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Les transformations du petit commerce au xixe siècle à Besançon (1804-1913)
p. 73-92
Texte intégral
1À l’aube de l’ère industrielle, le petit commerce se situe incontestablement au cœur du processus de diffusion de la culture matérielle correspondant aux besoins et désirs d’une « société de consommation » naissante (McKendrick et al., 1985). La croissance de la population active (+ 0,6 % par an en moyenne de 1806 à 1840), l’urbanisation, l’amélioration des voies de communication et par là même des échanges entre les milieux urbains et ruraux, l’augmentation du niveau de vie (+ 1 % par an en moyenne du produit national par tête de 1815 à 1840), la baisse des prix des biens de consommation courante, l’arrivée en quantité de nouveautés sur le marché, sont autant de facteurs qui favorisent l’expansion de la consommation (Roche, 1997). De nouvelles formes de commerce apparaissent et modifient profondément le paysage commercial des villes françaises. Passages, arcades, bazars et grands magasins révolutionnent le commerce de détail dans sa forme et ses pratiques, et bouleversent les habitudes du petit commerce traditionnel aux méthodes obsolètes (prix élevés, faible rotation des stocks, crédit).
2C’est dans ce contexte nouveau que les boutiquiers vont s’employer à répondre à un double défi : d’une part, satisfaire aux exigences d’une clientèle hétérogène au niveau social, économique et culturel dont les besoins, les goûts et les choix se distinguent simultanément selon le groupe d’appartenance et le style de vie ; et d’autre part, faire face à une concurrence rude et en plein développement, qui provient non seulement des grands magasins mais également des autres boutiques.
3Nous étudierons dans ce chapitre le cas de Besançon, ville de taille moyenne située dans le nord-est de la France à mi-chemin entre Strasbourg et Lyon et à proximité de la Suisse, qui accède à la fin du xviiie siècle au statut de capitale régionale (avec une population de 25 000 habitants en 1794). Besançon est une ville militaire et administrative dont l’économie se développe essentiellement autour d’une activité tertiaire dominée par le commerce de détail, mais où l’horlogerie gagne de plus en plus en importance, et dont le développement suit d’assez près la conjoncture économique nationale.
4Nous montrerons à partir de l’étude des inventaires après décès, des dossiers de faillite et surtout des annonces commerciales publiées dans la presse locale, comment, afin de séduire la clientèle, les commerçants de cette ville de province, influencés par les modes de consommation et les innovations en provenance de la capitale, adoptent de nouvelles pratiques empruntées aux magasins de nouveautés et grands magasins. Ces commerces perdurent également, grâce aux liens de confiance qu’ils ont su instaurer avec la clientèle et dans une certaine mesure, à la persistance de leur pratique du crédit.
I. Morphologie et évolution du commerce bisontin au xixe siècle
1. Un développement difficile après la Révolution
5Si Besançon, située au cœur d’une région à dominante rurale, profite de l’ordre rétabli après les tumultes révolutionnaires et de sa proximité avec la Suisse (avec laquelle s’effectue une grande partie des échanges) pour relancer son économie, elle ne peut être véritablement considérée comme une ville commerçante et l’essor du commerce local est de courte durée. Malgré le rétablissement des foires et le dynamisme du marché aux cuirs, les routes sont si détériorées et les colporteurs rencontrent de telles difficultés à voyager que le commerce est parfois interrompu et les marchés uniquement approvisionnés par les quincailliers1. Par ailleurs, face aux conséquences du blocus continental et au relâchement des autorités, les effets de la contrebande se font ressentir dans les secteurs de la draperie, de la bonneterie et de l’horlogerie. La pénurie de numéraire, la dépréciation des stocks de marchandises et la chute du prix des biens de première nécessité provoquent, en 1811, la faillite de marchands en gros, puis celle de commerçants de détail tels que les marchands de toile ou de tabac. Aucun commerce n’est épargné et les commerçants les plus réputés de la ville se retrouvent également en situation difficile, telle la maison Pochet qui « était l’une des plus riches et des mieux assorties de Besançon »2. Mais les négociants bisontins espèrent que la paix restaurera les grands courants commerciaux et requièrent en 1819, auprès du ministre de l’Intérieur, l’établissement d’une chambre de commerce.
6Néanmoins, malgré une amélioration de la situation commerciale générale, le conseil municipal constate en 1819 que la ville s’est appauvrie et stagne dans « un état de langueur » : « […] il fut un temps où l’on ne voyait jamais une boutique vacante, une boutique se louait toujours à l’avance et on ne les voyait jamais fermées »3. Un banquier important de la cité estime que, dans les années 1820, « le commerce de détail […] s’exerçait dans un nombre assez restreint de boutiques et de magasins […] » (Bretillot, 1878, p. 102). Plusieurs facteurs peuvent expliquer les difficultés que le commerce rencontre dans son développement durant la Restauration : d’une part, les consommateurs conservent l’habitude d’acheter des articles à Paris (à crédit), ce qui entraîne la fermeture de certains établissements telle la fabrique de chocolats Caillon, pourtant dotée d’un équipement moderne comparable à celui utilisé dans la capitale (Weiss, 1997, p. 10). D’autre part, le commerce illégal pratiqué par les forains l’empêche de prospérer. Malgré les plaintes des commerçants contre l’abus du colportage4 et la pratique de prix frauduleux, les marchands ambulants s’affairent toujours dans la cité. En 1837, l’annuaire du commerce mentionne la présence de 14 colporteurs et 44 revendeurs résidant à Besançon, symbolisant par là même l’archaïsme du commerce de détail bisontin5. De surcroît, l’apparence générale de la ville est peu engageante et n’incite guère les habitants à s’y promener ou à y flâner : les rues sont sales, inanimées, sombres et les promenades manquent. En 1830, la ville a conservé sa physionomie du xviiie siècle (Bruchon, 1898, p. 16).
7Cependant, la municipalité procède sous la monarchie de Juillet, à d’importants travaux dans le but d’améliorer le réseau des transports et de rendre la cité plus attractive : des routes se construisent et l’ouverture du canal Rhin-Rhône en 1833 permet de rendre accessible à la population une multitude de nouveaux produits (riz, sucre, savons, coton, garance, draps, cuirs, huile, vin, etc.). Besançon s’affirme alors en tant que place commerciale et exerce une influence prépondérante dans la région : « Des magasins spacieux, établis avec élégance, doublèrent au moins le nombre de ceux précédemment ouverts » (Bretillot, 1878, p. 108). Des rues se percent, s’élargissent, se pavent et s’éclairent, les façades sont alignées et divers magasins s’ouvrent malgré la cherté des loyers appliqués dans les rues commerçantes (Fohlen, 1964, p. 318). De nouveaux magasins, achalandés « à l’instar de Paris »6, tel l’établissement À la Frileuse, ouvrent leurs portes offrant de nombreux articles à la mode vendus à prix fixes et modiques. D’autres s’agrandissent et améliorent leur agencement, rivalisant de luxe et d’élégance (Weiss, 1997, p. 45).
