Les vitraux du haut Moyen Âge de Baume-les-Messieurs (Jura, France) : contexte stratigraphique, analyses archéométriques et mesures conservatoires
p. 231-244
Résumés
Résumé. La fouille du site monastique de Baume-les-Messieurs a livré un ensemble exceptionnel de vitraux. Dans un contexte daté de la fin du VIIIe siècle, 1574 tessons ont été mis au jour, certains portant des traces de peinture rouge, d’autres des grisailles. Cet article présente les étapes successives de leur restauration et de leur étude comprenant un examen visuel, des analyses PIXE-PIGE et MEB-EDS.
Summary. The excavations on the monastic site of Baume-les-Messieurs brought to light an exceptional set of stained-glass windows. In a context dating from the end of the 8th century, 1574 fragments were discovered, some with traces of red paint, others with grisaille. This paper presents the successive steps of their restoration and study, including a visual exam, PIXE-PIGE and SEM-EDS analyses.
Texte intégral
1 Introduction
1C’est à l’occasion d’une fouille programmée menée durant l’hiver 2011-2012 dans le chœur de l’ancienne église abbatiale de Baume-les-Messieurs, qu’un exceptionnel ensemble de 1574 tessons de vitraux mosaïques a été mis au jour dans un contexte carolingien1. Après une rapide présentation du site monastique et du contexte archéologique, cet article fait état des principaux résultats des études archéométriques, ainsi que des mesures de conservation adoptées2.
1.1 Le site de Baume-les-Messieurs et le contexte stratigraphique
2Le monastère Saint-Pierre de Baume-les-Messieurs (Jura) est mentionné pour la première fois dans les sources écrites en 869, lorsque Lothaire II, roi de Bourgogne cisjurane, confia à l’archevêque de Besançon la cellula de Baume (Bully et al. 2016). Cet acte constitue le premier jalon écrit attestant l’existence d’un établissement à Baume, mais ne permet pas de dire quand et par qui il a été fondé. Si cette dernière question reste sans réponse, les récentes recherches archéologiques programmées menées dans le chœur de l’ancienne église abbatiale ont permis de réviser la question des origines haut médiévales du monastère (fig. 1). La fouille archéologique a en effet permis de caractériser six états, datés entre la fin du VIIe et le milieu du Xe siècle. Les vestiges appartiennent à un ensemble de salles contiguës interprétées comme des cuisines ou des annexes de cuisines monastiques. Ce bâtiment conventuel, plusieurs fois transformé et agrandi, a été démoli au début du XIe siècle pour la construction du chevet de la nouvelle église abbatiale qui le recouvre (id. ibid.).
3Aucune structure bâtie n’a été reconnue pour le premier état et les seules données archéologiques ne permettent pas d’affirmer avec assurance s’il s’agit déjà d’un monastère, mais elles offrent les premières traces tangibles, à travers le mobilier, d’une occupation du site dès l’époque mérovingienne. Et c’est à cette première phase d’occupation que pourraient appartenir deux fragments de vitraux de couleur ambre et turquoise (fig. 2). De par leur contexte stratigraphique3, leur aspect et leur composition (cf. infra), ces deux tessons se distinguent du lot des 1574 pièces qui font l’objet de cette étude et que l’on associe à l’état suivant. Seul un petit fragment de plomb à vitre en forme de H a été découvert, ce qui, eu égard au nombre de vitraux, est totalement disproportionné, indiquant que le métal a été récupéré, contrairement au verre.
4Ce second état auquel on associe les vitraux correspond à l’angle nord-est d’un bâtiment maçonné dans lequel on reconnaît deux salles (A1 et A2) bordées d’un troisième espace, peut-être sous appentis (A3) (fig. 3). La salle A2 conserve les lambeaux d’un sol (6. 198) formé d’une mince couche de terre sur une chape argileuse. Le niveau de circulation est recouvert d’une fine couche charbonneuse dont on ne peut dire s’il s’agit d’un stigmate d’incendie ou d’un épandage provenant d’une structure foyère. Le remblai de préparation du sol (6.1209), couvrant le terrain naturel, a livré de la céramique commune claire décorée à la molette ainsi qu’un fragment de gobelet en verre de type Feyeux 57 daté entre le VIe et le début du VIIIe siècle (Pactat et al. 2014, 124-125). Une datation radiocarbone obtenue sur un charbon de bois prélevé sur le sol 6 .198 indique une occupation de la fin du VIIIe siècle - début du IXe siècle4, mais le contexte stratigraphique des structures formant l’état 2, corrélé au mobilier et à un autre 14C réalisé sur un mur de l’état postérieur 3a, plaide en faveur d’une occupation antérieure à la fin du VIIIe siècle5.
5Les verres colorés appartiennent à une couche de démolition (6.1212) découverte au fond d’une fosse plus récente (6 .194, état 3 b) située dans l’espace A3 (fig. 4). Le fond de la fosse était constitué par le sommet de la couche 6.1212, mais ces deux entités stratigraphiques appartiennent à des états bien distincts. La couche 6.1212 a seulement pu être fouillée à l’aplomb de la fosse 6 .194, que nous avons surcreusée sur près de 1 m de profondeur jusqu’au terrain naturel – à la cote 314,15 m –, tel un sondage limité de 0,80 x 0,80 m de côté par 1,80 m de profondeur. La couche 6.1212 se poursuit sous un mur daté du milieu du Xe siècle (6 .148 - états 4 et 5) à l’ouest, mais on ne la retrouve pas au-delà du mur alors qu’apparaît le terrain naturel ; elle bute également contre le substrat, au nord, sous le mur 6 .180 (état 4), mais se poursuit à l’est sous le remblai 6.1082 et vraisemblablement au sud sous un caveau du XVIe siècle (6 .132).
