L’ambition pédagogique d’Auguste Comte
p. 89-102
Texte intégral
1L’éducation est beaucoup plus qu’un thème important dans l’œuvre d’Auguste Comte, elle est au cœur de son projet philosophique. On le constate d’abord au plan de l’écriture, puisque la chair même de ses textes est, au sens propre du terme, pédagogique. Publié entre 1830 et 1842, le Cours de philosophie positive fut d’abord un véritable cours, professé oralement. Le Discours sur l’esprit positif de 1844 est la préface au cours d’astronomie populaire que Comte donna pendant des années à la mairie du 3e arrondissement de Paris, devant un auditoire composé en grande partie de prolétaires. Le Discours sur l’ensemble du positivisme de 1848, qui deviendra avec quelques petites modifications le « Discours préliminaire » au Système de politique positive, résulte de « douze séances exceptionnelles de trois ou quatre heures chacune », proférées oralement devant le même auditoire composé de savants, d’ingénieurs et d’ouvriers. Toute sa vie Comte enseigna, donnant (gratuitement, donc donnant à la lettre) ses cours en dehors de toute structure académique. Nombre de ses œuvres écrites sont la retranscription de ses cours. Enfin, le Catéchisme positiviste (1852), le Système de politique positive (1851-1854) qui est un Traité de sociologie, la Synthèse subjective (1856) et l’ensemble des Traités doctrinaux qu’il avait programmé d’écrire si la mort ne l’avait frappé prématurément, sont conçus et écrits comme des ouvrages dont la forme, le style, le contenu et la visée sont explicitement et essentiellement pédagogiques, car c’est dans ces Traités que les savants apprendront la nouvelle philosophie.
2L’œuvre du fondateur de la sociologie montre bien plus qu’un simple attachement ou un intérêt soutenu pour l’éducation ; elle atteste de la relation interne et nécessaire entre la systématicité de la philosophie, sa vocation sociale et l’éducation du peuple. Aussi n’est-il pas étonnant que Comte ait pris le soin de rédiger un véritable programme d’éducation – au sens scolaire du terme. Si sa mort, survenue en 1857, nous a privé du Traité de l’éducation universelle1, nous trouvons, notamment dans la troisième partie du Discours sur l’ensemble du positivisme ainsi qu’au tome IV du Système de politique positive non pas des pensées, des réflexions ou des considérations générales sur l’éducation, mais bien un véritable cursus pédagogique, proprement scolaire, où il détaille le contenu et la progression des séances dévolues à chaque discipline, l’ordre dans lequel les sciences doivent être enseignées, le nombre de séances consacrées à chaque science, mais aussi la formation requise par les enseignants, leur tenue morale, et jusqu’à leurs moyens d’existence2.
3À cet égard, Comte est très loin des grandes œuvres pédagogiques écrites par les trois plus grands penseurs modernes de l’éducation. Alors en effet que chez Montaigne, Locke et Rousseau, la relation pédagogique, toute entière construite dans le refus du pédantisme, est une relation personnelle et privilégiée entre un enfant et son précepteur, Comte pense pour sa part et théorise la relation pédagogique entre des professeurs et leurs élèves. Il pense la scolarité. Certes, tout comme Montaigne, Locke et Rousseau, il critique violemment ce qu’il appelle la « pédantocratie », mais ce n’est pas tant la structure pédagogique mettant face à face un maître sachant et des élèves ignorants qu’il critique dans la pédantocratie que la nullité doctrinale et la nocivité morale de l’enseignement littéraire et métaphysique tel qu’il est pratiqué. La pédantocratie est condamnable parce qu’elle ignore le lien rationnel intime qui unit toutes les sciences entre elles, qu’elle enseigne en les juxtaposant au mépris de tout ordre logique, accroissant encore le caractère pathologiquement dispersif dont les sciences souffrent déjà. Pire, la pédantocratie s’avère absolument incapable de conférer le moindre sens à l’enseignement scientifique, parce qu’elle se méprend sur le statut même de la rationalité, dont la destination pour Comte est par nature sociale. Non que la raison doive selon Comte répondre, comme nous dirions aujourd’hui, à la « demande sociale » ; car c’est la rationalité elle-même, dans sa normativité propre et selon sa visée immanente, qui se développe sous l’impulsion pratique. La raison est sociale en tant que telle. Aussi, lorsque l’enseignement scientifique se trouve détaché de sa vocation sociale, c’est l’esprit scientifique lui-même qui se trouve trahi. Telle qu’elle est dispensée – et Comte porterait à n’en pas douter le même jugement sur notre système éducatif actuel – l’éducation méconnaît son rapport immanent à l’activité comme au sentiment, et coupe ainsi le savoir du monde de la vie.
4La question du sens des savoirs est au cœur de la philosophie comtienne de l’éducation d’abord parce qu’elle est au cœur de sa théorie de la connaissance. Il n’y a pas d’indépendance de la vie théorétique par rapport à la vie pratique, celle-là ne se développant que pour servir celle-ci. De ce point de vue, Comte rejoint bel et bien l’ambition pédagogique d’un Montaigne, d’un Locke ou d’un Rousseau, qui voulaient, chacun à sa manière, apprendre à l’enfant le métier de vivre, le métier d’être un homme. On doit même dire qu’il retrouve l’inspiration grecque d’une paidéia enveloppant la culture conjointe et continue du corps et de l’âme. Comte a voulu construire le programme d’une paidéia qui convienne à la condition de l’homme moderne. C’est pourquoi l’éducation n’a pas pour tâche de nous instruire ni même de nous cultiver, mais véritablement d’améliorer notre nature elle-même. Et l’on pourrait dire de sa pédagogie qu’elle a pour ambition de réaliser, toutes choses égales d’ailleurs, la fameuse sentence de Plotin dans le Traité sur le beau : « ne cesse pas de sculpter ta propre statue3 ». Améliorer sa nature, c’est la mener à sa pleine actualisation. Il n’est pas question de changer la nature humaine pour faire un « homme nouveau », mais de conduire l’homme à une subjectivité supérieure, pleine et entière.
