Construire des signes et donner du sens aux sports collectifs à l’école
p. 205-227
Texte intégral
1Qu’est-ce que donner du sens à l’activité sport collectif ? Si nous nous plaçons du côté de l’enseignant, donner du sens c’est avant tout créer un « besoin », une attention propice aux apprentissages ; c’est donc permettre aux élèves d’entrer dans l’activité. Pour ce faire, l’enseignant explicite ses choix, s’appuie parfois sur les représentations des élèves ou encore recherche lors de la première séance du cycle le niveau des élèves pour leurs proposer des situations didactiques non dénaturées par rapport à l’activité « culturelle » de référence. Si nous nous plaçons maintenant du côté de l’élève, donner du sens à son activité, dans le cadre d’une séance de sport collectif, c’est pouvoir se faire comprendre de ses partenaires. Ceci demande, bien entendu, pour cet élève d’avoir des compétences suffisamment développées qui vont lui permettre de faire des choix judicieux afin d’être efficace et de faciliter, ainsi, une plus grande compréhension chez ses partenaires.
2Est-ce à dire que les débutants ne peuvent donner du sens à leur activité ? L’expérience apporte quelques éléments de réponses et le jeu des débutants se caractérise par :
une succession d’actions individuelles, le plus souvent en fonction de la « possession » ou non du ballon ;
des déplacements « collectifs » de l’ensemble des joueurs en fonction du déplacement du ballon.
3Le défi de l’enseignant confronté à un premier cycle de sport collectif avec une classe de sixième est bien de « faire jouer ses élèves en échangeant la balle » et « d’occuper intelligemment » l’espace disponible.
4Nous pouvons avancer l’hypothèse que cette première phase dans l’apprentissage est non seulement incontournable mais que c’est très certainement à ce moment-là que tout se joue. L’enseignant doit très tôt et très vite aider les élèves pour leur permettre de construire « un langage commun », un code plus ou moins complexe qui s’élaborera progressivement au cours de l’apprentissage par l’acquisition de signes qui rendent lisible l’existence d’une intention (conduite de balle, passe, tir, …). Ces signes vont permettre la communication avec l’autre (ou les autres), la transmission d’une information suffisamment explicite à des fins d’exploitation efficace pour les partenaires (cf. Duprat, 2007).
5Néanmoins, la formation en sport collectif, telle qu’elle est dispensée actuellement aux élèves, se caractérise, encore, le plus souvent par deux phases distinctes. Tout d’abord, une phase d’acquisition au cours de laquelle les formateurs proposent des solutions modèles à répéter ou à découvrir. Ensuite, une phase d’application pendant laquelle l’élève en situation tente de transposer ou d’appliquer ces données à la complexité du jeu. Bouthier (1985) caractérise cette forme sociale de transmission des savoirs spécifiques aux A.P.S. de pédagogie des modèles d’exécution qui « se fixe pour objectif l’apprentissage par les joueurs des solutions les plus efficaces… Cette formation se réalise par un travail systématique de techniques individuelles et collectives (pour régler les problèmes de synchronisation) ». Nous entendons substituer à ce modèle formel, une alternance qui organise des liens fonctionnels entre des moments de pratique, d’observation et des moments de réflexion et / ou d’analyse de cette pratique. En un mot, une pédagogie des modèles de décision tactique qui « postule que l’intervention des processus cognitifs est décisive dans l’orientation et le contrôle moteur des actions. Elle suppose que la présentation des repères perceptifs significatifs et des principes rationnels de choix tactiques organise de façon majorante les effets du passage à l’acte y compris en termes de qualité de l’exécution » (Bouthier, ibid).
6Une autre difficulté de l’enseignement de sports collectifs à l’école, est de répondre au défi d’un apprentissage en vingt ou trente heures en regard d’une saison dans un club qui représente, environ, cent heures de pratique. Ce type de données entraîne deux sortes de réactions : soit on abandonne les apprentissages, soit on tente d’avancer sur ce problème. Le défi peut être formulé ainsi : comment aider l’élève à construire des connaissances concernant, par exemple, la prise de décision dans le temps scolaire ? Comme nous l’avons déjà écrit, le temps scolaire génère une « culture scolaire » que Forquin (1989) définit « comme l’ensemble des contenus cognitifs et symboliques1 qui, sélectionnés, organisés, « normalisés », « routinisés » sous l’effet des contraintes de didactisation font habituellement l’objet d’une transmission délibérée dans le cadre des écoles ». Si l’on suit cette définition, l’école enseigne un corps particulier de connaissances. Pour gagner du temps, on devrait aussi concevoir l’approche d’une activité physique et sportive de façon à ce que l’élève puisse ultérieurement débuter dans une autre APS sans être un « naïf ». Très tôt, il faut rechercher des transversalités spécifiques à une famille d’APS. Ceci suppose au niveau de la mise en situation d’insister sur la construction de connaissances spécifiques articulées avec le problème fondamental posé par l’activité ou par la famille d’activités. Il faut mettre assez tôt ces connaissances et compétences motrices en relation avec des classes de problèmes dans lesquelles elles sont susceptibles d’être réutilisées comme nous avons tenté de le montrer avec les configurations prototypiques. La poursuite simultanée de ces deux objectifs qui visent à la foi l’approfondissement et la généralisation, semble l’ambition minimale pour une éducation physique participant à la formation d’un adulte physiquement actif.
7À cet effet, les stratégies d’apprentissage pourraient reposer sur la démarche suivante. Dans le jeu, dans la plupart des cas, face à une situation nouvelle, le joueur a recours immédiatement à son répertoire d’actions disponibles. En fonction des effets obtenus et de l’analyse des moyens employés, il élabore, dans un deuxième temps, un projet d’action qui sera à nouveau modifié en fonction des informations en retour. Une autre stratégie consiste, préalablement à toute action, à envisager les réponses appropriées. L’action vient alors confirmer ou infirmer les hypothèses ayant servi de support. Dans ces deux cas, l’essentiel des régulations repose sur la faculté qu’a le sujet à mettre en rapport les résultats obtenus avec les moyens employés. Quant à la pertinence des réponses, elle suppose une intégration progressive de connaissances et de compétences motrices. Cette intégration de données relatives aux configurations du jeu, aux données stratégiques et aux données concernant les moyens de l’action ne peut réellement se faire que si le sujet adopte, vis-à-vis de ses transformations motrices, une attitude de type expérimental : hypothèse, vérification par l’action, analyse des résultats, reformulation de l’hypothèse… (cf. Gréhaigne & Roche, 1990). Il s’agit donc bien pour l’élève de construire des connaissances et des réponses motrices par une succession d’hypothèses et d’essais, cette construction s’appuyant sur une analyse des conditions ayant conduit à la réussite ou à l’échec. Autrement dit, à côté de l’action qui se satisfait de la notion de réussite (le but est atteint ou non), nous proposons, comme élément indispensable à la formation en sport collectif, la prise de conscience des conditions de la réussite, à partir d’une véritable activité de mise en relation, qui, seule, permet l’interprétation et l’explication de l’action. Il nous semble que ce type de travail est possible avec une didactique basée sur une approche tactique, en relation avec un apprentissage par la compréhension dans des situations authentiques de jeu. Nous allons exposer dans la suite de ce chapitre, quelques situations d’apprentissage et situations de référence que nous utilisons couramment dans nos enseignements.
