Des signes de ressemblance dans les configurations du jeu
p. 73-84
Texte intégral
1Le temps dont on dispose à l’école pour apprendre en sport collectif est relativement restreint par rapport à celui dont on dispose dans une structure associative. Il faut donc que les élèves construisent promptement des connaissances et des compétences motrices mais que, une fois construites, ces connaissances puissent servir de base pour d’autres apprentissages plus rapides dans la gestion d’autres configurations momentanées du jeu. D’ailleurs, Gréhaigne, Godbout & Bouthier (1997, 2001) proposent que ce concept de configuration perçue du jeu se trouve au cœur de la réflexion didactique à propos des décisions en jeu. Il renvoie aux positions relatives des joueurs des deux équipes, en relation avec la possession et la position du ballon, ainsi qu’avec les déplacements des joueurs. Ce concept s’apparente aux notions de « patterns of play » (Ali & Farraly, 1990), « situation of play » (Mc Pherson, 1993), « display » (Mc Morris & Graydon, 1997). Ce concept de configuration du jeu nous paraît important car il est susceptible d’optimiser l’activité des joueurs durant le jeu de mouvement, en leur permettant de caractériser des états momentanés du rapport de forces et leurs évolutions probables. Ainsi, une analyse pertinente des configurations du jeu aide à comprendre l’évolution du jeu même si le recours à un schéma prévu, peut constituer une adaptation tactique temporairement efficace.
2Les configurations du jeu les plus habituelles sont dénommées prototypiques au sens où elles représentent un modèle original, archétype d’un modèle qui se reproduit (Gréhaigne, 2007). La connaissance de ces configurations permet aux élèves de construire des prototypes par catégorisation de formes géométriques, de classes de propriétés d’objets et enfin des catégorisations de relations temporelles en vue d’être plus efficaces en jeu. Les représentations cognitives, donc les connaissances qui se construisent ainsi se réalisent fondamentalement par un couplage « perception / action ». Elles visent la mise à jour d’invariants pour reconnaître et décider vite à propos des configurations perçues du jeu. Ces configurations sont momentanées et au fil du jeu, elles s’enchaînent les unes après les autres. Néanmoins pour les décoder, il faut des repères, des images opératives qui permettent, après reconnaissance, de proposer, de plus en plus vite, une réponse adaptée à la situation perçue. A cet effet, dans ce chapitre nous allons revenir sur un certain nombre de signes et d’indications qui permettent d’identifier rapidement une situation de jeu et son devenir. Ensuite, nous nous intéresserons aux caractéristiques d’un type particulier d’apprentissage basé sur l’analogie.
1. Des repères clés
3Attirer l’attention des élèves sur des points clés peut servir avant l’action dans la façon de comprendre, d’organiser, de préparer, et de répondre rapidement au besoin du jeu ou du geste. Ainsi des modèles peuvent être visualisés avec des manipulations d’images susceptibles de faire réfléchir les sujets sur comment faire. En un mot, comprendre pour réussir. Dans les figures qui suivent les positions des joueurs et la place de l’espace de jeu effectif (EJE) sont présentées avec le support de l’activité handball mais pourrait l’être aussi bien en basket-ball ou en football.
4La figure 1a illustre un espace de jeu effectif en zone défensive, avec un ballon en arrière de l’espace de jeu effectif dans l’axe but attaqué / but défendu avec une défense en barrage. Ce type d’affrontement peut se situer, également, à la périphérie arrière droite ou gauche. Le premier danger est constitué par une perte de balle à cet endroit car cela donne une position de tir immédiate au défenseur devenu premier attaquant. Sinon, la montée de balle vers une position de tir reste à effectuer.
5La figure 1b montre un espace de jeu effectif toujours en zone défensive, avec un ballon en avant de l’espace de jeu effectif (EJE) dans l’axe but attaqué / but défendu avec une défense à la poursuite. C’est une situation favorable pour l’attaque mais il reste à parcourir une partie du terrain avant d’arriver à une position de tir favorable. Cela dépend de la confiance que le joueur a en sa vitesse et dans sa conduite de balle.
