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Une voix étrange et dissonante de la démocratie radicale. Joseph Déjacque et la législation directe
p. 199-210
Texte intégral
1L’œuvre de Joseph Déjacque est une des petites étoiles du courant utopiste qui traversa le ciel des idées au xixe siècle ; elle en a partagé le sort, si l’on juge avec Michèle Riot-Sarcey que la Troisième République a rendu inaudibles ces « voix étranges » et « profondément dissonantes »1, en les noyant dans le suffrage universel et la reconnaissance des organisations syndicales.
2Les poésies de cet autodidacte2 se ressentent de l’atmosphère troublée des années 1840, avant de rendre compte des événements de Février dont il est un acteur3, puis du tournant conservateur de la République4 ; son évolution suit celle d’un Proudhon, son « maître en anarchie ». La répression qui suit les journées de Juin le jette de longs mois en prison. Il n’en sort qu’au printemps 1849 mais son premier recueil de poèmes tombant sous le coup de la censure, en mai 1851 Déjacque prend la route de l’exil. À Londres puis Jersey, entre 1852 et 1853, il commence la rédaction de La Question révolutionnaire pour tirer les conséquences de l’échec des révolutions de 1848 et du coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte. Il y développe aussi ses premières considérations sur la législation directe, un thème alors d’actualité après que la loi du 31 mai 1850 (qui excluait près de trois millions de citoyens du corps électoral) a été considérée par une partie de la gauche radicale comme une trahison des représentants5. Question absolument essentielle, en ce qu’elle interroge la réalité de la souveraineté et la manifestation des volontés du peuple.
3Les réflexions entamées dans ce texte se déploieront ensuite dans le journal publié durant son exil américain, où l’aura rejeté une situation matérielle difficile. Isolé en Amérique, Déjacque publie Le Libertaire, journal du mouvement social, dont 27 numéros paraîtront entre le 9 juin 1858 et le 4 février 1861. De cette entreprise solitaire, on retiendra ici la publication de L’Humanisphère. Utopie anarchique (n° 1-16)6 et la série d’articles sur La Législation directe et universelle (n° 15-18). La quasi-simultanéité des textes s’explique par la volonté de Déjacque d’ouvrir sa rêverie utopique sur des considérations réalistes, puisque « pour libertaire ou anarchiste qu’on soit, il n’en faut pas moins vivre dans son siècle, compter avec les populations contemporaines. On peut entrevoir la grande et libre cité humaine, la cité de l’avenir, mais on ne peut y aborder qu’en passant sur le corps de plusieurs générations »7. L’utopie est partie intégrante de sa pensée critique, dont elle apparaît comme le complément indispensable8. Œuvre d’un « socialiste utopiste » selon la typologie de Marx et Engels, L’Humanisphère pose que « toutes les idées novatrices furent des utopies à leur naissance ; l’âge seul, en les développant, les fit entrer dans le monde du réel […]. La science sociale sera l’œuvre des rêveurs de l’harmonie parfaite »9 – le temps seul traçant donc la ligne de partage entre l’utopie et le réel.
4C’est à travers le prisme de la législation directe qu’on abordera cette pensée originale. Déjacque arrive relativement tard sur ce sujet, après que Rittinghausen (1814-1890), Considerant (1808-1893), Ledru-Rollin (1807-1874), Louis Blanc (1811-1882), Pecqueur (1801-1887) et Proudhon (1809-1865) [pour les plus connus] ont discuté de la « vraie » démocratie10. La loi du 31 mai ayant éprouvé la forme démocratique du pouvoir dont les socialistes avaient investi l’idéal républicain, Jacques Donzelot note que la République n’apparaît plus alors « comme une réponse, mais comme un problème : moins un remède qu’un défi à relever »11. Déjacque s’y attelle à son tour, totalement désillusionné sur la démocratie représentative et sa capacité à rendre actif un peuple présenté complaisamment comme passif par les tenants de la représentation. Le (re)lire aujourd’hui, à l’heure d’une nouvelle crise de la représentation et alors que les citoyens hésitent entre « repli sur soi » et nouvelles formes de participation politique, donne une tonalité singulière à cette célébration complexe de l’égoïsme individuel au cœur d’un système de législation directe. Le temps d’un rêve élaboré sur les rives de l’exil, redécouvrons donc cette voix étrange et dissonante de la pensée socialiste du xixe siècle.
I. La critique de la représentation
5Sous la monarchie de Juillet (annoncée comme devant être, « socialement » le règne des capacités et « politiquement » un trône entouré d’institutions républicaines) les pauvres, sans tribune et non représentés, sont asservis à l’autorité d’un pouvoir qui ne s’exerce pas par le peuple mais sur le peuple. On mesure alors les espoirs de la révolution de Février, par le lien établi entre suffrage universel et amélioration de la condition des prolétaires, dont les intérêts seront défendus à la Chambre par les représentants de la « question sociale ». Mais si le représentant est aujourd’hui un gouvernant « élu », cette conception univoque ne va pas de soi en 1848, où la représentation appelle encore des solutions variables : entre février et avril, elle est ainsi revendiquée par le gouvernement provisoire, la Garde nationale, les clubs, la Commission du Luxembourg et par la foule des manifestations12. L’enthousiasme pour le suffrage universel est pourtant tel que l’Assemblée constituante élue le 23 avril confisque la représentation du peuple souverain (ce que confirme Lamartine lors de la première séance : « L’Assemblée a absorbé la souveraineté »13).