1. Des formes de terrain à reconnaître pour apprendre et comprendre
8Il s’agit pour les élèves, de construire des connaissances et des compétences motrices par une succession d’essais, cette construction s’appuyant sur une analyse des conditions ayant conduit à la réussite ou à l’échec. Comme toujours, la formulation des problèmes à résoudre qui exprime l’interprétation et l’explication des actions nous apparaît indispensable au moment de l’apprentissage.
1. 1. Des situations pour les tout débutants
9Le premier indicateur à repérer par les joueurs dans l’environnement est le but. Donc, construire la cible constitue un premier objectif important. Une première série de situations consiste en jouant sur un demi (20 x 20 m) ou quart de terrain de handball (10 m x 20 m) à repérer la cible et construire le sens du jeu tout en réfléchissant aux conditions de la réussite.
10Nous avions déjà proposé dans Gréhaigne (Ed., 2007) quelques situations d’apprentissage pour les débutants, nous présentons (Fig. 1 à Fig. 8) des variantes de ces situations. Pour travailler ces différents types de configurations du jeu, on peut tout d’abord utiliser des formes de terrain variées qui en fonction de leurs dimensions, de leurs formes et de l’emplacement des cibles permettent de faire apparaître des circulations distinctes du ballon (cf. Marle, 2010). Cela demande aux élèves une attention particulière pour décoder et construite ces nouveaux repères. La notion « d’espace latéral par joueur » (Sarthou, 2006) est un indicateur intéressant car elle permet d’objectiver le terrain disponible. Par exemple, dans un jeu en 4 x 4 avec une surface de 5 m sur 20 m, l’espace latéral disponible est de 1,20 m ; dans le cas d’un 6 x 6 sur un terrain de 30 m sur 50 m l’espace latéral est de 5 m. À l’enseignant, en fonction de ses objectifs d’apprentissage, de choisir judicieusement la surface de terrain qui permettra aux élèves de réussir.
11Après cette présentation de quelques situations pour découvrir le jeu sportif collectif, nous allons en venir au football.
2. Conception de l’enseignement de l’activité football
12Nous avons adopté une démarche socio-constructiviste mettant l’élève en position d’apprendre par « le faire » mais aussi par la « compréhension des actions entreprises et des résultats obtenus ». Nous ne rejetons pas pour autant d’autres approches, en particulier l’approche techniciste pure et dure, qui mènerait à penser qu’avant de pouvoir jouer au football, les élèves devraient maîtriser la conduite de balle, les différents contrôles du ballon, la conservation ou l’efficacité dans l’atteinte de la cible. Cette conception qui s’inspire du travail fait au niveau des clubs se traduit le plus souvent par des séances peu motivantes, surtout pour les élèves en difficulté dans l’activité. Le jeu, le « vrai match » est proposé (souvent comme récompense ?) en fin de séance, si le temps qui reste le permet. En ce qui nous concerne, l’enseignement du football et aussi des sports collectifs à l’école nécessite la mise en activité des élèves dans des situations réelles de jeu ; un apprentissage à l’observation ; une sensibilisation aux aspects techniques. La compréhension des actions entreprises et leurs finalités constituent un autre point important car il est le gage d’une réutilisation possible des apprentissages. Ici on doit souligner qu’il est inutile de présenter un nombre trop important de situations d’apprentissage au risque de faire du « zapping » peu porteur de transformations et de progrès chez les élèves. Une durée de cycle assez longue, entre douze et quatorze leçons, permettant de bien stabiliser les apprentissages au besoin avec de la répétition constitue un gage de réussite et de progrès.
13S’adressant à tous les élèves, permettant les progrès de tous, il semble incontournable de déterminer de façon précise un niveau « plancher » à atteindre en relation avec un nombre minimum d’heures de pratique (qui peut se traduire par un nombre de leçons).
2. 1. La démarche
14Dans des situations réelles de jeu mais avec un jeu à effectif réduit tout en conservant les éléments constitutifs incontournables de sports collectifs :
15Le 3 x 3 semble être la structure de base pour ces jeux réduits, des équipes identifiées (utilisation de maillots distinctifs) et si possible un rapport de forces équilibré (du moins au départ).
16L’utilisation des situations à effectif réduit permet aux élèves d’être confrontés très fréquemment :
au « maniement » du ballon ;
au duel pour la conquête ou la conservation du ballon ;
à la possibilité d’atteindre la zone de marque et de tenter le tir.
17La durée des situations ne doit être ni trop longue, afin d’éviter la fatigue qui a pour conséquence une baisse évidente de l’efficience des élèves, ni trop courte afin de laisser le temps aux élèves de s’adapter aux conditions de jeu proposées. Une durée de sept à huit minutes paraît réaliste pour éviter ces deux écueils.
18Les dimensions de l’aire de jeu constituent un autre point critique. Une aire de jeu trop grande transforme les joueurs de sports collectifs en coureurs de fond ; une aire de jeu trop étroite pose d’énormes problèmes aux élèves dans le maniement du ballon, surtout pour les plus en difficulté. Une surface comprise entre 60 m2 (pour les plus débrouillés) et 100 m2 (pour les débutants) par joueur semble un bon compromis.
19Les cibles sont des éléments incontournables des sports collectifs, elles sont porteuses de sens pour les élèves. Leurs approches et leurs atteintes sont déterminantes. Il semble donc indispensable, du moins dans un premier temps, de proposer des cibles larges et / ou en grand nombre. La présence d’un gardien n’est pas une obligation : tirs précis (par exemple sous un banc, sous une corde ou des cônes à faire tomber) ou arrêt du ballon sur la ligne « remplacent » avantageusement le gardien.