6L’unité stratigraphique 6.1212 est formée d’un litage de couches subissant un pendage sud-nord très marqué. La très faible surface fouillée ne permet pas de s’en assurer totalement, mais la nature des couches, leur inclinaison et leur étendue restreinte à l’ouest et au nord indiqueraient qu’il s’agit du comblement d’une fosse ou d’une dépression — creusée ou présente dans le terrain naturel — par un déversement successif de matériaux. Le remblaiement est formé d’une alternance de couches charbonneuses et cendreuses, de cailloutis mélangé à des nodules de mortier, de petits moellons équarris dont la plupart comportent des traces de mortier ; la couche a également livré deux blocs de tuf, dont un claveau d’arc6. Les vitraux formaient comme une sorte de « poche » en bordure nord de la couche de démolition. Près d’une quarantaine de fragments d’un gobelet globulaire en verre décoré de filets appliqués ont également été prélevés dans la couche de démolition. Des comparaisons typologiques peuvent être établies avec des exemplaires datés entre la fin du VIIIe et le Xe siècle (Pactat et al. 2014, 125).
7La nature de cette couche hétérogène, composée de matériaux de construction, de lentilles charbonneuses et de nodules de mortiers, de fragments de gobeleterie et surtout du grand nombre de fragments de vitraux, dont certains sont fondus (voir description ci-dessous), révèle l’existence d’un édifice au décor élaboré — tout du moins au niveau des verrières — qui a subi une destruction totale ou partielle par incendie. Le segment de l’arc du claveau de tuf permet de proposer la restitution d’une baie en plein cintre d’environ 64 cm de largeur. Dans le contexte, il paraît fortement vraisemblable que ces matériaux proviennent d’une église du monastère du haut Moyen Âge.
8En chronologie relative, la couche de démolition 6.1212 est donc scellée par le remblai de préparation de sol de l’état 2 (6.1082/sol 6. 205) de l’espace A3, qui est lui-même antérieur à la maçonnerie 6 .180 dont la première phase est datée du milieu du IXe siècle (fig. 5). Une datation 14C réalisée sur un charbon de bois prélevé en 6.1212 donne un intervalle entre 776 et 968 avec un premier pic de probabilité en 7767. Le croisement de la stratigraphie avec les analyses radiocarbones permet donc de proposer une datation du contexte secondaire des vitraux entre le dernier quart du VIIIe siècle et le début du IXe siècle. Mais seule la fouille de l’édifice dans lequel ces vitrages prenaient place — sous la nef actuelle ? — préciserait la fourchette chronologique de leur mise en œuvre.
1.2 Les vitraux
9Les 1574 morceaux de verre mis au jour dans le remblai 6.1212 représentent une surface minimale de 1,89 m2. Le plus grand des fragments mesure 99 cm2 et le plus petit 0,75 cm2. L’ensemble est d’une grande homogénéité visuelle. Bien qu’altéré, tout le verre est de bonne qualité avec quelques bulles et très peu d’inclusions (fig. 6). Les principales couleurs sont le bleu-vert (n° 1, 7, 8, 9), couleur naturelle du verre, le vert clair à vert olive (n° 2), le vert foncé (n° 3), l’ambre (n° 4), le rose (n° 5, 10) et le turquoise (n° 6). Les morceaux naturellement colorés sont les plus nombreux (621 pièces) et représentent environ 40 % de l’ensemble. L’ambre (15 %), le vert pâle (13 %) et le vert foncé (11 %) ont des proportions proches et les fragments roses sont un peu plus nombreux (21 %). Parmi les pièces ambre et roses, certaines sont plus foncées, allant jusqu’au brun ou au mauve. Une couleur turquoise peut aussi être distinguée, mais elle ne compte que 17 fragments.
10Quatre des pièces turquoise ont été décorées avec une grisaille (fig. 6, n° 6). Sur 476 autres fragments, des traces et des lignes rouges ont été observées. La majorité correspond à des lignes et des taches sur les bords ou au milieu des fragments (fig. 6, n° 7). D’autres sont dessinées le long des bords de coupe (sur 106 pièces) (fig. 6, n° 8) et environ 40 fragments comprennent des motifs et des lignes au milieu des pièces (fig. 6, n° 9).
11On estime qu’environ 453 pièces sont complètes et 463 pourraient être complètes. Ces fragments présentent des formes assez variées : carrés, rectangles, cercles, demi-cercle, arcs, etc. Toutes ces pièces semblaient à première vue s’agencer dans une composition géométrique. Cependant, nous avons pu distinguer des formes moins régulières aux bords grugés. Parmi elles, certaines pourraient représenter des parties du corps humain comme des têtes (fig. 6, n° 10), des membres et des pieds.
12Sur une dizaine de fragments, certaines marques peuvent avoir été laissées par des plombs. Un enduit blanchâtre (ou les restes de celui-ci) se trouve sur les bords de 7 pièces (fig. 6, n° 6). De même, d’autres éléments présentent des plis dans le verre, d’autres encore sont collés entre eux et des inclusions sableuses sont enchâssées dans deux fragments.
13En dehors de l’ensemble trouvé dans la couche 6.1212, la plupart des fragments de verre provenant de Baume-les-Messieurs sont des pièces complètement altérées et fragmentaires dont ni la forme ni la couleur initiale ne peuvent être observées. Seuls deux petits fragments font exception : un premier turquoise et un second ambre (fig. 2). Leur contexte de découverte a été décrit ci-dessus.
14L’étude typologique et stylistique des vitraux de la couche 6.1212, appuyée par une première proposition de restitution d’un décor géométrique élaborée à partir des verres colorés de Baume-les-Messieurs (fig. 7), permet d’appuyer une datation entre la fin du VIIe siècle et la fin du VIIIe siècle par comparaison avec les rares découvertes d’ensembles similaires ou proches que sont Notre-Dame-de-Bondeville (VIIe siècle) (Langlois 2009), Hamage (VIIe siècle) (Louis 2009) et Rouen en France (Le Maho 2009), Sion-sous-le-Scex (VIIe siècle) (Kessler et al. 2005 ; Wolf et al. 2005) et Müstair (fin VIIIe-début IXe siècle) (Wolf et al. 2017 ; Kessler et al. 2016) en Suisse, Jarrow et Wearmouth (fin VIIe siècle) en Angleterre (Cramp 1970) ou encore Paderborn (deuxième moitié du VIIIe siècle) en Allemagne (Gai 2005, 83-85) ; bien que plus tardifs dans le IXe siècle, les vitraux de San Vincenzo al Volturno en Italie ne sont pas sans présenter certaines analogies, en particulier pour les motifs figuratifs (Dell’Acqua 1997, 33), tout comme ceux de Zalavar-Castle Island en Hongrie (Sözke et al. 2003, 85-87).
