Des données, des indices pour observer, évaluer… et donner du sens
p. 159-173
Texte intégral
1Toute situation d’évaluation formative ou sommative en sports collectifs repose sur un certain nombre de présupposés qui ont évolué au cours du temps en fonction des conceptions en vogue. On est passé du jeu global, aux parcours chronométrés, pour en arriver à des situations aménagées en jeu réduit à tenter de combiner des aspects quantitatifs et qualitatifs pour mieux apprécier ce qui se passe sur le terrain. L’évolution des outils évoqués dans ce bref inventaire, souligne bien la difficulté d’évaluer en sport collectif, en particulier quand on pose comme préalable à toute évaluation la nécessité de prendre en compte la complexité du jeu. Celle-ci, qui met en avant la notion d’opposition, si elle semble novatrice du point de vue des conceptions de l’apprentissage, pose de réels problèmes pour l’évaluation pratique des acquis. En effet, quelle est la part de chacun dans le succès ou l’échec de l’équipe ? Comment comparer deux équipes qui ne s’affrontent pas ? Quels indicateurs fiables pour évaluer un rapport de forces ? Aussi, construire du sens pour l’enseignant (le professeur) consiste à posséder des connaissances permettant d’évaluer, d’interpréter le jeu et de prendre des décisions pédagogiques. Une bonne évaluation formative de départ vise à faire un bilan des ressources des élèves au début d’un cycle de formation. Ici, l’évaluation formative a pour but de guider l’élève dans son travail scolaire. Elle cherche à situer ses difficultés pour découvrir des procédures qui lui permettront de progresser dans ses apprentissages (Cardinet, 1984). Aussi, pour éviter d’énoncer ce que les élèves ne savent pas faire, il faut se livrer, dans le cadre d’une évaluation de départ, à une observation systématique du jeu donc à une véritable étude éthologique du comportement des joueurs. Ces études supposent l’observation du sujet dans son milieu chaque fois qu’elle est possible. Des méthodes de mesures objectives de l’activité des sujets et de traitement des données permettent de quantifier les observations et de discerner ce qui dans une activité relève d’une conduite spécifique ou de comportements anecdotiques. En sport collectif, ces comportements s’inscrivent et s’insèrent dans des configurations temporaires du jeu illustrant un rapport d’opposition momentané.
2Dans l’appréhension de la situation de jeu, il y a évidemment une relation entre la structure de l’événement et les données de l’analyse perceptive, mais cette relation est fortement asymétrique et non isomorphe. Cependant, ce qui est perçu par le joueur (configuration perceptive), après intégration par les mécanismes cérébraux, est encore beaucoup trop complexe pour avoir valeur immédiate de connaissance utilisable. Un processus de simplification est indispensable. En conséquence, l’élève en phase de construction d’outils pour reconnaître le jeu, peut prélever un nombre limité d’indices significatifs insérés dans une configuration perceptive pour établir un schéma simplifié qui est posé comme équivalent de la configuration du jeu. C’est ce schéma qui constitue notamment la référence pour affirmer qu’une configuration perçue nouvelle est comparable à une configuration préalablement analysée.
3À l’école, pour obtenir des informations plus précises sur les conditions de l’affrontement, on peut utiliser différents indices et données chiffrés. Nous définirons un indice comme une valeur numérique obtenue en mettant en rapport la fréquence d’apparition de deux comportements. Celui-ci ne doit pas être considéré comme une mesure absolument exacte, car le choix des éléments retenus comporte toujours une part d’arbitraire. Néanmoins, utilisés avec prudence, les indices constituent souvent le seul moyen d’avoir une connaissance approchée sur des phénomènes complexes et leurs conséquences.
4L’observation concourt donc, aussi bien à la prise d’informations des élèves, des observateurs qu’à celle de l’enseignant. À ce titre, elle donne pour tous un modèle simplifié de la réalité mais est en même temps significatif des indices que chaque sujet a privilégié dans sa reconstruction du réel. Comme ces configurations perçues dépendent autant des cadres de références de l’élève que des actions perçues, celui-ci doit développer des connaissances pour lui permettre de traiter et d’anticiper de plus en plus vite les configurations du jeu. Comment obtenir des informations pertinentes sur ces mécanismes ? C’est ce que nous allons envisager maintenant.