2. 2. Apprentissage à l’observation
20Dès la classe de sixième, il est nécessaire de proposer aux élèves des situations d’observation de séquences jouées. Une observation ciblée, réaliste et utilisable permet d’apporter une aide aux élèves dans la compréhension du jeu et de ses composantes. Elle permet également de ne pas laisser les élèves non joueurs, inactifs, même si ce problème peut et doit trouver quelques solutions dans l’organisation temporelle et matérielle de la séance. Quantifier des actions réelles de jeu semble être une première étape incontournable de cet apprentissage. Cependant, ce travail doit être progressif et très certainement adapté aux capacités d’attention des élèves et à leur expérience antérieure (travail d’observation mené à l’école primaire ?).
21D’un seul critère à observer en début de cycle, nous pouvons sans aucun doute passer à deux ou trois au maximum en fin d’apprentissage. À titre d’exemple, quelques critères simples : tirs tentés, buts marqués ou encore reconnaître des configurations simples. La réussite ou l’échec d’une action est également porteuse de sens pour les élèves. Une autre caractéristique de l’observation est de pouvoir donner des indications aux élèves à partir de faits concrets, relativement objectifs et non sur des impressions peu évocatrices et très souvent imprécises (évaluation formative).
2. 3. La compréhension des actions entreprises et leurs finalités
22C’est dans le jeu (le plus souvent à effectif réduit), donc dans un véritable rapport d’opposition que les élèves se trouvent le mieux confrontés aux vrais problèmes inhérents aux sports collectifs (gestion du rapport de forces, utilisation des temps d’avance, enchaînements des tâches, etc.). L’utilisation des règles d’action, véritables connaissances sur le jeu, isolées ou articulées avec d’autres règles est indispensable et constitue une réponse à un problème donné.
23Nous prenons l’option d’organiser l’offensive, ou du moins de faciliter l’accès à la cible pour le porteur du ballon. L’atteinte de la cible pose de sérieux problèmes aux élèves ; les défenseurs venant, le plus souvent, rapidement s’opposer au porteur du ballon : l’attaque ne marque pas à tous les coups. Pourquoi bloquer la liberté d’adaptation des élèves ? C’est, en tout cas, la plus sûre manière de s’appuyer sur ce qu’ils savent faire.
24Atteindre la cible ou non, comprendre pourquoi, et proposer des solutions pour améliorer l’efficacité nous semble incontournable dans le cadre scolaire. La réversibilité des situations représente un aspect fondamental des sports collectifs en rapport avec le fait que les équipes attaquent ou défendent à tour de rôle. Action à l’interface de l’attaque et de la défense, la réversibilité représente un moment clé dans l’apprentissage de l’organisation du jeu en sports collectifs.
25Un autre élément facilitant la compréhension des élèves est la perception de la configuration du jeu, au moment de la récupération du ballon. Cet instant contient à qui sait le décoder, la logique d’exploitation des situations de déséquilibre, qu’elle tend à faire s’enchaîner « en culbute ».
26Cette notion de configuration du jeu est d’autant plus utile qu’elle permet d’optimiser l’activité du sujet en situation d’affrontement. On peut penser que le débutant, pour relever des indices pertinents dans cet espace, a besoin d’être guidé à l’aide de repères précis.
27Il nous paraît donc indispensable que les élèves puissent décrypter rapidement quelles sont les « positions spatiales » des adversaires (mais aussi des partenaires) lors de la récupération du ballon. Une défense en barrage ou en poursuite n’a pas la même signification ; les actions motrices et stratégiques ne seront pas identiques de la part des attaquants.
28Pour le niveau 1 (10 heures) on peut attendre de la part des élèves qu’ils puissent observer et exploiter en attaque, dès la récupération du ballon, le positionnement de la défense : barrage ou poursuite.
29Pour le niveau 2 (20 heures) on peut aisément imaginer que chaque équipe choisisse volontairement une configuration particulière afin d’exploiter le manque d’adaptation de l’équipe adverse à cette configuration.
30Enfin, le dernier élément nécessaire à nos yeux est le débat entre joueurs d’une même équipe après une séquence jouée. C’est une discussion organisée, une confrontation d’opinions à propos d’un objet particulier. De façon pratique, le débat d’idées consiste, après une séquence jouée et avec un retour d’informations chiffrées, des feedbacks apportés ou non par le professeur en une discussion destinée à faire évoluer ou non la stratégie prévue en analysant la tactique appliquée, le résultat du match et les données chiffrées relevées au cours de la séquence de jeu.
2. 4. De la répétition, il est inutile de présenter trop de situations d’apprentissage
31Une situation d’apprentissage se focalise sur l’émergence et la construction d’une ou plusieurs règles d’action (sur des connaissances) en relation avec les compétences motrices correspondantes. Dans une perspective socio-constructiviste de l’apprentissage et pour aider les élèves à transformer et à augmenter leurs réponses disponibles dans différentes pratiques sociales de référence, le dispositif didactique doit comprendre :
des temps d’action dans lesquels les élèves sont en activité motrice ;
des temps d’observation pour permettre de prélever de l’information sur leurs actions ;
des temps de « débats d’idées » (d’interaction) afin qu’ils s’expriment et échangent sur les résultats et les actions mises en projet en vue de transformer leurs réponses à propos du jeu.
32On retrouve tout au long des différentes périodes du processus d’apprentissage, des centrations particulières :
une période d’appropriation et d’exploration dans laquelle les élèves sont appelés à circonscrire les exigences de la tâche et rechercher des effets positifs à partir des réponses dont ils disposent ou bien commencer à élaborer de nouvelles réponses.
une période de validation dans laquelle les élèves sont amenés à éprouver dans le jeu la pertinence des actions retenues comme les plus efficientes pour atteindre le but de la tâche.
une période d’intégration et de généralisation dans laquelle ils vont devoir exploiter et intégrer leurs apprentissages dans de nouvelles situations ou des situations plus complexes.
33Proposer une situation différente à chaque séance ne permet pas aux élèves de construire durablement des réponses efficaces. Nous appuyant sur le jeu, la crainte de voir les élèves s’ennuyer au cours du cycle n’est pas fondée.
