Les cités grecques antiques et l’éducation à la citoyenneté
p. 11-35
Texte intégral
1Après une période assez longue d’âges obscurs (entre le xiie et le ixe siècle av. J.-C.), apparut en Grèce ancienne une nouvelle forme d’organisation politique que l’on appelle la cité (polis). Il s’agit d’un État souverain qui n’existait que par ses citoyens, qui lui avaient donné son organisation institutionnelle par l’établissement de coutumes et de lois (nomoi), assumaient collectivement sa défense lui assurant ainsi son indépendance, participaient à une vie collective qui n’était pas seulement politique, mais aussi sociale et religieuse. Ce modèle étatique concerna tout d’abord la partie sud-est de la Grèce continentale, la Grèce insulaire et l’Asie Mineure côtière, principalement ionienne, les autres régions grecques conservant une autre organisation fondée sur des entités ethniques. Il se diffusa ensuite progressivement à la période archaïque (viiie-vie siècles av. J.-C.) à la faveur d’un vaste mouvement de colonisation en Grèce de l’Ouest et du Nord et sur l’ensemble du bassin méditerranéen et de la mer Noire. Ce monde grec, bien plus vaste que le berceau originel grec, était un monde de cités. Celles-ci, dans un premier temps, furent dominées par une classe d’aristocrates, qui concentrait entre ses mains les terres, sources de richesse, assumait la défense de la cité et dirigeait la vie politique. Le plus grand nombre des citoyens intervenait peu et subissait cette domination. Ce n’est qu’au bout d’un long processus d’un siècle et demi, qui va des réformes de Solon en 594/3 aux réformes d’Éphialte en 462/1, que la cité d’Athènes fit naître un régime politique nouveau, la démocratie, dans lequel le citoyen prit toute sa place. Ce régime politique, inédit au ve siècle av. J.-C., puisque la plupart des cités connaissaient des régimes oligarchiques ou parfois des tyrannies, se diffusa pourtant rapidement au point de devenir dominant dans le monde grec à la fin du ive siècle av. J.-C. Parallèlement, au cours de cette période, apparurent progressivement des statuts juridiques bien identifiés. La société grecque antique était en effet une société d’ordres fondée sur deux critères, la liberté et la citoyenneté : les citoyens étaient donc distingués de ceux qui ne l’étaient pas (les femmes, les étrangers), ou pas encore (les jeunes), et des non-libres ou de ceux qui ne l’étaient pas totalement (les esclaves, les dépendants). Qui était le citoyen et comment le devenait-on ? Des institutions éducatives prenaient-elles en charge la formation du futur citoyen et quelle éducation était-elle dispensée ? On le voit par cette dernière question, mon propos n’est pas de traiter de l’éducation en général et de l’ensemble des démarches de socialisation qui, en Grèce antique, menaient à la formation du citoyen1 – la tâche serait immense –, mais d’étudier la formation des jeunes dans les institutions éducatives mises en place par les cités avant que ceux-ci n’intègrent le corps civique. Il faut aussi avoir conscience que l’état de la documentation ne permet pas de faire une histoire continue dans l’espace et dans le temps : seules certaines cités sont bien documentées à des moments précis. De plus, les sources sont de différentes natures : celles de l’époque hellénistique sont principalement épigraphiques, tandis que pour les périodes antérieures, elles sont plutôt littéraires avec, le plus souvent, des auteurs antiques d’une époque postérieure à celle sur laquelle ils témoignent, ce qui pose le problème de leurs sources (en grande partie disparues pour nous) et de leurs interprétations. Quant à l’iconographie, elle renseigne abondamment sur la place du citoyen et des jeunes dans la société, mais elle n’apporte guère d’éléments sur les institutions éducatives.
2Qui était le citoyen ? Le citoyen (politès) était celui qui possédait la politeia. Cette dernière signifie droit de cité, citoyenneté, mais désigne aussi l’ensemble des institutions d’une cité. Ainsi Aristote et ses élèves laissèrent une Athenaiôn politeia, que l’on traduit imparfaitement par « Constitution des Athéniens ». Cela montre qu’être citoyen, c’était également participer à la politeia en jouant un rôle dans le fonctionnement de la cité. Quels étaient les critères permettant d’être citoyen ? La naissance était l’élément commun fondamental qui déterminait l’appartenance à la communauté civique, mais, ne serait-ce que pour ce critère, on observe des variations dans le temps. Pour ne prendre que l’exemple athénien sur lequel nous sommes le mieux renseignés, avant 451 av. J.-C., la filiation paternelle était suffisante pour obtenir la citoyenneté. Des grands noms de l’histoire athénienne comme Clisthène le réformateur d’Athènes en 508/7, Thémistocle, le vainqueur des Perses à Salamine en 480 av. J.-C., Kimon, qui le premier développa la domination maritime athénienne sur l’Égée, étaient nés d’un père athénien et d’une mère étrangère. Après 451 av. J.-C, sur la proposition de Périclès, il fallut aussi que la mère fût fille de citoyen. Cette double ascendance citoyenne créa alors une fermeture du corps civique sur lui-même et engendra une catégorie nouvelle, celle du bâtard (nothos), exclu de la citoyenneté. Aristote et ses élèves expliquent que c’est « à cause du nombre croissant de citoyens »2 que cette mesure fut prise, sans spécifier que la domination de l’Égée par Athènes entrainait sa prospérité et son attractivité. Pour cette cité athénienne, dont le territoire faisait 2600 km2, le nombre des citoyens est estimé pour cette période à 40 000. Cette fermeture du corps civique fut momentanément interrompu pendant la guerre du Péloponnèse pour palier à la baisse du nombre de citoyens, qui chuta à environ 15 000, du fait de la guerre et d’une violente épidémie qui se manifesta au début du conflit, mais très vite, elle fut remise à l’honneur peu après la guerre, en 403, par la loi d’Aristophon d’Azénia3. Pour limiter l’accès à la citoyenneté, d’autres critères pouvaient s’ajouter. Ainsi lors de la première révolution oligarchique athénienne en 411/0, le corps civique fut limité aux citoyens les plus capables de contribuer par leur personne et par leur argent, ce qui le réduisit à 5 000. Lors de la seconde révolution en 404/3, leur nombre chuta à 3 000 citoyens. Après la mort d’Alexandre et l’échec de la révolte des cités grecques voulant échapper à la tutelle macédonienne (guerre lamiaque), le régime démocratique athénien limita par un cens le nombre des citoyens à ceux qui possédaient une fortune d’au moins 2 000 drachmes : le corps civique fut réduit à 9 000 citoyens4. La citoyenneté dépendait donc de critères plus ou moins nombreux selon la définition politique en vigueur. Le critère d’âge était important pour définir l’accès à la citoyenneté. Il a certainement évolué dans le temps : marqué par le passage de l’adolescence à l’âge adulte sans doute vers 16 ans dans l’Athènes archaïque, il fut fixé à l’âge de 18 ans dans cette cité à l’époque classique. Mais des conditions d’âge existaient aussi avant d’exercer une pleine citoyenneté ou pour avoir accès à l’ensemble des institutions politiques : par exemple, à Athènes, il fallait avoir 30 ans pour être juge ou pour être élu stratège ; à Sparte, 60 ans pour être membre de la gérousie, ce conseil qui joua un rôle de premier plan dans les décisions de la cité. L’activité professionnelle était parfois déterminante. Les artisans à Athènes avant l’époque de Solon (594/3) ne participaient pas aux affaires publiques et ce n’est que progressivement qu’ils furent intégrés et participèrent à l’essor démocratique. À Thèbes, la loi écartait des magistratures quiconque n’avait pas cessé d’exercer le commerce depuis dix ans5. Le cumul des critères permettait évidemment de restreindre l’accès à la citoyenneté. Il était significatif des régimes aristocratiques et oligarchiques : ainsi à Sparte, à la naissance de parents spartiates s’ajoutaient l’obligation de partager une éducation, une discipline et une règle de vie communes (agôgè), de participer aux repas communs (syssities ou phidities) et le devoir de combattre, seule activité à laquelle se préparait le citoyen.
3Quels que furent les critères d’accès, être citoyen était un privilège. Lui seul pouvait participer à la vie politique et pouvait posséder de la terre. Si la cité n’existait que là où se trouvait la communauté, celle-ci entretenait néanmoins des liens étroits avec le territoire sur lequel elle était établie. Les mythes d’autochtonie, comme celui d’Erich-thonios, né de la Terre et de la semence d’Héphaïstos poursuivant Athéna6, et les récits de fondation dans les cités coloniales, le soulignent. Pour comprendre l’importance du statut de citoyen, il faut se rappeler que hors des limites du territoire civique, bien vite atteint vu l’exiguïté de la cité, le citoyen devenait un étranger politique. Il n’avait plus accès aux tribunaux pour lui rendre justice, sauf si les cités avaient passé entre elles des accords. Il pouvait être saisi lui et ses biens sous n’importe quel prétexte, car ce qui prévalait, en l’absence de toute convention judiciaire entre deux cités, était le droit de représailles (sylan) et la responsabilité solidaire des communautés. Grâce aux conventions judiciaires, aux symbola et à la présence d’hôtes publics (proxènes) qui offraient un accueil et une protection7, ces dangers furent atténués, mais cela ne les résolvait pas tous, notamment ceux, omniprésents, de la piraterie et de la guerre. Par les lois de la guerre, le citoyen vaincu pouvait devenir esclave. La crainte de perdre ce statut privilégié qu’était la citoyenneté était présente8, et de nombreux textes témoignent des efforts faits par les proches pour venir en aide à ceux qui avaient perdu leur liberté afin qu’ils la retrouvent et réintègrent le corps civique9.
