Apprendre à chasser ou comment devenir un citoyen en Grèce ancienne ? Ce que nous enseignent les mythes d’Actéon, Tirésias et Penthée
p. 37-57
Texte intégral
1Bien qu’accueilli de manière tout à fait mitigée à sa parution, l’ouvrage d’Arnold Van Gennep intitulé Les rites de passage1 fait aujourd’hui encore référence pour qui veut comprendre l’enchaînement d’un rite tel qu’il se pratiquait dans l’Antiquité grecque. La thèse de l’ethnologue et folkloriste français crée dès le début du xxe s. une véritable révolution en accordant au moins autant d’importance à l’ordre des rites qu’à leur contenu et en démontrant qu’ils se décomposent en trois temps successifs : le temps préliminaire, qui correspond à la séparation, le temps liminaire où le sujet est situé dans un entre-deux, et enfin le temps post-liminaire, qui sanctionne l’agrégation. Par-delà la compréhension rituelle, les travaux d’Arnold Van Gennep représentent une avancée importante pour l’appréhension des initiations2 dans l’Antiquité grecque car les trois étapes identifiées doivent se lire comme des temps de passage, des seuils que l’initié doit franchir pour parvenir à une situation supérieure à celle qu’il occupait jusque-là.
2En Grèce ancienne, l’activité cynégétique peut se lire dans une certaine mesure comme un rite de passage : pour un jeune homme, chasser revient à investir un espace particulier et ambigu pour y acquérir un savoir-faire et, peut-être plus encore, un savoir-être propices à faire de lui un homme nouveau, en mesure d’être introduit dans le cercle fermé des citoyens. C’est ce qu’a brillamment démontré Alain Schnapp dans Le chasseur et la cité. Chasse et érotique dans la Grèce ancienne3 où, partant du motif cynégétique, l’historien propose d’explorer le rapport entre la cité et le monde juvénile dans la Grèce archaïque et classique4. Au même titre que la gymnastique, les épreuves d’endurance, la musique ou encore la pratique des armes, la chasse fait partie de la paideia5, de l’éducation des jeunes gens aux valeurs de la citoyenneté. La démarche d’Alain Schnapp relève de l’anthropologie historique. L’auteur s’appuie pour mener sa réflexion sur les textes littéraires (en particulier les traités de Platon et Xénophon, mais aussi les tragédies de Sophocle ou Euripide) et les documents figurés, avec une place prépondérante accordée aux peintures de vases.
3Mais à la lecture de cet ouvrage fondamental – car rare6 sur le thème cynégétique – naît malgré tout une sorte de frustration de par « l’oubli » de certaines figures mythologiques. Certes, les mythes d’Héraclès, Méléagre ou encore Atalante sont régulièrement cités, mais rarement au titre des témoignages littéraires. Et bien d’autres chasseurs mythologiques célèbres sont trop peu exploités : pour des personnages tels qu’Orion et Actéon, pour ne citer que les plus emblématiques, il manque résolument une analyse à entrée mythologique poussée.
4À la lecture de certains mythes grecs, la chasse peut-elle donc également être lue comme un support de l’éducation à la citoyenneté en Grèce ancienne ? C’est ce que propose de mettre en exergue le présent article en analysant trois mythes en particulier : ceux d’Actéon, Tirésias et, dans une moindre mesure, celui de Penthée.
Actéon et Tirésias : figures mythologiques de jeunes chasseurs
5Les descriptions d’Actéon et de Tirésias, dans les mythes qui leur sont associés, sont suffisamment suggestives pour nous permettre de mettre en avant la figure mythologique paradigmatique du chasseur en Grèce ancienne.
6Dans une version méconnue de son mythe, Tirésias fait les frais d’une rencontre avec une divinité7. Selon Callimaque, poète alexandrin du iiie s. av. J.-C., alors qu’Athéna se baignait entourée de ses nymphes à la source Hippocrène,
Τειρεσίας δ᾿ ἔτι μῶνος ἁμᾶ κυσὶν ἄρτι γένεια
περκάζων ἱερὸν χῶρον ἀνεστρέφετο.
Tirésias seul, avec ses chiens, jeune homme au duvet mûrissant, promenait ses pas en ce lieu sacré8.
7C’est alors que la déesse, pleine de colère, s’adresse à lui tout en lui ôtant la vue :
῝Α μὲν ἔφα, παιδός δ᾽ ὄμματα νὺξ ἔλαβεν
Elle dit, et la nuit prit les yeux de l’enfant9.
8Le terme grec « παῖς » et la description de la barbe naissante insistent sur le fait que Tirésias vient tout juste de sortir de l’enfance et présument qu’il entre dans la période transitoire de l’adolescence. Associées à sa jeunesse, sa solitude et la présence de chiens suggèrent l’activité cynégétique.
9Plus loin dans l’Hymne, le sort de Tirésias est comparé à celui – plus funeste – d’Actéon qui, métamorphosé en cerf par Artémis pour avoir lui aussi vu la déesse au bain, perd la vie déchiré par ses chiens10 :
Πόσσα μὲν ἁ Καδμηὶς ἐς ὕστερον ἔμπυρα καυσεῖ,
πόσσα δ᾽ ῾Αρισταίονα, τὸν μόνον εὐχόμενοι
παῖδα, τὸν ἁβατὰν ᾽Ακταίονα, τυπλὸν ἰδέσθαι.
Combien un jour la fille de Cadmos voudra brûler des chairs sur l’autel, et combien Aristée, pour voir aveugle leur fils unique, l’adolescent Actéon11 !
10Callimaque utilise le procédé comparatif pour signifier la douceur du châtiment infligé à Tirésias au regard de celui subi par Actéon. Mais surtout, en évoquant dans un même témoignage les mythes parallèles d’Actéon et Tirésias surprenant une déesse au bain – Artémis pour l’un, Athéna pour l’autre – l’auteur alexandrin met en exergue le lien existant entre chasse et jeunesse. Ni l’un ni l’autre des deux héros mythologiques n’est marié ; ils sont encore les petits-fils et fils « de »12.
11Huit siècles après Callimaque, le poète grec Nonnos de Panopolis établit lui aussi un parallèle entre les deux mythes et joue avec l’emploi du terme grec « νέβρος »13, littéralement « le faon, le jeune cerf » pour signifier la jeunesse d’Actéon qui se poursuit jusque dans la métamorphose.
12À côté de ces deux témoignages littéraires, on peut s’appuyer sur une découverte archéologique pour insister sur les liens existant entre chasse, jeunesse et initiation à la sexualité. De l’époque de Nonnos de Panopolis date en effet une mosaïque découverte à Yakto14, dans l’actuelle Turquie. Cette mosaïque, dite « des chasseurs » est occupée par un médaillon central où l’on découvre le buste d’une jeune femme qu’une inscription nomme « Megalopsychia ». Autour s’animent six scènes de chasse, dont chacune met en scène un personnage mythologique aux prises avec une bête sauvage. Des inscriptions en caractères grecs permettent d’identifier les chasseurs : Méléagre, Actéon, Narcisse, Tirésias, Adonis et Hippolyte. Ces six héros mythologiques se rejoignent par leur jeunesse, leur statut d’hommes non mariés et surtout leurs rapports ambigus à la sexualité. La vie de Méléagre tient à la préservation d’un tison du foyer de sa naissance, tison que sa mère brûle lorsqu’elle apprend que Méléagre est responsable de la mort de ses oncles pour leur avoir préféré la belle Atalante lors du partage de la dépouille du sanglier de Calydon15. Actéon et Tirésias - nous l’avons vu - subissent les foudres des déesses qu’ils ont surprises au bain. Narcisse, après avoir repoussé les avances de la nymphe Écho, meurt d’amour à l’eau d’une source fasciné par le reflet de sa propre image. Adonis, l’amant d’Aphrodite, succombe sous l’assaut d’un sanglier envoyé par Artémis. Hippolyte enfin, qui honore tout spécialement Artémis mais méprise Aphrodite, fuyant la colère de son père Thésée, lui-même abusé par les propos mensongers de Phèdre, tombe de son attelage et, les pieds pris dans les rênes, est traîné sur les rochers jusqu’à la mort16.
13Le mythe d’Hippolyte, que l’on peut lire notamment au travers de la tragédie éponyme de Sophocle, est peut-être celui qui nous éclaire le plus sur les rapports entre chasse et sexualité ; comme l’a bien vu Alain Schnapp, l’Hippolyte est en effet « tout entier consacré à la définition d’un bon usage de la chasse qui doit être un bon usage de l’amour »17. Les mythes grecs nous apprennent ainsi que chasse et sexualité ne sont pas fondamentalement opposables, mais qu’il y a un temps pour tout. Ces deux activités ne peuvent pas être confondues ; c’est ce que nous enseignent les mythes d’Actéon, Tirésias, Méléagre et Adonis. Elles ne peuvent pas plus être exclusives l’une de l’autre ; c’est la conclusion que l’on peut tirer des mythes de Narcisse et Hippolyte. La confusion et l’exclusivité des pratiques cynégétiques et sexuelles sont donc rejetées par le discours mythologique, ce que défend Judith M. Barringer dans l’analyse des mythes d’Atalante, Callisto et Hippolyte : « Such myths offer negative paradigms of what one should not do, but the negative behavior is not the intrusion of sexuality but rather the sustained commitment to Artemis and virginity, the absence of sexuality, and finally the disobedience that creates the negative image. To be sure, there is a time for Artemis and a time for Aphodite in the life of a young person - and these periods often overlap »18. Le mythe ne se contente pas de montrer ce qu’il ne faut pas faire, il apprend aux jeunes gens à se comporter en futurs citoyens, il les éduque à la vie en société : « Rather than exemplifying the firmness of boundaries and the punishment allotted to transgressors, the myths point to the malleability of social roles and the societal limits placed of them »19 ; il pose aussi les limites comportementales : « Myth demonstrates the dangers of trying to perpetuate the wild state because the sexuality must be domesticated »20.