6La figure 1c distingue plusieurs cas avec un espace de jeu effectif au milieu du terrain. Les ballons sont tous situés dans l’axe but attaqué / but défendu, soit en arrière, au milieu ou en avant de l’EJE. Les problématiques sont les mêmes que celles exposées ci-dessus, la seule différence résidant pour les attaquants en avance à avoir à faire une conduite de balle plus courte.
7La figure 2a montre le cas typique d’une contre-attaque sur dégagement du gardien de but en handball ou en football. Néanmoins une grande différence apparaît entre les deux configurations de jeu illustrées dans les figures 2a et 2b. Dans le cas 2a le gardien de but envoie la balle sur un joueur déjà placé en avant qui a anticipé le mouvement à venir ou qui n’est pas revenu en défense. Dans l’autre cas (2b), le porteur de balle lance la balle dans un espace libre où le receveur sera dans quelques instants. Cette phase de jeu est d’un niveau beaucoup plus évolué car elle démontre la capacité du joueur à jouer en mouvement et à lire le lancer du porteur de balle.
8La figure 2c montre une contre-attaque quand le porteur de balle a suffisamment confiance dans sa vitesse de conduite de balle. Si le joueur qui récupère le ballon ne se sent pas capable d’aller seul à la cible, il s’arrête et passe le ballon ce qui donne du temps à la défense pour se replacer. En football, le joueur s’installe sur le mode « je frappe dans la balle » et « je cours derrière » avec les dangers de perte de celle-ci qui ne reste pas souvent à distance de jeu.
9La figure 3a montre deux cas. Pour le premier, c’est la situation favorable pour l’attaque décrite dans la figure 1b car il ne reste à franchir qu’une partie du terrain avant d’arriver à une position de tir favorable. Dans le deuxième cas, une défense encore en partie en barrage oblige le porteur de balle à une stratégie de contournement avec une course curviligne.
10La figure 3b propose une configuration de jeu initiale où l’espace de jeu effectif est également stabilisé dans le demi-terrain défensif, sans doute à la suite d’une récupération basse à l’arrière de l’espace de jeu effectif. L’équipe qui vient d’entrer en possession du ballon met en place un jeu en échanges de balles rapides qui conduit le plus souvent à un tir. En football, ce type de configuration donne un jeu en déviation, le plus souvent à une touche de balle (voir sur ce sujet les travaux de Dugrand, 1989, ou de Lemoine, 2003). En handball ou en basket-ball, ce type de jeu se retrouve, également, dans les contre-attaques ou dans le jeu de transition d’un but à l’autre
11La figure 3c illustre aussi une configuration de jeu initiale où l’espace de jeu effectif s’est également stabilisé dans le demi-terrain défensif. Après récupération du ballon à l’intérieur de l’espace de jeu effectif, il s’ensuit un jeu de transition en passes et il est à noter ici l’apparition du « jeu balle en avant » puis tir. La séquence de jeu devient un peu plus longue, même si en jeu réduit elle dépasse rarement quatre échanges de balle. La caractéristique de ce type de jeu est constituée par le fait que dans la montée de balle, à un certain moment, le ballon recule.
12La figure 4a avec un espace de jeu effectif devant le but adverse est l’illustration d’une défense de zone adossée à sa ligne de but. La défense est en place et en barrage, alors elle est très difficile à mettre hors de position pour des débutants.
13La figure 4b présente une configuration des plus courantes chez les débutants avec une récupération haute à l’avant de l’espace de jeu effectif puis tir quasiment immédiat. Une autre manière d’obtenir ce type de configuration fait suite à une passe haute par-dessus l’espace de jeu effectif. Elle peut apparaître aussi à la suite d’un corner ou d’une remise en jeu, voire d’une sortie de but. On la retrouve également avec des joueurs plus évolués en conséquence d’un pressing quand les attaquants s’échangent la balle à l’arrière de l’espace de jeu effectif dans leur propre demi-terrain.
14La figure 4c distingue plusieurs cas avec un espace de jeu effectif au milieu du terrain et des ballons soit en arrière de l’EJE, soit en avant à la périphérie droite ou gauche. Les problématiques sont les mêmes que celles exposées ci-dessus, la seule différence résidant pour les attaquants en avance à avoir à faire une conduite de balle en diagonale qui permet souvent aux défenseurs de revenir et ainsi couper leur route.