8Le commerce de la cité gagne rapidement en importance et le nombre de commerçants explose en l’espace de 35 ans (l’annuaire du Doubs mentionne la présence de 28 épiciers sur l’ensemble du département en 1802 alors qu’il en enregistre 57 en 1837 sur la seule ville de Besançon)7. En 1837, la ville comptabilise 1 189 commerçants de détail pour 29 167 habitants (soit un ratio d’environ 40 commerces pour 1 000 habitants) dont 41,4 % destinés à une activité commerciale liée au bien-être et au paraître (fig. 1) – bijoutiers, bottiers, libraires, cafetiers, chapeliers, coiffeurs, confiseurs, marchands horlogers, drapiers, marchandes de modes, à la toilette, marchands de nouveautés, de fourrures, de papiers peints, de tableaux, d’instruments de musique, de soie, de rouennerie, de passementerie, tailleurs, parfumeurs ou encore tapissiers auxquels seule une clientèle issue de la classe moyenne ou de la bourgeoisie peut accéder8. Après une période de stagnation (voire de décroissance), la ville redevient attractive et sa population augmente de 33 % en 15 ans (entre 1831 et 1846), soit un coefficient supérieur à celui de beaucoup d’autres villes : Nancy, Nantes ou Rouen (Fohlen, 1964, p. 301).
Figure 1. Répartition des professions commerçantes par secteur d’activité en 1837, 1870 et 1895
Secteurs | 1837 | 1870 | 1895 | |||
Nb | % | Nb | % | Nb | % | |
Alimentation | 342 | 28,76 % | 468 | 38,94 % | 478 | 34,84 % |
Textile et accessoires | 309 | 25,99 % | 293 | 24,38 % | 310 | 22,59 % |
Objets domestiques | 196 | 16,48 % | 112 | 9,32 % | 143 | 10,42 % |
Matériaux | 71 | 5,97 % | 53 | 4,41 % | 52 | 3,79 % |
Loisirs | 53 | 4,46 % | 44 | 3,66 % | 79 | 5,76 % |
Beauté | 48 | 4,04 % | 44 | 3,66 % | 69 | 5,03 % |
Horlogerie/Bijouterie | 29 | 2,44 % | 60 | 4,99 % | 48 | 3,50 % |
Décoration intérieure | 32 | 2,69 % | 41 | 3,41 % | 85 | 6,20 % |
Cuir | 28 | 2,35 % | 15 | 1,25 % | 19 | 1,38 % |
Santé | 21 | 1,77 % | 33 | 2,75 % | 39 | 2,84 % |
Commerce d’’occasion | 17 | 1,43 % | 15 | 1,25 % | 22 | 1,60 % |
Divers | 43 | 3,62 % | 24 | 2,00 % | 28 | 2,04 % |
TOTAL | 1 189 | 100 | 1 202 | 100 | 1 372 | 100 |
Source : D’après les annuaires départementaux du Doubs (BMEC).
2. Un petit commerce dynamique sous le Second Empire
9L’essor commercial de Besançon se fait sentir sous le Second Empire avec d’une part, l’arrivée de nouvelles branches issues du secteur du luxe et demi-luxe telles que l’optique, la miroiterie, les fleurs artificielles, le vernis ou la photographie et d’autre part, sa confirmation de capitale horlogère à la suite du succès de l’exposition internationale qu’elle a organisée en 1860. C’est également dans les années 1860 que s’ouvrent les premiers grands magasins à Besançon avec le Bon Marché situé Grande Rue ou encore les Galeries de la maison Demogé, situé rue des Granges, bien avant Dijon, pourtant de taille comparable à Besançon, où le premier magasin Au Pauvre Diable n’ouvrit qu’en 1875. Selon le Journal de géographie commerciale et industrielle, le Bon Marché de Besançon compte parmi les huit ou dix grands magasins de nouveautés existant en province à cette époque9. La ville connaît durant cette période, une ère de prospérité économique et d’expansion démographique impulsée principalement par son rattachement au réseau ferré. La population s’accroît d’environ 14 % entre 1851 et 1866 et la ville attire, outre une population rurale composée de manœuvres et journaliers, une population issue de l’immigration suisse, allemande et italienne (Fohlen, 1964, p. 326).
10Après la guerre de 1870-1871, la cité continue de se développer : elle accueille un grand nombre d’Alsaciens fuyant l’annexion allemande ainsi que de nombreux soldats et officiers venus garnir ce centre militaire10. La situation commerciale de l’horlogerie est florissante : le rapport officiel de l’exposition de 1878 montre que cette activité fait vivre entre 27 % et 30 % des Bisontins et qu’elle approvisionne en montres 89 % du marché français (Marlin, 1969, p. 61). Parallèlement, le nombre de commerçants augmente d’environ 32 % entre 1870 (1 202) et 1880 (1 590) pour répondre aux besoins de consommation des nouveaux arrivants et de la main-d’œuvre ouvrière (fig. 2). Cette vitalité compense le raccordement tardif du réseau de chemin de fer au réseau suisse.
3. Un essor commercial à nuancer
11Cependant, une concurrence suisse de plus en plus forte, des procédés de vérification des bureaux de garantie moins rigoureux à la frontière que dans la cité bisontine11, des droits fiscaux divergents12, une mécanisation tardive ou encore des fraudes poussent l’horlogerie sur « une pente qui peu à peu la mène à l’abîme » (Fohlen, 1964, p. 379). En outre, la guerre douanière franco-suisse porte atteinte à diverses branches du commerce bisontin « telles que celles concernant les vins, l’épicerie, la droguerie, les meubles, les divers appareils de chauffage, etc. ». Par ailleurs, le petit commerce souffre de la concurrence exercée par les grands magasins et Le Petit Comtois consacre un article intitulé « Les grands magasins et le petit commerce » aux difficultés que ce dernier rencontre au niveau national13.
12D’après les comptes généraux de l’administration de la justice civile et commerciale (Ministère de la Justice, 1820-1935), le nombre d’ouvertures de faillites à Besançon est multiplié par 4,7 entre 1850 et 1887. Nous constatons sur la figure ci-dessous que le nombre de faillites augmente à partir de 1870 (13) pour atteindre un pic en 1887 (57). Le nombre élevé de faillites enregistrées durant cette période est révélateur du piètre état de santé du commerce bisontin.