14Transposées au mythe d’Actéon, ces conclusions conduisent à considérer, non pas que le jeune héros est coupable d’avoir introduit la sexualité dans son activité cynégétique, mais qu’il a transgressé les limites sociales consistant à désirer une femme inaccessible : « In this case, the inappropriate behavior is not the mixture of hunting and sex or that a hunter has desired a female, but that he has desired the wrong female (Semele or Artemis) »21. La faute commise serait donc le désir de mariage du jeune chasseur – condamné au célibat ? – avec un être féminin inaccessible : Sémélè est déjà conquise par Zeus et Artémis est une déesse vierge. Quoi de plus impossible ? Le mythe d’Actéon lu, observé et entendu sous l’angle de l’hybris sexualisée formalise dans l’esprit des lecteurs, spectateurs et auditeurs les interdits sociaux qui existaient, par rapport à la notion de fidélité d’une part : une femme mariée (Sémélè) ne peut être volée par un amant (Actéon) à son époux (Zeus), par rapport à la notion de chasteté d’autre part : une vierge déclarée (Artémis) ne saurait être compromise par un jeune homme (Actéon).
15La culpabilité de Tirésias est quant à elle impossible à lire sous l’angle de l’intention de la faute (le mythe ne nous dit pas que le héros a volontairement cherché à surprendre la déesse Athéna) ; mais elle reste incontestable sur le plan factuel : Tirésias voit une déesse (nue) au bain ; il voit :
τὰ μὴ θεμιτ
ce que l’on ne saurait voir22.
16En portant les yeux sur un « objet » interdit, le jeune chasseur transgresse une loi divine. Dans la pensée archaïque, il semble que la volonté de la faute soit comme effacée ; ce qui compte à terme c’est l’acte en lui-même, que celui-ci soit prémédité ou non : « la faute est mesurée de façon objective, sans qu’on prenne autrement en considération l’intention du coupable »23.
17On le voit, l’adolescence est le temps de tous les passages et notamment celui de la découverte de la sexualité : le jeune homme a encore l’âge d’être l’éromène d’un éraste plus âgé, mais l’âge aussi des premières expériences hétérosexuelles. L’activité cynégétique se lit alors symboliquement comme un rite de passage permettant la transition de la jeunesse à la maturité, ouvrant la porte à une sexualité normée et contrôlée et donnant accès in fine au statut de citoyen.
La chasse dans la mythologie : un rite d’accès à la citoyenneté
18L’activité cynégétique comme rite de passage obligé dans un processus d’éducation héroïque apparaît dans nombre de discours mythologiques. Un des moments de tension dramatique de l’Odyssée d’Homère correspond ainsi à la reconnaissance d’Ulysse, identifiable à la cicatrice qui marque son genou, signe distinctif qu’il doit à la défense du sanglier redoutable qu’il a abattu lors d’une chasse en compagnie de son grand-père Autolycos24. Ailleurs, c’est le centaure Chiron, personnage dont le rôle initiatique est incontestable dans la mythologie grecque, qui enseigne l’art cynégétique à de nombreux disciples25. Enfin, on peut rappeler que parmi les douze travaux d’Héraclès, plusieurs instituent la chasse comme instrument de réussite26.
19En Grèce ancienne, la chasse était le pendant de la guerre. Qui se montrait valeureux face aux bêtes sauvages qui peuplaient les forêts saurait le moment venu faire preuve de courage devant l’effroyable ennemi. Au début des Lois, Clinias le Crétois et Mégille le Spartiate posent comme base de la législation des cités la préparation à la guerre : à côté des exercices du gymnase, la chasse tient une place prépondérante27. Il existait aussi différentes chasses : en fonction du type de pratique, mais aussi en rapport avec le gibier poursuivi. Ainsi, la chasse aux sangliers était-elle bien plus illustre que la chasse aux cervidés ; la pugnacité du sanglier en faisant un gibier noble, tandis que le cerf était réputé fuir devant l’attaque28. Dans son Art de la chasse, Xénophon loue les héros chasseurs, exemples à suivre tant ils ont su faire preuve de courage. Il ajoute que :
Διὰ τοῦτο δὲ δημοσία τοῦ θηρᾶν ἐπιμέλονται, καὶ βασιλεὺς ὥσπερ καὶ ἐν πολέμῳ ἡγεμών ἐστιν αὐτοῖς καὶ αὐτός τε θηρᾷ καὶ τῶν ἄλλων ἐπιμελεῖται ὅπως ἂν θηρῶσιν, ὅτι ἀληθεστάτη αὐτόῖς δοκεῖ εἷναι αὕτη ἡ μελέτη τῶν πρὸς τὸν πόλεμον. Καὶ γὰρ πρῲ ἀνίστασθαι ὲθίζει καὶ ψύχη καὶ θάλπη ἀνέχεσθαι γυμνάζει δὲ καὶ ὁδοιπορίαις καὶ δρόμοις, ἀνάγκη δε καὶ τοξεῦσαι θηρίον καὶ ἀκοντίσαι ὅπου ἂν παραπίπτη. Καὶ τὴν ψυχὴν δὲ πολλάκις ἀνάγκη θήγεσθαι ἐν τῇ θήρᾳ, ὅταν τι τῶν ἀλκίμων θηρίων ἀνθιστῆται· παίειν μὲν γὰρ δήπου δεῖ τὸ ὁμόσε γιγνόμενον, φυλάξασθαι·δὲ τὸ ἐπιφερόμενον· ὥστε οὐ ῥᾴδιον εὑρεῖν τί ἐν τῇ θήρᾳ ἄπεστι τῶν ἐν τῷ πολέμοῳ παρόντων.
Si la chasse est une institution nationale, si le roi y mène les jeunes gens comme à la guerre, s’il chasse lui-même et veille à ce que les autres chassent, c’est que cette occupation est à leurs yeux le plus authentique entraînement à la guerre. La chasse, en effet, habitue à se lever de bon matin, à supporter le froid et la chaleur, entraine à la marche et à la course, oblige à lancer javelot ou flèche sur les bêtes, chaque fois qu’il en surgit une ; forcément aussi elle trempe l’âme, lorsque, comme il arrive souvent, un animal courageux fait front, qu’il faut le frapper, s’il approche, et savoir l’éviter, s’il fond sur vous. Il est donc difficile de trouver à la guerre une situation qui ne se présente pas à la chasse.29
20Si Platon partage lui aussi cette vision éducative de l’activité cynégétique, il émet cependant une réserve en distinguant les différentes pratiques. À la fin des Lois sur l’éducation, le philosophe recommande fortement – selon la technique du sophiste qui fait s’opposer deux pratiques, l’une mauvaise, l’autre bonne – de se tenir éloigné des chasses qui se jouent la nuit ou de celles qui s’instrumentalisent de pièges et de rets et invite les jeunes gens à préférer les chasses où la confrontation frontale avec l’animal est jugée loyale : à cheval ou à pied, muni d’une arme mais où l’affrontement final répond à un duel à deux mains30. Comme l’a bien vu Pierre Vidal-Naquet31, pour Platon, seule est recevable la chasse conforme à la morale du cavalier et de l’hoplite, la chasse à courre ou à l’épieu, où l’on agit avec ses propres mains.
21À l’occasion de son travail sur l’éphébie athénienne, Pierre Vidal-Naquet fait de la célèbre chasse au sanglier de Calydon « le prototype héroïque de la chasse collective »32. Au-delà des simples techniques, la chasse, pour être conforme à l’idéal hoplitique devait donc être pratiquée de manière collective. Or, au regard de leurs mythes, les héros figurant sur la mosaïque de Yakto apparaissent bien seuls. La solitude dans l’activité cynégétique, ajoutée à la confusion entre chasse et sexualité (guerre et plaisir), peuvent donc être considérées comme des clefs de lecture possibles suggérant l’échec initiatique et appuyant en image inversée l’idée qu’en Grèce ancienne la pratique de la chasse, si elle est suivie dans les règles – et seulement dans ce cadre normé –, ouvre les portes d’accès à la citoyenneté, c’est-à-dire au groupe des hommes qui seront collectivement capables à l’avenir de protéger la Cité de ses ennemis.
22La chasse est une pratique qui permet donc, dans la paideia grecque, de passer du monde de l’enfance à celui des adultes. Elle forme à devenir un citoyen et aide à ne plus être un « παῖς » ; elle marque et accompagne cette transition physique, physiologique et intellectuelle. A ce sujet, il faut rappeler ici les remarques de Christine Mauduit sur les liens entre chasse et jeux qui me paraissent tout à fait révélatrices33. Les verbes ayant le sens de « jouer » tels que « παίζω » ou « ἀθύρω »34 figurent en effet dans un certain nombre de textes pour traduire la fonction divertissante de l’activité cynégétique. Les auteurs, à travers les mots, rappellent donc à leur manière que la chasse permettait la liaison entre enfance et maturité.
