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Déjacque et l’émancipation des femmes
p. 117-128
Texte intégral
1La polémique avec Proudhon autour de la question de l’émancipation des femmes, qui occupe le petit texte De l’être-humain mâle et femelle. Lettre à Pierre-Joseph Proudhon publié par Joseph Déjacque à La Nouvelle-Orléans en mai 1857, constitue peut-être la pièce la plus célèbre de l’œuvre de l’anarchiste français. Cette célébrité tient à la fois aux qualités propres d’un texte brillant et plein de verve, à un intérêt rétrospectif pour les précurseurs du féminisme et à la nature de sa cible, Proudhon. Elle a aussi son revers : elle a contribué à occulter l’œuvre d’utopiste (L’Humanisphère) et de poète (Les Lazaréennes) de Déjacque, elle a conduit à voir en lui une sorte d’anti-Proudhon, alors qu’il se présente lui-même comme « un élève qui a toujours été […] un sujet désobéissant »1, « un fils rebelle, un schismatique »2, et surtout elle a empêché de caractériser la conception spécifique que se fait Déjacque de l’émancipation des femmes et de la différence des sexes.
2Il ne s’agit certes pas de nier l’importance que revêt cette brochure dans l’œuvre et le parcours de Déjacque. C’est en effet à l’occasion de la polémique avec Proudhon que Déjacque forge le mot « libertaire » – il est remarquable qu’il le fasse précisément pour contester le libéralisme et l’anarchisme « juste-milieu » de Proudhon, tel qu’il se manifeste sur la question de l’émancipation des femmes. Mais l’importance de cette polémique avec Proudhon tient aussi au thème sur lequel elle intervient et qui pour Déjacque est tout sauf une question secondaire, qu’il faudrait placer, par exemple aux côtés de la question raciale, derrière la lutte des classes. La centralité de cette polémique tient en troisième lieu au fait qu’en elle, entrent en tension les différentes sources d’inspiration de Déjacque : se confronter à cette question, c’est affronter celle, épineuse, du poids respectif des références à Fourier, Leroux ou Proudhon sous sa plume.
3Suivant en grande partie le mouvement du texte, cette contribution rappelle d’abord le contexte de la lettre ouverte à Proudhon (en signalant la place de la question de l’émancipation des femmes dans l’itinéraire de Déjacque, mais aussi en précisant le contexte qui amène l’anarchiste en exil à prendre la plume), puis propose une caractérisation du féminisme de Déjacque (comme proféminisme et comme différentialisme égalitaire – ce qui amène à souligner ce que Déjacque doit à la théorie des attractions passionnées de Fourier), et enfin montre qu’en attaquant Proudhon sur cette question, Déjacque touche à quelque chose qui est central chez son maître et adversaire.
I. Déjacque, ami des femmes
4On aurait tort de considérer De l’être-humain mâle et femelle comme un texte isolé dans l’œuvre et dans le parcours de Déjacque. Il faut en effet rappeler que Déjacque prit part, dès avril 1848, aux activités du Club des femmes présidé par Eugénie Niboyet3, qu’il publia plusieurs textes (notamment des poèmes)4 dans le journal édité par ce club, La Voix des femmes, et qu’il entretint une amitié durable avec plusieurs de ses membres, dont Jeanne Deroin (une fouriériste) et Pauline Roland. De cette dernière, il publie d’ailleurs dans le n° 5 de son journal Le Libertaire (31 août 1858) une lettre qu’elle avait adressée en 1851 à Émile de Girardin (lettre qui, d’ailleurs, égratignait aussi Proudhon). Du reste, dans Le Libertaire, Déjacque donne régulièrement la parole aux femmes, ce qui est doublement remarquable : d’abord parce qu’en général, il n’est guère enclin à laisser qui que ce soit s’exprimer dans son journal, ensuite parce que cela permet par avance de nuancer l’inévitable impression que l’on peut avoir, en lisant la lettre, d’un Déjacque entamant avec Proudhon, à propos des femmes, une sorte de querelle de mâles théoriciens (pour rester poli). Ainsi dans le n° 13 (12 mai 1859), il reproduit un passage des Conseils aux jeunes filles écrit par Euphémie Vauthier, qui fait l’éloge de l’éducation scientifique des filles, quoique par ailleurs il trouve cette auteure insuffisamment radicale. On peut également signaler le discours qu’il prononce le 26 juillet 1853 sur la tombe de Louise Julien5. Il faudrait toutefois compléter ce portrait de Déjacque en ami des femmes en s’intéressant d’une part à la place qui revient aux figures féminines dans son œuvre littéraire et dramatique6, et d’autre part à ce que furent ses relations avec un certain nombre de femmes, en commençant par sa mère (figure très présente, à la différence de celle de la sœur), et en n’oubliant pas celles dont il s’éprit sans être payé de retour7.