13En 1889, les négociants signent de nouveau une pétition dirigée contre les commerçants ambulants qu’ils accusent de vendre à bas prix des marchandises « généralement annoncées comme provenant de liquidations après faillite »14. Après avoir chuté brutalement en 1891 (5), le nombre de faillites repart à la hausse pour osciller entre 10 et 23 dans les décennies qui précèdent la guerre, ce qui amène les contemporains à penser que « Besançon est quoi qu’on en dise une ville en décadence » (Le Progrès du Doubs, 1896, cité par Fohlen, 1964, p. 379). Jugement trop sévère selon le président de la Société d’émulation du Doubs qui s’élève « contre ce que pareil terme semble préjuger de définitif dans une situation qui, même si on l’admettait, ne pourrait être que passagère » (Bruchon, 1898, p. 15). Il rappelle que bien loin de la situation des années 1830, la ville bénéficie désormais des grandes découvertes d’intérêt général telles que le gaz d’éclairage, les voies ferrées ou l’électricité et qu’elle a subi d’importantes améliorations qui en ont transformé la physionomie et le confort.
14L’exploitation des eaux salées d’une localité voisine va transformer la ville en cité balnéaire (Besançon-les-Bains) et en stopper la décroissance. Par ailleurs, deux nouvelles industries sont implantées en banlieue : la papeterie et la fabrication de soie artificielle, mais l’industrie bisontine continue de se concentrer principalement autour de l’horlogerie. En 1890, Le Bon sens franc-comtois signale la « torpeur commerciale » qui frappe la ville. Sans nul doute le retard industriel et commercial de Besançon provient de la réticence des fabricants et commerçants à se moderniser et à employer de nouvelles méthodes de vente, la réclame par exemple, pour développer leur activité, laissant ainsi le champ libre aux concurrents étrangers15.
15Si Besançon n’enregistre pas de véritables progrès économiques, l’encadrement commercial se maintient (24 commerçants pour 1 000 habitants en 1895 et 1913) et cela malgré l’ouverture de nouveaux grands magasins, comme la confection Vaxelaire ou encore les Nouvelles Galeries (1904), et l’apparition des commerces d’alimentation à succursales multiples (les Économiques bisontins s’établissent en 1907 et les Docks francs-comtois ouvrent leurs portes en 1910). En 1912, Joseph Mathey, syndic de la boulangerie et membre de la chambre de commerce du Doubs, déplore l’arrivée de ces nouvelles formes de commerce et des grands magasins, qui selon lui ne peuvent engendrer que des effets néfastes sur la consommation :
Le mouvement économique du moment tend au monopole de vente dans les grands magasins par l’anéantissement du petit commerce. Lorsque ce problème sera résolu le consommateur se trouvera en présence de sociétés puissantes qui l’exploiteront, et la vie chère dont on sent déjà les effets sera agrémentée de la hausse des objets de première qualité (Marlin, 1969, p. 73)
16Prenons l’exemple d’une profession représentative du commerce de détail bisontin : l’épicerie. L’épicier, s’il est peu concerné par les faillites entre 1853 et 1880, subit la crise commerciale des années 1880. Parmi les 37 dossiers de faillites figurant dans la liste, sept dossiers s’avèrent incomplets et donc inexploitables16 et quinze dossiers sont clôturés pour insuffisance d’actifs : dans ce cas, le manque de fonds est tel qu’il est inutile de continuer la procédure pour tenter de rembourser les créanciers. Ainsi, Auguste Scheer17, épicier, présente un actif qui « consiste à peu près uniquement dans la valeur du pauvre matériel dépourvu de marchandises et représentant un chiffre de 200 F ». Outre la crise invoquée comme raison principale de la faillite, le syndic signale une mauvaise gestion qu'atteste l’absence totale de livres de compte pour six d’entre eux. Cette forme de boutique traditionnelle attire une clientèle populaire grâce à la pratique du crédit et à la vente en petite quantité. Les liens commerciaux qui unissent le client, le commerçant et le fournisseur se basent sur une confiance mutuelle et l’épicier prend le risque de ne pouvoir payer ses fournisseurs si ses débiteurs s’avèrent insolvables. Mais il ne faut pas oublier que la faillite touche également des petits commerçants peu fortunés, victimes dans certains cas d’un incident ou d’un malheur. En effet, on retrouve à l’origine de certaines faillites, la maladie et les frais médicaux trop lourds à supporter, la perte ou la maladie d’un parent proche qui apportait une aide financière indispensable à la survie du commerce ou encore un incendie et la perte complète du stock de marchandises. Dans certains cas, l’inexpérience et l’absence de connaissances propres au métier auront été fatales : Hortense Jolyot18, épicière, décide de monter son affaire et reprend le fonds de commerce en mars 1884 d’un dénommé « Poulin ». Ce dernier voyant son inexpérience en matière de commerce en profite non seulement pour lui vendre le fonds le double de sa valeur réelle, mais également pour lui céder un stock de marchandises avariées au-dessus du prix de facture, marchandises impropres à la consommation dont elle a dû se débarrasser. En outre, elle comptait sur le soutien d’une sœur et d’un beau-frère qui devaient venir habiter avec elle et l’aider dans l’exploitation de son commerce, mais qui au bout de trois mois ont renoncé. Afin de maintenir son commerce à flot, Hortense Jolyot puise dans ses économies qu’elle a dépensées en totalité au bout d’un an. Sans ressources, elle se retrouve donc dans l’impossibilité de continuer son commerce, pour lequel, par ailleurs, elle ne trouve aucun repreneur.
17Les faillites qui s'accroissent à nouveau dans les années 1890 culminent en 1910 (23) de sorte que le nombre d'épiciers diminue (de 191 en 1870 à 168 en 1895), quand, au contraire, le nombre de commerçants exerçant dans le secteur de l’alimentation augmente un peu (de 468 en 1870 à 478 en 1895) [fig. 1]. Comme nous l’avons mentionné auparavant, cette période coïncide avec l’apparition des Économiques bisontins et des Docks francs-comtois dont la nouvelle forme de commerce vient concurrencer celles déjà existantes en province : Alain Faure relève « l’absence de sociétés à succursales multiples [à Paris, avant 1914] alors que dans le reste de la France les chaînes commerciales connaissent un développement remarquable et provoquent dans le métier de douloureuses saignées » (Faure, 1979, p. 122).