2. 5. Une sensibilisation aux compétences motrices
34Garassino (1980, p. 28) critique la conception de la technique sportive stéréotypée qui mutile, enferme, mécanise, en soulignant que, dans ce cas, « la technique maudite » comme « la technique magique » repose sur une conception erronée de celle-ci. Elle est assimilée (Fabre, 1972, p. 39) « à un geste, une expérience individuelle (ou collective) dépersonnalisée, transmise et capitalisée, en une manière de faire séparée de ses raisons de faire, l’acte dépouillé de ses motifs ». Dans la même perspective, Bourdieu, (1980, p. 136) met en garde contre des analyses mutilantes. « Passer du schème pratique au schéma théorique construit après la bataille, du sens pratique au modèle théorique qui peut être lu soit comme un projet, un plan ou une méthode, soit comme un programme mécanique, (…), c’est laisser échapper tout ce qui fait la réalité temporelle de la pratique en train de se faire ». En effet, la technique se déroule dans le temps, sa structure temporelle, c’est-à-dire son rythme, son tempo et surtout son orientation est constitutive de son sens. Dans les activités physiques et sportives, toute manipulation de cette structure, par un simple ralentissement ou une accélération, lui fait subir un changement fondamental. La technique est entièrement immergée dans le temps, non seulement parce qu’elle s’utilise dans le temps mais aussi parce qu’elle joue stratégiquement du temps, en particulier en utilisant les variations de la vitesse dans les rapports d’opposition. Un bon joueur engagé dans le jeu, pris par le jeu, s’ajuste non seulement à ce qu’il voit mais aussi à ce qu’il prévoit. Même si le geste maîtrisé a un statut instrumental fondamental, on est loin du modèle descriptif et de l’enchaînement mécanique de gestes (la bonne passe, le bon dribble…) appris à l’avance qu’associe communément le modèle techniciste à l’apprentissage.
35Même si les situations réelles de jeu (à effectif réduit) sont la « base et le corps » de nos séances d’EPS, nous n’excluons pas de proposer aux élèves des situations concernant les compétences motrices qui permettent d’apporter une réponse aux problèmes rencontrés. Ces situations doivent malgré tout prendre appui sur des situations réelles de jeu, mais, bien entendu, être simplifiées, tout en gardant les caractéristiques du jeu, à savoir : une ou des cibles, au moins un défenseur, une aire de jeu délimitée. Ce travail doit être inclus dans des configurations de jeu dynamique, privilégiant le mouvement caractérisé par un enchaînement des actions, des changements fréquents de statut où la circulation du ballon et le jeu sont privilégiés. Quelques éléments techniques doivent être maîtrisés en priorité par tous en vue de permettre la réussite de chacun et surtout de chacune.
36* À la fin de l’école élémentaire, pour les jeux et les jeux sportifs collectifs, le « lancer long » semble vraiment un outil indispensable aux élèves pour réussir en sport collectif. Construire le lancer long permet de lire le jeu différemment, ce qui sera une aide à la constitution d’un répertoire de compétences motrices disponibles. Cette construction se fera en jeu ou à l’aide de situations d’apprentissage qui font appel à des alternatives : passe ou tir, pénétration ou contournement, conduite de balle ou passe.
37* Concernant la conduite de balle chez les débutants, c’est le ballon qui guide les déplacements des joueurs ; il est donc nécessaire d’inverser ce constat et de permettre aux élèves de passer d’une situation de frappe explosive et unique sur le ballon à des actions modulées et fréquentes sur celui-ci. La gestion de la distance pied / balle prend ici tout son sens.
38* Faut-il ou non interdire le dribble au début des apprentissages ? L’interdire est bien souvent une erreur car, bien loin d’écarter le jeu, cela produit exactement le contraire chez les débutants. Il semblerait qu’il faille très vite différencier le dribble « utile » qui permet d’atteindre le plus rapidement possible la cible (contre-attaque) ou de s’écarter du premier défenseur, du dribble « inutile » qui traduit un comportement individualiste de la part du porteur de balle. Cette dernière conduite n’amène rien au jeu ; on peut alors limiter le nombre de dribbles ou de touches de balle afin d’éviter les longs raids solitaires. L’élément clef à construire dans le dribble consiste à bien différencier pousser et frapper la balle. Une dernière remarque à propos du dribble qui nous renvoie à la notion de la distance d’affrontement entre attaquant et défenseur, connaissance qui se construit en fonction de l’évolution motrice des joueurs. L’utilisation des situations de jeu à effectif réduit permet à chacun des joueurs d’être le plus souvent possible dans la situation de duel, condition indispensable à la construction de cette connaissance.
39* Enfin, dernier aspect sur le versant des compétences motrices : le tir. Les propositions de situations de jeu avec des cibles conséquentes (en nombre et en surface) permettent aux joueurs de « prendre des risques ». La valorisation de ces actions de tir, finalités premières des sports collectifs, est à rechercher en priorité. Des situations d’apprentissage spécifiques peuvent éventuellement venir en aide aux élèves les plus en difficulté dans ce domaine.
2. 6. Caractéristiques de l’élève – joueur à l’entrée en 6e
40Dans chaque classe de 6e, nous retrouvons de vrais débutants mais aussi des joueurs confirmés, licenciés dans un club. Pour ces derniers, il sera nécessaire d’adapter les règles retenues, de leur apporter parfois des contraintes particulières, mais aussi d’être vigilant dans la composition des équipes. Ces joueurs sont souvent l’exception ; l’objectif de l’enseignant est alors de permettre à ce ou ces joueurs d’aider les autres élèves dans les apprentissages proposés.
41Niveau débutant
Les joueurs suivent les déplacements du ballon (le ballon est maître du jeu).
La progression du ballon (lorsqu’elle existe) est individuelle.
Les trajectoires sont aléatoires.
La cible n’organise pas les déplacements des joueurs.
Les actions sur la balle sont explosives ou au contraire trop molles.
42Niveau débrouillé
Le ballon est porté dans la cible (encore peu de frappes réelles).
Les actions sont juxtaposées.
Les échanges de balle entre partenaires sont très souvent « forcés » (on donne la balle quand on ne peut plus faire autrement).
Le ballon s’écarte de l’axe central.
Apparaît le souci de gêner la progression adverse.
3. Former des équipes de sport collectif à l’école
43Tout le monde ne veut pas forcément adhérer ou participer au jeu. Du refus catégorique de l’affrontement avec les garçons chez certaines filles aux souvenirs d’expériences antérieures désastreuses (un ballon touché et peut-être perdu pendant vingt minutes de jeu), les raisons de ne pas jouer sont multiples et variées. Donc, une des premières difficultés rencontrées avec des élèves réside dans la formation d’équipes pour apprendre et pratiquer en sports collectifs. Comme nous l’avons déjà écrit, c’est un véritable problème auquel chaque enseignant se trouve confronté et de sa résolution dépendent en grande partie l’adhésion et la réussite des élèves. Il n’existe pas, malheureusement, de solution miracle qui permettrait, une bonne fois pour toutes d’apporter une solution à ce souci majeur. C’est donc le plus souvent une question de choix de la part de l’enseignant, en fonction du contexte, des élèves mais aussi de ses propres représentations et conceptions.