5Outre qu’il fréquente très tôt des militantes féministes, Déjacque se fait avec constance le relais de leurs aspirations à l’égalité politique et sociale, aussi bien dans L’Humanisphère que dans des articles isolés du Libertaire. Les articles sont chargés de la dimension critique : ce qui y prédomine, c’est la dénonciation des relations inégalitaires entre hommes et femmes, qui sont décrites comme des relations d’exploitation, consacrées par la relation contractuelle que constitue le mariage, lequel n’est rien d’autre pour Déjacque qu’une forme légale de prostitution8. On y trouve également des critiques de « la femme telle que la Sauvagerie, la Barbarie et la civilisation l’ont faite »9, ainsi qu’un rappel de la manière dont la question du « droit de la femme » (mais aussi de l’enfant) a émergé au cours des mois qui ont suivi la révolution de Février10. On y trouve enfin une reprise des critiques adressées à Proudhon dans la lettre de 1857, celui-ci étant accusé de vouloir faire des mâles une nouvelle caste bourgeoise, avec pour base « l’esclavage de la femme »11. Même si certaines de ces critiques de la situation de « la femme » sont reprises dans L’Humanisphère (notamment la dénonciation du mariage), il revient à ce dernier ouvrage de proposer positivement un nouveau modèle de relations entre hommes et femmes et de statut social pour « la femme ». L’ouvrage rappelle la conception que se fait Déjacque de la dualité des sexes dans l’humanité, évoque la maternité, insiste sur le fait que les individus des deux sexes doivent disposer d’un logement séparé, doivent pouvoir choisir leur labeur en fonction de leurs inclinations et défend une liberté sexuelle absolue entre êtres humains des deux sexes12.
6Si Déjacque peut dès lors être compté au nombre des « amis des femmes »13, il se pourrait aussi toutefois qu’il puisse tomber sous le type de critiques adressées un siècle plus tard aux représentants de cette catégorie par la féministe Christine Delphy dans son article « Nos amis et nous »14, à savoir : une tendance à se substituer aux femmes, à parler effectivement à leur place, à approuver la libération des femmes du moment que celles-ci les suivent, et à imposer leur conception de cette libération. C’est ce que permet de soupçonner le début de la lettre, ce qui est aussi l’occasion de rappeler la polémique précise dans laquelle elle vient s’insérer. Lorsque Déjacque écrit son petit pamphlet, Proudhon est connu depuis des années pour ses propos sur l’infériorité de la femme sur l’homme. Or au milieu des années 1850, les choses prennent une nouvelle tournure lorsque des femmes choisissent de répondre à Proudhon. Deux méritent particulièrement d’être signalées : Juliette Adam (connue d’abord sous le nom de Juliette La Messine, nom de son premier mari et de Julie Lamber, son nom de naissance, amputé du T final) et Jenny d’Héricourt (née Jeanne-Marie Poinsard). Cette dernière déclenche la fureur de Proudhon en ne se contentant pas de manier une gentille ironie féminine et en pointant du doigt sa crasse ignorance du sexe féminin – et c’est de cette partie de la polémique que Déjacque se fait l’écho au début de son texte15. Jenny d’Héricourt (1809-1875) est une révolutionnaire de 1848, très tôt acquise aux idées de Cabet, fondatrice de la Société pour l’émancipation des femmes16, devenue sage-femme sous le Second Empire.
7Or il semble y avoir un quiproquo au début du texte de Déjacque : celui-ci, dupe du pseudonyme d’apparence noble17 adopté par l’adversaire de Proudhon, voit apparemment en elle une femme de la haute société (il la désigne comme « une dame d’Héricourt »). En outre, il n’a qu’un accès partiel aux textes qui constituent la polémique entre Jenny d’Héricourt et Proudhon, tels qu’ils lui parviennent par le compte rendu qu’en donne La Revue de l’Ouest, hebdomadaire francophone paraissant depuis 1854 à Saint-Louis, dans le Missouri. Or la critique formulée par la militante féministe, d’abord dans son article, puis sous forme d’ouvrage18, brille par son caractère détaillé et argumenté : se lançant dans une véritable guérilla argumentative avec le philosophe bisontin, et tirant aussi parti de son expérience de sage-femme19, elle n’a aucun mal à démonter un par un les arguments qu’il avance en faveur de sa thèse de l’infériorité physique et intellectuelle de la femme.
8La manière dont procède Jenny d’Héricourt permet d’appréhender la spécificité du propos de Déjacque. Celui-ci estime d’abord que J. d’Héricourt ne semble pas être la mieux placée pour répondre à Proudhon :
J’aurais aimé à voir traiter cette question de l’émancipation de la femme, par une femme ayant beaucoup aimé, et diversement aimé, et qui, par sa vie passée, tînt de l’aristocratie et du prolétariat, du prolétariat surtout20.
9Ensuite, Déjacque ne choisit pas de réfuter une à une les inepties déversées par Proudhon à propos d’une prétendue infériorité naturelle de la femme, mais de se placer au point de vue des principes philosophiques. Le geste est donc double : il s’agit d’une part de se faire le champion de la cause des femmes (au motif notamment que la question de l’émancipation de la femme est en fait « la question d’émancipation de l’être humain des deux sexes »), et d’autre part de produire une critique virile de Proudhon en se déplaçant sur un terrain plus fondamental – d’où l’impression d’une guerre théorique entre mâles, renforcée par la dénonciation chez Proudhon d’un « cerveau hermaphrodite » et d’une intelligence manquant de virilité. Si l’on suit les critiques féministes de la posture d’ami des femmes, notre auteur semble ainsi en illustrer le principal travers, consistant à défendre les femmes à leur place, et ainsi à affirmer paradoxalement leur infériorité dans l’énonciation même d’un propos qui nie cette infériorité21.