II. Le magasin entre décor et renommée
18Face à cette nouvelle forme de concurrence, les petits commerçants doivent s’adapter et adopter de nouvelles pratiques empruntées aux magasins de nouveautés parisiens. Ces derniers attirèrent rapidement le consommateur grâce à la mise en place de stratégies innovantes en rupture avec les méthodes traditionnelles pratiquées par les boutiques et héritées de l’Ancien Régime (prix non affichés et constamment négociés, obligation d’achat lorsque le badaud pénètre dans la boutique, concurrence contrôlée entre les marchands provenant d’un même secteur afin de réguler les parts de marché). L’image peu reluisante de la boutique traditionnelle du xixe siècle (sombre, humide, poussiéreuse, vétuste) décrite par Balzac et Zola s’oppose alors à celle du magasin de nouveautés (l’apparition du terme « magasin » souligne cette opposition) qui cherche désormais à séduire et attirer le client en modifiant l’aménagement du lieu de vente (superficie, devanture, enseigne, vitrine, aménagement intérieur) et les méthodes de vente (entrée libre, prix fixe, réclame, exposition).
La boutique ignorait l’annonce, la réclame, le puff d’occasion, la vente à prix fixe, la vente par cessation de commerce, par fin de bail, à 5 % de rabais ; le prospectus à 100 000 exemplaires ; la science de l’étalage et celle plus compliquée d’enfoncer le margoulin ; le magasin connaît tout cela19.
19Le « magasin » incarne dorénavant la modernité avec son décor luxueux et ses nouvelles pratiques alors que la « boutique » conserve son aspect traditionnel et des occupants réfractaires au progrès (Luchet, 1831-1834, p. 239-240). Mais la frontière entre ces deux univers n’est pas aussi marquée. Les boutiquiers s’emparèrent du terme de façon abusive afin de faire valoir leur activité, et le développement de nouvelles formes de commerce n’a pas entraîné automatiquement leur déclassement.
1. Modification de l’aspect extérieur et intérieur
20À Besançon, le terme « magasin » est employé régulièrement dans les inventaires après décès à partir de 1850 pour désigner les boutiques des commerçants. Coindre (historien, artiste peintre et graveur né à Besançon) dépeint dans Mon vieux Besançon un paysage commercial en pleine mutation, dans lequel les enseignes communes du « vieux commerce » (Coindre, 1900, p. 1002) ont fait place à d’autres plus lumineuses dont la composition et les couleurs attiraient l’attention des curieux, telle l’enseigne de La Fiancée, qui selon Weiss (conservateur administrateur de la bibliothèque de Besançon), pourrait rivaliser avec celles de la capitale (Weiss, 1997, p. 322). À Besançon comme à Paris, les commerçants n’ont d’autres choix que de se plier aux variations de la mode : « Il y eut des magasins qui changeaient de couleur, qui changeaient d’enseigne, qui changeaient de rue, parce que la rue, l’enseigne ou la couleur avait cessé d’être à la mode » (Luchet, 1831-1834, p. 244)
21Coindre constate, sous le Second Empire, la transformation des boutiques de son enfance, dont l’aspect autrefois simple et sans fioritures laisse place à l’élégance et la coquetterie inspirées des modes parisiennes (Coindre, 1900, p. 395). Mais toutes ne se métamorphosèrent pas, à l’instar de la pâtisserie de Mlle Vieux, « toute simple et sans recherche » (ibid., p. 58) ou encore la mercerie des demoiselles Mourgeon à la devanture « antique, à la façon des plus rustiques de Battant, peinte en vert olive sur une boiserie caractéristique du dernier siècle » (ibid., p. 58).
22Les boutiques transforment également leur aménagement intérieur et « la contagion des bronzes et des glaces gagn[a] jusqu’à la province » (Luchet, 1831-1834, p. 237). À l’équipement ordinaire du boutiquier qui se composait d’un ou deux comptoirs, de quelques chaises ou tabourets et de rayonnages permettant d'exposer les articles à la vue de la clientèle, s’ajoute tout un mobilier de présentation variable en quantité et en qualité selon les disponibilités financières des commerçants : buffets, secrétaires, bureaux, commodes, armoires, montres, vitrines, cabinets, tiroirs, casiers, consoles, râteliers, bancs d’étalage venaient garnir l’intérieur de plus d’un quart des boutiques recensées20. Le confort gagne également les intérieurs de boutiques : la qualité des sièges s’améliore et la classique chaise en bois ou en paille est substituée par des chaises rembourrées, des banquettes ou encore des fauteuils (à partir de 1850). Léonie Klein21, boulangère, a même installé un canapé dans sa boutique. De son côté, Paul Hein22, tailleur, meuble sa boutique de six chaises en noyer, garnies de damas rouge, d’un fauteuil assorti, d’une table de jeu en noyer, de quatre petits rideaux de mousseline, d’une pendule en zinc placée sous un globe, d’une glace comportant un cadre doré et d’une gravure encadrée, créant ainsi une atmosphère agréable voire de détente pour faire patienter le client et le mettre en confiance. Par ailleurs, une multitude d’objets auparavant réservés aux habitations – glaces, tableaux, gravures, cadres, bibelots, statues, horloges, vases, rideaux, baromètres, thermomètres ou encore animaux empaillés – envahissent les boutiques. Les marchands les plus fortunés n’hésitent pas à abuser de riches éléments décoratifs pour affirmer leur rang social et afficher leur réussite, à l’exemple d’Hippolyte Robardet23, marchand de fourrures, qui garnit sa boutique de pas moins de vingt-deux chaises, huit glaces d’entre-deux, quatre grandes glaces, deux lampes à gaz, six lustres, quatre lyres et quatre becs grenouillères ; de l’orfèvre Pelleteret qui fait commérer toute la rue avec la construction d’une cheminée en marbre blanc au centre de son magasin24 ; ou encore de la charcuterie Curty dont les « gradins de marbre blanc et balustres de cristal étaient le luxe de l’étalage » (Coindre, 1900, p. 110). Certains commerçants vont plus loin encore pour attiser la curiosité du consommateur : « la pharmacie Renaud exhibait un boa naturalisé, enroulé du sol au plafond sur un tronc d’arbre moussu » (Coindre, 1900, p. 6) ; « le portrait de Napoléon III et de l’impératrice [réalisé en mosaïque de cheveux par le coiffeur Marquis], resta à perpétuité l’ornement de la vitrine, avec le fameux tombeau d’Héloïse, son chef-d’œuvre » (ibid., p. 116).