1. Recueil des données
5L’utilisation de données chiffrées peut consister à enregistrer des comportements jugés significatifs d’une adaptation à une modélisation du jeu (Mérand, 1984 ; Dugrand, 1989) ; Gréhaigne, 1989 ; Blomqvist, Vänttinen, & Luthanen, 2005 ; Brau-Antony, & Cleuziou, 2005) soit pour l’équipe soit pour les joueurs. Comme nous l’avons déjà exposé (cf. Gréhaigne, 2007) pour l’équipe, le simple relevé du nombre de buts marqués (B), du nombre de tentatives de tirs (T) et du nombre d’attaques (ce qui revient à compter le nombre d’entrées en possession du ballon) dans des rencontres de durée constante, donne des indications très précieuses.
1. 1. Au niveau collectif
6Dans un rapport de forces équilibré, ce qui oblige l’enseignant à « construire » ce rapport de forces et pour des séquences de jeux réduits (3 x 3 – 4 x 4 – 5 x 5) nous allons faire deux propositions.
1. 1. 1. Proposition 1 : tir / minute de jeu
7Le nombre de buts marqués et le nombre de tirs « cadrés » (on peut par convention prendre en compte les tirs réellement cadrés plus les tirs passant à moins d’un mètre des buts), ramenés à la minute de jeu. Ce rapport tirs + buts / minute donne une indication précise sur le niveau de jeu. Ce rapport s’élève avec le niveau de jeu. Au niveau scolaire, pour les équipes les plus débrouillées, ce rapport peut aller jusqu’à 3. Pour les équipes avec des joueurs en grande difficulté, il peut être inférieur à 1.
1. 1. 2. Proposition 2 : tir + but / balle jouée
8Ce deuxième indice concerne le nombre de tirs + nombre de buts / nombre d’entrées en possession du ballon. Cela renseigne sur les entrées en possession du ballon qui donnent lieu à une séquence complète de jeu jusqu’à un tir. Les pertes du ballon étant fréquentes, il est difficile à observer lorsque le niveau de jeu est faible. Ce rapport peut varier de 10 à 15 % pour les équipes faibles à 60 ou 65 % pour les équipes fortes.
1. 2. Les séquences de jeu
9Une bonne façon d’obtenir des données sur le jeu, à partir des jeux réduits, consiste à analyser les séquences de jeu (Dugrand, 1989 ; Luthanen, 1986 ; Gréhaigne, Billard & Laroche, 1999 ; Mérand, 1977, 1990). Celles-ci peuvent être définies comme les échanges de balle entre les joueurs depuis l’entrée en possession du ballon et jusqu’à sa perte par l’équipe. On relève donc tous les échanges de balle entre les joueurs d’une équipe, mais aussi ceux du joueur qui remet la balle en jeu, qui tire les coup francs, etc. En un mot, on enregistre tous les événements du jeu (Figure 1).
10Ces séquences de jeu permettent d’obtenir des renseignements importants comme le nombre de séquences dans un temps donné et le nombre d’échanges de balle à l’intérieur de chaque séquence ainsi que la durée des séquences avant une interruption du jeu. Ce dernier nombre est souvent lié au niveau de l’affrontement. Plus la séquence de jeu est longue plus l’équipe prouve qu’elle est à même de gérer différents paramètres du jeu et en particulier le jeu adverse en enchaînant diverses unités tactiques ou qu’elle est incapable de pénétrer le dispositif de jeu adverse. On peut aussi repérer précisément quels sont les joueurs qui font les remises en jeu : engagements, remises de touche, coups francs, quels sont les joueurs qui se contentent de donner le ballon sans risque [notion de balle neutre], qui perdent ou au contraire qui récupèrent des balles), … et identifier les circulations habituelles de la balle à l’intérieur de l’équipe dans un type d’opposition donné.