4Comme il n’existait pas d’état civil établi à la naissance, quel était le processus permettant de contrôler l’accès à la citoyenneté ? Il faut rappeler que le citoyen appartenait à des groupes de sociabilité infra-étatiques. Au-delà de l’oikos qui désignait la maisonnée rassemblant la famille, les domestiques, les biens fonciers et mobiliers, se trouvaient le génos, puis la phratrie. Le génos regroupait les descendants de même sang, par la lignée paternelle, d’un ancêtre plus ou moins mythique. Groupe cultuel, cercle de sociabilité et d’intégration, il jouait un rôle comme témoin de la légitimité civique, de même que la phratrie (ou patra dans certaines cités), association d’entraide et de solidarité qui rassemblait les membres de familles proches qui se considéraient comme frères. À ces structures pseudo-familiales, s’ajoutaient les subdivisions du corps civiques auxquelles les citoyens étaient nécessairement intégrés. Ils étaient répartis la plupart du temps en trois ou quatre tribus selon les cités, mais leur nombre a varié : Athènes connut une répartition nouvelle après la réforme de Clisthène (508/7) passant de quatre à dix tribus, puis douze de 307 jusqu’au printemps 200 av. J.-C.10. La tribu (phylè) était subdivisée à son tour jusqu’à l’échelle locale, celle des dèmes qui formaient en quelque sorte l’unité de base de la cité. Plus d’une centaine de dèmes existaient à Athènes après la réforme de Clisthène et c’est à ce niveau que se déroulait l’acte civil d’intégration dans le corps civique des jeunes Athéniens. Auparavant, la phratrie jouait ce rôle, mais depuis la réforme de Clisthène, cette dernière ne conserva qu’un rôle social et religieux, notamment avec le rite de présentation du nouveau-né dans l’année suivant la naissance et celui d’entrée dans l’âge adulte, par la consécration de la chevelure du jeune Athénien sans doute âgé de 16 ans (cérémonie de la couréotis lors de la fête des Apatouries). Au niveau du dème, la procédure d’inscription dans le corps civique du jeune Athénien se faisait à l’âge de 18 ans et se déroulait en deux temps. Les citoyens membres du dème, les démotes, prêtaient serment et décidaient pour chaque cas par un vote si le candidat avait l’âge requis, s’il était de condition libre et si sa naissance correspondait aux exigences légales. Ceux qui étaient acceptés étaient inscrits sur les listes tenues dans le cadre du dème. En cas de contestation de la libre naissance, il était possible de faire appel au tribunal populaire, mais le plaignant prenait le risque, s’il était débouté, d’être vendu comme esclave. Dans le cas contraire, les démotes étaient dans l’obligation de l’inscrire. Dans un second temps, le conseil démocratique de la cité (la Boulè des Cinq-Cents), examinait le cas de chaque inscrit et pouvait infliger des amendes aux démotes si le candidat inscrit avait en réalité moins de 18 ans11. Ce mode de contrôle de l’entrée dans le corps civique était sans doute le plus répandu dans les cités grecques, mais Sparte offre un modèle différent. Les auteurs anciens, notamment Xénophon dans la Constitution des Lacédémoniens et Plutarque dans la Vie de Lycurgue, témoignent de l’existence de pratiques eugéniques permettant une sélection des enfants spartiates les plus robustes, de la dureté d’une éducation qui échappait aux familles et était placée sous le contrôle d’un haut magistrat de la cité, le paidonome. Exercée dans des groupes d’âge de la 7e à la 20e année, fondée sur la compétition et la rivalité, elle aboutissait à l’intégration dans un groupe d’une quinzaine de citoyens qui prenaient leur repas en commun, chacun ayant l’obligation de contribuer à partir des produits récoltés sur le lot de terre civique qui lui était attribué (kléros) et qui était cultivé par des dépendants (hilotes). Ces commensaux étaient certainement aussi des compagnons de combat formant l’unité de base de l’armée lacédémonienne. L’admission dans ce groupe ne pouvait avoir lieu qu’à l’unanimité, puisqu’une seule boulette de mie de pain aplatie jetée dans le récipient rassemblant les votes signifiait le refus12.
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5Mais quelle était la formation du citoyen avant d’intégrer le corps civique et donnait-on une éducation à la citoyenneté ? De nombreuses cités ont laissé des témoignages sur leurs institutions éducatives, qui se distinguent nettement en deux modèles : celui de Sparte et des cités crétoises, et celui d’Athènes que l’on retrouve dans la plupart des cités autour de l’Égée à l’époque hellénistique.
6Malgré les représentations et les mythes qui ont contribué à la formation d’un mirage spartiate, Sparte offre le modèle d’une cité qui façonnait le citoyen et le contrôlait étroitement. La cité avait un regard sur ce qui touchait à la procréation des enfants. Entre sept ans et vingt ans, le jeune Spartiate était enrôlé dans des groupes de classe d’âge (hélikia), où il recevait une éducation collective, partageant mêmes lois, même nourriture. Les enfants étaient sous la surveillance des vieillards. Outre des rudiments de lettres, de chant et de poésie lyrique, l’éducation avait essentiellement pour but d’apprendre les valeurs de l’obéissance, de l’endurance et de la victoire au combat ou de la « belle mort ». Avec l’âge, l’entraînement allait en se durcissant : les jeunes Spartiates devaient supporter la maigre nourriture ou apprendre à voler sans se faire prendre, endurer le froid, la saleté, la tyrannie des irènes devenus chefs de bandes, les punitions. La finalité de cette éducation était de former des citoyens-soldats valeureux marqués par le souci de l’obéissance et des valeurs communautaires13. Le nom même de Semblables (Homoioi) que portaient ces citoyens est significatif. L’adolescence et le passage à l’âge adulte étaient une période où le jeune Spartiate était plus particulièrement mis à l’écart de la société, encadré et soumis à des épreuves. L’éducation était marquée par des rites de passage et d’initiation comme le combat rituel au Platanistas, où deux groupes s’affrontaient pour la possession d’un lieu14, ou comme le rite autour de l’autel d’Artémis Orthia, où les jeunes s’affrontaient pour s’emparer ou défendre un dépôt d’offrandes15, ou encore le rite de la cryptie, durant lequel certains jeunes étaient dispersés sur le territoire avec seulement des vivres et un poignard, et se tenaient cachés le jour, tandis que la nuit, ils égorgeaient des hilotes16. Cette éducation était marquée par la participation aux fêtes religieuses : rites, processions, chœurs, danses et banquets lors des Karneia, Hyacinthia et Gymnopédies notamment17. Même après son mariage, le citoyen rejoignait le dortoir commun et n’accédait à une vie privée sans doute qu’après 30 ans, âge auquel il pouvait accéder aux magistratures les plus importantes : l’éducation se prolongeait durant l’âge adulte, affirme Plutarque, qui souligne qu’on ne laissait à personne la liberté de vivre à son gré18.
7Ces traits se retrouvent dans l’éducation des cités crétoises où les citoyens n’avaient pas d’autre occupation que de se préparer à la guerre, se retrouvaient par groupes (hétairies) où se pratiquaient les repas en commun dans l’andreion qui désigne aussi bien le lieu que le repas et le groupe. Dans chacun d’eux se trouvait un paidonome qui s’occupait de l’éducation des enfants introduits dans l’andreion où ils étaient nourris, assuraient le service et souvent s’affrontaient. Devenus plus grands, ils formaient des troupes (agelai) sous la conduite d’un enfant issu d’une famille illustre et puissante et de son père qui en était le dirigeant (archôn). Il les menait à la chasse, aux gymnases (dromoi), pouvait les punir comme il l’entendait. Plusieurs fois par an, ces troupes s’affrontaient les unes les autres s’accoutumant ainsi aux combats futurs. Strabon, qui utilise le témoignage de l’historien du ive siècle av. J.-C., Éphore de Kymè, relate aussi les relations entre érastes et éromènes qui se tissaient lors des rites de passage de l’adolescence à l’âge adulte19. Il ne s’agit pas de relations librement établies entre individus, mais d’un rite institutionnalisé qui met en valeur les plus nobles d’une génération : le rang social de l’amant plus âgé était contrôlé par le groupe ; l’enlèvement du jeune homme était annoncé à l’avance et devait être approuvé par le groupe ; sa durée était convenue ; les cadeaux reçus par le jeune homme étaient fixés par la coutume (tenue de guerre, bœuf et coupe) et les privilèges honorifiques (place d’honneur, vêtement) permettaient de distinguer ceux qui étaient parmi les insignes (cleinoi)20. À Thèbes, les trois cents hommes d’élite du bataillon sacré étaient liés, semble-t-il, par ces relations entre érastes et éromènes21. À Sparte, les textes ne sont pas aussi précis, mais ils témoignent de pratiques comparables22.
8Cicéron affirmait que les Lacédémoniens étaient les seuls dans l’univers à être restés fidèles depuis plus de sept cents ans à leurs mœurs et à des lois jamais modifiées23. En réalité, il est difficile de dire ce qui existait à l’époque archaïque et classique avant le témoignage de Xénophon. Les sources d’époque romaine, Plutarque notamment, ont recomposé un passé, qui fut en partie repensé à l’époque hellénistique avec les projets politiques des rois réformateurs Agis IV (244-241) et Cléomène III (235-222)24. Les méfaits de l’enrichissement à Sparte soulignés par Xénophon dans la première moitié du ive siècle, qui note que les Lacédémoniens n’obéissaient plus aux lois de Lycurgue25, l’introduction des inégalités notamment par la rhétra d’Epitadeus, qui permettait de donner de son vivant ou de léguer par testament son domaine privé et son lot foncier (kléros) à la personne de son choix26, entraînèrent un processus de désagrégation du corps civique. Il entraîna un déclin politique et militaire, et la perte de territoires, notamment la Messénie27. Les rois réformateurs, Agis IV et Cléomène III, tentèrent d’enrayer ce processus de déliquescence par l’abolition des dettes, le partage des terres, l’introduction de nouveaux citoyens et la mise en place d’une agôgè archaïsante permettant d’assurer la cohésion du corps civique28. Après la tyrannie de Nabis (207-192) et l’intégration de Sparte dans la ligue achaïenne (182), cette agôgè fut momentanément abrogée. Après sa restauration, elle conserva ses traits archaïsants, comme le montrent certains noms de classe d’âge, le groupement des éphèbes sous la direction de boagoi, leurs participations aux fêtes, aux concours, et les accentua par des affrontements plus violents voire cruels, notamment lors des combats rituels au Platanistas et autour de l’autel d’Artémis Orthia. L’identité spartiate s’affirmait par une tradition revisitée remontant soi-disant au législateur Lycurgue. À l’époque impériale, elle suscita une curiosité de la part des élites romaines, puis plus largement grecques aux iie et iiie siècles apr. J.-C.29.
