Nouvelles données sur le verre du XIVe siècle en Provence : le couvent royal des Dominicaines de Notre-Dame-de-Nazareth à Aix-en-Provence
p. 201-214
Résumés
Résumé. Trois campagnes de fouilles préventives préalables à la construction du Parking Mignet à Aix-en-Provence ont permis de mettre au jour le couvent royal des Dominicaines, construit et occupé entre 1292 et 1357/58. Les études des lots céramiques avaient déjà montré la richesse et le luxe de la vaisselle des moniales dont témoigne également la collection des verreries présentée ici. Outre une approche inédite contribuant à identifier les caractéristiques du verre en tant que marqueur social et à mettre en valeur l’ensemble de la vaisselle de table, cette recherche vient compléter les précédentes publications sur les verres provençaux du XIVe siècle.
Summary. Three archaeological rescue campaigns were conducted before the construction of the car park “Mignet’’ in Aix-en-Provence. The excavations revealed the installation of the Royal Convent of the Dominicans, built and occupied between 1292 and 1357/58. Previous studies on the ceramic remains from the site highlighted the luxury of the nun’s tableware. This paper shows that the quality and richness of the convent’s vessel is also attested by the glassware. The collection of the glass objects and fragments presented here was studied by a new approach. Indeed, a methodology is proposed to explore the glass characteristics that point out its use as a social marker of table furniture. At the same time, the research builds on previous publications on Provençal glass dating back to the 14th c. AD bringing new clues on the kind of objects used during this period.
Texte intégral
Le verre médiéval en Provence et à Aix : un état de la documentation
1Dans la Provence des XIIIe-XIVe siècles, la présence d’une activité verrière attestée par les fouilles ou par les textes est mise en lumière en particulier grâce aux travaux de Danièle Foy (Foy 1988, 105-109, 114-117). Des verreries sont essentiellement localisées dans le bassin de Saint-Maximin (Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, Cadrix, Rougiers, Nans-les-Pins et l’atelier de Planier à Signes, plus au sud), dans le massif du Lubéron, et sont aussi recensées à Marseille (Lambert 1982/83 ; Foy 1986 ; Foy, Sennequier 1989, 391-400). Depuis la fin des années 80, aucun nouvel atelier ou indice de production verrière en Provence n’a été signalé dans les ouvrages ou articles parus sur les verres médiévaux du sud de la France (Mach 2004 ; Lagrue 2004 ; Foy, Bailly-Maitre 2014 ; Mach 2014).
2Concernant les sites de consommation, la documentation disponible regroupe essentiellement le verre du castrum de Rougiers (Démians d’Archimbaud 1980), mais aussi le matériel issu de sites ruraux et des villes d’Avignon (Démians d’Archimbaud et al. 1980), à la limite de la Provence historique1, d’Arles (Leenhardt et al. 1996) et des fouilles préventives à Marseille (Foy, Michel 2014).
3L’étude du verre médiéval à Aix-en-Provence permet une meilleure compréhension de l’organisation des échanges commerciaux en Provence, dans la mesure où la ville se situe géographiquement entre le Rhône et Marseille. Or, pour la ville d’Aix-en-Provence même, seuls les quelques verres médiévaux découverts lors des fouilles à la cathédrale Saint-Sauveur en 1981 et l’un des verres découverts lors des fouilles au Musée Granet (2001) au sein de l’ancien prieuré de Saint-Jean-de-Malte ont fait l’objet de publications (Foy, Vallauri 1983 ; Lagrue 2004, 11 ; Nin et al. 2014, 379). Les fouilles préventives à Aix-en-Provence sont pourtant nombreuses et plusieurs sites médiévaux ont livré du matériel en verre qui mériterait de faire l’objet d’études plus approfondies.
1 Rappels historiques et apport des fouilles
4L’ensemble étudié ici est abondant et relativement bien conservé. Sa datation est très homogène, car le site archéologique n’a connu qu’une occupation durant tout le Moyen Âge : celle du couvent des Dominicaines.
5La congrégation est fondée en 1290 à la Duranne, à 8 km au sud-ouest d’Aix-en-Provence, par Charles II d’Anjou, comte de Provence. Deux ans plus tard, elle est transférée à Aix dans le bourg Saint-Jacques, au sud du centre urbain. Le couvent est alors situé sur la route de Marseille, actuelle rue Malherbe (Coulet, 1973, 91 ; Richarté et al. 1990, 4, 16-17, Richarté-Manfredi, Barra 2016).
6Cette bâtisse royale, le plus grand complexe conventuel aixois de son temps (Bonnet et al. 2009, 84), marque fortement le paysage péri-urbain et social de la ville médiévale. Toutefois, en 1357 ou 1358 (Pourrière 1952, 129 dans Bonnet et al. 2009, note 8, 105) les Dominicaines sont relogées à proximité de la Place des Prêcheurs. Ce déménagement est probablement lié au mouvement général de repli intra-muros qui a lieu durant cette période d’insécurité (Bonnet et al., 2009 vol. 1, 53-67). On sait d’après le testament de Louis de Tabia, dressé le 13 janvier 1367 ou 1368, que l’édifice du bourg Saint-Jacques a totalement été démantelé après son abandon, dix ans plus tôt (AD Aix, 308 E 14, f° 91 dans Bonnet et al. 2009, vol 1, note 92, 26).