1. 3. Au niveau individuel
11La contribution de chaque joueur au déroulement de la séquence de jeu constitue un indicateur pertinent (Dugrand, 1989). Toujours dans un rapport de forces équilibré et pour des séquences de jeux réduits (3 x 3, 4 x 4 ou 5 x 5), nous allons également faire deux propositions (cf. Marle, Pasteur & Voland, 1996).
1. 3. 1. Proposition 1 : les données chiffrées
12Il est possible de relever un certain nombre de données pour chacun des joueurs (Figure 2) et de calculer des rapports d’efficacité.
13Nous allons maintenant exposer quelques définitions et caractéristiques de ces données chiffrées pour bien comprendre les utilisations possibles de ces indicateurs. Cet outil constitue un inventaire très détaillé des événements qui peuvent subvenir dans le jeu. Il n’est pas à utiliser forcément dans sa totalité (en entier) car en fonction de ce qui est enseigné, on peut se construire une grille d’évaluation spécifique simplifiée avec tout ou partie des données.
14Quelques précisions peuvent être apportées dans cette nomenclature.
15Pour les balles jouées, il semble important de déterminer si les remises en jeu sont à prendre en compte ou non dans les balles jouées ; le plus souvent, ces remises en jeu se font au pied (excepté le corner qui se fait à la main) mais avec interdiction de frapper directement au but. Par convention, la remise en jeu ne se comptabilise pas dans les balles jouées si elle correspond à une « balle neutre », par contre, si elle se transforme en passe décisive donnant lieu à un tir ou un but, elle sera comptabilisée.
16Pour les balles distribuées, on peut distinguer :
Les balles neutres (BN) qui renvoient à une passe sans risque, une conservation du ballon sans aucune pression de l’adversaire.
Les balles d’attaque (BA) qui renvoient à une passe décisive donnant lieu le plus souvent à un tir ou un but ou à une passe qui permet de prendre de l’avance sur le replacement défensif.
17Concernant les balles perdues, il y a le cas du défenseur qui intervient pour contrer un tir sans entrer en possession du ballon ; il ne doit pas être « pénalisé » par une balle touchée puis perdue. Par convention, soit cette action n’est pas comptabilisée, soit ce défenseur aura une « balle touchée et conquise ».
18Si l’on met en rapport quelques-unes de ces données, on obtient des indices. Cette notion d’indices chiffrés repose sur l’hypothèse que la mise en rapport de deux ou plusieurs données chiffrées permet d’obtenir des indications non appréhendables à un premier niveau d’analyse. Par exemple, on peut calculer un indice d’efficacité comme dans les propositions de nomogrammes faites pour les sports collectifs (cf. Gréhaigne & Roche, 1993 ; Gréhaigne, Godbout & Bouthier, 1997 ; Gréhaigne, Mahut & Marchal, 1998). Néanmoins, il faut signaler que ce type d’évaluation prend du temps et que l’égalité réelle du rapport de forces entre les équipes reste quelque chose de fondamental pour utiliser un nomogramme. Alors sauf pour la recherche et des cas particuliers, nous avons abandonné ce type d’outil.
19Zerai (2009) dans son travail a proposé trois autres indices.
20L’indice d’efficacité donne un score qui permet à l’aide d’aspects plus qualitatifs, d’approcher, nous semble-t-il, le niveau d’un joueur dans une rencontre. C’est l’indice qui a été utilisé pour la construction des nomogrammes.
21L’indice efficacité I = BC + BA / 10 + BP
22Pour un joueur, ses compétences sont évaluées dans le domaine de l’offensive en comptabilisant le nombre de balles d’attaque et dans le domaine défensif en comptabilisant le nombre de balles conquises. Ses possibilités motrices spécifiques sont envisagées en comptabilisant le nombre de balles perdues. L’importance que peut prendre une erreur dans la comptabilité des BP quand il y en a peu, nous a amené à « tamponner » ce nombre de balles perdues en leur ajoutant une constante 10.
23L’indice de conservation est constitué par le rapport entre les balles perdues et les balles jouées (BP/BJ) que nous avons dénommé « indice de conservation » (Zerai, 2010).
