Conditions de création et organisation des ateliers de verriers en Roussillon (1350-1650)
p. 173-188
Résumés
Résumé. Les diverses sources écrites médiévales et modernes disponibles renseignent sur les typologies d’implantation des ateliers de verriers installés entre la plaine du Roussillon et le massif des Albères. À mi-chemin entre officine urbaine et verrerie forestière, l’atelier villageois apparaît comme une spécificité roussillonnaise. Les quatre sites verriers analysés en détail révèlent aussi la place des différents acteurs impliqués dans la production de verre, du financement de l’atelier à l’écoulement des productions, en passant par le fonctionnement quotidien des fours.
Summary. The various medieval and modern available sources inform us about the different kinds of glass workshops settled between the Roussillon’s plain and the Alberes’ massif. Between urban workshops and forest glasswork, the village’s workshop seems to be a Roussillon’s specificity. The four glass-making sites thoughtfully analysed also reveal the position of various actors involved in the glass production, from the glasswork’s financing to the selling, considering also the ovens’ daily use.
Texte intégral
1 État de la recherche sur l’artisanat verrier roussillonnais
1.1 Des synthèses récentes à mettre en perspective
1L’érudit et archiviste B. Alart avait signalé, dès la fin du XIXe siècle, l’ancienneté et l’importance de l’activité verrière en Roussillon (Alart 1873). Ses travaux, régulièrement cités dans les ouvrages de synthèse, n’ont ensuite pas fait l’objet de réactualisation importante jusqu’au début de notre siècle. D. Fontaine observait alors la succession, sur un même site artisanal, entre fours de verriers et puits à glace (Fontaine 1999). En collaboration avec M. Camiade, intéressée par la place des verriers dans les communautés villageoises des Albères, il publiait une première synthèse sur l’artisanat verrier de l’époque moderne (Camiade, Fontaine 2006). Parallèlement, dans un cadre universitaire, J. Mach réalisait un état de la recherche pour la période médiévale, en reprenant et approfondissant les dépouillements d’archives de B. Alart (Mach 2004b). Insuffisamment connus des spécialistes, ces ouvrages méritent d’être revisités en abordant les sources écrites et archéologiques du point de vue des modalités d’installation et d’organisation des ateliers. En gardant à l’esprit que le Roussillon dépendait, à ces périodes, de la Couronne d’Aragon, il s’agit également de mesurer les dissonances existant ou non avec les modèles établis pour la Provence (Foy 1988), le Languedoc (Commandré 2014) et l’Aquitaine (Hébrard-Salivas 2014). En effet, pour la Catalogne, il n’existe malheureusement pas d’étude régionale d’envergure, et les travaux sur l’artisanat majorquin (Capellà Galmès 2015) et barcelonais (Cañellas, Domínguez 2008), essentiellement urbains, sont les seuls éclairages récents disponibles pour des comparaisons.
1.2 Choix des sites étudiés
2Dans la seconde moitié du XIVe siècle, les sources écrites roussillonnaises mentionnent de nombreux artisans verriers. Dans les villes de Thuir et de Perpignan, une activité économique se développe autour du verre, sans qu’il soit possible, en l’absence de four attesté, de différencier fabricants et revendeurs (Mach 2004b, 38-40). L’essentiel de la production verrière se concentre plutôt aux abords des villages de l’arrière-pays d’Elne (Mach 2004a, 28), dans la basse vallée du Tech et le piémont du massif des Albères1 (fig. 1). À partir de 1364, la présence du maître-verrier Berenguer Xatart est attestée sur l’ensemble des officines connues, à l’exception de Laroque-des-Albères. Là, seul son frère Llorenç est mentionné. Mais lorsque l’on connaît les relations fortes entre les deux hommes, démontrées par leur présence simultanée sur le site d’Ortaffa2, ou les liens contractuels qui les unissent à Sorède, il n’est pas exclu que Berenguer Xatart ait dirigé l’atelier de Laroque. Dès cette époque, Palau se distingue par une implantation, sinon durable, au moins répétitive et régulière des artisans. Pour la présente analyse, l’ensemble des occurrences successives de ce qu’il convient d’appeler l’atelier itinérant de Berenguer Xatart sera examiné.
3Après 1400, et durant tout le XVe siècle, les ateliers les mieux documentés sont implantés dans les zones rurales roussillonnaises (fig. 1), à Palau et à Argelès-sur-Mer, près du monastère de Vallbona (Mach 2004b, 42-48). Les verreries urbaines, mentionnées à Perpignan et à Elne, mal connues et souvent confondues avec des boutiques de revendeurs (Mach 2004b, 38-40), ne seront pas intégrées à cette étude. Un four de verrier est cependant attesté à Perpignan, près du couvent des Frères Mineurs, en 1476 (Alart 1873, 320).
4Dans la première moitié du XVIe siècle, le ou les ateliers de Palau éteignent leurs feux, et les artisans déplacent leur activité vers le piémont ou le cœur du massif des Albères (fig. 2), à Laroque-des-Albères, au Vilar ou à Montesquieu, pour le versant français (Camiade, Fontaine 2006, 31-32). Devant la richesse et la densité de la documentation, deux ateliers ont été choisis pour illustrer les verreries de l’époque moderne. Le Planiol, implanté dans le faubourg haut de Laroque-des-Albères, et Notre-Dame-du-Pont, à Perpignan. Ce dernier atelier constitue l’un des rares exemples bien documentés d’officine urbaine, pour une période relativement ancienne (Camiade, Fontaine 2006, 75-81). L’atelier du mas d’en Bonet, objet d’une précédente étude (Camiade, Fontaine 2005, 373-422), et celui de La Trinitat (1526-1655), situé en Empordà, dans la vicomté de Rocabertí, et donc en dehors de notre cadre géographique, n’ont pas été retenus.
2 L’implantation des ateliers : essai de typologie
5En prenant en compte les caractéristiques géographiques du territoire, et en les associant aux données apportées par les sources écrites sur la localisation des ateliers et sur la question de leur approvisionnement en matières premières, trois types d’implantation apparaissent : ateliers villageois, forestiers et urbains. Si les deux derniers sont bien connus en Provence (Foy 2000, 178-183) et en Languedoc (Commandré 2014, 105-114 et 203-221), le premier apparaît plus original et pourrait constituer une spécificité roussillonnaise. Certaines officines n’ont pas été localisées précisément, par manque de documentation, et leur typologie d’implantation a ainsi été qualifiée d’« indéterminée » (fig. 1 et 2).
2.1 Les ateliers villageois, une originalité roussillonnaise
2.1.1 Les premiers ateliers villageois
6L’officine médiévale de Laroque-des-Albères, installée dans le cortal appelé el forn del veyre3, bâti dans le barri du castrum, est le premier exemple connu de ce que nous proposons d’appeler un atelier villageois. Il se définit par une implantation du four à l’extérieur des remparts, dans les faubourgs d’agglomérations secondaires de l’arrière-pays d’Elne. C’est probablement le cas de la plupart des verreries dirigées par le maître-verrier Berenguer Xatart, dans la seconde moitié du XIVe siècle.
7À Palau-del-Vidre, où plusieurs ateliers ont peut-être cohabité au XVe siècle, au moins l’une des fournaises se trouvait dans une telle configuration. Dans le cadre d’une prospection murale, menée en 2003, le relevé des briques surcuites ou vitrifiées utilisées en réemploi dans les façades du village a permis d’identifier plusieurs concentrations anormales (fig. 3). La plus significative, avec dix fragments de parois vitrifiées, se situe à une centaine de mètres à l’est de l’enceinte médiévale, tout autour de la mairie actuelle. D’après plusieurs témoignages d’habitants du village, lors de la construction de ce bâtiment, dans les années 1970, un four avait été mis au jour, puis détruit.
2.1.2 L’atelier du Planiol
8L’exemple le mieux documenté d’atelier villageois est la verrerie du Planiol, à Laroque-des-Albères (1517-avant 1623), représentative d’une officine seigneuriale et rurale implantée au piémont des Albères. Il s’agit en outre du plus important pour la période allant du début du XVIe au début du XVIIe siècle4. Les lacunes des archives notariales pour cette période, notamment pour les études de Laroque, Palau-del-Vidre et Elne, ne permettent pas de préciser les circonstances exactes de sa création.