2 Restauration-conservation
15Sur les 1574 fragments de verre, 15 tessons représentatifs de l’ensemble ont été étudiés au LRMH pour établir un diagnostic de leur état et donner les préconisations de traitement. L’état d’altération des verres et des peintures a été observé et analysé. Les dépôts ont été identifiés pour déterminer le protocole de traitement mis en place par la restauratrice. Les observations sont réalisées à l’aide d’une loupe binoculaire (WILD M650, Heerbrug) et par microscopie optique (Leica DMRM). Les analyses sont effectuées à l’aide du microscope électronique à balayage (MEB) (JEOL JSM 5600LV) couplé à une microsonde (EDS) (Oxford 6587).
2.1 Caractérisation des verres et des peintures
2.1.1 Verres
16Les tessons présentent différentes pathologies sur les verres et les peintures. Les verres montrent la formation de piqûres et de cratères entraînant la formation d’une couche d’altération fissurée de couleur noire ou brune (fig. 8, n° 1). Les altérations sont similaires sur les deux faces des verres. De fines couches blanches translucides caractérisent le premier stade d’altération d’un verre (fig. 8, n° 2). Des échanges ioniques au sein de la matrice vitreuse entraînent une irisation de la surface du verre. Ce phénomène de lixiviation couple à la fois des processus chimiques et physiques entraînant la formation de microfissuration. Les altérations rencontrées sur les verres forment des piqûres et à un stade ultérieur des cratères avec des produits d’altération.
2.1.2 Grisailles et peintures
17La grisaille présente un bon état de conservation malgré une forte rugosité de surface. Cette peinture opaque, très adhérente, composée de silicate de plomb et d’oxyde métallique (fer et cuivre) est similaire à une grisaille classique comparable à celles des XIIe et XIIIe siècles. Certaines pièces sont recouvertes d’une peinture rouge qui présente une perte d’adhérence au verre support. Ceci est dû en partie à son altération propre, mais également à celle du verre sous-jacent qui présente des piqûres sur le pourtour des traits et également sous la peinture. Des écaillages ponctuels ainsi qu’une diminution de l’épaisseur des traits sont décelés. Sa composition chimique révèle la présence de silicium, d’aluminium, de calcium et de fer (hématite) et l’absence de plomb. L’intervention de restauration est très délicate et demande l’expérience d’un restaurateur qualifié.
18Nous n’avons pas clairement validé si ces peintures rouges sont cuites ou non. En effet, sur certaines zones leur fragilité montre des écaillages importants, mais l’interface verre/peinture est fortement similaire, pour l’échantillon 274, à celui d’une grisaille cuite. Pour les traits en bordure, proches des plombs, l’hypothèse de traits de peinture préparatoire est envisagée et expliquerait que les peintures ne soient pas cuites, mais nous y reviendrons plus bas.
2.2 Identification et élimination des dépôts
19Les dépôts présents sur les tessons sont de plusieurs natures. Les dépôts terreux sont composés de silicium, d’aluminium, de calcium, de magnésium et de fer (argile). Ce dépôt ne résulte pas d’une altération du verre, mais provient de l’environnement. Leur élimination est possible avec toutes les précautions nécessaires.
20Le dépôt blanc a un aspect très poudreux (fig. 8, n° 2). Des nuances jaunes, voire brunes, sont localement visibles, provenant en partie de salissures et de poussières extérieures. Les cristallisations ont une morphologie en aiguille et sont riches en calcium et en carbone. Les analyses des dépôts blancs identifient, par diffraction des rayons X (DRX) (diffractomètre Bruker D8 Advance), la présence de calcite CaCO3.
21Le dépôt marron a été retrouvé sur un grand nombre de pièces (fig. 8, n° 3). Il s’avère relativement épais, de 1 à 2 mm. L’observation du dépôt montre des variations de son épaisseur et des nuances dans sa coloration allant du beige au marron. La surface du dépôt est rugueuse et compacte. La face en contact avec le verre révèle la présence de cristaux blancs, d’aspect brillant, très adhérents au verre. Sous le dépôt, la surface du verre présente une altération par piqûre entraînant la formation de lamine, zone concentrique circulaire d’altération.
22L’identification des dépôts a été indispensable pour établir le protocole de nettoyage et ainsi permettre la restauration des tessons. Des dépôts exogènes tels que les dépôts terreux sont composés d’argile et pourront être éliminés sans difficulté, mais avec précaution. Les dépôts blancs, bruns et marron sont composés de calcite formant des couches plus ou moins compactes. Ces dépôts inorganiques pouvant être exogènes et également endogènes devront être retirés avec précaution.
2.3 Restauration
23L’enjeu de cette restauration était, dans un premier temps, d’éliminer les facteurs de risques concernant la bonne conservation des fragments et, dans un second temps, de leur redonner une meilleure lisibilité, notamment au niveau des décors afin qu’ils puissent être étudiés par la suite.
2.3.1 Protocole et déontologie du nettoyage
24Le protocole de nettoyage de chaque tesson a donc été effectué en fonction de la nature des dépôts présents, de leur adhérence et du niveau d’altération du verre. Les dépôts terreux ont pu être retirés sans risquer d’éliminer des éléments endogènes (fig. 8, n° 4). Dans le cas des dépôts blancs, jaunes et des croûtes marron, le problème est plus complexe, car certains de ces éléments peuvent être endogènes. Seuls les dépôts solubles et non adhérents ont été retirés afin de s’assurer qu’il n’y ait aucune perte de matière du matériau d’origine. La couche fine translucide, qui correspond à la couche superficielle du verre altérée, a été conservée.
25Le traitement des pièces de verre s’est fait mécaniquement au scalpel, ainsi qu’avec un apport de solvant, éthanol/eau déminéralisée (90/10) pour les verres sains et d’éthanol pur pour les fragments plus altérés. Pour finaliser le nettoyage, un dernier passage à l’éthanol pur est réalisé.
26Pour les quelques fragments extrêmement altérés et ne présentant que peu de verre sain, il n’y a eu aucun apport de solvant, mais simplement un retrait mécanique très contrôlé.