7Au total, 1595 tessons de verre creux, relatifs à l’occupation du terrain par les moniales, ont été récoltés durant les fouilles2. Les fragments proviennent de trois types de structures : des fosses-dépotoirs localisées dans les jardins du couvent (fouillées en 1990 et 2007), des canalisations découvertes en 2007 à l’extrémité est de l’enceinte, et des différentes zones bâties, surtout celles exhumées lors de la fouille de 2001 au nord du site (bâtiment d’accueil et cuisines).
8Dans la stratigraphie, le verre est associé, entre autres, à de nombreuses céramiques dont l’étude (Richarté et al. 1990, 22-44 ; Richarté et al. 2007, 63-69 ; Bonnet et al. 2009 vol. 1, 140-163) a mis en avant le style de vie aristocratique de ce « monasterium dominarium » mentionné par les textes (Coulet 1973 ; Coulet 2010). L’étude du verre selon une approche classique — typologie et quantification en NFR (Nombre de Fragments) et en NTI (Nombre typologique d’individus)3 — a été mise au service d’une approche inédite, intégrant les résultats fournis pour chacun des matériaux, la céramique et le verre, afin de faire apparaître l’ensemble de la vaisselle de table comme marqueur social.
2 Typologie
9Deux cent vingt-huit objets ont été individualisés4. Cent quatre-vingt-un ont pu être identifiés et classés en trois grandes catégories d’objets (les verres à boire, les coupelles et bocaux, et les verres à contenir et à verser), tandis que dix-huit appartiennent à d’autres formes. Les vingt-neuf derniers objets n’ont pu être comptabilisés que par la présence de fonds ou de bords très fragmentés. À peine plus de 67 % des tessons (NFR = 1071) sont informes et n’ont donc pas pu être classés.
10Les paragraphes qui suivent sont organisés en fonction des catégories précédemment définies. Ils s’attachent à présenter une description rapide des types identifiés, d’après la typologie élaborée par Danièle Foy (Foy 1988, 191-287) et de ses différentes variantes. Pour chacun sont proposés des éléments de comparaison.
2.1 Verres à boire
2.1.1 Verres à tige pleine
11Un premier type d’objet fait partie de la catégorie des verres à boire. Il s’agit des verres à tige pleine.
12C’est la forme pour laquelle les couleurs sont les plus diversifiées : transparent incolore, nuances de vert et/ou de jaune, bleuté, rose-violet (fig. 1).
13Les coupes sont toutes côtelées, se rapportant au type B2, très diffusé en bordure du Rhône : on trouve par exemple une douzaine de pièces sur le site du Petit Palais à Avignon (Foy 1988, 208). À Aix, elles sont au moins six. La forme de la coupe est parfois très étroite, en tulipe, ou beaucoup plus évasée (fig. 1/1-3).
14Les tiges peuvent être torsadées (fig. 1/6-7), simples (fig. 1/16-18) ou encore à un ou plusieurs boutons (fig. 1/8-15), toujours de section circulaire ici, mais parfois plats ou ronds ailleurs.
15Deux autres tiges sont quant à elles munies d’excroissances cassées, entourant la tige et pouvant correspondre à l’attache de cordons (fig. 1/4-5). Les exemplaires connus de tiges à cordon, provenant de Montauban et, plus fragmentaires, de Rougiers (Foy 1986, 86-87, fig. 3/6), sont également décorés de filets bleus, ce qui n’est pas le cas ici.
2.1.2 Pieds de verres à tige
16Au couvent royal, les pieds des verres à tige sont très mal connus, car aucun n’est complet. Quelques fragments pourraient être interprétés comme tels (fig. 2). Un exemplaire à tige creuse, cité dans l’inventaire préliminaire de 2001 (Richarté et al. 2007, 69), est décrit comme similaire à l’objet contemporain provenant de Saint-Jean-de-Malte à Aix-en-Provence. Le pied de ce dernier est tout à fait comparable (Lagrue 2004, 11 ; Nin et al. 2014, 379).
17L’identification de ces fragments comme des pieds n’est pas incontestable. En effet, l’élément 2/1 pourrait appartenir à un bord d’urinal dont la présence, au sein d’un couvent, ne serait pas surprenante. L’objet 2/4 pourrait quant à lui avoir appartenu à un autre type de pièce, car son profil est différent des pieds habituels de verres à tige. Il n’existe pas d’équivalent connu en Provence.
2.1.3 Gobelets
18La deuxième catégorie de verres à boire, celle des gobelets, compte au moins vingt-neuf objets. Un seul est de type B5, c’est-à-dire en verre fin transparent incolore décoré d’un cordon lisse rapporté à la base (fig. 3/5).
19Les autres sont essentiellement de type C1. Ces gobelets communs sont caractérisés par leurs décors moulés, au moins sur le fond et sur la partie inférieure des parois. Les motifs, que l’on retrouve dans toute l’Europe occidentale, sont très diversifiés (fig. 3/6-13). Ces gobelets sont uniquement en verre transparent incolore et peuvent être tronconiques (fig. 3/1 et 6) ou cylindriques (fig. 3/2, 4, 7 et 8). Deux exemplaires ont une lèvre plus épaisse que la paroi, arrondie par réchauffement (fig. 3/2).
20La lèvre de deux gobelets cylindriques est soulignée d’un filet bleu (type C5a – fig. 3/3) et deux petits fragments de paroi sont décorés de filets bleus organisés en losanges (non illustrés). Ces ornementations rappellent clairement celles des gobelets hauts de l’Hôtel de Brion à Avignon (Démians d’Archimbaud et al. 1980, 153, fig. 62/9,8 ; Foy, Sennequier 1989, notices 198-199) et de la cathédrale de Montauban (Foy 1986, 84, fig. 2/2-5 ; Foy, Sennequier 1989, notices 200-201).
