Sur l’histoire des diagrammes logiques, « figures géometriques »
p. 381-408
Remerciements
Mathématiques et sciences humaines, n° 60, 1977, p. 31-62. Nous remercions la Direction de la revue Mathématiques et sciences humaines de nous avoir autorisés à publier ce texte.
Texte intégral
1« Sur l’emploi des diagrammes géométriques pour la représentation des propositions logiques » : dans les « notes historiques » qui forment le dernier chapitre de Symbolic Logic1, J. Venn, créateur d’une nouvelle « représentation diagrammatique2 », dressait à la fin du siècle dernier, la liste de toutes les variétés de diagrammes dont il avait pu repérer l’existence ; il s’en tient aux « schèmes graphiques » qui non seulement traitent des propositions, mais qui les « analysent » ; et pourtant, la liste, fruit d’une enquête attentive, est déjà fort riche. A sa suite, les historiens de la logique, soit un peu au hasard des rencontres dans des études générales, soit à l’occasion de monographies minutieuses, ont glané de nouvelles références, ont appris à relever les moindres traces de graphismes nouveaux, et tentent parfois d’arrêter des bilans.
2Ainsi, par exemple, I.M. Bochenski consacre un paragraphe de son Histoire aux « diagrammes syllogistiques »3 ; ainsi trouvait-on dans l’Esquisse de Scholz4, une note donnant quelques précisions sur J.C. Sturm et J.C. Lange, auteurs du xviie siècle chez qui avaient été signalés depuis fort longtemps, des cercles dits d’Euler ; mais aujourd’hui, pour les périodes qui y sont étudiées, c’est dans l’impressionnant défilé de titres, l’enchaînement compact de citations des deux tomes de W. Risse qu’il faut aller chercher références nouvelles et mentions de textes plus circonstanciées5. Comme il en va chaque fois qu’une perspective purement chronologique ordonne une histoire d’inventions, attention est d’abord portée aux questions de priorité, à la datation hasardeuse des origines, souvent mises ultérieurement en défaut : prenant connaissance de manuscrits inédits de Leibniz conservés à la Bibliothèque de Hanovre, Couturat y découvrit avec surprise des cercles « eulériens » ; Leibniz, déclara-t-il dans La logique de Leibniz – et on le répète souvent d’après lui, encore aujourd’hui – « a inventé avant Euler les schèmes circulaires de tous les syllogismes6 » ; assertion qu’il devra plus tard retirer7.
3En second lieu, il a fallu, avec une minutie dont Venn avait donné l’exemple, scruter dans leurs minimes détails les dispositifs utilisés et leurs constituants : points, segments, aires, figures vues en perspective ; pointillés, hachures, damiers, jetons, tiges mobiles… Enfin, ces dispositifs étant toujours au service de théories logiques déterminées, chacun d’eux est solidaire et de ce qu’il est destiné à représenter, et des doctrines qui en fixent plus ou moins clairement la fonction : leur étude renvoie à nombre de problèmes généraux et délicats, tels ceux de l’extension et de la compréhension, ou de la portée existentielle des propositions ; les difficultés redoubleront lorsqu’à travers une même œuvre, les dispositifs se modifient, s’enrichissent d’apports extérieurs, sont soumis à critique ou revalorisés par généralisation, difficultés portées au comble quand l’œuvre où ils s’insèrent est d’un novateur éminent ; or tel est souvent le cas, l’histoire des diagrammes logiques rencontrant de fait les plus grands noms, Leibniz, Euler, mais aussi Lambert, Bolzano, Schröder, Peirce… Toutes raisons qui feraient peser aujourd’hui de lourdes hypothèques sur une présentation synthétique des résultats d’une telle histoire : outre que ses matériaux sont loin d’être déjà entièrement rassemblés, son sort dépend étroitement de l’histoire plus générale qui l’englobe, celle de la logique.
4C’est à propos de cette dépendance que, plus généralement, nous voudrions émettre ici quelques réserves sur la pleine efficacité descriptive et explicative d’une histoire directement marquée par des périodisations qui scandent des progrès de la logique, et par les grands jeux d’opposition à travers quoi sont appréhendés ses différents états.
5Pour l’esquisser à grands traits, une des périodisations les plus communément reçues privilégie une division tripartite où les noms d’Euler et de Venn conservent valeur paradigmatique : au temps où s’instaure la « logique classique8 », des diagrammes viennent illustrer la syllogistique ; après que se soit ouverte la « première période de mathématisation de la logique », de nouveaux diagrammes sont introduits pour illustrer la « logique des classes » ; les coups portés contre celle-ci à la fin du xixe siècle rendent à son tour caduque cette diagrammatisation trop naïve, mal réglée, entachée de graves ambiguïtés. Une sorte d’âge d’or où des figures géométriques dotent la syllogistique d’illustrations lumineuses ; une renaissance au cours de laquelle les figures, remaniées, font de même pour la logique des classes ; après quoi elles quittent la scène, ne survivant qu’à titre de curiosité historique, ou pour motif de commodité pédagogique. Or ce seul partage risque d’avoir pour effet que le problème de la diagrammatisation ne puisse être pris en compte par l’historien dans toutes ses dimensions. Même au meilleur de leur rôle, les figures sont en seconde position : comme elles illustrent des théories déjà existantes, c’est à la plus ou moins grande ingéniosité des illustrateurs qu’ira l’attention, et non pas aux raisons implicites ou explicites qui rendent possible l’illustration et en fondent le principe. Ensuite, ce partage articule ses divisions selon des vues critiques ; on tendra, de ce fait, à répéter contre Euler les reproches que lui a adressés Venn, et à répéter contre Venn les blâmes des logiciens postérieurs ; d’où la négligence à l’égard de ce qui, dans les textes, ne concerne pas directement la description des diagrammes et de leur usage. Lecture de textes qu’une dernière raison rendra encore plus distraite : dans la « première période de mathématisation de la logique » évoquée plus haut, ce sont essentiellement l’Arithmétique et l’Algèbre qui sont sources d’analogies et d’emprunts proclamés comme tels ; du coup, la Géométrie semble tout à fait absente de cette histoire, et par conséquent la référence au géométrique que porte l’expression « figures géométriques » utilisée pour désigner les diagrammes, ne renverra aucunement, pour les historiens de la logique, à ce corps de connaissances connu dans les classifications contemporaines des Mathématiques sous le nom de Géométrie. Bref, ce qu’un partage à la fois chronologique et théorique fait saillir au premier plan dans les écrits traitant de représentations diagrammatiques, c’est l’ingéniosité que manifestent les figurations, leur fonctionnement plus ou moins bien agencé ; mais risque en revanche de passer inaperçu tout ce qui est dit sur les moyens de la représentation : les « figures géométriques ».
6Ce que l’histoire des diagrammes logiques peut gagner à être pensée autrement qu’à travers le partage communément reçu, on peut le voir dans l’étonnante histoire des machines logiques de M. Gardner9. Et ne devrait-elle pas figurer en bonne place dans celle de la Séméiologie graphique ? Mais l’entreprise amorcée ici n’ambitionne pas la recomposition d’une histoire selon encore une autre thématique : nous voudrions commencer à réparer les négligences d’un commentaire dont nous avons présumé qu’il était trop réducteur ; faire ressurgir dans les ouvrages les plus connus comme dans des textes qui le sont moins, chez les auteurs qui en appellent aux évidences, comme chez ceux qui s’offusquent du crédit prêté aux « relations spatiales », des modes divers d’appréhension du « géométrique ».
A. Un reflexe de géomètre
7Venn, ouvrant l’historique des diagrammes qu’il appelle « analytiques », les diagrammes dits « eulériens », avance les remarques suivantes :
« As regards then the employment of what we may call analytical diagrams, – that is, those which are meant to distinguish between subject and predicate, and between the different kinds of proposition, – there can be little doubt that their practical employment dates from Euler. That is to say, he first familiarized logicians with their use; and the particular kind of circular diagram which he employed has in consequence very commonly been named after him. But their actual origin is much earlier than this. In fact one would suppose that they must repeatedly have occured to many logicians independently. De Morgan states (and I may repeat the remark in my own case) that he had himself hit upon Euler’s scheme before he saw it anywhere represented. Indeed to any one accustomed to visualize geometrical figures it seems to me likely that Aristotle’s Dictum, when once understood, would naturally present itself in the form of closed figures of some kind successively including each other10. »
8Ces remarques ont quelque chose de paradoxal : préliminaires à des recherches historiques, elles en annulent d’une certaine manière d’avance l’intérêt. Venant appuyer elle-même un témoignage qu’aurait donné De Morgan, la confidence de Venn voudrait prouver que rien n’est plus naturel que la représentation eulérienne. La seule lecture du Dictum d’Aristote la suscitera en l’esprit de qui est habitué à visualiser des figures géométriques. Une telle association serait si irrépressible que, n’en resterait-il aucune trace historiquement repérable, on pourrait assurer avec une haute vraisemblance qu’elle s’est formée indépendamment chez nombre de logiciens. Une sorte de réflexe donc, mais conditionné par une certaine tournure d’esprit ; un réflexe de Géomètre si on veut bien entendre ce dernier mot en un sens assez lâche, puisque nul savoir déterminé n’est requis pour que surgisse l’association. Rien de plus difficile à commenter qu’une représentation « naturelle » ; du moins pourra-t-on constater, se reportant tout d’abord au texte d’Euler, qu’elle y surgit effectivement comme si rien n’était plus naturel ; en second lieu, viendront des précisions sur le témoignage de De Morgan que nous avons retrouvé dans Formal Logic ; enfin des remarques sur des diagrammatisations plus ou moins anciennes retrouvées ou restituées par des historiens de la logique.
