Introduction
p. 13-14
Texte intégral
1L’idée de consacrer le 8e Colloque International de l’AFAV au verre médiéval est née du véritable besoin d’actualiser nos connaissances sur ce sujet pour lequel les travaux synthétiques sont anciens. Faisant toujours office de références, les rares ouvrages dédiés au verre du Moyen Âge, à l’échelle nationale ou européenne, comptent en effet une dizaine à une vingtaine d’années : Phönix aus Sand und Asche : Glas des Mittelaters (1988), À travers le verre du Moyen Âge à la Renaissance (1989) et Le verre de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge (1993). Spécialistes et amateurs se reportent également aux travaux de Danièle Foy pour la France méditerranéenne (Le verre médiéval et son artisanat en France méditerranéenne, 1988), de Rachel Tyson, Medieval glass vessels found in England c AD 1200-1500 (2000), ou à l’ouvrage collectif Glass in Britain and Ireland, AD 350-1100 (2000) pour la Grande-Bretagne. Plus récemment, une exposition sur la vaisselle en verre de l’Europe médiévale s’est tenue au Corning Museum of Glass à New York et a donné lieu à un catalogue, Medieval Glass for Popes, Princes et Peasants (2011). Si divers articles dans le bulletin de l’AFAV ou celui de l’AIHV présentent des verres médiévaux, rares sont cependant les synthèses, comme celle, en 2014, consacrée au verre découvert à Bratislava1. Postérieure au colloque de Besançon, l’exposition présentée à Paris au musée de Cluny en 2017, Le verre, un Moyen Âge inventif, dont le catalogue est dirigé par Sophie Lagabrielle, a confirmé l’attrait renouvelé pour le sujet.
2Nous avons fait le choix de ne pas inclure, dans l’intitulé du colloque, les deux premiers siècles du Moyen Âge afin de nous consacrer aux productions les moins bien connues. En effet, la tradition antique est encore fortement prégnante avant le VIIIe siècle et les rituels de dépôt de mobilier en verre, encore effectifs dans certaines nécropoles, rendent ces productions relativement bien étudiées2. En revanche, le verre produit du VIIIe au XVe siècle mérite un regard et un intérêt renouvelés.
3Le mauvais état de conservation des verres médiévaux, dû principalement à sa composition chimique, et la fragmentation importante du mobilier en verre médiéval rendent en effet difficile son étude. La diversification des sources et des méthodes d’approche prend alors toute son importance permettant ainsi d’appréhender l’art verrier dans son ensemble, de la production à la consommation des objets manufacturés. Ce colloque a donc été l’occasion d’aborder, par une démarche interdisciplinaire (archéologues, historiens, archéomètres, spécialistes du verre, restaurateurs-conservateurs), les différentes étapes de la chaîne opératoire du verre médiéval.
4Entre la fin du VIIIe et le Xe siècle s’opère en effet une des évolutions majeures dans l’histoire de l’artisanat du verre : aux verres de tradition antique, fabriqués à partir de sable et de natron, succèdent les verres à fondant végétal à base de cendres. Si l’archéométrie a pu mettre en évidence ce changement de composition par le biais des analyses physico-chimiques, les structures et l’organisation des ateliers de cette période demeurent largement méconnues, faute peut-être de découvertes archéologiques, mais certainement aussi par défaut d’intérêt pour ce type d’artefact. Plusieurs communications ont donc été consacrées à l’artisanat du verre entre le VIIIe et le XVIe siècle afin de discuter de l’évolution des recettes de fabrication, de la provenance et de la circulation des matières premières, et enfin de l’implantation et du fonctionnement des ateliers d’un point de vue structurel et humain.
5Un autre volet de ces rencontres a été dédié à l’objet en verre sous toutes ses formes. Les verres utilisés en contexte domestique, religieux ou funéraire représentent une part non négligeable du mobilier médiéval. L’étude de ces objets pâtit cependant du manque de référentiels typo-chronologiques. Une synthèse de nos connaissances sur la consommation de verre creux apparaît donc nécessaire, à la fois aux spécialistes comme aux chercheurs confrontés à ce type de collection. Les exposés portent essentiellement sur les productions d’Europe occidentale et abordent les importations islamiques ou d’Europe de l’Est afin de dresser une carte de diffusion et de circulation des objets finis.
6Le matériel découvert en contexte funéraire a longtemps été privilégié, du fait de sa conservation, pour la création des rares typologies existantes. Grâce au développement des opérations archéologiques — tant programmées que préventives — menées sur des sites médiévaux et modernes, nous disposons désormais également de données de qualité pour les contextes d’habitat. Bon nombre de collections restent cependant inédites ou mal documentées, faussant la représentation que l’on pourrait avoir de la consommation effective du verre à ces époques.
7Bien plus renommés du fait de leur caractère monumental, les vitraux représentent une des principales utilisations du verre au Moyen Âge. Si ceux-ci sont largement répandus à partir des XIIe et XIIIe siècles, leur usage dans les édifices carolingiens, civils comme religieux, nous échappe pour une grande part. Là encore, plusieurs découvertes archéologiques récentes permettent de renouveler les problématiques engendrées par les derniers colloques synthétiques sur le verre plat, De Transparentes Spéculations (Bavay, 2005), Verre et fenêtre, de l’Antiquité au XVIIIe siècle (Paris-Versailles, 2005) et Vitrail, verre et archéologie entre le Ve et le XIIe siècle (Auxerre, 2006). Plus anecdotique, le matériau verre est également représenté dans l’instrumentum, en tant qu’outils, objets du quotidien ou biens de prestige, catégorie de mobilier rarement mentionnée ou peu étudiée, mais qui fait partie intégrante de la culture matérielle du Moyen Âge et de l’époque moderne.