Aspects cynégétique de l’agôgè spartiate et de l’éphébie athénienne
23Afin de bien cerner combien la chasse avait valeur pédagogique dans les schèmes de pensée antiques, il est nécessaire de revenir sur certains aspects des pratiques spécifiques de l’agôgè (« ἀγωγή »)35 et de l’éphébie36. Il s’agissait de former les adolescents, spartiates pour la première, athéniens pour la seconde, aux métiers des armes et, par voie de conséquence, de les amener au statut de citoyen à part entière37 : « l’agôgè spartiate crée à la fois le citoyen de plein exercice et le guerrier »38. Les Anciens attribuaient l’élaboration de l’ensemble des institutions spartiates à Lycurgue39 à l’époque archaïque. Plutarque estime d’ailleurs que l’éducation est :
Τὗς δὲ παιδείας, ἣν μέγιστον ἡγεῖτο τοῦ νομοθέτου καὶ κάλλιστον ἔργον εἷναι,
πόρρωθεν ἀρχόμενος
l’œuvre la plus importante et la plus belle du législateur40.
24Quand elles existent, les sources concernant l’éducation spartiate méritent néanmoins une attention particulière car il s’agit souvent de témoignages indirects. Ainsi, la Cyropédie de Xénophon a pour enjeu avoué de décrire l’organisation de la société perse, et notamment la formation de la jeunesse. Or, il est généralement admis que l’historien s’inspire du système spartiate lorsqu’il distingue quatre classes d’âge pour hiérarchiser la société perse : les enfants jusqu’à seize ou dix-sept ans, les éphèbes jusqu’à vingt-sept ans, les « hommes faits » et enfin les Anciens à partir de la cinquantaine41.
25Bien qu’on les rapproche souvent, les systèmes d’éducation spartiate et athénien, s’ils se ressemblaient en de nombreux points, comportaient aussi d’importantes et significatives différences ; Pierre Vidal-Naquet note : « l’éphèbe athénien, au ives., n’est vraiment qu’un cousin très lointain du crypte spartiate »42. On peut lire ce constat en filigrane des Lois de Platon. Le philosophe exprime sa préférence pour un système d’éducation où les enfants des deux sexes seraient arrachés à leurs parents dès l’âge de sept ans ; ils seraient alors confiés aux soins uniques de l’État qui se chargerait de leur éducation. Pour Platon, cette instruction aurait pour objet l’apprentissage du maniement des armes par les jeunes garçons43, afin qu’ils deviennent des soldats44. Cet idéal éducatif se rapproche étroitement de l’agôgè spartiate où les enfants échappaient à leurs parents après leur sixième année, ce dont témoigne Plutarque :
Πάντας εὐθὺς ἑπταετεῖς γενομένους παραλαμβάνων αὐτὸς εἰς ἀγέλας κατελόχιζε, καὶ συννόμους ποιῶν καὶ συσχολάειν
dès qu’ils étaient parvenus à l’âge de sept ans, [Lycurgue] les prenait tous lui-même, les répartissaient en bandes, et, les faisant vivre et manger en commun, ils les habituaient à jouer et à travailler ensemble45.
26Dès lors, l’analyse d’Henri Jeanmaire selon laquelle « le système d’éducation spartiate est, par son essence, une négation des droits de la famille sur l’enfant »46 est incontestable. Cette analyse est confortée par les pensées que Plutarque prête au législateur légendaire :
Πρῶτον μὲν γὰρ οὐκ ἰδίους ἡγεῖτο τῶν πατέρων τοὺς παῖδας,
ἀλλὰ κοινοὺς τῆς πόλευς ὁ Λυκοῦργος
Lycurgue prétendait que les enfants n’appartenaient pas en propre à leurs pères, mais qu’ils étaient le bien commun de la cité47.
27L’éducation selon le système spartiate durait alors de 7 à 20 ans et était placée sous l’autorité d’un magistrat spécial, le « παιδονόμος », « véritable commissaire de l’Éducation Nationale », selon l’expression d’Henri-Iréné Marrou48.
28À l’inverse à Athènes, les parents étaient libres de donner l’éducation et l’instruction qu’ils jugeaient les meilleures pour leurs enfants. Le jeune Athénien ne devenait éphèbe qu’au sortir de l’adolescence49. À l’époque d’Aristote, l’éphébie durait deux ans (de dix-huit à vingt ans). La première année débutait par la tournée des principaux sanctuaires locaux ; les jeunes tenaient ensuite garnison aux frontières du territoire athénien, à Munichie ou à Acté. La seconde année, les éphèbes étaient passés en revue par une assemblée du peuple réunie au théâtre où ils recevaient un bouclier et une lance ; ils assuraient ensuite des marches militaires dans le pays ou tenaient garnison dans des forts50. La localisation liminale de l’éphèbe dans l’espace de la cité prouve que son agrégation définitive n’a pas encore eu lieu ; aux ve et ive s. av. J.-C., il était d’ailleurs appelé « péribolos », c’est-à-dire « celui qui tourne autour ».
29L’épreuve la plus importante chez les Spartiates est la cryptie51 où la qualité indispensable au novice est la ruse (« dolos »). L’initié lacédémonien doit vivre en chasseur : il doit savoir se cacher, vivre de maraude et épier l’hilote pour le tuer. Plutarque nous est une source précieuse pour la connaissance de cette épreuve :
῏Ην δὲ τοιάδε· τῶν νέων οἱ ἄρχοντες διὰ χρόνου τοὺς μάλιστα νοῦν ἔχειν δοκοῦντας εἰς τὴν χώραν ἄλλοτ᾽ ἄλλως ἐξέπεμτον, ἔχοντας ἐγχειρίδια καὶ τροφὴν ἀναγκαίαν, ἄλλο δ᾽ οὐδέν· οἱ δὲ μεθ᾽ ἡμέραν μὲν εἰς ἀσυνδήλους διασπειρόμενοι τόπους, ἀπέκρυπρον ἑαυτοὺς καὶ ἀνεπαύοντο, νύκτων δὲ κατιόντες εἰς τὰς ὁδοὺς τῶν ὁδοὺς τῶν εἱλώτων τὸν ἁλισκόμενον ἀπέσφαττον
Voici en quoi consistait la cryptie. Les chefs des jeunes gens envoyaient de temps à autre dans la campagne, tantôt ici, tantôt là, ceux qui passaient pour être les plus intelligents, sans leur laisser emporter autre chose que des poignards et les vivres nécessaires. Pendant le jour, ces jeunes gens dispersés dans des endroits couverts, s’y tenaient cachés et s’y reposaient ; la nuit venue, ils descendaient sur les routes et égorgeaient ceux des hilotes qu’ils pouvaient surprendre52.
30Le crypte vit donc en dehors de la cité, dans la campagne, les confins, les « eschatiai » propres aux épreuves initiatiques. Alain Moreau dit à son sujet : « l’adolescent quitte la société dans laquelle il a vécu jusqu’à présent. Pendant des mois il vit au loin, aux frontières, dans les forêts, dans la brousse, dans la nuit, dans la mort. Il est comme mort au monde »53. Pour renaître à un état nouveau, il faut être mort à un état antérieur. Le crypte, au cours de cette épreuve pédagogique décisive, vit aux antipodes de l’hoplite : chasseur solitaire, il se distingue géographiquement, physiquement, mais aussi sur le plan socio-économique de l’idéal hoplitique. On aborde ici le concept d’inversion symétrique à la base de tout changement d’état et supposant que pour atteindre un nouveau statut il faut au préalable avoir éprouvé son contraire. La transition de l’enfance à l’âge adulte est préparée, non par anticipation mais par inversion.
31Pour résumer, l’initiation des jeunes garçons, Athéniens et Spartiates, au monde des adultes passaient par trois étapes : l’arrachement au monde féminin de l’enfance, l’intégration à celui des chasseurs solitaires, et enfin l’entrée dans le collectif des citoyens-soldats. La chasse était donc une étape transitoire et déterminante dans la paideia grecque car elle était « le moyen métaphorique de penser les relations des hommes entre eux »54. La solitude de jeunes personnages mythologiques comme Tirésias et Actéon renvoie donc bien à l’image paradigmatique du « chasseur en formation », le milieu cynégétique renforçant l’isolement. Les traits juvéniles de ces deux héros mythologiques appuient encore ce rapprochement avec le crypte lacédémonien ou l’éphèbe athénien. Enfin, bien que clairement désignés comme chasseurs, Actéon et Tirésias apparaissent bien sans arme devant les divinités féminines qu’ils offensent et qui ne manquent pas de les punir en retour.
