cryptée. Ils font en fait figurer le nom et l’adresse de la société de crédit qui leur est associée : on trouve ainsi mentionnée l’Administration des comptes courants d’épargne qui prend en charge le crédit d’À la Ville Saint Denis, ou encore la Société de crédit de la Place de Clichy chargée de la même tâche pour le grand magasin de nouveautés orientaliste À la Place Clichy. Il existe donc également ce qu’on pourrait appeler un crédit honteux pratiqué par ces sociétés.
3. La vente à tempérament, une activité risquée
15Les magasins de vente à crédit s’inspirent, on l’a dit, des magasins de nouveautés de la première moitié du siècle dont la spécificité est de ne plus être des commerces spécialisés dans la vente d’une seule marchandise, mais, au contraire, de rassembler dans le même espace des marchandises de différentes natures. À la Belle Époque, les maisons de crédit les plus importantes vendent à la fois des vêtements, des meubles, de la bijouterie, des pièces d’horlogerie et éventuellement des objets mécaniques comme les vélocipèdes et les machines à coudre. Dans le Bottin du commerce, la très grande majorité des commerces ne précise pas les objets disponibles. Seules une trentaine d’annonces vantent les marchandises à disposition des clients : on y retrouve sans surprise en premier lieu le mobilier et la confection, plus épisodiquement les bijoux et les pendules. Les archives judiciaires ne sont pas plus disertes sur les objets achetés à crédit par les consommateurs, car les huissiers et les greffiers les désignent seulement d’une formule générique « dette pour fourniture de marchandises ».
16L’innovation de ce secteur ne vient donc pas des marchandises vendues, mais du procédé de crédit utilisé, connu sous le nom de « vente à tempérament » : le client verse pour commencer entre un cinquième et un tiers de la valeur de l’objet, puis rembourse le reste par petits versements mensuels ou hebdomadaires. Ce mécanisme de crédit rencontre un très grand succès auprès des acheteurs populaires, car une fois effectué le versement initial, ils peuvent disposer immédiatement des marchandises. Pourtant ce crédit est particulièrement risqué : pour ne pas perdre la valeur des objets vendus, mais pas encore payés, il faut s’assurer de la solvabilité des débiteurs et de leur remboursement régulier, alors que le crédit à la consommation est plutôt caractérisé par un fort taux d’impayés. Les magasins de crédit de la capitale ont pour cela recours à deux personnages qui sont des acteurs économiques centraux des quartiers populaires : les concierges et les receveurs. Avant d’ouvrir un compte, les grands magasins de crédit sélectionnent les clients populaires, en menant une enquête qui consiste à demander au concierge si les quittances de loyer sont régulièrement payées. Le choix de ces interlocuteurs dénote une bonne connaissance des relations sociales dans les milieux populaires, où les concierges détiennent une information économique précise sur leurs locataires. Cette profession peut même servir de percepteur partiel des remboursements. Les magasins de crédit tentent d’ailleurs de s’attirer les faveurs des logeurs et des logeuses, comme le directeur d’Aux Classes Laborieuses qui envoie une lettre type, en leur demandant des avances moindres qu’aux clients ordinaires :
Paris, le 1er septembre 1891
Madame, Monsieur…
Nous possédons déjà dans notre clientèle un grand nombre de concierges de Paris auxquels nous offrons des crédits très avantageux. Désireux de vous compter parmi nos clients nous vous prions d’accepter le bon de 50 francs que vous trouverez ci-inclus et que vous pourrez dépenser quand il vous plaira après un versement initial de 2 francs. […] Nous espérons que vous ferez bon accueil à notre représentant4.
17Une fois le crédit accordé, les débiteurs établissent des relations suivies avec les receveurs du magasin qui ont pour fonction de récolter l’argent à domicile. Ils passent toutes les semaines, tous les quinze jours ou tous les mois et encaissent au minimum un franc. La régularité des contacts permet d’obtenir un remboursement élevé ou de détecter rapidement un défaut de paiement. Ce système permet également de susciter de nouvelles commandes quand le crédit touche à sa fin. On peut même assimiler la vente à tempérament à une épargne forcée, comme le note Charles Couture :
C’est un encouragement à l’épargne, car la caisse du vendeur à tempérament a remplacé l’antique tirelire, mais c’est une tirelire très perfectionnée qui chaque semaine rappelle son existence par le moyen de la visite du receveur, et de plus une tirelire qu’on n’a pas sans cesse sous la main, de sorte qu’on ne pourra détourner de sa destination la somme qui petit à petit s’accumulait. Et même qualité nouvelle de la tirelire moderne, l’achat auquel on destinait le contenu de la tirelire on peut le faire tout de suite, dès qu’on y a pensé (Couture, 1904, p. 123).