2.1.4 Gobelets ou coupelles
21La forme et le décor de certains fragments ne permettent pas toujours de faire la distinction entre gobelets et coupelles (Foy 1988, 229). Ici, l’un d’entre eux est un bord, trop petit pour en déterminer l’orientation. Il s’agit du seul fragment du lot décoré à la fois d’un filet bleu placé sur la lèvre et d’un décor de côtes hélicoïdales moulées (non illustré). Dans la région, un unique fragment portant une décoration similaire est connu : il s’agit d’un gobelet marseillais (Foy, Michel 2014, 268, fig. 214/1). Il existe aussi des coupelles à côtes moulées, mais on ne trouve pratiquement jamais ce décor associé à des applications bleues (Foy 1988, 231).
22Quatre fonds non identifiables portent un cordon rapporté pincé à la base (fig. 4/2-3). Un autre est aussi décoré de filets bleus sur la paroi (fig. 4/1). Le motif, incomplet, n’est pas non plus connu ailleurs.
2.2 Coupelles et bocaux
2.2.1 Coupelles
23Les coupelles sont extrêmement nombreuses. On recense au minimum soixante-douze objets appartenant aux types C4 ou C5b, selon qu’elles sont, ou non, décorées de filets bleus (Foy 1988, 228, 231). Elles se divisent en trois groupes : les coupelles à marli concave, les coupelles plat à et les coupelles tronconiques.
2.2.1.1 Coupelles à marli concave
24Les coupelles concaves sur le site à marli sont les plus diffusées (NTI = 35) et les mieux connues pour la période considérée. Elles sont presque toutes en verre transparent, complètement incolore. Le diamètre le plus récurrent est de 14 cm à l’ouverture, mais il varie de 9,5 à 20 cm. Le pied est généralement orné d’un cordon rapporté et pincé. Beaucoup de ces coupelles présentent un décor typique de filets, sur la lèvre et/ou le corps et le fond de l’objet (fig. 4/4, fig. 5, fig. 6/1).
25Plusieurs pièces offrent un décor de verre bleu composé non pas de filets, mais d’une lentille qui double la paroi du fond. Jusqu’à maintenant, on ne connaissait que le support, constitué de trois petits pieds, de l’exemplaire de l’atelier de La Seube, ainsi que des fonds non rattachables à une forme précise. Il existe au moins une autre variante découverte sur le site du couvent, avec un cordon lisse rapporté à la base, similaire à celui appliqué sur les gobelets B5 (fig. 4/5).
26Une seule de ces coupelles à marli concave est décorée d’un filet qui n’a pas été apposé sur ou sous le rebord de la lèvre, mais qui se situe entre deux couches de verre, obtenues par repli et formant un bord à ourlet creux (non illustrée). Cette technique est très peu diffusée dans le bassin méditerranéen. On la retrouve sur des lampes et d’autres récipients provenant des dépotoirs d’une officine du VIIe siècle à Beyrouth au Liban (Foy 2000, 259, fig. 16). Elle n’est pas uniquement appliquée à des coupelles à marli concave mais aussi à des coupelles tronconiques et à des « bocaux » (voir ci-après et fig. 6/11-12).
27Un seul objet est en verre rouge opaque coloré dans la masse (fig. 6/2). Identifié par la présence d’un petit fragment de bord, cette coupelle devait être identique ou très proche des lampes en verre opaque rouge et noir découvertes dans des contextes de la fin du XIIIe ou du début du XIVe siècle à Finalborgo, actuelle Finale Ligure en Ligurie, Italie (Riflessi del passato 2003, 11, fig. 4 b). La verrerie en verre opaque rouge n’était pas attestée jusqu’alors en Provence. La fouille de l’atelier de La Seube dans le Languedoc (XIVe siècle) avait tout de même livré des amas de pâte de verre rouge, mais aucun objet façonné, laissant supposer qu’ils étaient plutôt destinés au recyclage (Lagrue 2004, 28)5.
2.2.1.2 Coupelles à marli plat
28Les coupelles à marli plat, toujours en verre transparent incolore, sont beaucoup moins bien connues que les coupelles à marli concave. Aucun bord n’a jamais pu être rattaché à un fond. Les treize objets identifiés ici n’apportent pas de nouvelle information quant à leur profil.
29En majorité, ces coupelles ne présentent aucun décor (fig. 6/4), seules deux d’entre elles ont un filet sur la lèvre, ce qui n’avait jamais été observé (fig. 6/3). À Rougiers et à Cadrix, elles sont toutes de petite dimension : entre 9 et 12 cm de diamètre à l’ouverture (Foy 1988, 228). Au contraire, et comme pour les coupelles à marli concave, nous observons ici une grande variabilité (10-20 cm).
2.2.1.3 Coupelles tronconiques
30Bien qu’il ne soit pas toujours aisé de distinguer les coupelles à marli plat des coupelles tronconiques, nous avons attribué dix-neuf objets à cette catégorie (fig. 6/5-11). Peu répandues, on n’en connaît qu’une seule à Rougiers, en verre épais, quelques-unes à Arles (Leenhardt et al. 1996, 133, fig. 30/5,6) et dans les couches des XIII-XIVe siècles des fouilles du couvent de San Silvestro à Gênes (Andrews, 1977, 176, pl. XXXIV, no 90). Il est également remarquable qu’un exemplaire quasiment identique aux coupelles du couvent provienne d’un autre contexte aixois contemporain : la cathédrale Saint-Sauveur (Foy, Vallauri 1983, 216, fig. 47/2).