15Si l’on résume l’ensemble de ces données, nous obtenons le schéma de principes présenté figure 5. Ces divers lieux d’entrée en possession du ballon (Fig. 5) en relation avec un replacement défensif ou non vont générer différentes formes d’attaque et / ou de montée de balle avec des rapports au temps très dissemblables. En effet le fait que la défense soit en barrage ou à la poursuite va déterminer, en fonction des lieux de récupérations du ballon, une forme d’attaque relativement spécifique. Par exemple, si l’on récupère le ballon près de sa propre cible, on a toutes les chances d’être obligé de recourir à une attaque de position avec un passage lent en zone d’attaque ; par contre une récupération haute dans le terrain adverse entraîne, le plus souvent, une contre-attaque avec une réalisation rapide car l’équipe à l’offensive possède une avance sur le replacement défensif.
16Nous retrouvons, ici, les différents schémas présentés au chapitre 4 en vue de proposer un modèle d’analyse.
17Comment exploiter ces données pour un apprentissage plus rapide ?
2. Configuration et apprentissage
18Nous venons de voir avec les configurations du jeu présentées en handball que celles-ci présentent, parfois, des similitudes avec celles d’autres sports collectifs comme le basket-ball ou le football (Gréhaigne, 2007). On devrait pouvoir concevoir l’approche d’un sport collectif de telle façon que l’élève puisse ultérieurement débuter dans une autre activité d’opposition sans être non averti. Ceci suppose au niveau de la mise en situation, non seulement d’insister sur la construction de connaissances spécifiques articulées autour des règles primaires de l’activité mais aussi, assez tôt, de mettre ces connaissances en relation avec des classes de problèmes dans lesquels ils sont susceptibles d’être réutilisés rapidement. Ainsi, jouer aux sports collectifs impliquerait, principalement, deux types d’opérations cognitives : d’une part la construction et l’activation de règles d’action, d’autre part la reconnaissance de configurations prototypiques perçues.
2. 1. Perception et configurations
19Trop souvent, encore, dans la formation actuelle des apprenants, le décodage des configurations du jeu est assimilé à un ensemble de recettes, sinon d’astuces, plus ou moins éprouvées qu’il convient de s’approprier en relation avec quelques stratégies planifiées. Pour nous, les configurations prototypiques constituent de véritables images « opératives » économiques, réduites aux éléments indispensables. (Ochanine, 1978). Cette image, reflet fonctionnel finalisé de la réalité du jeu, sera donc constituée par et pour l’activité du joueur. Une fois construits, ces repères sur les configurations du jeu sont susceptibles d’être utilisés dans divers sports collectifs ce qui devrait permettre de gagner du temps dans le recueil, l’analyse et l’interprétation de nouvelles données.
20L’idée centrale que nous allons développer dans ce paragraphe est, donc, de comment réutiliser des connaissances acquises dans un sport collectif dans un autre sport collectif. Dans le domaine de l’apprentissage, on utilise en général le terme « transfert » pour désigner toute modification d’un apprentissage par un autre apprentissage. On distingue alors des transferts positifs, c’est-à-dire bénéfiques et des transferts négatifs, c’est-à-dire produisant des détériorations ou des interférences. La difficulté à prouver l’existence d’un transfert positif nous a fait abandonner (provisoirement ?) cette notion au profit des concepts de réutilisation ou de réagencement pour souligner le caractère profondément transformateur de tout apprentissage (cf. Durand, 1989).