24Ic = balles perdues / balles jouées
25L’indice de défensive met en relation le nombre de balles conquises et le nombre de balles perdues. Il montre l’efficacité des joueuses à récupérer la balle et à la conserver (BC/BP). Cet indice varie entre zéro lorsqu’aucune balle n’est conquise, 1 si le nombre de balles conquises est égal au nombre de balles perdues et supérieur à 1 si le nombre de balles conquises est supérieur au nombre de balles perdues.
26ID = balles conquises / balles perdues
27Des données chiffrées en défense pourraient également reposer sur : BE ou balles écartées en zone défensive ; buts sauvés, balles détournées, etc.
28Ces rapports renvoient de façon privilégiée à la logique du jeu et sa finalité première : la marque. Il est à noter que ces relevés nécessitent un grand nombre d’observateurs (au minimum, un observateur pour deux joueurs). Le nombre de balles jouées doit être conséquent donc il faut que les rencontres durent au moins entre cinq et sept minutes. Enfin, en fonction des objectifs du cycle, il est possible de combiner différentes données et indices pour obtenir des indications précises sur ce qui a été réellement appris.
1. 3. 2. Proposition 2 : les actions positives
29Cette proposition consiste en l’utilisation du rapport actions positives / nombre de minutes de jeu.
30Les actions positives sont des actions de jeu positives en fonction du but du jeu et constituent les conduites nouvelles attendues dans les configurations de jeu vécues. Quelques exemples d’actions significatives sont définis et présentés dans le tableau III. En fonction du contexte, de la situation de jeu, du niveau des joueurs, trois actions positives (AP) seront choisies pour l’observation. On peut donc calculer le rapport : actions significatives / nombre de minutes de jeu.
31Les premières études montrent que pour cinq minutes de jeu, un rapport de 0.7 ou 0.8 atteste d’une transformation dans les comportements des joueurs. D’un point de vue pratique, l’enseignant peut gérer l’observation des différents joueurs (jusqu’au 5 x 5) avec l’aide d’un secrétaire. La focalisation essentiellement sur le porteur de balle ne pose guère de problème ; l’utilisation de jeux réduits, sur terrains adaptés, permet à tous les joueurs d’entrer très souvent en contact avec le ballon. Enfin, les résultats de ce type d’observation peuvent être transmis quasiment immédiatement aux élèves.
1. 4. Exemple en football
32Les balles jouées sont déjà un indicateur simple à utiliser, mais on peut aussi travailler avec les actions positives. Il est, donc, possible de proposer aux élèves des évaluations performantes et informatives. Les éléments présentés ci-dessous ainsi que les tableaux II et III et IV exposent des exemples concrets mis en place au collège des Vernaux à Tavaux par Patrick Marle avec une classe de troisième en football.
33Situation proposée :
Terrain 40 m x 20 m (terrain de handball)
But de 5 ou 6 m x 2 m (à délimiter avec tapis, constri-foot, …)
Zone du gardien : zone du gardien de handball
Équipes de 4 joueurs de champ + 1 gardien de but.
Toutes les remises en jeu sont « indirectes » et s’effectuent ballon arrêté sur une ligne et au
pied ; les adversaires doivent se situer à 6 m environ du ballon.
Pas de hors-jeu.
34Il est à noter que les résultats chiffrés dans les tableaux sont donnés à titre indicatif car, en fonction du niveau des classes, ils sont susceptibles de varier. Par exemple sur douze points, on peut calculer le nombre d’actions positives divisé par le nombre de minutes jouées. L’enseignant pourra choisir parmi les propositions ci-dessous, trois actions caractéristiques, révélatrices des apprentissages proposés au cours du cycle.
35A1+ = tir cadré et but marqué
A2+ = récupérer le ballon entre deux adversaires
A3+ = passe en avant à un joueur en déplacement
A4+ = passe en avant à un joueur seul face au but adverse
A5+ = passe à un joueur orienté vers le but adverse
A6+ = éliminer volontairement un adversaire en attaque
36Pour déterminer le niveau d’affrontement (sur 8 points : c’est le versant collectif qui est pris en compte) des différentes équipes en « compétition », deux indicateurs sont retenus :
371) Le résultat du tournoi ou du championnat entre les différentes équipes en lice : prise en compte du classement des équipes à partir des points attribués en fonction des résultats des rencontres (match gagné = 2 points ; match nul = 1 point ; match perdu = 0 point).