31Environ la moitié de ces coupelles est agrémentée de filets horizontaux dont le nombre est très variable, tout comme le gabarit qui oscille entre 10 et 18 cm à l’ouverture. La coupelle 6/11 est la seule coupelle tronconique pour laquelle un filet a été placé sous une lèvre repliée (Foy 2000, 259, fig. 16).
2.2.2 « Bocaux » ou coupelles
32L’ouverture de treize autres récipients rappelle le profil des bocaux en céramique. Leur interprétation est rendue difficile par l’absence de forme complète. Ces vases à forme ouverte se divisent en deux catégories : les objets à lèvre évasée et galbée vers l’extérieur (fig. 6/14-16), et ceux à lèvre repliée formant un bandeau creux (fig. 6/12-13). On distingue aussi des récipients en verre bleuté ou bleu-vert, relativement épais, d’autres en verre transparent incolore, plus fin.
33D’une part, sur les dix individus en verre naturellement coloré, au moins trois appartiennent au type D4, établi sur la base de la découverte, à Rougiers, d’un bocal moulé de losanges en quinconce (Foy 1988, 252-25, fig. 117), décor que l’on retrouve aussi ici sur un tesson épais et bleu. Cinq autres bords rappellent des découvertes roussillonnaises : un bocal à col court, séparé du corps de l’objet par un épaulement, et un large récipient qui semble inspiré des « lampes de mosquée » (Mach 2014, 361, ill. 8,133 et 367, ill. 11,149). Ces deux objets ont des profils totalement différents, mais il est impossible d’attribuer les bords des verreries du couvent des Dominicaines à l’un ou l’autre des types, car ils sont trop fragmentaires.
34D’autre part, la finesse des objets en verre transparent incolore évoque plutôt des coupelles, des lampes (Foy 1988, 272-273, fig. 140,141) ou d’autres objets tel le pot de Montauban, un probable petit récipient globulaire (Foy 1986, 89, fig. 5/5). La présence d’un bord galbé vers l’extérieur, décoré selon la même technique que les coupelles et les lampes libanaises évoquées plus haut, atteste un lien entre ce type d’objet et nos « bocaux » (fig. 6/12).
2.3 Verres à contenir et à verser
35Les fouilles ont livré une vaisselle riche en bouteilles et en autres flacons. Ces verres à contenir et à verser documentent des séries non encore référencées pour la région.
2.3.1 Bouteilles communes de type D1
36Les bouteilles communes en verre bleuté de type D1, au nombre de neuf, sont reconnaissables par la présence d’un décor moulé composé d’ovales en quinconce Bien qu’on trouve ce même genre d’objets à La Môle dans le Var, à Cadrix, à Rougiers ou à Psalmodi, ce type de décor reste peu commun (Foy 1988, 247). Un fond de bouteille n’est pas décoré (fig. 7/6). On connaît des fonds à motifs plus ou moins estompés, mais les bouteilles dont la base n’a jamais été décorée sont beaucoup plus rares (Démians d’Archimbaud et al. 1980, 151).
37Ces objets sont généralement agrémentés d’un cordon incisé, qui peut être doublement enroulé autour du col (fig. 7/2-3). Les rares cordons lisses sont ici représentés sur deux goulots droits de 3 et 4 cm de diamètre (fig. 7/1). Les goulots sont principalement à lèvre biseautée, de section triangulaire (fig. 7/3 et 5), mais on observe aussi des lèvres arrondies (fig. 7/4).
38Même si aucune forme n’est complète, on identifie facilement différents modules (fig. 7/1-5). Le diamètre à l’ouverture des goulots conservés s’échelonne de 3,4 à 5 cm et on observe la même variabilité pour les cols (entre 2,4 et 4,5 cm de diamètre). L’existence de plusieurs gabarits a déjà été observée et rapprochée des amphorae, citées par les textes et correspondants à différentes capacités (Foy 1988, 242, 249-250 ; Foy, Michel 2014, 259, note 21, 274).
2.3.2 Autres bouteilles en verre bleuté épais : type D2
39L’étude de la vaisselle des Dominicaines permet de mettre en évidence trois grandes autres catégories de bouteilles en verre bleuté : les cruches, les grosses bouteilles et les petites bouteilles ou fioles.
40On reconnaît les cruches par la présence de petites anses pliées à la pince (fig. 8/1 et 3) et similaires à celles de Rougiers (Démians D’Archimbaud, 1980, 542, fig. 509/4,7). Un élément correspond très probablement à une anse non collée, pincée de manière à former une oreille plate horizontale et parallèle au rebord de l’objet (fig. 8/2). La préhension devait alors être rendue possible par la présence d’un double symétrique. Les goulots des trois cruches ont la même forme que ceux des bouteilles D1, mais sont munis d’un bec verseur (fig. 7/10).
41Les grosses bouteilles sont caractérisées par leur grand diamètre (6 à 7 cm) et leur ouverture évasée qui laisse supposer qu’elles étaient utilisées pour le stockage (fig. 7/11-13). Leur fonction est mal comprise, car les grands contenants sont peu attestés à la période médiévale.
42Plusieurs fonds à mettre en lien avec l’une ou l’autre des deux catégories décrites ci-dessus, voire même avec d’autres types de bouteilles non (re)connues, sont très refoulés et ne portent pas de décor moulé (fig. 7/8-9).
43De petites bouteilles ou fioles, en verre relativement épais, d’un diamètre de 2,5 à 3 cm (fig. 7/16-17), ne sont pas encore connues pour le XIVe siècle, mais attestées à l’extrême fin du Moyen Âge (Foy 1986, 89, fig. 3/17).