21Quand on cherche à construire un cadre d’analyse authentique avec les élèves, à partir des dimensions spécifiques d’une situation de jeu, non seulement on peut obtenir des résultats importants, mais en plus on s’est rendu compte qu’apparaissent des convergences avec les analyses précédentes concernant d’autres situations ou configurations du jeu. En sport collectif, du fait d’un environnement en constante évolution, les caractéristiques temporelles et spatiales des déplacements des joueurs et du ballon doivent être analysées en fonction d’observables que le joueur ordonne. La signification attribuée aux perceptions est en liaison directe avec le rapport de forces, la logique du jeu, les règles d’action, les images opératives et les compétences motrices. Nous percevons bien ici la liaison fonctionnelle qui unit les connaissances et les perceptions. Ces dernières ne peuvent s’organiser et prendre du sens que par rapport aux savoirs tout en concourant à leur développement. Ici, le concept de configuration du jeu est intéressant car il permet d’optimiser l’activité du sujet en situation de jeu. La perception est le moyen d’une activité consciente d’élaboration et de traitement des informations pouvant servir de support au raisonnement propositionnel et donc à certaines des opérations par inférence intervenant dans la compréhension du jeu.
22En ce qui concerne la réutilisation des connaissances liées aux configurations du jeu, nous nous appuyons principalement sur trois postulats.
- La réutilisation est surtout de nature cognitive. Ce postulat est pratiquement imposé par le devenir de l’élève qui, au fil des ans, va voir évoluer ses compétences motrices, ses aspirations, son environnement. Les connaissances concernant la gestion de sa vie physique en sont un exemple.
- La réutilisation ne peut être que relative à une classe donnée de configurations perçues.
- La réutilisation doit se traduire effectivement dans un autre sort collectif ou dans un rapport de forces plus défavorable par une adaptation plus rapide aux configu rations du jeu quand l’élève est confronté à des situations nouvelles.
23Avec cette nouvelle façon d’aborder l’apprentissage des jeux, on peut ainsi aller plus rapidement vers des outils cognitifs communs pour interpréter le rapport de forces. Dans les sports collectifs, en relation avec l’apprentissage par la compréhension, l’utilisation des rapports au temps et des configurations du jeu semble constituer un point clé de l’analyse des situations d’affrontement.
24Cette forme de « méta connaissance » (Godbout, 2001) a un coût cognitif. L’approche en terme de coût cognitif consiste à considérer que les ressources cognitives sont limitées chez un individu donné, à un moment donné et pour une tâche donnée. Or, toute tâche nécessite l’allocation d’une certaine quantité des ressources cognitives. Cette quantité varie en fonction du caractère plus ou moins automatique ou contrôlé des procédures mobilisées. Le problème de l’acquisition des stratégies de reconnaissance du jeu semble donc, le plus souvent, se poser en terme de passage d’un fonctionnement non conscient restreint à une mobilisation de procédures intégrées dans des stratégies gérées consciemment. En effet, les domaines évoqués par similarité sont ceux dont une ressemblance entre certains de leurs constituants et l’élément évocateur ont été rappelés dans notre mémoire. Le processus se poursuit alors par l’interaction entre les domaines évoqués. Le problème de la production optimale sous contrainte temporelle des actions en projet du ou des joueurs se pose en terme de passage d’un fonctionnement conscient à une mobilisation de procédures intégrées dans des stratégies gérées en tâche de fond sauf événement imprévu qui vient remettre en cause la procédure utilisée.
25Enfin, la réutilisation ne concerne pas de façon prioritaire les compétences motrices qui nous semblent être plus liées aux règles primaires ou secondaires du sport collectif concerné. De ce point de vue, reste à comprendre comment penser simultanément connaissances et compétences motrices en vue de résoudre les problèmes posés par l’affrontement. Dans le système scolaire, il faudra bien que l’on avance sur le chemin de véritables apprentissages qui permettent, à la fois, d’être cohérent par rapport à la pratique de référence tout en poursuivant les objectifs plus larges assignés à l’école. Notre approche fondamentalement centrée sur le jeu, son analyse et le débat d’idées permettront peut être à l’enseignement des sports collectifs de dépasser cet obstacle. En effet, « l’apprentissage des jeux par la compréhension » qui place l’élève devant des problèmes à résoudre devrait les aider à progresser et à construire des connaissances et des compétences motrices nouvelles et stabilisées.
26La notion d’analogie a connu un beau succès avec sa capacité à produire l’unité au travers de la pluralité. Nous allons, maintenant, explorer les apports d’une telle approche pour l’apprentissage des jeux.