Tableau V. Résultat des confrontations entre équipes d’un même groupe (équipes supposées de même niveau). Evaluation sur deux points (chaque équipe, donc les joueurs qui la composent, obtient la note correspondante à la place finale obtenue).
Place | 1er | 2e | 3e | 4e |
Points | 2 | 1.5 | 1 | 0.5 |
382) Le niveau de jeu du groupe dans lequel évoluent les trois ou quatre équipes. Ce niveau de jeu est déterminé par le nombre de tirs et de buts relevés pour l’ensemble des matchs d’un même groupe divisés par le nombre de minutes de jeu (exemple : compétition entre 3 équipes : 3 matchs ; durée des matchs : 7 minutes. 58 tirs et buts / 21 minutes = 2.76 ramené à 2.8 ce qui donne la note 5).
39Dans des situations plus complexes où le temps est plus réduit pour traiter les informations avec, par exemple, plus de joueurs sur un terrain plus petit, il suffit parfois de compter tout simplement les actions significatives quand on s’adresse à des élèves débrouillés. Trois utilisations de conduites nouvelles sur douze entrées en possession du ballon, dans un contexte difficile, suffisent à attester d’une transformation dans les comportements des joueurs. Dans ce cas de figure, la participation des élèves à l’évaluation formative est indispensable.
1. 5. An niveau de l’affrontement
40Avoir une bonne appréciation du rapport de forces permet de mieux situer les enjeux d’une rencontre. En football, pour obtenir une bonne évaluation des forces en présence, on peut utiliser le total des balles jouées (BJ) par chaque équipe. Par exemple
Pour 160 balles jouées ou plus dans une rencontre de 14 minutes en 4 x 4 sur un terrain de 40 m sur 20 m, nous avons observé un jeu rapide en une ou deux touches de balle avec beaucoup de situations de tirs.
Autour de 140 balles jouées c’est un match qui donne un jeu plus lent avec souvent quelques joueurs qui gardent la balle.
120 balles jouées représentent un match de faible intensité. Beaucoup de pertes de balle ce qui fait que la possession du ballon change souvent d’équipe ainsi que de nombreux ballons hors du champ de jeu caractérisent un niveau faible.
2. Les séquences de jeu
41Cela revient à analyser ce qui s’est passé dans l’espace de jeu occupé (EJo) le temps d’une attaque. L’EJo est une surface révélant l’espace de jeu dynamique utilisé par les attaquants et les défenseurs entre l’entrée en possession du ballon et la perte de celui-ci. La séquence de jeu ainsi définie montre une série d’actions de jeu et une succession de déformations de l’EJE qui indique la façon dont cet espace a été parcouru et utilisé. Plus la séquence de jeu est longue plus l’équipe prouve qu’elle est à même de gérer différents paramètres du jeu et en particulier le jeu adverse en enchaînant diverses unités tactiques. Avec l’objectif de commencer à avancer sur ce thème d’étude, nous présentons dans le tableau VII, quelques moyennes obtenues en recueillant des données chiffrées sur nos classes. La situation est à peu près constante quel que soit le sport collectif : deux équipes jouent pendant sept minutes en cinq contre cinq sauf pour le basket où le jeu se déroule en quatre contre quatre. Les données recueillies sont constituées pour chaque groupe par le nombre d’heures de pratique, le niveau de la classe, le sport collectif support, la moyenne du nombre d’entrées en possession du ballon, du nombre de balles atteignant la zone de marque, des tirs et des buts.
42L’idée de coëfficienter le résultat brut par rapport aux variables énoncées plus haut semble être une voie innovante qui permet d’obtenir une sorte d’étalon pour l’évaluation. Cependant, il convient d’asseoir cette pondération sur des données statistiquement fiables. En ce qui concerne les compétences motrices auxquelles nous ajouterons les connaissances relatives à la gestion et à l’organisation du jeu, il ne nous semble pas nécessaire de les évaluer en tant que telles. Elles doivent être appréhendées en cours d’apprentissage à l’aide du débat d’idées. L’enseignant doit rechercher une stabilisation de celles-ci afin qu’elles fonctionnent en « tâche de fond » dans les séquences de jeu. En d’autres termes, si nous restons profondément attachés au fait que l’apprentissage à l’école passe par une conceptualisation de l’action, celle-ci peut difficilement faire l’objet d’une évaluation séparée de son domaine d’application : le jeu.