2. Sociabilité, confiance et renommée
23Mais la boutique n’est pas uniquement un lieu de vente ou d’achat, elle est également un véritable lieu de sociabilité où la clientèle aime à se montrer, se rencontrer, converser ou échanger : « Le tailleur Rollet bavardait de confiance avec ses clients, consciencieusement intéressé aux petits évènements du quartier, aux affaires de familles » (Coindre, 1900, p. 59) ; « Quel papotage chez Madame Deroche : une sorte de marchande à la toilette, fort avenante » (ibid., p. 126). Au-delà du rapport commercial, des relations amicales se développent dans l’enceinte même de la boutique : « Ma grand-mère, qui avait toujours quelque bobine de fil à y acheter, ou son étui de lunettes à remplacer, tutoyait Pierrin » (ibid., p. 10). Au Gagne-Petit, magasin d’habillement pour homme, s’adresse directement à sa fidèle clientèle dans ses réclames : « Depuis douze ans que nous nous connaissons, il devient inutile de vous vanter ma marchandise »25. Traitée avec courtoisie, la clientèle accorde aisément sa confiance au boutiquier qui se contente d’un bénéfice modéré.
24Non seulement la parole du vendeur est peu remise en question une fois que le client lui a accordé sa confiance, mais ce dernier sait en tirer avantage pour développer son affaire : « Nos mères, à La Fiancée, achetaient une robe, de l’air sérieux et confiant dont on traite un placement chez son notaire : la parole du vendeur, dans ces vieilles maisons, était un oracle » (ibid., p. 49). La proximité du petit détaillant avec ses clients, fait qu’il les connaît pour la plupart et peut s’adapter plus aisément, à force d’habitude, à leurs goûts et leurs besoins quotidiens :
Il y a une classe de la population qui regarde moins à l’abaissement du prix et qui préférera longtemps la petite maison où l’on est plus chez soi, où l’on rencontre des soins plus particuliers qui compensent, pour certaines personnes, une certaine élévation du prix (Loi des patentes, 1890).
25Ce ton poli et courtois est au demeurant largement employé dans les annonces commerciales. Les termes « honneur » et « confiance » y apparaissent régulièrement et cela tout au long du siècle :
Une fois mis en situation de fournir à sa clientèle un article sérieusement éprouvé par lui, et dont il répondait personnellement, il [le marchand] devenait patron. La maison était alors dite de confiance, expression admirable qui a presque disparu de notre langue et qui ne sera plus qu’un non-sens dans vingt ans, si l’on n’y prend garde (Pierson, 1892, p. 7).
26Ainsi, le couple Faysot (marchands de nouveautés) commence son annonce d’ouverture par « Maison de confiance », avant même de faire connaître son nom et le type de magasin26. Bloch Isidore (marchand tailleur) interpelle la clientèle en ayant « l’honneur de prévenir les amateurs de la mode et du bon goût »27 d’un nouvel arrivage de marchandises. Créhange (également marchand tailleur), « remercie vivement les habitants de Besançon et de la Franche-Comté de la confiance de plus en plus grande dont ils ont bien voulu l’honorer, et leur donne l’assurance de toujours la mériter »28. Bataille fils (charcutier) « mettra tous ses soins à contenter les personnes qui voudront bien s’adresser à lui, il espère mériter leur confiance, tant par la propreté que par le choix et la bonne confection des marchandises »29 ; alors que le sieur Perret (coiffeur) « prévient les personnes qui daigneront lui accorder leur confiance, qu’il ne négligera rien pour s’en rendre digne »30. L’épicier Bruletet, quant à lui, termine son annonce par une formule de politesse, telle une lettre destinée à un personnage important : « Veuillez agréer, M. […], l’assurance de ma parfaite considération »31. Les Bisontins, fortement attachés aux valeurs traditionnelles n’étaient pas disposés à renoncer à ce lien privilégié établi avec les commerçants de quartier au profit des grands magasins où l’on traitait le client avec désinvolture (Monnot, 1953, p. 38).
27Soucieux de leur renommée et de la confiance que leur accorde leur clientèle, les boutiquiers n’hésitent pas à utiliser les journaux pour combattre les rumeurs circulant sur leur compte. Créhange assure ses clients que ses pratiques commerciales n’ont rien de douteux32 ; Chardin-Quirot (marchand de meubles), informe les siens qu’il n’a pas cessé son activité et entretient de bonnes relations avec ses fournisseurs33 ; Moutrille (marchand de nouveautés) confirme la bonne santé de sa maison qu’il a agrandie en y ajoutant le commerce de toiles pour chemises et draps de lit34 ; les frères Hauser (marchands de rouennerie) adjurent leurs relations d’affaires de ne pas les confondre avec les marchands roulants qui sont leurs homonymes35 ; et le photographe Viane conteste la médiocrité de ses produits36.
28Les informations concernant le parcours des commerçants et leurs relations professionnelles sont autant d’arguments assurant leur notoriété. Ainsi, Ducat (chapelier) rappelle dans une annonce que « sa maison est avantageusement connue pour tenir ce qui se vend de plus beau » et que « ses relations le mettent à même d’offrir ce qu’il y a de plus nouveau et à des prix très-modérés »37. Lhomme fils (également chapelier) précise que « ses relations avec Paris, Lyon et autres villes de commerce, lui donnent la facilité de satisfaire avantageusement et dans un bref délai aux commandes qui lui seraient faites »38. Quant à Cretenet (marchand de draperie et d’habillements), il annonce qu’après avoir fait de grands assortiments dans les meilleures fabriques de France, il « vient de placer à la tête de ses ateliers de confection un Maître Coupeur sorti de Paris, ce qui le met à même de livrer des habillemens garantis toujours au dernier genre »39. Qui plus est, à la fin du xixe siècle, certains commerçants n'hésitent pas à insérer le nom des anciens gérants dans les annonces qu'ils publient dans les guides touristiques. Par exemple le photographe E. Mauvillier fait suivre son nom en tête de son annonce, de la mention « Successeur de L. Fragney » et termine cette dernière en rappelant qu’il est « possesseur des anciens clichés de la Maison L. Fragney » (Nicklès, 1892). Quant à l’évocation de la date de fondation de l’établissement, elle affiche la pérennité du commerce et montre les compétences du gérant à faire perdurer son commerce dans le temps.
III. Attirer le client
1. Des arguments de vente : la diversité, la nouveauté et le prix
29Les commerçants utilisent les annonces publiées dans la presse locale pour informer leur clientèle qu’ils appliquent les mêmes méthodes de vente que la capitale en insistant à la fois sur la diversité et la nouveauté de l’offre et sur les prix, sans d’ailleurs que l’application de ses méthodes soit limitée aux magasins de nouveautés. La diversité et la qualité des produits constituent un argument de vente décisif.