II. Un féminisme différentialiste et égalitaire
10L’un des aspects les plus originaux de ce que l’on peut appeler le féminisme de Déjacque22 réside dans les rapports qu’entretiennent chez lui une conception forte de la différence des sexes avec une revendication égalitariste tout aussi vigoureuse. Les voies les plus couramment frayées pour concilier différence et égalité des sexes consistent, sous diverses formes, à relativiser la portée de cette différence, et en tout cas à lui dénier toute pertinence dans la définition de l’ordre social et politique. Il faut ajouter à cela que des féministes ont produit une critique particulièrement éclairante des usages qui sont faits de la notion de différence23, qui est logiquement une relation réciproque (« nous sommes différents l’un de l’autre »), mais qui est le plus souvent utilisée à sens unique (« tu es différente »). Or il est frappant qu’on ne trouve chez Déjacque ni minoration de la différence entre les sexes, ni usage unilatéral de cette catégorie. Bien au contraire, l’égalitarisme de Déjacque se fonde sur une affirmation maximale de la différence et de la complémentarité entre les sexes – d’où le fait qu’il parle beaucoup plus de « la femme » que « des femmes ». Cette affirmation ne va pas sans stéréotypes, à la fois sur une nature féminine à laquelle sont associées systématiquement la beauté, la fragilité et même l’obscurité, et sur les relations entre hommes et femmes, exclusivement pensées sur le modèle de l’amour et de la séduction. Ainsi dans ce passage de la lettre qui déplore que l’homme dédaigne « la femme dans toute sa beauté physique et morale, la femme aux formes élégantes et artistiques, au front auréolisé de grâce et d’amour, au cœur actif et tendre, à la pensée enthousiaste, à l’âme éprise d’un poétique et humanitaire idéal »24. On notera toutefois que dans ce passage, la femme, loin d’être réduite à un élément de passivité, est louée pour l’activité de son cœur, pour l’enthousiasme de sa pensée et pour sa vocation à l’idéal.
11Mais contrairement à Proudhon, dont il dénonce les infractions à la logique25, Déjacque sait aussi se montrer conséquent : la femme n’est pas le lieu d’une différence à sens unique, l’homme, ou plutôt l’être humain mâle a lui aussi ses caractéristiques propres, qui définissent la virilité. Ce n’est d’ailleurs pas le moindre des paradoxes de l’attaque ad hominem contre Proudhon – « vieux sanglier qui n’êtes qu’un porc », « écrivain fouetteur de femmes », mais aussi « cerveau hermaphrodite » – que de contenir une dénonciation de son insuffisante virilité. L’image du « frêle roseau sans force » mobilisée au début du texte26 se trouve explicitée dans Chêne et roseau27, allusion transparente à la fable de La Fontaine : Proudhon est un chêne viril lorsque, « les pieds enracinés dans les entrailles sociales et la tête superbement dressée dans la nue, il brave les orages et les foudres de l’opinion, il résiste aux préjugés de la crétinité publique » ; en revanche, il est semblable au roseau (féminin ?) quand « il se ploie à toutes les exigences de la persécution, il cède à la peur de l’autorité, il se fait humble et rampant sous les voûtes de la prison ou le ciel de l’exil ». Ce n’est donc pas par excès, mais bien plutôt par défaut de virilité que Proudhon plie devant les préjugés touchant à la prétendue infériorité des femmes. Bien entendu, ces assertions ont une fonction polémique (et comique), mais elles conduisent aussi Déjacque sur un terrain glissant, où le féminin ne se définirait plus positivement comme l’une des deux composantes de « l’être humain mâle et femelle », mais comme l’autre du masculin, voire comme la simple privation des qualités qui lui sont attribuées (force, courage, lumière, etc.). Autrement dit, elles le conduisent à restaurer quelque chose comme une pensée dualiste, qu’il dénonce si bien par ailleurs lorsqu’il s’agit des rapports entre l’âme et le corps. La chose est d’autant plus embarrassante que, par ailleurs, la présence de différents principes opposés chez un même être humain est en général louée par Déjacque, par exemple au début de L’Humanisphère, lorsqu’il se dépeint lui-même en homme de « toutes les passions » et de « tous les appétits ».