2. 1. Nombre et durée des séquences
43En fonction du sport collectif choisi, du niveau des élèves et de la durée du temps de jeu, on retrouve des constantes entre les données chiffrées. Des séquences courtes involontaires sont quasiment toujours la caractéristique du jeu de débutants. Une succession de pertes de balle, des sorties fréquentes du ballon hors des limites du champ de jeu produisent un jeu haché par les arrêts.
44Des séquences longues sont souvent la conséquence de progrès technique dans le maniement du ballon et d’une tactique adaptée. Néanmoins, la difficulté de l’attaque à pénétrer le dispositif défensif relève aussi de ce type de phénomène. Cela conduit, souvent à une récupération du ballon à l’espace arrière de l’équipe qui était en attaque et permet la mise en œuvre d’une contre-attaque.
2. 2. Constantes dans les séquences
45En particulier, pour les configurations prototypiques au sens où elles représentent un modèle original, archétype d’un modèle qui se reproduit. L’exemple présenté figure 3 illustre un passage rapide en zone d’attaque avec un jeu en déviation (réception / passe) qui amène, rapidement un tir, la défense n’ayant pas eu le temps de se replacer.
46Cette reconnaissance des séquences devrait permettre aux élèves de construire des prototypes par catégorisation de formes géométriques, de classes de propriétés d’objets et enfin des catégorisations de relations temporelles en vue d’être plus efficaces en jeu. Les représentations cognitives, donc les connaissances qui se construisent ainsi, se réalisent fondamentalement par un couplage « perception / action ». Elles visent la mise à jour de signes, d’invariants pour reconnaître et décider vite à propos des configurations momentanées du jeu.
47La figure 3 illustre une configuration initiale de jeu en handball où l’espace de jeu effectif est dans le demi-terrain défensif. L’équipe qui vient de récupérer la balle par son gardien de but met en place un jeu en passes rapides (pour le football, le plus souvent à une touche de balle, voir à ce sujet les travaux de Dugrand, 1989 ou Lemoine, 2003) avec quelques échanges de balle qui conduisent le plus souvent à un tir. En basket-ball, ce type de jeu se retrouve, également, dans les contre-attaques ou dans le jeu de transition d’un panier à l’autre.
3. Discussion
48Ce n’est pas un hasard si un joueur reçoit ou intercepte beaucoup ou peu de ballons. Sa disponibilité physique et tactique, son état de fatigue influencent directement sa compréhension du jeu avec ou sans ballon et sa facilité à se mettre en communication avec ses partenaires. Avec des équipes équilibrées, qui respectent le principe « de l’égalité des chances à l’inégalité du résultat », le niveau de jeu peut être approché en comptant le nombre de balles jouées par l’ensemble des deux équipes.
49Néanmoins, ces données doivent souvent être interprétées et il reste un certain nombre de problèmes à traiter :
les données chiffrées recueillies doivent être pertinentes (cf. niveau de jeu) ;
ces mêmes données sont à référer au rapport des forces en présence ;
le recueil de ces données n’est pas toujours facile et fiable ;
les données chiffrées ne peuvent pas constituer des références intangibles car elles sont, parfois, à pondérer en fonction du poste occupé par l’élève.
50Avec par exemple les données recueillies en handball au Lycée de Thala (Tunisie), comment interpréter les résultats du tableau V ?
3. 1. Balles jouées et balles conquises (Figure 4)
51Le volume de jeu exprime la capacité du joueur ou d’une équipe à jouer pleinement un match dans le sens quantitatif du terme. Il rend compte de sa présence et de son activité dans l’affrontement. Il se traduit tout simplement par le nombre de balles jouées (BJ) dans un rapport de forces précis. Le paramètre « intensité du jeu » peut être approché en comptant le nombre de balles jouées par l’ensemble des deux équipes. Le nombre de balles conquises (BC) est révélateur de la capacité à prendre des ballons aux adversaires.