Ne pas « enfermer » prématurément les élèves dans l’une ou l’autre des catégories très usitées (les bons, les moyens, les moins bons), mais aussi permettre à chacun de s’exprimer dans un contexte favorable, c’est le dilemme rencontré par chacun d’entre nous lors des séances de sports collectifs.
De plus, les équipes composées en vue de l’évaluation doivent être les plus stables possible et ce très tôt dans le cycle afin de permettre aux élèves de construire « un langage commun » nécessaire à tout groupe constitué en quête d’efficacité, afin de réaliser la meilleure prestation possible lors de la dernière séance du cycle. Ceci n’empêchera pas l’enseignant de proposer un « brassage des équipes » lors de situations à dominante technique ou de jeu qui n’auront pas d’incidence directe sur l’évaluation des élèves.
Pour le niveau 1, il semble judicieux de faire le choix d’équipes homogènes entre elles mais hétérogènes dans leurs compositions (ex : un élève débrouillé et trois élèves débutants), ceci évidemment pour les séquences jouées.
En ce qui concerne le niveau 2, nous risquons d’être confronté à une grande hétérogénéité tant au niveau des ressources qu’au niveau de l’activité football ; il nous paraît donc indispensable de constituer des « équipes de niveau », pour aider les élèves dans la recherche et la construction pertinente de réponses adaptées aux problèmes rencontrés.
44En fait, comprendre les comportements d’un joueur de sport collectif, c’est souvent l’évaluer dans une organisation que constitue une équipe mais surtout dans les réponses apportées en fonction des caractéristiques des configurations du jeu, des rapports d’opposition ainsi que les contraintes et les opportunités en adéquation avec ce que pense le joueur. Prendre en compte la pertinence des réponses de quelqu’un, c’est utiliser ses comportements pour redécouvrir une situation dans ce qu’elle génère de réponses non prévues et faire de ces réponses des éléments d’analyse d’une interaction joueur / jeu.
45Nous allons présenter maintenant des propositions concrètes pour les niveaux « collège » afin d’illustrer ce que nous venons d’exposer.
4. Propositions concrètes pour le niveau 1
46La compétence attendue : « dans une situation de jeu à effectif réduit (4 contre 4), sur une aire de jeu réduite, délimitée et orientée, rechercher le gain du match en utilisant seul ou à plusieurs le ballon pour atteindre la cible adverse le plus souvent possible en respectant les règles simples et les autres joueurs ».
Les connaissances à construire ou acquisitions attendues
47Conduire le ballon en direction de la cible
Conduire le ballon pour éviter l’adversaire
Arrêter le ballon et changer de direction
Frapper le ballon pour marquer un but
Utiliser son corps comme obstacle entre le ballon et l’adversaire
Les connaissances d’accompagnement nécessaires
48Être garant des règles déterminées, arbitrer : reconnaître et siffler : « ballon en jeu » – « ballon hors du jeu » ; « but marqué » ou pas.
Faire respecter la ou les règles simples déterminées.
Identifier et décider à quelle équipe « revient » le ballon pour une remise en jeu.
Observer, juger, évaluer.
Quantifier les buts (B) ; quantifier les entrées dans les zones de marque (EZ) ; quantifier les tirs pour chaque équipe (T) ; quantifier les passes réussies (P).
4. 1. Situation de référence / situation d’évaluation
49La situation proposée ci-dessous peut être proposée comme situation d’évaluation de départ pour déterminer ce que les élèves savent faire. L’observation portera sur le nombre de tirs et de buts ainsi que le nombre d’entrées en zone de marque.
50Nb1 : le nombre d’entrées en possession du ballon (EPB) pour chaque équipe ou le nombre de touches de balle pour chaque joueur ne sont pas significatives, le jeu étant caractérisé le plus souvent par du jeu « ping-pong » entre les possesseurs du ballon.
51Nb2 : les relevés du nombre de tirs (T) et de buts marqués (B) ou encore du nombre d’entrée en zone de marque (EZ) peuvent être comparés au temps (T+B / temps de jeu, ou EZ / temps de jeu). Ces résultats permettent d’alimenter la réflexion des élèves.
52Cette situation pourra être utilisée comme situation de référence et proposée aux élèves au cours de quelques séances du cycle, avec une observation ciblée ; elle sera considérée comme situation « fil rouge » et permettra, en fonction des résultats enregistrés, d’adapter les propositions didactiques.
53Le travail effectué lors de ce premier cycle portera essentiellement sur la construction de la cible et le sens du jeu à partir de situations de jeu à effectif réduit en 3 x 3. Le travail sur les compétences motrices n’est pas à négliger mais toujours présenté dans des situations proches du jeu.
4. 2. Modalités d’évaluation
54Les modalités d’évaluation proposées ci-dessous sont volontairement précises et détaillées (elles ont été stabilisées par expérimentation sur plusieurs classes de 6e sur six à sept années). En fonction du niveau d’expertise de chacun, ces procédures peuvent être simplifiées ; cependant certains principes sont incontournables :
situation de jeu réel (3 contre 3 ; 4 contre 4 ; etc).
deux matchs (contre deux adversaires différents) pour chaque équipe.
durée des rencontres entre six et huit minutes.
évaluation des élèves sur chaque rencontre.
évaluation de la performance et de la maîtrise en même temps.
4. 2. 1. La performance
55Pour passer de l’observation à la notation, nous proposons que la performance soit un résultat collectif (l’équipe en l’occurrence). La note sera collective, c’est-à-dire que les joueurs d’une même équipe auront tous la même note. Cette performance s’appuie soit :
sur le classement des équipes après un tournoi, un championnat ;
sur le nombre de buts marqués / temps de jeu ;
sur le nombre de tirs / temps de jeu ;
sur le goal-average (nombre de buts marqués / nombre de buts encaissés).
56La note attribuée à la performance est au maximum de 10 points sur les 20 points disponibles.
4. 2. 2. La maîtrise
57Dans notre conception, la maîtrise est du domaine individuel. Elle traduit l’apport de chaque joueur au résultat du collectif. La note sera individuelle. On s’appuiera sur les propositions faites précédemment (voir ci-dessus les acquisitions attendues). La progression individuelle du ballon en direction de la cible, l’action de tir, la passe réussie à un partenaire, l’élimination d’un défenseur par conduite ou dribble ou bien encore le replacement défensif du joueur entre le ballon et sa propre cible en sont quelques exemples.
58La note attribuée à la maîtrise (au moins 10 / 20) est le résultat du nombre d’actions positives relevées pour chaque joueur par rapport au temps de jeu. Il est à noter que nous ne retenons que des actions positives, ce qui incite les élèves à prendre des risques sans être pénalisés en cas d’échec ou de mauvais choix.