9Plusieurs éléments situent l’événement entre les années 1506 et 1517 et indiquent que l’atelier du Planiol prend la suite de celui de Palau (Camiade, Fontaine 2006, 31). La période de fonctionnement de cette fournaise est bien établie par les documents jusqu’en 1573, alors qu’y réside le verrier Galderich Sobrepera5. Ensuite, des verriers dits « de Laroque » sont cités dans les textes, mais ils pouvaient aussi travailler aux verreries voisines du Vilar. La parcelle de l’atelier du Planiol est encore mentionnée dans les confrontations de plusieurs maisons de ce quartier en 16226, soit un an avant la concession en emphytéose de l’atelier à Pere Bianya, un agriculteur de Laroque, qui interdit de rétablir la verrerie ou d’y construire un moulin7. Cette dernière concession survient alors que la seigneurie est en déclin, comme l’atteste sa vente en 1624 à Hieronim Perarnau, un riche marchand perpignanais (Camiade, Fontaine 2006, 25).
10Le site d’implantation de la verrerie est hors les murailles du village, dans le quartier du Planiol appelé en 1610 le « barri demunt », [faubourg d’en haut]8. Ce faubourg s’est développé avant la seconde moitié du XIVe siècle de part et d’autre du chemin appelé la « rue du Planiol » qui mène à la montagne — l’actuelle rue de l’Église — sur un replat faisant face à l’église paroissiale et au cimetière9. La localisation précise de la verrerie est donnée par deux actes. Une mention de la fin du XVIIe ou du début du XVIIIe siècle d’un contrat d’affermage de l’atelier en 1592 : « del forn de vidre tant dalt com baix ab sas entradas junt ab lo hort del dit senyor vescompte devant lo sementiri de la Roca » [du four à verre, tant en haut qu’en bas, avec ses entrées, joint au jardin du seigneur vicomte, devant le cimetière de Laroque]10. Et la concession déjà citée de 1623, où sont situées « omnes domos et patua eidem contigua in quibus fiebat furnus vitrii scit. intus dictum locum de Ruppe et ante ecllesiam eiusdem loci confrontat. cum duabus vicis per alterum quorum itur de platea ad sementerium [...] » [toutes les maisons et cours contigües dans lesquelles était un four à verre, situées audit lieu de Laroque et devant l’église du même lieu, jouxtant avec deux voies, une allant de la place au cimetière]11.
11Les parcelles sur lesquelles a été implanté l’atelier sont connues grâce à l’annotation « es lo forn del vidre » [c’est le four à verre] ajoutée probablement dans la première moitié du XVIe siècle en marge de plusieurs reconnaissances de deux capbreus du seigneur de Laroque, rédigés entre le XVe et le début du XVIe siècle12. Il s’agit d’une maison de Guillem Comes, d’une cour de Berenguer Gironella dit Costa et d’une autre cour de Galderich Asam (Camiade, Fontaine 2006, 41)13. Une autre reconnaissance est faite le 30 avril 1504 par Gassen, épouse de Jordi Millara, de Laroque, pour une maison en ruine dont les voisins sont Galderich Asam, Berenguer Gironella dit Costa et Esclarmunda, veuve de Joan Broha14. Elle semble correspondre à la maison qui sera ensuite récupérée par le seigneur de Laroque pour la construction de la verrerie, car Gassen est la petite-fille de Guillem Come[s]. Nous retrouvons cette parcelle dans une reconnaissance du 21 février 1506 faite par Margarida, épouse de Joan Oriol et fille de feu Frances Pagès, de Laroque, pour une maison et un verger contigus sis au Planiol, jouxtant un bien du seigneur « que fuit dicti Costa et den Comas et den Azam quondam » [« qui fut dudit Costa, de Comas et d’Azam »]15. L’acquisition a donc été effectuée par le seigneur entre avril 1504 et février 1506.
12L’atelier du Planiol a ainsi été installé en marge d’un lotissement constitué de maisons, de cours et de jardins. L’îlot d’habitations où était construit l’atelier était appelé à la fin du XVIe siècle le Coronell del Forn del Vidre. La liste de ses habitants est donnée à l’occasion d’une inspection (rodalia) d’un notaire perpignanais, faite à la demande du seigneur16. Ce pâté de maisons comprenait l’atelier verrier, le jardin du vicomte d’Evol, seigneur de Laroque, quatre maisons de particuliers, c’est-à-dire celle avec jardin d’[Antoni] Joli, de Villelongue-dels-Monts, celle de Joan Juer, celle de la veuve Pagès et celle de Joan Barria, et enfin la grange d’[Angela] Pals, fille d’Antoni Gelbes [de Pézilla-la-Rivière]. L’emplacement correspond à la parcelle n° B329 du cadastre napoléonien de 1813, mais il est possible que l’emprise se soit étendue au-delà (fig. 4).
2.2 Les ateliers forestiers et urbains
2.2.1 L’atelier forestier médiéval de Vallbona
13L’atelier de Vallbona constitue le premier exemple avéré d’implantation forestière dans le massif des Albères. Une lettre patente d’Alfons IV d’Aragon, datée du 24 octobre 1419, place sous la sauvegarde royale « quodam furno vitreario per Jacobum jamdictum noviter constructo simul cum quodam boschagio ligni quod arrendatum ab abbate monasterii Vallis Bone situm in terminis de Arguilers » [un four à verre nouvellement construit par ledit Jaume ainsi qu’un bois qu’il a arrenté à l’abbé du monastère de Vallbona, situé dans le territoire d’Argelès]17. Dans une autre lettre patente, une dizaine de jours plus tard, le four est clairement situé « in nemore predicto et coram monasterio Vallis Bone » [dans la dite forêt et en face du monastère de Vallbona]18.
2.2.2 Les ateliers forestiers de l’époque moderne
14Ce type d’atelier se développera plutôt vers la fin de la période, aux XVIe et XVIIe siècles, d’abord sur le territoire du Vilar, à Villelongue-dels-Monts, à partir de 1539 (Camiade, Fontaine 2005), puis vers 1626 sur les hauteurs de Laroque-des-Albères (Camiade, Fontaine 2006, 41-42). Établi dans la seigneurie de Montesquieu, l’atelier de Fontanilles avait été initialement localisé dans la basse vallée du Tech, d’après un toponyme actuel (Camiade, Fontaine 2006, 32). L’analyse de deux documents inédits a permis de modifier sa typologie d’implantation et de reconnaître un nouvel atelier forestier. L’acte de concession par le seigneur du terrain utilisé par le maître-verrier Joan Sajus pour construire la verrerie, en 1554, précise en effet que la parcelle est située sur une « terre boisée », constituée des versants (ayguavessos) entourant un reposoir à vaches (jassa vaccarum)19. Huit ans plus tard, une reconnaissance de dette d’Antoni Vabre [Fabre], verrier habitant à Laroque-des-Albères, en faveur de la fille du même maître-verrier, désormais défunt, est encore plus précise. Cet acte mentionne le clibani sive forn vitriarii siti in monte de Albera in loco dicto Fontanillas [four à verre sis à la montagne des Albères au lieu-dit Fontanillas]20.
15Implantés au cœur des ressources de combustible qui leur sont concédées par les contrats d’affermage, les verriers tirent également parti du quartz filonien, utilisé après concassage comme matière siliceuse, et très présent dans le massif (Camiade, Fontaine 2006, 43-44 et 51-52). Souvent relevé en Languedoc et en Provence (Foy 1988, 85), l’éloignement de ces verreries forestières des Albères vis-à-vis des marchés urbains et des zones de production côtières des fondants sodiques, distants de quelques dizaines de kilomètres tout au plus, est ici très relatif. En témoignent également les boutiques ouvertes à Perpignan par des verriers du massif, comme celle de Galderich Sobrepera, natif de Villelongue-dels-Monts et habitant à Laroque, en 1562 (Fontaine 2006, 129-130).