18Les clients les plus solvables sont évidemment accaparés par les magasins de crédit les plus performants et les plus attractifs, ce qui explique les distinctions à l’intérieur de ce secteur commercial que le Bottin du commerce permet d’esquisser. Les cinq années dépouillées (1883, 1893, 1903, 1913 et 1923) totalisent la parution de 171 annonces, par 131 commerces différents. Parmi ces boutiques, 27 seulement existent pendant au moins dix ans ce qui représente 20 % de l’effectif. La grande majorité de ces magasins est donc très instable et n’apparaît que de manière épisodique dans le Bottin. Le crédit est en effet une activité économique risquée, rentable mais fragile, et les faillites sont très nombreuses dans ce secteur. Les 27 magasins les plus pérennes sont, au contraire, des commerces d’une envergure certaine, ayant développé des processus de contrôle de la solvabilité des clients et bénéficiant d’un service du contentieux capable de récupérer une grande partie des impayés. C’est le cas notamment des Grands Magasins Dufayel qui avec 800 receveurs et une très bonne information économique arrivent à sélectionner les débiteurs les plus fiables. Parmi eux, seules trois enseignes ont été fondées sous le Second Empire et restent présentes sur toute la période : les Grands Magasins Dufayel, Aux Classes Laborieuses et le Bon Génie. Un second groupe, un peu plus large, rassemble des enseignes créées dans les années 1880-1890 et se taille une place suffisamment importante pour perdurer jusqu’à l’après-guerre : le Crédit Français, les Galeries Voltaires, Aux Enfants de la Chapelle, les Grands Magasins du Trocadéro, la Facilité Commerciale ou encore les Grands Magasins de la Gare du Nord. Sur les derniers enfin, dont la longévité est de dix à vingt ans, on ne dispose que de très peu de renseignements : leur annonce ne mentionne généralement qu’un nom de propriétaire et une adresse, laissant imaginer des magasins de taille plus modeste, mais avec un ancrage local assez fort pour s’implanter sur la moyenne durée.
19C’est en tout cas parmi les magasins les plus solides que se recrutent les dirigeants de la Chambre syndicale de la vente à crédit, domiciliée 21 rue du Château d’Eau, au cœur du quartier du crédit populaire. En 1923, le bureau a pour président Henri Weil qui est l’un des propriétaires des Grands Magasins du Trocadéro, son secrétaire est Léon Haguenauer, directeur des Grands Magasins de la Gare du Nord et son trésorier H. Lardy est propriétaire d’une maison de vente à crédit installée, depuis 1903, 16 rue Aumaire dans le 3e arrondissement. L’absence de sources internes des entreprises ou de leur organisation syndicale oblige à se rabattre sur les archives de la pratique, conservées de manière beaucoup plus éclatée notamment dans les collections particulières5. Or, seules les plus grandes d’entre elles ont laissé des traces, ce qui explique la nécessité de recentrer le propos sur le sommet de la pyramide du crédit parisien.
II. Le sommet de la pyramide : de Dufayel aux Enfants de la Chapelle
20Le phénomène de la vente à crédit à la Belle Époque a été largement sous-estimé par les historiens. Lorsque ce système est tout de même évoqué, le propos se centre généralement sur les Grands Magasins Dufayel, présentés comme l’unique entreprise pratiquant le crédit à Paris (Williams, 1982 ; Berlanstein, 1984 ; Coffin, 1994) ou comme l’inventeur de la vente à tempérament. Il faut bien sûr présenter en détail ce grand magasin qui reste exceptionnel par son envergure économique, mais il est également utile de présenter quelques commerces de second rang, Aux Classes Laborieuses, le Bon Génie et Aux Enfants de la Chapelle, pour donner une idée de la diversité de l’offre disponible pour les classes populaires.