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9La plupart des autres cités grecques ne connut pas ce modèle, mais un autre type d’institutions éducatives nommé éphébie. Si des rites d’intégration des jeunes à la communauté civique des adultes furent sans doute coexistants à l’apparition des cités, l’institution de l’éphébie est récente, puisqu’on la voit pour la première fois de façon claire à Athènes au ive siècle av. J.-C. C’est en effet dans l’Athenaiôn politeia, rédigée entre 335 et 324, que l’on trouve une description de son fonctionnement30. Elle suit immédiatement l’explication de la procédure d’inscription des jeunes Athéniens dans les dèmes évoquée plus haut. Le texte indique que c’est après l’examen subi par les éphèbes, que leurs pères, réunis par tribus et après avoir prêté serment, élisaient parmi les membres de la tribu âgés de plus de quarante ans, les trois citoyens qu’ils jugeaient les plus honorables et les plus aptes pour prendre soin des éphèbes. Sur ces trois, le peuple en élisait un pour chaque tribu, comme sophroniste, fonction qui consistait à enseigner la sophrosynè, c’est-à-dire la tempérance si importante pour le contrôle de soi au gymnase et dans le combat hoplitique comme dans la vie quotidienne du citoyen. C’était donc une élection à deux tours qui permettait de dégager un collège de dix sophronistes pour encadrer les éphèbes. Le peuple élisait aussi un cosmète, nom forgé sur le verbe kosmô signifiant mettre de l’ordre, parmi tous les autres Athéniens comme chef de tous les éphèbes. Il élisait à main levée deux pédotribes et quatre maîtres spéciaux : un hoplomaque, maître d’armes qui préparait au combat hoplitique, un maître d’arc et un maître de catapulte. La cité allouait à chacun des sophronistes une drachme par jour pour sa nourriture et aux éphèbes, quatre oboles par tête. Chaque sophroniste recevait l’argent pour les éphèbes de sa tribu et achetait ce qui était nécessaire pour la nourriture commune, car les éphèbes prenaient leur repas par tribu. Le cosmète et les pédotribes, après avoir réuni les éphèbes, commençaient par faire avec eux la tournée des sanctuaires, puis se rendaient au Pirée où ils tenaient garnison dans deux forteresses à Mounychie et à Aktè. C’est durant cette première année qu’ils étaient initiés par leurs maîtres d’armes. La seconde année commençait par une revue devant l’assemblée du peuple réunie au théâtre de Dionysos et par la remise des armes. Les éphèbes recevaient de la cité un bouclier rond et une lance. Puis, ils étaient affectés à la garde du territoire, patrouillaient en étant des péripoloi et tenaient garnisons dans les forteresses. Pendant leurs deux années d’éphébie, les jeunes hommes portaient la chlamyde, manteau militaire, et étaient exempts de toute charge. Pour qu’ils n’aient pas prétexte à s’absenter, les éphèbes ne pouvaient ester en justice sauf cas exceptionnels (procès d’héritage, de fille épiclère ou de sacerdoce dévolu à un génos). Une dizaine d’inscriptions, dont cinq datées entre les années 334 et 331, offrent un témoignage complémentaire sur cette éphébie attique31. Il s’agit pour la plupart de dédicaces faites par les éphèbes d’une même tribu, accompagnées de la liste des éphèbes et parfois de décrets du conseil, de la tribu ou de dèmes, décernant l’éloge et des couronnes aux éphèbes, aux lochages-éphèbes32, ainsi qu’aux supérieurs qui les encadraient (sophronistes, cosmète, taxiarques, stratèges). Les stèles étaient érigées dans le sanctuaire du héros éponyme de leur tribu, pour ceux de la tribu Cécropis dans le sanctuaire de Cécrops sur l’acropole, pour ceux de la tribu Léontis dans celui de Léos, mais également dans d’autres sanctuaires comme celui de Déméter et Corè à Eleusis ou celui du héros guérisseur Amphiaraos à Oropos. Quant à la dédicace trouvée dans la forteresse de Rhamnonte au nord de la plaine de Marathon dans laquelle les éphèbes honorent leur bienfaiteur, elle est adressée au dieu du gymnase Hermès.
10Tous ces témoignages apparaissent dans le contexte qui suit la défaite d’Athènes à Chéronée en 338 av. J.-C. devant les forces de Philippe II de Macédoine. L’Athénien Lycurgue se vit alors confier la direction des finances publiques qu’il assuma de 336 à 324 et se consacra à un programme de redressement de la cité marqué par trois aspects : l’augmentation des revenus de la cité, le développement des constructions de prestige et le renforcement de la défense militaire33. Un passage du Sur l’Administration financière de ce même Lycurgue, invoqué par Harpocration (grammairien du iie siècle apr. J.-C.), affirme qu’une statue de bronze fut érigée en l’honneur de l’Athénien Épicratès à cause de sa loi sur les éphèbes34. La datation de cette loi est située traditionnellement en 336/5, mais récemment A. Chankowski a proposé de la situer à la fin de l’année 335 ou au début de 334 av. J.-C.35. Cependant, dans un plaidoyer, l’orateur Eschine affirme qu’après avoir quitté la catégorie des enfants (paides), il fut pendant deux ans patrouilleur (péripolos) sur le territoire, et qu’il pouvait en fournir le témoignage de ses camarades éphèbes (synéphéboi) et des magistrats36. Vu la date de naissance d’Eschine, son service éphébique fut accompli en 372-371. De plus, Démosthène évoque, dans un plaidoyer daté de 343, l’existence d’un serment des éphèbes37. Il est donc clair que la loi d’Épicratès ne fit que réformer une éphébie qui existait antérieurement, la cité s’accordant les moyens d’élargir le recrutement des éphèbes à l’ensemble des fils de citoyens en prenant en charge l’entretien et une partie de l’armement. S’il est évident que ce service n’était accompli avant la réforme que par les éphèbes ayant les moyens de s’équiper militairement, la loi d’Épicratès n’en imposa peut-être pas l’obligation à tous les jeunes Athéniens38. Le serment des éphèbes mentionné par Démosthène est connu par des auteurs tardifs (Pollux VIII 105-106 et Stobée 43, 48), et est également conservé sur une stèle dressée aujourd’hui dans la cour de l’École française d’Athènes. La traduction que nous citons est celle de Georges Daux que reprend Chrysis Pélékidis, p. 13 :
Je ne déshonorerai pas les armes sacrées (que je porte) ; je n’abandonnerai pas mon camarade de combat ; je lutterai pour la défense de la religion et de l’État et je transmettrai à mes cadets une patrie non point diminuée, mais plus grande et plus puissante, dans toute la mesure de mes forces et avec l’aide de tous. J’obéirai aux magistrats, aux lois établies, à celles qui seront instituées ; si quelqu’un veut les renverser je m’y opposerai de toutes mes forces et avec l’aide de tous. Je vénérerai les cultes de mes pères. Je prends à témoin de ce serment les dieux, Aglauros, Hestia, Enyô, Ényalos, Arès et Athéna Areia, Zeus, Thallô, Auxô, Hégémoné, Héraclès, les Bornes de la patrie, les Blés, les Orges, les Vignes, les Oliviers, les Figuiers.
11Outre l’idéologie civique qui se dégage, le texte est marqué par des archaïsmes, mais on doit souligner que la stèle d’Archanes, sur laquelle ce document est gravé, porte aussi le serment de Platées prononcé soi-disant avant la bataille contre les Perses en 479. Cela montre qu’il appartient à une série d’apocryphes recomposés dans l’atmosphère de mobilisation patriotique du ive siècle av. J.-C. Il doit donc être considéré comme un texte archaïsant. Parmi les hypothèses qui ont été faites sur les origines de l’éphébie athénienne, s’impose aujourd’hui l’idée qu’elle fut instituée dans une période située entre la guerre du Péloponnèse et sa première attestation en 372/1, très certainement dans la phase de restauration de la démocratie qui fait suite à la seconde révolution oligarchique de 404/3 av. J.-C.39.
12Pourtant certains historiens, empruntant à l’anthropologie, adoptant une démarche structuraliste et parfois une perspective évolutionniste, ont cherché à remonter plus haut dans le temps en mettant en rapport l’éphébie avec les rites d’intégration des jeunes garçons dans la société des adultes. L’étymologie même du mot, formé sur hèbè, signifiant puberté ou force de l’âge, incite à cette démarche, de même que le témoignage de Thucydide, qui évoque au début de la guerre du Péloponnèse des détachements de jeunes Athéniens formant un groupe à part (néoi, néotatoi)40. Tout l’intérêt des études de P. Vidal-Naquet rassemblés dans Le chasseur noir, est d’avoir montré que l’éphébie a en effet des traits initiatiques et est marquée par la dramatisation symbolique qu’offrent les rites de passage. Avant de devenir un hoplite et d’adopter sa manière collective de combattre, l’éphèbe restait légèrement armé, usait de la ruse, comme celle qu’avait pratiqué l’Athénien Mélanthos (le « Noir ») pour tuer dans un combat singulier le Béotien Xanthos (le « Blond »), racontée dans le mythe étiologique de la fête des Apatouries qui se déroulait dans les phratries. L’éphèbe restait dans une position marginale dans les forteresses sur le territoire de la cité en tant que patrouilleur et en retrait de la société durant deux années41. Mais P. Vidal-Naquet montre aussi que l’éphébie avait des aspects archaïsants, fruits non d’une survivance, mais de la représentation qu’en avaient les Athéniens au ive siècle av. J.-C.42. Il parvient à la conclusion qu’il existait une éphébie ancienne qui s’insérait dans le cadre de la phratrie au moment de l’entrée en citoyenneté à l’âge de 16 ans et une éphébie dont l’intégration se faisait dans le cadre des dèmes à l’âge de 18 ans.
