La didactique des mathématiques : une épistémologie expérimentale ?
p. 23-44
Texte intégral
1. Introduction
1Épistémologie expérimentale, c’est le nom qu’a failli recevoir ce champ de recherche naissant à la fin des années septante, qui deviendra la didactique des mathématiques, une référence tout autant à l’épistémologie historique des mathématiques qu’à l’épistémologie génétique de Piaget. Dans ce texte, nous nous proposons d’explorer cette dimension d’épistémologie expérimentale des principales approches théoriques en didactique des mathématiques, que nous illustrerons de brefs exemples. Puis nous terminerons par un exemple tiré de nos propres travaux sur l’enseignement et l’apprentissage de l’algèbre linéaire. Cette réflexion s’appuie sur notre note de synthèse pour l’habilitation à diriger les recherches (Dorier, 2000b).
2Par l’objet même de son étude, la recherche en didactique des mathématiques présente un caractère expérimental, cependant le travail « de terrain » (observations, expérimentations, analyses de productions d’élèves, etc.) est sous-tendu par un travail préalable important ayant trait à « l’étude du savoir mathématique ». Cette étude est une phase fondamentale pour que le chercheur puisse prendre ses distances par rapport aux enjeux didactiques. Le sens des concepts, les problèmes qui s’y rattachent, la position relative d’un élément de savoir dans un savoir plus large qui l’englobe, mais aussi la variabilité de ces données en fonction des périodes et des institutions, etc. sont autant de questions qui aident à mieux comprendre le fonctionnement d’un système didactique. De plus, le chercheur en didactique ne peut se contenter d’un point de vue interne au système d’enseignement, il analyse le processus complexe qui conduit de la production du savoir dans la communauté mathématique jusqu’à son enseignement, en replaçant l’enjeu de connaissance dans le contexte plus vaste de la constitution des savoirs. C’est en particulier ce qu’exprime Chevallard (1991) quand il nous dit que :
[…] le concept de transposition didactique, par cela seulement qu’il renvoie au passage du savoir savant au savoir enseigné, donc à l’éventuelle, à l’obligatoire, distance qui les sépare, témoigne de ce questionnement nécessaire […] C’est l’un des instruments de la rupture que la didactique doit opérer pour se constituer en son domaine propre ; il est ce par quoi l’entrée du savoir dans la problématique de la didactique passe de la puissance à l’acte (op. cit. p. 15).
3Ainsi une part importante de l’analyse didactique consiste à prendre en compte l’évolution et la constitution historique du savoir mathématique dans la sphère savante et ses rapports avec la constitution du texte du savoir enseigné. En outre, le processus de transposition didactique est complexe, il ne commence pas au moment où l’enseignant prépare son cours, il est au contraire à ce moment-là dans sa phase finale, l’enseignant n’ayant plus que le contrôle de variables locales dans la présentation du texte du savoir. Le chercheur en didactique est donc tenu de remonter aux sources de ce processus, jusqu’à la production du savoir savant, pour « se déprendre de la familiarité de son objet d’étude, et exercer sa vigilance épistémologique » (ibid., p. 15).
4D’ailleurs, la pertinence de la référence à l’histoire du savoir depuis ses origines dans la sphère savante ne se limite pas au travail spécifique d’analyse de la transposition didactique mais touche à la plupart des aspects de la recherche en didactique des mathématiques française. Notre étude repose sur les trois pôles : épistémologie, didactique et histoire des mathématiques. L’épistémologie apparaît comme le terme médiateur qui fait le lien entre le travail historique et le travail didactique :
5Autrement dit, l’épistémologie joue un rôle transversal car elle interagit à la fois avec la didactique et l’histoire des mathématiques. L’épistémologie au sens strict peut apparaître soit comme le nom savant de la philosophie des sciences soit comme l’étude des conditions de production des connaissances scientifiques.
6Bachelard distingue l’histoire et l’épistémologie d’une science :
C’est […] l’effort de rationalité et de construction qui doit retenir l’attention de l’épistémologue. On peut voir ici ce qui distingue le métier d’épistémologue de celui d’historien des sciences. L’historien des sciences doit prendre les idées comme des faits. L’épistémologue doit prendre les faits comme des idées, en les insérant dans un système de pensées. Un fait mal interprété par une époque reste un fait pour l’historien. C’est au gré de l’épistémologue, un obstacle ou une contre-pensée.