1. Georges Dufayel, « l’Empereur du crédit »6
21En 1904, Charles Couture écrit dans sa thèse de droit consacrée au crédit : « nous ne croyons pas qu’il y ait dans le monde entier une organisation de vente à crédit aussi puissante que celle des magasins Dufayel » (Couture, 1904, p. 67). S’il est difficile de vérifier l’exactitude de ces propos à l’échelle mondiale, le juriste pointe en tout cas la place exceptionnelle que tient ce grand magasin sur la scène du crédit français et, a fortiori, parisien. On peut tenter d’en retracer l’histoire qui commence, comme beaucoup de grands magasins parisiens fondés à la fin du Second Empire, par la légende des origines modestes de leur fondateur7. Jacques Crespin, né en 1824 à Vidouville dans la Manche est un fils de paysan, « qui se souciait peu de retourner au village natal pousser la charrue au côté de son père » (Avenel, 1901, p. 181)8. Il s’installe à Paris, épouse une modiste dans la commune des Batignolles où il « habite un petit logement de deux pièces, rue de la Condamine »9. Il exerce comme imprimeur, puis ouvre, en 1856, une boutique dans laquelle il prend des photographies à l’aide d’une invention récente, le daguerréotype. En tant qu’ancien ouvrier, il connaît les pratiques d’achat à crédit de ce groupe social et a l’idée de vendre ainsi ses portraits : en payant un franc au comptant, les clients peuvent repartir avec vingt portraits qu’ils payent ensuite en dix-neuf traites d’un franc, échelonnées dans le temps (Avenel, 1901, p. 182). Jacques Crespin serait donc l’inventeur de la vente à tempérament, clé de voûte du système de crédit à la capitale à la Belle Époque. Le succès fulgurant de cette combinaison lui permet d’acquérir un local plus grand, boulevard Barbès, toujours au cœur du Paris populaire, et de diversifier les objets vendus. À sa mort, en 1888, il laisse à sa veuve et à son fils un patrimoine, en grande partie immobilier, de près de dix millions de francs10.
22Cependant, la propriété de l’entreprise revient à un de ses anciens commis, Georges Dufayel, « un homme d’origine modeste. Il avait débuté comme garçon d’écurie chez Brinon et était entré comme simple planton à la maison Crespin » en 187111. Il connaît tout de même le métier puisque son père est « négociant en nouveautés », dans la rue du Faubourg du Temple12. Cela explique peut-être son ascension fulgurante : il est directeur en 1880, associé en 1885 et seul propriétaire en 189013. Le nouveau propriétaire connaît rapidement toutes les formes de la consécration économique et sociale : il est, dès 1902, officier de la Légion d’honneur, possède un hôtel particulier sur les Champs-Élysées et s’enorgueillit d’être l’ami personnel de Pierre Waldeck-Rousseau14. Il continue néanmoins à mettre en avant ses origines modestes, supposément normandes et rurales, et cette légende des origines joue un rôle fondamental pour établir une proximité avec les clients : leur fortune, sur le modèle de la sienne, serait à portée de main. Le discours de la maison joue sur une personnalisation du lien de crédit, confirmé par le statut juridique de l’établissement : il s’agit d’une entreprise en nom propre, comme le précise la Revue populaire d’économie sociale : « Tandis que le Louvre, le Bon Marché, les Galeries Lafayette appartiennent à des sociétés, lui seul est propriétaire et maître [de l’]établissement » (Artaud, 1906). Les brochures du grand magasin insistent beaucoup sur ce statut précisant que « M. Dufayel opérant avec ses propres ressources et n’ayant par conséquent à satisfaire ni actionnaires, ni obligataires, peut grâce à son chiffre considérable de clients, se contenter d’un très petit bénéfice sur chacun d’eux »15.
23L’absence d’archives de l’entreprise rend difficile l’évaluation de l’importance réelle de ce commerce. Quelques chiffres permettent tout de même de s’en faire une idée. En 1916, à la mort de Dufayel, sa fortune personnelle s’élève à trente millions de francs, ce qui le place parmi les très grandes fortunes françaises. Sans enfant, il décide, par testament, de créer une société anonyme pour continuer à gérer l’activité de son commerce, dont il confie majoritairement les actions à ses employés les plus haut placés16. Les statuts de cette société, déposés en 1917, font état d’un capital de vingt millions de francs. Or, en 1913-1914, parmi les entreprises françaises cotées, seulement quatre-vingt-onze affichent un capital de vingt millions et plus, ce qui place les Grands Magasins Dufayel parmi les plus importantes institutions économiques du pays17. Selon Georges d’Avenel, le chiffre d’affaires du Palais de la Nouveauté passe de cinq millions de francs par an en 1880 à plus de soixante-dix millions en 1901 (Avenel, 1901, p. 181). Autre critère d’évaluation possible, l’entreprise occupe, selon André Saint-Martin, « 9 000 employés environ, soit dans ses magasins, soit dans ses administrations, succursales ou ateliers ». Pour la seule ville de Paris, en 1911, Georges Dufayel emploie 3 000 personnes18. Mais c’est surtout le nombre de clients proclamés qui impressionne : plus de deux millions, dont 600 000 pour Paris et sa banlieue (Saint-Martin, 1900, p. 37 ; Avenel, 1901, p. 181). Ce chiffre régulièrement répété par la réclame de Dufayel et repris par les journalistes semble exagéré (cela ferait environ un quart de la population de la capitale), mais les sources manquent qui permettraient de reconstituer l’importance réelle de la clientèle parisienne. Enfin l’aire d’influence des Grands Magasins Dufayel ne se limite pas au département de la Seine, car la maison « rayonne maintenant dans toute la France, elle a dans les principales villes d’importantes succursales qui se développent rapidement et constituent pour les grands magasins de vente au comptant une redoutable concurrence » (Couture, 1904, p. 78). Charles Couture exagère quelque peu, car en réalité les succursales s’implantent seulement dans un grand quart nord-ouest du territoire français : de Beauvais à Orléans en passant par Rouen. L’expansion est cependant très rapide : l’entreprise passe de sept succursales en 1898 à vingt-deux en 190719. Cet essaimage augmente d’autant le nombre de clients dans l’Hexagone qui passe à 3,5 millions en 1904 (Couture, 1904, p. 75).