6Quelques années plus tard, Déjacque dénonce cette captation comme une première trahison :
[C’est] pour avoir renié les principes, c’est pour avoir crié vive la Réforme au lieu de crier vive la République ; à bas Guizot, au lieu de crier à bas l’autorité ; c’est pour avoir fait de la politique bourgeoise au lieu de faire de l’instruction et de la revendication sociale ; c’est pour avoir bêlé aux banquets unionistes avec les dynastiques, pour avoir abdiqué en faveur de tous les intrigants multifaces, sous prétexte que l’Union fait la force (comme si l’union des moutons et du berger ne conduisait pas toujours les seconds à l’abattoir !) c’est pour avoir, au moment suprême, mis en poche notre écharpe rouge, afin de ne pas effaroucher les écharpes tricolores ; c’est pour toutes ces palinodies, de la veille et du jour, que nous avons eu, le lendemain, le triomphe de ceux avec qui nous avons jésuitiqué avant, pendant et après14.
7Si les élections « produisent le souverain » en république, encore faut-il établir ce qu’est le peuple et comment il se manifeste ; le suffrage universel est nul s’il désigne des représentants qui le trahissent. Ramenant les ruptures du présent au passé révolutionnaire, Déjacque rappelle que le goût de la dictature a perdu la Révolution française, par la confiscation de la souveraineté par les représentants15. A leur suite, les « imbéciles et dupes » ont préconisé la dictature « comme l’auxiliaire de la Révolution sociale, comme un mode de transition du passé au futur » ; mais pires sont les « fripons et les traîtres » qui se servent de la révolution pour arriver au pouvoir en se drapant dans l’uniforme du mandataire.
Combien de nains, certes, qui ne demanderaient pas mieux que d’avoir des échasses officielles, un titre, des appointements, une représentation quelconque pour se tirer de la fondrière où patauge le commun des mortels et se donner des airs de géants. Le commun des mortels sera-t-il toujours assez sot pour fournir un piédestal à ces pygmées16.
8Sous l’Empire, l’exil avive les positions de Déjacque sur la participation aux élections législatives. Après l’abolition de la loi du 31 mai, un sénatus-consulte du 17 février 1852 impose aux députés de prêter serment de fidélité à l’Empire, quand un décret du 25 mars 1852 interdit les réunions publiques (déjà atteintes par la loi sur les clubs du 19 juin 1849). Le sénatus-consulte du 17 février 1858 fait enfin de la prestation « préalable » du serment « par écrit », une obligation pour les « candidats » aux élections législatives. Autant d’entraves qui confèrent au régime son caractère de « démocratie illibérale » (Pierre Rosanvallon). À la fin des années 1850 (mais c’était déjà le cas à Londres et Jersey), Déjacque associe la Nouvelle Montagne de Ledru-Rollin à la bourgeoisie montagnarde, qui aurait dû « révolutionner le sein des masses au lieu de trôner sur elles, et de prétendre à les gouverner »17. L’esprit révolutionnaire a alors cédé face à l’apathie des citoyens. L’auteur déplore avec Rousseau que le mandant, « une fois le suffrage donné, se repose entièrement sur son mandataire du soin de sauvegarder ses intérêts. N’ayant conservé pour lui que le droit d’obéir, sous les peines portées par la loi, l’électeur après l’élection n’est plus qu’un zéro en chiffre, qui laisse tout faire et tout passer sans chercher à y mettre obstacle, et le plus souvent même sans savoir ce qui se fait »18. Si ce refus de la représentation débouche sur une analyse du mandat impératif, la confrontation des textes révèle que celui-ci ne constitue toutefois qu’une étape vers l’établissement de la législation directe.
II. Le recours au mandat impératif
9La démocratie moderne s’est construite contre le mandat impératif, autour du dilemme entre l’indépendance absolue reconnue à l’élu de la nation et sa soumission à ses électeurs19. Sous la monarchie de Juillet, l’élection du député Drault qui s’était engagé à respecter le programme que ses électeurs lui imposeraient, est invalidée le 31 août 1846 au motif que le mandat impératif dissoudrait la souveraineté20. En 1848 Proudhon anticipe la désillusion des ouvriers qui croient pouvoir peser sur leurs députés21, la représentation étant fondée sur l’incapacité du peuple à se gouverner – « la démocratie, comme la monarchie, après avoir posé comme principe la souveraineté du Peuple, aboutit à une déclaration de l’incapacité du Peuple »22. Après l’élection de l’Assemblée, La République rouge dénonce le droit de pétition auquel on veut réduire l’expression populaire et définit le mandat des députés : « le mandat du représentant est impératif ; s’il le viole, son mandant a le droit, le devoir de réprimander d’abord, de lui retirer son mandat ensuite »23. La répression de Juin annule ces revendications, en soulignant dramatiquement le décalage entre le peuple des ouvriers (essentiellement parisien) et la nation représentée.
10Déjacque juge sévèrement le mandat représentatif : « les titres, les mandats gouvernementaux ne sont bons que pour les nullités qui, trop lâches pour être quelque chose par elles-mêmes, veulent paraître »24. Dans le tableau très sombre qu’il compose de l’épisode républicain, seul Proudhon échappe à la critique, car ses écrits ont orienté les masses ouvrières trompées par l’action de leurs représentants25. Il néglige manifestement son passage à la Chambre (dont Les Confessions d’un révolutionnaire dressent pourtant un bilan mitigé), comme si son influence sur l’opinion avait été plus grande comme journaliste que comme député – son isolement l’ayant en outre préservé de toute compromission avec le pouvoir (contrairement à Louis Blanc, « châtelain du Luxembourg », « le mieux intentionné peut-être de tout le gouvernement provisoire, et cependant le plus perfide, celui qui a livré les ouvriers sermonnés aux bourgeois armés »26).