27Seuls les dépôts les moins adhérents ont été retirés dans la mesure où cette action n’altérait pas la surface du verre. Les concrétions ont simplement été allégées en surface. En raison d’une trop grande fragilité de certaines surfaces, de nombreux dépôts n’ont pu être dégagés.
28Toutes les opérations de nettoyage ont été contrôlées sous loupe binoculaire (x20).
2.3.2 Complexité du traitement des décors peints ou traces colorées
29Une attention particulière a été apportée aux fragments présentant de la grisaille ou de la peinture rouge. La grisaille est adhérente au verre et présente un aspect très granuleux. Elle n’est soluble ni dans l’eau ni dans l’éthanol. Le traitement de ces peintures cuites n’a pas posé de difficulté majeure (fig. 8, n° 5).
30La peinture rouge est beaucoup plus fragile. Elle est souvent peu adhérente au verre, friable et soluble dans l’eau et l’éthanol. Le nettoyage autour des peintures rouges a toujours été réalisé au scalpel et sous loupe binoculaire. L’apport de solvants était inadapté et trop risqué étant donné la forte solubilité de la peinture. Certains dépôts exogènes étaient placés sur la peinture rouge, mais il a été décidé de ne pas les retirer afin de conserver l’intégralité des décors peints (fig. 8, n° 6).
31Le nettoyage des fragments a permis de révéler de nombreuses traces supplémentaires de peinture. Avant nettoyage, la peinture avait été recensée sur seulement 155 fragments contre 468 après. Certaines traces sont cependant très minimes, et il est possible que ce soit uniquement des dépôts liés à la proximité d’autres fragments peints.
32En ce qui concerne la vingtaine de fragments présentant des traces noires, qui pourraient être des traces de carbone ou de suie, ils n’ont été que très peu nettoyés afin de conserver au mieux ces informations (fig. 8, n° 7).
2.3.3 Conditionnement des tessons
33Étant donné le nombre important et la vocation de ces fragments à être étudiés par différentes personnes et en différents lieux, il a fallu trouver un conditionnement parfaitement approprié. Des boîtes en polypropylène cannelé ont été choisies pour conserver l’ensemble des 1574 fragments. Dans chaque boîte prémontée, quatre niveaux de fragments sont superposés.
34Les fragments sont posés directement sur une mousse plastazote découpée aux dimensions de la boîte. Ces mousses de polyéthylène de haute densité présentent l’avantage d’être chimiquement neutres et inertes. Elles ne sont pas abrasives, il n’est donc pas nécessaire de rajouter une interface entre cette mousse et les fragments. Afin de rigidifier l’ensemble et de pouvoir manipuler ces plaques facilement, deux mousses de plastazote ont été fixées autour d’une plaque de polypropylène par un système de rivets également en polypropylène.
35Une fois posés sur la mousse, les fragments sont séparés par des bandes de mousse plastazote qui supportent également les plaques du dessus (fig. 9). La face peinte des verres n’est en contact avec aucun matériau. Ces bandes de mousse sont fixées aux plaques par des aiguilles entomologiques en inox. Enfin, entre chaque tesson, des plots de plastazote, également fixés par des aiguilles, permettent d’éviter tout entrechoquement. Les bandes de mousse ont été positionnées selon la taille des fragments. Le nombre de fragments par plaque est donc très variable. Afin de bien identifier la place de chaque tesson, un document photographique est joint à chaque boîte.
36L’ensemble des fragments est conservé dans onze boîtes, ce qui réduit considérablement leur volume initial et facilite leur transport (fig. 9). La totalité des matériaux utilisés a été choisie en fonction de leur stabilité et de leur inertie. Aucune colle n’a été utilisée, chaque élément à assembler l’a été mécaniquement.
37Dans le cadre de ces travaux, la restauration était essentielle pour conserver et permettre l’étude ultérieure des tessons. Elle a permis de retirer les dépôts gênant l’observation des fragments tout en conservant ceux qui pouvaient apporter des informations supplémentaires sur le contexte de fouille, les modes de fabrication ou encore sur la nature même du verre. Aujourd’hui, les altérations ne semblent pas avoir évolué et les fragments présentent un état stable. Il est important de signaler qu’un suivi régulier doit être réalisé pour s’assurer du bon état de conservation de ces pièces majeures.
3 Technique de fabrication des vitraux
38Pour les premières analyses chimiques, compte tenu de l’état de conservation remarquable, nous voulions autant que possible préserver les fragments intacts. À cette fin, les analyses PIXE-PIGE en mode faisceau externe ont été choisies puis réalisées à l’Université de Liège. Trois à quatre points mesurés sur chaque échantillon ont fait l’objet du calcul d’une moyenne. Nous avons ainsi pu obtenir la composition chimique de 39 fragments de la couche 6.1212 et des deux autres pièces en bon état. Ces résultats ont été publiés in extenso dans un premier article (Van Wersch et al. 2016).
39Afin d’étudier les traces rouges et les grisailles et dans le but de déterminer leur nature, des analyses à l’aide du MEB-EDS ont été effectuées sur un petit ensemble d’échantillons. De petits morceaux portant les traces ont été prélevés et incorporés dans des blocs de résines époxydes préparés selon la pratique standard. Le MEB-EDS nous a permis d’obtenir des informations à la fois sur la microstructure à haut grossissement et la composition chimique, avec la possibilité d’effectuer des analyses ponctuelles, essentielles lorsqu’il s’agit de matériaux aussi hétérogènes. Dans la mesure du possible, des analyses moyennées ont été effectuées sur des zones comparables. Les résultats détaillés seront publiés dans un prochain article.
3.1 Composition du verre
40La composition des deux fragments externes à la démolition 6.1212, le turquoise et l’ambre (fig. 3) est typique du verre au natron. La concentration en sodium est élevée (18 %) alors que celle en potassium et en magnésium reste faible. En regardant les composants des sables, ces fragments pourraient correspondre au recyclage et/ou au mélange de différents types de verre tels que HIMT et Levantine I (Foster et Jackson 2009). Selon la quantité d’antimoine, de cuivre et de plomb, le recyclage a été pratiqué (Freestone 2015), mais il ne semble pas être la seule source d’approvisionnement en verre.