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9Un rappel indispensable pour commencer ; il faut relire les indications si brèves qui dans les Lettres à une Princesse d’Allemagne11 conduisent aux figures : « On peut aussi représenter par des figures ces quatre espèces de propositions, pour exprimer visiblement leur nature à la vue. Cela est d’un secours merveilleux pour expliquer très distinctement en quoi consiste la justesse d’un raisonnement. Comme une notion générale renferme une infinité d’objets individus, on la regarde comme un espace dans lequel tous ces individus sont renfermés : ainsi pour la notion d’homme, on fait un espace dans lequel on conçoit que tous les hommes sont compris. Pour la notion de mortel, on fait aussi un espace, où l’on conçoit que tout ce qui est mortel est compris. Ensuite, quand je dis que tous les hommes sont mortels, cela revient à ce que la première figure est contenue dans la seconde12 ». Mais là ne se borne pas la vertu de cette représentation des propositions par des figures : « le plus grand avantage se manifeste dans les raisonnements qui, étant énoncés par des mots, sont nommés syllogismes, où il s’agit de tirer une juste conclusion de quelques propositions données13 ». Aussi la première lettre sur les syllogismes s’ouvrira-t-elle par un véritable panégyrique : « Ces figures rondes, ou plutôt ces espaces (car il n’importe quelle figure nous leur donnons) sont très-propres à faciliter nos réflexions sur cette matière, et à nous découvrir tous les mystères dont on se vante dans la logique et qu’on y démontre avec bien de la peine, pendant que, par le moyen de ces figures, toute sorte d’abord aux yeux14. »
10On regarde une notion comme un espace. Aucun préambule n’a légitimé cette prescription, aucun commentaire ne viendra en éclairer les conséquences ; le mot « logique » à peine lâché, paraissent les espaces ; le « langage » faisait l’objet des Lettres précédentes, et la Lettre XXXIV en poursuit d’abord l’étude au point qu’un esprit non prévenu ne pourrait soupçonner qu’avec l’énumération des « quatre espèces de propositions », est entrée en scène la logique traditionnelle ; ce sont les mots « sujet » et « prédicat » qui lui seront occasion de l’apprendre : « Ces mots sont fort en usage dans la logique, qui nous » enseigne les règles de bien raisonner » ; sitôt après, s’annonce la représentation par figures : « On peut aussi représenter par des figures… ». « Aussi » la vue est sollicitée pour procurer un autre mode d’expression, un mode dont le secours est certes merveilleux en ce qu’il facilite les réflexions, mais qui ne prétend nullement détruire le mode ancien, ni même en dénoncer des défauts. Par le moyen des figures est simplement montré ce qui n’était dit qu’avec peine.
11Le dispositif eulérien, ou plus généralement des illustrations géométriques de relations logiques, connurent un très grand succès au xixe siècle. On peut s’en rapporter encore aujourd’hui, puisqu’aucun dénombrement de ce genre n’a été établi depuis, à une petite statistique établie par Venn : « Until I came to look somewhat closely into the matter I had not realized how prevalent such an appeal as this had become. Thus of the first sixty logical treatises, published during the last century or so, which were consulted for this purpose : – somewhat at random, as they happened to be most accessible – it appeared that thirty – four appealed to the aid of diagrams, nearly all of these making use of the Eulerian scheme15. » Nous ajouterons, pour notre part, à ce comptage, un témoignage d’importance que ne mentionnent pas les historiens de la logique ; Schopenhauer dans Le monde comme volonté et comme représentation rend hommage aux diagrammes, hommage qui a pu contribuer à les faire connaître ou à renforcer leur prestige :
« Il résulte de ces considérations que tout concept, étant une représentation abstraite et non intuitive, par suite toujours incomplètement déterminée, possède, comme on dit, une extension ou sphère d’application, et cela dans le cas même où il n’existe qu’un seul objet réel correspondant à ce concept. Or, la sphère de chaque concept a toujours quelque chose de commun avec celle d’un autre ; en d’autres termes, on pense, à l’aide de ce concept, une partie de ce qui est pensé à l’aide du second, et réciproquement ; toutefois, lorsque les deux concepts diffèrent réellement, chacun, ou au moins l’un des deux, doit comprendre quelque élément non renfermé dans l’autre : tel est le rapport du sujet au prédicat. Reconnaître ce rapport, c’est juger. Une des idées les plus ingénieuses qu’on ait eues a été de représenter à l’aide de figures géométriques cette extension des concepts. Godefroy Ploucquet en eut vraisemblablement la première pensée ; il employait à cet effet des carrés ; Lambert, venu après lui, se servait encore de simples lignes superposées ; Euler porta le procédé à sa perfection en faisant usage de cercles. Je ne saurais dire quel est le dernier fondement de cette analogie si exacte entre les rapports des concepts et ceux des figures géométriques. Toujours est-il qu’il y a pour la logique un précieux avantage à pouvoir ainsi représenter graphiquement les relations des concepts entre eux, même au point de vue de leur possibilité, c’est-à-dire a priori16. »
12Dans le même temps que le philosophe allemand louait Euler d’avoir « porté le procédé à sa perfection en faisant usage de cercles », un mathématicien français, reprenant « une idée mise en avant par Euler, mais de laquelle il parait n’avoir point tiré tout le parti qu’elle semblait offrir », en fit « une des bases principales » de son écrit sur la Dialectique rationnelle. Gergonne17 détermine ce que peuvent être les rapports possibles entre les étendues de deux idées, à partir des rapports de situation possibles entre deux figures fermées quelconques ; il caractérise ensuite les cinq sortes de relations qui peuvent lier le sujet et le prédicat d’une proposition élémentaire, propose une notation originale, expose une théorie du syllogisme s’accomplissant en un tableau complet de tous les syllogismes concluants, tableau obtenu par des procédés qui y conduisent « mécaniquement18 ». De ce très riche écrit, nous retiendrons seulement ici trois remarques qu’une première lecture mettra certainement au compte du mathématicien épris de clarté et accordant sa confiance à « l’intuition géométrique ». Une indication19 tout d’abord sur les circonstances de composition de l’Essai20 : Gergonne a dû « faire des cours de logique », et c’est en professeur qui fut à même pour les avoir enseignés de percevoir les imperfections des exposés habituels qu’il parle de son « dessein » : non pas rejeter la « dialectique de nos pères », mais « perfectionner et compléter davantage l’exposition qu’on en fait communément » ; « clarté, rigueur et brièveté : tel est le triple but que j’ai constamment en vue, et dont je désirerais bien ne m’être point trop écarté ». En second lieu, Gergonne répond d’avance au lecteur qui s’étonnerait de « rencontrer de telles matières dans un recueil de la nature de celui-ci » ; il observe en particulier « la doctrine que j’expose, et plus encore la forme sous laquelle je la présente, ne saurait guère être bien saisie que par des géomètres ou du moins par ceux qui possèdent l’esprit géométrique ». Enfin, tout comme dans l’exposé d’Euler, nul préambule, nul commentaire ne prépare ou ne légitime longuement l’intervention des « figures » ; au détour d’une phrase, est invoquée une évidence : « Examinons présentement quelles sont les diverses circonstances dans lesquelles deux idées, comparées l’une à l’autre, peuvent se trouver relativement à leur étendue. Cette question revient évidemment à demander quelles sont les diverses sortes de circonstances dans lesquelles deux figures fermées quelconques, deux cercles, par exemple, tracées sur un même plan, peuvent se trouver l’un par rapport à l’autre ; l’étendue de chaque cercle représentant ici celle de chaque idée ».
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13À la fin de Formal Logic, dressant dans une note historique, le relevé des mathématiciens qui depuis Wallis, ont traité de logique21, De Morgan ajoute, à propos des cercles utilisés par Euler « pour représenter les termes » : « In a tract published (or completed) in 1831, in the Library of Useful Knowledge, under the name of “the Study and Difficulties of Mathematics”, I fell upon this method before I knew what Euler has done, using for distinction, squares, circles, and triangles, as in Chapter I of this work22. »
14Ce premier chapitre se limite strictement23 à l’étude des formes et des syllogismes de type aristotélicien ; il s’ouvre par des remarques sur la « vérité logique », la négation, la présentation des quatre espèces traditionnelles de propositions, se poursuit par la caractérisation rapide des éléments essentiels de toute inférence24, après quoi est abordée dans le texte qui nous intéresse ici l’étude du syllogisme. L’introduction de figures géométriques a peut-être été suggérée par le fait que ces premières notions de Logique servaient de préparation à une étude de la Géométrie. Cercle, carré, triangle25 s’intègrent ainsi dans l’expression des propositions, en une symbolisation curieuse que De Morgan abandonnera en cours de développement, et qu’il ne reprend pas par la suite.