11Déjacque ne traite en revanche du mandat impératif que de façon marginale, dans La Question révolutionnaire publiée en juillet 185427. Dans ce texte commencé en Angleterre à l’époque des premiers bilans de la révolution (fin 1852, début 1853), il dénonce l’appétit de pouvoir de républicains avides de mandats, pour qui le peuple « sera toujours assez bonasse pour prendre les marionnettes pour des hommes et ne pas s’apercevoir à la grosseur des ficelles, que ce n’est ni la cervelle ni le cœur qui les font agir »28. Rien dans ce passage ne permet de conclure à la justification du mandat impératif, mais Déjacque reprend ensuite la question dans La Législation directe et universelle. L’anarchie (harmonie spontanée fondée sur l’égoïsme individuel) n’étant pas immédiatement réalisable pour une génération qui « a sucé le légal, le respect imbécile de l’Autorité », et chez qui l’obéissance au pouvoir est devenue une seconde nature, il faut trouver une « organisation qui ne soit pas encore l’avenir mais qui ne soit plus déjà le passé »29. Par un « emploi démocratique de la liberté légale », le peuple doit se former « à l’idée comme à la pratique de la liberté anarchique »30 qui sera la sienne dans L’Humanisphère. Après la future révolution sera donc créée « une commission, chargée par mandat purement impératif et exclusivement administratif, d’organiser dans les vingt-quatre heures le fractionnement des sections législatives, leur rouage direct et universel »31. L’expression « mandat purement impératif et exclusivement administratif » pose non seulement le principe d’une responsabilité des mandataires vis-à-vis de leurs mandants, mais elle suggère que ces mandataires ne bénéficieront d’aucune marge de manœuvre, n’étant que les « exécutants » de la volonté du peuple auquel ils prêtent leur aide (sens premier de administrare, ministrare). Qui seront-ils ? Par un sens tout proudhonien du paradoxe, Déjacque suggère de les recruter (il ne précise pas si ce devrait être par élection) « parmi les réacteurs les plus compromis, les plus exécrablement célèbres […] ; des échappés de l’Empire portant sur l’épaule ou sur le font le stigmate encore fumant de la réprobation publique, la mention cuisante de leurs crimes, les Fould, les Rouher, les Baroche, tous les Trop-long [sic] alors du gouvernement déchu »32. Réduits au travail technique de découpage du territoire en « sections législatives », ces « forçats de la Révolution triomphante » seront démis après une journée, dans une sorte de « pilori de l’Autorité, passée, présente et à venir ». Ensuite de quoi la délégation ne subsistera que sur un mode purement administratif, pour l’exécution des lois votées par le peuple ; et les fonctionnaires désignés pour ce faire seront munis de mandats impératifs :
Toute représentation, toute délégation doit être souverainement, absolument interdite, sous quelque prétexte et pour quelque cause que ce soit ; car la représentation, la délégation, c’est l’abdication. Tout au plus peut-on nommer à des fonctions administratives, et encore, non pas toujours universellement mais surtout spécialement33.
12Cette conception d’une responsabilité forte des mandataires vis-à-vis de leurs commettants a sans doute été inspirée à Déjacque par la connaissance pratique qu’il a pu avoir des clubs et des associations ouvrières qui se sont multipliées avec la République (sa présence est attestée aux séances du Club de l’atelier puis du Club des femmes). Non seulement la fraternité qui liait leurs membres (formalisée dans les actes de la société, discutés et consentis en assemblée générale) induisait pour ceux-ci davantage de devoirs que de droits, mais les gérants étaient dotés d’un mandat impératif, partant ils étaient toujours révocables par l’assemblée générale des sociétaires34.
13La série sur la législation directe se conclut sur l’esquisse d’une constitution où la représentation est remplacée par un mécanisme d’adjudication des fonctions publiques et des relations extérieures35. Ce système d’attribution des fonctions publiques repose sur l’engagement des citoyens mais, pour décourager toute avidité personnelle, il est adossé à un mandat impératif : les adjudicataires seront tenus par les engagements souscrits auprès du peuple. Le formalisme de l’adjudication constitue d’ailleurs une garantie de fidélité aux engagements, puisque leur responsabilité est inscrite dans un acte juridique… contrairement à la représentation matérialisée par la seule élection, dans laquelle le représentant « ne tient jamais ce qu’avait promis le candidat : il est essentiellement incapable quand il n’est pas essentiellement corruptible »36. Les agents publics étant sous la surveillance du peuple adjudicateur, la fin du mandat représentatif signifie aussi la disparition des intrigues de cabinet ; ne subsisteront que « des mandataires, drapés dans la légale parole du peuple, et agissant au grand jour et à mandat découvert »37. Si cette proposition confirme le refus de la représentation, fondé sur le respect absolu de la souveraineté du peuple, le système de législation directe, dans son principe, semble toutefois reposer sur un individualisme radical38.