2.2.3 L’atelier urbain de Notre-Dame-du-Pont
16Le faubourg de Notre-Dame-du-Pont est un quartier proto-industriel et agricole construit sur une terrasse alluviale dominant la Têt, au débouché du « pont de pierre » qui traverse le fleuve, et autour de la chapelle éponyme édifiée au XIIIe siècle (fig. 5). Ce faubourg est caractérisé par un important réseau hydrographique aménagé entre la rivière de la Basse, qui coule au pied des remparts, le canal de la Torra d’en Vernet, et la Têt, lesquels s’écoulent parallèlement d’ouest en est. Ainsi parle-t-on de plusieurs « îles », dont celle de Notre-Dame-du-Pont. Les canaux permettent l’arrosage des terres, mais aussi l’implantation de multiples établissements proto-industriels : moulins, tanneries. Avant la fin du XIIIe siècle, des ateliers de teinturiers s’implantent le long de la rue centrale qui mène en ville, appelée pour cette raison la rue des Teintureries (carrer dels Tincts) (Pinto 2012, 380).
17La verrerie a été aménagée dans un ancien atelier de teinturier composé d’une maison et de deux cours21, entre la nouvelle chapelle Notre-Dame-du-Pont reconstruite vers 1555 (Palustre 1900, 282), la rue des teintureries et l’emplacement de l’ancien couvent des Augustins dédié à Notre-Dame-de-Grâce et détruit en 1542. L’initiative de sa construction revient au verrier Antoni Fabre dit Bassa, natif de Cruïlles (diocèse de Gérone), qui travailla successivement aux ateliers de la Trinitat, de Fontanilles puis du Planiol (Camiade, Fontaine 2006, 173). Il achète la teinturerie le 24 février 1567 à Pere Cortada, un marchand de Perpignan. Ce dernier l’avait lui-même acquise lors d’une vente aux enchères des biens d’Antoni Germa, teinturier de Perpignan, devant la cour du viguier de Roussillon et Vallespir, à une date inconnue22. Une quittance de paiement du 11 septembre 1568, donnée par Pere Cortada à Antoni Mir, notaire à Perpignan, et procureur d’Antoni Fabre dit Bassa pour l’achat d’un « four à verre » proche du « pont de pierre », atteste que l’atelier verrier a bien été construit dans l’intervalle des dix-neuf derniers mois23.
18En 1572, alors exploité par Galderich Sobrepera, l’atelier de Notre-Dame-du-Pont est clairement identifié par les sources comme le seul existant à Perpignan (Fontaine 2006, 119). Après 1573, il n’est plus cité dans les confronts des parcelles voisines que comme maison ou teinturerie. Déjà en septembre 1573, lorsque Pere Cortada paye les droits de mutation à un des marguilliers de l’église Saint-Jean de Perpignan, il est fait mention du casal (local) « où ledit [Antoni] Bassa faisait du verre » (vitrium faciebat).
19Les possibilités de commercialisation des productions ouvertes par la proximité de la ville de Perpignan, sans doute le premier marché de consommation du verre en Roussillon, semblent compter pour beaucoup dans ce choix d’implantation. Éloigné de la plupart des matières premières, et notamment des plus pondéreuses, à l’exception du verre de récupération, l’atelier urbain de Notre-Dame-du-Pont n’en est pas moins facilement approvisionné par les voies de communication terrestres ou fluviales, qui convergent vers Perpignan. Les verriers sont bien conscients de l’importance du commerce du bois flotté au sein du quartier de Notre-Dame-du-Pont. La grava de Sant Agustí [grève de Saint-Augustin], située à proximité du couvent du même nom, servait en effet de débarcadère et de lenyer [bûcher] (Camiade, Fontaine 2006, 80)24. Ce bois, principalement importé pour chauffer les chaudrons des teinturiers du quartier, et plus largement pour alimenter la ville en bois d’œuvre et en combustible, a également été utilisé pour la verrerie. Peu après son installation, Antoni Fabre dit Bassa a épousé Stasia, la fille de Jaume Cathala dit Borrut, de Perpignan, un marchand natif de Millas investi depuis plus de vingt ans dans ce commerce25. En février 1569, il fait rédiger devant notaire deux reconnaissances de dettes en faveur de Bartomeu Reig, un autre marchand de la ville, dont une en tant qu’associé de Joan Ros, un verrier de Perpignan, pour cent cannes (deux cents mètres) de bois d’aulne et de peuplier, dont le prix s’élève à quatre cents livres, monnaie de Perpignan, à raison de quatre livres la canne, à régler dans les six mois26. Galderich Sobrepera a fait aussi venir du bois des rives de la Têt, comme l’atteste une autre reconnaissance de dette de la somme de deux cents livres de Perpignan en faveur de Jaume Perramon, un marchand du village de Saint-Féliu, pour l’achat de cinquante cannes (cent mètres) de bois27.
2.3 Les limites de la modélisation
20Cet essai de typologie, proposant trois « modèles » d’ateliers, présente de nombreuses limites, qu’il convient d’exposer. Au sein du groupe apparemment homogène des ateliers villageois, la question du mode d’appropriation des matières premières introduit par exemple une dissonance significative. Les officines de Banyuls-dels-Aspres, Ortaffa et Palau, situées à proximité du Tech, pouvaient certainement tirer profit des sables charriés par ce fleuve côtier, et éventuellement, en dehors des périodes d’étiage, du bois du Vallespir transporté par flottage. Ce mode de transport, démontré par C. Verna pour les teintureries médiévales d’Arles-sur-Tech et de Céret (Verna 2008), a pu s’étendre en effet jusqu’à la plaine roussillonnaise. À moins que le transport routier, depuis les forêts voisines des Albères, ne soit privilégié.
21Dans tous les cas, si dans un premier temps les verriers de la basse vallée du Tech ont peut-être tiré profit des réserves de combustible constituées par les nombreuses forêts résiduelles de plaine existant encore au milieu du XIVe siècle, le contrat d’embauche de Joan Scorxa, bûcheron chargé d’approvisionner le four de Palau en 1389, indique qu’elles furent rapidement mises en défens (fig. 1). À l’inverse, les ateliers successifs de Laroque, au XIVe puis au XVIe siècle, installés dans les faubourgs, à proximité immédiate des forêts des Albères, y trouvaient leur principale source d’approvisionnement en combustible, et en silice, grâce au quartz filonien. Le charriage du bois sur la rivière de Laroque, par des lâchers d’eau successifs, est ainsi attesté par le contrat d’affermage de l’atelier du Planiol passé en 1568 entre le procureur du seigneur et le verrier Galderich Sobrepera. Plusieurs retenues (bassada) avaient été aménagées en travers de la rivière, dont une probablement en contrebas du Planiol (Camiade, Fontaine 2006, 40).
22Au sein des ateliers villageois, apparaissent donc deux variantes, liées à des contraintes d’ordre géographique : les officines de la basse vallée du Tech, comme Palau, plutôt reliées aux modèles urbains d’appropriation des matières, et celles du piémont des Albères, à Laroque, beaucoup plus proches des ateliers forestiers. Ainsi redéfini, l’atelier villageois apparaît comme l’espace de la transition entre deux modes, urbains et forestiers, d’acquisition des matières.
23D’autres données rassemblent des ateliers pourtant associés à des types d’implantation radicalement différents. Ainsi, dès que les sources sont suffisamment loquaces, la réutilisation par les artisans du bâti préexistant pour construire les fours apparaît presque constante sur tous les types d’officines. Déjà mentionnées pour les verreries forestières du Midi de la France (Foy 2000, 181), ces réoccupations sont monnaie courante dans les faubourgs des villes ou des villages roussillonnais, sans doute pour des raisons économiques.
3 Les acteurs de l’artisanat verrier et l’organisation des ateliers
24En Roussillon, aux époques médiévales et modernes, les artisans ne bénéficient, contrairement au Languedoc (Commandré 2014, 122-141), d’aucun privilège ou réglementation spécifiques au métier de verrier. L’installation d’un atelier nécessite la présence de nombreux acteurs, engagés dans le financement de l’entreprise, le travail du verre proprement dit, l’approvisionnement en matières premières ou l’écoulement des productions.
3.1 Les modalités d’exploitation du fonds
25La mise en place d’un atelier de verrier impose la maîtrise d’un fonds, qui peut se réduire aux murs de l’espace artisanal, centré autour du four, ou au contraire s’étendre à un patrimoine immobilier étendu, comprenant des forêts dédiées à l’approvisionnement en combustible. Quand elles sont précisées par les actes écrits, les modalités d’appropriation et d’exploitation de ce fonds sont diverses, et font appel essentiellement au faire-valoir indirect.