« Let us take the simple assertion, “Every living man respires” ; or every living man is one of the things (however varied they may be) which respire. If we were to enclose all living men in a large triangle, and all respiring objects in a large circle, the preceding assertion, if true, would require that the whole of the triangle should be contained in the circle. And in the same way, we may reduce any assertion to the expression of a coincidence, total or partial, between two figures. Thus, a point in a circle may represent an individual of one species, and a point in a triangle an individual of another species, and we express that the whole of one species is asserted to be contained or not contained in the other by such forms as, “All the Δ is in the O” ; “None of the Δ is in the O”.
Any two assertions about X and Z, each expressing agreement or disagreement, total or partial, with or from Y, and leading to a conclusion with respect to X or Z, is called a syllogism, of which Y is called the middle term. The plainest syllogism is the following :
Every X is Y | All the Δ is in the O |
Every Y is Z | All the O is in the ☐ |
Therefore Every X is Z | Therefore All the Δ is in the ☐ |
15In order to find all the possible forms of syllogism, we must make a table of all the elements of which they can consist ; namely
X and Y | Z and Y | |
Every X is Y | A | Every Z is Y |
No X is Y | E | No Z is Y |
Some Xs are Ys | I | Some Zs are Ys |
Some Xs are not Ys | O | Some Zs are not Ys |
Every Y is X | A | Every Y is Z |
Some Ys are not Xs | O | Some Ys are not Zs |
16Or their synonymes,
Δ and O | ☐ and O | |
All the Δ is in the O | A | All the ☐ is in the O |
None of the Δ is in the O | E | None of the ☐ is in the O |
Some of the Δ is in the O | I | Some of the ☐ is in the O |
Some of the Δ is not in the O | O | Some of the ☐ is not in the O |
All the O is in the Δ | A | All the O is in the ☐ |
Some of the O is not in the Δ | O | Some of the O is not in the ☐ |
Now, taking any one of the six relations between X and Y, and combining it with either of those between Z and Y, we have six pairs of premises, and the same number repeated for every different relation of X to Y. We have then thirty-six forms to consider: but, thirty of these (namely, all but (A, A), (E, E), & c., ) are half of them repetitions of the other half. Thus “Every X is Y, no Z is Y”, and “Every Z is Y, no X is Y”, are of the same form, and only differ by changing X into Z and Z into X. There are then only differ by changing X into Z and Z into X. There are then only 15 + 6, or 21 distinct forms, some of which give a necessary conclusion, while others do not. We shall select the former of these, classifying them by their conclusions; that is, according as the inference is of the form A, E, I, or O.26 »
17Nous ne pouvons suivre ici tout au long cette démonstration, mais afin d’illustrer l’usage qui sera fait des « figures » dans l’examen des quatre cas annoncés, lisons un des plus simples, le deuxième :
« In what manner can a universal negative conclusion be drawn; namely, that one figure is entirely exterior to the other? Only when we are able to assert that one figure is entirely within, and the other entirely without the circle. Thus,
Every X is Y | All the Δ is in the O A |
No Z is Y | None of the ☐ is in the O E |
No X is Z | None of the Δ is in the ☐ E |
is the only way in which a universal negative conclusion can be drawn27. »
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18En affirmant qu’Euler n’était pas le premier à avoir utilisé une procédure diagrammatique pour exprimer des syllogismes, Venn disposait déjà de preuves incontestables ; il cite un bref texte de Vivès, et présume avec raison28 que devaient être attribuées à J.C. Lange les figures circulaires utilisées dans le Nucleus Logicae Weisianae paru en 1712. Couturat devait plus tard en découvrir de semblables dans les manuscrits de Leibniz, et on en signala également la présence chez J.C. Sturm29. Mais rien ne pouvait mieux illustrer notre présent propos qu’un texte du xvie siècle, cité par W. Risse30 : la demande : « soit un cercle » y est faite de manière aussi abrupte que chez Euler ou Gergonne.
« Unumquodque intimum in aliquo intermedio comprehensum, ipsoque intermedio in quodam extremo rursum contento, erit etiam in ipso extremo comprehensum. Sit enim circulus EF intimus, CD intermedius, AB vero extremus. Cum itaque intimus sit comprehensus in interno CD, rursumque intermedius in externo AB, necessario erit etiam intimus contentus in extremo AB ».31
« Quodcumque internum in aliquo externo comprehensum, ipsoque externo in quodam tertio non contento, non erit in ipso tertio comprehensum. Sit enim circulus internus C, inque externo circulo B comprehensus eique inclusus. Sit autem circulus tertius A. Dico itaque, cum internus circulus C insit atque inclusus sit circulo externo B, ipseque externus circulus B non insit circulo tertio A, non fieri posse, quod internus circulus C insit tertio circulo A.32 »
19Mais une fois que la quête s’est mise à remonter le fil des siècles, pourquoi s’arrêter en chemin ? Pourquoi ne pas remonter jusqu’au fondateur même de la syllogistique ? Souvenons-nous en, le texte de Venn dont nous étions partis parlait du Dictum d’Aristote : cette visualisation « naturelle » qu’on prête à certains de ses lecteurs, pourquoi n’aurait-elle pas été déjà le fait du philosophe qui fut, entre autres choses, méthodique analyste de la Géométrie ? Le plus curieux est que, non seulement la question ait été effectivement posée en ces termes par des commentateurs, mais qu’un des plus autorisés parmi eux ait répondu par l’affirmative. Étudiant les termes mathématiques qu’on peut relever dans la Logique aristotélicienne, B. Einarson33 avait avancé l’idée qu’Aristote, s’inspirant des diagrammes utilisés par les Grecs pour illustrer la théorie des proportions, avait utilisé des segments disposés les uns sous les autres pour illustrer les trois figures du syllogisme ; interprétation à laquelle W.D. Ross a donné son accord dans son commentaire sur les Premiers Analytiques34. Nous n’en dirons pas plus, non pas seulement à cause du caractère hautement conjectural de l’affirmation, mais parce que, dans toute controverse sur le sujet – et le problème est déjà posé au xvie siècle35 ! – intervient plus ou moins consciemment l’idée que se fait l’interprète des fonctions de la diagrammatisation et des « significations spatiales » d’expressions fondamentales du lexique logique : G. Patzig critique ces interprètes qui, désireux de « retenir la signification spatiale originelle de telles expressions, ont voulu les rapporter à certains modèles, entièrement conjecturaux au moyen desquels Aristote, comme le feront Leibniz, Lambert, Euler et Venn, aurait illustré et éclairé les modes du syllogisme36 » ; s’il rejette cette interprétation, et reproche à W.D. Ross d’avoir confondu intervention de significations spatiales et usage de « diagrammes géométriques », il accorde que de telles significations ont joué, mais autrement, un grand rôle37. Or c’est là très exactement le genre de problèmes que nous voudrions soulever à propos des modernes inventeurs de diagrammes ; si l’on admettait, comme allant de soi, ce que font ici les commentateurs, l’évidence dont se réclament ces modernes, nous serions au rouet. Pour sortir du cercle, il nous faudra voir quels procès furent dressés contre les diagrammes au xixe siècle et au début du xxe siècle, au nom de principes opposés à toute spatialisation indue.
B. Figurations spatiales en procès
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20Qu’on ait pu voir, au xixe siècle, dans les diagrammes logiques, la main du mathématicien, une preuve en quelque sorte a contrario en est donnée par ceux qui protestèrent contre de telles manipulations jugées hors de propos. Soucieux de préserver philosophie et logique contre les empiètements des mathématiciens, ces philosophes, déjà soupçonneux à l’égard de mises en forme effectuées more geometrico, détectaient dans le seul emploi de quelques symboles, des contaminations dangereuses. Certes, les diagrammes peuvent ne pas être la principale cible de ceux que Venn épingle tout au début de son ouvrage sous l’étiquette de « logiciens anti-mathématiques38 », mais on relèvera pour ce qui nous touche ici, qu’il en fut parmi eux qui récriminèrent tout autant contre les illustrations géométriques que contre les emprunts à l’algèbre. Venn mentionne39 les objections de Mansel, auteur de Prolegomena logica40 qui lui-même, avait invoqué sur ce point, l’autorité de Hegel. Il est remarquable que dans l’attaque sévère menée par Hegel contre des systèmes de notations radicalement impropres, lignes, figures, espaces soient mis sur le même plan – fussent comme cibles – que les caractères de l’algèbre.
« Le grand Euler, si fécond et si pénétrant dans l’art de déchiffrer et de combiner les rapports profonds entre grandeurs algébriques, plus explicitement Lambert à l’entendement si sec, d’autres encore, ont cherché, en vue de formuler les rapports entre les déterminations du Concept, un système de notations au moyen de lignes, de figures et d’entités analogues. On se proposait en somme d’élever les relations logiques à la condition d’un calcul – en fait bien plutôt de les y ravaler.