12Mais telle n’est pas la tonalité dominante de sa conception de la différence des sexes, que les termes de complémentarité et d’égalité définissent beaucoup mieux. Il peut ainsi reconnaître avec Proudhon que la femme n’est rien sans l’homme, mais en ajoutant aussitôt que l’homme n’est rien sans la femme – de sorte aussi que l’émancipation de la femme signifie plus généralement l’émancipation de l’être humain. Une question que Déjacque permet de poser, mais qu’il ne pose pas lui-même, est celle de la spécificité de la domination masculine : tout en soutenant en effet qu’il s’agit de « mettre la question de l’émancipation de la femme en ligne avec la question de l’émancipation du prolétaire »28, et tout en usant par ailleurs de comparaisons entre le statut social de la femme et celui de l’esclave, il semble suggérer (mais c’est peut-être l’un des effets pervers du double sens du mot « homme » en français – être humain en général, et être humain de sexe masculin en particulier) que l’émancipation de la femme serait aussi l’émancipation de l’homme, ce qui semble plus difficilement soutenable pour les maîtres d’esclaves et les bourgeois…
13Si l’on cherche à donner quelque consistance à cette pensée de la complémentarité, au-delà de la fausse évidence sensible, nous sommes vite reconduits à la théorie fouriériste des attractions passionnées et au circulus de Leroux. Si « l’être humain, dans ses rotations de chaque jour, gravite de révolution en révolution vers son idéal de perfectibilité, la Liberté »29, c’est que le moteur de cette progression n’est autre que la différence interne à l’humanité. Raison pour laquelle Déjacque peut aussi dire que « la femme […] est le mobile de l’homme comme l’homme est le mobile de la femme »30. Autrement dit, il y a besoin de la différence des sexes, sans quoi par exemple l’être humain mâle « ramperait encore à plat ventre ou à quatre pattes, il brouterait encore l’herbe ou les racines ; il serait pareil en intelligence au bœuf, à la brute »31. C’est parce que les hommes et les femmes sont, en tant que tels, attirés les uns par les autres, parce qu’ils cherchent à se plaire, à se séduire, et finalement à former un couple, qu’ils progressent. Mais précisément, et cela semble pouvoir s’expliquer chez Déjacque par le règne de la force brute, qui est un élément masculin, le développement des deux composantes de l’humanité est inégal : si l’homme a développé son intelligence en cherchant à séduire la femme, celle-ci en revanche, « pour plaire à son seigneur et maître, […] n’a pas eu besoin d’une grande dépense de force intellectuelle et morale ». D’où le déséquilibre entre « ce que la femme a fait de l’homme » et « ce que l’homme a fait de la femme »32. D’où aussi, côtoyant l’éloge d’une certaine essence féminine, la déploration par Déjacque de ce qu’il « est de par le monde tant d’abjectes créatures femelles et si peu de femmes »33.
14Ces assertions sur « la femme » permettent-elles de ranger Déjacque du côté des penseurs non seulement différentialistes, mais aussi essentialistes ? On voit quelles conséquences dommageables cela pourrait avoir pour son féminisme égalitaire : une pensée essentialiste de la complémentarité entre les sexes peut en effet venir justifier une répartition inégale des tâches dans la société (ou dans le foyer). Mais c’est précisément l’originalité de Déjacque que de ne jamais tirer ce type de conséquences – preuve, si besoin était, que des considérations sur l’essence du féminin ne suffisent pas à faire de celui qui les énonce un penseur essentialiste. Certes, il y a cette spécificité irréductible que semble être la maternité, mais en garantissant, par exemple dans L’Humanisphère, un logement séparé pour chaque individu, Déjacque semble soucieux de ce que la différence ne se mue pas en inégalité, et chez lui, l’accent reste toujours mis sur les inclinations, les attractions, qui se manifestent nécessairement à l’échelle des individus – si bien que le terrain est prêt pour qu’un discours sur « la » femme cède le pas à une prise en compte pratique « des » femmes.
15Reste qu’il semble y avoir une tension chez Déjacque entre l’éloge d’une humanité plurielle et la tentation de prôner l’affirmation singulière de chacun des éléments de cette pluralité – quitte à ce que cette affirmation ne soit pas celle des singularités (des individus), mais d’un élément générique (avec le risque que l’individu soit réduit à sa féminité ou sa masculinité), ce qui viendrait contredire ses éloges de la « souveraineté individuelle »34. Cela tient à la coexistence chez lui d’une affirmation de la différence et de l’égalitarisme le plus radical, la première semblant même être la condition du second, parce qu’elle est aussi la condition du progrès – d’où l’idée d’une égalité dans tous les droits, d’où aussi son engagement en faveur de l’éducation des filles. Mais comparées à celles que développera le mouvement féministe à partir des années 1970, les revendications de Déjacque peuvent parfois paraître limitées : qu’en est-il du droit de disposer de son corps ? On ne peut manquer de signaler les pages dans lesquelles Déjacque dénigre comme dénaturées celles qui n’enfantent pas, et comme infanticides celles qui se refusent à allaiter35, sans oublier toutefois que lorsqu’il aborde la question du vêtement dans L’Humanisphère, Déjacque s’en remet à un principe de différenciation individuelle et ne manque pas de critiquer aussi le vêtement masculin.