13Cependant, après avoir rappelé les difficultés à concilier les méthodes des historiens et épigraphistes avec celles des anthropologues43, A. Chankowski fournit dans son ouvrage récent sur l’éphébie hellénistique une belle étude sur le mot éphèbe, en l’intégrant à cette question des origines de l’institution44. Il montre que l’hèbè ne désignait pas, au moins aux époques archaïque et classique, une période entre l’enfance et l’âge adulte, mais la période où l’individu est en pleine force, de la puberté à la vieillesse45. Si des mots furent composés sur ce radical dès l’époque archaïque (tels prôthèbès/prôthèbos, « celui qui est dans sa première jeunesse » ; exhèbos, « celui qui a dépassé la force de l’âge » ; anhèbos, « celui qui n’est pas encore en hèbè ») ou si le verbe éphèban est attesté au ve siècle (chez Eschyle, Hérodote, Euripide) pour désigner ceux qui venaient de parvenir au seuil de la majorité, en revanche le mot éphèbos n’apparut pas avant le ive siècle av. J.-C. Les traités s’intéressant à la division des âges n’utilisaient pas ce terme et dans le monde agonistique, éphèbe ne désignait jamais une catégorie d’âge46. Comparée au seuil de la majorité légale, l’auteur souligne un déplacement par rapport à l’hèbè biologique et constate l’existence d’une hèbè conventionnelle et institutionnelle. Ainsi s’explique l’expression épi diétes hèbèsai, « avoir été en hèbè pendant deux ans », que l’on rencontre dans le témoignage d’Harpocration et dans les Anecdota Graeca, et qui correspond à Athènes à ce temps de latence après la majorité et avant l’intégration dans le corps civique47. Enfin, dans les fêtes athéniennes, aucune source ne permet de constater la participation des éphèbes avant 372/1, date du premier témoignage sur l’éphébie. L’évolution de l’éphébie attique aurait donc eu lieu en trois étapes : la première serait caractérisée par des rites d’intégration des jeunes, la deuxième serait une éphébie instituée par la loi peu après la guerre du Péloponnèse, la troisième débuterait après la réforme d’Épicratès instituant les subventions de la cité et rendant ce service théoriquement obligatoire48.
14L’éphébie sous la forme décrite par Aristote et ses élèves ne dura guère. Après la mort d’Alexandre le Grand et l’échec d’Athènes dans la guerre lamiaque en 322, la cité connut un régime oligarchique. Les aléas politiques dus aux guerres entre les diadoques et l’absence d’inscriptions ne permettent pas d’observer l’évolution de l’institution éphébique jusqu’en 307, date à laquelle Démétrios Poliorcète libéra Athènes et restaura la démocratie. Mis à part l’impact de la création de deux nouvelles tribus en l’honneur de Démétrios et de son père Antigone, on ne sait comment l’éphébie évolua après cette date jusqu’au début du iiie siècle av. J.-C. De rares inscriptions offrent des fragments de listes d’éphèbes, de règlements et de décrets honorifiques et il semble que l’éphébie ait continué à fonctionner sur le modèle de la loi d’Épicratès. En revanche, la série d’inscriptions datées des années 267 à 171 montre un effondrement des effectifs : au lieu de six à sept cents éphèbes, ils sont désormais entre vingt et quarante. L’éphébie perdit son caractère obligatoire, devint annuelle, et était accomplie par les fils des citoyens aisés. Si des aménagements ponctuels furent apportés, l’instruction militaire resta à l’honneur. Durant la basse période hellénistique, qui offre une documentation plus abondante et détaillée, les effectifs repartent à la hausse, mais cette augmentation traduit une nouveauté : l’introduction des étrangers dont les noms sont gravés à la suite de ceux des éphèbes athéniens dans le groupe des xénoi. Ce sont des métèques originaires d’Asie Mineure, de Thrace, de Syrie, mais aussi avec la domination de Rome, des Italiens et des Romains. L’éphébie était alors davantage une institution d’apparat et d’éducation pour les fils des familles les plus aisées puisque les inscriptions du iie et du ier siècles av. J.-C. ne mentionnent que des professeurs de lettres, de philosophie et de rhétorique49.
15En dehors d’Athènes, l’éphébie apparaît dans la documentation épigraphique d’époque hellénistique dans de très nombreuses cités. A. Chankowski dénombre, pour la seule aire géographique des cités insulaires de l’Égée et de l’Asie Mineure, 98 cités où elle est attestée avec certitude, et 114 si l’on y ajoute les témoignages de cités inconnues ou les documents où l’existence de l’éphébie est probable. Le premier exemple où elle est attestée avec certitude, est celui de la cité eubéenne d’Erétrie, dans une période comprise entre 340-330 et peu après 319/8. À Alexandrie, elle pourrait remonter à la fondation de la cité en 332. Ailleurs, elle naît dans la première moitié du iiie siècle (Milet 262-0, Samos 247/6 ou 243/2 par exemple). L’analyse du processus de diffusion permet donc à son auteur de situer les débuts de l’éphébie dans la période des changements institutionnels connus par les cités après la conquête d’Alexandre et à l’époque des diadoques. Sa thèse, plutôt convaincante, est de montrer que le modèle athénien s’est superposé aux rites d’intégration des jeunes préexistants localement, dont on trouve trace dans les cultes et les pratiques sociales, beaucoup plus rarement dans la formation militaire comme pour les Trois Cents (triakatioi) dans la cité de Cyrène, dont l’apprentissage était tourné vers l’équitation. N’appartenant pas au vocabulaire courant, l’adoption du terme éphèbe, qui désignait précisément à Athènes ceux qui, après leur majorité, étaient dans un état de transition avant d’intégrer pleinement le corps civique, présuppose selon lui l’emprunt au modèle athénien. C’est donc par un acte législatif à un moment donné de leur histoire que les cités qui n’avaient pas d’institutions éducatives semblables à l’éphébie, l’instaurèrent50. L’âge auquel on débutait ce service et sa durée étaient variables selon les cités, mais l’éphébie annuelle semble avoir été la plus répandue51. Comme à Athènes, des exemples montrent que des non-citoyens pouvaient y accéder. À Pergame, à côté des fils de citoyens, se trouvaient ceux des autres cités du royaume attalide, les fils des colons militaires établis sur le territoire de la cité et des fils de parèques (paroikoi), c’est-à-dire des non-citoyens de l’arrière-pays dépendant de la cité qui furent peu à peu assimilés aux métèques. Néanmoins, en général, il n’était pas fréquent d’intégrer d’autres catégories que celles des fils de citoyens et le caractère civique du service éphébique resta dominant durant la période hellénistique52.
16Après la procédure d’admission (egkrisis) vérifiant l’âge, l’aptitude physique, la liberté, la citoyenneté du candidat, le service éphébique était marqué par des cérémonies d’entrée en charge (eisitètèria) ou d’inscription (eggraphai). À Athènes, les éphèbes offraient un sacrifice dans le prytanée, au foyer commun de la cité, en présence du cosmète, du prêtre du Démos, de celui des Charites et des exégètes. À Milet et à Samos, des sacrifices avaient lieu lors des cérémonies d’entrée53. Un serment était parfois prêté au moment de l’admission. Celui d’Athènes54 est en réalité singulier par les principes qu’il voulait transmettre aux futurs citoyens. Les autres serments connus prêtés par les éphèbes consistaient à faire vivre dans le temps un traité ou un accord : à Milet, en 262-260, il s’agissait de rester fidèles aux décisions du peuple et de sauvegarder l’amitié et l’alliance avec Ptolémée II et ses descendants, tout comme à Samos, il fallait conserver le dévouement envers Auguste et la maison impériale ; à Éphèse, et dans plusieurs cités crétoises comme Drèros, on se devait de respecter un traité entre cités55. À la fin du service, des cérémonies de clôture avaient lieu. À Athènes, les éphèbes défilaient en armes devant le Conseil de la cité au stade panathénaïque. Si le défilé recevait son approbation, il proposait à l’assemblée de voter des récompenses aux éphèbes. Un sacrifice de sortie (exitètèria) était offert par les éphèbes sur l’Acropole à Athéna Polias, à Courotrophos et à Pandrose56. Dans de nombreuses cités, il semble que ces cérémonies avaient lieu lors des fêtes de fin d’année en l’honneur des divinités du gymnase, Hermès et Héraclès (Hermaia, Héracleia, Hermaia kai Héracleia). Des épreuves, notamment de prestance (euexia), de discipline (eutaxia), d’endurance (philoponia) avaient lieu durant ces fêtes de fin d’année, mais dans certaines cités comme à Pergame ou à Érythrées, ce sont les paides qui les subissaient à la fin de leur période préparatoire à l’éphébie. La prise et le dépôt de la chlamyde, manteau militaire de couleur sombre porté partout par les éphèbes au point d’en devenir l’attribut caractéristique, faisaient également l’objet de cérémonies.