30Ainsi, en 1828, l’établissement À la Frileuse40, magasin de draps, annonce son ouverture et mentionne une liste innombrable de produits accessibles. Les précisions sur leur provenance, couleur, qualité, matière et prix informent la clientèle d’un vaste choix de nouveautés à des prix fixes et modiques. De même À la Dévideuse41 signale l’arrivée de marchands dans son local déballant « une grande quantité de marchandises, qu’ils vendront à un quart, et même à un tiers au-dessous du cours ». S’en suit, une énumération de produits et de prix, et la mention d'« une quantité considérable d’autres articles dont le détail deviendrait trop long ». L’annonce précise que « tous ces articles seront vendus à prix fixe et sans rabais » excluant toute possibilité de négociations sur le prix. L'inventaire quasi systématique des produits offerts à la vente concerne tous les secteurs d’activité, y compris celui de l’alimentation. Bataille fils, charcutier, n’utilise pas moins d’une demi-page des Feuilles d’affiches pour annoncer l’ouverture de son magasin mais surtout pour informer la population de la multitude de mets qu’elle pourra y trouver42.
31L’accent est non seulement porté sur la « nouveauté » et la « fraîcheur » des produits « à la mode »43 ou « dans le goût le plus nouveau »44 mais également sur la diversité de l’offre. En effet, participant à la diffusion de nouveautés au niveau local et régional, les marchands traditionnels misent essentiellement sur la pluralité des produits pour attirer des consommateurs originaires de classes sociales différentes. Les qualités, les styles, la matière, le prix sont un atout pour le petit commerçant qui en proposant un vaste choix de biens s’assure une clientèle aux goûts très différenciés. Nouveautés, occasions45 et articles bon marché se côtoient dans l’offre de marchands qui tendent à repousser les limites de leur clientèle traditionnelle. Ainsi, Crétenet (propriétaire d’un magasin de draperie et d’habillements) propose d’une part « des vêtements neufs tout confectionnés pour MM. les voyageurs » destinés à une clientèle disposant des moyens de se déplacer et d’autre part, « quantité d’habillements de pacotille à bas prix »46. Sainte-Agathe (libraire et papetier) signale quant à lui, qu’il « a tâché de réunir dans ses magasins, tout ce qui peut convenir aux beaux appartemens [sic] comme aux petites chambres, et au prix le plus avantageux »47. D’autres s’adressent à une clientèle plus ciblée issue de milieux aisés, tel Courcier (marchand de cristaux, porcelaines et instruments de musique) : « au moment où les amateurs de musique se disposent à partir pour la campagne, on croit utile de leur rappeler que le cabinet de lecture musicale vient de s’augmenter d’un grand nombre de nouveautés »48 ; ou de passage dans la cité : « les personnes étrangères à la ville doivent dans leur intérêt visiter ses magasins les plus grands de province »49.
32À partir des années 1820, les commerçants commencent à appliquer des prix fixes et le soulignent dans leurs annonces. Auparavant, le prix était peu utilisé comme argument de vente et seulement mentionné pour avertir le consommateur de la pratique d’un « prix juste »50 ou d’un « prix modéré »51. L’affichage d’un prix fixe marqué en chiffres connus et étiqueté évite désormais aux clients de subir des variations de prix aléatoires soumises à leur seule capacité de marchandage. En 1820, Chaumouillé l’aîné (marchand de tissus) fait précéder son annonce commerciale du titre « au prix fixe »52 en gras et majuscules comme pour insister sur la singularité du procédé. La mention du prix fixe dans les annonces devient courante sous le Second Empire : lorsque Détrey annonce l’ouverture de son magasin Au Prophète, il met en évidence sa pratique du « prix fixe marqué en chiffres connus » (là aussi signalé en gras et majuscules), puis termine son texte de présentation par une note indiquant que « toutes les marchandises porteront, sur une étiquette, le prix de la vente en chiffres connus, sur lequel il ne sera accordé aucun rabais »53. Grâce à cette méthode, le client sait que le prix marqué est le même pour tous et non susceptible d’être diminué occasionnellement ; il peut le comparer et choisir le lieu de son acquisition en conséquence. Si le prix fixe devient un « prix de concurrence » et accélère la compétition entre commerçants, il permet aussi à ces derniers de bénéficier d’une confiance nouvelle et de fidéliser de nouveaux acheteurs (Loi des patentes, 1890, p. 5).
33Mais pour attirer cette nouvelle clientèle, le commerçant devra user de stratégies supplémentaires telles que le rabais, la livraison, la garantie sur les produits ou services vendus, les possibilités d’échanges et de déplacements à domicile, la reprise, le crédit, la vente de produits d’occasion, la capacité à rafraîchir ou réparer des objets désuets, l’entrée libre, la mise à disposition d’échantillons, la rapidité des commandes, la réparation sans rétribution, les expositions ou encore le recours à diverses offres commerciales telles que la remise de 5 % pour un montant d’achat supérieur à 50 francs54 ou encore l’offre d’un cadeau à partir d’un certain montant d’achats55.
2. Faire crédit
34Une autre pratique différenciait les petits commerces des grands magasins : la vente à crédit. Cet usage permit au milieu du xixe siècle à une tranche de la population (ouvrière) d’acquérir des biens de consommation qui lui étaient auparavant difficilement accessibles et cela grâce aux facilités de paiement. Le crédit devint par conséquent un moyen pour les petits commerçants de satisfaire une nouvelle demande et d’élargir leur marché (Fontaine, 2008) alors que les grands magasins se distinguaient par des méthodes de paiement comptant permettant ainsi aux clients de bénéficier d’articles à meilleur prix. Limiter le crédit s’avère être un moyen de conserver des bas prix car ce dernier implique des frais supplémentaires, tels que la tenue de livres, des enquêtes sur les créanciers, le personnel comptable et un risque de pertes avec les mauvais payeurs (Cox, 2000). Les pratiques modernes des grands magasins aspirent par conséquent à restreindre cette habitude mais les petits commerçants y voyaient non seulement un engagement, une preuve de la confiance qu’ils accordaient à leur clientèle mais également un moyen de prospérer, voire de subsister (Daumard, 1970, p. 236). En effet, tout le monde ne pouvant pas payer comptant, la vente à crédit permet au petit marchand de conserver une clientèle populaire qui autrement lui échapperait et qui lui est disputée par ailleurs par les établissements de vente à crédit (maisons du type Dufayel56, Paris-France, etc.). Toutefois, si « le consentement du crédit s’imposait à lui comme une obligation issue tant des usages que de la nature des opérations […], cette pratique offrait de gros inconvénients : immobilisation du capital durant un temps parfois considérable, risque d’insolvabilité de l’acheteur en découlaient naturellement. Les pertes dues au défaut de paiement à l’échéance se révélaient fréquentes parfois importantes » (Enselme, 1936, p. 7).