3.1.1 De rares données pour l’époque médiévale
26À Palau-del-Vidre, au moins un atelier a appartenu à une famille issue de la noblesse rurale, les de Vivers. En 1389, Berenguer de Vivers, donzell de Palau, embauche Joan Scorxa qui promet de transporter « omnis lignas necesarias clibano vitrei vestri et domum vestri » [tous les bois nécessaires à votre four à verre et à votre maison]28. Issu de la noblesse rurale, Berenguer de Vivers investit sa fortune dans des activités artisanales, et pas uniquement dans le verre. En 1385, il avait déjà obtenu de l’abbé de Saint-Génis-des-Fontaines la concession en acapte du moulin à farine de Brouilla29. Aucune relation n’est établie entre Berenguer de Vivers et Berenguer Xatart, appelé en 1378, magister furni de vitro de Palacio [maître du four de verre de Palau]30. Il est ainsi impossible de savoir si ce maître-verrier partageait, plus de dix ans auparavant, la maîtrise du fonds de son atelier avec de Vivers, le tenait en directe pour lui seul, ou bien était simplement employé à son office de fabrication du verre.
27Une cinquantaine d’années plus tard, l’un des descendants de Berenguer de Vivers exploite toujours un four à Palau-del-Vidre. Le 26 février 1444, le procureur fiscal démontre qu’une charge de verre saisie « est d’En [Ramon] Vivers de Palacio qui est domicellus et non eorum qui de asserunt homines Hospitalis nec illi homines habent vitrum sed dictus En Vivers cujus est furnus, et hoc est clarum et notorium » [appartient à En Vivers de Palau qui est damoiseau et non à ceux qui se disent hommes de l’Hôpital, car cela est clair et notoire que ces hommes ne possèdent pas ce verre, mais qu’il est bien la propriété dudit En Vivers à qui est le four]31. Malheureusement, les sources écrites taisent les liens unissant cette famille de petite noblesse aux verriers de Palau-del-Vidre, et apportent ainsi peu d’éclairage sur le mode d’exploitation du fonds.
28Dans le cas de l’atelier de Vallbona, les documents sont plus précis (cf. § 2.2.1). Le bois où est construit l’atelier a été concédé au verrier par un contrat d’arrendament passé avec l’abbé, terme qui renvoie à un bail à ferme de courte durée, de quelques années tout au plus. Par suite de l’aliénation mentale du verrier, c’est son tuteur, Francesc Sestret, un marchand barcelonais, qui continue d’exploiter le four. Deux autres lettres patentes, datées du 28 octobre et du 3 novembre suivants, précisent l’une des conditions du contrat. Elles indiquent que le tuteur avait été autorisé à couper le bois nécessaire à son fonctionnement « secundum instrumenti tenorem inter abbatem et conventum monasterii ipsius ac jamdictum Jacobum Rogerii vitrearium » [selon le contrat établi entre l’abbé et le monastère lui-même et ledit verrier Jaume Roger]32. À ce titre, Alfons V consent alors à déroger au privilège d’usage (ademprivium) qu’il détient, et qui réserve normalement ces bois à la construction des navires royaux. Les tenanciers qui succédèrent à Francesc Sestret, en 1420, bénéficièrent probablement des mêmes conditions.
3.1.2 Les contrats d’affermage de la verrerie du Planiol
29Pour le XVIe siècle, une série de six contrats d’affermage renseignent sur le faire-valoir de l’atelier du Planiol33. La verrerie relève de la seigneurie de Laroque, détenue par la famille de Castro de Pinos, d’origine aragonaise, également vicomte d’Evol, d’Ille et de Canet, et seigneur de Sorède. L’atelier est concédé en fermage par des contrats de durées inégales allant de six mois à quatre ans, mais les fermiers peuvent s’accorder avec d’autres maîtres-verriers pour modifier le contrat initial, comme en 1540, pour la verrerie du Vilar34, et en 1569, pour celle de Notre-Dame-du-Pont35. Un nouveau contrat de bail peut alors être rédigé, à l’exemple de celui de 1543 pour le Planiol. Ceux qui remportent ces contrats sont pour la plupart des verriers : Miquel Bonet, de Palau-del-Vidre puis du Vilar (en 153436 et 1543), Andreu Guiu, de Perpignan (en 1549), Rafael Granada, de Perpignan (en 1552) et Galderich Sobrepera, de Laroque (en 1568). Mais ce sont aussi des habitants de Laroque fortunés et influents, exerçant également la profession de revendeur en relation avec la confrérie de Perpignan. C’est le cas de Bernat Llauger, chirurgien et officier de justice du seigneur (batlle), fermier de 1538 à 1540, associé avec son gendre Hieronim Bonet, verrier originaire de Palau-del-Vidre (Fontaine 2006, 132-135).
30Concernant les bâtiments, seul le contrat de 1543 mentionne le casal [local artisanal]. D’autres possessions du seigneur sont aussi parfois comprises dans l’affermage : les pasquiers (en 1534), les forêts de la montagne (en 1534 et 1568) ou encore des olivettes (en 1568), que le fermier doit labourer et dont la production sera partagée à parts égales. Enfin les outils et « produits » de l’atelier, dont un inventaire doit être dressé, sont cités à deux reprises : omnibus exerciis et feramentis et operibus dicti forni [tous les outils et fers et objets dudit four] en 1549, et ahinis exerciis ferramentis et operibus [outils, fers et objets] en 1555.
3.2 Le financement de l’entreprise
31Pour acquérir les matières premières, payer les salaires des ouvriers, verser les cens annuels des biens-fonds tenus à ferme et autres menues dépenses, les artisans doivent mobiliser des capitaux. Diverses stratégies, comme le recours à l’emprunt ou l’association à de riches bourgeois ou marchands, ont déjà été relevées dans d’autres régions (Foy 2000, 183). Elles trouvent leur écho en Roussillon, et ce dès le Moyen Âge.
3.2.1 Les contrats d’association
32La société formée en 1420 pour exploiter l’atelier de Vallbona par Joan de Pau, seigneur du village voisin des Abeilles, Marquesia, veuve d’un officier perpignanais, et Pere Galselm, désigné plus tard comme procureur et recteur du four37, est un exemple de ces associations de « riches » nobles ou bourgeois à un homme de terrain. Pour autant, Pere Galselm n’est pas un homme de l’art38, nous aurons l’occasion d’y revenir plus avant. C’est un patron de four qui ne s’occupe que de la gestion financière et sans doute commerciale de l’entreprise. Avec ses deux associés, ils ont investi à parts égales dans une entreprise dont ils recevront chacun un tiers des bénéfices39.
3.2.2 Les ententes verriers - marchands
33Les ententes consenties entre maîtres-verriers et revendeurs de verre, permettant un approvisionnement en matières premières sans avance de trésorerie, en contrepartie de conditions avantageuses pour les revendeurs sur l’écoulement des productions de l’atelier, sont bien attestées en Provence (Foy 1988, 356), en Aquitaine (Hébrard-Salivas 2014, 400-402), et aux Baléares (Capellà Galmés 2015, 155). En Roussillon, elles font leur apparition dès la seconde moitié du XIVe siècle.
34En 1364, Berenguer Xatart s’engage à livrer tous les quinze jours à Giralt Raols, tender de Perpignan, une saumée de vitri operati [verre ouvré], en paiement des huit quintaux moins une arrobe de salicorne, valant treize livres, sept sous et six deniers barcelonais de tern, que ce dernier lui a livrés, et ce jusqu’à son entière satisfaction, soit a minima sans doute le remboursement complet de leur valeur40. Les liens entre eux restent forts après le solde de cette livraison. En 1378, le même verrier, maintenant à Palau-del-Vidre, recourt à nouveau à Giralt Raols, ainsi qu’à quatre autres tenders perpignanais, pour obtenir un prêt de quarante-quatre sous et s’assurer des livraisons de verre brisé41. Les modalités de l’accord sont beaucoup plus complexes42, et très contraignantes pour le verrier. Pour rembourser le prêt, il s’engage à leur faire une ristourne de cinq sous et six deniers pour l’achat d’une saumée d’amphores43 valant trente-huit sous et demi, jusqu’à épuisement de sa dette. Plus loin, le prix de la grosse de verre à boire est fixé à quatorze sous. En ce qui concerne le groisil, chaque livraison d’un quintal et douze livres de verre brisé sera échangée contre six douzaines « d’amphores de verre brillant » valant le même poids. Enfin, et c’est là que nous mesurons encore mieux la dépendance du verrier, Berenguer Xatart s’engage à ne faire travailler son atelier que pour ces cinq marchands, jusqu’au terme du remboursement de ses dettes, sous peine d’une amende de soixante sous.