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5La proposition pédagogique de Comte repose sur une affirmation profondément contre-intuitive au regard des catégories de la philosophie politique de l’âge classique, essentiellement individualiste. À l’âge classique, l’éducation idéale vise d’abord à se reconquérir soi-même contre la société, qui prend alors la figure de l’opinion, des préjugés, de la coutume. Il s’agit essentiellement, comme le dit Montaigne, de « tirer son âme de la presse4 », d’échapper à l’emprise sociale et à ses injonctions. À charge ensuite de construire des rapports sociaux qui rendent compossibles toutes ces autonomies individuelles. Comte rompt avec ce point de vue, en affirmant qu’on n’est vraiment soi, qu’on n’est vraiment une personne ou encore un sujet que dans la mesure où l’on s’ordonne aux autres. Car on n’est vraiment individué que si l’on on est intérieurement unifié, et l’on ne peut être réellement unifié que lorsqu’on a intériorisé selon leur nature effective les rapports sociaux qui nous traversent et nous constituent. Aussi l’éducation a-t-elle pour but d’instituer l’unité réelle de l’individu, ce qui n’est possible que lorsque, par un paradoxe apparent, nous sommes devenus capables de subordonner en nous l’égoïsme spontané à l’altruisme, c’est-à-dire lorsque avons appris à vivre pour autrui : « L’éducation positive institue l’unité réelle, en nous apprenant à vivre pour autrui5. »
6L’éducation n’ayant pour fin ni d’altérer ni de changer, moins encore de détruire notre nature, mais de l’améliorer, il faut que l’altruisme soit donné en tant que tel dans la nature humaine ; mieux, il faut que notre nature soit d’elle-même vouée à l’altruisme. Inversement, s’il est vrai qu’il faille éduquer à l’altruisme pour instituer l’unité réelle de la personne, c’est que spontanément nous ne sommes pas suffisamment altruistes. De fait l’altruisme, qui dessine la figure d’une humanité dont la nature pleinement développée est parvenue à sa maturité, est contrarié ou inhibé, empêché et comme arrêté.
7La visée essentiellement morale de l’éducation n’implique pas que l’égoïsme soit sacrifié. Aussi ne s’agit-il nullement d’imposer une morale de la générosité à une nature supposée récalcitrante. Comte a toujours refusé le postulat de l’anthropologie dominante à l’âge classique, qui repose à ses yeux sur la chimère métaphysique d’une nature présociale et anhistorique de l’homme, que les relations sociales viendraient inévitablement aliéner. Il est, sur ce point capital, en rupture avec les fondements individualistes de la philosophie moderne, tels qu’on les trouve chez Hobbes ou chez Rousseau. Dans la ligne des théoriciens de la sympathie, il rejette résolument ce que Hume appelait le « selfish system of morality6 ». L’altruisme est bien fondé dans les penchants sympathiques inhérents à la nature humaine. Ces penchants se développent spontanément à mesure que les relations sociales se complexifient et se resserrent. Comte n’est certes pas Durkheim, mais l’idée que la division du travail, en accroissant l’interdépendance accroît par là même la solidarité objective, est si bien présente dans sa sociologie qu’elle constitue la base de sa théorie politique. À mesure que l’histoire progresse les individus se socialisent et, bien loin de contrarier l’affirmation de l’individu, cette socialisation est en réalité la condition même de sa maturation. Le fondement anthropologique de la morale altruiste réside dans la proposition selon laquelle ce n’est pas contre l’altérité mais par elle que l’individu se subjective. Mieux, l’individu, et c’est déjà vrai dans le règne animal, notamment chez les mammifères, ne se constitue vraiment comme individu organiquement consistant et viable (non seulement comme sujet humain donc, mais déjà comme individu biologique) que par ce que Comte appelle « la vie de relation ». Les rapports sociaux sont en effet immanents aux organismes complexes. « Tout individu, homme ou animal, qui, n’aimant rien au dehors, ne vit réellement que pour lui-même, se trouve, par cela seul, habituellement condamné à une malheureuse alternative d’ignoble torpeur et d’agitation déréglée7. »
8Vivre pour autrui, ce n’est donc pour Comte ni une demande surnaturelle de sacrifier la nature égoïste de l’homme, ni une utopie ignorant les nécessités de la vie individuelle, ni un impératif catégorique de la raison attestant d’une exigence de la liberté à inscrire son règne dans le règne de la nature, c’est la formule savante du ressort de la nature spontanément et radicalement sociale de l’homme. Car c’est une vérité de fait que, dans la société, nous vivons objectivement, et du reste toujours plus, pour autrui. Aussi la morale que vise l’éducation n’est-elle rien d’autre que l’expression réfléchie et systématisée de cette réalité objective qu’est la solidarité, qui se développe pleinement dans la modernité ; elle ne dit rien d’autre que l’exigence d’une vie subjectivement adéquate à la situation objective, d’une vie qui vise à se réconcilier avec elle-même. Simplement, il se trouve que nous n’avons pas (encore) la théorie de notre pratique, que nous développons une philosophie qui ne rend pas compte de la réalité effective de la situation mentale et sociale dans laquelle nous évoluons. C’est pourquoi nous avons besoin d’un système général d’éducation qui réfléchisse en le systématisant le principe altruiste de la vie humaine.