Or, la recherche de ce système de notations s’avère absolument vaine sitôt que l’on compare la nature de la notation à celle de ce qu’elle doit noter. Certes les déterminations du Concept : Universalité, Particularité et Singularité sont différentes entre elles, tout aussi bien que des lignes ou les caractères de l’algèbre le sont ; elles sont aussi opposées, permettant à proportion l’usage des signes + et −. Mais en vérité elles sont d’une tout autre nature que les lettres et les lignes ; de même leurs relations – même si l’on en reste à la subsomption et à l’inhérence – sont d’une tout autre espèce que les relations entre quantités algébriques et lignes, égalité ou différence des grandeurs, valeur positive ou négative, recouvrement de lignes, liaison de celles-ci en angles, ou encore disposition des espaces qu’elles enferment41. »
« […] Le Concept, par essence, ne peut s’appréhender que par l’esprit, dont il n’est pas seulement la propre possession, mais dont il est le Soi pur. Il est vain de prétendre le fixer au moyen de figures spatiales et de notations algébriques pour le seul bien du regard extérieur et d’un calcul, mode de traitement mécanique d’où le Concept se trouve évacué42. »
21Un demi-siècle plus tard, des philosophes que chagrinait la fascination exercée par l’Algèbre sur certains logiciens voyaient se multiplier les sujets d’inquiétude. Mansel approuve aussi peu la méthode algébrique adoptée par De Morgan que le syllogisme géométrique d’Euler43 ; mais nous avons pu relever de plus dans les Prolegomena deux passages où les diagrammes sont nommément pris à partie.
« If Logic is exclusively concerned with Thought, and Thought is exclusively concerned with Concepts, it is impossible to approve of a practice, sanctioned by some eminent Logicians, of representing the relations of terms in a syllogism by that of figures in a diagram. To illustrate, for example, the positions of the terms in Barbara, by a diagram of three circles, one within another, is to lose sight of the distinctive mark of a concept, that it cannot be presented to the sense, and tends to confuse the mental inclusion of one notion in the sphere of another, with the local inclusion of a smaller portion of space in a larger. The diagrams of Geometry in this respect furnish no precedent; for they do not illustrate the form of the thought, but the matter, not the general character of the demonstration as a reasoning process, but its special application as a reasoning about magnitudes in space44 ».
22Mansel soulignait par ailleurs le rôle éminent que jouait un principe dénommé par lui principe de concevabilité ; lorsqu’on combine des symboles algébriques en de longs calculs, on ne pense plus à leur signification ; ainsi en va-t-il lorsqu’on raisonne avec des mots, mais il faut soumettre le résultat du raisonnement à un test logique, en s’assurant de la coexistence effective des attributs dans un objet d’intuition ; les diagrammes auraient pu de ce fait trouver grâce aux yeux de Mansel ; il tient donc à préciser qu’au contraire, il n’y a là qu’un motif supplémentaire d’en condamner l’usage :
« Still less is such a practice justified by the test of conceivability which has been mentioned above, the possibility, namely, of individualizing the attributes comprehended in a concept. For, whereas that test is employed to determine the conceivability of the actual contents of each separate concept, the logical diagrams are designed to represent the universal relations in which all concepts, whatever be their several contents, formally stand towards each other. The contrast between these two, as legitimate and illegitimate appeals to intuition, will more fully appear in the sequel45. »
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23Les historiens de la logique relatent – nous l’avions rappelé pour commencer – que les coups portés contre la « logique des classes » à la fin du xixe siècle rendirent caduques des diagrammatisations entachées de graves ambiguïtés. Les critiques furent, cela va sans dire, d’un tout autre ordre que celles de Hegel : le « calcul booléen » mal fondé et d’horizon trop étroit n’avait pas encore véritablement « élevé » la Logique au rang de Logique symbolique. Mais la dénonciation des confusions conceptuelles – telle la confusion entre la relation d’appartenance et la relation d’inclusion – l’emporte de si loin sur la question particulière posée par l’usage des visualisations spatiales que les diagrammes purent ici être condamnés par surcroît : mis à l’écart en quelque sorte a fortiori. Aussi comprendra-t-on aisément qu’une histoire générale rendant compte de cette période fasse silence sur une telle question. Qu’en fut-il en fait ? Sans nullement nous proposer de répondre à une interrogation si délicate, nous nous bornerons, après avoir rappelé des remarques bien connues de Frege, à signaler des réflexions que nous avons relevées chez Couturat et Russell et qui témoignent d’une défiance de nature très particulière à l’égard des diagrammes logiques.
24Lorsqu’il soumet à un examen sévère quelques points de l’Algèbre logique de Schröder, Frege marque la limite au-delà de laquelle les diagrammes eulériens cessent de fournir une représentation intuitive adéquate ; ils n’offrent pour certaines relations logiques qu’une analogie boiteuse46. Frege « considère que le traitement calculatoire des classes, tel qu’il est développé par Boole et Schröder et tel qu’on le trouve encore à la base des raisonnements intuitifs sur les schèmes géométriques (cercles d’Euler ou diagrammes de Venn), est étranger à la logique47 ».
25L’intérêt des deux textes de Couturat que nous allons donner ci-dessous est qu’ils permettent de faire la différence entre deux types de reproches très différents qu’on pouvait adresser aux diagrammes.
26Couturat consacre un paragraphe de l’Algèbre de la logique aux « schèmes géométriques de Venn » à propos de la méthode de Poretsky ; il s’y livre à une critique qu’on pourrait dire technique de ce schématisme :
« Seulement ce schématisme, considéré comme une méthode pour résoudre les problèmes logiques, a de graves inconvénients : il n’indique pas comment les données se traduisent par l’annulation de certains constituants, et il n’indique pas non plus comment il faut combiner les constituants restants pour obtenir les conséquences cherchées. En somme, il ne fait que traduire une seule étape du raisonnement, à savoir l’équation du problème ; il ne dispense ni des étapes antérieures, c’est-à-dire de la “mise en équation” du problème et de la transformation des prémisses, ni des étapes postérieures, c’est-à-dire des combinaisons qui conduisent aux diverses conséquences. Il est donc de fort peu d’utilité, attendu que les constituants sont aussi bien représentés par les symboles algébriques que par des régions du plan, et sont beaucoup plus maniables sous cette forme48. »
27Et voici maintenant un décret de bannissement dont le principe est d’un tout autre ordre : « Bien qu’un tel schématisme soit commode, surtout au point de vue pédagogique (comme tous les schématismes), il n’est nullement nécessaire, car nous nous en sommes fort bien passés. Nous avons préféré nous en abstenir complètement dans l’exposé de la Logique des classes, pour ne pas laisser croire au lecteur que cette Logique repose, à un degré quelconque, sur des représentations géométriques ; et pour ne pas donner lieu à cette objection de certains philosophes, que la Logique est fondée sur une intuition, spatiale49 ou autre50 ».
28Or c’est une même guerre, mais généralisée sur un front philosophique bien plus étendu, guerre contre l’asservissement à « l’espace », que proclame Russell dans une remarque incidente, mais combien significative :
« Les philosophes ont été les esclaves de l’espace et du temps quand ils ont imaginé d’appliquer leur logique. Ceci est en partie dû aux diagrammes d’Euler et à l’idée que les propositions traditionnelles A, E, I, 0 étaient des formes élémentaires de proposition ; enfin, c’est dû à la confusion de “x est un β” avec “tous les α sont des β”. Tout ceci a conduit à confondre les classes et les individus et à conclure que les individus peuvent s’interpénétrer du fait que des classes peuvent interférer. Je n’insinue pas qu’on ait fait des confusions explicites de cette nature, mais seulement que la logique élémentaire traditionnelle enseignée au cours de notre jeunesse est pour le moins une barrière fatalement infranchissable pour ceux qui veulent éclairer leur entendement par la suite, à moins de passer beaucoup de temps à acquérir une nouvelle technique51. »
C. Figures sans mystères ?
29Ces « figures rondes » nous découvrent « tous les mystères dont on se vante dans la logique ». Mais d’où vient leur vertu ? La question ne semblait même pas devoir se poser. Pourtant, dès que s’élèvent des soupçons contre les « intuitions spatiales », c’est cette vertu même qui devient mystérieuse. Et vient l’obligation de scruter la confiance de ceux qui y crurent. L’analyse ne pourrait guère avancer si l’on s’enfermait à nouveau dans le rapport unilatéral de représentation : syllogismes – figures. Quelques remarques apparemment marginales d’Euler et de Gergonne nous désigneront deux ordres d’interrogations sur les « mystères » des figures, interrogations dont la présence et les effets seront ensuite relevés dans les textes de Venn et de De Morgan.
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30La logique « enseigne les règles de bien raisonner », les diagrammes permettent « d’expliquer très distinctement en quoi consiste la justesse d’un raisonnement » ; on ne le souligne pas assez, ces déclarations comme aussi des affirmations analogues de Gergonne doivent être entendues en leur sens le plus fort ; du coup, tout ce qui sera dit, ou tu, au sujet des diagrammes, sera de quelque conséquence ; une classification du savoir qui maintient respectueusement le primat du syllogisme, accorde, ne serait-ce que tacitement, un immense privilège à tous ses moyens adéquats d’expression.