3. 2. Balles distribuées / Balles perdues / Tirs / Buts
52Dans l’ensemble des balles jouées, les balles distribuées sont effectivement les ballons que l’on peut utiliser pour la continuité du jeu et donc amener à un tir ou à un but. Les balles perdues donnent une bonne idée des compétences motrices spécifiques de la joueuse. La proportion entre balles distribuées et tirs illustre clairement le devenir des attaques. Le rapport entre tirs et buts devrait se situer entre 05 et 1 pour qu’il y ait vraiment concrétisation des attaques. La distribution de ces balles dans les deux équipes fait l’objet de la figure 5.
53Dans une rencontre, on peut également étudier la façon dont les partenaires d’une même équipe se partagent le « capital ballons ».
54Joueuse a1. Une joueuse qui mène le jeu avec beaucoup de balles distribuées et quelques tirs.
55Joueuse a2. Une joueuse qui ne perd que très peu de ballons et qui sert de relais dans le jeu mais tire quand même au but.
56Joueuse a3. Une joueuse qui joue attaquant de pointe, qui joue peu de balles mais tire et marque.
57Joueuse a4. Une joueuse qui perd autant de ballons qu’elle en donne et qui tire au but.
58Joueuses b1 et b2. Joueuses qui jouent beaucoup de ballons et mènent le jeu à deux. Peu de ballons perdus surtout pour Jb2. Jb1 tire et marque plus souvent.
59Joueuses b3 et b4. Joueuses qui perdent beaucoup de ballons et ont peu de balles distribuées en regard des balles jouées.
4. Conclusion
60Dans les sports collectifs, pour chaque étape, les contenus d’enseignement doivent soit, redonner des moyens aux attaquants pour poser des problèmes aux défenseurs, soit redonner des moyens aux défenseurs pour résoudre les problèmes posés par les attaquants. On peut alors concevoir la construction de connaissances et de compétences motrices à l’école comme une confrontation des élèves à une activité authentique qui va devenir tactiquement et techniquement plus complexe. L’objectif est de faire construire aux élèves des réponses justes et évolutives (individuelles et collectives) afin de leur permettre de résoudre les problèmes posés par la reconnaissance, l’enchaînement et l’évolution des configurations du jeu. La perspective proposée est celle de la confrontation des élèves à des connaissances et compétences vivantes et adaptées aux niveaux effectivement rencontrés dans le temps scolaire.
61Nous venons de le voir, pour apprécier le travail et la participation de chacun dans un groupe, il suffit, bien souvent, de choisir un élément discriminant pour obtenir rapidement une photographie rapide et intéressante de ce qui se passe à l’intérieur de l’équipe et des rapports de compétences entre les membres de ce groupe. Ces données chiffrées représentent une base qui doit être vérifiée, développée, affinée et hiérarchisée pour obtenir, si c’est possible, des références standardisées permettant de construire une évaluation en éducation physique sur des bases objectives et contextualisées. Les élèves sont associés complètement à ce style d’évaluation car l’enseignant tout seul ne peut pas y parvenir. Les élèves ne perdent pas leur temps à observer ou relever des données car ils sont en situation d’apprentissage effectif (Schunk, 1986). De plus, le fait d’avoir à décoder les aspects tactiques d’une rencontre permet d’enregistrer les configurations prometteuses du jeu et peut augmenter la justesse et la précision des procédures de décision.
62Dans le domaine de l’évaluation formative et sommative, l’idée de coefficienter le résultat brut par rapport aux variables énoncées plus haut semble être une voie innovante. Cependant, il convient d’asseoir cette pondération sur des données statistiquement fiables. Autant de questions que nous nous proposons d’étudier avec d’autres recherches sur l’enseignement des sports collectifs à l’école.
Auteurs
GRIAPS. IUFM de l’Université de Franche-Comté. France
GRIAPS. IUFM de l’Université de Franche-Comté. France
GRIAPS. IUFM de l’Université de Franche-Comté. France
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