24Au-delà de son poids économique, l’originalité de cette entreprise réside en fait dans son hétérogénéité. Le Palais de la Nouveauté regroupe en son sein plusieurs activités économiques d’ordinaire séparées : il s’agit à la fois d’un grand magasin classique pratiquant le crédit direct auprès de ses clients, d’un organisme de crédit indirect et d’une des premières agences de publicité. Cette diversité lui permet de rassembler des savoir-faire souvent disjoints et de faire circuler les informations pour accroître son efficacité économique. La branche purement commerciale se nomme Grands Magasins Dufayel et possède toutes les caractéristiques d’un grand magasin classique, tels qu’ils se développent à Paris depuis le Second Empire. Les clients peuvent y faire leurs courses et les payer au comptant ou à crédit. L’activité publicitaire est l’apanage de l’Affichage national, spécialisé dans l’achat ou la location d’espace de publicité murale (façades d’immeubles ou palissades).
25La réelle innovation se situe cependant dans la troisième activité : l’instauration d’une branche dédiée au crédit indirect. Elle prend le nom d’Administration Dufayel mais est appelée, de façon familière, le service des abonnements, donnant lieu à la création des néologismes d’« abonnés » pour qualifier les débiteurs et d’« abonneurs » pour désigner les receveurs de Dufayel, le terme de « bons » étant employés pour les titres de crédit. Le mécanisme de ce crédit est simple et « il a peu varié depuis l’origine : Crespin délivrait à ses “abonnés” – c’est le terme en usage – des “bons” de crédit d’une valeur cinq fois supérieure à la somme qui lui était versée en argent. Munis de ces titres, les porteurs faisaient immédiatement emplette de ce qu’ils désiraient dans les magasins dont on leur remettait la liste et entre lesquels ils avaient le droit de choisir » (Avenel, 1901, p. 182). Si tous les magasins de crédit évoqués jusqu’ici proposent à leurs clients un crédit direct, avec une sélection des plus solvables et un remboursement auprès des receveurs de la maison, les magasins Crespin/Dufayel se singularisent, par l’aspect indirect du crédit, c’est-à-dire par la mise sur pied d’un réseau de commerces qui acceptent comme paiement les bons de ses administrations. Charles Couture en retrace la genèse :
[Crespin] songea à servir d’intermédiaire dans les ventes à crédit en se contentant de garantir le paiement des achats faits par ses clients à un certain nombre de magasins avec lesquels il s’était entendu. Il remettait à ses clients des bons d’achat que lui rendaient ensuite les magasins vendeurs contre la remise des espèces […]. Le commerçant qui recevait en paiement un de ces bons pouvait se présenter à la caisse de Crespin où le montant lui était payé immédiatement, déduction faite d’une remise convenue. Cette remise représentait pour Crespin : l’intérêt de l’argent avancé, les frais de perception, les risques de non-paiement ; pour le commerçant adhérent elle était le prix de la réclame faite par l’inscription de son nom sur la liste des maisons adhérentes indiquées aux clients, de l’augmentation du chiffre d’affaires que la facilité de paiement lui amenait, de l’avantage qu’il trouvait à être payé rigoureusement au comptant par Crespin (Couture, 1904, p. 68-69).