35Comme peuvent en attester l’ensemble des inventaires après décès dépouillés57, l’usage du crédit commercial accordé aux clients est omniprésent tout au long du siècle mais ne concerne qu’ une minorité de commerçants : sur l’ensemble de notre échantillon, environ 7 % des commerçants pratiquent la vente à crédit, et cela de façon régulière58. Les créances commerciales représentent le plus souvent le résultat des ventes à crédit accordées sur de petits montants, sans intérêt et liées à des achats réguliers ou journaliers de biens de première nécessité tels que l’alimentation.
36Le détail des créances commerciales est donné de façon très aléatoire dans les inventaires suivant les périodes, les notaires et surtout la qualité de la tenue des livres de compte. En effet, sur notre échantillon, 2 % des commerçants n'indiquent pas le nom du créancier, sa profession, son adresse et la somme due. Les créances sont alors regroupées en un montant unique précédé des mentions « divers particuliers », « pour pratiques », « divers menus ouvrages », « fourniture de marchandises à divers » ou encore « sommes de peu d’importance par divers ». Cet usage s’atténue au fil du siècle ce qui traduit une volonté croissante d’améliorer la tenue des livres. En effet, le commerçant peut se retrouver dans l’incapacité de réclamer les créances dues s’il ne fait pas preuve de rigueur dans sa comptabilité. Ainsi, la veuve du défunt Eberlet59 (négociant en vêtements) déclare lors de la prisée du mobilier et des titres et papiers en 1834 que son époux inscrivait seulement ses affaires sur quelques feuilles volantes impossibles à reproduire. Elle considère comme « perdues » diverses sommes au recouvrement incertain pour lesquelles elle ne précise aucun montant et cite notamment un dénommé Robert domicilié à Bregille (banlieue de Besançon), créancier d’une somme de 200 francs considérée également comme irrécouvrable.
37Seulement 1 % des commerçants relevés précisent si leurs créances sont recouvrables ou non en les qualifiant de « bonnes », « douteuses » ou « mauvaises » (ces dernières étant considérées comme perdues ne sont pas comptabilisées dans l’actif). Ainsi, Pierre Escallier (épicier) comptabilise dans ces registres environ 5 % de « bonnes créances » et 1 % de créances qu’il qualifie de « douteuses » en raison de ce qu’elles nécessitent un compte à régler, de l’absence de titres ou encore de la solvabilité très incertaine des débiteurs. Il mentionne également qu’environ 2 % des créances sont « absolument mauvaises et irrécupérables ». De même, Octave Joseph Ducat (chapelier) fait état de 274 créanciers considérés comme solvables et de 183 autres dont le recouvrement de la dette apparaît comme « désespéré ». Xavier Simon Lacroix (marchand horloger), quant à lui, signale la situation de créanciers douteux à l’aide des annotations suivantes : « valeur de départ à 826 F mais abaissé à 300 F étant donné l’état de faillite des souscripteurs », « billet plus que douteux », « aucun espoir de recouvrement », « frais et capital plus que douteux », « débiteur insolvable, créance considérée comme nulle », « bien des doutes pour le recouvrement », « en faillite mais le recouvrement est assuré à 3 % » ou encore « plus de doutes que de certitudes ».
38La faillite a pour causes principales l’accumulation de créances irrécouvrables – c’est le cas de la veuve Robert60 (épicière boulangère) dont 66 % des créances sont jugées douteuses car sa clientèle ouvrière est dans l’incapacité de les rembourser – ou une mauvaise tenue de livres – en 1855, l’épicier Grandvaux met fin à ses jours à cause de ses mauvaises affaires (il ne tenait aucune comptabilité), alors que le magasin jouit d’une bonne clientèle et d’un débit journalier important. Cependant, d’autres facteurs pouvaient jouer un rôle déclencheur : des dépenses personnelles imprévues liées à la maladie d’un proche, à l’acquisition de denrées pour le ménage, au loyer ; un mauvais calcul des dépenses professionnelles (réclame, frais d’installation, procès contre un fournisseur ou un client, patentes, frais généraux, etc.) ; la conjoncture économique ; une trop forte concurrence ; l'inexpérience du métier ou des affaires suite à une reprise d’activité ; une séparation ou une dissolution ; un décès ; des problèmes liés au personnel (prétentions salariales trop importantes, vols, mésentente, etc.) ; un incendie et une mauvaise assurance ; ou encore une situation géographique défavorable.
39Chez d’autres commerçants cependant les livres de commerce sont bien renseignés : c’est le cas de Claude Antoine Humbert61 (épicier), qui pour chacun de ses créanciers, a noté scrupuleusement le nom, la profession, le lieu du domicile et le montant exact du crédit, ainsi que quelques annotations supplémentaires dans le cas de créances « douteuses » telles que « décédé », « Anglais résidant à Paris », « demoiselle qui disait rester chez un général » ou encore « opérateur ambulant qui débite des drogues sur les places et dans les foires », etc. Toutefois, les informations relatives aux créanciers bisontins varient d’un commerçant à l'autre. Par exemple, dans notre échantillon, seul Pierre Ducrey62, boulanger, précise le poids et la nature de la marchandise fournie alors que dans de nombreux cas, il reste difficile de discerner les créances commerciales des créances communautaires.
Conclusion
40Au xixe siècle, les commerçants bisontins ont été confrontés, comme dans toute la France, à une double évolution d’une part, avec l’évolution du niveau de vie, les consommateurs ont été plus exigeants en termes de diversité, de nouveauté et de qualité des produits et, de l’autre, les grands magasins qui se sont implantés à Besançon à partir des années 1860 et les succursalistes après 1890 ont représenté une concurrence redoutable. Cependant, le petit commerce a réussi à relever ce double défi en adoptant les nouvelles méthodes de vente popularisées dans la capitale par les magasins de nouveauté. C’est en misant sur l’embellissement des magasins, l’élargissement de l’offre, la pratique du prix marqué et un effort de publicité que les commerçants bisontins ont réussi à développer leur affaire. Néanmoins, tous n’ont pas fait preuve de la même vitalité. Les dossiers de faillite mettent clairement en évidence l’origine des difficultés de ceux qui ont été emportés par de mauvaises affaires : d’une part, la pratique du crédit indispensable pour conserver une clientèle populaire a pu déboucher sur l’accumulation d’un trop grand nombre de créances douteuses, ce qui a fragilisé la trésorerie de certains boutiquiers ; de l’autre, des livres mal tenus (voire l’absence de livres de comptes) expliquent une gestion hasardeuse. C’est dire que le monde du commerce ne forme pas un bloc uniforme : si la majorité des commerçants bisontins ont réussi à s’adapter à l’évolution de la demande et aux transformations de la concurrence, ceux qui ont fait faillite témoignent que la modernisation n’était pas chose facile. Les gagnants ont certes été les plus nombreux mais si les prédictions de Zola se sont révélées inexactes, on ne saurait pourtant ignorer les perdants.