17Bien marquée dans le temps par des procédures d’admission, des cérémonies, des épreuves, selon une organisation comparable d’une cité à l’autre, l’éphébie préparait à l’âge adulte à l’entrée dans la vie civique et inculquait une idéologie conforme aux valeurs de la cité57. Cela apparaît nettement dans un décret de Téos datant probablement de 203 av. J.-C. De retour de son anabase dans les Hautes satrapies orientales, Antiochos III récupéra des territoires à l’ouest de l’Asie Mineure aux dépens du royaume attalide. Il prit Téos, y restaura les affaires, déclara la ville et le territoire sacrés et inviolables, exempts de tribut, et libéra la cité des anciennes contributions payées à Attale Ier. En conséquence, il reçut le titre de bienfaiteur et de sauveur. Le long décret des Téiens énumère les honneurs rendus au couple royal, Antiochos et Laodice, dont une partie consistait en l’établissement d’un culte royal dans la cité. Parmi les décisions, apparaît celle d’offrir un sacrifice au roi, aux Charites et à Mémoire (Mnèmè) sur l’autel commun de la cité dans la salle du Conseil (bouleutérion) par les collèges de magistrats, stratèges, timouques, trésoriers, en compagnie du prêtre et du prytane, sans doute comme rite d’entrée en charge (eisitètèria), le premier jour du mois Leukathéôn, puis lignes 38-44, on lit58 :
et que, le même jour, ceux qui quittent les éphèbes accomplissent avec le gymnasiarque un sacrifice conformément à ce qui est écrit, de manière à ce qu’ils ne commencent pas à s’occuper des affaires publiques avant d’avoir témoigné leur reconnaissance aux bienfaiteurs, et que nous habituions notre descendance à accorder à toute chose une urgence et une importance moindres qu’à la reconnaissance des bienfaits, et dans ces conditions nous embellirons leur première entrée dans l’agora.
18Le parallèle pour l’existence de la cité entre la rotation annuelle des magistrats, qui permet à la communauté politique d’exister dans la durée, et l’entrée concomitante des anciens éphèbes dans la vie politique permettant son renouvellement, a bien été souligné par A. Chankowski, qui relève aussi une comparaison frappante avec Athènes : d’abord parce que le sacrifice était réalisé dans un lieu politique central (bouleutérion dans un cas, prytanéion dans l’autre) ; ensuite parce qu’il s’adressait aux mêmes divinités : aux Charites qui veillaient sur la croissance de la nature et des jeunes gens, et personnifiaient la notion de reconnaissance si importante vis-à-vis des bienfaiteurs, et à Mémoire qui garantissait la sauvegarde des traditions ; enfin parce qu’au culte dédié au roi à Téos, certainement en présence de son prêtre cité plus haut dans le texte (l. 13-14), correspond à Athènes le prêtre du culte de Démos59. L’organisation de l’éphébie présente donc une certaine uniformité que l’on retrouve dans son contenu.
19Selon H.-I. Marrou, à l’époque hellénistique, l’institution de l’éphébie avait « perdu sa première finalité militaire pour se transformer en un instrument de haute éducation »60, idée que l’on retrouve chez J. Delorme dans son étude du gymnase61. Elle a été démentie par les textes épigraphiques qui prouvent que l’instruction militaire gardait toute son importance. Dans la loi gymnasiarchique de Béroia en Macédoine, datée du début du iie siècle av. J.-C., on lit :
Les éphèbes et les moins de vingt-deux ans s’entraîneront au tir au javelot et à l’arc chaque jour, lorsque les garçons se sont oints, et de même si telle autre discipline apparaît nécessaire62.
20La loi éphébarchique d’Amphipolis, qui n’est pas encore publiée, mais dont le contenu est connu, évoque le pédotribe et les maîtres qui enseignaient aux éphèbes le tir à l’arc, au javelot et à la fronde, le lancer de pierre, l’équitation et le lancer de javelot à cheval63. Certes, cette préparation militaire pourrait être spécifique à des villes du royaume de Macédoine et aux soldats de l’armée royale. Il n’en est rien. L’étude d’A. Chankowski montre que le même mode d’entraînement semble s’être répandu dans bon nombre de cités du monde grec, sinon dans toutes, et qu’il était en rapport avec leurs besoins militaires et leurs possibilités financières. Dans la loi de Corésia de Kéos dans les Cyclades, début iiie siècle, il est prévu trois fois par mois de s’exercer au tir à l’arc, au lancer de javelot et au tir de catapulte. Des épreuves avaient lieu et les vainqueurs étaient récompensés par des prix en drachmes ou en armes (arcs, carquois, casques, flèches, boucliers). À Samos, les disciplines dans les concours étaient le tir à la catapulte, le lancer du javelot, le tir à l’arc, le combat hoplitique et le combat avec le bouclier long emprunté aux Galates. Les épreuves collectives de courses en armes figurant une attaque (prosdromè ou katadromè), de capacité à marcher en formation et d’assurer une revue en armes (euandria), la danse en armes (la pyrrhique), les cérémonies de remise d’armes comme prix aux concours et les défilés en armes, tout montre que l’éducation éphébique était tournée vers la formation militaire. Quant au service de patrouilleurs aux confins des territoires, s’il n’était pas assuré durant l’éphébie, il est certain qu’il l’était dans la catégorie d’âge supérieure (néoi, néaniskoi) et il en va de même concernant la présence sur les champs de bataille64. En revanche, cette formation militaire s’est peu à peu effacée dans les cités, à partir du ier siècle av. J.-C., comme on l’a vu plus haut pour Athènes65.
21La formation était aussi civique. Cela transparaît dans la participation des éphèbes aux nombreuses fêtes religieuses et à la vie agonistique. À Athènes, ils participaient très fréquemment aux fêtes organisées par la cité à l’époque hellénistique comme à l’époque impériale66. Parmi elles, les plus significatives étaient la fête d’Artémis Agrotéra, instituée à la suite d’un vœu fait à la bataille de Marathon en 490 ; les Théséia rattachées au culte du héros fondateur de la cité ; les épitaphia en souvenir des soldats morts à la guerre ; et les grandes fêtes civiques : Panathénées, Dionysies, fêtes de Déméter et Coré à Éleusis. Dans les autres cités, ils étaient présents dans les processions et les cérémonies d’accueil (apanteseis) comme celle décrite dans un décret de Pergame en l’honneur d’Attale III (138-133), qu’il était prévu d’accueillir en tenue solennelle lors de sa venue dans le sanctuaire d’Asclépios : c’étaient d’abord les prêtres et les prêtresses, puis les magistrats, les vainqueurs dans les concours, le gymnasiarque avec les éphèbes, le pédonome avec les paides, et enfin tous les citoyens avec les femmes, les jeunes filles et en dernier lieu les habitants de la ville67. Cette participation des éphèbes à la vie civique ne faiblit pas sous l’Empire. Dans une longue inscription d’Éphèse, datée de 103/4 apr. J.-C., relatant la fondation réalisée par C. Vibius Salutaris, ratifiée par la cité et par la province, le riche chevalier romain, qui était aussi citoyen d’Éphèse et membre de son conseil, promet de financer la confection d’images et de statues ainsi que des distributions annuelles d’argent lors de la fête célébrant l’anniversaire d’Artémis le 6 du mois Thargelion. Parmi les bénéficiaires des distributions se trouvent 250 éphèbes, 49 paides, 7 pédonomes et 1 éphébarque. Ils font partie des mieux dotés, après les citoyens, les membres du conseil et de la gérousie. Ainsi, comme l’a souligné G.M. Rogers, cette position prééminente des associations de jeunes dans la hiérarchie civique montre que la fondation était « as a tool of social, political, historical, and even religious acculturation »68. Quant aux statues et images, il était prévu de les transporter en procession lors de la prise de fonction du grand prêtre du temple de l’Asie, lors des 12 assemblées régulières du peuple prévues par la loi, lors des Sébastéia, des Sôtéria et des concours pentétériques des Grandes Éphésia, auxquels pouvaient s’ajouter des jours déterminés par le Conseil et le peuple, ce qui signifie probablement une fréquence d’au moins toutes les deux semaines. Les statues représentaient :
- des divinités : Artémis, la déesse protectrice de la cité, Athéna Panmousos et Sébastè Homonia Chrysophoros ;
- des institutions romaines : l’empereur Trajan et son épouse Plotine, le Sénat, l’ordre équestre, le peuple romain ;
- des institutions d’Éphèse : le démos, les 6 tribus, le Conseil, la Gérousie, l’éphébie ;
- des personnages mythiques et historiques : Piôn, le dieu montagne ; Euonymos, qui est fils de Kephisos ou Ouranos et de Gè ; Androklos, le premier fondateur de la cité ; Lysimaque le roi refondateur de l’époque hellénistique ; Auguste69.
22La procession partait du sanctuaire d’Artémis situé extra-muros. Le personnel sacré du sanctuaire portait les statues jusqu’à la porte de Magnésie, au sud de la cité, où elles étaient confiées aux éphèbes. À leur tour, ils parcouraient la ville en passant par l’agora supérieure, près des bâtiments politiques et religieux les plus importants de la cité, pour atteindre ensuite le théâtre où avait lieu l’assemblée du peuple. Les statues étaient déposées par groupes de 3 sur 9 piédestaux, le temps des débats et, à leur issue, les éphèbes les reprenaient pour les conduire après le stade, au nord-ouest de la ville, à la porte de Coressos, où le personnel sacré du sanctuaire les récupérait70. La personnification de l’éphébie parmi les statues représentant l’histoire et les institutions de la cité, la fréquence de cette procession dans le calendrier politique et religieux, son trajet dans l’espace urbain le long des bâtiments qui en rappelaient l’histoire, la place tenue par les éphèbes, tout montre que l’institution continuait à jouer un rôle fondamental dans la perpétuation de la vie civique. L’éphébie est d’ailleurs encore fréquemment attestée par l’épigraphie dans la première moitié ou au milieu du iiie siècle apr. J.-C. dans de nombreuses cités de l’Orient méditerranéen71.