9Mais ce n’est certes pas par hasard que nous n’avons pas la théorie de notre pratique, que notre représentation philosophique de l’inscription de l’individu dans la société est en retard sur l’état des choses. Il faut enseigner l’altruisme, l’on doit apprendre à vivre pour autrui, parce que quelque chose l’empêche de se déployer selon sa spontanéité. Deux raisons l’expliquent, d’ordres apparemment différents, mais qui se rejoignent en réalité : une raison anthropologique et une raison historique.
10L’égoïsme – dans le dictionnaire de Comte, la « personnalité » – est une donnée première et par suite indestructible de la nature humaine, parce qu’il traduit l’instinct de conservation. Nous sommes des vivants, et à ce titre nous avons à conquérir la vie, à nous maintenir en vie. La destruction, la prédation, la guerre donc, sont des constituants fondamentaux de l’existence. Ainsi, parce que nous sommes des vivants, et des vivants en lutte pour la nourriture, nous sommes constitutivement et principalement égoïstes. L’égoïsme n’est pas comme tel un vice, il n’est que le nom donné à ce plan originaire et élémentaire de la vie.
11Selon la classification comtienne des fonctions intérieures du cerveau8, le monde des sentiments, qui sert de substructure au monde de l’intelligence et de l’activité, se trouve distribué en dix « moteurs affectifs », rangés selon l’ordre d’énergie décroissante et de dignité croissante. Il se compose d’abord de sept impulsions égoïstes : instinct nutritif, sexuel, maternel, instinct de destruction9 – ou instinct militaire – et enfin de production – ou instinct industriel. À ces impulsions égoïstes se joignent trois impulsions altruistes : l’attachement envers les égaux, la vénération pour les supérieurs, enfin la bonté, ou sympathie générale, ou encore humanité. Nous pouvons donc bien modifier la part brutale, dominatrice et destructive de notre instinct de conservation, mais nous ne la supprimerons jamais.
12Selon la formule du Discours sur l’ensemble du positivisme10, le « grand problème humain », consiste à trouver l’articulation normale, optimale, de l’égoïsme et de l’altruisme, la thèse de Comte étant que les justes aspirations de l’égoïsme lui-même seront mieux satisfaites dans le cadre institué par la morale altruiste.
Dans chaque existence complexe, l’harmonie générale ne peut résulter que d’une suffisante subordination de toutes les impulsions spontanées à un seul moteur prépondérant. Or ce penchant dominateur est égoïste ou altruiste. […] non seulement le second régime surpasse le premier comme seul compatible avec l’état social. Mais, en outre, il constitue, même chez l’individu, une unité plus complète, plus facile, et plus durable. Les instincts inférieurs dirigent la conduite d’après des motifs purement internes, dont la multiplicité et la variation ne lui permettent aucune marche fixe, ni même aucun caractère habituel, sauf pendant les exigences périodiques des principaux appétits. Il faut que l’être se subordonne à une existence extérieure afin d’y trouver la source de sa propre stabilité. Or cette condition ne peut se réaliser assez que sous l’empire des penchants qui disposent chacun à vivre surtout pour autrui11.
13À cette raison anthropologique – biologique, même – s’articule une raison d’ordre historique. L’humanité, ou plus exactement « l’avant-garde » occidentale de l’humanité, est depuis longtemps déjà entrée dans l’âge positif et industriel, indissociablement savant et pacifique. De fait, la solidarité se substitue de plus en plus à la domination, le travail remplace la guerre, le concours ou la coopération sont des réalités sociales. Mais paradoxalement, le monde postrévolutionnaire voit le triomphe absolu de l’égoïsme, d’un égoïsme beaucoup plus profond, beaucoup plus radical, que celui qui avait pu sévir dans l’antiquité ou au Moyen Âge, parce qu’il est mis à l’aise par la destruction de toute autorité religieuse ou morale.