4. 3. Proposition d’une situation d’évaluation pour tous les élèves
59Après dix heures minimum de pratique effective en football, cette situation proposée permettra d’une part d’évaluer l’atteinte de la compétence définie pour le niveau 1 et d’autre part de noter les élèves dans le cadre de l’éducation physique et sportive.
Contexte
60Situation de jeu à effectif réduit : équipe de 4 joueurs (1 gardien + 3 joueurs de champ). Les dimensions du terrain : 28 m sur 20 m (terrain de BB en longueur, ligne du terrain de HB en largeur). Nous disposons quatre cibles de 2 m, deux sur chaque largeur, placées à environ 3 m de chaque coin du terrain. (le gardien doit défendre les deux cibles) avec une zone du gardien délimitée de 5 ou 6 m sur toute la largeur du terrain (fait office de zone de marque). La durée de chaque rencontre est de sept minutes.
Consignes (règles du jeu)
61Toutes les remises en jeu se font au pied et sont « indirectes » (on ne peut pas marquer directement un but sur coup franc ou touche).
Les corners peuvent se faire à la main.
Interdiction de manipuler volontairement le ballon avec les mains.
Interdiction de pousser, tirer, bousculer un adversaire.
Le gardien fera les remises en jeu à la main.
Le gardien ne peut pas sortir de sa zone de but.
Après un but marqué, la remise en jeu s’effectue depuis le centre du terrain.
Indicateurs de réussite
62Orientation du jeu en fonction de la présence du gardien devant une cible.
Progression du ballon vers les cibles adverses.
Circulation de la balle dans les couloirs latéraux pour attaquer directement une cible.
Les défenseurs se placent entre le ballon et leur propre cible.
Les joueurs respectent les règles, en particulier balle en jeu, balle hors du jeu.
Données chiffrées
63Pour des matchs de sept minutes : nombre d’entrées dans la zone de marque de l’adversaire.
64Pour des matchs de sept à quatorze minutes : nombre d’atteintes volontaires de la cible à la minute (minimum de 1) ou nombre de tirs cadrés et de buts à la minute (minimum 1).
4. 4. Proposition de notation
65Nous allons examiner successivement plusieurs propositions de barèmes ou de scores à visée formative pour les pays qui ne notent pas.
4. 4. 1. 10 points pour le collectif (note par équipe) :
66On prendra en compte au choix : le résultat des rencontres (ex : nombre de buts marqués, nombre de buts encaissés) ; le résultat du championnat ou du tournoi (match gagné = 3 points, match nul = 2 points, match perdu = 1 point) ; le nombre d’atteintes de la cible à la minute ou bien le nombre de tirs et de buts à la minute.
4. 4. 2. Propositions de barèmes : sur 10 points
67Notre choix se portera sur deux « relevés » différents :
l’un permet de classer les équipes dans une même classe (ou un même groupe) : résultat du championnat (si toutes les équipes s’affrontent) ou du tournoi (dans le cas d’un nombre important d’équipes).
l’autre permet de situer la valeur d’ensemble des équipes d’une classe (ou un groupe) par rapport à une autre classe (ou un autre groupe) du même établissement ou de l’établissement voisin : nombre d’entrées en zone de marque à la minute.
Tableau I. Sur 5 points, le résultat du tournoi.
Équipe classée | Équipe classée | Équipe classée | Équipe classée |
5 points | 4 points | 3 points | 2 points |
Équipes classées | Équipes classées | Équipes classées | Équipes classées |
5 points | 4 points | 3 points | 2 points |
Tableau II. Sur 5 points : nombre d’entrées en zone de marque à la minute.
Plus de 2 entrées à la minute | Entre 1.5 et 2 entrées à la minute | Entre 1 et 1.5 entrée à la minute | Moins de 1 entrée à la minute |
5 points | 4 points | 3 points | 2 points |
4. 4. 3. 10 points pour l’individuel (note pour chaque joueur) :
68On comptabilise pour chaque élève le nombre d’actions positives réalisées lors de chaque rencontre. Le total de ces actions « positives » est ramené à la minute de jeu (A+ / min), trois actions positives sur les quatre proposées sont retenues :
progression individuelle du ballon (parcourir au moins 5 m avec le ballon en direction de la cible) ;
passe à un partenaire placé en avant ;
tir « cadré » ou but marqué ;
replacement entre le ballon et sa propre cible pour en fermer l’accès à l’attaquant.
Tableau III. sur 10 points : nombre d’actions positives à la minute.
10 points | 9 points | 8 points | 7 points | 6 points |
1.2 et plus | 1 et 1.1 | 0.9 | 0.8 | 0.7 |
5 points | 4 points | 3 points | 2 points | 1 point |
0.6 | 0.5 | 0.4 | 0.3 |
69Enfin une proposition d’évaluation de l’atteinte de la compétence de niveau 1 pour l’ensemble des élèves qui doit nous permettre de dire si oui ou non la compétence de niveau 1 est acquise pourrait être cinq actions positives « démontrées » par chaque joueur en sept minutes de jeu.
5. Propositions concrètes pour le niveau 2
70Compétence attendue :
« Dans une situation de jeu à effectif réduit (5 x 5), sur une aire de jeu délimitée et orientée, conquérir, assurer la continuité du jeu collectivement et atteindre la cible le plus souvent possible, en respectant les règles, les partenaires, les adversaires afin de remporter le gain du match ».
Les connaissances à construire ou acquisitions attendues
71Frapper la balle dans une direction différente de celle de sa course.
Tirer au but pour marquer.
Créer et utiliser un couloir de transmission entre porteur et non porteur.
Se placer entre deux adversaires pour récupérer le ballon.
Maîtriser ses gestes dans le rapport joueur / ballon.
Connaissances d’accompagnement nécessaires
Être garant du respect de règles énoncées, arbitrer :
Identifier et faire respecter les règles des différentes remises en jeu.
reconnaître et siffler les fautes de contact illicites sur l’adversaire.
Décider rapidement à qui est le ballon pour les remises en jeu.
Observer, juger, évaluer :
Quantifier les EPB (entrées en possession du ballon)
Quantifier les passes réussies jouées vers l’avant.
Quantifier les tirs cadrés et les buts marqués.
Quantifier les récupérations du ballon.
repérer le positionnement spatial des joueurs sur « des actions clés ».
5. 1. Situation de référence / situation d’évaluation
72La situation présentée (Figure 10) peut être proposée comme situation d’évaluation de départ pour déterminer ce que les élèves savent faire. L’observation portera sur le nombre de tirs et de buts ; le nombre d’entrées en possession du ballon (EPB) pour chaque équipe, ces relevés pouvant être comparés au temps (nombre de T et de B / temps de jeu, ou encore nombre d’EPB / temps de jeu). Enfin, le nombre d’EPB comparé au nombre de tirs et de buts est révélateur d’un certain niveau de jeu.