III. La législation directe comme transition vers l’anarchie
14L’ignorance du peuple est un des lieux communs invoqués pour justifier la représentation : « peuple principe » (abstrait et muet), « peuple enfant » (sous tutelle), « peuple animal » (bon à produire)… autant d’acceptions accolées au peuple auxquelles les tenants de la législation directe opposent la complexité réelle du « peuple société ». Les travaux de Rémi Gossez, Jacques Rougerie ou Jacques Rancière39 ont montré que dans les associations ouvrières, dans les journaux ou dans les clubs du premier xixe siècle, existe une culture propre, sous-jacente, autonome, qui témoigne d’une prise en charge du politique « au ras du sol »40, et dont rendent compte à leur tour les projets de législation directe, fondés sur le postulat d’un peuple vertueux, actif, engagé dans la vie politique (postulat dont on redira qu’il trouve son fondement dans la connaissance que les promoteurs de la législation directe avaient des associations ouvrières et de l’organisation collective du peuple)41.
15Pour Déjacque, la législation directe doit « métamorphoser par le stimulant d’un intérêt universel et direct, la passivité des masses en activité, l’esprit inerte en intelligence animée »42. Si le système repose sur un jeu d’élections, il s’agira toutefois de désigner des lois et non des candidats, après que les modalités du suffrage auront été transformées :
Il y aura des lois candidates comme il y avait des hommes candidats. C’est au peuple à discerner le bien du mal. Il ne lui sera pas plus impossible de choisir les meilleures lois que les meilleurs représentants43.
16On se rappelle que le premier acte de la Révolution aura institué les « sections législatives », contre le mythe de l’unité centralisée de la nation ; c’est une nouvelle convergence avec Proudhon, pour qui la centralisation étouffe l’autonomie des groupements sociaux. La législation directe rendra « sa spontanéité à chaque groupe social (ou communal) dans la nation, et à chaque individu au sein de chaque groupe. Peut-être est-il réservé à nos communes de donner au monde le premier exemple de cette hiérarchie naturelle dans laquelle toutes les fonctions se trouveraient librement distribuées »44. L’esquisse de constitution confirme que « l’unité de la République est formée de toutes les communes aujourd’hui existantes et fédérées alors entre elles. La commune est fractionnée en autant de sections qu’il est nécessaire pour la facilité des réunions et des délibérations. Le peuple, dans sa collectivité nationale, est souverain pour décider de ce qui est d’intérêt général. Le peuple, dans sa collectivité communale, est souverain pour décider de ce qui est d’intérêt local » (article 2). Entre ces groupes naturels, une hiérarchie se déploie, des « sections de commune » en charge des intérêts locaux aux « sections de la république » pour les questions d’intérêt général. Et à l’intérieur de chacune d’elles, s’articuleront autant de commissions spéciales qu’il sera nécessaire pour l’examen, le rapport, et la rédaction des propositions de lois. Ces commissions se recruteront « volontairement, anarchiquement parmi l’universalité des habitants de la commune, si elles sont d’intérêt local, ou parmi l’universalité des habitants des communes-unies si elles sont d’intérêt général » (article 3).
17Inspirée par Proudhon et Fourier45 autant sans doute autant que par la trinité de 1848 (« liberté, égalité, fraternité »), la législation directe repose sur une harmonie spontanée et pluraliste des groupes sociaux, qui élaborent chacun leurs règles de fonctionnement et négocient entre eux les conditions juridiques de leurs échanges ; ce système d’autonomie se régulera automatiquement, par une coordination spontanée. Dans L’Humanisphère. Utopie anarchique, chaque citoyen trouve « dans son initiative ou dans l’initiative de ses proches, les mesures propres à sauvegarder son indépendance »46. On déjoue ainsi le piège de la représentation, cause de l’apathie du mandant. La législation directe stimule le citoyen, qui participe aux discussions de sa communauté, puisqu’il « lui importe de ne rien faire et de ne rien laisser faire qui puisse porter atteinte à ses intérêts ». Cette mobilisation est un stéréotype du genre utopique : les comportements individuels se régulent spontanément, sous le regard des autres ; mais dans la logique individualiste de l’auteur, c’est avant tout « devant soi-même » que chacun est comptable de son engagement :
L’exercice de ce droit devient pour lui un cours permanent de liberté. Chaque jour il acquiert de nouvelles connaissances ; ces connaissances modifient les mœurs, les épurent, les élèvent, et, par contre, enlèvent chaque jour à la légalité quelqu’abus, la détruit article par article, jusqu’au moment où les mœurs ayant assez d’autorité pour être toute la loi, le gouvernement cessera d’être collectif et deviendra individuel dans chacun et pour chacun […]. La législation directe est certainement un progrès sur la délégation. Légalité pour légalité, mieux vaux celle faite par tout le monde que celle faite par un petit nombre de privilégiés47.
18C’est donc au peuple de se doter de ses lois48, dans un système qui articule droit d’initiative et de parole dans/entre les sections législatives. Le tout sans risque d’inflation législative, comme en atteste la description du « Cyclidéon », la tribune des orateurs que n’osent affronter « que ceux qui ont à répandre, du haut de cette urne de l’intelligence, quelque grande et féconde pensée »49. Loin des bavardages des députés, le souci de leur réputation retiendra les citoyens de s’exprimer à tort et à travers. L’élaboration des lois se fait ensuite dans des « académies libres », recrutées parmi les deux sexes, en concurrence les unes avec les autres. L’Humanisphère évoque les réunions hebdomadaires dans la salle des conférences (« petit cyclidéon »), où « ceux qui sont les plus versés dans les connaissances spécialement en question, y prennent l’initiative de la parole ». L’échange ne se joue toutefois pas qu’entre spécialistes, puisque les projets ont été publiés et discutés en petits groupes50. On peut sans doute y trouver une nouvelle projection de l’activité débordante dans les associations et les clubs de 1848. Déjacque y voit en tout cas la condition d’une prise rapide des décisions collectives. À l’issue du processus, le vote des lois s’inspire d’une logique pétitionnaire :
Toute proposition d’intérêt général qui réunit 5 000 adhérents, est portée de droit à la connaissance de toutes les sections et communes-unies. Toute proposition d’intérêt local qui réunit 100 adhérents, est portée de droit à la connaissance de toutes les sections de la commune (article 4).