31Au terme de son exposé sur « les différentes formes de syllogismes », Euler formule les principes qui les fondent :
« Le fondement de toutes ces formes se réduit à ces deux principes sur la nature du contenant et du contenu :
I. Tout ce qui est dans le contenu, se trouve aussi dans le contenant.
II. Tout ce qui est hors du contenant est aussi hors du contenu52. »
32Ces « principes » doivent en fait déjà intervenir dans l’analyse antérieure du « jugement », un « jugement » n’étant « autre chose qu’une affirmation ou une négation qu’une notion convient ou ne convient pas53 ». Or il est remarquable que le principe de convenance qui régit les jugements soit invoqué, comme principe éminent bien ailleurs que dans l’exposé sur la logique :
« Votre Altesse sait que l’étendue est l’objet propre de la géométrie, où l’on ne considère les corps qu’en tant qu’ils sont étendus, en faisant abstraction de l’impénétrabilité et de l’inertie ; donc l’objet de la géométrie est une notion bien plus générale que celle des corps, puisqu’il renferme non seulement les corps, mais aussi tous les êtres simplement étendus sans impénétrabilité s’il y en avait. De là il s’ensuit que toutes les propriétés qu’on déduit dans la géométrie de la notion de l’étendue, doivent aussi avoir lieu dans les corps, en tant qu’ils sont étendus ; car tout ce qui convient à une notion plus générale, par exemple à celle d’un arbre, doit aussi convenir à la notion d’un cerisier, d’un poirier, d’un pommier, etc. ; et ce principe est même le fondement de tous nos raisonnements, en vertu desquels nous affirmons et nions toujours des espèces et des choses individuelles tout ce que nous affirmons et nions du genre.54 »
33Principe réaffirmé dans la Lettre relative à la « fameuse dispute sur les monades » : « c’est le principe le plus certain de toutes nos connaissances, que tout ce qui convient au genre convient aussi à tous les individus qui sont compris sous ce genre55 ». Encore qu’on vienne de voir le « principe fondamental » servir à analyser l’objet de la géométrie, on pourrait se demander si les raisonnements mathématiques ont vraiment même fondement que les syllogismes ; lorsqu’il nous est dit que ce principe est le fondement de tous nos raisonnements, ou que réside dans les formes du syllogisme, « le seul moyen de découvrir les vérités inconnues56 », de telles vertus sont-elles prêtées en un sens assez lâche, par concession rhétorique, ou faut-il entendre que les raisonnements mathématiques, en un sens au contraire étroitement déterminé, soient toujours réductibles en droit à des syllogismes ? Euler ne laisse aucune place au doute ; à la fin de la Lettre XXXVII, il s’est prononcé sans ambiguïté en faveur d’une telle réductibilité :
« dès qu’un syllogisme se trouve dans une de nos dix-neuf formes on peut être assuré que si les deux prémisses sont vraies, la conclusion est toujours indubitablement vraie. D’où Votre Altesse comprend comment de quelques vérités connues on arrive à des vérités nouvelles, et que tous les raisonnements par lesquels on démontre tant de vérités dans la géométrie se laissent réduire à des syllogismes formels. Or il n’est pas nécessaire que nos raisonnements soient toujours proposés en forme de syllogismes, pourvu que le fondement soit le même ; dans les discours et en écrivant, on se pique même de déguiser la forme syllogistique.57 »
34Or c’est avec une égale fermeté, mais sans s’en expliquer davantage, qu’à plus d’un demi-siècle de distance, Gergonne notifie son attachement au syllogisme dont il prend la défense contre les sarcasmes du célèbre auteur de La logique ou les premiers développements de l’art de penser :
« Condillac, dans une note de sa Logique (1e partie, chap. VII) tente de jeter du ridicule sur cette méthode58. Il serait pourtant difficile d’en imaginer d’autres. C’est en particulier celle des géomètres qui, depuis vingt siècles qu’ils l’emploient ont fait par son moyen un assez grand nombre de découvertes ; et dont les erreurs, durant ce long intervalle, peuvent être facilement comptées59. »
35Cette constatation rend déjà très douteuses des interprétations trop marquées par les attentes de l’historien qui, procédant comme s’il se trouvait en face de projets de « mathématisation », ne peut dès lors qu’en enregistrer les échecs : des mathématiciens qui auraient eu les moyens d’aller au-delà de la syllogistique, sont restés enfermés en elle. Cette constatation nous met en fait devant la question inverse : le syllogisme étant considéré par eux comme premier, à quel titre pouvaient-ils se donner liberté d’utiliser des figures géométriques dans l’exposé de la syllogistique ? Une telle question met en jeu leur philosophie des mathématiques qu’il serait dès lors difficile de mettre entre parenthèses lorsqu’on étudie leur logique ; question qui prend aujourd’hui forme d’aporie, faute d’avoir jamais été posée. Une simple suggestion (en faveur de quoi parleront des textes d’auteurs postérieurs, cités plus loin) : le privilège des figures ne vient-il pas de ce qu’elles relèvent d’une Géométrie qui passe la Géométrie ordinaire, la Géométrie de situation ? Une remarque incidente de Gergonne nous indiquera une autre direction de recherche, à propos de laquelle il faudra garder à l’esprit que dans les Lettres… d’Euler, la Lettre XXXIV qui s’ouvre par des remarques « sur les perfections d’une langue » fait suite à la Lettre XXXIII « sur les langages, leur essence, avance et nécessité, tant pour se communiquer mutuellement les pensées que pour cultiver nos propres connaissances ». Ce que faute de mieux on appelle « l’intuition géométrique » a pu jouer, par certains de ses effets, un rôle proprement critique. Tout lecteur attentif de Gergonne sera surpris de voir mises en cause, au nom des relations fondamentales dégagées par la dialectique rationnelle à partir d’analogies géométriques, les capacités d’expression des langues naturelles : « Il n’est aucune langue dans laquelle une proposition exprime précisément et exclusivement dans lequel de nos cinq cas se trouvent les deux termes qui la composent ; une telle langue, si elle existait, serait bien plus précise que les nôtres ; elle aurait cinq sortes de propositions ; et sa dialectique serait toute différente de celle de nos langues60. » Ainsi, nous dit R. Blanché, ce système logique se distingue ici du système traditionnel « en ce que, fondé sur l’intuition géométrique au lieu d’être inspiré par une analyse du discours, il s’est complètement affranchi des servitudes du langage usuel61 ». Mais faut-il ne trouver là qu’une raison supplémentaire de déplorer le traditionalisme de Gergonne, tant parce qu’il ne s’applique qu’à retrouver les lois classiques, que parce qu’il ne voit pas dans les insuffisances si bien relevées « des langues », une invitation à construire une langue artificielle ? Et faut-il surtout n’entendre dans les derniers mots de l’Essai62 qu’une « sorte de découragement devant l’idée d’une entreprise si vaste63. C’est trop oublier que Gergonne, sous d’autres modes que l’analyse des « propositions simples » dans la Dialectique rationnelle, a poursuivi une telle analyse en mathématicien et en philosophe des mathématiques. Le théoricien de la définition, celui qui tenait qu’« on raisonne avec des mots, tout comme en algèbre on calcule avec des lettres », le théoricien de la dualité qui réexpose en deux colonnes juxtaposées une partie de la géométrie, a eu de tout autres moyens pour manipuler et retravailler le « discours » que l’usage de symboles artificiels. C’est en songeant à tout cela plus qu’à la réussite d’une « algébrisation » atteinte par G. Boole selon de tout autres voies, qu’il faudrait analyser cet effet critique des diagrammes que nous venons de mentionner.
36Bref – et ce sont là deux suggestions qui guideront les analyses plus précises qui suivent – même lorsque crédit est ouvert à une figuration apparemment translucide, ce crédit ne peut être vraiment compris après coup qu’à travers ce que furent, chez chaque auteur, et sa classification des savoirs, et sa philosophie du langage.
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37Lorsqu’il juge, en toute généralité, d’après ce que pouvait en requérir la nouvelle Logique symbolique, le nouveau dispositif diagrammatique qu’il vient de mettre en place, Venn a tout lieu d’en être satisfait : « théoriquement », la représentation par des figures du processus de division dichotomique qui régit la combinaison d’un nombre quelconque de classes, est toujours possible64, et parfaitement adéquate, en ce sens qu’à tout terme logique correspond une et une seule région du diagramme65. Par ailleurs, et surtout en raison même de cette « correspondance et harmonie », la « représentation diagrammatique » ne soulève en tant que représentation aucune objection de principe sérieuse alors qu’il met bien de la minutie à défendre contre maints objecteurs « l’introduction des symboles mathématiques en Logique », Venn écarte en un tournemain les protestations élevées par un « puriste » comme Mansel contre les tentatives de ceux qui prétendent « visualiser des concepts » : la Logique Symbolique traite de classes d’objets, et de telles classes peuvent parfaitement bien être représentées par des cercles ou d’autres figures fermées66.
38Or, en pratique, et déjà pour le seul problème de la représentation des termes, tout se brouille ; mais ces disharmonies déplaisantes, ces imperfections inévitables vont induire de nouveaux regards sur les figures.