14Faute d’une doctrine sociale fermement établie, le sentiment social cherche vainement « des notions exactes et fixes sur ce qui constitue le bien général, […] finit par dégénérer peu à peu en vague intention philanthropique […], chacun, dans les grands rapports sociaux, est graduellement conduit à se faire centre, et la notion de l’intérêt particulier restant seule bien claire au milieu de tout ce chaos moral, l’égoïsme pur devient naturellement le seul mobile assez énergique pour diriger l’existence active12. » Alors même qu’elle est parvenue à détruire toutes les entraves anciennes au plein développement de l’industrie, la société postrévolutionnaire est en voie de dissolution. C’est que la destruction des institutions anciennes s’est faite par le droit, par l’absolutisation des droits subjectifs, émanant d’une métaphysique individualiste qui produit à son tour des hommes séparés. Les droits de l’homme, compris comme des droits naturels, sont par nature dissociatifs13. Ils entraînent inévitablement la domination des pauvres par les riches, puisque dès lors que les hommes n’entrent plus dans des rapports de solidarité, la richesse devient automatiquement le centre de gravité des rapports sociaux. La concurrence détruit le « concours ». Tous les attachements, toutes les coutumes et tous les liens sociaux hérités sont dénoncés comme faisant violence à l’intégrité de la personne. La société dans son épaisseur morale, dans l’effectivité de ses mœurs concrètes, est alors pensée comme une instance qui asservit ou aliène les individus. Et la Révolution française est considérée comme l’instauration d’un système institutionnel dont la fonction consiste à détruire la société héritée au motif qu’elle est injuste, pour faire émerger une société dans laquelle seuls les talents et les vertus des individus, c’est-à-dire leurs qualités personnelles, déterminent leur place dans la société. Tel est ce qu’on pourrait appeler le dispositif libéral qui gouverne la politique depuis la Déclaration des droits et la nuit du 4-Août. Or, pour Comte comme pour les saint-simoniens, un tel dispositif produit des effets dévastateurs qui entraîneraient au bout du compte la dissolution sociale, s’ils n’étaient contrés.
15En posant l’égalité et la liberté absolues des individus, les droits de l’homme instituent un régime politique et social dans lequel, puisque la loi est la même pour tous, la solidarité se trouve en péril. Comme catégorie commandante, le droit laisse aux riches la prééminence sociale, c’est-à-dire le pouvoir effectif, tout en les exemptant par principe de toute solidarité active avec le peuple. Rien dans les droits de l’homme en effet ne saurait autoriser le législateur à forcer les riches à la solidarité envers les pauvres. Le droit, c’est concrètement l’exemption de tout devoir des supérieurs envers les inférieurs. Au point où l’on en est, la société issue de la Révolution française n’a donc rien fait d’autre, selon Comte, que de substituer le monopole de la richesse à celui de la force14.
16Un autre effet du dispositif libéral est bien plus grave. On pourrait bien, après tout, se satisfaire d’une société individualiste, d’autant que, cette société, c’est celle-là même que tous veulent. C’est un fait, c’est même le fait dont il faut partir : les esprits modernes veulent leur complète émancipation. Il est toujours facile de critiquer l’individualisme, de dénoncer l’égoïsme ; encore faut-il être conscient du sacrifice qu’on exige de l’individu moderne quand on prétend restaurer la belle communauté des heureuses époques organiques. Qui accepterait de se voir confiner d’autorité à sa place, enfermé dans son statut social, dans sa religion par exemple, dans sa corporation professionnelle ou encore dans son genre ? Si la modernité se définit par l’émancipation, alors il faut assumer les conséquences dissolvantes de l’individualisme. C’est le prix de la liberté individuelle. Comte adhère pleinement au mouvement de l’émancipation moderne : comme les libéraux il pense que la dissolution de la société traditionnelle est bonne, parce que cette société entravait le développement de la personne. Mais cela ne l’empêche pas de dénoncer dans la société individualiste une société qui elle aussi entrave insidieusement le développement de l’individu. Lorsque Comte donc, à la suite de Saint-Simon et des saint-simoniens, met l’individualisme en accusation, ce n’est pas la personne dans son individualité qu’il accuse, c’est au contraire la doctrine individualiste (nous dirions l’idéologie) pour autant que celle-ci mutile, offense et réduit terriblement l’individu à une toute petite partie, malade qui plus est, de lui-même. C’est au nom de l’individu dans son intégrité physique, mentale et morale qu’il dénonce l’individualisme inhérent au dispositif libéral.
17Nous sommes selon Comte dans une société qui non seulement court à sa propre dissolution, à son atomisation sous l’effet de l’empire du droit, mais encore qui, loin de promouvoir l’individualité, la blesse mortellement. Telle est la contradiction structurant la politique des modernes : d’un côté, les esprits sont « pleinement livrés à l’irrésistible élan de leur complète émancipation15 » ou, pour le dire dans les termes si clairs du Discours sur l’ensemble du positivisme, le mouvement même de l’histoire tend à « l’entière libération personnelle16 » ; de l’autre, cette demande de subjectivité ne trouvant jusqu’à présent qu’à s’exprimer dans l’empire sans partage des droits subjectifs, l’individu se désocialise, perd de vue l’intérêt public, s’abîme dans l’égoïsme et, finissant par s’effondrer lui-même dans le néant, ne vit plus, quand il est pauvre, que de la haine des riches qui l’oppriment et qu’il envie, et lorsqu’il est riche, de la peur des pauvres que pourtant il méprise.
18L’individu de la société individualiste est mutilé, offensé dans son individualité propre, parce qu’en régime libéral il lui est impossible de produire en lui le consensus intérieur des trois parties qui constituent sa vie psychique : l’affect, l’intelligence et la raison. Sans la production du consensus intérieur entre les trois parties de l’âme, l’individu n’est qu’un fragment de lui-même, un moignon mental. Or les individus ne sauraient être intérieurement réglés que s’ils sont d’abord reliés entre eux au plan de l’âme. Pour être soi, il faut ordonner son âme, ce qui ne se peut sans être adéquatement ordonné aux autres. C’est à l’éducation de produire cet homme harmonieusement accompli.