Le chasseur désarmé
32Curieusement, Actéon et Tirésias apparaissent comme des chasseurs désarmés : à l’exception d’un seul, les témoignages littéraires mythologiques ne parlent en effet jamais de leurs armes. Nonnos de Panopolis est le seul à équiper Actéon d’un carquois et de javelines, armes qui lui permettent de pratiquer des « ruses de chasse » (« δόλος ἄγρης »)55. Concernant Actéon, l’évolution des images figurées traduit elles aussi le désarmement du héros. C’est au milieu du ve s. av. J.-C. que s’opère un tournant : auparavant, le jeune homme est communément figuré comme un homme armé des attributs du chasseur ; par la suite il se dévoile exclusivement sous un aspect thériomorphe56. Judith M. Barringer note : « Artists depict both Kallisto and Aktaion in the process of metamorphosis, not still human but not yet animal. To be sure, this method of representation helps us identify them but it may also signify the marginal status of these figures, caught between the human and the animal realms »57. Si l’on poursuit plus en avant encore cette analyse, on peut être tenté de dire que cette technique de représentation consistant à dépeindre le héros avec un corps d’homme sur la tête duquel naissent deux cornes gomme les limites du savoir : sur le plan visuel, on ne sait plus si on observe un homme ou un animal ; sur le plan de l’interprétation, on ne parvient plus à donner au jeune homme une place dans la société. Alain Schnapp soutient que « l’imagerie des vases reflète à la perfection la dialectique de l’identité »58. Or, cette image du chasseur désarmé renvoie à celle de la proie (le gibier poursuivi, les déesses surprises dans un état de nudité). Elle opère l’inversion symétrique qui consiste à faire de l’homme son opposé : le chasseur devient chassé, le prédateur devient proie, l’actif devient passif. On retrouve ce jeu des contraires dans le domaine cynégétique aux vers 955 à 958 du Philoctète de Sophocle :
οὐ πτηνὸν ὄρνιν, οὐδὲ θῆρ᾽ ὀρειβάτην
τόξοις ἐναἱρων τοισίδ᾽, ἀλλ᾽ αὐτὸς τάλας
θανὼν παρέξω δαῖθ᾽ ὑφ᾽ ὦν ἐφερβόμην,
καί μ᾽ οὓς ἐθήρων πρόσθε θηράσουσι νῦν.
Mon arc n’abattra plus ni oiseau ailé ni fauve des montagnes, et c’est moi, malheureux, qui irai en mourant fournir une pâture au gibier qui me nourrissait. Les bêtes que je chassais me chasseront à leur tour. Je paierai de mon sang le prix de leur sang, misérable que je suis !59
33En s’appuyant sur les héros tragiques de Sophocle et Euripide que sont Philoctète et Hippolyte, Alain Schnapp aboutit au constat selon lequel la métaphore cynégétique « règle la place du sauvage et du civilisé, de la jeunesse et de la maturité »60. La chasse est donc bien une activité initiatique de régulation, notamment sur le plan sexuel et les mythes d’Actéon et Tirésias surprenant des déesses au bain nous en offre d’autres exemples.
34Si l’on revient aux armes d’Actéon citées par Nonnos de Panopolis, il y a là aussi matière à détecter un mythe initiatique opposant le jeune homme aux citoyens adultes qui portent traditionnellement la lance et l’épée. Dans un article61 convaincant paru en 1991, Bernard Sergent insiste sur la « mythification »62 de l’arc en tant qu’attribut du jeune chasseur notamment. Il cite à l’appui la Cyropédie de Xénophon où les jeunes garçons perses de seize ou dix-sept ans sont entraînés à la guerre au moyen de l’arc et du javelot63. Bernard Sergent va même plus loin en proposant de voir dans l’utilisation de l’arc le symbole de l’exclusion de la cité, de l’infériorité et de la féminité64, thèse qu’il défend déjà dans ses deux ouvrages sur l’homosexualité65. L’arc en effet est l’arme des étrangers : les Scythes, les Amazones ou les héros orientaux tels que Pâris ou Pandaros66 sont réputés pour le maniement des flèches et du carquois. L’arc est aussi l’arme des bâtards comme Teukros et des traîtres comme Pandaros67. L’arc est encore l’arme des femmes : les Amazones – on l’a vu – Artémis et Atalante sont réputées être d’excellente archères68 ; d’ailleurs, les Spartiates le définissaient comme une arme efféminée69. Enfin l’arc est l’attribut des initiés tout au long de leur long parcours vers l’héroïsation tels que Philoctète, Parthénopaios et Héraclès70 et en dernier lieu, l’arc est l’arme des dieux initiateurs : « si Apollon et Artémis possèdent des arcs, cela ne fait que transposer au plan théologique les conceptions initiatiques, puisqu’ils sont les divinités des formations pédagogiques et des rites de passage »71.
Le « chasseur noir »
35Cette digression sur la symbolique de l’arc et des flèches permet la transition pour évoquer la face cachée du chasseur, c’est-à-dire celle du fameux « chasseur noir ».
36Ailleurs dans la mythologie grecque, la chasse solitaire, nocturne et avec filets, apparaît comme caractéristique de l’adolescent à la sexualité « anormale ». Selon Pierre Vidal-Naquet, Mélaniôn est le « chasseur noir » par excellence72. Le mythe de Mélaniôn est lié à celui de la jeune Atalante, chasseresse qui excellait en course à pied. D’après Pausanias, leur mythe se situe dans la montagne « Parthénios », située à la frontière entre l’Argolide et l’Arcadie73. Comme Mélaniôn, Atalante est élevée dans la montagne, nourrie par une ourse, l’animal d’Artémis. Un jour, la jeune femme qui refuse le mariage74 défie des concurrents à la course. Par une ruse typiquement féminine (en laissant tomber sur le parcours les trois pommes d’or d’Aphrodite), c’est finalement Mélaniôn qui l’emporte. Plus tard, les deux adolescents violent à nouveau les règles comportementales de la sexualité en s’unissant dans un sanctuaire (de Zeus ou de Cybèle, selon les variantes) ; ils sont alors métamorphosés, soit en loups, soit en lions, ces animaux étant réputés ne pas pouvoir s’accoupler75.
37Mélaniôn pousse à l’extrême la figure du « chasseur noir » dans le paradigme de l’anti-hoplite en s’y inscrivant dans la durée. Mais Mélaniôn n’est pas LE « chasseur noir » ; il n’en est qu’une des figures car, comme l’a bien vu Alain Schnapp, le « chasseur noir » n’existe pas, il n’a pas de visage, il n’est pas « un héros de la chasse grecque, mais un modèle, un type dégagé par l’analyse anthropologique »76. Le crypte lacédémonien et l’éphèbe athénien, s’ils passaient bien eux aussi par cet état en négatif du soldat-citoyen, ce contre-modèle, ils ne le faisaient que de manière temporaire, pendant une période qui se voulait transitoire et non définitive. Le « chasseur noir » devait être éphémère ; sans cesse en mouvements, il conduisait l’adolescent vers la maturité de la majorité. Le véritable « chasseur noir » était en réalité un pré-hoplite ; or, Mélaniôn, Actéon et Tirésias semblent être restés figés, enlisés temporellement dans cet état du « pré-anti-hoplite » qui n’aurait dû être que momentané.
Le mythe de Penthée : métaphore cynégétique de la régression
38Plusieurs thèmes présents dans le mythe d’Actéon font écho à celui de Penthée tel que le racontent les Bacchantes d’Euripide : l’hybris dont fait preuve le héros à l’encontre d’une divinité (Artémis, Dionysos), le lieu du drame (le Cithéron), la mise à mort par des créatures furieuses – au sens littéral du terme – (les chiens, les Bacchantes) et familières (les propres chiens d’Actéon, la mère et la tante de Penthée), les liens de parenté qui unissent les deux héros (Sémélè, qui est parfois l’objet du désir funeste d’Actéon, est la mère de Dionysos ; elle est aussi sa tante, car fille de Cadmos, comme Autonoé, la mère d’Actéon, et comme Agavé, la mère de Penthée).
39Le roi de Thèbes, au début de la tragédie d’Euripide, a tout du soldat-citoyen. À Sparte, il serait l’hoplite accompli par excellence. C’est d’ailleurs ce que suggère Jeanne Roux lorsqu’elle commente les Bacchantes : « prince de l’époque héroïque, Penthée porte naturellement les cheveux longs, selon la mode que perpétuaient au ve s. les jeunes aristocrates de Lacédémone ou d’Athènes »77. On sait qu’à Sparte, la chevelure distinguait socialement les individus78. Tant qu’ils n’ont pas été soumis à l’agôgè, les jeunes Spartiates ont le crâne rasé, ce qui les apparente aux hilotes. Les citoyens reconnus comme adultes portent quant à eux la chevelure longue. À l’arrivée de Dionysos dans Thèbes, Penthée envisage dans un premier temps pour venir à bout des Ménades de recourir à la guerre en convoquant tous les corps de l’armée thébaine : hoplites, cavaliers et archers. Mais très rapidement, le jeune roi apparaît sous les traits d’un chasseur de Bacchantes :
῞Οσας μὲν οὖν εἴληφα, δεσμίους χέρας
σᾡζουσι πανδήμοισι πρόσπολοι στέγαις·
ὅσαι δ᾽ ἄπεισιν, ἐξ ὄρους θηράσομαι
J’en ai saisi plusieurs qui, les mains liées, dans mes cachots publics par mes gens sont tenues. Et j’irai relancer le reste à la montagne. Dans mes filets de fer je les tiendrai captives79.
40Cette intervention de Penthée comporte deux séquences : dans la première (v. 226-227), les Bacchantes ont été arrêtées par l’hoplite et enfermées dans des geôles publiques ; dans la seconde (v. 228-232) au contraire, Penthée s’implique si personnellement dans la chasse aux fidèles de Dionysos qu’il revêt les traits caractéristiques du chasseur ; la métaphore de la chasse est plus que claire et l’usage de filets est caractéristique du déclin de Penthée vers l’immaturité. Le détenteur de la fonction royale à Thèbes se comporte en chasseur, première dégradation de l’hoplite.