2.3.3 Contenants à embouchure étroite et fioles
44D’autres fioles en verre transparent incolore sont représentées par des petits cols cylindriques ainsi qu’au moins par un goulot (fig. 7/18-19). Ces flacons, qui commencent à apparaître dans la première moitié du XIVe siècle, sont attestés à Montauban et plus tardivement à Avignon. Ils pouvaient servir à contenir des liquides précieux (parfum) ou comme ampoules reliquaires (Foy 1986, 89, fig. 5/4 ; Démians d’Archimbaud et al. 1980, 156, fig. 62/10-19). Plusieurs fonds étroits et cylindriques pourraient appartenir à ce type de fioles tout autant qu’à des lampes à pied tubulaire (fig. 7/20-22).
45Parmi les contenants à embouchure étroite, on compte aussi deux petits bords dont la lèvre est formée par l’apport d’un gros filet. Le premier est en verre de même teinte (bleuté) que son support (fig. 7/24), tandis que le second objet est en verre verdâtre sur lequel un filet de verre bleu foncé a été rapporté (fig. 7/23). Les deux goulots présentent une légère incurvation qui les rapproche des fins becs de cygne des burettes, mais leur diamètre est trois à quatre fois plus large. Un verre similaire (sorte de rhyton ?) provient de l’Abbaye de Psalmodi (Foy 1988, 238, fig. 96/5).
46Un seul autre individu est verdâtre à filets bleus (fig. 7/14). Il s’agit d’un bord en entonnoir de 7 cm de diamètre qui est aussi décoré d’un cordon ondé de même teinte que le verre support. Il trouve des pendants à Avignon sur le site du Petit Palais (Foy 1988, fig. 96/3), mais aussi à l’abbaye de Farfa (Newby 1999, fig. 37/158) et à Southampton où l’objet, archéologiquement complet, a une panse ovoïde à décor moulé et un fond très refoulé (Tyson 1996, fig. 21/GD3). Un cordon ondé est également appliqué sur une grosse fiole dont le bord n’est pas conservé (fig. 7/15).
2.3.4 Autres types de verres à contenir et à verser
47D’autres types de bouteilles sont attestés à la fois par des anses et par des fonds. Il s’agit de contenants et de verres à verser incolores pour lesquels il est nécessaire d’ajouter une catégorie C7. On classe ainsi trois anses dont la plus épaisse est moulurée à deux reprises dans sa longueur (fig. 8/5). Elle devait être attachée à une carafe ou à un pot de grande contenance, car sa hauteur conservée (minimale) est de 8,4 cm. Une deuxième anse est partiellement creuse (fig. 8/7) tandis que la dernière est formée par un petit cordon tordu en S (fig. 8/6), comme le modèle de Rougiers (Démians d’Archimbaud 1980, fig. 509/6-8).
48On relève aussi un fond surélevé sur pied replié à anneau creux d’une coupelle ou d’une bouteille à pied conique (fig. 9/1), comme celles découvertes à Rougiers (id., fig. 490/11,14). Ce pied rappelle également les productions italiennes contemporaines identifiées sur les sites du Palazzo Vitelleschi et de l’abbaye de Farfa (Newby 1999, fig. 43 surtout n° 185), ainsi qu’au Castello di Zuccola en Apulie (Testori 1992, fig. 9/11 dans Newby 1999 vol. 1, 75) et à Gênes (Andrews, 1977, pl. XXXII, no 32).
49Enfin, un pied conique à ourlet creux est refoulé suivant la même inclinaison que le tronc de cône (fig. 9/2). Il se rapporte très probablement à une bouteille à piédestal en verre transparent de couleur vert olive. En Italie, on les rencontre très fréquemment en verre incolore à partir du milieu du XIVe siècle (Andrews 1977, 167, pl. XXXII, nos 34-35 ; Stiaffini 1991, 223-224). En France elles sont essentiellement connues, par l’archéologie et l’iconographie, à partir du XVe siècle (Foy 1988, 263 ; Foy, Sennequier 1989, notices 300-301 et 311-313), mais une autre de ces fioles, incolore, provient aussi d’un dépotoir roussillonnais du XIVe siècle, démontrant qu’elles étaient probablement disponibles plus tôt (Mach 2014, 361, 122, ill. 8).
2.4 Autres objets
50Une petite anse en verre transparent est décorée de filets bleus appliqués en zigzag (fig. 8/8). Sa présence sur le site suggère l’existence, pour le XIVe siècle, de verreries à décors bleus autres que les coupelles et les gobelets, regroupées sous l’appellation « autres récipients à décors bleus » (C5e).
51Douze tessons informes, décorés de cordons ou de rubans de même teinte que leur support (incolore à légèrement bleu-vert), sont classés dans une catégorie C8 « autres récipients en verre fin » (fig. 10). Les formes complètes sont indéterminées. Deux cordons ont été pincés en festons (fig. 10/6, fig. 8/4). L’un d’eux (fig. 8/4) fait penser à une anse comme celle des « lampes de mosquée », mise au jour dans un contexte du XIVe siècle des fouilles de San Silvestro à Gênes (Andrews, 1977, 185, pl. XXXVII, n° 143). Il pourrait aussi s’agir d’une anse de « gourde » comme celles des flacons contemporains de Besançon (Foy, Sennequier 1989, notices 234-237 ; Munier dans ce volume).
52Un fragment plan appartient peut-être au fond d’une grande assiette (non illustré). Sa couleur est proche d’un fragment de vitre, mais sa finesse (0,01 cm) suggère un verre creux de grande dimension. De traces de soufflage qui semblent circulaires sont visibles.