19Lecture est alors faite de la proposition aux assemblées populaires, qui décident ou non de la prendre en considération ; le cas échéant, elle est remise à une commission spéciale réunissant tous les citoyens intéressés, qui mettra en forme le projet de loi. Le texte revient alors à l’ordre du jour des sections, où son adoption se joue à la majorité simple des suffrages exprimés (article 5). La précision est importante, car elle distingue la législation directe du rêve utopique de L’Humanisphère, où l’unanimité des discussions populaires rendait inutile l’idée même de vote51 ; la législation directe assume au contraire la confrontation des points de vue, avec à terme un arbitrage entre les propositions contraires fondé sur un système croisé de votes et de « livres de statistiques » (supposés garantir une autorité objective)52.
20Le caractère d’évidence de ce système, la conviction de son auteur dans la possible effectivité de la législation directe, réside sans aucun doute possible dans l’expérience quotidienne des délibérations des associations dont Déjacque a été membre, et dont il conserve le souvenir de l’efflorescence dans les premiers mois de la République (avant que l’élection de l’assemblée constituante ne confisque l’expression de la souveraineté). Mais quelle serait la valeur des lois ainsi produites ? À l’image des autres tenants de la législation directe, il ne pose à vrai dire pas la question et c’est précisément un des griefs que leur opposait Proudhon, qui doutait des vertus de la simplicité mises en avant par les théoriciens du gouvernement direct53 ; il faudrait d’ailleurs se demander l’impact qu’ont pu avoir ses critiques sur Déjacque, pour qui la législation directe ne constitue « certainement pas le dernier mot de la science sociale », mais une phase de transition vers l’anarchie. Ce qui ne remet pourtant pas en cause, selon nous, l’intérêt d’une réflexion poussée sur l’expression de la souveraineté populaire, et le refus de réduire la volonté du peuple à un simple décompte des bulletins de votes.
21Fondée sur la notion de « consentement » affirmée par les révolutionnaires en 1789, l’obéissance aux lois repose moins sur la force que sur la conviction. Si Michèle Riot-Sarcey dénonce comme un « paradoxe de la modernité » le fait de vanter l’indépendance politique tout en postulant la soumission de chacun54, Déjacque prétend apparemment y échapper, en application du principe rousseauiste selon lequel le peuple n’est libre que quand il obéit aux lois qu’il s’est librement données. Derrière la dialectique soumission/liberté que la loi vient donc équilibrer, il récuse les accusations de naïveté en livrant même une intéressante leçon de pédagogie :
Ce n’est qu’en forgeant qu’on apprend à être forgeron ; ce n’est qu’en faisant des lois que le peuple apprendra à les bien faire. Je sais bien que l’apprenti forgeron se cogne plus d’une fois sur les ongles avant de savoir bien forger. Cela lui apprend à porter plus d’attention à ce qu’il fait […]. Le peuple apprenti législateur se cognera bien aussi dessus quelquefois en légiférant, celui lui apprendra à examiner de plus près les propositions et à mieux manier son vote. Et si, un jour, il fait de mauvaises lois, le lendemain, il en sera quitte, pour les mettre au rebut et en forger et en marteler de meilleures55.
22Par où l’on voit que la législation directe est une critique du mythe de l’infaillibilité de la loi forgé par les révolutionnaires pour justifier l’autorité des assemblées. Mieux même, elle désacralise la loi, qui « n’est que ce qu’on la fait. Et comme elle est essentiellement provisoire, et que le législateur, qui est tout le monde, peut toujours la défaire, elle est beaucoup moins dangereuse que le représentant, sans parler même de tous les inconvénients attachés à la représentation et qui font que le mandant, souverain la veille, se trouve n’être plus, au lendemain de l’élection, que le serviteur du mandataire »56. On songe ici au « suffrage universel progressif » de Proudhon capable de « se réviser incessamment lui-même : là est le principe, la condition de notre perfectibilité »57, et il semble que chez l’un et l’autre le progrès s’accommode donc parfaitement de l’erreur, par laquelle le peuple œuvre à l’amélioration de ses propres lois58. Celles-ci seront même d’autant plus facilement modifiables qu’elles ne seront pas nombreuses, ce qui est un autre aspect de la démystification de la loi : le système ne semble devoir reposer que sur quelques grandes lois-cadres59. Là non plus, pas d’irréalisme mais au contraire une fidélité aux principes : il faut en effet toujours avoir présent à l’esprit que Déjacque pense une « société de l’émancipation », dégagée des contraintes de la domination et de la hiérarchie, en postulant que ce sont justement ces contraintes qui provoquent la lutte de chacun contre tous, selon un mécanisme qui génère donc de lui-même l’arsenal normatif contraignant. D’où il faut conclure que la fin de la domination rendra inutile cet arsenal coercitif, ce dont atteste cet extrait d’une lettre à Proudhon dans laquelle notre auteur annonce que l’avènement de la « science humanitairement sociale » amènera avec lui la fin de la législation et de son arsenal répressif (l’anarchie) :
Des mœurs, comme a dit Girardin, et pas des lois. L’opinion publique dans ses manifestations sociales doit seule agir sur celui qui, inconsciemment, a attenté à l’Humanité, en attentant à la vie et aux propriétés naturelles de son prochain. J’ai dit inconsciemment, car il est évident qu’il n’y aurait guère ni crime ni malversation entre les hommes, si chacun, dégagé des entraves que les vieilles et modernes superstitions font peser sur lui, avait quelque peu conscience de la solidarité60.