III. Un texte antiproudhonien ?
16Reste à examiner ce que nous dit le féminisme de Déjacque sur son rapport à Proudhon, et dès lors l’inflexion particulière que son féminisme donne à son anarchisme. Dans l’œuvre de Déjacque, les mentions de Proudhon sont en général très positives, au point qu’il soutient par exemple que la dictature intellectuelle que celui-ci exercerait à l’époque est la seule légitime36. Déjacque est proche de Proudhon sur des questions décisives : la critique de la représentation politique37 ou la critique précoce des insuffisances de la révolution politique de 1848. On pourrait être tenté de considérer que Déjacque n’attaque son maître que sur un aspect périphérique de sa pensée sociale et qu’il demeure pour le reste son disciple, ennemi de la propriété, de l’État et de Dieu. Mais encore faudrait-il pour cela que la question des rapports entre les sexes soit effectivement un sujet périphérique chez Proudhon. Or il n’en est rien, et c’est l’une des spécificités de la lecture que propose Déjacque que d’en être pleinement conscient, par exemple lorsque, dans le même article du Libertaire dirigé contre Proudhon, il explique que l’oppression de la femme constitue la base de l’émancipation du prolétaire pour Proudhon. Dans ce dernier moment, il s’agit de montrer qu’en rompant avec Proudhon sur la question de l’émancipation de la femme, Déjacque rompt plus largement avec tout un pan de la pensée juridique de son maître et adversaire, ce que l’on peut comparer avec l’opération qu’effectue quelques années plus tard l’anarchiste russe Mikhaïl Bakounine.
17Pour établir cette thèse, un détour est nécessaire par la place qu’occupe chez Proudhon la question de la différence des sexes. Même s’il s’agit d’un écrit publié après la lettre de Déjacque, les dixième et onzième études de De la justice dans la Révolution et dans l’Église (1858) contiennent un condensé de la pensée de Proudhon sur cette question. Il n’est pas exagéré, à la lecture de ces textes, d’affirmer que la pensée sociale et juridique de Proudhon repose sur des principes explicitement sexistes38. Dans De la justice, la question de la femme est abordée à partir d’une défense de l’institution maritale. Proudhon part du constat que le concours des sexes est nécessaire à la génération, que ce concours est assuré par le rapprochement opéré par l’amour, lequel n’a que dans l’humanité une composante morale et intellectuelle. Le mariage représente pour Proudhon une forme d’équilibre : d’un côté, en raison de son caractère de créature supérieure, l’homme (on ne sait à cet endroit, comme en d’autres, s’il faut entendre l’être humain ou l’humain de sexe masculin) a une répugnance naturelle pour la chair (ce que marque la pudeur), répugnance qui est compensée par son attrait pour la beauté (qui marque l’élément féminin), lequel est lié à un processus d’idéalisation. Mais cet idéalisme doit à son tour faire l’objet d’une compensation par la justice, qui est selon Proudhon incarnée précisément par l’institution du mariage, lequel définit le rôle social de la femme. Faute d’une telle compensation, l’amour, même (et d’ailleurs surtout) idéalisé, risque de dégénérer en débauche et de conduire la civilisation à sa perte. Proudhon n’hésite pas à affirmer que le mariage constitue le foyer de la justice, par où il faut entendre qu’il est ce qui rend naturellement possible la justice ; le foyer est le lieu où naturellement la justice trouve sa première institution, sa base, ce qui permet ensuite tous les autres équilibres au sein de la société39. Dans cette institution, à suivre Proudhon, la femme, en tant qu’elle est plus susceptible que l’homme de pâtir des suites de l’amour, serait protégée. La nécessité du mariage s’explique donc par le besoin de protection d’un sexe par un autre, donc par une conception de la complémentarité des sexes (force et beauté, protection et obéissance, extérieur et intérieur). C’est dans cette conception du mariage que prennent place les considérations sur « l’infériorité physique, intellectuelle et morale de la femme »40. Il est intéressant de noter que Déjacque, tout en reprenant un certain nombre de caractéristiques (beauté, importance de l’intériorité) qui définissent la femme selon Proudhon parvient à une conclusion radicalement contradictoire, à savoir l’égalité entre les membres des deux sexes.
18Il n’est pas anodin que Proudhon fasse du mariage le foyer même de la justice, ce qui la rend possible dans le reste de la société, la condition même de la civilisation, dans la mesure où précisément son anarchisme se présente comme une théorie de la justice. Il est évidemment paradoxal, si la justice est l’égalité, de la fonder sur un élément qui se présente explicitement comme inégalitaire : Proudhon explique ainsi que le concubinat est égalitaire, mais ne protège pas la femme, alors que le mariage allie pour elle honneur et dépendance, de sorte qu’il consacre l’inégalité naturelle mais en protégeant l’inférieure. On trouve dans la correspondance de Proudhon cette affirmation :
La Justice, en soi, est la balance des antinomies, c’est-à-dire la réduction à l’équilibre des forces en lutte, l’équation, en un mot, de leurs prétentions respectives. C’est pour cela que je n’ai point pris pour devise la liberté, qui est une force indéfinie, absorbante, qu’on peut écraser mais non pas convaincre ; j’ai mis au-dessus d’elle la Justice, qui juge, règle et distribue. La liberté est la force de la collectivité souveraine ; la Justice est sa loi41.