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Notes de bas de page
1 Annuaire du Doubs (désormais AD), 1804, p. 152.
2 Faits mémorables arrivés en 1811 par l’abbé J.-P. Baverel, bibliothèque municipale d’étude et de conservation (BMEC), Besançon, collection Baverel, 1811, ms Baverel 76. Le secteur d’activité de la maison Pochet n’est pas précisé par l’auteur.
3 Registre des délibérations du conseil municipal, séance du 11 juin 1819, BMEC, Besançon, 1 D 9.
4 L’Impartial (désormais IMP), 13 décembre 1829.
5 Selon Fernand Braudel, la prédominance du colportage est la preuve d’un certain retard économique (Braudel et Labrousse, 1993, p. 73).
6 IMP, 6 décembre 1829.
7 Il reste difficile de connaître le nombre exact de commerçants exerçant dans la première moitié du xixe siècle à Besançon, car l’annuaire départemental st publié de manière sporadique, la première liste exhaustive datant de 1837. Pour les chiffres mentionnés, voire AD (1802, p. 128 ; 1837).
8 La part de ces commerçants augmente de 4,6 % au cours de la seconde moitié du siècle. Alors que le nombre de marchands d’articles textiles diminue entre 1837 et 1895 (– 3,4 % ), celui des boutiquiers exerçant dans le domaine des loisirs (+ 1,3 %), de la beauté (+ 1 %), de la bijouterie (+ 1,1 %), de la décoration intérieure (+ 3,5 %) et de la santé (+ 1,1 %) augmente.
9 « Une visite aux Magasins du Bon Marché à Besançon », Journal de géographie commerciale et industrielle, 1895.
10 La population augmente de 15,5 % entre 1872 et 1881.
11 Le Petit Comtois (désormais LPC), 11 janvier 1890.
12 Ibid.
13 LPC, 15 juillet 1890.
14 « Déballage de marchandises – Pétition des négociants de la Ville », Registre des délibérations du conseil municipal pour l’année 1889 (imprimé), séance du 6 novembre 1889, BMEC, Besançon, 1 D 214, p. 275.
15 Le Bon Sens franc-comtois (désormais LBS), 23 novembre 1890.
16 Dans certains cas, il s’agit uniquement d’une feuille volante indiquant l’ouverture de la faillite sans plus d’indications quant au déroulement de cette dernière. Certains faillis ne peuvent même pas être localisés faute d’adresse indiquée.
17 Dossier de faillite (désormais DF), Auguste Scheer, marchand épicier, 3 février 1883, archives départementales du Doubs (AD 25), Besançon, 6 U 208.
18 DF, Hortense Jolyot, épicière, 15 avril 1885, AD 25, Besançon, 6 U 212.
19 IMP, 22 mars 1840.
20 L’échantillon étudié se compose de 125 inventaires sondés tous les dix ans entre 1800 et 1900.
21 Inventaire après décès (désormais IAD), Léonie Klein, 1875, AD 25, Besançon, 3 E 19/157.
22 IAD, Constance Jannin, 1855, AD 25, Besançon, 3 E 28/81.
23 IAD, Hippolyte Robardet, 1894, AD 25, Besançon, 3 E 28/192.
24 « Le luxe d’une cheminée en marbre blanc flambant au centre du magasin parut alors d’un luxe inouï » (Coindre, 1900, p. 42).
25 IMP, 20 novembre 1845.
26 LPC, 1er août 1883.
27 IMP, 21 décembre 1829.
28 Ibid., 4 avril 1845.
29 Feuilles d’affiches (désormais FdA), 17 juillet 1830.
30 Ibid., 30 octobre 1830.
31 L’Union franc-comtoise (désormais UFC), 26 avril 1865.
32 IMP, 4 avril 1845.
33 Le Progrès de Besançon, (désormais LPB), 2 avril 1840.
34 Le Franc-Comtois (désormais LFC), 6 avril 1844.
35 IMP, 28 octobre 1835.
36 UFC, 25 mars 1865.
37 FdA, 25 septembre 1830.
38 Ibid., 30 octobre 1830.
39 Ibid., 12 juin 1830.
40 Les Tablettes franc-comtoises (désormais LTFC), 23 novembre 1828.
41 Ibid., 3 août 1828.
42 FdA, 17 juillet 1830.
43 Ibid., 12 juin 1830.
44 Ibid., 6 février 1830.
45 La vente de produits d’occasion concerne la majorité des boutiquiers bisontins (60 % des boutiquiers de notre échantillon vendent des produits vieux ou usés) et la plupart des secteurs d’activité. Hormis les fripiers dont la vente de produits de seconde main est la spécialité, merciers, épiciers, marchands drapiers, marchandes de mode, chapeliers, quincailliers et bijoutiers détiennent en plus ou moins grande quantité, des articles dits d’occasion (Gillet, 2009).
46 FdA, 12 juin 1830.
47 Ibid., 6 février 1830.
48 Ibid., 1er mai 1830.
49 UFC, 2 mai 1865.
50 Le Journal de Besançon (désormais LJB), 10 novembre 1816.
51 FdA, 29 avril 1820.
52 Ibid., 14 octobre 1820.
53 Ibid., 26 mai 1850.
54 IMP, 10 mai 1835.
55 Dans son magasin, L’Épicerie moderne, Bernardin offre « une jolie boîte ou plateau riche à tout acheteur de 5 F. Et au-dessus de 10 F, un joli vase ou coffret riche », LPC, 1er janvier 1899.
56 Voir à ce sujet la thèse d’Anaïs Albert (2014).
57 L’étude a été menée par sondage sur un ensemble de 163 inventaires après décès répartis sur tout le xixe siècle.
58 Parmi les commerçants pratiquant la vente à crédit, 51,2 % offrent cette commodité à leurs clients avant 1850 contre 48,8 % dans la seconde moitié du siècle.
59 IAD, Henry Éberlet, 1834, AD 25, Besançon, 3 E 28/40.
60 DF, Rose Robert, épicière boulangère, 12 juillet 1856, AD 25, Besançon, 6 U 195.
61 IAD, Claude Antoine Humbert, 1822, AD 25, Besançon, 3 E 19/56.
62 IAD, Pierre Ducrey, 1845, AD 25, Besançon, 3 E 31/59.
Auteur
Marie Gillet est éditrice à la Maison des sciences de l’homme et de l’environnement Claude Nicolas Ledoux et aux Presses universitaires de Franche-Comté (collection « Les Cahiers de la MSHE »). Elle a mené des recherches sur les boutiques et boutiquiers au xixe siècle à Besançon.
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