35Ces ententes commerciales participent d’une économie basée sur des écritures comptables, qui facilite sans doute le démarrage de l’activité, en ne pesant pas sur la trésorerie de l’atelier, mais en jouant sur le paiement à terme. D’autres documents mettant en scène des verriers, dans lesquels des tenders apparaissent comme garants ou témoins44, sont autant d’indices présageant de leur grande popularité aux XIVe-XVe siècles. Ils font apparaître les nombreuses relations existant entre les deux professions, bien étudiées pour la période moderne par D. Fontaine (Fontaine 2006).
3.2.3 Le recours aux diverses formes de prêt ou d’investissement
36Enfin, le recours à des investisseurs privés ou prêteurs n’ayant aucune implication dans le fonctionnement de l’atelier est également documenté. Berenguer Xatart fait appel, à de nombreuses reprises, aux placements ou à l’usure. En 1394, lui et son fils Antoni reçoivent en commande de Bernat Saquet, un grand marchand perpignanais, dix-sept livres et douze sous barcelonais45. Il s’agit d’un mode de placement, baptisé par C. Carrère commande-investissement, fréquemment utilisé en Catalogne dans les milieux artisanaux, et notamment à Barcelone (Carrère, 1977, 159-166). Le prêteur donne au commandité une somme d’argent que ce dernier investit dans ses affaires. Les bénéfices de ce placement sont reversés en partie au commanditaire, un quart étant réservé à la rémunération du travail du commandité. L’intérêt d’un tel apport de capitaux est évident pour Berenguer Xatart. En contrepartie de la somme reçue de Bernat Saquet, il ne doit verser aucun intérêt, mais il en espère au contraire des bénéfices. De plus, les risques étant partagés entre commanditaire et commandité, le verrier n’a rien à craindre de son prêteur en cas de mauvaise fortune. En outre, pour le marchand, la somme engagée ne représente sans doute pas grand-chose, et il peut la faire fructifier à très court terme.
37D’autres formes de prêts consentis à Berenguer Xatart sont également documentées. Deux actes concernent des sommes reçues par Berenguer Xatart en mai et en août 137746, alors qu’il était installé à Palau. Elles lui ont été versées par des prêteurs juifs de Perpignan, Jacob Sullam, qui apparaît dans les deux cas, et Vitalis, qui n’est mentionné qu’en mai. Nous ne connaissons pas les sommes accordées, ni le mode de remboursement. Il semble en tout cas que Berenguer Xatart ait contracté un autre prêt juif pour rembourser ses créanciers de mai 1377. En juillet 1381, c’est un tiers, Jacob Malrir, qui paye la somme qu’il leur devait encore, soit dix livres et cinq sous.
38Aux XVIe et XVIIe siècles, les prêts d’argent sont également très répandus comme l’attestent les nombreuses reconnaissances de dettes. Le recours à la rente est aussi fréquent. C’est ainsi qu’a été acquise par Antoni Fabre dit Bassa la teinturerie de Notre-Dame-du-Pont. Le prix d’achat, estimé à sept cents livres de Perpignan, devait être réglé au moyen du paiement d’une rente annuelle (censal mort) de trente-cinq livres, effectuée en deux versements, au 1er mai et au 1er novembre47. Les archives gardent la trace d’un règlement le 11 septembre 156848. Mais l’entreprise connaît des difficultés financières. Antoni Fabre dit Bassa est déjà en procès devant la Real Audiençia de Barcelone au moment de son mariage avec Stasia Cathala49. En janvier 1569, un des employés de l’atelier, Joan Vinxe, qui a « taillé des matières » (picar materials), se plaint de ne pas avoir été payé et donne procuration à son beau-frère Esteve Ventura, pareur de Perpignan, pour réclamer la somme de cinq livres onze sous et neuf deniers de Perpignan auprès du verrier50. Moins de deux mois plus tard, Antoni Fabre dit Bassa passe une transaction avec Galderich Sobrepera, maître-verrier responsable de l’atelier du Planiol, pour partager l’exploitation de l’atelier de Notre-Dame-du-Pont51. Cet accord est le symptôme de ses difficultés à assumer la gestion de son l’atelier. En août de la même année, quarante-deux cannes (quatre-vingt-huit mètres) de bois d’aulne lui appartenant sont saisies sur la grève des Augustins en 1569 par les consuls de mer de Perpignan, à la demande de Salvador Terre, un teinturier du quartier52. Curieusement, Antoni Fabre dit Bassa n’est plus cité après 1569 dans les actes consultés, contrairement à Galderich Sobrepera, mentionné encore en 1572, notamment dans les manuels du Consulat de Mer de Perpignan. C’est désormais lui qui a la charge de l’atelier, bénéficiant d’un monopole de la production de verre ouvré à Perpignan (Fontaine 2006, 119). Les diverses formes de financement mobilisées par les verriers ne les mettent donc pas à l’abri des aléas de la fortune, mais les rendent au contraire constamment plus dépendants des différents acteurs qu’ils sollicitent.
3.3 L’organisation du travail
3.3.1 Maîtres de four à verre et ouvriers
39Pour la période médiévale, Berenguer Xatart ou Joan Colom sont désignés explicitement par les actes comme magister furni de vitro/vitri, c’est-à-dire maîtres du four de verre/à verre. La tradition historiographique préfère baptiser ces hommes par le terme de maîtres-verriers, plus moderne. Elle traduit leur accession à une maîtrise technique supérieure aux simples souffleurs de verre, touchant notamment à la composition de la matière vitreuse. Malgré la différence sémantique, la « maîtrise du four à verre » médiévale ne semble pas renvoyer à autre chose.
40L’aspect abstrait de la maîtrise du four, liée à la notion de gestion du bien, est en effet assumée, dans le cas de l’atelier de Vallbona, par une autre personne. Natif des Abeilles, résident à Castelló d’Empúries, la fonction de Pere Galselm, procureur et recteur du four, est clairement définie par le contrat d’association du 12 septembre 1420 : « comendavit dictum furnum dicto P° Galselm et gubernet dictum furnum » [ledit Pere Galselm a commandé et dirigé ledit four]53. Dans une autre version du même acte, il est même indiqué qu’il en assure la garde (custodiam et gardam)54. De son côté, Joan Colom, le « maître du four à verre de Vallbona », reconnaît le 28 septembre suivant avoir reçu de la société, en plus de son salaire, une avance de cinquante florins d’or aragonais, en échange de laquelle il s’engage pour une année « pro operando et utendo officio meo condendi vitrum » [à exercer et pratiquer mon office de composer du verre]55. L’utilisation faite par le notaire du verbe condere renvoie à la notion d’assembler, de réunir en un tout, mais également d’éloigner des regards, de cacher, ce qui ne peut mieux traduire la cuisson qui se déroule dans le four, à l’abri des regards, précédée du travail minutieux de composition de la recette.
41Ces maîtres-verriers étaient secondés par de simples souffleurs de verre, plus ou moins nombreux selon les dimensions de l’atelier et la capacité des fours. Les termes employés par les notaires pour désigner l’activité de ces ouvriers, operari [travailler, pratiquer] et facere [faire] du verre, les distinguent d’emblée des hommes qui touchent à la composition de la matière vitreuse. Deux contrats d’embauche permettent d’esquisser leurs conditions de travail pour la période médiévale. Entre 1373 et 1375, Berenguer Xatart engage son frère Llorenç « pro […] operabor opera vitri » [pour pratiquer le travail du verre] au four qu’il tient à Sorède56. Le contrat précise la durée de l’engagement, fixée à un an, et les rétributions de Llorenç, qui recevra un salaire tous les quinze jours, à raison de quatre sous pour chaque grosse de verre fabriquée au four de son frère, et une avance de treize livres et deux sous, dont il reçoit neuf livres et demi le jour même, et le reste à la Saint-Michel à venir. Les clauses qui protègent les deux parties d’une défection sont nombreuses. Elles prévoient ainsi une amende de dix livres à l’encontre de celui qui rompra définitivement ses engagements avant le terme du contrat. Elles obligent également l’ouvrier à rattraper les jours chômés, sous peine d’une amende de cinq sous par jour, sous réserve que le travail n’ait pas été arrêté par manque de verre, auquel cas ce serait Berenguer qui devrait verser la même amende à son frère. Enfin, une autre amende protège encore l’ouvrier : celle que devra lui verser Berenguer en cas de retard de paiements, équivalente au tiers des sommes dues. L’autre document, récemment découvert par D. Fontaine, n’a pas encore fait l’objet d’une analyse complète, mais il présente des similitudes. Hug Cabrer y est engagé pour un an par Berenguer Xatart « ad facendum et operandum vobiscum de veyre » [en vue de faire et de travailler avec vous du verre], en contrepartie d’un salaire de quatre sous et quatre deniers barcelonais de tern pour chaque grosse qu’il fabriquera57. La durée de ces contrats, le salaire en partie versé en fonction du travail réalisé et les clauses de garanties sont assez proches de ceux des contrats provençaux de la fin du XIVe siècle et du début du XVe siècle (Foy 1988, 61).