73Ces résultats alimenteront la réflexion des élèves et cette situation, pourra être utilisée comme situation de référence et proposée aux élèves au cours de quelques séances du cycle, avec une observation ciblée ; elle sera considérée comme situation « fil rouge » et permettra, en fonction des résultats enregistrés, d’adapter les propositions didactiques. La reprise de cette situation, avec des observations similaires lors de la dernière séance du cycle, pour l’évaluation, permettra des comparaisons entre niveau de départ et niveau acquis.
74Le travail effectué lors de ce 2e cycle portera essentiellement sur :
le passage rapide d’attaquant à défenseur et vice-versa, la contre-attaque,
le passe et va, le passe et suit, la recherche de la situation favorable de tir (passe décisive).
75Ce travail se fera essentiellement à partir de situations jouées pour lesquelles on recherchera l’augmentation de la vitesse de jeu. Cependant, un travail sur les compétences motrices et la tactique individuelle n’est pas à négliger mais toujours présenté dans des situations proches de la logique du jeu.
5. 2. Modalités d’évaluation
76Les modalités d’évaluation proposées ci-dessous sont volontairement précises et détaillées. En fonction du niveau d’expertise de chacun, ces procédures peuvent être simplifiées. Cependant certains principes sont incontournables :
Situation de jeu réel, deux matchs (contre deux adversaires différents) pour chaque équipe.
Équipes homogènes dans la composition rencontrant des équipes d’un niveau identique.
Durée des rencontres entre six et huit minutes.
Évaluation des élèves sur chaque rencontre et évaluation de la performance et de la maîtrise en même temps.
5. 2. 1. La performance est un résultat collectif (l’équipe mais aussi le groupe de niveau)
77Cette performance s’appuie sur le classement des équipes après un tournoi, un championnat ou sur le goal-average (nombre de buts marqués / nombre de buts encaissés). Chaque équipe dans un groupe de niveau se voit attribuer une note en fonction de son classement (de 1 à 4 points). Elle est basée aussi sur le nombre de tirs et de buts marqués / temps de jeu. Ce calcul se fait sur l’ensemble des rencontres qui opposent les équipes dans un même groupe de niveau : toutes les équipes d’un même niveau se voient attribuer la même note (de 1 à 4 points) en fonction de ce rapport T (tirs) + B (buts) divisé par le temps de jeu (T+B / temps de jeu).
5. 2. 2. La maîtrise : domaine individuel
78Elle traduit l’apport de chaque joueur au résultat du collectif. On s’appuiera sur les propositions faites précédemment (voir ci-dessus les acquisitions attendues).
79Quelques exemples pourraient être :
passe décisive,
passe longue en avant et réussie,
tir cadré ou but marqué,
passe réussie à un partenaire en mouvement, en avant,
élimination de deux défenseurs par conduite ou dribble,
interception volontaire.
80La maîtrise résultera du nombre d’actions positives relevées pour chaque joueur rapporté au temps de jeu (nombre d’actions positives / temps de jeu). Le choix de trois actions (qualifiées d’actions positives) paraît raisonnable.
81Il est à noter que pour ce niveau 2 également, nous ne retenons que des actions positives, ce qui incite les élèves à prendre des risques sans être pénalisés en cas d’échec ou de mauvais choix.
5. 3. Proposition d’une situation d’évaluation pour tous les élèves après vingt heures minimum de pratique effective en football
Contexte
82Situation de jeu à effectif réduit avec des équipes de cinq joueurs (1 gardien + 4 joueurs de champ) sur terrain de handball (40 x 20 m). La dimension des cibles : six mètres de large (le but de HB + 1,50 m de chaque côté) avec une zone pour le gardien délimité par les six mètres ou la ligne des neuf mètres. La durée d’une rencontre est de sept minutes.
Consignes (règles du jeu)
83Toutes les remises en jeu se font au pied et sont « indirectes » (on ne peut pas marquer directement un but sur coup franc ou touche). Les corners peuvent se faire à la main.
Interdiction de manipuler volontairement le ballon avec les mains et interdiction de pousser, tirer, bousculer, retenir un adversaire.
Le gardien fera les remises en jeu à la main ; interdiction pour lui de sortir de la zone de but.
Après un but marqué, la remise en jeu s’effectue depuis le centre du terrain.
Le tir n’est autorisé que dans le demi-terrain adverse.
Indicateurs de réussite
84Passe en dehors du couloir de déplacement.
Progression rapide du ballon après récupération, en direction de la cible adverse.
Utilisation volontaire des couloirs latéraux.
Les défenseurs se placent entre le ballon et leur propre cible.
Les défenseurs interviennent sur les trajectoires.
Les joueurs respectent les règles, en particulier balle en jeu, balle hors du jeu.
Variables possibles
85Engagement du gardien (ballon arrêté sur la ligne délimitant la zone) après un but. Relance du gardien au pied, ballon arrêté après sortie de but.
Données chiffrées
86Pour des matchs de sept minutes, le nombre d’entrées en possession du ballon (EPB) pour les deux équipes varie entre 25 et 40. Le nombre de tirs cadrés et de buts à la minute est de 1.5 à 3. Un tir cadré est un tir qui passe à moins d’un mètre des buts, stoppé par le gardien ou qui heurte un poteau ou la barre transversale. (Rappel : dimension des buts : 6 m x 2 m).
5. 4. Propositions de barèmes
87Les barèmes reposent sur des appréciations collectives et individuelles.
5. 4. 1. Au niveau collectif (sur 8 points).
88Notre choix se portera sur deux relevés différents :
l’un permet de classer les équipes dans un même groupe : résultat du championnat ou du tournoi (tableau IV).
l’autre permet de situer la valeur d’ensemble des équipes d’un groupe de niveau par rapport à un autre groupe de niveau différent (tableaux V et VI).
89PS : cette différenciation des niveaux paraît indispensable pour évaluer l’ensemble des élèves des classes composant un même niveau d’enseignement au sein d’un établissement (en particulier si cette évaluation est prise en compte pour le brevet des collèges).
Tableau IV. Sur 4 points : le résultat du tournoi.
Équipe classée | Équipe classée | Équipe classée | Équipe classée |
4 points | 3 points | 2 points | 1 point |
5. 4. 2. Au niveau individuel : sur 12 points, nombre d’actions positives à la minute
90Les actions positives retenues sont : passe décisive ou passe longue en avant et réussie ; tir cadré ou but marqué ; interception « volontaire ».