53Les plats en verre dédiés au service des mets à la table médiévale sont archéologiquement très peu attestés. Les textes mentionnent des objets en « cristal », importés d’Orient et/ou émaillés (Foy 1988, 254). Ici le verre est naturellement coloré (transparent légèrement bleu-vert). L’opacité de ce verre est probablement liée à son altération.
54Plusieurs éléments sont informes et incurvés. Deux, en verre bleuté, ressemblent à des pastilles creuses. Trois sont en verre incolore jaunâtre : l’un similaire à un déchet de production et deux autres rappelant des boutons creux de couvercles (fig. 11/1-2). Un objet comparable, mieux conservé et interprété comme un couvercle, provient des fouilles de Saint-Jean-de-Malte à Aix-en-Provence (fig. 11/3).
55Plusieurs fonds très fragmentés présentent les mêmes caractéristiques que ceux des urinaux, mais ils sont majoritairement de couleur foncée et/ou intense : marron jaunâtre, jaune-vert, vert, bleu-vert ou bleu pâle (non illustrés).
56Un petit verre bleu pâle altéré (opaque, non illustré) ressemble fortement à un mors de canne, mais il est très peu probable qu’il y ait eu une activité verrière sur le site. Il pourrait aussi s’agir d’un goulot de bouteille mal fini.
57Huit fragments violet foncé, dont certains ornés de rubans de verre blancs et bleu ciel opaque (fig. 12), peuvent être rattachés aux « verres colorés » (B7). Les décors sont parfois organisés en accolade, dits en « plume d’oiseau », à l’image des verres bicolores bleus et blancs dont on retrouve, entre autres, des exemples contemporains à Marseille (Foy, Michel 2014, 265, fig. 216/1, 2, fig. 217/1, 2), à l’atelier de verrier de Planier ou au Petit Palais d’Avignon (Foy 1988, 214, fig. 56/14, 15). Un verre plat violet, décoré de rubans uniquement blancs placés en accolade est également connu dans l’atelier de la Seube (Foy 1988, 214). Plusieurs sortes d’objets non identifiés complètent le corpus : la lèvre arrondie d’une grosse bouteille (fig. 12/1), un fragment plat et étroit formant un bandeau de 1,4 cm (fig. 12/5), ainsi que des tessons informes appartenant à des objets larges (fig. 12/2-4, 6-8).
3 Originalité des verreries et du site
3.1 Une vaisselle colorée et homogène
58Seuls les tessons violets décrits précédemment et la coupelle rouge sont volontairement colorés dans la masse, ce qui ne représente que 0,69 % des fragments du site ! Mais la table des Dominicaines devait être particulièrement colorée, car au moins huit couleurs différentes sont observées (fig. 13). Cependant, avec plus de 50 % des tessons, le verre transparent incolore, de qualité variable, est le plus répandu. Près de 11 % d’entre eux sont ornés de filets bleus. Les tessons bleutés, naturellement colorés, sont également nombreux (35,30 %) mais la part des objets qu’ils représentent est très certainement moindre puisqu’ils correspondent essentiellement à de grands objets comme les bouteilles, les cruches ou les fioles.
59Comme sur pratiquement tous les sites, la comparaison entre les teintes de la céramique6 et celles de la verrerie montre une vraisemblable volonté d’unité : les couleurs des verreries (jaune-vert, vert pâle) s’accordent à celles des glaçures vertes et brunes des céramiques.
60Les verreries à décors bleus composent en elles-mêmes un « service » avec des coupelles de différentes dimensions, des gobelets, une cruche, au moins un contenant ou un verre à verser, et d’autres récipients. De même, de nombreux bols en céramique sont ornés au bleu de cobalt (Bonnet et al. 2009 vol. 1, 25-26, 48).
61Les décors sont eux aussi harmonisés : quand les cruches des ateliers de céramistes marseillais sont décorées de motifs floraux, on observe les marguerites à pétales rayonnants sur les bouteilles D1 et exactement le même motif au fond de la plupart des bols en céramique. Parfois, ce motif central est même inscrit dans une série de cercles concentriques, non sans rappeler les pastilles moulées sur les verres.
62Les différentes fouilles sur le site du couvent royal ont livré un total de deux cent vingt-huit objets en verre (NTI) dont les coupelles représentent le type le plus important, avec un pourcentage supérieur à 30 % (fig. 14). Les coupelles et les assiettes en céramique correspondent également aux formes les plus abondantes, découvertes lors des fouilles de 2007. Presque toujours décorées, elles trouvent leurs pendants en verre : les coupes hémisphériques pour les coupelles concaves, les coupelles à marli plat pour les assiettes à marli et les coupelles tronconiques pour l’un et l’autre des matériaux. Il est difficile d’interpréter la présence simultanée de ces récipients. Les coupes/bols ou assiettes de céramique ont pu correspondre au service des plats, tandis que les coupelles en verre étaient réservées à des mets plus raffinés, douceurs ou épices. Mais les coupelles peuvent avoir aussi servi de lampes portatives posées. D’ailleurs, on remarque leur prédominance sur les autres types d’objets au sein des dépôts religieux comme ceux du monastère de Ganagobie7 et de la chapelle Notre-Dame-des-Anges à Perpignan (Foy Sennequier 1989, notice 397 ; Mach 2014, 362).
63Les cruches et les vases à liquides existent aussi dans les deux matériaux. Comme le suggèrent les représentations iconographiques, le verre a pu être privilégié pour le service du vin à la table. Les cruches en céramique ayant alors servi pour contenir l’eau ou pour un autre usage, comme tirer le vin. Une fonction différente pour chacun des matériaux est probable.