[…] L’épistémologue doit donc s’efforcer de saisir les concepts scientifiques dans des synthèses psychologiques effectives, c’est-à-dire dans des synthèses psychologiques progressives, en établissant, à propos de chaque notion, une échelle de concepts, en montrant comment un concept en a produit un autre, s’est lié avec un autre. Alors il aura quelque chance de mesurer une efficacité épistémologique. Aussitôt la pensée scientifique apparaîtra comme une difficulté vaincue, comme un obstacle surmonté (Bachelard 1938, p. 17-18).
7Il ne faudrait pas voir dans le travail de Bachelard une péjoration du travail historique. La distinction qu’il soulève montre au contraire la complémentarité des deux approches et revendique l’importance de la réflexion épistémologique dans le travail historique sans dénigrer l’importance de ce dernier.
8Le sens du terme épistémologie s’est largement étendu depuis plusieurs années. Cette évolution doit beaucoup au développement de domaines tels que l’histoire des sciences ou les sciences cognitives qui entretiennent avec l’épistémologie des rapports étroits. Ainsi le terme d’épistémologie s’est-il appliqué à de nouvelles problématiques, son sens s’est alors élargi. En particulier, il n’est pas rare aujourd’hui qu’épistémologie désigne la théorie des méthodes ou des fondements de la connaissance, ce qui est le sens du terme epistemology en anglais, le terme français de gnoséologie n’étant plus guère usité. L’usage introduit par Piaget dans l’expression « épistémologie génétique » témoigne aussi de cet élargissement d’emploi :
La méthode génétique revient à étudier les connaissances en fonction de leur construction réelle ou psychologique, et à considérer toute connaissance comme relative à un certain niveau du mécanisme de cette construction (Beth et al., 1957, p. 19).
9Du coup, cette épistémologie quitte l’attachement à la philosophie pour se constituer en science humaine et expérimentale. D’avoir donné à l’épistémologie un aspect expérimental n’est pas le moindre mérite de Piaget, et certainement une condition nécessaire à l’existence de la didactique des mathématiques.
10Piaget (1967, p. 6-7) donne deux « définitions » de l’épistémologie :
11i) Étude de la constitution des connaissances valables.
12Le terme « constitution » montre l’idée d’un processus, alors que l’usage du pluriel insiste sur la différenciation disciplinaire et que le terme « valables » révèle une conception normative du savoir.
13ii) Étude du passage des états de moindre connaissance aux états de connaissance plus poussée.
14Cette position induit la dimension de genèse d’une connaissance, et en détermine la nature.
15Ces deux points de vue coïncident si l’on considère que la constitution des connaissances n’est jamais achevée. Or c’est ce qu’expriment Beth et al. (1957) :
Déterminer comment s’accroissent les connaissances implique que l’on considère, par méthode, toute connaissance sous l’angle de son développement dans le temps, c’est-à-dire comme un processus continu dont on ne saurait jamais atteindre ni le commencement premier ni la fin. Toute connaissance, autrement dit, est à envisager comme relative à un certain état antérieur de moindre connaissance, et comme susceptible de continuer elle-même un tel état antérieur par rapport à une connaissance plus poussée (op. cit. p. 18).
16On retrouve l’idée de genèse d’une connaissance qui est très importante dans l’œuvre de Piaget. C’est aussi un point de convergence avec la perspective de Bachelard. Il ne faudrait cependant pas croire que ces deux auteurs ont une perception uniforme et linéaire de la genèse de la connaissance. Au contraire, dans des domaines assez différents, ces deux types de travaux ont permis de dégager des notions liées à l’idée de rupture et d’obstacle, qui mettent en évidence justement le caractère non uniforme et non linéaire de la progression de la connaissance.