23Le gymnase joua un rôle important comme lieu de formation des éphèbes. Il n’a pourtant guère laissé de trace à l’époque classique, le plus ancien monument conservé construit dans les années 330 av. J.-C. étant celui de Delphes. À l’époque hellénistique, il devint une composante essentielle du paysage urbain, souvent à la faveur des libéralités des rois. Il était emblématique d’un mode de vie, au point que Diodore, à l’époque d’Auguste, le place parmi les monuments qui « contribuent à rendre heureuse la vie des hommes »72. Dans les inscriptions, des expressions diverses sont utilisées pour désigner les habitués du gymnase. Elles évoquent le lieu où l’on s’exerçait : ce sont « ceux qui fréquentent le gymnase » (hoi phoitôntès eis to gumnasion), « ceux du lieu » (hoi ek tou topou), « ceux qui se mettent nus » (hoi apoduomènoi), « ceux qui s’oignent » (hoi aleiphomènoi), mais aussi les « jeunes gens » (néoi, néaniskoi), généralement âgés entre 20 et 30 ans, qui en étaient les principaux usagers73. La présence des éphèbes n’est donc pas toujours explicite. Cependant des textes montrent qu’ils s’y entraînaient, de même que parfois les paides, ce qui n’était pas sans susciter une réglementation séparant les catégories d’âges pour des raisons évidentes. Dans un décret honorifique de Sestos, daté entre 133 et 120 av. J.-C., Mènas, élu gymnasiarque, veille à la discipline des éphèbes et des néoi, ce qui lui vaut d’être couronné ainsi que l’éphébarque. À Priène, dans un décret daté du ier siècle av. J.-C., le gymnasiarque Zosimos est honoré notamment pour avoir mis à disposition gratuitement au cours de l’année un bain pour les éphèbes et leurs maîtres, ainsi que pour les néoi qui se baignent avec les éphèbes. Bien que le décret soit en partie fragmentaire, il apparaît que le gymnasiarque a aussi fourni :
des gants de boxe, des armes, et le maître de lettres préposé aux éphèbes pour leur leçon de philologie, voulant que grâce à cela, d’une part, les corps soient exercés, et, d’autre part, que leur esprit progresse vers la valeur (arétè) et les propensions humaines (pathos anthropinon).74
24Ph. Gauthier a bien relevé qu’Aristote ne cite pas la gymnasiarchie parmi les magistrats civiques indispensables et ne lui accorde qu’une brève mention parmi les fonctions particulières aux cités qui disposent de plus de loisir et de prospérité. Ce n’est donc qu’à l’époque hellénistique que le contrôle de la cité sur le gymnase par l’intermédiaire de magistrats élus par le peuple se développa75. Le gymnase était le lieu de formation destiné essentiellement à former les futurs et les jeunes citoyens, et la classe dirigeante de la cité. C’était un centre civique très important, « une seconde agora » selon l’expression de L. Robert76. Mais au gymnase ne se formaient pas tous les citoyens, car ce monument, devenu urbain à l’époque hellénistique77, était surtout fréquenté par les citadins qui disposaient de ressources suffisantes pour mener une vie de loisirs. Il n’était pas non plus réservé aux citoyens : avec la présence de maîtres recrutés à l’extérieur et la multiplication des concours, l’attraction fut de plus en plus importante auprès des étrangers. Le gymnase était donc ouvert aux hommes libres qui adhéraient aux valeurs de l’éducation grecque. Dans la loi gymnasiarchique de Béroia, il est précisé :
ne se mettront nus au gymnase ni l’esclave, ni l’aff ranchi, ni leurs fils, ni l’apalaistros, ni le prostitué, ni (l’un) de ceux qui exercent un métier d’agora, ni quelqu’un en état d’ivresse ou de démence78.
25Les hommes marqués par la macule servile étaient donc écartés jusqu’à deux générations après avoir accédé à la liberté, de même que ceux qui n’avaient pas les dispositions physiques ou morales, et ceux qui exerçaient un métier de commerce. Héritier d’une tradition aristocratique, agonistique et guerrière, le gymnase était le lieu d’entraînement des jeunes gens qui pratiquaient des exercices physiques et militaires, et des disciplines intellectuelles et morales. Ouvert aux hommes libres, il devint le symbole de l’hellénisme et l’un des monuments le plus distinctif de la cité grecque79. Dans un document postérieur au traité d’Apamée (188 av. J.-C.), Eumène II accorde le statut de cité à un établissement de Phrygie, Toraion (ou Tyraion), qui regroupait des Grecs, ex-garnisaires ou descendants de colons militaires, et des indigènes (synoikountes en chôriois) plus ou moins hellénisés. Le roi de Pergame précise (l. 24-34)80 :
à cause du dévouement que vous éprouvez pour nous et que vous avez manifesté au moment opportun, j’accorde tant à vous qu’aux indigènes qui habitent avec vous, le droit de constituer un corps civique unique et d’user de lois qui vous soient propres. Si telles et telles lois recueillent votre agrément, portez-les à notre connaissance, afin que nous vérifiions qu’elles ne contiennent rien de contraire à nos intérêts ; dans le cas contraire, faites-nous le savoir et nous vous donnerons des lois adéquates pour mettre en place un conseil et des magistrats, former un peuple divisé en tribus, créer un gymnase et instituer l’onction pour les jeunes (néoi).
26En Judée, l’auteur du livre II retraçant la révolte des Maccabées nomme, parmi les causes, la progression de l’hellénisme et l’introduction d’usages contraires à la Loi par le Grand Prêtre Jason (forme hellénisée du nom Jeshouah = Jésus), à savoir la fondation d’un gymnase et la création d’une éphébie à Jérusalem81. Le gymnase évolua ensuite, dans le courant du ier siècle av. J.-C., en s’adaptant à de nouvelles pratiques, notamment thermales, mais il resta le lieu d’entraînement sportif et d’éducation intellectuelle et morale propre à la civilisation grecque82.
27Si après son éphébie le citoyen continuait à se former au gymnase, qu’en était-il de son éducation à la citoyenneté avant sa majorité ? Les paides apparaissent fréquemment dans les sources pour désigner une catégorie large d’enfants entre 12 et 18 ans. Dans un sens plus précis, il s’agit des garçons qui suivaient un programme d’enseignement prévu par la législation de la cité. Mais comme l’a bien remarqué A. Chankowski, l’existence d’un tel groupe n’est pas de règle et, probablement, seules les cités les plus riches pouvaient se permettre d’organiser l’éducation civique pour leurs éphèbes et pour leurs paides83. Dans la cité de Téos, dans la première moitié du iiie siècle av. J.-C., c’est grâce à l’intervention d’un riche bienfaiteur, Polithrous, que l’instruction de tous les enfants libres, garçons et filles, est assurée et les maîtres rétribués. Il est prévu que les enfants qui doivent passer éphèbes et ceux qui ont un an de moins aient un enseignement musical assuré par le maître de cithare, et un enseignement militaire dispensé par l’hoplomaque et un autre maître chargé à la fois du tir à l’arc et du lancer de javelot. Un pédonome est chargé de surveiller les paides qui sont, comme les éphèbes sous l’autorité du gymnasiarque84. À Milet, un décret, daté vers 200/199, relate la fondation faite par un riche bienfaiteur, Eudèmos, qui assure des revenus servant à financer l’éducation des enfants et à rémunérer les maîtres qui doivent accomplir leur tâche « selon les stipulations de la loi sur l’enfance »85. Il est aussi prévu :
que le reste des crédits soit pris par les pédonomes, et qu’ils envoient à Apollon de Didyme un taureau, le plus beau possible, pour la fête pentétérique des Didymeia, et les trois autres années à la fête des Boègeia ; qu’ils participent à la procession avec les enfants qu’ils auront choisis, et leurs épistates élus, et avec eux Eudèmos tant qu’il vivra, et ensuite le plus âgé de ses descendants ; que les pédonomes sacrifient la victime envoyée et répartissent les viandes entre les enfants et les personnes désignées pour la procession86.
28La fondation inscrivait le bienfait dans la durée, puisque la participation des paides était prévue même après la mort du bienfaiteur, et elle permettait d’inculquer une éducation comparable à celle reçue par les éphèbes.
29En conclusion, les cités grecques intégraient les jeunes générations de citoyens en leur offrant une éducation à la fois pratique et civique selon des modèles différents. Par différence avec celui de Sparte ou des cités crétoises, rigide et très encadré, qui visait à façonner le citoyen selon un modèle idéologique aristocratique et archaïsant, la plupart des cités grecques, sans doute à l’imitation d’Athènes et de sa démocratie, n’intervinrent finalement qu’assez peu dans la formation civique de leurs citoyens, mis à part au moment de l’éphébie qui était de courte durée et rarement obligatoire. Ce deuxième modèle fut pourtant le plus répandu et eut la longévité la plus grande. L’institution n’était donc qu’un des éléments entretenant l’idéal civique, transmettant des valeurs qui étaient omniprésentes dans la cité et qui lui étaient consubstantielles.
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Références bibliographiques
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Notes de bas de page
1 Voir Yun Lee Too, « Une “Nouvelle histoire de l’éducation dans l’Antiquité” (A New History of Education in Antiquity) », Que reste-t-il de l’éducation classique ? Relire « le Marrou », Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, (J.-M. Pailler et P. Payen éds), Toulouse 2004, p. 41-49, qui montre les apports et les limites de l’ouvrage d’H.-I. Marrou paru aux éditions du Seuil à Paris en 1948, et présente la philosophie et les principales contributions d’Education in Greek and Roman Antiquity, (Yun Lee Too éd.), Leyde, Brill 2001.
2 Ath. Pol., XXVI, 4.
3 Athénée, XIII, 577 bc.
4 Diodore, XVIII, 18, 4. Plutarque, Phocion, XXVIII, 7.
5 Aristote, Politique, III, 3, 4.
6 N. Loraux, Les enfants d’Athéna. Idées athéniennes sur la citoyenneté et la division des sexes, Paris, 1981.
7 Ph. Gauthier, Symbola. Les étrangers et la justice dans les cités grecques, Nancy, 1972.
8 P. Ducrey, « Le monde antique est-il basé sur la peur ? Peur des esclaves, peur de l’esclavage dans le monde gréco-romain », Fear of Slaves – Fear of Enslavement in the Ancient Mediterranean, Actes du XXIXe colloque du GIREA, Rethymnon 4-7 novembre 2004, PUFC, 2007, p. 9-20, voir plus particulièrement p. 10-14.
9 A. Bielman, Retour à la liberté. Libération et sauvetage des prisonniers en Grèce ancienne. Recueil d’inscriptions honorant des sauveteurs et analyse critique, Athènes-Lausanne, 1994.