64Enfin, sur le site du couvent royal les gobelets n’existent qu’en verre et représentent seulement 12,72 % de la verrerie (fig. 14), tandis que dans tout le Midi de la France on constate généralement une forte prédominance des gobelets. Par exemple, pour la même période, ils constituent 70 % des objets dans le dépotoir des prêcheurs d’Arles (Leenhardt et al. 1996, 131) et 50 % au Palazzo Vitelleschi de Tarquinia en Italie (Newby 1999, 130-131).
3.2 Le verre en tant que marqueur social ?
65On aurait pu s’attendre à une vaisselle présentant un caractère religieux comme à l’abbaye de Psalmodi en Languedoc où certains gobelets à filets bleus sont ornés de croix (Foy 1988, 231, fig. 81/5,6). Or, aucun décor de ce type n’a été observé sur la verrerie mais un de ces motifs se trouve sur certaines majoliques de la collection (Bonnet et al. 2009 vol. 2, pl. 78 fig. 5).
66Lorsque le mobilier en verre est présent au sein des contextes religieux, la plupart du temps en quantité peu importante, il a généralement une fonction liée aux offices. Il s’agit en effet de fioles et de flacons, de calices et surtout de burettes à col de cygne, liés au service liturgique8. Au sein de la vaisselle du couvent des Dominicaines, ces verreries sont assez fortement attestées : l’ensemble des contenants à verser représente 13,60 %. Néanmoins, rien ne permet de différencier les verres employés pour le service religieux de ceux destinés à la table.
67Pour la même période à Aix-en-Provence, on ne connaissait jusqu’à maintenant que le petit lot de verres de la cathédrale. Bien que ce contexte soit très peu fourni, le rapport verre-céramique y est d’un peu plus de 1 pour 3, contre 1 pour 10 au couvent des Dominicaines. Ce rapport monte également à 1 pour 4 au château du Louvre (Paris), dans un dépotoir du XIIIe siècle (Fleury et al. 2002, 97).
68La vaisselle du site royal aixois présente aussi des caractéristiques similaires à celles du couvent de San Silvestro à Gênes, un autre contexte au statut social élevé car résidence officielle de l’évêque durant les XIII et XIVe siècles. D’une part, les productions céramiques (glaçures vertes opaques sur couvertes blanches, motifs, importations hispano-moresques de Valence et d’Andalousie à décorations de bleu de cobalt) sont identiques. D’autre part, le verre représente 22,89 % NFR de la vaisselle de table génoise ce qui est assez proche des 25,22 % NFR, calculés pour le couvent aixois d’après les données des fouilles de 2007 (céramique et verre, d’après Andrews 1977, 162 ; Patin 2016, 59). Les disproportions concernant les couleurs représentées sur l’un et l’autre site s’expliquent par le fait qu’à Gênes les bouteilles les plus courantes sont en verre incolore, à piédestal, tandis que le type D1 est quasiment absent (Andrews 1977, 167).
69Ces bouteilles à piédestal semblent apparaître à partir du milieu du XIVe siècle (Stiaffini 1991 223-224), tandis que les bouteilles bleutées ont une plus longue durée de vie : depuis la fin du XIIIe siècle jusqu’au début du XVe siècle. Ainsi, les différences notables entre les deux lots de verre, celui du couvent des Dominicaines et celui du couvent de San Silvestro, semblent plutôt basées sur des variations locales de production et sur des variations chronologiques.
70Même s’il est difficile d’évaluer l’importance et le statut réel des palais, la comparaison avec un site tel que celui du Palazzo Vitelleschi semble indiquer que ces contextes soient marqués par la présence d’une grande variété de formes en verre, plus que par la présence de types d’objets spécifiques9. À Tarquinia, environ 600 pièces appartenant à 17 catégories d’objets pour plus de 50 types différents ont pu être recomposées (Newby 1999, 130-131). L’étude du verre du couvent des Dominicaines a permis de mettre en évidence la présence d’au moins un exemplaire pour presque tous les types et les variantes des productions connues des ateliers du XIVe siècle de Provence et du Languedoc.
4 Conclusion
4.1 Mise en avant des particularités du site
71Si la vaisselle des Dominicaines ne semble guère plus « luxueuse » qu’ailleurs, elle est cependant caractérisée par la présence de formes et de décors particuliers comme les doubles cordons ou les cordons lisses, les coupelles tronconiques à succession de filets bleus et les coupelles ou encore les verres colorés dans la masse ou à lentilles. De plus, le corpus propose une variété extrêmement importante d’objets, mais avec une prépondérance exceptionnelle des coupelles (31,58 %) et un grand nombre de verres à tige pleine et de contenants à verser par rapport aux gobelets.
72Le nombre d’objets en verre est important et le rapport verre/céramique apparaît élevé (1 pour 10). Il serait nécessaire que l’approche proposée ici soit plus largement appliquée afin de pouvoir mettre en perspective l’ensemble de cette vaisselle aixoise avec d’autres contextes.