19C’est en développant l’altruisme et non en comprimant l’égoïsme qu’on y parviendra17. Et pour développer la morale il faut l’instituer. Tel est le sens de la théorie comtienne du pouvoir spirituel. L’occident souffre parce qu’il n’a pas encore trouvé la manière moderne d’organiser un pouvoir spirituel capable de modérer le pouvoir temporel. Nous, les modernes, avons horreur de l’idée de pouvoir spirituel. La modernité n’est même en un sens rien d’autre qu’une lutte contre le pouvoir spirituel – contre la tutelle de l’Église et de la théologie sur nos esprits. Certes, l’Église est une institution caduque, parce que tout le monde sait bien désormais que Dieu est mort. Aussi ne s’agit-il pas pour Comte d’en revenir au Moyen Âge. Il s’agit de prendre acte de la situation actuelle des esprits pour ériger un nouveau pouvoir spirituel, fondé sur la rationalité scientifique, c’est-à-dire gouverné par l’exigence de la preuve, et privé de toute intervention directe dans l’administration politique de la société. Comte ne veut pas donner le pouvoir aux philosophes, et à cet égard il se situe à l’opposé de Platon. La Révolution française l’a montré, rien n’est pire que des philosophes rois. Le pouvoir temporel appartient de fait et de droit aux possesseurs de la prééminence civile, c’est-à-dire aux riches18. Pour Comte, ce n’est pas en entravant, par une réglementation tatillonne, le développement spontané de la civilisation matérielle qu’on résoudra le problème social. C’est en instituant un pouvoir spirituel détenteur de l’éducation, car l’office fondamental du sacerdoce est très précisément l’éducation.
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20Il est nécessaire que j’apporte ici deux précisions concernant la conception comtienne du pouvoir spirituel, c’est-à-dire de l’autorité éducative, car le vocabulaire choisi par Comte risque de prêter à confusion. Contrairement à ce que l’on pense souvent, le pouvoir spirituel selon Comte n’est pas et ne saurait être institué d’autorité. C’est en effet par nature que le pouvoir spirituel n’a pas de… pouvoir. « Le vrai pouvoir théorique se borne toujours à conseiller, sans commander jamais19 ». Aussi Comte est-il partisan du libéralisme pédagogique le plus absolu : « il importe beaucoup que le pouvoir temporel […] abdique son étrange suprématie didactique, en établissant la véritable liberté d’enseignement20 », ce qui suppose la suppression pure et simple des budgets dévolus à l’école et à l’université. Dans l’organisation politique que Comte cherche à instituer, le temporel s’abstient vraiment de tout empiètement dans le champ spirituel et se borne à faire régner l’ordre. Dans l’État comtien, il n’y a pas de place pour un quelconque ministère de l’éducation nationale. Quant au spirituel, il doit n’avoir aucun moyen de coercition (sans quoi nous tomberions dans la scientocratie, que Comte exècre), et pour cela il faut que les philosophes et les savants ne soient pas employés par l’État, ni dans leurs travaux de recherche ni dans leur fonction d’enseignement. Que ceux qui se sentent une vocation pédagogique ouvrent des écoles, fassent des cours, et dès lors que l’État se sera désengagé, les meilleurs attireront de plus en plus d’élèves. Certain de la supériorité intrinsèque du positivisme, Comte est également certain que les cours populaires proposés par les positivistes l’emporteront à terme sur les autres21.
21Contrairement à ce que l’on pense aussi, ce nouveau pouvoir spirituel n’est pas détenu par les philosophes. Le sacerdoce public appartient certes aux philosophes, aux théoriciens, qui produisent la science. Mais le pouvoir spirituel ne s’y réduit nullement. Il suppose en effet la circulation dialectique entre trois instances sociales solidaires : le prolétaire, la femme et le philosophe. Le prolétaire représente l’activité dans sa pureté, la femme le sentiment dans sa pureté, le philosophe l’intelligence dans sa pureté. Tous les trois sont faibles (tenus dans la minorité, aurait-on dit naguère), exclus de toute grandeur temporelle, de toute participation au pouvoir politique. Aux trois ordres de phénomènes mentaux dans l’individu (l’activité, le sentiment et la raison) correspondent trois incarnations sociales (le prolétaire, la femme et le philosophe). Le pouvoir spirituel est constitué par l’alliance entre le prolétaire, la femme et le philosophe. Actuellement ces trois instances sont séparées ; c’est pourquoi la société appartient à l’aristocratie industrielle. Mais si l’on développe et cultive cette alliance des faibles, alors une véritable force est susceptible de naître, capable de modérer la brutalité et le cynisme des puissants. En ce sens, le pouvoir spirituel que Comte appelle de ses vœux ne désigne en vérité rien d’autre que l’opinion publique elle-même. Si l’on veut que celle-ci ne se réduise pas au bavardage journalistique, il faut qu’elle repose sur un éthos public, sur une pratique sociale effective qui permette que la souveraineté populaire soit autre chose qu’un mot. Depuis la Révolution française, la souveraineté du peuple est comprise comme la convergence des souverainetés individuelles qui s’expriment dans le vote, ou lors de l’insurrection. Au fond, ce qu’on appelle souveraineté du peuple est – pour Comte – un mensonge, car le vote va aux puissants et l’insurrection à la rue, c’est-à-dire à la foule, qui précisément n’est pas le peuple. Sans refuser au peuple le droit à l’insurrection, Comte estime que la doctrine libérale de la souveraineté du peuple est bien pauvre et surtout qu’elle est dangereuse, puisque jamais l’insurrection ne bâtit rien. De même que la critique ne construit rien, la suppression d’une oppression n’institue pas par elle-même la liberté. Aussi l’aliénation du prolétaire ne porte pas par elle-même la promesse d’une émancipation totale, comme c’est le cas chez Marx ; et le soulèvement d’un prolétariat aliéné ne bâtirait pas la société libre mais accumulerait ruines sur ruines. Comte n’est pas hégélien. Mais surtout, le prolétaire n’est pas pour lui la figure toute métaphysique de l’aliénation totale. C’est même le contraire qui est vrai : le prolétaire ne porte en lui l’émancipation totale de la société que par ce qui, dans sa vie et ses mœurs, est d’ores et déjà émancipé ; c’est notamment son métier et l’éthos qu’il enveloppe qui le fait cultiver spontanément l’esprit positif et sa morale altruiste22.