10 C. Habicht, Athènes hellénistique. Histoire de la cité d’Alexandre le grand à Marc Antoine, Paris, Belles Lettres, 2000, p. 86 et 218.
11 Ath. Pol., XLII, 1-2.
12 Plutarque, Vie de Lycurgue, XII, 9-11.
13 Voir les principaux témoignages de Xénophon, Constitution des Lacédémoniens et de Plutarque, Vie de Lycurgue.
14 Connu surtout par le témoignage de Pausanias, III, 14, 6-10 au iie siècle ap. J.-C. Voir N. Richer, La religion des Spartiates. Croyances et cultes dans l’Antiquité, Paris, Belles Lettres, 2012, p. 457-546.
15 Le rite est décrit à l’époque classique par Xénophon, Constitution des Lacédémoniens, II, 9 et connaît à l’époque romaine un caractère plus cruel. Voir N. Richer, La religion des Spartiates, p. 469-471.
16 Sur la cryptie, voir J.-Chr. Couvenhes, « Les kryptoi spartiates », Sparte hellénistique ive-iiie siècles avant notre ère, Actes de la table ronde organisée à Paris les 6 et 7 avril 2012, sous la direction de J. Christien et B. Legras, Dialogues d’Histoire Ancienne, Supplément 11, 2014, p. 45-76, qui confronte les points de vue anthropologiques et « positivistes », et propose une vision moins ritualisée que militarisée d’une cryptie, dont l’origine pourrait, comme l’a suggéré J. Christien, ne pas être antérieure à 369 après la perte de la Messénie par Sparte.
17 N. Richer, La religion des Spartiates, p. 343-456.
18 Vie de Lycurgue, XXIV, 1.
19 Strabon X, 483.
20 La question complexe de la pédérastie en Grèce ancienne déborde le cadre de notre sujet et ne peut être traitée en quelques lignes : pour les principaux jalons historiographiques, voir A. Schnapp, Le chasseur et la cité. Chasse et érotique dans la Grèce ancienne, Paris, Albin Michel, 1997, p. 126-133 (sur Crétois et Spartiates) ; A. Ballabriga, « La pédérastie dans l’Histoire de l’éducation dans l’Antiquité », Que reste-t-il de l’éducation classique ?, [op. cit. n. 1] p. 79-86 ; S. Boehringer et V. Sebillottte Cuchet, « Corps, sexualité et genre », Dialogues d’Histoire Ancienne, Supplément 14, 2015, p. 83-108, particulièrement p. 87-95.
21 Plutarque, Vie de Pélopidas, XVIII, 1-7. Athénée XIII, 78.
22 Xénophon, Constitution des Lacédémoniens, II, 12-14. Plutarque, Vie de Lycurgue, XVII, 1 et XVIII, 8. Le texte est plus explicite dans la Vie d’Agésilas, II, 1-4 puisqu’il est dit qu’Agésilas, roi en 401, reçut l’éducation ordinaire à Lacédémone qui imposait un mode de vie rude et pénible, formait les jeunes à l’obéissance et eut pour éraste Lysandre qui avait été frappé par le bel équilibre de sa nature.
23 Cicéron, Pro L. Flacco, 63.
24 Ainsi le terme d’agôgè n’est utilisé par aucun auteur classique, pas même Xénophon, et n’apparaît pas avant le milieu du iiie siècle av. J.-C. Mais la thèse de N. M. Kennell, The Gymnasium of Virtues : Education and Culture in Ancient Sparta, University of North California, 1995, selon laquelle il y aurait eu deux périodes d’interruption de l’agôgè entre 270-250 et 226 – accompagnée dans cette première phase d’une profonde modification de l’éducation – et lors de la domination de la ligue achaïenne entre 188 et 146, est minimisée par E. Lévy, « Remarques préliminaires sur l’éducation spartiate », Ktèma, 22, 1997, p. 151-160, aucun texte n’imposant l’idée d’une interruption totale de l’agôgè dans le premier cas, tandis que dans le second, l’interruption aurait duré moins de dix ans (de 188 à 183 ou 179). Ainsi, pour E. Lévy, l’éducation cléoménienne ne devait pas se distinguer fondamentalement de l’éducation classique.
25 Xénophon, Constitution des Lacédémoniens, XV, 1-7.
26 Plutarque, Vie d’Agis et de Cléomène, V, 1-7. Sur les inégalités voir aussi III, 1 et XIV, 1.
27 Défaites contre Thèbes à Leuctres en 371, puis à Mantinée en 362 av. J.-C.
28 Plutarque, Vie d’Agis et de Cléomène. Sur l’élargissement du corps civique par l’intégration de nouveaux citoyens et par l’agôgè, voir G. Hoffmann, « Anaplèrosis et agôgè au temps des rois Agis IV (244-241) et Cléomène III (235-222) », Sparte hellénistique ive-iiie siècles avant notre ère, [op. cit. n. 16] p. 111-127.
29 P. Cartledge and A. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta. A Tale of Two Cities, Routledge, London and New-York, 20022, p. 78, 84, 190-211.
30 Ath. Pol., XLII, 2-5. Cf. C. Pélékidis, Histoire de l’éphébie attique. Des origines à 31 av. J-C., Paris, De Boccard, 1962, p. 83-117.
31 Sur ces inscriptions, voir C. Pélékidis, Histoire de l’éphébie attique, p. 119-152.
32 C’est-à-dire des éphèbes de 2e année ayant autorité sur un groupe d’éphèbes, mais C. Pélékidis, Histoire de l’éphébie attique, p. 110 se demande s’ils ne servaient pas comme officiers des soldats mercenaires qui faisaient des patrouilles avec les éphèbes et gardaient les forts de l’Attique.
33 C. Habicht, Athènes hellénistique, p. 41-48.
34 Texte cité par C. Pélékidis, Histoire de l’éphébie attique, p. 13.
35 La première datation a été établie par U. von Wilamowitz-Moellendorf, Aristoteles und Athen, Berlin 1893, p. 193-194. Discussion sur cette date, C. Pélékidis, Histoire de l’ éphébie attique, p. 8-14 et A. Chankowski, L’ éphébie hellénistique. Étude d’une institution civique dans les cités grecques des îles de la Mer Égée et de l’Asie Mineure, De Boccard, Paris, 2010, p. 128-129.
36 Eschine, Sur l’Ambassade, II, 167. Vers 355, Xénophon, dans les Revenus, IV, 52, sans employer le mot éphèbe, parle de ceux qui fréquentent le gymnase, participent aux courses aux flambeaux, tiennent garnisons et patrouillent sur le territoire.
37 Démosthène, Sur les forfaitures de l’ambassade, 303.
38 S’appuyant sur l’étude de L. Burckhardt, Bürger und Soldaten : Aspekte der politischen und militärischen Rolle athenischer Bürger im Kriegswesen des 4. Jahrhunderts v. Chr., Stuttgart, 1996, p. 33-43, c’est le point de vue développé par A. Chankowski, L’éphébie hellénistique, p. 125-127, selon lequel il s’agirait davantage d’un devoir social que d’une obligation légale, l’éphébie constituant le parcours habituel du bon citoyen. Voir aussi le compte rendu de l’ouvrage de L. Burkhardt par A. Chankowski dans Topoi 1997, p. 331-348.
39 M. H. Hansen, La démocratie athénienne à l’époque de Démosthène, Les Belles Lettres, Paris 1993, p. 118 (peut-être dès 403/2). A. Chankowski, L’éphébie hellénistique, p. 140 (à la sortie d’une période de guerre et de révolutions oligarchiques).
40 Thucydide, I, 105 et II, 13. Pour des références bibliographiques sur l’anthropologie des xixe et xxe siècle, voir A. Chankowski, L’éphébie hellénistique, p. 27.
41 P. Vidal-Naquet, Le chasseur noir. Formes de pensée et formes de société dans le monde grec, nouvelle édition revue et augmentée, éditions la découverte, Paris, 1981 : « Le chasseur noir et l’origine de l’éphébie athénienne » [1968], p. 151-174 et notamment p. 173 où il montre que l’éphèbe est un héritier du chasseur noir, un pré-hoplite, un anti-hoplite, tantôt noir, tantôt fille, tantôt chasseur rusé.
42 P. Vidal-Naquet, Le chasseur noir, 1981 : « La tradition de l’hoplite athénien » [1968], p. 125-149 et « Le cru, l’enfant grec et le cuit » [1974], notamment p. 195-196. Voir aussi du même auteur, « Retour au chasseur noir », Mélanges Pierre Lévêque, 2, 1989, p. 387-411.
43 J. Ma, « Black Hunter Variations », Proceedings of the Cambridge Philological Society, 1994, p. 49-80, oppose une interprétation structurale du récit du « chasseur noir » Damon d’après un extrait de la Vie de Cimon de Plutarque (1-2) à un commentaire historique du même passage se concentrant sur les faits et montre les limites des deux approches. Voir aussi A. Chankowski, « L’éphèbie, une institution d’éducation civique », Que reste-t-il de l’éducation classique ?, [op. cit. n. 1] p. 271-279.
44 A. Chankowski, L’éphébie hellénistique, p. 45-142.
45 De même les hèbôntes désignent ceux qui ont dépassé le seuil de la majorité, c’est-à-dire toute la population mâle adulte, A. Chankowski, L’éphébie hellénistique, p. 65.
46 Id., p. 82-99.
47 Les textes d’Harpocration et celui des Anecdota Graeca sont cités et traduits par C. Pélékidis, Histoire de l’éphébie attique, p. 51-53. Voir A. Chankowski, L’éphébie hellénistique, p. 71-82.