4.2 Quelles nouvelles données pour la Provence ?
73Bien que la fouille n’ait livré qu’une seule pièce suffisamment complète pour être restaurée (fig. 5), cette étude a permis d’apporter quelques nouvelles données sur le verre médiéval en Provence. En effet, plusieurs fragments renseignent sur des formes méconnues, notamment les coupelles à marli plat et les coupelles tronconiques dont le nombre démontre, entre autres, qu’elles avaient une diffusion plus large qu’on ne le pensait. Un nouveau type de pied pour les coupelles à lentille bleue et la première coupelle en verre opaque rouge sont attestés dans la région. Aussi, les inhabituels fragments de verre violet (fig. 12) donnent quelques pistes supplémentaires concernant les formes des objets colorés. Les fragments des « bocaux » ou d’une possible assiette plate fournissent des indices non négligeables sur leurs dimensions et leurs caractéristiques (couleurs, décors). Plusieurs types d’objets n’étaient jusqu’alors pas référencés : il s’agit essentiellement des contenants et des verres à verser comme les cruches (becs verseurs et anses), les contenants à embouchure étroite en verre bleuté et les grosses bouteilles en verre transparent se rapportant aux productions italiennes.
74Quelques fragments isolés contribuent ici à affirmer la présence d’autres récipients en verre dont les types ne sont pas encore déterminés et pour lesquels il faudra attendre de futures découvertes plus complètes pour les caractériser. C’est le cas de la petite anse en verre incolore à décor de filet bleu ou celui des fragments arrondis (éléments de couvercle, gouttes creuses ?), ou bien encore des nombreux fragments de panse en verre incolore décorés de cordons rapportés produits avec le même verre.
Remerciements
75Merci à tous ceux qui ont contribué à cette publication. Je remercie particulièrement la Direction Archéologie de la Ville d’Aix et son équipe ; un grand merci à N. Nin et A. Nicolaïdès qui ont accepté de me confier l’examen du mobilier archéologique présenté ici. Merci à D. Foy pour sa disponibilité, pour m’avoir laissé reprendre le travail qu’elle avait commencé. Enfin, je souhaiterais partager ma joie de savoir que la collection a finalement pu être rassemblée, grâce aux contributions de L. Bonnabel, L. Nanthavangdouansgy, C. Richarté et G. Guionova.
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Notes de bas de page
1 Le verre médiéval provenant de plusieurs points d’Avignon est très abondant : seule une petite partie provenant de l’Hôtel de Brion et du Petit Palais a été publiée.
2 NFR vitre : 341 / tesselles : 3 / NFR parure : 1 (perle complète) / NFR résidu vitrifié : 1
NFR non médiévaux : 70 modernes / 8 antiques
3 La quantification a été effectuée en NMI (Nombre minimal d’individu), selon la même méthode que pour la céramique du site (Protocole Beuvray 1999) puis en NTI dans le but de pallier l’extrême fragmentation du verre et prendre en compte des tessons qui n’ont pu être rattachés à aucun type défini.
4 Dans leur inventaire préliminaire du verre issu de la fouille de 2001 (Richarté et al. 2007, 69-71), D. Foy et C. Richarté notaient la présence de six objets supplémentaires que nous n’avons pas observés. Il s’agit d’un verre à tige pleine (US14), d’un verre à tige creuse « similaire à Saint-Jean-de-Malte » (US74), d’une coupelle à filet bleu et rebord vertical (US40), d’une coupe côtelée (US74), d’un gobelet incolore avec une frise dans le tiers inférieur (US189), de fragments bleutés (verre naturellement coloré ?) d’une petite pièce indéterminée (US65).
5 À ce sujet, se référer à la contribution de D. Foy : « La couleur dans la verrerie languedocienne à la charnière des XIIIe et XIVe siècles » (dans ce volume).
6 Dans le cadre de mon mémoire de master 2 à l’Université d’Aix Marseille (Patin 2016), j’ai tenté d’effectuer une mise en lien entre le verre et la céramique du site du couvent des Dominicaines. L’étude n’a porté que sur les résultats des fouilles de 2007 étant donné qu’il n’existe pas d’étude globale de la céramique et que, pour ce faire, il est nécessaire que les deux corpus aient été étudiés suivant la même méthodologie. Il n’a pas été possible de réaliser une comparaison car la céramique a été quantifiée par provenance ce qui n’est pas envisageable pour le verre.
7 Les lampions retrouvés provenaient sans doute d’une couronne de lumière de l’église.
8 Voir par exemple les découvertes de Murano qui couvrent presque tout le Moyen Âge (Gasparetto 1978). J. Mach a également proposé une étude sur les différentes fonctions des verres archéologiques et notamment de la vaisselle profane et sacrée des XIIe-XVIe siècles en Rousillon (Mach 2014).
9 La documentation archéologique du Midi de la France étant très réduite, il nous a fallu effectuer des parallèles avec des sites plus ou moins éloignés. Nous avons donc tenté de baser nos hypothèses en considérant, non pas les caractéristiques du mobilier en verre lui-même, mais les interprétations finales proposées par les auteurs. Cela permet de ne pas comparer des contextes en se basant sur des particularités régionales (cf. l’exemple des bouteilles méridionale et italienne dans le paragraphe précédent).
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Le verre du VIIIe au XVIe siècle en Europe occidentale
Ce livre est cité par
- Freestone, Ian C.. (2023) Handbook of Archaeological Sciences. DOI: 10.1002/9781119592112.ch44
Ce chapitre est cité par
- Kucharczyk, Renata. (2021) (Un)usual? Glass finds from the site of the Hatshepsut Temple in Deir el-Bahari. Polish Archaeology in the Mediterranean. DOI: 10.31338/uw.2083-537X.pam30.1.0
- Kucharczyk, Renata. (2020) Glass finds from Area FW at the Kom el-Dikka site in Alexandria (2019). Polish Archaeology in the Mediterranean. DOI: 10.31338/uw.2083-537X.pam29.2.21
Le verre du VIIIe au XVIe siècle en Europe occidentale
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