39Problème de la représentation des termes : étant donné un certain nombre de termes x, y, z, etc., former un « cadre de figures géométriques » qui correspond à la table des combinaisons de x, y, z, etc. Pour 2 termes, pour 3 termes, les figures peuvent être des cercles ; la solution présente alors des propriétés hautement remarquables que Venn n’énumère pas, mais qu’il tenait manifestement pour le comble de la perfection diagrammatique, et qu’on repérera aisément, tant est sensible leur perte, dès qu’on poursuit un tout petit peu le traitement du problème : élégance, symétrie, régularité, excellente visibilité, « continuité » des figures représentant les termes. Passe-t-on au cas de trois termes, il faut déjà renoncer à ces « figures simples » que sont les cercles ; qu’à cela ne tienne, on précisera que les cercles ne font rien à l’affaire, et qu’il suffit d’user de « figures continues67 ». Propose-t-on, pour réaliser dans le cas de quatre termes, afin de former le diagramme « le plus simple et le plus symétrique », des ellipses, ces dernières cessent de rendre un service analogue dans le cas de cinq termes. Pis encore, parvenu à ce point, contrainte est imposée de choisir entre deux sacrifices : ou sacrifier la « régularité », ou sacrifier la « continuité » ; le malheur veut que dans les deux cas, on perde le « coup d’œil ».
40Sacrifier la « régularité » :
« It will be found that when we adhere to continuous figures, instead of the discontinuous five-term figure given above, there is a tendency for the resultant outlines thus successively drawn to assume after the first four or five, a comb-like shape. If we begin by circles or other rounded figures the teeth are curved, if by parallelograms then they are straight. Thus the fifth-term figure will have two teeth, the sixth four, and soon, till the (4 + x)th has 2x teeth. There is no trouble in drawing such a diagram for any number of terms which our paper will find room for. But, as has already been repeatedly remarked, the visual aid for which mainly such diagrams exist is soon lost on such a path », (p. 118, n. 1).
41Sacrifier la « continuité » : on peut dans le cas de 6 termes, se servir de deux « figures à 5 termes » ; « if we wanted to use a diagram for six terms one plan would be to take two five-term figures, one for the u part and the other for the not-u part of all the other combinations. This would give the desired 64 subdivisions. Of course this loses the advantage, to some extent, of the coup d’oeil afforded by a single figure », (p. 117, n. 1). Une remarque relative au procédé de représentation par un tableau à multiples entrées proposé par Marquand68 laisse entendre assez clairement ce qu’est à l’inverse l’avantage d’un diagramme où chaque classe est représentée par une figure d’un seul tenant : « Of course there is not the help to the eye here, afforded by keeping all the subdivisions of a single class within one boundary » (p. 140). Plus vive est la critique – plus sensible aussi l’agacement que ressent le diagrammiste d’un tel désordre –, dans un texte qu’on trouve en fin d’ouvrage, et où se glisse, inattendue dans ce genre d’exposé, mais d’autant plus chargée de sens, une métaphore géographique :
« If, on the other hand, we take our stand on having ultimate compartments whose relative magnitudes admit of ready computation we are driven to abandon continuous figures. Our ABC compartment, say, instead of being enclosed in a ring fence, is scattered about the field like an ill-arranged German principality of olden times, and its component portions require to be brought together in order to collect the whole before the eye. We draw a parallelogram to stand for A, and divide it into its B and not-B parts. If we divide each of these again into their C and not-C parts, we shall find before long that the corresponding compartments will not lie in juxtaposition with each other, and therefore the eye cannot conveniently gather them up into single groups » (p. 527).
42Continuité, régularité, symétrie, autant de notions non définies, mais celles de figure, d’aire, de frontière, sans lesquelles l’entreprise de diagrammatisation n’a même pas de sens, ne le sont pas davantage. Silence est donc fait généralement sur des mathématiques si balbutiantes. Tout à l’inverse, à notre avis, la pauvreté des moyens, le flou des notions, les tâtonnements requièrent une analyse historique attentive à la position de nouveaux problèmes. Venn qui, en toute simplicité, ne désirait que dessiner les figures les plus simples possibles, se heurte en chemin à des circonstances accidentelles69, à ce que naguère, on aurait appelé des faits géométriques. Ce heurt l’oblige à dissocier et donc à mieux percevoir des qualités confondues dans la première notion de simplicité70. Constatant à regret que des formes « parfaites » se dérobent tour à tour, il est contraint de prospecter des entrecroisements inédits de formes encore inommées. Diagrammes hérissés en dents de peigne, diagrammes mal compartimentés où ce qui ne devrait être qu’un seul compartiment se disloque, à la manière d’une principauté allemande faite de pièces et de morceaux : ces difformités, certes, sont bénignes, comparées aux « monstres » que justement vers la même période commenceront à exhiber certains mathématiciens ; mais, toutes proportions gardées, la rencontre de « l’accidentel » provoque un léger décrochage rappelant de loin les retournements d’intérêt suscités par la prise en compte des phénomènes « pathologiques » en mathématiques ; l’obstacle devient thème propre d’exercice ; on en a eu plus haut un exemple, lorsque Venn, dans une note, donne une indication rapide sur les formes « à dents » ; en voici un autre : les « compartiments », de moyens de représentation qu’ils étaient pour le Logicien, sont vus pour eux-mêmes ; un nouveau langage s’ébauche pour étudier les rapports de situation relative des compartiments :
« A number of deductions will occur to the logical reader which it may be left to him to work out in detail. Some of them may be briefly indicated. For instance, any two compartments between which we can communicate by crossing only one line, can differ by the affirmation and denial of one general term only, e.g. x y z w and x y z w. Accordingly, when the two terms corresponding to such compartments come to be united, or as we may say, “added”; together, the result may be simplified by the omission of this term z; for the two together make up all x y w. Any compartments between which we can only communicate by crossing two boundaries, e.g. x y z̄ w and x ȳ z w, must differ in two respects: it would need four such compartments to admit of simplification then resulting in the opportunity of dropping the reference to two terms. For instance, x y z w, x y z w, Xȳ̄ z w, X y z w, taken together, amount simply to x w ». L’intérêt s’est ainsi déporté vers la « traversée des frontières »; une « addition » vient d’être évoquée, une « équivalence » sera définie: « In talking thus of crossing boundaries it must be remembered that to cross the same one twice is equivalent to not doing so at all, and that to do three times is the same as doing so only once; it merely puts us outside if we were inside before. » (p. 119).
43En quoi un tel changement d’objectif touchait de près ou de loin à la « Géométrie », Venn pouvait difficilement le dire lui-même ; la division des tâches qu’il prône à maintes reprises, lui interdisait apparemment de le désigner comme tel : en premier lieu, lorsque sont en jeu les Mathématiques dans leur ensemble, il ne parle qu’Arithmétique et Algèbre ; en second lieu, très sourcilleux dès qu’est mise en doute l’autonomie de la Logique, les seuls emprunts qui retiennent longtemps son attention concernent ces « symboles » qui vont des Mathématiques à la Logique et que la Logique dote de sens spécifiques. Mais vus de l’extérieur, certains de ses textes témoignent discrètement d’apports de la Logique à la Géométrie. Pour le dire dans le langage de Venn, de même que le langage symbolique peut toujours tirer de formes familières et anciennes des significations nouvelles et inattendues (p. xiv), de même la notion de « figure » réappropriée à sa manière par la Logique, change de signification ; aussi pourrait-on entendre dans le paragraphe final de Symbolic Logic, par delà son sens littéral71 une déclaration générale, enregistrant une avancée de l’abstraction vers des vues détachées de conceptions étroitement métriques :
« My own conviction is very decided that all introduction of considerations such as these should be avoided as tending to confound the domains of Logic and Mathematics; of that which is, broadly speaking, qualitative, and that which is quantitative. The compartments yielded by our diagrams must be regarded solely in the light of being bounded by such and such contours, as lying inside or outside such and such lines. We must abstract entirely from all considerations of their relative magnitude, as we do of their actual shape, and trace no more connection between these facts and the logical extension of the terms which they represent than we do between this logical extension and the size and shape of the letter symbols, A and B and C. » (p. 527).
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44« C’est surtout par l’impulsion qu’il a donnée à la moderne logique des relations que De Morgan a une place dans l’histoire de la logique72. » Ses études sur le syllogisme, émaillées de vues subtiles « n’a plus guère aujourd’hui qu’un intérêt d’érudition73 ». Son œuvre en logique abonde en considérations ingénieuses, en industrieuses tentatives de symbolisation, mais son esprit inventif a beaucoup souffert, jusque même dans sa théorie des relations, d’un attachement trop marqué pour la logique traditionnelle. Ainsi juge-t-on généralement – comme faisait déjà C.I. Lewis74 – un ensemble très ample de textes d’où on n’extrait plus d’habitude que les mêmes passages considérés comme significatifs.
45À l’inverse, c’est dans des parenthèses, des remarques incidentes que notre enquête a rencontré des textes où sont finement perçus et posés de nouveaux rapports entre notations symboliques, langage et diagrammes. Voici juxtaposées et brièvement commentées quelques unes de ces remarques faites en passant.
A
46En un premier temps – nous l’avons vu plus haut – De Morgan, sans connaître les diagrammes de Lambert et d’Euler, en avait par lui-même formulé le principe ; une fois qu’il eut pris connaissance des procédés de ces deux auteurs, il en tira profit pour proposer, à côté d’une de ses notations symboliques, un procédé amélioré de diagrammatisation.