91Deux possibilités pour lire ce tableau :
la première ligne propose le résultat du rapport nombre d’actions positives / nombre de minutes jouées (exemple : 6 actions positives / 7 minutes de jeu = 0.86 8 points).
la deuxième ligne propose de passer directement du nombre d’actions positives à la note pour une séquence de jeu de 7 minutes (exemple : 7 A+ pour 7 minutes de jeu 9 points).
92Dans le cas où chaque élève dispute deux rencontres de 7 minutes, nous comptabiliserons les actions positives de ces 2 matchs (exemple cas 1 : 16 A+ / 14 min = 1.14 10 points ; exemple cas 2 : 14 A+ en 14 minutes 9 points). Nous avons déterminé comme seuil minimum, pour l’ensemble des élèves, cinq actions positives « démontrées » par chaque joueur en sept minutes de jeu, pour dire si oui ou non la compétence de niveau 2 est acquise.
93Quelques éléments restent à souligner concernant de l’organisation de la séance d’évaluation.
L’organisation matérielle, la rotation des équipes, la rotation des gardiens (si nécessaire), la rotation des arbitres, la préparation des fiches de relevés, mais aussi les modifications possibles dans la composition des équipes, en fonction d’élèves absents ou non-pratiquants, sont à prévoir en amont afin d’éviter toute perte de temps lors de cette dernière séance.
Un ou plusieurs élèves sont chargés de relever soit sur fiche, soit sur tableau, les tirs, les buts marqués, ainsi que les entrées en possession du ballon pour chacune des équipes (à remarquer qu’il est facile de contrôler ce relevé : le nombre d’entrées en possession du ballon pour chacune des deux équipes qui s’affrontent peut, dans le pire des cas, n’avoir que 1 de différentiel).
L’arbitrage étant assuré par les élèves, l’enseignant aidé par un élève « secrétaire », relève les actions positives support de l’évaluation individuelle : l’enseignant commente, c’est-à-dire qu’il indique le nom de l’élève concerné, le secrétaire note sur la fiche préparée à cet effet.
6. Conclusion
94Toutes les informations recueillies et leur interprétation permettent au professeur de proposer des situations d’apprentissage dont les objectifs visent à
un agrandissement pertinent de l’espace de jeu occupé ;
une diminution des pertes de balle ;
une augmentation du nombre d’échanges entre les joueurs de l’équipe ;
plus de séquences de jeu aboutissant à un tir au but ou à un but.
95Toute décision, dont on cherche évidemment à ce qu’elle soit la plus pertinente possible par rapport au contexte du jeu, ne devient valide que dans la mesure de sa traduction efficace en acte. Cela suppose que l’on aide le joueur à disposer effectivement de l’éventail des réponses correspondantes. Le joueur ne peut choisir que les réponses qu’il connaît et qu’il maîtrise ou va maîtriser. Aussi, le jeu et sa tactique, que nous avons voulu premier, constituent le contexte qui donne ses raisons d’être à la technique. La technique qui est seconde n’est pas secondaire et représente l’instrument de la tactique (Malho 1969). Dans l’intervention éducative, nous n’opposons pas les compétences motrices et les compétences tactiques, nous essayons au contraire de les articuler. Dans une situation d’apprentissage, l’allongement de l’espace de jeu effectif, imposé ou non par les tâches à effectuer, entraîne un recours, plus fréquent, au lancer long et ainsi son développement. À son tour, cette construction du lancer long en situation permet une variété de jeu qui enrichit les possibilités de réponses des joueurs.
96Il est à noter que dans les leçons de sport collectif, on a tendance à proposer des situations d’apprentissage avec trop rarement des défenses à la poursuite. Classiquement, on fixe le point de départ de l’attaque avec un nombre de joueurs, une défense en barrage avec un gardien de but ou pas en relation avec un thème à travailler. Pour faire évoluer le jeu différemment, il est possible d’envisager comme véritable point de départ de la situation jouée, l’instant où le ballon est récupéré par la défense qui devient alors l’attaque. De la sorte, on est confronté à des modalités qui sont très proches des véritables conditions du jeu. Ici, les apprentissages résident dans la gestion et l’exécution du deuxième temps de jeu préservant, ainsi, un minimum de désordre très utile quand on se retrouve face au fonctionnement réel du jeu avec possibilité de défense en retard voire à la poursuite. Enfin, afin de permettre de construire un autre regard sur le jeu, il est possible également de confronter les élèves à l’arbitrage. La connaissance des règles « primaires » par les élèves doit aller de pair avec les connaissances techniques et stratégiques (règles secondaires ou règles de l’action efficace). En effet, connaître et appliquer quelques règles simples (en tant que joueur mais aussi en tant qu’arbitre) aura des incidences fortes sur la construction de la motricité spécifique liée à l’activité des élèves.
Notes de bas de page
1 Pour l’éducation physique, il faut envisager également, les compétences motrices.
Auteurs
GRIAPS. IUFM de l’Université de Franche-Comté. France
GRIAPS. IUFM de l’Université de Franche-Comté. France
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le vampire dans la littérature romantique française, 1820-1868
Textes et documents
Florent Montaclair
2010
Histoires de familles. Les registres paroissiaux et d’état civil, du Moyen Âge à nos jours
Démographie et généalogie
Paul Delsalle
2009
Une caméra au fond de la classe de mathématiques
(Se) former au métier d’enseignant du secondaire à partir d’analyses de vidéos
Aline Robert, Jacqueline Panninck et Marie Lattuati
2012
Interactions entre recherches en didactique(s) et formation des enseignants
Questions de didactique comparée
Francia Leutenegger, Chantal Amade-Escot et Maria-Luisa Schubauer-Leoni (dir.)
2014
L’intelligence tactique
Des perceptions aux décisions tactiques en sports collectifs
Jean-Francis Gréhaigne (dir.)
2014
Les objets de la technique
De la compétitivité motrice à la tactique individuelle
Jean-Francis Gréhaigne (dir.)
2016
Eaux industrielles contaminées
Réglementation, paramètres chimiques et biologiques & procédés d’épuration innovants
Nadia Morin-Crini et Grégorio Crini (dir.)
2017
Epistémologie & didactique
Synthèses et études de cas en mathématiques et en sciences expérimentales
Manuel Bächtold, Viviane Durand-Guerrier et Valérie Munier (dir.)
2018
Les inégalités d’accès aux savoirs se construisent aussi en EPS…
Analyses didactiques et sociologiques
Fabienne Brière-Guenoun, Sigolène Couchot-Schiex, Marie-Paule Poggi et al. (dir.)
2018