41Les 39 autres fragments analysés ont une composition typique du verre potassique, comme l’indiquent les pourcentages élevés de potassium (8,79 à 16,70 %), de magnésium (1,69 à 4,39 %) et de phosphore (1,23 à 3,43 %). Cette composition peut être identifiée à un mélange de sable et de cendres de bois. Ce type de matériau correspond certainement à tout l’ensemble trouvé dans la couche 6.1212.
42Dans ces verres, les sables seraient issus de dépôts tertiaires (Wedepohl et al. 2011). En plus de la silice, ils amènent également de l’aluminium, du titane, du fer ou du zirconium. Dans le verre de Baume-les-Messieurs, selon la concentration homogène de ces sables, la même source de sable aurait pu être utilisée. Fondu par les verriers du XVIe siècle, ces sables tertiaires sont disponibles dans le Jura et sont adaptés à la production de verre (Marti 2006).
43Aux sables sont ajoutées des cendres de bois responsables de la présence du potassium, du magnésium ainsi que de nombreux autres éléments (Wedepohl et al. 2011). Dans le verre de Baume-les-Messieurs, la corrélation positive la plus forte est celle entre le manganèse et le strontium (R2 = 0,93), également corrélée avec le baryum (R2 = 0,83). Les éléments des cendres de bois sont donc également homogènes et peuvent provenir du même matériau initial.
3.2 Coloration du verre
44Pour la coloration du verre, Théophile mentionne des couleurs apparaissant dans certains creusets sans addition volontaire de colorant, ces teintes pouvant être obscurcies en prolongeant la durée du temps de chauffe (Bontemps 1876). En effet, le verre aux cendres de bois permet la production de différentes tonalités grâce à la présence d’éléments colorants dans les cendres. En prime, afin d’obtenir certaines teintes, les artisans pouvaient ajouter des matériaux délibérément. Ainsi, l’ajout d’oxydes métalliques est attesté et semblait largement pratiqué (Freestone 1992).
45Dans l’ensemble de Baume-les-Messieurs, la teinte bleu-vert est la couleur la plus courante. Ces fragments peuvent être considérés comme le verre de base. Ils contiennent un peu plus de phosphore et de sodium que les autres pièces, sans doute en raison d’une cuisson plus courte.
46L’ajout d’éléments métalliques est responsable de la couleur turquoise et du vert foncé. Dans le verre turquoise, le cuivre donne cette teinte au verre. La corrélation entre le cuivre (1,2 % - 2,4 %) et l’étain (0,14 % - 0,17 %) indique l’addition de bronze. Dans les fragments verts foncés, le fer est présent dans des quantités plus élevées. Il est possible que de la limaille de fer ait été ajoutée.
47Pour le vert clair et l’ambre, la composition est similaire à celle du verre bleu-vert et aucun élément chimique distinctif ne peut être identifié comme ajout pour la coloration. Biron et Chopinet (2013) expliquent la teinte ambre par le transfert de charge entre le sulfure et le fer et par la présence d’un agent réducteur dans le bain. Les fragments ambre de Baume-les-Messieurs ont des valeurs de potassium, de magnésium, d’aluminium et de titane légèrement supérieures. Intentionnellement ou non, des éléments végétaux auraient pu être présents en quantité plus élevée afin d’obtenir cette couleur spécifique.
48Dans les fragments roses et violets, la couleur est due au manganèse. Son taux est nettement supérieur à celui de toutes les autres couleurs. Le strontium est également élevé et positivement corrélé au baryum et au manganèse. Ceux-ci peuvent provenir d’éléments végétaux. Par rapport aux autres couleurs, le verre rose contient également moins de phosphore et de sodium et plus de soufre. Selon Théophile, le rose comme l’ambre pourrait apparaître dans des creusets (Bontemps 1876). Cependant, ce processus ne pouvait pas provoquer l’augmentation des éléments observés dans le verre rose. Ils doivent avoir été plus élevés dans le bain, volontairement ou accidentellement. La sélection de végétaux spécifiques ou de certaines parties de l’arbre pourrait également conduire à ces compositions.
3.3 Mise en forme
49D’après les traces observées sur les bords et la présence de bulles allongées, les plaques de verre ont été obtenues par soufflage. C’est la technique du soufflage en cylindre ou au manchon qui a été utilisée. L’épaisseur des fragments de Baume-les-Messieurs est en moyenne de 2,5 mm mais celle-ci n’est pas régulière et varie d’une pièce à l’autre. Lors de l’ouverture des cylindres, deux types de traces sont laissées dans le verre, d’une part les bords de plaque arrondis et d’autre part des traces de pinces. À partir des feuilles de verre, des formes ont été découpées à chaud et par grugeage. Les fragments conservant des bords grugés et coupés à chaud présentent un intérêt particulier car ils conservent la forme initiale donnée par l’artisan.
3.4 Peinture et grisaille
50Environ un tiers des fragments de verre découverts dans le contexte 6.1212 présentent deux types distincts de traces en surface : grisaille et traces rouges. Alors que les premières, trouvées sur quatre fragments turquoise, semblent être décoratives (fig. 6, n° 6), la nature et la fonction des secondes sont plus intrigantes. Contrairement à la grisaille, la peinture a été appliquée à froid avec un pinceau, ce qui la rend beaucoup plus fragile et plus encline à se détacher. La plupart des traces correspondent à des lignes droites (fig. 6, n° 7-8), mais des exemples de motifs plus complexes sont aussi attestés (fig. 6, n° 9).