26L’Administration Dufayel est donc un service de courtage, servant d’intermédiaire entre des magasins vendant au comptant et des clients souhaitant acheter à crédit. La remise consentie par les magasins partenaires est de 18,60 %20. Ainsi, lorsqu’il accepte un bon de 100 francs pour payer des marchandises, le commerçant récupère 81,40 francs à la caisse de Dufayel. Cet escompte peut paraître important mais il est visiblement compensé par la publicité et l’accroissement de la clientèle qu’assure une adhésion au système. Le spectre des marchandises disponibles dans ces magasins partenaires est extrêmement large. Les brochures de présentation montrent que l’on peut acheter des vêtements ou des chaussures, mais aussi de la coutellerie, des couronnes mortuaires, des extincteurs d’incendies ou encore des pianos et de la peinture. Ces annuaires mentionnent aussi, dès 1893, des associations avec un grand nombre de professions médicales (médecins, dentistes, sages-femmes, pharmaciens, opticiens ou orthopédistes), confirmant la consommation massive, et à crédit, de ces biens et services21. La rentabilité de cette association avec Dufayel suscite un grand nombre de candidatures, et l’Administration sélectionne rigoureusement les candidats, comme le prouve une lettre de refus envoyée à un commerçant de Nogent l’Artaud, dans l’Aisne qui a demandé à « être inscrit sur la liste des commerçants recevant en paiement les Bons de l’Administration Dufayel » et que l’on informe en avril 1903 que « le Conseil après avoir examiné [sa demande] a décidé qu’il n’y avait pas lieu de lui donner une suite favorable »22. Parmi tous ces magasins, un partenariat se détache, celui qu’a conclu Dufayel avec Ernest Cognacq, le fondateur de la Samaritaine à qui, par un traité spécial, il ne demande qu’une remise de 16,50 %. Selon la Bataille syndicaliste, le grand magasin absorberait pour « environ 20 millions de bons Dufayel par [ce qui lui] fournit la plus grande partie de [sa] clientèle »23. Cette proportion donne en retour un pouvoir considérable à Ernest Cognacq qui peut exercer un chantage en demandant le remboursement global de tous ses bons, en une seule fois. Il utilise au moins une fois ce moyen de pression en demandant le paiement de bons pour une somme de 14 millions de francs, ce qui met en grande difficulté la trésorerie des magasins Dufayel. Les rapports se tendent tellement que Cognacq finit par rompre son partenariat avec Dufayel et crée en 1913, La Semeuse, une société de crédit concurrente. En représailles, Georges Dufayel tentera pendant la guerre de dénoncer le fils Cognacq comme profiteur de guerre24.
2. Aux Classes Laborieuses et le Bon Génie, des sociétés au rayonnement national
27Aux Classes Laborieuses et le Bon Génie occupent la deuxième et la troisième place dans le système pyramidal des maisons de vente à crédit parisiennes, derrière Dufayel. La première enseigne est créée en 1866 par Édouard Cahen, âgé de 36 ans et natif de Paris25. Il installe son magasin au 48 boulevard de Strasbourg, dans le 10e arrondissement, et remporte une médaille d’honneur à l’Exposition universelle, l’année suivante, en 1867. Édouard Cahen associe ses fils à la propriété de l’entreprise par le biais d’une société en nom collectif, qui possède un capital d’un million de francs en 189126. Cette phase familiale de l’entreprise s’achève en 1897 lorsque la première société est dissoute. Le fonds de commerce est alors racheté par des actionnaires anglais qui fondent le 13 décembre 1897 une « société anglaise à responsabilité limitée », sous le nom d’Aux Classes Laborieuses Limited, dont le siège social est à Londres27. Le capital est alors augmenté, passant de 15,7 millions en 1900 à 19,5 millions en 191028. Cet apport de fonds permet la construction de nouveaux locaux aux numéros 85 et 87 de la rue Saint-Martin en 1899. Il est probable que le passage à la société à responsabilité limitée change la stature économique de l’entreprise qui revendique 500 000 clients en France en 1900 et 655 000 en 190229. Ce nombre, pour imposant qu’il soit, reste pourtant très inférieur à celui dont se targuent les Grands Magasins Dufayel à la même époque.
28Le Bon Génie, une maison de crédit fondée en 1860 par Gabriel Lévy, occupe quant à elle, la troisième place de cette hiérarchie. Installée au 9 rue de la Douane, également dans le 10e arrondissement, tout près de la place de la République, cette entreprise est de taille plus modeste, malgré sa transformation en société anonyme dès 1887. Le capital de départ (500 000 francs) est porté à un million en 1889 et se maintient jusqu’en 192330. En 1904, le Bon Génie compte 47 000 clients en France et sa clientèle parisienne nécessite l’emploi de seulement 80 abonneurs (Couture, 1904, p. 80).