41Penthée décide ensuite de se cacher pour espionner les femmes possédées par le dieu. S’adressant à Dionysos, il affirme qu’il restera :
Σάφ᾽ἴσθισιγῇδ᾽ὑπ᾽ἐλάταιςκατήμενος.
bien coi, blotti sous les sapins80.
42Deuxième étape dans le processus d’inversion initiatique, le roi de Thèbes se transforme et agit en espion, en « guetteur » (« φύλαξ », v. 959). Il se conduit en crypte et s’éloigne donc encore un peu plus du modèle hoplitique qu’il devrait suivre.
43Enfin, comble de la dégradation de l’hoplite, Penthée se déguise en femme et retourne ainsi au monde féminin de l’enfance. Le chœur le décrit comme :
ἐπὶ τὸν ἐν γυναικομίνῳ στολᾷ
λυσσώδη κατάσκοπον μαινάδαων
celui qui, se travestissant d’une robe de femme, s’en va, le furieux, épier les ménades81.
44Penthée finira ainsi par implorer sa mère :
᾽Εγώ τοι, μῆτερ, εἰμί, παῖς σέθεν,
Πενθεύς, ὃν ἔτεκες ἐν δόμοις ᾽Εχίονος ;
Mère, c’est moi : je suis ton fils, ton fils Penthée, que tu as mis au monde au Palais d’Échion. Ah ! Prends pitié de moi, ma mère, et ne va point, pour châtier mes fautes, immoler ton enfant !82
45La façon dont Penthée s’adresse ici à sa mère diffère sensiblement des vers 226 à 232 où le roi prétendait vouloir aller débusquer dans la montagne Agavé, celle qui :
ἥ μ᾽ ἔτικτ᾽ ᾽Εχίονι,
l’avait donné pour fils à Échion.
46Précédemment (v. 226-232) on pouvait en effet ressentir une sorte de distance, de froideur entre les deux personnages ; Agavé n’avait fait que remplir ses devoirs d’épouse, c’est-à-dire offrir une descendance à Échion ; les liens qui unissaient la mère et le fils s’arrêtaient à la stricte procréation. Aux vers 1118 à 1121 des Bacchantes, au contraire, Penthée se réclame beaucoup plus de sa mère ; il réaffirme l’importance du lien de parenté qui les unit ; Échion n’est plus évoqué en qualité de père, mais en tant que simple propriétaire du foyer où a lieu l’enfantement. Penthée ne met plus en avant sa position de supériorité vis-à-vis d’Agavé, position logique lorsqu’on parle d’un hoplite au regard de la figure maternelle, et à plus forte raison d’un roi vis-à-vis d’une femme. Désormais il lui est inférieur, soumis, tel un enfant assujetti à sa mère.
47Le drame des Bacchantes d’Euripide s’articule tout entier autour du thème du renversement. Et, comme l’a défendu Charles Segal, la chasse y joue l’un des premiers rôles : « une des formes primaires de ce renversement dans la pièce est la chasse considérée par quelques-uns comme la métaphore clef »83. D’hoplite accompli, Penthée est redevenu, le temps d’une pièce de théâtre, un enfant. On assiste là à une régression initiatique : Penthée a échoué dans son rôle de jeune citoyen, de roi de Thèbes, parce qu’il a justement refusé l’initiation aux mystères bachiques.
Conclusion
48En conclusion, on peut affirmer qu’au-delà de son caractère alimentaire, les aspects sociaux de la chasse sont fondamentaux. Et le mythe est le premier vecteur de cette symbolique.
49Avec le portrait de la figure paradigmatique du chasseur dans la mythologie grecque, on voit se dessiner le jeune homme de l’Antiquité tel qu’il devait se présenter à l’aube de son entrée dans l’âge adulte : un soldat en devenir, expérimenté par ses chasses, en âge de se marier, prêt à s’assurer une descendance et en capacité d’occuper des fonctions royales. Mais avec les personnages d’Actéon, Tirésias et Penthée en tant que coupables mythologiques solitaires, on approche le contre-modèle du chasseur, celui de l’homme qui manque le passage initiatique. Dans cette déroute, ils perdent toute prétention à devenir des hommes adultes, soldats expérimentés, époux et pères84.
50Ils sont retenus dans cet entre-deux de la formation à la citoyenneté et ne parviennent pas à franchir le pas qui ferait d’eux des hommes accomplis.
51Ces paradigmes mythologiques, en façonnant, créant, modelant et remodelant sans cesse l’inconscient collectif jouaient à leur manière et incontestablement leur rôle d’éducateurs à la citoyenneté dans l’Antiquité grecque. À mon sens, il existe à cette époque un lien fort entre mythes et structuration de la pensée. Le mythe, quelle que soit la définition qu’on lui attribue, quel que soit le statut que l’on veut bien lui donner, apparaît bel et bien comme un langage (parlé d’abord, montré souvent, écrit enfin) ; il est par nature doté d’une intention, celle de montrer (l’exemple ou le contre-exemple) pour dire. C’est dans ce cadre que le fonds mythologique peut être considéré comme constituant le socle du système éducatif ; il en est le moteur invisible car inconscient et participe à part entière à la définition identitaire en Grèce ancienne.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Références bibliographiques
10.56021/9780801866562 :Barringer J. M. (2001), The Hunt in Ancient Greece, Johns Hopkins university press, Londres.
Brelich A. (1981 [1969]), Paides e parthenoi, éd. dell’Ateneo, Rome.
10.1163/9789004295285 :Brisson L. (1996 [1976]), Le mythe de Tirésias : essai d’analyse structurale, EJ. Brill, Leiden.
Calame C. (1977), Les chœurs des jeunes filles en Grèce archaïque, éditions dell’Ateneo e Bizzarri, Rome.
Chantraine P. (1956), Études sur le vocabulaire grec, Klincksieck, Paris.
10.3917/dha.hs92.0045 :Couvenhes J.-Chr. (2014), « Les kryptoi spartiates », in J. Christien, B. Legras (dir.), Sparte hellénistique ive-iiie siècles avant notre ère, Actes de la table ronde organisée à Paris les 6 et 7 avril 2012, Dialogues d’Histoire Ancienne, Supplément 11, p. 45-76.
Delattre C. (2006), « Récits de chasse en Grèce ancienne », p. 157-165, in I. Sidéra (dir.), E. Vila, P. Erikson (coll.), La chasse : pratiques sociales et symboliques, actes du colloque de la Maison René Ginouvès de Nanterre, 9-11 juin 2005, éditions de Boccard, Paris.
Ellinger P. (2005), « Plutarque et Damon de Chéronée. Une histoire, un mythe, un texte ou autre chose encore ? », Kernos, 18, p. 291-310.
Gluckman M. (1962), Essays on the Ritual of Social Relations, Manchester.
Jallet-Huant M. (2008), La chasse dans l’Antiquité romaine, Montbel, Paris.
10.3406/reg.1913.6726 :Jeanmaire H. (1913), « La cryptie lacédémonienne », Revue d’études grecques, 26, p. 121-150.
Jeanmaire H. (1939), Couroi et Courètes. Essai sur l’éducation spartiate et les rites d’adolescence dans l’Antiquité hellénique, Bibliothèque universitaire, Lille.
10.3406/crai.1933.76361 :Lassus J. (1989), « La mosaïque découverte à Yakto, près d’Antioche par M. Prost », Compte-rendu des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Les Belles Lettres, Paris, p. 342-343.
Leclerq L. (2014), « L’emploi des archers dans l’armée lacédémonienne : une évolution des valeurs liée au pragmatisme militaire », in A. Gonzalès, M.-T. Schettino (éd.), L’idéalisation de l’autre. Faire un modèle d’anti-hoplite, actes du 2e colloque SoPHiA, 26-28 novembre 2012, Presses universitaires de Franche-Comté, Besançon, p. 53-77.
Limet H., J. Ries (éd.) (1986), Les rites d’initiation, actes du colloque de Liège et de Louvain-la-Neuve, 20-21 novembre 1984, Centre d’études des religions, Louvain-la-Neuve.
10.1017/S0068673500001826 :Ma J. (1994), « Black Hunter Variations », Proceedings of the Cambridge Philosological Society, p. 49-80.
Marrou H.-I. (1995 [1948]), Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, Paris, Seuil.
10.3406/bude.1994.1577 :Mauduit Chr. (1994), « Loisir et plaisir cynégétique dans la littérature grecque archaïque et classique », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, n° 1, p. 41-55.
Mauss M., L’Année sociologique, T. XI.
Moreau A. (éd.) (1992), L’initiation, actes du colloque international de Montpellier, 11-14 avril 1991, Publications de la recherche, Université Paul Valéry, tomes I et II, Montpellier III.
Moreau A. (1992), « Initiation en Grèce ancienne », DHA, 18-1, p. 191-244.
10.4000/books.pumi.10320 :Pailler J.-M. et Payen Pascal (éd.), Que reste-t-il de l’éducation classique ? Relire « le Marrou », Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, Toulouse, 2004.
Rubin N. F., W. M. Sale (1983), « Meleager and Odysseus : a Structuralist and Cultural Study of Greek Hunting Narration Myth », Arethusa, 16, 1-2, p. 137-171.
Sachs G. (2012), Die Jagd im antiken Griechenland : Mythos une Wirklichkeit, Dr. Kovač, Hambourg.
Saïd S. (1978), La faute tragique, François Maspéro, Paris.
Schnapp A. (1997), Le Chasseur et la cité. Chasse et érotique dans la Grèce ancienne, Albin Michel, Paris.