19Le mariage peut alors être désigné comme une institution de justice, compensant une inégalité naturelle sans l’annuler, mais rendant possible l’égalité dans la société – égalité qui, toutefois, ne concernera jamais la femme. La conception proudhonienne de la justice permet de comprendre l’importance qu’a chez lui le combat antiféministe : si le mariage est la première institution de justice, celle sur laquelle reposent toutes les autres, le contester revient à faire s’écrouler l’ordre social. Inversement, pour un disciple de Proudhon, aussi hétérodoxe que puisse l’être Déjacque, contester l’institution maritale et l’inégalité de statut entre hommes et femmes qu’elle consacre revient à donner une tout autre tournure à son anarchisme.
20Sur ce point, il est fécond de comparer l’attaque frontale qu’on trouve chez Déjacque et l’attaque biaisée qu’on trouve chez Bakounine quelques années plus tard. Celui-ci, dans le Catéchisme révolutionnaire (1866), se prononce très fermement pour « l’abolition non de la famille naturelle, mais de la famille légale, fondée sur le droit civil et sur la propriété. Le mariage religieux et civil est remplacé par le mariage libre. Deux individus majeurs et de sexe différent ont le droit de s’unir et de se séparer selon leur volonté, leurs intérêts mutuels et les besoins de leur cœur, sans que la société ait le droit, soit d’empêcher leur union, soit de les y maintenir malgré eux »42. Si l’on tient compte de la teneur par ailleurs très proudhonienne de ce texte de Bakounine (l’un de ceux où s’affirme le plus son fédéralisme), on ne peut considérer ces lignes comme autre chose qu’une rupture nette et consciente avec Proudhon. Elle n’est toutefois jamais exprimée comme telle. Et lorsque Bakounine explicite sa distance avec Proudhon, il ne mentionne jamais explicitement le mariage. Ainsi lorsqu’il évoque, quelques années plus tard, « l’abolition des États et […] la liquidation radicale et complète du monde et des institutions théologiques, politiques et juridiques, principe que Proudhon a eu l’honneur d’annoncer, quoique d’une manière très incomplète »43, on peut penser qu’il a notamment en tête la « liquidation » de l’institution du mariage, mais il ne le dit pas explicitement.
21Or cette rupture avec Proudhon a des répercussions sur la différence des anarchismes bakouninien et proudhonien, répercussions qu’on pourrait bien déjà trouver chez Déjacque. Chez l’un comme chez l’autre, l’accent est mis bien davantage sur la liberté que sur la justice. C’est ce qu’attestent d’autres propositions contenues dans le Catéchisme, qui reconnaît ainsi dans la liberté « le droit absolu de tout homme ou femme majeurs, de ne point chercher d’autre sanction à leurs actes que leur propre conscience et leur propre raison, et de n’en être par conséquent responsable que vis-à-vis d’eux-mêmes d’abord ; ensuite vis-à-vis de la société dont ils font partie, mais en tant seulement qu’ils consentent librement à en faire partie »44. On pourrait donc soutenir que Bakounine étend à la famille elle-même le principe de libre association que Proudhon réservait aux rapports entre foyers, représentés à l’extérieur par l’élément masculin. En outre, d’une manière répétée, le Catéchisme révolutionnaire prend la peine de préciser qu’il prône une égalité intégrale dans les droits politiques entre hommes et femmes, une éducation pour les individus des deux sexes, ou encore une liberté de circulation pour les individus des deux sexes. D’une manière plus générale, le texte soutient une « égalité de l’homme et de la femme dans tous les droits politiques et sociaux »45. Il défend aussi la prise en charge des femmes enceintes, mais au titre de l’enfant qu’elles portent. Comme chez Déjacque, la revendication d’égalité s’opère sur le fond d’un différentialisme :
La femme, différente de l’homme, mais non à lui inférieure, intelligente, travailleuse et libre comme lui, est déclarée son égale dans les droits comme dans toutes les fonctions et devoirs politiques et sociaux46.
22Ce détour permet à la fois de montrer ce que Déjacque doit à Proudhon et de spécifier son anarchisme par rapport à celui du philosophe bisontin. Comme celui de Bakounine, l’anarchisme de Déjacque est un anarchisme de la liberté, celle-ci ayant à son tour pour condition la pluralité. On peut rappeler l’une des déclarations les plus célèbres de Bakounine :
Je ne suis vraiment libre que lorsque tous les êtres humains qui m’entourent, hommes et femmes, sont également libres. La liberté d’autrui, loin d’être une limite ou la négation de ma liberté, en est au contraire la condition nécessaire et la confirmation. Je ne deviens libre vraiment que par la liberté d’autres, de sorte que plus nombreux sont les hommes libres qui m’entourent et plus profonde et plus large est leur liberté, et plus étendue, plus profonde et plus large devient ma liberté47.
23Cette formule fait de la liberté d’autrui, quel qu’il soit, une condition de ma propre liberté et affirme le caractère à la fois dynamique et relatif de la liberté : la liberté est avant tout un processus d’émancipation, qui ne fait jamais de nous un empire au sein d’un empire, mais demeure relative à ce qu’on pourrait appeler la quantité de liberté qui nous entoure. Autant dire que si l’on joint ce type de déclaration à l’affirmation de la différence des sexes, ce n’est qu’à la condition de laisser s’épanouir la pluralité à l’intérieur de l’humanité, qu’à la condition de lutter pour l’émancipation générale des êtres humains des deux sexes qu’il devient possible d’étendre le royaume de la liberté dans l’humanité. Reste bien entendu ce qu’a d’insatisfaisant le fait de limiter cette pluralité à la détermination du sexe biologique.