3.4.1 Grisaille
51Deux échantillons avec grisaille ont été analysés (fig. 6, n° 6). Le mode rétrodiffusé montre diverses nuances de gris reflétant différentes densités et donc différentes compositions. La grisaille est visible sous forme d’une couche brillante sur le dessus du verre (fig. 10). Les résultats EDS montrent que le plomb et la silice sont les ingrédients principaux (20 à 30 % de PbO et 40 à 45 % de SiO2). Les grisailles comprennent aussi du fer (7 à 10 %), du potassium (6 à 9 %), du calcium (5 à 10 %) et du cuivre (environ 1,5 %). Ce verre de silicate de plomb, probablement fabriqué avec une base de verre potassique, fondrait à une température inférieure à celle du verre sur lequel il était appliqué, facilitant ainsi la fusion de ce matériau. La couleur foncée typique de la grisaille a été obtenue grâce à l’addition d’oxydes métalliques, en l’occurrence le fer et le cuivre. La présence d’oxyde d’étain dans l’un des échantillons (0,1 %), avec des zones de forte concentration allant jusqu’à 20 %, indique que la limaille de bronze était probablement la source de cuivre. La grisaille des verres de Baume-les-Messieurs renvoie à des recettes connues dans la littérature technique, tout comme les quelques autres exemples d’analyses sur ce type d’objets (Silvestri et al. 2011 ; Verità 2010). Cependant, les exemples de Baume-les-Messieurs sont parmi les premières attestations de grisailles sur verre en Europe occidentale et, jusqu’à présent, les plus anciennes sur le verre de cendres de bois.
3.4.2 « Peinture » rouge
52Quatre cent soixante-seize fragments portent ce type de traces pulvérulentes. En dehors de la pièce 1401, sur laquelle la trace est assez bien conservée, sur les autres échantillons sélectionnés, l’épaisseur du résidu ne dépasse pas quelques dizaines de microns. La microstructure montre un pigment terreux très hétérogène dont la couleur rouge est due à de petits grains d’hématite répartis de manière inégale. Des grains blancs de différentes tailles, riches en calcium, suggèrent un mélange intentionnel des deux phases (fig. 11). Les résultats EDS indiquent que ces traces sont le mélange d’un pigment rouge et d’un liant de type plâtre, avec quelques zones où les ingrédients ont été moins bien mélangés, créant ainsi une plus grande hétérogénéité (fig. 12), comme le suggère la grande variabilité des taux de fer (7 à 25 %) et de calcium. Les autres éléments principaux sont ceux associés aux argiles dont la silice (17 à 48 %), l’aluminium (6 à 19 %) et le magnésium (2 à 16 %). Ce dernier permettant de diviser l’ensemble en deux groupes, l’un avec des niveaux très élevés (environ 15 %) et l’autre avec des teneurs d’environ 3 %.
4 Fonction et interprétation
53Les traces d’utilisation observées sur plusieurs pièces semblent prouver qu’au moins une partie de l’ensemble a été enchâssée dans des plombs pour constituer un vitrail ou des vitraux. En revanche, d’autres fragments dont ceux déformés par la chaleur ou collés ensembles n’ont pu être enchâssés, du moins dans leur état actuel. En prime, des traces de suies ont été observées sur quelques éléments. Il se pourrait donc que les pièces mises au jour dans le remblai 6.1212 correspondent aux vitraux d’une église démontée à la suite d’un incendie. Cependant, la présence de traces rouges sur une partie de l’ensemble pose question et deux hypothèses peuvent être formulées pour expliquer leur présence.
54Dans la première, les traces rouges correspondent à une couche de peinture décorative appliquée à froid sur le verre. Des exemples de cette technique existent, bien qu’ils soient assez rares et plus tardifs (voir par exemple Fontaine et al. 1998, pour du matériel du XIIIe siècle). Au Moyen Âge, le mélange d’un pigment avec du plâtre était la recette la plus courante pour la peinture murale (Thompson 1956, 42-44). Celle-ci a pu être appliquée à la peinture sur verre, surtout dans une phase précoce et expérimentale. Plusieurs éléments pourraient contredire cette théorie tels que la fragilité apparente de la couche rouge nécessitant une grande attention et des retouches continues, ou le fait que dans la majorité des cas, les lignes semblent suivre des modèles simples et non figuratifs, différents des lignes sinueuses tracées avec la grisaille. Cependant, l’existence de motifs plus complexes (fig. 7) et, par conséquent, la présence d’une couche de peinture décorative ne peut être exclue à ce stade.
55L’autre scénario est suggéré par le traité De Diversis Artibus de Théophile. Dans le deuxième livre, en donnant des instructions sur la façon de faire des vitraux, le moine prescrit de peindre sur verre les contours de la composition en utilisant de la craie (bien que le terme latin utilisé soit creta, c’est-à-dire de l’argile). Théophile n’explique pas clairement l’utilisation de ces contours, mais considérant qu’il poursuit en expliquant comment couper les feuilles de verre selon les formes souhaitées, ils pourraient servir à guider la coupe. Cette interprétation permettrait d’expliquer le fait que des lignes droites courent le long de certains bords (fig. 6, n° 6-9).
56L’utilisation des deux types différents de peinture rouge, avec des compositions chimiques distinctes, mais qui apparemment n’ont pas de propriétés différentes, trouverait une explication. En effet, si les traces rouges ne devaient pas rester sur le produit fini, il est plausible que les verriers aient utilisé des recettes ou des pigments différents avec des rapports distincts entre le pigment et l’agent liant. Alors pourquoi pouvons-nous les voir encore sur les pièces ? Et comment les traces non linéaires peuvent-elles être expliquées ?
57Le contexte de découverte des vitraux pourrait être interprété comme l’atelier attaché à l’abbaye Saint-Pierre, où les matériaux du bâtiment ont été réalisés comme à San Vincenzo al Volturno ou à Jarrow (Cramp 2006 ; Dell’Acqua 1997 ; Schibille, Freestone 2013), des monastères médiévaux ayant eu leur propre atelier. Ainsi, il est possible d’imaginer un lieu dans lequel les deux options mentionnées ci-dessus ont été menées dans le même espace, partageant peut-être le même pigment pour économiser les matériaux. Quant à la raison pour laquelle les traces rouges ont survécu et sont encore visibles, cela peut être expliqué si nous prenons en compte la nature du contexte 6.1212 d’où provient le verre. Celle-ci correspond en effet à une couche de démolition, probablement causée par un incendie. Les objets peuvent donc refléter différents moments du processus de fabrication, des morceaux encore à découper, d’autres prêts pour la peinture et afin des fragments enchâssés dans un réseau de plomb.
5 Conclusion
58Les vitraux du monastère de Baume-les-Messieurs constituent donc un ensemble exceptionnel pour l’histoire du verre car il s’agit d’une des collections les plus anciennes et les mieux préservées d’Europe. Elle nous permet non seulement d’aborder l’histoire du verre en tant que matériaux, mais est aussi un atout important pour l’histoire du vitrail et de ses techniques ainsi que pour la compréhension du site.