Segal C. (1982), Dionysiac Poetics and Euripide’s Bacchae, Princeton.
Sergent B. (1984), L’homosexualité dans la mythologie grecque, Payot, Paris.
Sergent B. (1986), L’homosexualité initiatique dans l’Europe ancienne, Paris, Payot.
10.3406/metis.1991.970 :Sergent B. (1991), « Arc », in Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens, volume 6, n° 1-2, p. 223-252.
Sergent B. (1992), « Celto-hellenica IV : la ruse », in A. Moreau (éd.), L’initiation, op. cit., p. 221-227.
Sidéra I. (dir.), Vila E., Erikson P. (coll.) (2006), La chasse : pratiques sociales et symboliques, actes du colloque de la Maison René Ginouvès de Nanterre, 9-11 juin 2005, éditions de Boccard, Paris.
Trinquier J., Vendries Chr. (dir.) (2009), Chasses antiques : pratiques et représentations dans le monde gréco-romain (iiie s. av. J.-C. - ive s. ap. J.-C.), actes du colloque international de Rennes, 20-21 septembre 2007, Presses universitaires de Rennes, Rennes.
10.4324/9781315134666 :Turner V. (1969), The Ritual Process : Structure and Anti-Structure, New York.
Van Gennep A. (1981 [1909]), Les rites de passage. Étude systématique des rites : de la porte et du seuil, de l’hospitalité, de l’adoption, de la grossesse et de l’accouchement, de la naissance, de l’enfance, de la puberté, de l’initiation, de l’ordination, du couronnement, des fiançailles et du mariage, des funérailles, des saisons, etc., A. et J. Picard, Paris.
Vernant J.-P. (1991), « La mort dans les yeux : réponses à un questionnaire », Mètis, 6-1-2, p. 283-299.
10.3406/ahess.1968.421981 :Vidal-Naquet P. (1968), « Le chasseur noir et l’origine de l’éphébie athénienne », Annales, 23-5, p. 947-967.
Vidal-Naquet P. (1989), « Retour au chasseur noir », Mélanges Pierre Lévêque, 2, p. 387-411.
Vidal-Naquet P. (1991), Le chasseur noir : formes de pensée et formes de société dans le monde grec, La Découverte, Paris.
Notes de bas de page
1 Van Gennep Arnold, Les rites de passage. Étude systématique des rites : de la porte et du seuil, de l’hospitalité, de l’adoption, de la grossesse et de l’accouchement, de la naissance, de l’enfance, de la puberté, de l’initiation, de l’ordination, du couronnement, des fiançailles et du mariage, des funérailles, des saisons, etc., Paris, A. et J. Picard, 1981, (réimpression de l’édition de 1909). Rendant compte de l’ouvrage dans L’Année sociologique (T. XI, 1906-1909, p. 200-202), Marcel MAUSS dénonce assez violemment le caractère trop général de la thèse. Les ethnologues anglo-saxons ont par la suite tenté d’approfondir théoriquement les réflexions d’Arnold Van Gennep, notamment Max Gluckman (Essays on the Ritual of Social Relations, 1962) qui soutient que les rites de passage visent à résoudre les tensions sociales et surtout Victor Turner (The Ritual Process : Structure and Anti-Structure, 1969) qui met l’accent sur l’aspect liminal dans lequel se trouve le sujet du rituel et qui affirme que les rituels d’inversion mettent en avant, pour mieux les légitimer, les hiérarchies sociales.
2 Voir Limet Henri, Ries Julien (éd.), Les rites d’initiation, Actes du colloque de Liège et de Louvain-la-Neuve, 20-21 novembre 1984, Louvain-la-Neuve, Centre d’études des religions, 1986 et Moreau Alain (éd.), L’initiation, Actes du colloque international de Montpellier, 11-14 avril 1991, Montpellier, Publications de la recherche, Université Paul Valéry, Montpellier III, Tomes I, Les rites d’adolescence et les mystères et II, L’acquisition d’un savoir ou d’un pouvoir. Le lieu initiatique, parodies et perspectives, 1992.
3 Schnapp Alain, Le Chasseur et la cité. Chasse et érotique dans la Grèce ancienne, Paris, Albin Michel, 1997.
4 Schnapp Alain, Op. Cit., p. 12.
5 Alain Schnapp consacre tout un chapitre à « La chasse dans la paideia classique » dans lequel il démontre que la chasse entre dans les rites d’initiation comme préparation à la guerre (Schnapp Alain. Op. Cit., p. 123-171).
6 De manière assez curieuse, les ouvrages sur la chasse dans l’Antiquité ne sont pas pléthore. Pour l’Antiquité romaine, on peut citer Jallet-Huant Monique, La chasse dans l’Antiquité romaine, Paris, Montbel, 2008. En s’appuyant sur les auteurs classiques et les découvertes archéologiques, l’auteure détaille les techniques antiques de la chasse, les armes et les chiens utilisés par les Romains. L’étude fait également une large place à cette activité dans la mythologie. On peut également se reporter à Trinquier Jean et Vendries Christophe (dir.), Chasses antiques : pratiques et représentations dans le monde gréco-romain (iiie s. av. J.-C. – ive s. ap. J .-C.), Actes du colloque international de Rennes, 20-21 septembre 2007. Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, qui aborde successivement les relations entre chasse et pouvoir (4 articles p. 21-72), le thème de l’animal et du gibier (4 articles p. 73-160) et le lien entre chasse et culture (5 articles p. 161-233), mais qui malheureusement ne fait aucune place aux mythes grecs. Voir aussi Sidéra Isabelle (dir.), Vila Emmanuelle et Erikson Philippe (coll.), La chasse : pratiques sociales et symboliques, Actes du colloque de la Maison René Ginouvès de Nanterre, 9-11 juin 2005, Paris, éditions de Boccard, 2006, qui s’interroge, au-delà du monde grec antique, sur le rôle de la chasse dans la formation des catégories sociales, sur les acteurs, les motivations et les stratégies cynégétiques et qui s’attache à la figure du chasseur et à son statut social, mais qui, une fois de plus traite insuffisamment des mythes grecs en tant que sujets d’analyse à part entière (cf. les contributions successives de Linant De Bellefonds Pascale. « Quand le cerf se jette à la mer : mythe et réalité cynégétique dans le monde gréco-romain », p. 147-15 et de Delattre Charles, « Récits de chasse en Grèce ancienne », p. 157-165). Enfin, parmi les études étrangères, voir Barringer Judith M., The Hunt in Ancient Greece, Londres, Johns Hopkins university press, 2001, qui se cantonne à l’approche iconographique jusqu’à l’époque d’Alexandre, mais qui propose une importante analyse du mythe d’Actéon (p. 128-138) dans un troisième chapitre consacré à « La chasse et le mythe » (p. 125-173) et Sachs Gerd, Die Jagd im antiken Griechenland : Mythos une Wirklichkeit, Hambourg, Dr. Kovač, 2012, qui reste malheureusement trop sommaire malgré un titre prometteur (seules les pages 34 à 36 sont consacrées à Actéon).
7 Seuls trois auteurs de l’Antiquité nous parlent de la version selon laquelle Tirésias surprend Athéna au bain, Callimaque (Hymnes, V, « Pour le bain de Pallas », v. 51-130), Properce (Élégies, IV, 9, v. 57-58) et Nonnos de Panopolis (Dionysiaques, V, v. 337-348).
8 Callimaque, Hymnes, V, « Pour le bain de Pallas », v. 75-76 (établissement du texte et traduction Émile Cahen, Paris, Les Belles Lettres, 1961).
9 Ibid., v. 82.
10 Comparé au mythe de Tirésias, l’épisode de la déesse Artémis surprise au bain est la version la plus répandue du mythe d’Actéon : Callimaque, Hymnes, V, « Pour la bain de Pallas », v. 107-118 ; Hygin, Fables, CLXXXI, 1-2 ; Ovide, Métamorphoses, III, v. 138-255 ; Apulée, Métamorphoses, II, 4, 1-10 ; Pausanias, Périégèse, IX, 2, 3-4 ; Pseudo-Apollodore, Bibliothèque, III, 4, 4 ; Nonnos de Panopolis, Dionysiaques, V, v. 287-369, v. 473-497 ; Mythographe du Vatican II, 103, v. 512-519.
11 Callimaque, Hymnes, V, « Pour le bain de Pallas », v. 107-109.
12 La mère de Tirésias, Chariclô, est l’une des nymphes compagnes d’Athéna ; elle assiste donc à l’aveuglement de son fils, mais ses prières ne rendront pas la vue à Tirésias, tout comme les lamentations des parents d’Actéon ne lui rendront pas la vie.
13 Nonnos de Panopolis, Dionysiaques, V, v. 301 et 329 (établissement du texte et traduction Pierre Chuvin, Paris, Les Belles Lettres, 1976).
14 Voir Lassus Jean, « La mosaïque découverte à Yakto, près d’Antioche par M. Prost ». Compte-rendu des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Paris, Les Belles Lettres, 1989 et Brisson Luc, Le mythe de Tirésias : essai d’analyse structurale, Leiden, EJ. Brill, 1996 (1e édition : 1976), note 53, p. 132.