47En 1850, dans un exposé « sur le syllogisme75 », De Morgan consacre sa deuxième partie à « la formation de la notation symbolique pour les propositions et les syllogismes » ; il critique la nomenclature traditionnelle des propositions (A, E, I, O), en propose une réforme ; puis il expose son propre système de notations (parenthèses et points) ; après quoi il amorce comme suit des remarques sur une « représentation graphique du syllogisme » :
« All notation, no doubt, is both pictorial and arbitrary: nevertheless, there are cases in which one or the other character decidedly predominates. The arbitrary character decidedly predominates in the preceding notation: but the syllogism admits of a graphical representation which is as suggestive as a diagram of geometry. This was partially adopted by Lambert and Euler (Formal Logic, p. 323) and may be more completely shewn, and without new types or woodcuts, in the following way. Let all the instances in the universe of the syllogism be represented by the points of a definite straight fine: but to avoid confusion, let this straight line be repeated as often as it is necessary to introduce a name. Let the division of this straight line into a continuous and a dotted portion signify the distribution of the universe into a name and its contrary. When a proposition is asserted, let a second line run over so much of the extent of each name as is declared by the proposition to be in agreement or disagreement with the whole or part of the other: extents which fall under one another being taken as in agreement. Thus in the following diagrams we sec the propositions “Every X is Y”, and “Some things are neither Xs nor Ys” ».
48Ces indications sont sommaires ; mais le seul fait que cette notation soit esquissée comme une notation parmi d’autres, imaginables à volonté en vue d’un même objectif, compte autant à nos yeux que le dispositif lui-même. Comme doivent aussi compter les deux phrases de portée générale qui ouvrent le texte ; « notation » : ce terme vient qualifier, dans un exposé sur les notations symboliques, une représentation graphique ; « arbitrary », « pictorial » l’opposition renvoie au vénérable débat sur les différents types d’écriture, sur le rôle respectif de l’arbitraire et du pictographique en théorie des signes. De là vient selon nous une comparaison moins banale qu’il ne paraît la « représentation graphique » n’est pas donnée directement comme figure géométrique ; son caractère suggestif est comparé à celui que peut avoir un dessin, en géométrie.
B
49De Morgan est revenu très souvent sur l’opposition entre les points de vue de l’extension et de la compréhension, ainsi que sur la notion de « quantité » en logique ; dans un de ses premiers textes sur le sujet, il évoque « l’idée » d’où semblent provenir certains modes d’expression des « logiciens » : celle d’une aire incluse dans une autre.
« The language of logicians has generally been unfavourable to the distinct perception of their terms being distributively applicable to classes of instances. They have rather been quantitative than quantuplicitative expressing themselves as if, in saying that animal is larger or wider term than man, they would rather draw their language from the idea of two areas one of which is larger than the other, than from two collections of indivisible units, one of which is in number more than the other. They have even carried this so far as to make it doubtful, except from context, whether their distinction between universal and particular is that of all and some, or of the whole and part. If their instances had been white squares, their “all A is B” and “some A is B” might have applied as well to “All the square is white” and “Some of the square is white” as to “All the squares are white” and “Some of the squares are white”. I shall take particular care to use numerical language, as distinguish from magnitudinal, throughout this work, introducing of course, the plural Xs, Ys, Zs, & c.76. »
C
50De Morgan a introduit en Logique la notion fondamentale d’« univers du discours » ; ses motifs, ses commentaires touchent de très près aux questions posées ici ; nous ne donnons ci-dessous qu’une analyse préliminaire où se met en place une théorie de la dénomination dite en termes de frontières, selon laquelle à chaque nom correspondent une décision ou des divisions de type dichotomique : oui-non, dedans-dehors, inclusion-exclusion ; théorie dont Boole tirera profit, et qui esquisse déjà le cadre où s’inscrira la diagrammatisation de Venn.
« Every name has a reference to every idea, either affirmative or negative. The term horse applies to every thing, either positively or negatively. This (no matter what I am speaking of) either is or is not a horse. If there be any doubt about it, either the idea is not precise, or the term horse is ill understood. A name ought to be like a boundary, which clearly and undeniably either shuts in, or shuts out, every idea that can be suggested. It is the imperfection of our minds, our language, and our knowledge of external things, that this clear and undeniable inclusion or exclusion is seldom attainable, except as to ideas which are well within the boundary: at and near the boundary itself all is vague. There are decided greens and decided blues but between the two colours there are shades of which it must be unsettled by universal agreement to which of the two colours they belong. To the eye, green passes into blue by imperceptible gradations: our senses will suggest no place on which all agree, at which one is to end and the other to begin. But the advance of knowledge has a tendency to supply means of precise definition.77 »
D
51Le paradigme de l’Algèbre domine à ce point la constitution de la Logique Symbolique qu’on pourrait se demander si la Géométrie fut invoquée sous quelque forme que ce soit, positivement ou négativement, dans les débats contemporains relatifs à la Logique. De Morgan procède de fait à des comparaisons raisonnées de ces deux disciplines quant à leurs rapports respectifs avec la Logique ; mais nous leur préférerons ici une réflexion à la limite de la boutade, chargée d’allusions, mais qui dans sa seule littéralité, convient parfaitement à notre propos, rassemblant en quelques phrases plusieurs des thèmes évoqués plus haut. De Morgan répond à une objection : on l’avait accusé de voir dans « la pensée une branche de l’algèbre », au lieu de concevoir « l’algèbre comme une branche de la pensée ».
« I might with more justice charge the logician with affirming all thought a branch of geometry, instead of geometry a branch of thought. By processes nearly resembling those which led Descartes to affirm that space is all the essence of matter, he reduces all thought of comparison to the assertion or denial of containing and contained. These are originally terms of space-relation: and his only syllogism, his universal includent of all argument, can be fully symbolized by areas: a practice which many logicians dislike, and with reason, for it tells tales78. »
52Un doute avait motivé notre enquête ; une règle de lecture la guidait. Le doute portait sur la pleine efficacité descriptive et explicative d’une histoire générale de la logique, distribuant selon un schéma tripartite l’histoire des diagrammes logiques : dans la mesure où cette histoire péchait par défaut, le répertoire de textes ici rassemblés peut avoir à lui seul son utilité ; que ce schéma souffre d’une trop grande simplicité, ces textes en apportent par ailleurs la preuve : il laisse l’historien démuni devant ces « mystères » que recouvrent des recours d’ordre divers à l’évidence ; il accorde trop ou trop peu, selon les périodes concernées, aux vertus de la « visualisation » ; il ne permet pas d’intégrer les différents types de critiques adressées aux diagrammes ; il tend à faire confondre, pour ce qui est de la « première période », usage des figures et mathématisation ; il porte au contraire à considérer comme marginal cet usage dans la période où se constitue la « logique symbolique ». La règle de lecture voulait qu’attention soit portée à ce qui était dit des diagrammes, non en tant qu’ils servent de moyens à des théories logiques, mais en tant qu’ils sont précisément qualifiés de diagrammes : figures géométriques ; est apparue alors la nécessité de tenir compte non seulement des rapports respectifs de la Logique et des Mathématiques mais à chaque étape, – et on aura pu constater qu’elle intervient en propre à plusieurs occasions –, de l’évolution de la Géométrie ; et l’attention aura été attirée par ailleurs sur les rapports complexes qui lient l’appréhension des figures et le « langage des logiciens » : métaphores spatiales régissant certains termes de leur lexique, classification des signes, philosophie des langues naturelles et artificielles. Resterait à poursuivre ce travail de reconnaissance en vue duquel ont été fixés ainsi quelques points de repère ; de toute manière, dans le dossier qui vient d’être rouvert, n’ont pas figuré – l’exclusion étant délibérée – des textes fondamentaux sur les diagrammes ceux de Bolzano et de Pierce ; peut-être les considérations précédentes permettraient-elles de mieux apprécier leur situation historique, de lire là autre chose que des analyses critiques marginales, de moins s’étonner des étranges tentatives menées là pour étendre à l’extrême les pouvoirs de la diagrammatisation.
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Notes de bas de page
1 Venn 1894.
2 Cf. Coumet 1965, dans ce volume, p. 97-114.
3 Bochenski 1961, p. 260-262.
4 Scholz 1968, p. 130-132.
5 Risse 1964 et 1970.
6 Couturat 1901, p. 25 ; cf. p. 21.
7 « M. Itelson nous a appris que ces schémas se trouvaient déjà chez Christopher Sturm », Couturat 1917, p. 47, n. 1.
8 Pour parler comme I.M. Bochenski (Bochenski 1961, p. 254) à qui nous empruntons également l’expression de « première période de mathématisation » (id., p. 296) pour désigner le temps où s’établit le calcul booléen.
9 « Une machine logique est une invention, électrique ou mécanique, conçue spécialement pour résoudre des problèmes de logique formelle. Un diagramme logique est une méthode géométrique pour faire la même chose. Les deux domaines sont étroitement liés et ce livre est le première tentative dans une langue quelconque pour en retracer la curieuse et fascinante histoire », Gardner 1964, p. VII.