8Les communications ont couvert un large intervalle chronologique, du VIIIe au XVIe siècle — voire un peu au-delà, reflétant l’état de la recherche dans le domaine de l’archéologie et de l’histoire du verre. Si le cadre géographique de ce colloque se cantonnait à l’Europe occidentale, la moitié des communications ont naturellement porté sur le territoire français à travers la présentation d’un site particulier, ou par l’étude plus synthétique d’une région ou d’une ville. Plusieurs auteurs ont proposé un travail de synthèse sur le verre médiéval dans un pays ou une entité géographique cohérente. Le Portugal, l’Italie et les Balkans ont ainsi fait l’objet de travaux, si ce n’est exhaustif, déjà très complets de recensement des découvertes en les organisant selon un ordre chronologique, puis typologique.
9De façon générale, les communications retenues pour ce colloque répondaient au principal critère imposé par les comités d’organisation et scientifique, à savoir le caractère inédit des objets présentés. Les études s’appuyaient parfois sur des collections déjà connues, mais ceci dans le but d’étayer ou étoffer un propos synthétique et mettre en parallèle plusieurs sources, anciennes et récentes.
10Une des forces de ce colloque a également été de proposer des sujets utilisant et croisant des données de nature diverse : vestiges et objets archéologiques, sources écrites et iconographiques, analyses physico-chimiques et traitements statistiques. La plupart des travaux présentés ont démontré que les approches interdisciplinaires étaient désormais favorisées dans l’étude du verre afin de pallier les déficiences archéologiques ou historiques. Par rapport aux dernières grandes publications datant de presque trente ans, le programme de ce colloque faisait la part belle à l’archéométrie dont les méthodes ne cessent d’évoluer vers plus de précision. Inspirées des sciences dures et appliquées aujourd’hui à l’objet archéologique, elles permettent de réfléchir sur l’origine des matières premières, les lieux de production, les recettes de fabrication ou encore les processus de dégradation du verre en contexte d’enfouissement. Il avait d’ailleurs été explicitement demandé aux auteurs présentant le lot exceptionnel de vitraux alto-médiévaux de Baume-les-Messieurs d’aborder les processus de restauration et de conservation appliqués à ce mobilier, extrêmement fragile.
11En effet, le verre médiéval doit aussi son regain d’intérêt aux progrès faits dans le domaine de la préservation du matériau. Celui-ci étant fréquemment découvert dans un état d’altération avancé, son étude dépend parfois exclusivement des moyens mis en œuvre pour assurer sa stabilisation et son intégrité physique.
12Enfin, une des réussites de ces rencontres a été d’avoir pu offrir une vision d’ensemble de la chaîne opératoire du verre, de l’atelier au recyclage des objets, en passant par leur commerce, leur diffusion et leur consommation. Ces questions ont pu être abordées à différentes échelles, mettant en évidence toute la complexité de ce type de mobilier dont la production et les usages font généralement intervenir divers lieux, parfois éloignés de plusieurs centaines de kilomètres. Ce constat a ainsi mis en exergue l’intérêt de réunir la communauté scientifique autour de ce thème afin de stimuler les discussions et les coopérations entre chercheurs. La multiplicité des regards sur ces problématiques est d’autant plus précieuse qu’ils viennent d’horizons variés (universités, laboratoires de recherche, opérateurs d’archéologie préventive, restaurateurs-conservateurs, archivistes, artisans verriers, etc.).
13Pour la présentation des actes, le classement des différents sujets de façon thématique ou chronologique obligeait à des allers-retours géographiques qui n’étaient pas satisfaisants. Nous avons donc opté pour une solution simple et qui montre bien l’éventail des compétences et des spécialités : une répartition géographique des textes, mêlants synthèses et sujets plus thématiques. Même si la France représente la part prépondérante des communications, le sommaire est alors à lui seul une promenade européenne et même outre-Atlantique puisque le Canada participe du voyage. Il est à l’image du public qui a assisté au colloque : 143 personnes, parmi lesquelles dix nationalités étaient représentées en plus de la France : Italie, Espagne, Portugal, Angleterre, Irlande, Belgique, Suisse, Allemagne, Canada et Israël.
Notes de bas de page
1 Signé H. Sedláčková, D. Rohanová, B. Lesák et P. Šimončičová-Koošová, « Medieval Glass from Bratislava (ca 1200-1450) in the Contexte of Contemporaneous Glass Production and Trade Contacts », Památky Archeologické (Archeologicky Ustav AV CR Praha). Il est riche en analyses de verre.
2 L’ouvrage « Le verre de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge, typologie, chronologie, diffusion », paru en 1995 sous la direction de D. Foy (éd° Musée archéologique Départemental du Val d’Oise), actes des 8e rencontres de l’Afav en 1993, présente principalement du mobilier antérieur au VIIIe siècle.
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Le verre du VIIIe au XVIe siècle en Europe occidentale
Ce livre est cité par
- Freestone, Ian C.. (2023) Handbook of Archaeological Sciences. DOI: 10.1002/9781119592112.ch44
Le verre du VIIIe au XVIe siècle en Europe occidentale
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