15 Sur la lecture du mythe de Méléagre comme un modèle de chasse initiatique habilitant le jeune homme à devenir un homme accompli, voir Rubin Nancy Felson et Sale William Merritt, « Meleager and Odysseus : a structuralist and cultural study of Greek hunting narration myth », Arethusa, 16, 1-2, 1983, p. 137-171, bien que leur hypothèse est remise en cause par Alain Schnapp qui rejette cet éclairage pour la compréhension d’Homère ou de Bacchylide mais l’accepte pour la version plus tardive du Pseudo-Apollodore (Schnapp Alain, Op. Cit., p. 274.)
16 Méléagre : Pseudo-Apollodore, Bibliothèque, I, 8, 1 et suiv. ; Narcisse : Pausanias, Périégèse, IX, 31, 7-9 ; Adonis : Pseudo-Apollodore, Bibliothèque, III, 14, 4 ; Hippolyte : Pseudo-Apollodore, Bibliothèque, III, 10, 3.
17 Schnapp Alain, Op. Cit., p. 108.
18 Barringer Judith M., Op. Cit., p. 126.
19 Barringer Judith M., Op. Cit., p. 127.
20 Barringer Judith M., Op. Cit., p. 170.
21 Barringer Judith M., Op. Cit., p. 138. Dans la version d’Actéon surprenant Artémis au bain, le désir (« πόθος » du jeune homme est clairement dénoncé par Nonnos de Panopolis (Dionysiaques, V, v. 433) ; auparavant déjà, Diodore de Sicile (Bibliothèque historique, IV, 81, 3-5) laisse entendre qu’Actéon aurait envisagé le mariage avec Artémis. Pausanias (Périégèse, IX, 2, 3-4) et le Pseudo-Apollodore (Bibliothèque, III, 4, 4), rapportant les témoignages de Stésichore pour le premier et d’Acousilaos pour le second, mentionnent une autre version du mythe selon laquelle Actéon aurait offensé Zeus en tentant de séduire Sémélè.
22 Callimaque, Hymnes, V, « Pour le bain de Pallas », v. 78.
23 Saïd Suzanne, La faute tragique, Paris, François Maspéro, 1978, p. 149.
24 Odyssée, XXI. C’est Euryclée, la nourrice du héros troyen, qui le reconnaît à son retour à Ithaque.
25 Xénophon énumère 21 jeunes hommes initiés à l’art de la chasse par Chiron : Céphale, Esculape, Mélanion, Nestor, Amphiaraüs, Pélée, Télamon, Méléagre, Thésée, Hippolyte, Palamède, Ulysse, Ménesthée, Diomède, Castor, Pollux, Machaon, Podalire, Antiloque, Énée et Achille (Xénophon, De la chasse, I, 1).
26 Sur l’ordre d’Eurysthée, Héraclès étrangle le lion de Némée que sa peau rend invulnérable aux coups des armes ; il vient à bout de l’Hydre de Lerne en coupant, cautérisant et enterrant ses neuf têtes ; il capture vivante la biche de Cérynie chère à Artémis ; il piége dans la neige le grand sanglier d’Érymanthe ; il met fin aux ravages causés par le taureau de Crête qui dévaste le royaume de Minos et capture les juments du roi de Thrace Diomède qui les nourrit exclusivement de chair humaine (Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, IV, 10 et suiv.).
27 Platon, Lois, 633b-c.
28 C’est cette même réputation qui permettra à Horace de comparer un soldat peureux à un cerf (Horace, Odes, 3, 5, 31-33).
29 Xénophon, Cyropédie, I, 2, 10 (établissement du texte et traduction Marcel Bizos, Paris, Les Belles Lettres, 1971).
30 Platon, Lois, 822d-824a
31 Vidal-Naquet Pierre, « Le chasseur noir et l’origine de l’éphébie athénienne », Annales, 23-5, 1968, p. 947-967, p. 960-961.
32 Vidal-Naquet Pierre, Op. Cit., p. 961. L’historien cite au passage Pierre Chantraine qui note que le motif des filets n’apparaît pas dans la tradition plastique de ce mythe (Chantraine Pierre, Études sur le vocabulaire grec, Paris, Klincksieck, 1956, p. 64-65) et ajoute qu’il n’en est pas fait plus mention dans la tradition littéraire.
33 Mauduit Christine, « Loisir et plaisir cynégétique dans la littérature grecque archaïque et classique », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, n° 1, mars 1994, p. 41-55, p. 49 et 50.
34 Par exemple, Sophocle, Électre, v. 567 pour « παίζω » et Pindare, Néméennes, III, v. 44 pour « ἀτύρω ».
35 Les sources qui nous renseignent sur cette institution sont peu nombreuses : Platon, Lois, I, 633b et les scholies qui accompagnent ce témoignage ; Héraclide, in FGH II, 210 ; Plutarque, Vie de Lycurgue, XXVIII. Sur le caractère initiatique de l’agôgè spartiate, voir Jeanmaire Henri, « La cryptie lacédémonienne », Revue d’études grecques, 26, 1913, p. 121-150, et pour pousser l’analyse, Couroi et Courètes. Essai sur l’éducation spartiate et les rites d’adolescence dans l’antiquité hellénique, Lille, 1939. Voir aussi Brelich Angelo, Paides e parthenoi, Rome, éd. dell’Ateneo, 1981 (1e édition : 1969).
36 La Constitution d’Athènes d’Aristote atteste que l’éphébie existait après 338 av. J.-C. On sait par ailleurs que cette institution a connu un déclin significatif au iiie s. av. J.-C.
37 Sur ces deux formes d’éducation que sont l’agôgè spartiate et l’éphébie athénienne, voir la contribution à ce colloque de Labarre Guy, « Les cités grecques antiques et l’éducation à la citoyenneté », qui revient notamment sur les différentes phases de l’éphébie.
38 Vidal-Naquet Pierre, Le chasseur noir : formes de pensée et formes de société dans le monde grec, Paris, La Découverte, 1991, p. 126.
39 Sur Lycurgue, nous sommes mal renseignés. Il est probable que sa légende ne se soit constituée définitivement qu’au ive s. av. J.-C., en même temps que se poursuivait l’idéalisation de Sparte commencée au siècle précédent.
40 Plutarque, Vie de Lycurgue, XIV, 1 (établissement du texte et traduction Robert Flacelière, Émile Chambry et Marcel Jumeaux, Paris, Les Belles Lettres, 2003 [1e édition : 1957]).
41 Xénophon, Cyropédie, I, 2, 6-14.
42 Vidal-Naquet Pierre, « Retour au chasseur noir », Mélanges Pierre Lévêque, 2, 1989, p. 387-411, p. 398.
43 Les jeunes filles suivraient plus ou moins cette même éducation, mais avec plus de souplesse en raison de leur condition plus fragile.
44 Platon, Lois, II, 667a.
45 Plutarque, Vie de Lycurgue, XVI, 7.
46 Jeanmaire Henri, Couroi et Courètes : essai sur l’éducation spartiate et sur les rites d’adolescence dans l’Antiquité hellénique, Lille, Bibliothèque universitaire, 1939, p. 468.
47 Plutarque, Vie de Lycurgue, XV, 14.
48 Marrou Henri-Iréné, Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, Paris, éditions du Seuil, 1995 (1e édition : 1948), p. 53. L’expression est tellement appropriée pour une journée d’études sur l’éducation à la citoyenneté que je n’ai pu m’empêcher de la citer. Néanmoins, les historiens sont aujourd’hui unanimes pour dire que, bien que cet ouvrage reste un classique, il y a lieu désormais de prendre de la distance avec ses conclusions. Voir Pailler Jean-Marie et Payen Pascal (éd.), Que reste-t-il de l’éducation classique ? Relire « le Marrou », Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, Toulouse, 2004.
49 Depuis les réformes de Clisthène en 508/507 av. J.-C., l’entrée dans l’éphébie s’effectue alors que le jeune Athénien accède à la majorité civique, soit dix-huit ans révolus ; auparavant, il devenait éphèbe vers seize ans.
50 Aristote, Constitution d’Athènes, XLII, 1-4.
51 Sur la cryptie, voir Couvenhes Jean-Christophe, « Les kryptoi spartiates », In Christien Jacqueline et Legras Bernard (dir.), Sparte hellénistique ive-iiie siècles avant notre ère. Actes de la table ronde organisée à Paris les 6 et 7 avril 2012. Dialogues d’Histoire Ancienne, Supplément 11, 2014, p. 45-76.
52 Plutarque, Vie de Lycurgue, XXVIII, 3-4.
53 Moreau Alain, « Initiation en Grèce ancienne », DHA, 18-1, 1992, p. 191-244, p. 214-215.
54 Schnapp Alain, Op. Cit., p. 142.
55 Nonnos de Panopolis, Dionysiaques, v. 299-300. Sur la ruse dont l’initié doit savoir faire preuve pour parer les dangers, voir Sergent Bernard, « Celto-hellenica IV : la ruse », In Moreau Alain (éd.), L’initiation, Actes du colloque international de Montpellier, 11-14 avril 1991, Montpellier, Publications de la recherche, Université Paul Valéry, Montpellier III, tomes I, Les rites d’adolescence et les mystères, 1992, p. 221-227.
56 Voir Guimond L., s.v. Aktaion, LIMC I, p. 454-469 ; Schnapp Alain, Op. Cit., p. 454 ; Barringer Judith M., Op. Cit., p. 132.
57 Barringer Judith M., Op. Cit., p. 170.
58 Schnapp Alain, Op. Cit., p. 454.
59 Sophocle, Philoctète, v. 955-958 (établissement du texte Alphonse Dain, traduction Paul Mazon, Paris, CUF, 2002 [6e tirage, 1re édition : 1960]).