29Ces deux entreprises ont au départ essayé d’instaurer un système de crédit indirect à l’image des « bons Crespin ». Un article du Panthéon de l’industrie en 1878 explique que « certains clients préfèrent s’adresser aux magasins de premier ordre dont la liste est fournie par l’administration des Classes Laborieuses [qui choisit avec soin] les maisons avec lesquelles elle établit des relations »31. Mais cette initiative fait long feu puisqu’en 1904, « le crédit n’y est fait que sous la forme directe, c’est-à-dire que l’acheteur ne peut se fournir que dans la maison » (Couture, 1904, p. 79). De même, le Bon Génie « après avoir tenté sans succès de faire en même temps des opérations de crédit direct et indirect se contente depuis 1886 de vendre les marchandises de ses propres magasins » (ibid., p. 80). Les bons Crespin-Dufayel détiennent donc le monopole du crédit indirect dans la capitale et ce système est trop bien implanté et trop populaire pour que d’autres entreprises puissent, avec succès, lui faire concurrence. En revanche, Aux Classes Laborieuses et le Bon Génie sont, comme Dufayel, des maisons à succursales qui s’implantent à l’échelle nationale. En 1872, le Bon Génie possède des antennes à Rouen, Versailles, Montlhéry, Montmorency, Amiens, Melun, Saint-Germain-en-Laye et Elbeuf et en 1904, il est également présent à Lyon et Belfort32. Lors de l’inscription d’Aux Classes Laborieuses au registre du commerce en 1920, des succursales à Amiens, Belfort, Roanne, Chalon-sur-Saône, Tours, Lyon, Rouen, Le Havre, Orléans sont mentionnées33. Il existe enfin des associations plus lâches avec des commerçants de petites villes. Parfois « le Bon Génie se contente de commanditer des commerçants, dont il est le principal ou même l’unique fournisseur. Certaines succursales ont pris une autonomie complète : elles ne sont plus rattachées à la maison de Paris que par le nom et l’origine commune » (ibid., p. 80-81).
30Aux Classes Laborieuses et le Bon Génie sont donc deux maisons de vente à crédit fondées comme celle de Jacques Crespin sous le Second Empire et qui, au départ, sont également des entreprises personnelles ou familiales. Malgré leur évolution vers d’autres formes juridiques (société anonyme et société à responsabilité limitée) et l’apport de nouveaux capitaux, elles n’atteindront jamais la stature économique du Palais de la Nouveauté, notamment faute de parvenir à établir un réseau de magasins partenaires : les bons Dufayel s’imposent comme la seule monnaie du crédit indirect. En revanche, ces deux sociétés acquièrent une position à l’échelle nationale par le biais des succursales ce qui n’est pas le cas d’autres enseignes dont le rayonnement est strictement limité à Paris et sa banlieue.
3. Haguenauer contre Haguenauer : des magasins d’importance locale
31Dans cette dernière catégorie, on note deux propriétaires homonymes et qui, pourtant, n’ont aucun lien de parenté. Au-delà de leur nom, le rapprochement s’impose par la taille des sociétés et par leur chronologie. La première entreprise, qui a pour raison sociale « Haguenauer S. et G. », est fondée en 1886, par Salomon et Gerson Haguenauer, deux frères âgés de 33 ans qui mettent en commun leurs économies pour constituer un petit capital de 10 000 francs34. Ils sont nés à Bergheim dans le Haut-Rhin d’un père maquignon et sont en 1886 déjà entrés dans le monde du commerce parisien : Salomon a été employé de commerce, puis négociant à son compte, et Gerson est présenté comme négociant35. Ils établissent leur magasin au 22 avenue Parmentier dans le 11e arrondissement. Gerson meurt peu après en 1892 et, comme prévu dans l’acte de fondation de la société, ses parts reviennent à un troisième frère prénommé Moïse, ce qui modifie la raison sociale en « Haguenauer S. et M. »36. Malgré un capital de départ modeste, l’entreprise est florissante puisqu’elle déménage en 1899 dans un bâtiment plus spacieux et mieux situé, au 6bis place Voltaire. La société prend à ce moment-là le nom commercial de « Galeries Voltaires » et existe sous cette enseigne jusqu’à la Première Guerre mondiale.
32Quelques années plus tard, Jacques Haguenauer fonde Aux Enfants de la Chapelle, dans le 18e arrondissement. Il est né en janvier 1851 à Paris et est issu d’un milieu de confectionneurs de confession juive37. Son nom apparaît pour la première fois dans le Bottin du commerce en 1894 sous la raison de « J. Haguenauer fils »38. Son commerce est tout d’abord installé au 114bis rue de la Chapelle, aux limites septentrionales de la capitale, tout près de la porte de la Chapelle, dans un quartier très populaire. En 1901, l’administration des patentes recense treize employés, chargés de vendre à crédit à la fois du mobilier, des articles d’intérieur (horlogerie, miroiterie, linge de maison), des bicyclettes ainsi que des vêtements confectionnés39. Ce personnel se décompose comme suit : « 8 employés dans ce magasin, 2 courtiers pour les ventes au dehors, 2 individus pour le contentieux (chargés de vérifier la solvabilité des clients), 1 caissière (Mme Haguenauer) »40. Les courtiers sont les deux abonneurs employés par la maison, bien loin de l’armada de centaines de receveurs de Georges Dufayel. En 1905, l’affaire a cependant suffisamment de succès pour que Jacques Haguenauer achète un immeuble au numéro 94 de la même rue, bâtiment qu’il fait reconstruire pour les besoins du commerce. Le plan dressé pour obtenir le permis de construire laisse néanmoins voir l’aspect modeste des bâtiments (un immeuble de deux étages, occupant un numéro de rue), très loin donc des 38 000 mètres carrés de Dufayel, boulevard Barbès41. Mais la croissance est continue puisque lors de son inscription au registre du commerce en 1921, l’entreprise devenue une société en commandite simple associant Jacques Haguenauer à son fils René, déclare un capital de deux millions de francs42. En 1925, à la mort du père, la raison sociale change pour devenir « R. Haguenauer et compagnie », attestant la succession du fils au père43.