Une doctrine commune et des mœurs semblables, d’après un système uniforme d’éducation générale, dirigé et appliqué par un même pouvoir spirituel, voilà ce qui, dans tout l’Occident, constitue maintenant le premier besoin social23.
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22Lorsque, au moment où naît véritablement le positivisme politique et religieux, en 1848, Comte cherche à situer la place exacte du positivisme au sein des « écoles rénovatrices », il considère d’abord qu’il partage avec les socialistes et les communistes le souci de l’incorporation du peuple dans une société qui cherche encore sa constitution24. Les grands besoins sociaux propres aux prolétaires sont l’éducation normale et le travail régulier. Ce sont ces deux points qui font l’unité des diverses doctrines progressistes. Mais le positivisme se distingue du socialisme et du communisme en ce qu’il place l’éducation avant tout. L’erreur capitale des socialistes et des communistes est de statuer sur le travail avant de constituer l’éducation. Ils pensent que la question sociale sera résolue quand l’organisation du travail sera régulée. Le positivisme à l’inverse pense que la société ne pourra trouver la voie de son émancipation effective que si d’abord l’éducation est systématisée. Cette question de préséance est essentielle. Les socialistes en effet postulent qu’il est possible d’organiser une société juste et libre en révolutionnant le pouvoir temporel. Ils croient pouvoir construire l’édifice social sans bases intellectuelles et morales. La proposition comtienne avance au contraire que la société ne pourra trouver son salut qu’à partir d’une réorganisation des esprits, des intelligences et des affections : « la régénération finale des institutions sociales dépend surtout de la réorganisation préalable des opinions et des mœurs25 ». Socialistes et communistes ignorent également que les phénomènes sociaux obéissent à des lois, et que l’on ne décrète pas la constitution sociale et l’organisation de la société. Héritiers des révolutionnaires, ils fantasment la toute-puissance du politique, croient que « tout est possible » et s’imaginent qu’on façonne les hommes comme on veut. Mais le champ de l’activité, de la production matérielle des biens et des richesses a sa logique immanente, qui requiert notamment la division hiérarchique du travail, c’est-à-dire la distinction non pas du capitaliste et du prolétaire, mais du chef des travaux industriels et des exécutants. Or ce point vital, qui n’est pas réductible à la propriété, est laissé dans l’ombre par les socialistes, qui ne voient littéralement pas que l’abolition de la propriété privée n’avancera en rien le problème social que pose la hiérarchie inhérente à la division du travail. La solution comtienne au problème social est diamétralement opposée, car la solution réelle des principales questions sociales est surtout morale26. Ou plus exactement, elle doit être morale pour avoir une chance de devenir politique.
23Par son éthos le prolétaire est un philosophe spontané, comme le philosophe est un prolétaire systématique27. Le prolétaire possède spontanément la positivité de pensées à la fois précises, utiles, concrètes, et générales. Il possède aussi, par son habitude du travail en commun, le sens spontané de la générosité : il sait qu’on ne fait rien et même qu’on n’est rien tout seul. S’il n’est pas individualiste c’est parce que ses conditions matérielles d’existence développent en lui l’esprit de concours et de coopération. Ce qui lui manque, c’est seulement la culture, et il faut construire une culture qui ne soit pas la culture littéraire des élites. C’est cela qui gouverne le plan d’éducation populaire que Comte expose dans son second Discours et dans le Système de politique positive.
24Le principe de l’éducation proposée aux prolétaires est la culture de la sociabilité, de façon à développer en eux au mieux non pas le sentiment de l’humanité certes, qu’ils ont déjà, mais sa conscience et ses motifs. Anticipant à sa manière la loi de récapitulation de la phylogenèse dans l’ontogenèse, en vertu de laquelle chaque individu suit le développement qu’a suivi l’espèce, il en déduit que le développement mental de chacun obéit lui aussi à la loi des trois états qui gouverne la marche de l’esprit humain dans l’histoire : l’état théologique (qui lui-même se décompose, dans ses phases principales en âges fétichique, polythéiste et monothéiste), l’état métaphysique et enfin l’état positif. Une éducation digne de ce nom doit permettre à l’individu de suivre ce mouvement dans sa totale spontanéité.