60 Schnapp Alain, Op. Cit., p. 110.
61 Sergent Bernard, « Arc », In Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens, volume 6, n° 1-2, 1991, p. 223-252.
62 Sergent Bernard, Op. Cit., p. 234.
63 Xénophon, Cyropédie, I, 2.
64 Sergent Bernard, Op. Cit., p. 235.
65 Sergent Bernard, L’homosexualité dans la mythologie grecque, Paris, Payot, 1984 et L’homosexualité initiatique dans l’Europe ancienne, Paris, Payot, 1986.
66 Pour les Scythes, voir Hérodote, Histoires, IV, 9-10 qui raconte que Scythès devint roi car, opposé à ses deux frères, lui seul parvint à bander l’arc comme son père Héraclès savait le faire ; pour les Amazones, voir Hérodote, Histoires, IV, 110-117 ; pour Pâris, voir Iliade, III, 16-17, XI, 385-387 ; pour Pandaros, voir Iliade, II, 827, IV, 87-147, V, 95-120, 1719-296 ; Apollodore d’Athènes, Épitomé, IV, 1 et Hygin, Fables, 112.
67 Pour Teukros, voir Iliade, VIII, 261-285, 302 ; XIII, 170, XIV, 455 et pour Pandaros, voir Iliade, IV, 95-132.
68 Pour Artémis, voir Iliade, XXIV, 602-609 ; Odyssée, XI, 170-173, 198-203 ; XV, 403-411 ; XVIII, 202 ; XX, 61-63 et pour Atalante, voir Hérodote, Histoires, IV, 114 ; Pindare, Néméennes, III, 38 ; Apollonios de Rhodes, Argonautiques, II, 912.
69 Plutarque, Apophthegmes des Lacédémoniens, 234e. Voir aussi Thucydide, Guerre du Péloponnèse, IV, 40, 2, qui emploie pour désigner la flèche le terme « ἄτρακτος » qui, selon la note de la traductrice Jacqueline De Romilly (Thucydide, Guerre du Péloponnèse, Paris, CUF, 1967, note 2, p. 29) se traduit communément par « fuseau ». Avec ce mot symbole de féminité (Hérodote, Histoires, IV, 34, 1 ; 162, 5 ; V, 12, 4 ; Plutarque, Moralia, 271f) que les Tragiques utilisent aussi pour désigner la « flèche » (Sophocle, Philoctète, v. 290 ; Trachiniennes, v. 714 ; Euripide, Rhésos, v. 312), l’historien grec traduit le mépris des Spartiates pour ce genre de combat. Sur l’évolution des armes militaires utilisées par les Spartiates et notamment l’introduction des archers dans leurs corps d’armée, voir Leclerq Laurène, « L’emploi des archers dans l’armée lacédémonienne : une évolution des valeurs liée au pragmatisme militaire ». In Gonzalès Antonio et Schettino Maria Teresa (éd.), L’idéalisation de l’autre. Faire un modèle d’anti-hoplite, Actes du 2e colloque SoPHiA, 26-28 novembre 2012, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2014, p. 53-77. Enfin, sur le symbolisme de la flèche et du mouvement, voir Delattre Charles, « Récits de chasse en Grèce ancienne », p. 157-165, p. 163-164, In Sidéra Isabelle (dir.), Vila Emmanuelle et Erikson Philippe (coll.), Op. Cit.
70 Pour Philoctète, voir Iliade, II, 718 ; Odyssée, VIII, 219-220 ; Sophocle, Philoctète, passim ; Thucydide, I, 10, 4 ; pour Parthénopaios, voir Pseudo-Apollodore d’Athènes, Bibliothèque, III, 6, 4 ; pour Héraclès, voir Odyssée, XI, 607 ; Euripide, Héraclès, 156 ; Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, IV, 14, 8 ; Pseudo-Apollodore d’Athènes, Bibliothèque, I, 6, 2 ; Apollodore d’Athènes, Épitomé, V, 8.
71 Sergent Bernard, « Arc », Op. Cit. Voir aussi Sergent Bernard, L’homosexualité dans la mythologie grecque, Op. Cit. et Calame Claude, Les chœurs des jeunes filles en Grèce archaïque, Rome, éditions dell’Ateneo e Bizzarri, 1977.
72 Dans un article double (avec une première partie écrite en français et une seconde en anglais) intitulé « Black Hunter Variations » (Proceedings of the Cambridge Philosological Society, 1994, p. 49-80), John Ma s’attache à un événement qui aurait eu lieu au ier s. av. J.-C. à Chéronée, la patrie de Plutarque. C’est justement l’auteur qui en témoigne en introduction à sa Vie de Cimon (I, 2) : Damon, devant les avances incessantes de l’officier commandant sa garnison, organisa une embuscade avec l’aide de quinze jeunes hommes de son âge (ils se barbouillèrent le visage de suie) et le tua. Exilé dans le maquis, il fut condamné à mort par la cité et, profitant d’un banquet commun, égorgea les magistrats. Il trouva ensuite à nouveau refuge aux confins de la cité qu’il terrorisait par ses forfaits. La cité réunie chercha alors à l’apaiser, finit par provoquer son retour et l’élut gymnasiarque. C’est alors que les citoyens l’assassinèrent, alors qu’il s’enduisait d’huile. John Ma oppose, dans sa 1re partie, une interprétation structurale du récit du « chasseur noir » (visage de suie, fuite dans les eschatiai, brigandages…) à un commentaire historique et factuel du même passage, dans sa 2e partie, ce qui l’amène à montrer dans une 3e partie les limites des deux approches. Il n’empêche que voir en Damon un avatar du « chasseur noir » reste justifié, sauf que dans cette histoire c’est la cité qui fait preuve de ruse, tendant à Damon une embuscade pour pouvoir le tuer. Voir Ellinger Pierre. « Plutarque et Damon de Chéronée. Une histoire, un mythe, un texte ou autre chose encore ? », Kernos, 18, 2005, p. 291-310.
73 Pausanias, VIII, 6, 4 (établissement du texte Michel Casevitz, traduction Madeleine Jost, Paris, Les Belles Lettres, 1998).
74 Théognis, Élégies, v. 1291-1294.
75 Pseudo-Apollodore, Bibliothèque, III, 9, 2 ; Ovide, Métamorphoses, X, v. 560-680.
76 Schnapp Alain, Op. Cit., p. 11.
77 Roux Jeanne, Euripide, Bacchantes, Paris, Les Belles Lettres, 1970, p. 23.
78 Sur le rapport entre la chevelure et le statut social chez les Spartiates, voir Vernant Jean-Pierre, « La mort dans les yeux : réponses à un questionnaire », Mètis, 6-1-2, 1991, p. 283-299, en particulier les pages 295 et 296.
79 Euripide, Bacchantes, v. 226-229 (établissement du texte, traduction et commentaires Jeanne Roux, Paris, Les Belles Lettres, 1970).
80 Ibid., v. 816.
81 Ibid., v. 980-981.
82 Ibid., v. 1118-1121.
83 Segal Charles, Dionysiac Poetics and Euripide’s Bacchae, Princeton, 1982, p. 32. Cité et traduit par Schnapp Alain, Op. Cit., p. 112.
84 Mélaniôn, le « chasseur noir » est bien parvenu à se marier avec Atalante ; ils ont même été capables de procréer, mais le nom de leur fils (« Parthénopaïs », qui signifie « au visage de jeune fille ») traduit bien l’ambiguïté de leur sexualité qui mélange les genres. Mélaniôn n’aura jamais su se défaire de sa part de féminité et Atalante n’aura jamais abandonné son côté masculin). De plus, en s’accouplant dans un temple, tous deux ont confondu le profane et le sacré, ce qui les conduira en définitive à perdre leur humanité par la métamorphose.
Auteur
Docteur de l’Université Bourgogne Franche-Comté - Laboratoire ISTA (EA 4011).
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le vampire dans la littérature romantique française, 1820-1868
Textes et documents
Florent Montaclair
2010
Histoires de familles. Les registres paroissiaux et d’état civil, du Moyen Âge à nos jours
Démographie et généalogie
Paul Delsalle
2009
Une caméra au fond de la classe de mathématiques
(Se) former au métier d’enseignant du secondaire à partir d’analyses de vidéos
Aline Robert, Jacqueline Panninck et Marie Lattuati
2012
Interactions entre recherches en didactique(s) et formation des enseignants
Questions de didactique comparée
Francia Leutenegger, Chantal Amade-Escot et Maria-Luisa Schubauer-Leoni (dir.)
2014
L’intelligence tactique
Des perceptions aux décisions tactiques en sports collectifs
Jean-Francis Gréhaigne (dir.)
2014
Les objets de la technique
De la compétitivité motrice à la tactique individuelle
Jean-Francis Gréhaigne (dir.)
2016
Eaux industrielles contaminées
Réglementation, paramètres chimiques et biologiques & procédés d’épuration innovants
Nadia Morin-Crini et Grégorio Crini (dir.)
2017
Epistémologie & didactique
Synthèses et études de cas en mathématiques et en sciences expérimentales
Manuel Bächtold, Viviane Durand-Guerrier et Valérie Munier (dir.)
2018
Les inégalités d’accès aux savoirs se construisent aussi en EPS…
Analyses didactiques et sociologiques
Fabienne Brière-Guenoun, Sigolène Couchot-Schiex, Marie-Paule Poggi et al. (dir.)
2018