33Outre la date de leur fondation dans les années 1880-1890 et la modestie des débuts, les deux maisons Haguenauer partagent un ancrage local qu’elles revendiquent d’ailleurs : le Bottin de 1913 précise pour les Galeries Voltaires « Paris et banlieue seulement », tandis que toutes les publicités d’Aux Enfants de la Chapelle prennent soin de préciser que « la maison n’a pas de succursale ». La dimension strictement parisienne est mobilisée comme un atout, un gage de proximité géographique et sociale avec les débiteurs. Jacques Haguenauer est celui qui pousse le plus loin la rhétorique de l’enracinement prenant soin de se qualifier de « fils » et désignant Aux Enfants de la Chapelle comme « la plus ancienne maison en son genre », « fondée en 1852 », mentions qui prouvent une volonté de s’inscrire dans une généalogie de la vente à crédit. Le nom même de l’entreprise affirme l’importance du local et de la filiation. Les « enfants » du nom de l’enseigne sont « de la Chapelle », fils et filles du quartier ce qui met en avant une identité territoriale et populaire.
Conclusion
34La vente à crédit à Paris à la Belle Époque est un phénomène largement sous-estimé par l’historiographie et dépasse le seul cas des magasins Dufayel. Ce crédit est tout d’abord pratiqué de manière dissimulée par les magasins de nouveautés, soucieux de protéger leur image respectable de commerces vendant au comptant. Les enseignes revendiquant la pratique de la vente à tempérament se situent sur un continuum : le Palais de la Nouveauté domine le secteur et rayonne dans toute la France ; il est suivi par Aux Classes Laborieuses et le Bon génie ses principaux concurrents. Viennent enfin des magasins de taille moyenne, comme les Galeries Voltaires ou Aux Enfants de la Chapelle, dont la clientèle est uniquement parisienne. Faute de sources, la myriade de petits magasins, prêtant à la semaine ou au mois, qui forment la base instable de cette structure pyramidale est difficile à étudier.
35La Belle Époque est bien l’âge d’or de ce système commercial qui est durement touché par l’inflation déclenchée par le premier conflit mondial et qui se prolonge dans les années 1920. En effet, ce phénomène diminue « le coût réel de l’endettement en fonction de la différence entre la hausse du niveau moyen des prix et les taux d’intérêt débiteurs (généralement non révisables) » (Bezbakh, 2011, p. 3). L’inflation a donc pour conséquence un effacement des dettes, car la valeur de la monnaie se dévalue, mais le montant des remboursements reste fixe, ce qui diminue la valeur réelle des emprunts. L’inflation de la guerre, puis des années 1920, purge alors l’endettement des classes populaires parisiennes, ce dont les grands magasins de crédit populaire souffrent beaucoup, comme le prouve la faillite des Grands Magasins Dufayel en 1925. Les autres établissements de vente à crédit réussissent à surmonter le choc mais doivent pour cela diversifier leurs activités et se recentrer sur une clientèle plus bourgeoise. La crise des années 1930 les contraint encore davantage à réduire leur rôle de prêteur et il faudra attendre la naissance du Cetelem dans les années 1950 (Ducourant, 2009 ; Effosse, 2014) pour retrouver un système de crédit de grande ampleur s’adressant aux moins fortunés.
Bibliographie
Périodiques
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Notes de bas de page
1 Bottin du commerce : 1883 (2Mi3/84), 1893 (2Mi3/105), 1903 (2Mi3/135), 1913 (2Mi3/177), 1923 (2Mi3/218), archives départementales de Paris (désormais AD 75).
2 Registre de la saisie-arrêt pour l’année 1895, AD 75, Paris, D15U1/446.
3 Pièces de procédure, 1913, AD 75, Paris, D15U1/215.
4 Le versement initial demandé à un client ordinaire est de 10 francs pour un bon de 50 francs. Bibliothèque historique de la Ville de Paris (désormais BHVP), Paris, documents éphémères, série 120, carton « Aux Classes Laborieuses ».