25Je terminerai en présentant très rapidement les principales étapes de l’éducation des petits prolétaires, telles qu’elles sont présentées dans le Discours sur l’ensemble du positivisme. L’éducation, qui commence à la naissance et se poursuit jusqu’à 21 ans, se divise en deux périodes principales : une éducation spontanée (de la naissance à 14 ans) et une éducation systématique (de 14 à 21 ans). La première période se divise à son tour en deux. Jusqu’à 7 ans, l’éducation doit rester domestique. Auprès de sa mère, et sans suivre aucune leçon, l’enfant développe ses sens et son adresse. Il n’apprend pas même à lire et à écrire : « l’instruction acquise s’y réduit aux faits de tous genres qui attireront spontanément l’attention naissante28 ». Un peu comme dans l’éducation négative que reçoit Émile, l’essentiel est ici qu’aucune intervention ne vienne perturber le cours spontané du développement enfantin, et surtout qu’on n’abîme pas par une hâte dévastatrice la lenteur de sa maturation : « Toute la sollicitude des parents consiste à inspirer les préjugés et susciter les habitudes que justifiera plus tard l’éducation systématique29. ». Certes, chez Rousseau il s’agit très exactement d’empêcher que les préjugés et les habitudes ne s’installent, alors que Comte laisse l’enfant à ses fictions et à ses théorisations spontanées, même si elles sont fausses. Mais c’est seulement que ces deux grands pédagogues n’ont pas la même doctrine de ce qu’est l’esprit pris dans sa nature. Pour Comte, l’esprit produit naturellement des propositions et des savoirs théologiques, il est une machine à préjugés. C’est naturellement que nous sommes d’abord théologiens30. Comte partage donc bien avec Rousseau la thèse selon laquelle la première éducation doit se borner à dégager un espace pour le plein développement naturel de l’esprit ; mais accompagner le mouvement spontané de l’esprit, c’est laisser l’enfant séjourner dans les préjugés et les erreurs que son esprit produit de lui-même.
26De 7 à 14 ans, l’éducation reste spontanée ainsi que domestique, sauf pour ce qui concerne l’esthétique, qui seule commence dès lors à devenir systématique. Ici encore ce choix résulte de l’anthropologie comtienne : après le fétichisme, et avec le déploiement de l’imagination, l’esprit passe au polythéisme : « l’individu poursuivra sa propre évolution philosophique en s’élevant du simple fétichisme initial au vrai polythéisme, comme le fit avant lui l’espèce au même état31. » On rend alors l’enfant sensible à la poésie, comme étant l’art fondamental. Pendant ces années, il apprend les principales langues vivantes, pour commencer à goûter les grands textes dans leur langue originale. À cette éducation poétique, s’ajoutent la musique et le dessin. De 7 à 14 ans, le jeune prolétaire apprend à chanter et à dessiner (on voit qu’on est bien loin de l’image qu’on se fait parfois du positivisme, supposé favoriser la sécheresse du cœur et l’éducation strictement utilitaire et technique).
27La seconde éducation positive32, qu’on pourrait appeler l’âge des leçons, commence à 14 ans. Elle devient une éducation systématique, gouvernée par la loi encyclopédique qui accompagne la loi d’évolution. La loi encyclopédique formule les rapports d’engendrement à la fois logique et historique des sciences parvenues à l’état de positivité. Elles vont par nature du simple et de l’abstrait au complexe et au concret. L’encyclopédie détermine un ordre naturel, qui explique que la positivité commence par les mathématiques et se termine par la sociologie, dernière science fondée par Comte lui-même. « Car les études scientifiques du prolétaire doivent se rapporter, comme celles du philosophe, d’abord à notre condition inorganique, ensuite à notre propre nature, personnelle et sociale, pour constituer la double base rationnelle de notre conduite réelle33. » Les deux premières années seront donc consacrées aux mathématiques et à l’astronomie. Elles correspondent au stade monothéiste de l’état théologique, et développent l’esprit déductif. La troisième année initie à la physique et la suivante à la chimie. Ces deux années correspondent au stade « athéiste » où se développe l’esprit d’induction. Suivent la biologie, puis la sociologie, avec lesquelles l’esprit du jeune homme parvient au stade positif du développement de son esprit. Le tout est couronné, lors d’une septième et dernière année, par la morale, qui est selon Comte non seulement une science, mais la science aboutie, résumant et complétant toutes les autres qui n’en sont que des moyens en même temps que des éléments34.
28On pourrait trouver étrange que l’enseignement de chaque science ne s’étende pas sur l’ensemble du cursus (comme c’est le cas dans notre société), et que par exemple seules deux années soient dévolues aux mathématiques, une seule à la physique. C’est que, conformément au concept comtien d’encyclopédie, les sciences ultérieures enveloppent et complètent les sciences inférieures. Ainsi la physique enveloppe les mathématiques, comme la chimie enveloppe la physique. Chaque science ultérieure présuppose donc les acquis de la précédente qu’elle maintient active en elle. Enfin, cette période sera aussi celle de l’apprentissage du latin et du grec, et des voyages de perfectionnement seront proposés aux jeunes prolétaires à travers toute l’Europe.
29À cette culture scolaire, que l’État doit aux seuls prolétaires35, il faut ajouter la formation continue, et la constitution d’une bibliothèque du prolétaire très ambitieuse, composée de 150 volumes (30 de poésie, 30 de science, 60 d’histoire, 30 de philosophie, de morale et de religion). À parcourir cette bibliothèque qui comporte tous les trésors de la culture humaine, on voit bien que le prolétaire qui vivrait dans le monde selon Comte serait bien plus lettré que la moyenne des bacheliers, et même des étudiants inscrits à l’université de nos jours.