48 Id., p. 25-32 et 139-140.
49 C. Pélékidis, Histoire de l’éphébie attique, p. 155-209. Sur les études littéraires et philosophiques, voir p. 266-267. Voir aussi É. Perrin-Saminadayar, « L’éphébie attique, de la crise mithridatique à Hadrien : miroir de la société athénienne », in S. Follet (éd.), L’hellénisme à l’époque romaine : nouveaux documents, nouvelles approches (ier s. a. C. – iiie s. p. C)., Paris, De Boccard 2004, p. 87-103 et notamment p. 99 sur la disparition des professeurs spécialisés de tir à l’arc, de lancer du javelot et de tir à la catapulte en 39/8, et la place laissée à des professeurs plus généralistes, sur le déclin des activités physiques au profit des leçons des philosophes et des rhéteurs.
50 A. Chankowski, L’éphébie hellénistique, p. 143-233.
51 Id., p. 239-249.
52 Id., p. 277-282.
53 C. Pélékidis, Histoire de l’éphébie attique, p. 215-219 ; A. Chankowski, L’éphébie hellénistique, 2010, p. 269-289.
54 Supra, p. 15.
55 A. Chankowski, L’éphébie hellénistique, p. 310-315.
56 C. Pélékidis, Histoire de l’éphébie attique, p. 256 et 273.
57 A. Chankowski, L’éphébie hellénistique, 2010, p. 289-310.
58 Nous citons ici la traduction de J. Oulhen qui fait suite à l’article de P. Debord, « Le culte royal chez les Séleucides », in F. Prost (dir.), L’Orient méditerranéen de la mort d’Alexandre aux campagnes de Pompée, Actes du colloque de la Sophau, Rennes 4-6 avril 2003, Presses universitaires de Rennes, 2003, p. 305-308. Voir aussi J. Ma, Antiochos III et les cités de l’Asie Mineure occidentale, Les Belles Lettres, Paris, 2004, n° 17 et n° 18, p. 351-361.
59 A. Chankowski, L’éphébie hellénistique, p. 298-300.
60 H.-I. Marrou, Histoire de l’éducation dans l’Antiquité. I. Le monde grec, Éd. du Seuil, Paris, 1948, p. 164-166 et p. 170 (citation). Pour une mise en perspective voir Que reste-t-il de l’éducation classique ? Relire « le Marrou », Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, J.-M. Pailler et P. Payen éds, Toulouse, 2004.
61 J. Delorme, Gymnasion. Étude sur les monuments consacrés à l’éducation en Grèce, Paris, De Boccard, 1960, p. 469-474. Son enquête se fonde essentiellement sur les traces archéologiques laissées par les bâtiments. Pour une approche par les textes épigraphiques, voir O. Curty, Gymnasiarchika. Recueil et analyse des inscriptions de l’époque hellénistique en l’honneur des gymnasiarques, Paris, De Boccard, 2013.
62 Ph. Gauthier et M. B. Hatzopoulos, La loi gymnasisarchique de Beroia, ΜΕΛΕΤΗΜΑΤΑ, 16, Athènes, 1993, B, 10-13 et p. 68-72.
63 Bulletin épigraphique de la Revue des Études grecques, 1987 n° 704 et M. B. Hatzopoulos, L’organisation de l’armée macédonienne sous les Antigonides. Problèmes anciens et documents nouveaux, ΜΕΛΕΤΗΜΑΤΑ, 30, Athènes, 2001, p. 138-139. Datée de 24/3 av. J.-C., elle reprend un texte antérieur de l’époque royale.
64 A. Chankowski, L’éphébie hellénistique, p. 319-379.
65 Une étude de l’éphébie à l’époque impériale reste à faire, même si l’ampleur de la documentation est source de difficultés, voir É. Perrin-Saminadayar, art.cit., in L’hellénisme à l’époque romaine, p. 88.
66 C. Pélékidis, Histoire de l’éphébie attique, p. 211-256. Pour l’évolution de l’institution, voir É. Perrin-Saminadayar, art. cit., in L’hellénisme à l’époque romaine, p. 87-103, qui note une mainmise des familles de notables et une certaine privatisation avant un retour aux traditions à partir du règne d’Hadrien.
67 I. Pergamon, I, n° 246. Cf. A. Chankowski, L’éphébie hellénistique, p. 383-432. Sur le texte cité, voir p. 415-416.
68 G. M. Rogers, The Sacred Identidity of Ephesos, Londres – New-York, 1991. Sur les distributions et les bénéficiaires, voir p. 39-79. Citation, p. 67. Le texte est donné dans l’Appendix I, p. 152-185, avec traduction anglaise.
69 G. M. Rogers, The Sacred Identidity of Ephesos, p. 83-86.
70 Id., p. 86-126. Voir aussi A. Chankowski, « Processions et cérémonie d’accueil : une image de la cité de la Basse époque hellénistique ? » Citoyenneté et participation à la Basse époque hellénistique, Actes édités par P. Fröhlich et Chr. Müller, EPHE 35, Genève, Droz, 2005, p. 185-206 et L’éphébie hellénistique, 2010, p. 423-427.
71 Par exemple en Égypte à Léontopolis (SEG 51, 2001, n° 2159, daté de 220 ap. J.-C.) ou en Asie Mineure à Apollonia de Phrygie/Pisidie (Monumenta Asiae Minoris Antiqua, IV, n° 154).
72 Diodore, V, 15, 2. Voir aussi les témoignages de Pausanias X, 4, 1, de Dion Chrysostome, Or. XLVIII, 9 et de Aelius Aristide, Or., XIV, 97 cités par O. Curty, Gymnasiarchika, p. 1-2.
73 Mais néoi et néaniskoi peuvent aussi avoir un sens général englobant les éphèbes et la catégorie d’âge suivante. Voir A. Chankowski, L’éphébie hellénistique, p. 253-265.
74 O. Curty, Gymnasiarchika, n° 24, l. 72-76, dont nous citons la traduction p. 142-143. Pour le décret de Sestos, voir n° 30. Pour d’autres inscriptions gymnasiarchiques où sont nommés les éphèbes, voir n° 5 et 6 (Erétrie), n° 23 (Milet), n° 34 (Pergè), Thémisonion en Phrygie (n° 35), Géla en Sicile (n° 40).
75 Aristote, Politique, VI, 6, 22 (1322b). Ph. Gauthier, « Notes sur le rôle du gymnase dans les cités hellénistiques », in M. Wörrle, P. Zanker (eds), Stadtbild und Bürgerbild im Hellenismus. Kolloquium München, 24.bis 26. Juni 1993, Münich 1995, p. 1-11 [repris dans Ph. Gauthier, Études d’histoire et d’institutions grecques. Choix d’écrits, (D. Rousset éd.), Genève 2011]. Voir notamment p. 7 [p. 544]. C’est aussi l’idée que défend O. Curty, Gymnasiarchika, p. 289 et 317.
76 Revue des Études Anciennes, 62, 1960, p. 298 n. 3.
77 J. Delorme, Gymnasion, p. 442-443 : situé dans les faubourgs à l’époque classique, il est davantage édifié dans les agglomérations au iiie siècle et ne se rencontre que dans les villes au iie siècle av. J.-C.
78 Ph. Gauthier et M. B. Hatzopoulos, La loi gymnasisarchique de Beroia, B 26-30. Voir le commentaire p. 78-87.
79 J. Delorme, Gymnasion, p. 421-425 et figs 61-64 qui montre que la diffusion du type monumental suit les étapes de la diffusion de l’hellénisme. Voir aussi B. Legras, Néotès. Recherches sur les jeunes Grecs dans l’Égypte ptolémaïque et romaine, Genève, Droz, 1999, p. 133-194. L’auteur conclut, p. 270-271, à un accès des Égyptiens au gymnase à l’époque lagide, suivi d’une fermeture à l’époque romaine, le gymnase étant alors réservé aux citoyens des cités grecques et aux habitants grecs des métropoles : sont alors exclus les Égyptiens, les Juifs bien qu’hellénophones et les Grecs des villages. Voir également du même auteur, « Entre grécité et égyptianité : la fonction culturelle de l’éducation grecque dans l’Égypte hellénistique », Que reste-t-il de l’éducation classique ?, [op. cit. n. 1] p. 133-141.
80 L. Jonnes et M. Ricl, « A New Royal Inscription from Phrygia Paroreios : Eumenes II grants Tyraion the Status of a Polis », Epigraphica Anatolica, 29, 1998, p. 1-30 ; Ph. Gauthier, Bulletin épigraphique, 112, 1999, n° 509.
81 II Macchabées, 4, 7-15. Voir E. Will et C. Orrieux, Ioudaïsmos-Hellenismos : essai sur le judaïsme judéen à l’époque hellénistique, Nancy 1986, p. 114-119, notamment p. 117.
82 Voir J. Delorme, Gymnasion, p. 243-250, qui note que le nom du gymnase finit par se confondre avec celui désignant les thermes (balaneion) et p. 459-480 où la disparition du gymnase est liée à celle de la civilisation qui lui a donné naissance. La vision de J. Delorme selon laquelle, au ier siècle av. J.-C., la construction des gymnases aurait faibli est critiquée par O. Curty, Gymnasiarchika, p. 282, qui constate un accroissement du nombre des décrets pour les gymnasiarques dans cette période.
83 A. Chankowski, L’éphébie hellénistique, p. 250-253.
84 E. Pottier et A. Hauvette-Besnault, « Inscription de Téos », Bulletin de correspondance hellénique, 4, 1880, p. 110-121.
85 É. Perrin-Saminadayar, « À chacun son dû. La rémunération des maîtres dans le monde grec classique et hellénistique », Que reste-t-il de l’éducation classique ?, [op. cit. n. 1] p. 307-318 qui remet en cause le regard misérabiliste porté sur les maîtres grecs.
86 Syll.3, 577, l. 55 et 68-78. Traduction J.-M. Bertrand, L’hellénisme 323-31 av. J.-C. Rois, cités et peuples, Armand Colin, Paris, 1992, p. 209-211 (légèrement modifiée).
Auteur
Professeur d’histoire grecque à l’Université de Bourgogne Franche-Comté, membre du Laboratoire ISTA Institut des Sciences et Techniques de l’Antiquité (EA 4011).
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