10 Venn 1894, p. 506-507.
11 Euler 1843.
12 Id., Lettre XXXIV, p. 260.
13 Ibid.
14 Id., Lettre XXXV, p. 261.
15 Venn 1894, p. 110, n. l.
16 Schopenhauer 1966, p. 73.
17 Gergonne 1818-1819.
18 Cf. l’analyse très circonstanciée donnée récemment par Giard 1972.
19 Notons à ce propos que nous avons fort peu d’informations précises sur le sort réservé à la « logique » dans les institutions d’enseignement à partir du xviie siècle.
20 Voilà trois quarts de siècle « que la dialectique d’Aristote enseignée pourtant encore dans quelques établissements gothiques, était tombée, parmi les gens du bon ton, dans le discrédit le plus complet » ; mais dans ces derniers temps, elle a repris un peu de faveur, et je fus entraîné, précise Gergonne, « dans ces circonstances, à faire des cours de logique dans une école publique ».
21 Il en a rencontré trois : Euler, Lambert, Gergonne.
22 De Morgan 1847, p. 323.
23 « It is strictly confined to the Aristotelian forms and syllogisms, and is the reprint of a tract published in 1839, under the title of “First Notions of Logic (preparatory to the study of Geometry)” », id., p. vii.
24 « The paragraph preceding contains the essential parts of all inference, which consists in comparing two things with a third, and finding from their agreement or difference with that third, their agreement or difference with one another », id., p. 8.
25 Venn qui va jusqu’à classer les auteurs selon les figures qu’ils emploient, opère un rapprochement curieux, en rappelant des diagrammes utilisés par Kant dans ses leçons de logique : « Kant (Logik, I. § 21) and De Morgan (Formal Logic, p. 9) have introduced or suggested both a square and a circle in the same diagram, one standing for subject and the other for predicate » (p. 514) ; cf. Kant 1966, p. 113.
26 De Morgan 1847, p. 8-10.
27 Id., p. 10.
28 Il reproche à Hamilton (Logic, I, 256) d’avoir dit que Christian Weise fut le premier à faire des diagrammes logiques un usage familier.
29 Cf. Scholz 1968, p. 131-132 ; W. Risse, op. cit., tome 2 : sur J.C. Sturm, p. 167-9 ; sur J.C. Lange, p. 561-4.
30 Risse 1964, tome 1, p. 192.
31 Reimers 1589, p. 32.
32 Id., p. 36.
33 Einarson 1936, p. 166-169.
34 Aristotle 1965, p. 301-303.
35 Plusieurs commentateurs ont signalé que Julius Pacius estimait qu’Aristote s’était servi de « diagrammes », perdus ensuite par la faute des copistes. Une preuve en était à ses yeux l’usage de lettres dans certains passages, lettres n’ayant de sens, disait-il, que par référence à des diagrammes ou figures. W.D. Ross mentionne ce commentaire, mais ne le donne pas ; en voici un extrait : « litterarum enim nullus est usus, si figuras tollas, quae causa fuit, ut nos varia diagrammata huic libro inseruerimus, cujusmodi putamus ab ipso Aristotele delineata fuisse & incuriâ scriptorum ad nos non pervenisse. Hoc igitur loco Aristoteles perspicue significat se adiecisse diagrammata sive figuras » (Aristote 1584, p. 515).
36 Patzig 1968, p. 118.
37 Id., p. 125.
38 « […] those logicians who may without offence be designated as anti-mathematical… », Venn 1894, p. ix.
39 Id., p. 137-138.
40 Mansel 1851.
41 Hegel, Wissenschaft der Logik : Die subjektive Logik, Chap. I B, Anm. ; nous citons la traduction procurée par le R.P. Dominique Dubarle des deux textes qui « apportent l’essentiel de la pensée de Hegel au sujet de la mathématisation de la logique », Dubarle 1972, p. 12-15.
42 Id., p. 13.
43 Mansel 1851, p. 318, n. 1.
44 Id., p. 46-7.
45 Id., p. 47-48.
46 Frege 1967, p. 198.
47 Largeault 1970, p. 204. Cf. un texte où Frege recourt à une « image géométrique », et où pourrait se lire, selon C. Imbert, une critique des diagrammes (Frege 1969, p. 78-79, p. 212).
48 Couturat 1914, p. 77.
49 Couturat précise en note : « Albert Lange, notamment, a soutenu que le fondement des lois logiques se trouve dans l’intuition spatiale, de sorte que les lois logiques, seraient en définitive des lois géométriques (Logische Studien, 1877, posthume) ».
50 Couturat 1917, p. 47-48). Les phrases qui suivent feront mieux comprendre d’où vient « l’objection » : « Nous avons pu exposer toute la Logique des classes sans faire appel à aucune image. À plus forte raison la Logique des propositions est-elle indépendante de toute intuition, puisque certaines de ses formules (celles qui ne valent pas pour les classes) sont, comme nous venons de le montrer, contredites par les schèmes géométriques. Les Kantiens, qui veulent à toute force trouver des intuitions jusque dans les principes de la Logique, devront chercher des arguments un peu plus solides ».
51 Russell 1965, p. 302.
52 Euler 1843, Lettre XXXVI, p. 269.
53 Id., Lettre XXXIV, p. 259.
54 Id., Lettre LIV, p. 314.
55 Id., Lettre LVII, p. 321.
56 Id., p. 270.
57 Id., p. 273.
58 « Je me souviens qu’on enseignait au Collège, que “l’art de raisonner consiste à comparer ensemble deux idées par le moyen d’une troisième”. Pour juger, disait-on, “si l’idée A renferme ou exclut l’idée B, prenez une troisième idée C, à laquelle vous les comparerez successivement l’une et l’autre. Si l’idée A est renfermée dans l’idée C, et l’idée C dans l’idée B, concluez que l’idée A est renfermée dans l’idée B. Si l’idée A est renfermée dans l’idée C, et que l’idée C exclue l’idée B, concluez que l’idée A exclut l’idée B”. Nous ne ferons aucun usage de tout cela », Condillac 1947, p. 385.
59 Gergonne 1817, p. 206.
60 Id., p. 194.
61 Blanché 1970, p. 239.
62 « Ce qui précède offrirait une théorie complète du raisonnement, si l’on n’employait jamais dans le discours que des propositions simples ; mais malheureusement nos langues en emploient une multitude d’autres sortes ; et il paraît également difficile soit d’en restreindre le nombre, soit de donner une théorie qui embrasse toutes celles dont on peut faire usage », Gergonne 1817.
63 Blanché 1970, p. 239-240 ; « sur cette réflexion désabusée s’achève la “dialectique” », Giard 1972, p. 123.
64 « Theoretically, as we shall see, the desired aim is perfectly attainable », p. 113 ; « this process is capable of theoretic extension to any number of terms », p. 115 ; « their theoric perfection […] is unaffected by their intricacy », p. 118.
65 « Of course we must positively insist that our diagrammatic and our purely symbolic scheme shall be in complete correspondence and harmony with each other. The main defect of the common or Eulerian diagrams is that such correspondence is not secured », p. 139.
66 « Those who adhere to the material view of Logic will of course be but little influenced by such an objection. What we are concerned with is classes of objects, actual or possible, and these may very fairly be represented by circles or other closed figures. Such figures must necessarily include or exclude any part of the extension, just as the class must, and by shading or otherwise marking the figure we can duly indicate whether or not such a class must be pronounced actually non-existent. And this is all that can possibly be expected of any such figure », p. 138.
67 « This process is capable of theoretic extension to any number of terms. The only drawback to its indefinite extension is that with more than three terms we do not find it possible to use such simple figures as circles ; for four circles cannot be so drawn as to intersect one another in the way required. With employment of more intricate figures we might go on for ever. All that is requisite is to draw some continuous figure which shall intersect once and once only, every existing subdivision », p. 116. Cf. Anderson & Cleaver 1965.
68 Cf. Gardner 1964, p. 52-53.
69 « Indeed up to four or five terms inclusive our plan works very successfully in practice ; where it begins to fail is in the accidental circumstance that its further development soon becomes intricate and awkward, though never ceasing to be feasible », p. 113.
70 « Guilbaud caractérise une forme visuelle simple par deux qualités : connexité – ne pas avoir de trous, c’est-à-dire être homogène, ou dans un réseau ne pas avoir d’intersections non significatives ; convexité, être délimitée suivant des angles convexes, et former ainsi une plage à l’intérieur de laquelle toute droite ne traverse qu’une fois la figure. C’est vers ces caractères que toute simplification visuelle doit tendre », Bertin 1967, p. 166.
71 Ce paragraphe fait suite au texte de la p. 527 que nous avons cité plus haut ; Venn s’en prend à ceux qui veulent tenir compte dans le tracé des diagrammes de considérations « quantitatives ».
72 Blanché 1970, p. 293.
73 Ibid.
74 Lewis 1960, p. 43 et p. 50.
75 De Morgan 1850, p. 79-127 ; reproduit dans De Morgan 1966.
76 De Morgan 1847, p. 48.
77 De Morgan 1847, p. 35.
78 De Morgan 1850, p. 82.
79 Coumet ne donne que cette référence. On peut supposer qu’il s’agit de : Aristotelis Stagiritae peripateticorum principis organum, Morgiis. Laimarius, 1584, 831 p. [NDLR].
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