5 Les archives de cette chambre syndicale n’ont pas été retrouvées, étant absentes des fonds de la chambre du commerce et de l’industrie de Paris. De façon générale, aucune des entreprises mentionnées n’a déposé ses archives dans un organisme public.
6 Cité par Francis Delaisi dans La Bataille syndicaliste, 1er décembre 1911.
7 Comme Aristide Boucicaut, né dans l’Orne et ancien vendeur, fondateur du Bon Marché en 1852, ou Jules Jaluzot qui crée le Printemps en 1865.
8 Cette affirmation s’avère exacte selon l’acte de naissance de Jacques Crespin (archives départementales de la Manche [désormais AD 50], Saint-Lô, 5 MI 1593.
9 Acte de mariage et La Bataille syndicaliste, 1er décembre 1911, AD 75, Paris, V3E/M242.
10 Déclarations de succession, AD 75, Paris, DQ 7 11109/11280/12201/12482/12724.
11 La Bataille syndicaliste, 1er décembre 1911.
12 Acte de mariage d’Achille Dufayel, le 19 janvier 1854, AD 75, Paris, 5MI1/2246.
13 Proposition légion d’honneur, Archives nationales (désormais AN), Paris, F12/5134.
14 Dossier de la Légion d’honneur, AN, Paris, LH/831/24.
15 Livret de crédit Dufayel, collection privée P. Ferlicot.
16 Statuts de la société anonyme fondée en 1917, AD 75, Paris, D31U3/1607.
17 Annuaire Desfossés, 1913.
18 La Bataille syndicaliste, 19 décembre 1911.
19 Carnets de crédit 1898 et 1907, collection privée P. Gougeon.
20 On peut noter que ce système de l’escompte et le recours au crédit indirect dissimulent le taux d’intérêt réel auquel sont consentis ces prêts.
21 Annuaires de 1893, 1907 et 1909, BHVP, Paris, documents éphémères, série 120, cartons Dufayel.
22 Lettre, avril 1903, collection privée G. Albert.
23 La Bataille syndicaliste, 4 décembre 1911.
24 AN, Paris, dossier Dufayel, F7/15952-2.
25 Liste électorale de 1891, 9e arrondissement, Édouard Cahen, négociant, né à Paris le 13 mai 1830 et domicilié 53 rue de Châteaudun.
26 Archives commerciales de la France, mars 1891.
27 Registre du commerce, AD 75, Paris, D33U3/0117.
28 Catalogues 1900 et 1910, bibliothèque Forney, Paris, CC 290 et BHVP, Paris, documents éphémères, série 120, carton « Aux Classes Laborieuses ».
29 Catalogues 1900 et 1902, bibliothèque Forney, Paris, CC 290 et BHVP, Paris, documents éphémères, série 120, carton « Aux Classes Laborieuses ».
30 Archives commerciales de la France, mai 1889 et juillet 1923. En juillet 1923, le capital est augmenté pour passer à 4 millions, mais compte tenu de l’inflation, cela représente à peine un million de 1900.
31 Le Panthéon de l’industrie, 13 novembre 1878.
32 Affiche du Bon Génie, 1872 [En ligne], URL : <http://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/btv1b9008670h>.
33 Registre du commerce, AD 75, Paris, D33U3/0117.
34 Salomon apporte 3 000 francs et Gerson 7 000 francs (acte de société, 2 juin 1886, AD 75, Paris, D31U3/591).
35 Acte de mariage de Salomon et Mathilde Haguenauer, AD 75, Paris, V4E/3789, puis acte de naissance de leur fils René en 1883 pour lequel Gerson est témoin (AD 75, Paris, V4E/6264).
36 Acte de décès de Gerson Haguenauer, AD 75, Paris, V4E/6690, raison sociale modifiée dans le Bottin du commerce à partir de 1893.
37 Cette appartenance confessionnelle est attestée par l’annonce de son décès dans la revue L’Univers israélite en octobre 1925.
38 Bottin du commerce, 1894, AD 75, Paris, 2 Mi 3/105 à 177.
39 Calepin des propriétés bâties, AD 75, Paris, D1P4/220.
40 Ibid.
41 Permis de construire, 1904, AD 75, Paris, VO11/578.
42 Registre du commerce, AD 75, Paris, D33U3/282.
43 Archives commerciales de la France, juin 1927.
Auteur
Anaïs Albert est maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’université de Paris et membre du laboratoire de recherche Identités, Cultures, Territoires (ICT). Elle est spécialiste d’histoire économique et sociale, ainsi que d’histoire du genre et des classes populaires dans la France du xixe siècle . Ses travaux s’orientent aujourd’hui vers l’étude de l’économie domestique et des microconflictualités quotidiennes, à travers des sources judiciaires (justice de paix et prud’hommes).
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