42À l’atelier du Planiol, un souffleur de verre est engagé pour deux années, à compter de la fête de la Toussaint 1560, durant la période où les maîtres-verriers Pere Devancens dit Botat et Galderich Sobrepera le dirigent (1560-1567). Barthomeu Altmarich (ou Aymanich ou Almarich) « no trebelera ningon exerxixi de trebals del forn sino tant solament de hobrar vidre » [ne travaillera à aucun travaux du four mais seulement à fabriquer du verre]. En cas d’absence de travail, il ne sera indemnisé que pour la nourriture, contrairement au contrat médiéval de Sorède58.
3.3.2 Les ententes entre maîtres-verriers au XVIe siècle
43Plusieurs contrats passés entre des maîtres-verriers dans la première moitié du XVIe siècle permettent d’éviter la concurrence entre leurs ateliers. La règle choisie est l’alternance dans le fonctionnement des officines, établissant ainsi une forme d’autorégulation, tout en préservant les ressources en combustible.
44La convention rédigée en 1540 entre Miquel Bonet, fermier de la verrerie du Vilar, et Hieronim Bonet, son neveu (Camiade, Fontaine 2006, 94), fermier de l’atelier du Planiol59, constitue un premier exemple. Hieronim s’engage d’une part à interrompre l’activité de son four pendant deux ans, à compter du 21 juin 1540, à ne laisser personne y loger ni y travailler, et d’autre part, à ne pas participer à l’exploitation d’un autre atelier, notamment celui de Requesens, situé sur le versant sud des Albères. Il paiera néanmoins le prix de l’affermage de la verrerie du Planiol. À la fin de ces deux années, tout en continuant de payer le cens dû au seigneur du Vilar, Miquel Bonet arrêtera à son tour l’exploitation du four du Vilar, le cédera pour la même durée, ainsi que les biens qui en dépendent, à Hieronim Bonet, et respectera les mêmes interdictions de travailler. Viennent ensuite des clauses relatives au rachat des matières premières et aux pièces produites. Hieronim Bonet vend à Miquel Bonet tout le « verre entier » (vidre entir) au prix de quinze sous la grosse, deux quintaux (quintals) et demi et quarante bouteilles au prix de quarante sous le quintal, vingt-cinq quintaux et demi de fritte (mascolanya) au prix de quinze sous et six deniers le quintal, et six quintaux et une arrobe de salicorne au prix de seize sous et six deniers le quintal. De l’argent qui proviendra de la vente du verre, tant de celui de Miquel Bonet, que de celui de Hieronim Bonet, Miquel en versera la moitié à Hieronim jusqu’à ce que l’ensemble des dits produits soit payé. Lorsque les deux années seront passées, Hieronim récupérera les produits restants et les rachètera de la même manière.
45Un autre exemple est fourni dans un contrat passé en 1550 entre Joan Sajus, verrier du Perthus [atelier de la Trinitat], et Andreu Guiu, verrier tenant boutique à Perpignan mais également souffleur de verre à Laroque60. Cet acte d’embauche, qui est aussi un contrat entre verrier et revendeur, comprend quelques clauses relatives à un atelier à l’arrêt situé à Laroque et tenu par Andreu Guiu. Il est précisé que ce dernier ne pourra pas apporter son aide ou sa faveur aux artisans qui travailleront à cet atelier.
46D’autres formes d’ententes entre maîtres-verriers se font sous la forme de concessions d’ouvreaux. Un premier contrat concerne la concession pour une période de dix-huit mois à Antoni Fabre dit Bassa, verrier habitant à Laroque, à compter du 30 décembre 1566, de deux ouvreaux du four du Planiol, tout d’abord celui situé « du côté de la porte de l’église », puis celui placé « à l’angle de la cuisine »61. Antoni Fabre dit Bassa pourra y placer deux creusets primas pour chaque anzenalls62 que Galderich Sobrepera a préparé. Il paiera chaque mois la somme de dix livres, monnaie de Perpignan.
47Près de trois ans plus tard, c’est au tour de Galderich Sobrepera de travailler à un atelier tenu par Antoni Fabre dit Bassa, celui de Notre-Dame-du-Pont63. Ce dernier lui loue pour une durée de deux ans et pour la somme de dix-huit livres de Perpignan, à régler à la fin de chaque mois, « deux bouches à feu » (dos bochas de foch) avec trois creusets (mortes). Il s’agit précisément de deux ouvreaux situés derrière le four. Galderich Sobrepera pourra installer au-dessus de ces trois creusets un autre creuset plus petit (morteret) « pour faire les décors » (pera fer recamat). Antoni Bassa fournira le bois et la « pierre », c’est-à-dire le quartz ou la soude, prête à l’emploi (apunt de posar al morter), alors que Galderich Sobrepera achètera les outils. Antoni Bassa s’engage à payer pendant deux ans à Domingo Lanusa, mercader, le prix de l’affermage de l’atelier du Planiol qu’avait obtenue Galderich Sobrepera, à compter de la prochaine fête de la saint Jean de juin, soit vingt-deux livres chaque année. Concernant l’écoulement de la production, Galderich Sobrepera pourra vendre ses pièces de façon ambulante avec deux bilacoles (présentoirs) dans tout le Roussillon et au même prix que celles d’Antoni Fabre dit Bassa. En cas de litige entre eux, ils s’en remettent à Bernat Boscarrons, mercader de Perpignan. Ce marchand est celui qui fournira en janvier 1572 Galderich Sobrepera en « creusets et autres outils » (morters y altres materials)64.
3.4 La commercialisation des productions
48Pour échapper aux impositions coutumières sur les marchandises, et principalement aux droits de leudes et péages exigés à Perpignan, à Collioure et au Boulou dès le XIIIe siècle (Mach 2004b, 180-184), les verriers roussillonnais ont cherché à se faire accorder la liberté de circulation de leurs productions. C’est probablement pour bénéficier d’un vieux privilège d’exemption de leudes et péages dont jouissaient les habitants de Palau en tant que vassaux de l’Ordre du Temple, puis, après sa disparition, de l’Ordre de l’Hôpital, que de nombreux verriers s’installèrent durablement dans ce lieu. La nature de ces exemptions, accordées aux deux Ordres religieux par les souverains des XIIIe et XIVe siècles, nous apparaît dans plusieurs procès du milieu du XVe siècle, alors qu’elles sont justement menacées par les officiers royaux.
49Le premier commence le 3 novembre 1442, alors que deux charges de verre ont été saisies par les cullidors [collecteurs] de la leude du Boulou et le batlle du même lieu65. Une de ces charges, appartenant à Jaume Robiola de Palau, a déjà été revendue par les officiers royaux à titre d’amende, l’autre, appartenant au même Robiola et à Joan Blanquet de Palau, est tenue en arrêt, en attendant que les deux hommes payent les droits de leude des deux années antérieures66. Les deux transporteurs entament alors une longue procédure pour prouver qu’ils jouissent bien, en tant qu’habitants de Palau-del-Vidre et à ce titre vassaux de l’Hôpital, des franchises de leudes. Le 8 novembre suivant, les consuls de Palau témoignent de la véracité de ces privilèges en produisant plusieurs actes royaux recopiés dans le registre du procès, notamment des lettres patentes de Jaume I, datée de 1233, et de Jaume II, rédigée en 127867. La procédure continue au moins jusqu’en 1444, mais à cette date, les privilèges des habitants de Palau-del-Vidre sont reconnus par les cullidors (Alart 1873, 317). Ces derniers continuent pourtant de discuter au sujet de la charge saisie, celle-ci n’appartenant pas en propre, selon eux, à Jaume Robiola et Joan Blanquet, mais plutôt au propriétaire du four, Ramon de Vivers, qui, en tant que noble, n’est pas vassal de l’Hôpital, et à ce titre ne peut pas prétendre aux franchises.