2. 2. Apprentissage par analogie
27Pendant longtemps l’analogie a été considérée comme un cas particulier de raisonnement qui produit des œuvres créatives ou poétiques. L’analogie a été bien décrite dans les traités de l’argumentation (Perelman & Olbrechts-Tyteca, 1970, p. 499) « comme un argument puissant mais instable : celui qui en rejette les conclusions tendra à affirmer qu’il n’y a pas même analogie et minimisera la valeur de l’énoncé en le réduisant à une vague comparaison ou à un rapprochement purement spéculatif. » Dans l’option phénoménologique, l’analogie n’existerait donc que pour celui qui la produirait et la validerait. Dans les vingt dernières années, l’analogie est devenue un centre d’intérêt majeur pour les cognitivistes et cela a produit de nombreuses recherches (Gentner, Holyoak, & Kokinov, 2001 pour une revue). La définition classique de ce concept consiste en une explication ou description par comparaison, un raisonnement par analogie qui conclut d’une ressemblance connue entre deux choses à une ressemblance encore inconnue. Il s’agit de tirer des conclusions nouvelles en s’appuyant sur des ressemblances entre deux choses et ce processus intervient dans la pensée quotidienne, l’apprentissage et la résolution de problèmes. Pour générer une analogie, une ressource doit être identifiée et récupérée dans la mémoire. Il y a deux niveaux auxquels les ressources et les problèmes peuvent être similaires : tout d’abord des similarités de surface (similarité entre les caractéristiques des objets) et ensuite des similarités de structure (ressemblance entre les relations d’une ressource et d’un problème). Beaucoup d’études ont montré que le processus qui permet de récupérer des analogies fonctionne d’abord avec les similarités de surface. Sous contrainte temporelle, les joueurs retrouvent plus facilement le premier niveau que les similarités de structure. Une autre dimension qui peut avoir un effet important sur la sélection des ressources est l’objectif et les contraintes du joueur qui recourt à l’analogie. Le raisonnement analogique peut être affecté par des considérations très pratiques liées, par exemple, aux compétences motrices. Enfin, un dernier aspect qui peut influencer le raisonnement et qu’il convient d’investiguer est le rôle des émotions dans tous ces processus.
28L’analogie est un des processus organisateurs de la pensée. En ce sens, il permet aux joueurs de catégoriser des concepts, de les organiser en schémas ou d’en extraire des prototypes qui leur permettront d’aborder plus facilement des situations analogues. Avec les configurations perçues (Gréhaigne, 2007), le raisonnement par analogie établit un rapport inhabituel entre les configurations perçues du jeu dans deux sports collectifs et en montre les ressemblances et les différences. De ce rapprochement peut naître une compréhension nouvelle. Dans ce cas, ce type de raisonnement s’appuie sur des images ou des comparaisons qui mettent en œuvre des mécanismes fondamentaux de la pensée permettant de faire émerger les ressemblances entre des éléments proches. La comparaison entre deux configurations du jeu permet d’établir ou non une ressemblance fondée sur une ou plusieurs qualités ou caractéristiques communes. On peut, donc, dire que l’analogie correspond à l’importation de connaissances d’une ressource bien stabilisée vers un problème moins connu par l’établissement d’une correspondance entre les deux. Néanmoins, une différence majeure entre les représentations verbales et graphiques est que les mots désignent les objets alors que les images les illustrent. Un code verbal est simplement un symbole conventionnel pour un objet. Au contraire, une image partage de nombreuses caractéristiques avec l’objet qu’elle décrit. Dans un sens, les clefs pour comprendre le stimulus sont présentes dans l’image alors que la compréhension d’un stimulus verbal requiert une extraction de données. Ainsi le décodage d’une similarité de données textuelle passe quasiment par l’utilisation d’une base de connaissance, alors que le décodage d’une similarité entre deux images peut se passer de données supplémentaires. Il est évident que sans ces données, certaines notions ne pourront être comparées. L’apprentissage par analogie (Gentner et al., 2001) se fonde sur un mécanisme inductif en deux étapes : le premier temps consiste à construire un appariement structurel (une relation d’analogie) entre une nouvelle instance d’un problème avec des instances d’un problème déjà résolues ; une fois cet appariement établi, une nouvelle solution peut être élaborée à partir d’une ou plusieurs solutions analogues. La mise en œuvre de ce type d’apprentissage présuppose donc la capacité à rechercher et à exploiter de tels appariements ; elle présuppose d’une part de donner un sens à la notion de relation analogique, et, d’autre part, d’implanter efficacement le calcul de ces relations.