Notes de bas de page
1 De l’être-humain mâle et femelle, p. 119. La pagination indiquée dans le texte est celle de l'anthologie : Déjacque Joseph [présentation et notes par Thomas Bouchet], 2016, À bas les chefs ! Écrits libertaires (1847-1863), Paris, La Fabrique.
2 Déjacque Joseph, 1860 (31 janvier), « M. *** et Le Libertaire », Le Libertaire, n° 21.
3 Sur les activités de ce club, voir le témoignage hostile de Lucas Alphonse, 1851, Les clubs et les clubistes : histoire complète, critique et anecdotique des clubs et des comités électoraux fondés à Paris depuis la révolution de 1848, Paris, E. Dentu, p. 135-140 (la participation de Déjacque y est mentionnée p. 136). On relève dans ce texte une satire de la femme « aux doigts tachés d'encre » reprise littéralement par Proudhon pour railler celles qui contestent ses propos sur l'infériorité de la femme (Proudhon Pierre-Joseph, 1858, De la justice dans la Révolution et dans l'Église, t. 3, Paris, Garnier, p. 337). L'image est particulièrement parlante : lorsqu'une femme prend la plume pour participer aux débats publics, elle se souille. Déjacque dénonce de son côté le fait qu'une femme qui fait preuve d'intelligence se trouve « poursuivie du nom de bas-bleu ou de quelqu'autre imbécile sarcasme » (De l’être-humain mâle et femelle, p. 120).
4 Parmi ceux-ci, on signalera, pour leur tonalité féministe : L’Écrin, Le Ruisseau et Une heure aux Tuileries.
5 On trouve ce texte (par ailleurs caractéristique pour son association de la femme à la délicatesse et à la fragilité) dans Déjacque Joseph [présentation et notes par Thomas Bouchet], À bas les chefs, op. cit., p. 55-58.
6 Et notamment à la place qu'occupent les figures féminines dans sa pièce Les Civilisés de la décadence.
7 Les seuls textes de Déjacque qui contiennent des saillies misogynes coïncident avec ses déceptions amoureuses. Voir en particulier Déjacque Joseph, 1858 (16 juillet), « La Femme artiste et le Mari homme-entretenu », Le Libertaire, n° 3, et qui fait écho à l'indifférence qu'il rencontra chez la cantatrice Amalia Patti Strakosch.
8 Critiques synthétisées dans l'article « M. *** et Le Libertaire » (art. cit.). Sur ce thème, voir aussi l'article Déjacque Joseph, 1859 (12 mai), « Les Souteneurs de la famille aux États-Unis », Le Libertaire, n° 13, à propos du procès d’un homme accusé d’avoir tué l’amant de sa femme. Les attaques de Déjacque contre la prostitution sont plus virulentes lorsqu'elles ciblent sa forme légale, le mariage.
9 Voir le poème Déjacque Joseph, 1860 (17 août), « Amour et pauvreté », Le Libertaire, n° 25.
10 Déjacque Joseph, 1858 (28 juin), « Juin 48 ! », Le Libertaire, n° 2.
11 Déjacque Joseph, 1858 (20 novembre), « Chêne et roseau », Le Libertaire, n° 8.
12 Les passages les plus significatifs sont publiés dans les numéros 8 (20 novembre 1858), 10 (5 février 1859), 13 (12 mai 1859) et 14 (15 juin 1859) du Libertaire.
13 Sur quelques-unes de ces figures (à l'exclusion singulière de toutes celles qui appartiennent au socialisme, de sorte que Déjacque n'y est pas même mentionné), voir l'ouvrage coordonné par Rochefort Florence et Viennot Éliane (dir.), 2013, L'engagement des hommes pour l'égalité des sexes (xive-xxie siècle), Saint-Étienne, Publications de l'université de Saint-Étienne.
14 Delphy Christine, 1977, « Nos amis et nous », Questions féministes, n° 1, p. 20-49 (repris dans Delphy Christine, 1998, L'ennemi principal, t. 1, Paris, Syllepse).
15 Héricourt Jenny (d’), 1856 (décembre), « Proudhon et la question des femmes », La Revue philosophique et religieuse, n° vi, p. 5-15. Proudhon répondit avec une lettre adressée à la même revue en 1857.
16 On ne sait pas en revanche si elle participa aux activités du Club des femmes avec Déjacque – dans la liste des participantes, on trouve en effet une Jeanne-Marie. Si tel était le cas, Déjacque n'aurait simplement pas reconnu celle qu'il avait croisée là sous le pseudonyme qu'elle adopte dans la polémique avec Proudhon.
17 Jenny d'Héricourt n'avait adopté ce pseudonyme que parce qu'elle était originaire de cette ville de Franche-Comté.
18 Héricourt Jenny (d’), 1860, La Femme affranchie, réponse à MM Michelet, Proudhon, É. de Girardin, Legouvé, Comte et autres novateurs modernes, Bruxelles, Lacroix, Van Meenen et Cie, 2 vol.