50Un autre litige survenu en 145668, opposant cette fois-ci Ramon de Vivers aux cullidors de la leude de Perpignan, montre que les officiers du Boulou avaient probablement raison en ce qui concerne de Vivers. En effet, il est alors contraint de payer une amende pour la charge qu’il entendait faire entrer dans Perpignan sans payer le droit de leude.
51L’octroi du privilège d’exemption des droits de leudes est aussi une des raisons de l’installation de verriers à Perpignan, mais ils doivent au préalable obtenir le titre « d’habitant ». Pour échapper à leur dépendance vis-à-vis des revendeurs, les artisans verriers peuvent intégrer la confrérie des tenders de Perpignan et ainsi obtenir le droit de tenir boutique dans la ville (Fontaine 2006, 125-132).
4 Conclusion
52En termes économiques et techniques, les sources écrites roussillonnaises font apparaître des modes d’organisation des ateliers et des acteurs assez similaires à ceux observés de la Provence à l’Aquitaine. Tout au plus, l’absence en Roussillon de statut réglementaire du métier de verrier aura conduit certains artisans à développer des stratégies individuelles ou collectives pour bénéficier ponctuellement d’exemptions de taxes sur la circulation de leurs productions.
53C’est au niveau de la typologie des officines que le Roussillon se distingue du midi méditerranéen français. Le qualificatif del vidre (du verre) accolé au toponyme de deux petites bourgades où l’activité verrière s’est développée dans les murs mêmes des faubourgs marque la réussite du « modèle » de l’atelier villageois, inscrit à mi-chemin entre ateliers urbains et forestiers. Des recherches approfondies sur les archives catalanes permettraient sans doute d’élargir vers le Sud la répartition géographique de ce nouveau type d’implantation artisanale.
Figures
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Notes de bas de page
1 L’atelier présumé de Torreilles, en Salanque, a été écarté de l’analyse, car son implantation reste hypothétique (Mach 2004b, 48).
2 Récemment, D. Fontaine a découvert un nouveau document concernant cet atelier, le contrat d’embauche du verrier Hug Cabrer par Berenguer Xatart, verrier d’Ortaffa, Arch. dép. Pyrénées-Orientales [ADPO], 3E1/4687, Jaume Molines, notaire à Perpignan, manuel (1370-1371), 6 janvier 1371.
3 ADPO, 3E20/434, Pere Tolosa, notaire à Laroque, notule (1373-1375), f°10 v°, 3 mai 1374.
4 L’importance de l’artisanat verrier dans cette localité apparaît par l’adjonction ponctuelle du qualificatif del vidre en 1601, comme cela se produisit pour Palau dès 1441 (Alart 1873, 311), ADPO, 13Bp368, Consulat de Mer de Perpignan (1601), procédure opposant Guillem Perez, forgeron de la Roca del Vidre à Pere Torres, menuisier, 9 juillet 1601. Cette cour juge les litiges relatifs aux échanges commerciaux aussi bien maritimes que terrestres.
5 ADPO, 3E1/2711, Antoni Joli, notaire à Perpignan, liasse (1573), contrat de mariage entre Pere Tallada, de Villelongue-dels-Monts, et Speransa, fille de maître Galderich Sobrepera, verrier de Villelongue-dels-Monts, vuy dia present abitant en lo forn del vidre del lloch de la Rocha [aujourd’hui habitant au four à verre de Laroque], reçu à Laroque, le 14 décembre 1573.
6 ADPO, 8J35, fonds Bordas, actes divers sur la seigneurie de Laroque (1618-1755), reconnaissance de Joseph et Catherina Perarnau envers Bernat Genebreda d’une rente annuelle perçue sur une maison et un jardin sis à Laroque, « à la rue du Planiol qui va de la porte de l’église à la montagne », lequel jardin jouxte le forn del vidre [four à verre], 17 octobre 1622.
7 ADPO, 3E1/6370, Onofre Sabater, notaire à Perpignan, notule (1622-1623), 19 octobre 1623.
8 ADPO, 3E1/6347, Onofre Sabater, notaire de Perpignan, liasse (1610), contrat de mariage entre Bernat Ginbreda, originaire d’Auterives, diocèse de Toulouse, et Catarina Joer, de Laroque, 18 février 1610. Il s’agit du même Bernat Genebreda cité en 1622.
9 Cette rue du Planiol est déjà citée en 1371, ADPO, 3E2/131, Berenguer Marti, notaire à Laroque-des-Albères, manuel (1371), f°41 v°, vente d’une maison sise in barrio dicti castri loco vocato al carrer del planiol, 2 mai 1371.
10 ADPO, 8J34, seigneurie de Laroque, actes divers (981 [copie]-1660), note établie à partir d’un manuel aujourd’hui disparu de « Rafel Tries » (plutôt Bartomeu Tries ?), notaire à Laroque. L’expression « tant en haut qu’en bas » pourrait désigner plusieurs choses : les parties en dénivelé de la parcelle, le rez-de-chaussée et l’étage de la maison ou bien les niveaux inférieur et supérieur du four.
11 ADPO, 3E1/6370, 19 octobre 1623.
12 ADPO, 8J21 (1435, 1455-1458) et 8J22. Ces annotations ont été faites de la même encre et probablement de la même main que celles renvoyant à un capbreu disparu de 1520 (cap 1520) rédigé par le notaire de Collioure Joan Ullastre. Elles sont donc probablement contemporaines de la rédaction de ce livre-terrier.
13 ADPO, 8J21, 19 novembre 1455. ADPO, 8J22, f°59 v°, 5 juin 1504. Ces annotations font la concordance entre les différentes tenures citées dans ces livres-terriers.
14 ADPO, 8J22, f°17.
15 ADPO, 8J22, f°119 v°.
16 ADPO, 8J21, feuillet (s. d. [après 1585]). Le terme coronell est spécifique à la ville de Perpignan (Fontaine 2014, 177).
17 ADPO, 1B219, Procuració Real, registre XXII (1182-1422), f°59-59 v°, 24 octobre 1419.
18 ADPO, 1B219, f°58, 28 octobre et 3 novembre 1419.
19 ADPO, 3E1/2796, Jaume et Honorat Gelcen, notaires à Perpignan, manuel (1554), 20 septembre 1554.
20 ADPO, 3E2/1325, Joan Frances Burgat, notaire à Perpignan, manuel (1562), f°1-2, 12 janvier 1562.
21 Précision donnée lors du paiement du droit de mutation aux fermiers des revenus de l’église Saint-Lazare de Perpignan, ADPO, 3E1/2967, Joan Pere Tallada, notaire à Perpignan, manuel (1567), f°173 v°, 24 juin 1567.
22 ADPO, 3E1/2967, f°54 v°-55.
23 ADPO, 3E1/2689, Francisco Roig, notaire à Perpignan, manuel (1568), f°96.
24 Le droit de flottage des bois de toute nature sur le canal de la Torra d’En Vernet conduisant à cette grève est confirmé le 18 novembre 1337, ADPO, 112EDt1, Livre Vert majeur de la ville de Perpignan, tome 1 (1162-1785), f°185.
25 ADPO, 3E1/4616, Antoni Argelich, notaire à Perpignan, liasse de contrats de mariages (1561-1569), 22 octobre 1568. La localité de Millas est située sur les rives de la Têt en amont de Perpignan. En 1543, Jaume Cathala dit Borrut approvisionnait déjà en bois Germà Gelabert, l’ancien propriétaire de la teinturerie ainsi que ses voisins, ADPO, 3E3/943, actes notariés divers (XVIe-XVIIe siècles), contrat de livraison de bois, 10 septembre 1543.
26 ADPO, 3E2/815, Antoni Argelich, notaire à Perpignan, manuel (1569), f°61 v° et 64, 4 et 7 février 1569.
27 ADPO, 3E2/817, Antoni Argelich, notaire à Perpignan, manuel (1572), f°18, 10 janvier 1572.
28 ADPO, 3E40/1230, Pere Tolosa, notaire à Palau-del-Vidre, Capbreu des messes anniversaires instituées dans l’église de Palau (circa 1390), f° intercalaire, 30 avril 1389.