29L’analogie fait partie d’une série « identité – ressemblance – analogie » dont elle constitue l’échelon le moins significatif. Il nous semble que sa valeur argumentative sera plus clairement mise en évidence si l’on envisage l’analogie comme une similitude de structures. En effet, la capacité d’identifier des relations analogiques entre des situations apparemment distinctes et d’utiliser ces relations pour résoudre des problèmes est souvent présentée comme une capacité cognitive centrale (Gentner, 1983). L’aspect central de ces modélisations concerne le processus de fabrication dynamique d’un appariement structurel entre une situation nouvelle et une situation connue et mémorisée. L’appariement structurel vise à rapprocher des situations de jeu, qui, bien qu’en apparence différentes, possèdent en commun des caractéristiques qu’il est possible de reconnaître comme identiques. L’apprentissage se fonde, donc, sur un mécanisme inductif en deux étapes : le premier temps consiste à construire un appariement structurel (une relation d’analogie) entre une nouvelle configuration du jeu posant problème avec des configurations déjà connues relevant de ce type de problème ; une fois cet appariement établi, une nouvelle réponse peut être élaborée à partir d’une ou plusieurs réponses analogues. La mise en œuvre de ce type d’apprentissage, en sport collectif, présuppose donc la capacité à rechercher et à exploiter de tels appariements en donnant un sens à la notion de relation analogique pour finaliser une réponse, et, d’autre part, d’en réussir l’exécution. Ainsi, admettre une analogie correspond bien souvent à un jugement sur l’importance des caractères qu’elle met en évidence.
30De ce point de vue, l’apport d’Ochanine (1978) qui appelle un agencement partiel d’éléments « structure opérative » et « image opérative », sa représentation chez le sujet est essentielle. La construction d’une structure opérative entre deux situations suppose de relever les points clés de ces situations et les relations qu’ils entretiennent entre eux. Par exemple, la contre-attaque en handball entretient des relations de similitude avec la contre-attaque en basket-ball. Le travail sur les configurations prototypiques en basket-ball, football et handball a permis de confirmer la pertinence d’une approche à base d’analogie pour capturer les régularités présentes dans le jeu. Ce qui fait l’originalité de l’analogie et ce qui la distingue d’une identité partielle, c’est-à-dire de la notion banale de ressemblance, c’est qu’au lieu d’être un rapport de ressemblance elle est une ressemblance de rapport. Le résultat de la mise en correspondance produit par les inférences entre les configurations du jeu suscite la construction de nouvelles connaissances qui deviendront de nouvelles ressources. Ces inférences doivent être évaluées et finalement n’être adaptées qu’à une seule classe de problème. Mais, une des conséquences du raisonnement par analogie pour l’apprentissage peut aussi consister en l’apparition de nouveaux schémas, l’addition de nouvelles occurrences en mémoire ou une compréhension nouvelle d’occurrences et de schéma anciens qui permettront des réponses plus rapides et plus adaptées dans le futur.
3. Conclusion
31En conclusion, la perception, l’apprentissage, la mémoire, le langage et la pensée sont tous basés sur une coordination de relations et ainsi, la notion de « faire des analogies » s’est déplacée de la périphérie vers le centre de la cognition humaine. D’autre part, faire des analogies relève d’un processus complexe qui requiert la perception du domaine cible en relation avec une mémoire d’expériences passées qui constitueraient des fondements potentiels pour l’analogie, le raisonnement abstrait et la généralisation ainsi qu’un langage sophistiqué.
32Il nous reste, pour mieux apprécier les performances de cette approche en sport collectif, à conduire des expériences avec des cohortes d’élèves ou de joueurs plus importantes.
Auteurs
GRIAPS. IUFM de l’Université de Franche-Comté. France
GRIAPS. IUFM de l’Université de Franche-Comté. France
Université Laval. Québec
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