30Le but d’une telle éducation est d’armer l’âme du prolétaire, en l’initiant à une culture systématique, encyclopédique, de façon qu’il participe activement à la constitution d’une opinion publique non seulement éclairée mais encore savante, et finalement morale. C’est la seule voie, la seule méthode qui puisse selon Comte affranchir réellement le prolétariat et, par le prolétariat, l’humanité.
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Références bibliographiques
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Montaigne, Essais, éd. A. Tournon, Paris, Imprimerie nationale, 1998.
Plotin, Sur le beau, Traité 1, 9, tr. fr. J. Laurent, Paris, GF, 2002.
Notes de bas de page
1 Auguste Comte, Système de politique positive, Paris, Société positiviste, 1929, tome IV, p. 230.
2 Dans les pages qui suivent, je ne commenterai pas dans son détail le plan d’études élaboré par Comte. Ce travail a déjà été fait de façon très complète par Paul Arbousse-Bastide, La doctrine de l’éducation universelle dans la philosophie d’Auguste Comte, Paris, PUF, 1957, 2 volumes. Je cherche plutôt ici à expliquer le sens de l’ambition pédagogique de la philosophie politique de Comte.
3 Plotin, Sur le beau : « enlève le superflu, redresse ce qui est tordu et, purifiant tout ce qui est ténébreux, travaille à être resplendissant. Ne cesse de sculpter ta propre statue […] », Traité 1, 9, tr. fr. Jérôme Laurent, Paris, GF, 2002, p. 79.
4 Montaigne, Essais, éd. André Tournon, Paris, Imprimerie nationale, 1998, I-23, p. 213.
5 Comte, Système de politique positive, éd. citée, tome IV, p. 260.
6 Voyez l’Enquête sur les principes de la morale, Appendice II, « De l’amour de soi ».
7 Système de politique positive, tome I, p. 700.
8 On trouve ce tableau au tome I du Système de politique positive, p. 726, et dans le 4e entretien du Catéchisme positiviste, Paris, GF, 1966, p. 138-139. Voyez sur la théorie comtienne du cerveau Laurent Clauzade, L’organe de la pensée. Biologie et philosophie chez Auguste Comte, Besançon, PUFC, 2009.
9 C’est du reste cet instinct qui rend raison des formations sociales primitives : l’anthropophagie originelle, bientôt suivie par l’esclavage.
10 Comte, Discours sur l’ensemble du positivisme, Paris, GF, 1998, p. 127 (cité désormais Discours).
11 Système de politique positive, éd. citée, tome I, p. 700 (je souligne).
12 Comte, Considérations sur le pouvoir spirituel, dans Écrits de jeunesse, éd. Paulo E. de Berrêdo Carneiro et Pierre Arnaud, Paris, La Haye, Archives positivistes, 1970, p. 369.
13 Sur la critique des droits de l’homme au xixe siècle, et notamment chez Comte, voyez Justine Lacroix et Jean-Yves Pranchère, Le procès des droits de l’homme. Généalogie du scepticisme démocratique, Paris, Seuil, 2016, p. 150-173.
14 Dans une société entièrement ordonnée à l’activité matérielle, le nouvel ordre politique, appuyé sur le droit, « n’aurait d’autre avantage réel sur l’ancien […] que de substituer le monopole à la conquête, et le despotisme fondé sur le droit du plus riche au despotisme fondé sur le droit du plus fort », Comte, Considérations sur le pouvoir spirituel, éd. citée, p. 392.
15 Comte, Cours de philosophie positive. Leçons 46-51, éd. Michel Bourdeau, Laurent Clauzade et Frédéric Dupin, Paris, Hermann, 2012, 46e leçon, p. 46.
16 Discours, éd. citée, p. 203.
17 Système de politique positive, éd. citée, tome IV, p. 289.
18 « En tout régime régulier, le gouvernement proprement dit ne peut être qu’une expansion de la prépondérance civile », Discours, éd. citée, p. 230.
19 Discours, éd. citée, p. 200.
20 Discours, ibid., p. 213.
21 Il en va de même pour la religion de l’humanité : il ne s’agit pas plus de convertir les catholiques que de contraindre les athées à entrer ; il s’agit de proposer une nouvelle religion, avec son dogme, son culte et son régime. Le pouvoir spirituel n’exercera jamais aucune contrainte, ni pédagogique ni religieuse.
22 Discours, éd. citée, p. 219.
23 Discours, ibid., p. 118.
24 Sur l’interprétation comtienne du socialisme et du communisme, je me permets de renvoyer à mon étude : « L’affect socialiste du positivisme. Auguste Comte, le socialisme “politique” et le prolétariat », Incidence n° 11, automne 2015, p. 59-81.
25 Discours, éd. citée, p. 175.
26 Discours, ibid., p. 222.
27 Discours, ibid., p. 165.
28 Discours, ibid., p. 205.
29 Discours, ibid., p. 205.
30 Voyez sur ce point la première leçon du Cours de philosophie positive.
31 Discours, éd. citée, p. 206.
32 Elle est proposée aux femmes aussi bien.
33 Discours, ibid., p. 207.
34 Voyez sur ces points le tableau très utile de l’éducation générale du prolétariat chez Paul Arbousse-Bastide, op. cit., vol. 1, p. 246.
35 « L’État ne doit l’instruction qu’aux prolétaires », Discours, éd. citée, p. 212.
Auteur
Directeur d’études à l’EHESS (Centre de recherches historiques), a publié en 2016 La Raison du Peuple. Un héritage de la Révolution française (1789-1848), Les Belles Lettres.
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