59Dans cette optique, la restauration était essentielle, mais ne devait en aucun cas perturber les observations et les analyses à venir. Elle a donc été minimaliste, mais a permis de retirer les dépôts gênant l’observation des fragments tout en conservant ceux qui pouvaient apporter des informations supplémentaires sur le contexte de fouille, les modes de fabrication ou encore sur la nature même du verre. Aujourd’hui, les altérations ne semblent pas avoir évolué et les fragments présentent un état stable qui demandera cependant un contrôle régulier.
60Les analyses élémentaires ont identifié deux fragments de verre au natron, mais surtout du verre aux cendres de bois prouvant ainsi son existence en « France » avant la fin du VIIIe siècle. Les vitraux de l’us 6.1212 constituent un ensemble homogène en apparence et en composition. Les artisans les ayant produits maîtrisaient les recettes de fabrication et de coloration pour lesquels des matériaux locaux ont pu être utilisés. D’autant plus exceptionnel, cet ensemble conserve des peintures et des grisailles.
61Associées aux cendres et aux matériaux de destruction présents dans l’us 6.1212, certaines pièces ont bien été utilisées et enchâssées dans des plombs. Elles semblent être issues de la destruction d’un bâtiment. En revanche, la présence de dessins préparatoires sur d’autres fragments les laisse apparaître comme semi-finis et plutôt issus d’un contexte de production. À moins que les deux ne puissent être associés et que le contexte ne corresponde à la destruction d’un atelier avec différentes phases de production des vitraux.
62Il est évident que des analyses sur un plus grand nombre de pièces permettraient de fournir une réponse définitive pour l’interprétation. De même, de nouvelles fouilles sur le site de Baume-les-Messieurs apparaissent nécessaires. Au-delà de la découverte de nouveaux vitraux et d’une meilleure compréhension de l’us 6.1212, elles permettraient peut-être de mettre au jour un atelier lié à la fabrication de vitraux pour l’abbaye et une des premières attestations de la production de verre potassique sur un site monastique du haut Moyen Âge.
Figures
Bibliographie
63Balcon-Berry S., Perrot F., Sapin C. (éds), 2009. Vitrail, verre et archéologie entre le Ve et le XIIe siècle. Actes de la table ronde réunie au Centre d’études médiévales, Auxerre, du 15 au 16 juin 2006. Paris.
64Biron I., Chopinet M. H., 2013. Colouring, decolouring and opacifying of Glass. In : Janssens K. (éd.), Modern Methods for Analysing Archaeological and Historical Glass. Vol. I. Chichester, 49-64.
65Bontemps G. (trad.), 1876. Theophili, Diversarum artium Schedula, liber secundus, Deuxième livre de l’Essai sur divers arts, par Théophile, prêtre et moine. Librairie du dictionnaire des arts et manufactures, Paris.
66Bully S., Sapin C., 2011. Les monastères en Europe occidentale (Ve-Xe siècle). Topographie et structures des premiers établissements en Franche-Comté et en Bourgogne. Projet collectif de recherche [PCR] ». Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre (BUCEMA), 15, 119-129. http://cem.revues.org/index11948.html
67Bully S., Bassi M.-L., Bully A., Fiocchi L., Čaušević-Bully M., 2016. Le « monastère des reculées » au haut Moyen Âge : avancées de la recherche archéologique sur Balma (Baume-les-Messieurs, Jura). In : Balcon-Berry S., Boissavit-Camus B., Chevalier P. (éd.), La mémoire des pierres. Mélanges d’archéologie, d’art et d’histoire en l’honneur de Christian Sapin. Bibliothèque de l’Antiquité tardive 29, Turnhout, 241-254.
68Cramp R., 1970. Decorated window-glass and millefiori from Monkwearmouth and Jarrow. Antiquaries Journal, 50, 327-335.
69Cramp R., 2006. Window glass. In : Cramp R. (eds), Wearmouth and Jarrow monastic sites. Vol. 2. Swindon : English Heritage, 56-161.
70Dell’Acqua F., 1997. Ninth-century window glass from the monastery of San Vincenzo al Volturno (Molise, Italy). Journal of Glass Studies, 39, 33-41.
71Fontaine C., Van Bos M., Wouters H., 1996. Contribution à l’étude des peintures à froid sur les vitraux anciens : fonction et identification. In : Grisaille, jaune d’argent, sanguine, émail et peinture à froid : techniques et conservation. Forum pour la conservation et la restauration des vitraux, Liège, 19-22 juin 1996, 3-107.
72Foster H. E., Jackson C. M., 2009. The composition of naturally coloured late Roman vessel glass from Britain and the implication for models of glass production and supply. Journal of Archaeological Science, 36, 189-204.
73Foy D., 2005. La suprématie du verre soufflé en cylindre : panneaux et vitraux du Ve au IXe siècle. In : Foy D. (éd.), De transparentes spéculations. Vitres de l’Antiquité et du haut Moyen Âge (Occident-Orient). Exposition temporaire en liaison avec les 20e rencontres de l’AFAV sur le thème du verre plat. Bavay, 59-64.
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75Freestone I. C., 2015. The recycling and reuse of Roman glass: Analytical Approaches. Journal of Glass Studies, 57, 29-40.
76Gai S., 2005. Vitres et vitraux du palais impérial de Charlemagne à Paderborn. In : Foy D. (éd.), De transparentes spéculations. Vitres de l’Antiquité et du haut Moyen Âge (Occident-Orient). Exposition temporaire en liaison avec les 20e rencontres de l’AFAV sur le thème du verre plat. Bavay, 83-85.
77Kessler C., Wolf S. et Trümpler S., 2005. Die frühesten Zeugen ornamentaler Glasmalerei aus der Schweiz : Die frühmittelalterlichen Fensterglasfunde von Sion, Sous-le-Scex. Zeitschrift für Schweizerische Archäologie und Kunstgeschicht, 62, 1, 1-30.
78Kessler C., Wolf S. et Trümpler S., 2013. Leuchtende Fenster. Glas als Werkstoff und seine Herstellung. In : Riek M., Goll J. et Descoeudres G. (éds.), Die Zeit Karls des Grossen in der Schweiz. Sulgen : Benteli, 224–227.