23On peut évidemment voir dans cette solidarité – prolongement de la camaraderie prolétaire des clubs et associations –, la preuve du caractère fondamentalement utopique de la pensée de Déjacque. Mais avant d’en récuser la naïveté, il vaut sans doute la peine de méditer ce rappel de Simone Weil :
Décrire même sommairement un état de choses qui serait meilleur que ce qui est, c’est toujours bâtir une utopie ; pourtant, rien n’est plus nécessaire à la vie que des descriptions semblables, pourvu qu’elles soient toujours dictées par la raison. Toute la pensée moderne depuis la Renaissance est d’ailleurs imprégnée d’aspirations plus ou moins vagues vers cette civilisation utopique61.
24Pour l’anecdote, Proudhon, qui s’est toujours défendu d’être un utopiste, devait aussi finir par défendre les « rêveries utopistes » contre le prétendu pragmatisme de leurs adversaires62.
25Rentré en France après l’amnistie du 17 août 1859, Déjacque meurt le 18 novembre 1865, en plein débat sur les candidatures ouvrières à la députation, formalisée dans Le Manifeste des soixante (17 février 1864). On peut imaginer comment il aurait accueilli cette proposition ; son « maître en anarchie » a quant à lui consacré ses dernières forces à justifier l’abstention comme moyen de fédérer les classes ouvrières (De la capacité politique des classes ouvrières). Ce refus fondera le syndicalisme révolutionnaire de la Troisième République commencée sur les ruines de la Commune, dont on se rappelle qu’elle prétendait à son tour faire du citoyen autre chose qu’un simple électeur. Si la République finit par faire taire les voix dissonantes de l’utopie, la législation directe de Déjacque aura tenté de dépasser ce qui reste malgré tout une aporie de la pensée républicaine, toujours prise en tension entre une diminution des exigences de la citoyenneté (par le recours à la représentation) et un investissement politique fort attendu des citoyens. Alors que le manque d’intérêt actuel pour les élections témoigne de l’essoufflement du modèle représentatif, Déjacque offre un éclairage original sur ce qui reste la vérité fondamentale de notre modernité politique : la construction de la légitimité s’inscrit moins dans une logique d’imposition que dans une logique de participation63.
Notes de bas de page
1 Riot-Sarcey Michèle, 1998, Le réel de l’utopie. Essai sur le politique au xixe siècle, Paris, Albin Michel.
2 Jacques Rougerie ne range pas la poésie parmi les formes traditionnelles de la sociabilité dont il fait un des vecteurs de l’acculturation politique à l’œuvre dans le premier xixe siècle ; on peut toutefois imaginer qu’au même titre que les chansons, la diffusion des poésies participait d’une forme d’enseignement démocratique. Rougerie Jacques, 1994, « Le mouvement associatif populaire comme facteur d’acculturation politique à Paris, de la Révolution aux années 1840 : continuité, discontinuités », Annales historiques de la Révolution française, n° 297, p. 493-516.
3 Son nom et sa profession (« Déjacque Colleur ») figurent au bas d’une affiche publiée le 26 février. Richomme Charles, 1848, Journées de la révolution de 1848 par un garde national, Paris, L. Janet, p. 149.
4 Déjacque Joseph, 1848, La Proclamation de la République, poème en 185 vers, Paris, A. René, 4 p. ; 1848 (mars), Aux ci-devant dynastiques. Aux tartufes du peuple et de la liberté, poème en 94 vers, Paris, A. René, 4 p.
5 Chambost Anne-Sophie, 2010, « Proudhon et l’opposition socialiste à la loi du 31 mai 1850. Face à la trahison des représentants », Revue française d’histoire des idées politiques, n° 31, p. 81-107.
6 Cette utopie anarchique est « quelque chose d’hyperboliquement bon, d’hyperboliquement beau, quelque chose d’ultra et d’extra-naturel, le paradis de l’homme sur terre » (Déjacque Joseph, 1899, L’Humanisphère, Paris, Bibliothèque des Temps nouveaux, p. 83).
7 Déjacque Joseph, 1859 (27 juillet), « La Législation directe et universelle », partie i, Le Libertaire, n° 15.
8 Déjacque Joseph, L’Humanisphère, op. cit., p. 14.
9 Ibid., p. 73.
10 Chambost Anne-Sophie, 2017, « Constantin Pecqueur (1801-1887). Contribution discrète au débat sur le gouvernement direct », in Coste Clément, Frobert Ludovic et Lauricella Marie, De la République de Constantin Pecqueur (1801-1887), Besançon, PUFC, p. 255-282.
11 Donzelot Jacques, 1994 [1984], L’invention du social, Paris, Seuil, p. 18.
12 Hayat Samuel, 2014, Quand la République était révolutionnaire. Citoyenneté et représentation en 1848, Paris, Seuil.
13 Cité par Le Constitutionnel, 9 mai 1848.
14 Déjacque Joseph, 1859 (6 mars), « Anniversaire du 24 février », Le Libertaire, n° 11.
15 Déjacque Joseph, L’Humanisphère, op. cit., p. 52.
16 Déjacque Joseph, 1859 (7 avril), « L’Autorité. – La Dictature », Le Libertaire, n° 12. Comp. « La Législation directe et universelle », partie i, art. cit.