19 Parmi les affirmations que réfute Jenny d’Héricourt, on trouve celle selon laquelle « la femme est réceptivité. De même qu'elle reçoit de l'homme l'embryon, elle en reçoit l'esprit et le devoir » (Proudhon Pierre-Joseph, De la justice, op. cit., p. 372).
20 De l’être-humain mâle et femelle, p. 116.
21 Dans les premières lignes de De l’être-humain mâle et femelle (p. 115), Déjacque explique ainsi craindre que « l'antagoniste féminin ne soit pas de force – polémiquement parlant – à lutter avec son brutal et masculin adversaire ».
22 Rappelons que, contrairement à une légende tenace, le mot « féminisme » n'a pas été inventé par Fourier et que, jusqu'à plus ample informé, il n'apparaît pas d'une manière significative dans la littérature avant les vitupérations antiféministes d'Alexandre Dumas fils en 1872 dans L'Homme-femme – où il est employé comme une insulte adressée aux hommes qui défendent l'égalité entre hommes et femmes. Mais cela n'empêche pas que la chose préexiste au mot. Voir à ce propos la mise au point de Fraisse Geneviève, 1989, Muse de la raison. La démocratie exclusive et la différence des sexes, Aix-en-Provence, Alinéa, p. 198.
23 Voir notamment Delphy Christine, 2001, « Critique de la raison naturelle », in id., L'ennemi principal, t. 2, Paris, Syllepse, préface.
24 De l’être-humain mâle et femelle, p. 121.
25 Ibid., p. 118 et p. 124.
26 Ibid., p. 116.
27 Déjacque Joseph, 1858 (20 novembre), « Chêne et roseau », Le Libertaire, n° 8.
28 De l’être-humain mâle et femelle, p. 118.
29 Ibid.
30 Ibid., p. 119.
31 Ibid., p. 120.
32 Ibid.
33 Ibid., p. 121. Voir à ce propos la contribution de Thomas Bouchet dans ce volume.
34 L'article « La législation directe et universelle (Le Libertaire, n° 15, 27 juillet 1859) fait ainsi l'éloge de « la souveraineté individuelle, la souveraineté de l’homme, de l’être humain ». De même, l'article « L'échange » (Le Libertaire, n° 6, 21 septembre 1858) évoque « le gouvernement naturel, c’est-à-dire le gouvernement de l’individu par l’individu, de soi-même par soi-même, l’individualisme universel, le moi-humain se mouvant librement dans le tout-humanité ».
35 Ainsi dans L'Humanisphère (Le Libertaire, n° 10, 5 février 1859) : « La femme qui fait avorter sa mamelle commet une tentative d’infanticide que la nature réprouve à l’égal de celle qui fait avorter l’organe de la génération. Le châtiment suit de près la faute. La nature est inexorable. Bientôt le sein de cette femme s’étiole, dépérit et témoigne, par une hâtive décrépitude, contre cet attentat commis sur ses fonctions organiques, attentat de lèse-maternité. […] La femme qui ne comprend pas de pareilles jouissances n’est pas une femme ».
36 Voir dans Déjacque Joseph [présentation et notes par Thomas Bouchet], À bas les chefs, op. cit., l'article « L'autorité. – La dictature ».
37 Voir la contribution d'Anne-Sophie Chambost dans ce volume.
38 De sorte qu'il est difficile d'y voir, comme Daniel Guérin dans Proudhon, oui et non (Paris, Gallimard, 1978), de simples scories liées à la complexion personnelle de Proudhon.
39 Proudhon Pierre-Joseph, De la justice, op. cit., p. 212 : « le mariage est, de toutes les institutions de la Justice, la plus ancienne, la plus authentique, la plus intime, la plus sainte ».
40 Ibid., p. 337.
41 Proudhon Pierre-Joseph, 1875, « Lettre du 30 décembre 1861 à Langlois », in id., Correspondance, vol. xi, Paris, Lacroix et Cie, p. 308.
42 Bakounine Michel, 2013, « Catéchisme révolutionnaire », in id., Principes et organisation de la Société internationale révolutionnaire, Strasbourg, Le Chat ivre, p. 62.
43 Bakounine Michel, 1982, « L'Empire knouto-germanique et la révolution sociale », in id., Œuvres complètes, vol. viii, Paris, Champ libre, p. 403.
44 Bakounine Michel, « Catéchisme révolutionnaire », art. cit., p. 37.
45 Ibid., p. 68.
46 Ibid., p. 61-62.
47 Bakounine Michel, « L'empire knouto-germanique », art. cit., p. 173.
Auteur
Jean-Christophe Angaut est maître de conférences de philosophie à l’ENS de Lyon. Ses recherches portent sur la philosophie allemande et la philosophie du xixe siècle – en particulier le jeune hégélianisme. Spécialiste de la pensée de Michel Bakounine, il travaille plus généralement sur les rapports entre anarchisme et philosophie. Traducteur, il a publié la première traduction complète de Sociologie du parti de Robert Michels (Paris, Gallimard, 2015), en relation avec une recherche plus générale sur les rapports entre les débuts de la sociologie allemande et les pensées radicales au tournant des xixe et xxe siècles.
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