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80Le Maho J., 2009. Retour sur le dossier des vitraux de la cathédrale de Rouen. In : Balcon-Berry et al. 2009, 181-199.
81Louis E., 2009. Deux sites mérovingiens à vitraux du Nord de la France. In : Balcon-Berry et al. 2009, 141-152.
82Marti L., 2006. Les verriers de Moutier. Mémoire d’ici, Saint-Imier, 1-8.
83Pactat I., Bully S., Gratuze B., 2014. La verrerie médiévale issue des fouilles du chœur de l’ancienne abbatiale Saint-Pierre de Baume-les-Messieurs (Jura). Bulletin de l’Association Française pour l’Archéologie du Verre, 124-129.
84Schibille N., Freestone I. C., 2013. Composition, Production and Procurement of Glass at San Vincenzo al Volturno : an Early Medieval Monastic Complex in Southern Italy. PLoS ONE 8(10): e76479. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1371/journal.pone.0076479 [en ligne].
85Silvestri A., Molin G., Pomero V., 2011. The stained glass window of the southern transept of St. Anthony’s Basilica (Padova, Italy) : study of glasses and grisaille paint layers. Spectrochimica Acta Part B : Atomic Spectroscopy, 66, Issue 1, 81-87.
86Szöke B. M., Wedephol K. H., Kronz A., 2004. Silver-Stained Windows at Carolingian Zalavar, Mosaburg (Southwerstern Hungary). Journal of Glass Studies, 46, 85-87.
87Thompson D. V., 1956. The Materials and Techniques of Medieval Painting. New York : Dover Publications.
88Van Wersch L., Loisel C., Mathis F., Strivay D., Bully S., 2015. Analyses of early Medieval stained window glass from the monastery of Baume-les-Messieurs. Archaeometry, 58, Issue 6, 930-946.
89Verità M., 2010. Paintwork in medieval stained glass windows : composition, weathering and conservation. In : Shepard M. B., Pilosi L., Strobl S. (eds.), The art of collaboration: stained-glass conservation in the twenty-first century. London : Harvey Miller Publications for the American Corpus Vitrearum.
90Wedepohl K. H., Simon K., Kronz A., 2011. Data on 61 chemical elements for the characterization of three major glass compositions in Late Antiquity and the Middle Ages. Archaeometry, 53, 81–102.
91Wolf S., Kessler C., Goll J., Trümpler S. et Degryse P., 2017. Early-medieval stained-glass windows from St. John Müstair : materials, provenance and production technology. In : Wolf S. et De Pury-Gysel A. (éds.), Annales du 20e Congrès de l’AIHV, 7–11 septembre 2015 à Fribourg & Romont. Romont, 660–667.
92Wolf S., Kessler C., Stern W. B., Gerber Y., 2005. Early medieval window glass from Sion, Sous-le-Scex (Valais, Switzerland) – Roman glass making-making traditions or innovative craftsmanship? Archaeometry 47, 2, 363-382.
Notes de bas de page
1 La fouille de Baume a été réalisée dans le cadre du Projet collectif de recherche Monastères en Europe occidentale (Ve –Xe siècles). Topographie et structures des premiers établissements en Franche-Comté et Bourgogne, sous la direction de Sébastien Bully et Christian Sapin ; elle a bénéficié du financement ou de la participation de la DRAC Franche-Comté (Service régional de l’Archéologie et Conservation régionale des Monuments Historiques), du Conseil régional de Franche-Comté, du Conseil général du Jura, de la Commune de Baume-les-Messieurs et de Caritas veritatis foundation, envers qui nous exprimons toute notre gratitude (Bully et Sapin 2011).
2 Dans l’attente d’un travail spécifique, l’étude stylistique et comparative des vitraux-mosaïques est seulement évoquée.
3 Le fragment de couleur ambre, en forme d’arc, a été découvert dans une couche de préparation (6.1200) d’un sol (6.197) appartenant à l’état IIIa, daté du dernier tiers du VIIIe siècle.
4 Échantillon Lyon-9507 (SacA 30376) ; Age 14C BP : 1155±30 ; Age calibré : de 778 à 971 apr. J.-C.
5 Échantillon Lyon-9511 (SacA 30380) ; Age 14C BP : 1200±30 ; Age calibré : de 712 à 937 apr. J.-C.
6 Un des petits côtés du claveau, particulièrement bien taillé, présente des traces d’outils qui, en lumière rasante, s’apparenteraient à ceux d’une gouge.
7 Échantillon Lyon-9504 (SacA 30373), pr. 23, US 6.1212, intervalle après calibration 776-968 apr. J.-C., probabilités maximales 776-903. Une seconde datation réalisée sur un charbon de bois issu de la couche 6.1211 couvrant le terrain naturel n’a pas pu être retenue car elle contredit l’ensemble des autres analyses radiocarbone et la chronologie relative : Échantillon Lyon-9505 (SacA 30374), pr. 24, US 6.1211, intervalle après calibration 894-1016 apr. J.-C. En revanche, un charbon de bois prélevé dans les fondations sud de l’abside romane (6.111) donne une datation rigoureusement identique à celle de la couche 6.1212. Bien entendu, cette datation ne peut pas être retenue pour l’abside, mais on se demandera si ses fondations n’ont pas atteint la couche de démolition en remblai qui s’étendrait vers l’est et le sud… (Échantillon Lyon-9508 (SacA 30377), pr. 29, mur 6.111, intervalle après calibration 776-968 apr. J.-C., probabilités maximales 776-903).
Auteurs
Restauratrice indépendante, 6, avenue Archon Desperouses, 63200 Riom, France.
CNRS-UMR 6298 ARTEHIS Dijon-Auxerre, 6 boulevard Gabriel 21000 Dijon, France.
Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques, 29 rue de Paris, 77420 Champs-sur-Marne, France.
Postdoc ERC Advanced Project Rural Riches. Liege University, UR Art, Archéologie, Patrimoine. Leiden University, Faculty of Archaeology. Allée du 6 Août, bat. B15 4000 Liège.
Institute of Archaeology, University College London, 31-34 Gordon Square, Bloomsbury, London WC1H 0PY, United Kingdom.
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