17 Déjacque Joseph, L’Humanisphère, op. cit., p. 53.
18 Déjacque Joseph, 1858 (16 juillet), « La Nouvelle-Orléans », Le Libertaire, n° 3.
19 Manin Bernard, 1996, Principes du gouvernement représentatif, Paris, Flammarion, p. 209-213 ; Zaidman Pierre-Henri, 2008, Le mandat impératif de la Révolution française à la Commune de Paris, Paris, Éd. du Monde libertaire ; Cazals Marie (de), 2009, La représentation politique nationale en droit constitutionnel français, thèse de doctorat en droit, Toulouse, Université de Toulouse 1, p. 241.
20 Guizot François, 1863-1864, Histoire parlementaire de la France : recueil complet de discours prononcés dans les chambres, de 1819 à 1848, Paris, Michel Levy, p. 293 ; Revue des deux mondes, t. 15, 1846, p. 892.
21 Proudhon Pierre-Joseph, 2003, La Solution du problème social [1848], s. l., Éd. Tops-Trinquier, p. 68.
22 Ibid., p. 74.
23 La République rouge, 11 juin 1848.
24 Déjacque Joseph, « L’Autorité. – La Dictature », art. cit.
25 Ibid. ; « C’est en lui que se personnifia l’agitation révolutionnaire des masses. Et pour cette représentation-là, il n’est besoin ni de titre ni de mandat légalisés. Son seul titre, il lui venait de son travail, c’était sa science, son génie. Son mandat, il ne le tenait pas des autres, des suffrages arbitraires de la force brute, mais de lui seul, de la conscience et de la spontanéité de sa force intellectuelle. Autorité naturelle et anarchique, il eut toute la part d’influence à laquelle il pouvait prétendre. […] Sa mission n’est pas de garrotter ni de raccourcir les hommes, mais de les grandir de toute la hauteur de la tête, mais de les développer de toute la force d’expansion de leur nature mentale ».
26 Déjacque Joseph, « L’Autorité. – La Dictature », art. cit.
27 Contra Zaidman Pierre-Henri, Le mandat impératif…, op. cit., p. 49-50. L’auteur assimile l’ouvrage de 1854 à la série d’articles sur la législation directe et universelle qui date de 1859. Sur le site http://joseph.dejacque.free.fr/, le texte de La Question révolutionnaire est associé avec le troisième article de la série sur la législation directe ; celui-ci retravaille toutefois le passage de La Question révolutionnaire précédemment consacré à ce thème.
28 Déjacque Joseph, 2011, Autour de la question révolutionnaire (1852-1861), Paris, Mutines Séditions, p. 37-38.
29 Déjacque Joseph, « La Législation directe et universelle », partie i, art. cit.
30 Ibid.
31 Déjacque Joseph, 1859 (18 août), « La Législation directe et universelle », partie ii, Le Libertaire, n° 16.
32 Ibid.
33 Ibid.
34 Ex. : Manuel des associations ouvrières par un délégué au Luxembourg, Paris, Michel, 1850 (l’ouvrage est anonyme mais Henri Feugueray évoque un Manuel des associations ouvrières publié fin 1849 par Antonin Romand) ; Feugueray Henri, 1851, L’Association ouvrière industrielle et agricole, Paris, G. Havard (en annexe, l’auteur présente les formes légales des associations ouvrières, à partir des sociétés commerciales du Code de 1807 : société en nom collectif [elle a la préférence de l’auteur dans le contexte juridique du temps], commandite, société anonyme, association en participation). Si l’ouvrage fondateur de Rémi Gossez livre un panorama très précis des associations ouvrières entre lesquelles se répartissent les masses populaires pendant la Seconde République, il ne livre que peu de précisions sur les modalités concrètes de leur organisation et les règles qui les régissent (Gossez Rémi, 1967, Les ouvriers de Paris. Livre premier. L’organisation 1848-1851, Paris, Société d’histoire de la révolution de 1848).
35 Déjacque Joseph, 1859 (30 septembre), « La Législation directe et universelle », partie iii, Le Libertaire, n° 17, article 6 : « la nomination aux fonctions publiques ne se fait pas par l’élection mais par l’adjudication. Le fonctionnaire ou l’association de fonctionnaires est toujours et à chaque instant révocable et responsable » ; article 9 : « l’universalité du peuple nomme aussi, au moyen de l’adjudication, ses commis auprès des autres nations, avec mandat impératif, c’est-à-dire qu’elle adjuge à une ou plusieurs associations soumissionnaires les bureaux représentatifs de la France à l’étranger, ce qu’on nomme aujourd’hui les consulats et les ambassades ».
36 Déjacque Joseph, « La Législation directe et universelle », partie ii, art. cit.
37 Ibid. (article 9).
38 Déjacque Joseph, « L’Autorité. – La Dictature », art. cit.
39 Rancière Jacques, 1981, La nuit des prolétaires. Archives du rêve ouvrier, Paris, Fayard.
40 Ménard Louis [édité par Filippo Benfante et Maurizio Gribaudi], 2007, Prologue d’une révolution. Février-juin 1848, Paris, La Fabrique.
41 En dernier lieu, Riot-Sarcey Michèle, 2016, Le procès de la liberté. Une histoire souterraine du xixe siècle, Paris, La Découverte (chap. 3 « Le temps des associations »).