29 ADPO, 3E40/989, Pere Tolosa, notaire à Sorède, notule (1372-1410), f°104 v°-105, 25 août 1385.
30 ADPO, 3E3/397, Guillem Caulasses, notaire à Perpignan, notule (1378), f°12, 9 juin 1378.
31 ADPO, Hp184, Ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, registre de procédure (1442-1444), 26 février 1444 ; cité dans Alart 1873, 317, note 2.
32 ADPO, 1B219, f°58.
33 ADPO, 3E2/278, Joan Antoni Vilella, notaire à Perpignan, manuel (1534), 9 juillet 1534, ADPO, 3E1/4751, Joan Antoni Vilella, notaire à Perpignan, manuel ou brouillard (1537), 10 décembre 1537, ADPO, 3E2/282, Joan Antoni Vilella, notaire à Perpignan, protocole (1540-1545), 4 avril 1543, ADPO, 3E2/1060, Miquel Joli, notaire à Perpignan, manuel (1549), f°269 v°, 27 novembre 1549, ADPO, 3E2/1063, Miquel Joli, notaire à Perpignan, manuel (1552), f°154, 5 septembre 1552, ADP.O., 3E2/1080, Miquel Joli, notaire à Perpignan, manuel (1568), f°149-150, 28 septembre 1568.
34 ADPO, 3E1/2594, Joan Port, notaire à Perpignan, liasse (1540), transaction entre Hieronim Bonet, fermier de l’atelier de Laroque, et Miquel Bonet, propriétaire d’un atelier sis au Vilar, 5 avril 1540.
35 ADPO, 3E1/2615, Joan Port, notaire à Perpignan, liasse (1562-1572), contrat entre Anthoni Fabre dit Bassa et Galderich Sobrepera, 13 avril 1569.
36 À cette occasion, il est fait « homme » de Laroque et prête serment à son nouveau seigneur.
37 ADPO, 3E1/386, Guillem Jaume, notaire à Collioure, manuel (1420), f°31, 28 septembre 1420.
38 Contrairement à l’interprétation proposée par D. Foy (Foy 1988, 83) des sources publiées par Alart (Alart 1873, 314-315).
39 ADPO, 3E1/386, f°28 v°, 12 septembre 1420 et ADPO, 3E1/387, Guillem Jaume, notaire à Collioure, notule (1420), f°34, 12 septembre 1420.
40 ADPO, 3E1/103, Andreu Romeu, notaire à Perpignan, manuel (1364), f°11, 6 juillet 1364 et ADPO, 3E1/104, Andreu Romeu, notaire à Perpignan, notule (1364), non folioté, 6 juillet 1364.
41 ADPO, 3E3/397, f°12, 9 juin 1378.
42 Et notamment bien plus nombreuses que ce que laissait apparaître la publication de ce marché par B. Alart (Alart 1873, 311), sur la base d’une copie partielle de cet acte (Alart B., Cartulaire Manuscrit, Tome H, 313).
43 « Amphorarum » fait probablement référence à des bouteilles, mais nous avons préféré une traduction littérale.
44 En 1373-1375, Berenguer Xatart choisit ainsi Guillem Patani, tender de Perpignan, comme fidéjusseur chargé de faire respecter les clauses du contrat d’embauche de Llorenç Xatart, en cas d’impossibilité financière ou de décès dudit Berenguer, ADPO, 3E20/434, f°12-13. En 1448 et 1449, Miquel Martí, tender de Perpignan, est cité comme témoin dans des baux et des confirmations de vente concernant Joan Bonet, Andreu Baldovini, et Joan Cardona, tous verriers de Palau-del-Vidre, ADPO, Hp184, Pere Lombart, notaire à Thuir, manuel et notule servant de Capbreu de la Commanderie du Mas Deu (1447-1450), f°12, 15, 24 v° et 31 v°-32.
45 Copie partielle du XVe siècle d’après Jaume Salvet, notaire à Perpignan, manuel ou notule (1394) dans ADPO, 1B184, Pere Ornos, notaire à Perpignan, manuel (1409), f°61 v°, inventaire des biens de Bernat Saquet.
46 Pour la quittance d’août 1377, ADPO, 3E1/165, Guillem Fabre, notaire à Perpignan, notule (1377-1378), f°15 v°, 10 août 1377. Pour la quittance de juillet 1381 mentionnant le prêt de mai 1377, voir : Alart B., Cartulaire Manuscrit, Tome IV, 506 [454], copie partielle d’après ADPO, 3E1/5086, Bernat Fabre, notaire à Perpignan, manuel (1381-1382).
47 ADPO, 3E1/2967, f°54 v°-55, 24 février 1567.
48 ADPO, 3E1/2689, f°96.
49 ADPO, 3E3/686, Joan Vallespir, notaire à Perpignan, Testimonial (1575), f°71, procuration donnée par Stasia à son père Jaume Cathala dit Borrut, concernant sa dot et ses droits sur les biens de son mari, 2 septembre 1568, acte signalé par M. Guy Barnades.
50 ADPO, 3E2/876, Pancraci Salvetat, notaire à Perpignan, manuel (1569), f°7 v°-8, 3 janvier 1569.
51 ADPO, 3E1/2615, 13 avril 1569.
52 ADPO, 13Bp46, manuel du Consulat de Mer de Perpignan (1569), 11 août 1569.
53 ADPO, 3E1/387, f°34.
54 ADPO, 3E1/386, f°28 v°.
55 ADPO, 3E1/386, f°31.
56 ADPO, 3E20/434, f°12-13.
57 ADPO, 3E1/4687, 6 janvier 1371.
58 ADPO, 3E2/549, Miquel Joli, notaire à Perpignan, manuel acte reçus par Pere Bianya, de Laroque, son substitut. (1550-1565), 4 août 1560.
59 ADPO, 3E1/2594, 5 avril 1540.
60 ADPO, 3E2/841, Joan Carles, notaire à Perpignan, protocole (1550), f°293 v°-295, 26 mai 1550.
61 ADPO, 3E1/2967, Joan Pere Tallada, notaire à Perpignan, manuel (1567), f°3, 30 décembre 1566 n. st.
62 La signification de ces deux termes n’étant pas comprise par les auteurs, ils n’ont pas été traduits en français.
63 ADPO, 3E1/2615, 13 avril 1569.
64 ADPO, 3E1/6112, Miquel Palau, notaire à Perpignan, manuel (1572), f°11 v°, 25 janvier 1572.
65 ADPO, Hp184, registre de procédure (1442-1444), copie partielle dans B. Alart, Cartulaire Manuscrit, Tome G, 612-613 [615-616]. Et ADPO, 1B262, Procuració Real, registre XXIX (1289-1444), f°131, Lettre du Juge du Patrimoine Royal aux officiers de la leude du Boulou, 7 février 1443, copie partielle dans B. Alart, Cartulaire Manuscrit, Tome XX, 87 [81]. Les passages les plus intéressants sont également cités sans l’article de B. Alart sur les verreries roussillonnaises (Alart 1873, 316-318).
66 Alart B., Cartulaire Manuscrit, Tome G, 612-613 [615-616] : pro certo vitro vendendo Jacobum Rubiola et Johannem Blanquet loci de Palacio qui sunt homines dominacionis dicti hospitalis qua de causa bajulus et leudarii de Volono certam carregum vitri dicti Jacobi Rubiola vendiderunt et ultra ipsum Jacobum et Johannem Blanquet tenent arrestatus et sub prima magne quantitatis petendo ab eis leudam de duobus annis preteritis que numquam nec alias fuit ab eis nec ab hominibus dicti loci petita nec minus exacta.
67 ADPO, Hp184, f°9-17.
68 ADPO, 1B406, Manuale Curie Patrimonii Regii, registre II, actes de la Cour du Domaine Royal de Roussillon et de Cerdagne (19 novembre 1454 - 9 août 1457), f°86, 12 février 1456.
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Le verre du VIIIe au XVIe siècle en Europe occidentale
Ce livre est cité par
- Freestone, Ian C.. (2023) Handbook of Archaeological Sciences. DOI: 10.1002/9781119592112.ch44
Le verre du VIIIe au XVIe siècle en Europe occidentale
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