42 Déjacque Joseph, « La Législation directe et universelle », partie i, art. cit.
43 Déjacque Joseph, « La Législation directe et universelle », partie ii, art. cit.
44 Déjacque Joseph, 1858 (21 septembre), « Réveil des communes », Le Libertaire, n° 6. Cet article est repris de L’Indépendant de Neuchâtel, qui avait cité les propositions de Déjacque sur la législation directe. Signe de la relative notoriété de l’auteur dans les cercles anarchistes de l’époque.
45 Déjacque Joseph, 1859 (26 octobre), « La Législation directe et universelle », partie iv, Le Libertaire, n° 18.
46 Déjacque Joseph, L’Humanisphère, op. cit., p. 53.
47 Déjacque Joseph, « La Nouvelle-Orléans », art. cit.
48 Déjacque Joseph, 1859 (26 octobre), « La Législation directe et universelle », partie iv, art. cit.
49 Déjacque Joseph, L’Humanisphère, op. cit., p. 113. Dans la logique fédéraliste de Déjacque, il y a un Cyclidéon dans le grand humanisphère et des petits cyclidéons définis comme des parlements de l’anarchie où « chacun est le représentant de soi-même et le pair des autres […] ; là on ne pérore pas, on ne dispute pas, mais tous, jeunes ou vieux, hommes ou femmes, confèrent en commun des besoins de l’Humanisphère. L’initiative individuelle s’accorde ou se refuse à soi-même la parole, selon qu’elle croit utile ou non de parler ».
50 Ibid., p. 135.
51 Ibid. : « la majorité ou la minorité ne fait jamais loi. Que telle ou telle proposition réunisse un nombre suffisant de travailleurs pour l’exécuter, que ces travailleurs soient la majorité ou la minorité, et la proposition s’exécute, si telle est la volonté de ceux qui y adhèrent. Et le plus souvent il arrive que la majorité se rallie à la minorité ou la minorité à la majorité […] l’attraction est toute la loi de leur harmonie […] La contrainte est la mère de tous les vices. Aussi est-elle bannie par la raison, du territoire de l’Humanisphère ».
52 Ibid. p. 113. Au xixe siècle l’épanouissement de la statistique accompagne celui de la pensée scientiste : l’image chiffrée étant présumée représenter la réalité sociale, certains penseurs y trouvent la solution à l’ensemble des problèmes humains.
53 Proudhon Pierre-Joseph [édité par Pierre Haubtmann], 1974, Carnets, t. 4, Paris, M. Rivière, p. 176 (carnet viii, octobre 1850) : « À quelle majorité le peuple acceptera-t-il les lois ? Quel sera le nombre minimum de votants ? Quelles questions lui seront soumises ? Quelles seront réservées à l’Assemblée ? Le peuple prononcera-t-il par oui et non : ou bien aura-t-il la faculté de faire des amendements ? Le peuple votera-t-il sans délibération ? Ne serait-il pas plus simple que l’opinion du peuple fût communiquée à ses mandataires par le corps électoral ? Quelles matières seront soumises à la loi ? Quels objets pourront être règlementés et gouvernementalisés ? ».
54 Riot-Sarcey Michèle, Le réel de l’utopie, op. cit., p. 71.
55 Déjacque Joseph, Autour de la question révolutionnaire, op. cit., p. 41 (« Conclusion à la Question révolutionnaire », Jersey, 1852-1853).
56 Déjacque Joseph, « La Législation directe et universelle », partie ii, art. cit.
57 Proudhon Pierre-Joseph, 1863, Les Démocrates assermentés et les Réfractaires, Paris, E. Dentu, p. 55.
58 Déjacque Joseph, « La Législation directe et universelle », partie ii, art. cit.
59 Ibid. : « je n’entends pas que le peuple soit convié à faire une Constitution, ni un Code civil, ni un Code pénal, mais à formuler trois ou quatre principes fondamentaux, qui serviraient de liens à toutes les communes fédérées, et à décréter au fur et à mesure, dans chaque commune, les mesures de salut public exigées par les nécessités du moment ».
60 Lettre du 4 novembre 1862, rapportée dans Déjacque Joseph, [présentation et notes par Thomas Bouchet], 2016, À bas les chefs ! Écrits libertaires (1847-1863), Paris, La Fabrique, p. 295-296.
61 Weil Simone, 1998 [1955], Réflexions sur la cause de la liberté et de l’oppression sociale, Paris, Folio, p. 121.
62 Proudhon Pierre-Joseph, 1870, Contradictions politiques. Théorie du mouvement constitutionnel au xixe siècle, Paris, Lacroix, p. 194 : « de quel front des empiriques, des brouillons, des charlatans s’en viennent-ils nous reprocher nos utopies, avec leur quinze ou seize constitutions, (dont pas une) n’a pu supporter l’application, pas plus qu’elles ne supportent l’examen ; avec leur quinze ou vingt théories électorales dont pas une n’a pu les satisfaire eux-mêmes ? » (ouvrage posthume publié en 1870 mais composé en 1864).
63 Commaille Jacques, 1994, L’esprit sociologique des lois, Paris, PUF, p. 206.
Auteur
Anne-Sophie Chambost, professeure d’histoire du droit (université Jean Monnet – Saint-Étienne, Cercrid UMR 5137), étudie la pensée juridique (selon une approche matérielle et culturelle) et l’histoire de la pensée politique (rapports du droit public et de la pensée politique, à l’aune de la pensée socialiste).
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