17Piaget relie par ailleurs son approche à ce qu’il appelle la méthode historico-critique, proche de l’épistémologie historique de Bachelard. Pour lui :
[…] la méthode complète de l’épistémologie génétique est constituée par une collaboration intime des méthodes historico-critique et psychogénétique, et cela en vertu du principe suivant […] : que la nature d’une réalité vivante n’est révélée ni par ses seuls stades initiaux, ni par ses stades terminaux, mais par le processus même de ses transformations. […] Or, de cette constitution progressive, la méthode psychogénétique fournit seule la connaissance des paliers élémentaires, même si elle n’atteint jamais le premier, tandis que la méthode historico-critique fournit seule la connaissance des paliers, parfois intermédiaires mais en tous cas supérieurs, même si elle n’est jamais en possession du dernier […] (Ibid., p. 23).
18Ainsi Piaget établit-il un lien entre phylogenèse et ontogenèse. Il se garde toutefois de dire que la deuxième serait une réplique de la première à petite échelle, mais il établit plutôt un lien de filiation, comme si l’évolution d’une connaissance chez un individu était constitutive de la genèse globale de cette connaissance. La didactique des mathématiques a repris et dépassé cette idée en combinaison avec d’autres, essentiellement issues de Bachelard.
19Soulignons également que, depuis plusieurs années, l’histoire des mathématiques prend beaucoup plus en compte les dimensions sociales et culturelles, et que le champ de l’éthnomathématique a aussi ouvert de nouvelles approches qui ont permis d’enrichir les approches épistémologiques.
20Nous allons maintenant brièvement montrer comment la dimension épistémologique est prise en compte dans les trois grandes théories de didactique des mathématiques française. Faute de place nous ne développerons pas d’exemples détaillés.
2. Épistémologie et Théorie des Situations Didactiques (TSD)
21L’enseignement vise à recréer dans la classe une genèse des concepts mathématiques que l’élève doit s’approprier. On peut dire que cette genèse est artificielle, dans la mesure où ce n’est pas la genèse historique, elle est aussi expérimentale, parce qu’elle est liée à l’expérience de la classe et de chaque élève.
Certes les contraintes qui gouvernent ces genèses (artificielles) ne sont pas identiques à celles qui ont gouverné la genèse historique, mais cette dernière reste néanmoins, pour le didacticien, un point d’ancrage de l’analyse didactique, sorte de promontoire d’observation, quand il s’agit d’analyser un processus d’enseignement donné ou une base de travail, s’il s’agit d’élaborer une telle genèse (Artigue 1991, p. 244).
22On peut dès lors bien sûr envisager de réorganiser les événements de façon à ne choisir que les étapes essentielles, en raccourcir certaines, en regrouper d’autres, etc. Mais un tel travail comporte aussi le danger d’être exposé à l’arbitraire et au subjectif. Il doit s’intégrer dans une problématique bien définie et s’appuyer sur un cadre d’analyse théorique qui devra englober des outils didactiques.
Pour organiser une genèse expérimentale qui donne un sens convenable à la notion de décimal, il faut faire une étude épistémologique afin de mettre en évidence les formes sous lesquelles le décimal s’est manifesté et leur statut cognitif. […] Il y a un équilibre à trouver entre un enseignement « historique » qui restaurerait une forêt de distinctions et de points de vue périmés dans laquelle se perdrait l’enfant, et un enseignement direct de ce que l’on sait aujourd’hui être une structure unique et générale, sans se soucier d’unifier les conceptions de l’enfant, nécessairement et naturellement différentes. La recherche des conditions d’un tel équilibre est un des grands problèmes qui se pose actuellement à la didactique (Brousseau 1981, p. 48).
23De plus, le contexte de l’enseignement reste une contrainte incontournable qui soulève beaucoup de problèmes d’adaptation. Le problème du temps tout d’abord : comment en effet recréer une genèse de plusieurs décennies (voire siècles) en quelques heures (même sur plusieurs années) ? Le problème des contraintes cognitives ensuite : l’organisation du savoir enseigné ne suit pas dans son ensemble la progression historique du savoir savant, comment alors intégrer le passé mathématique de l’élève au modèle du processus historique ? Plus généralement, les différences en termes sociaux, psychologiques ou institutionnels sont telles que la genèse artificielle à l’œuvre dans la classe ne peut suivre que de très loin la genèse historique. Dans l’analyse de la genèse historique, plus que l’énumération et la fonction de différentes étapes de l’évolution, il importe de pouvoir déterminer les conditions qui ont permis de passer d’une étape à une autre ou au contraire ce qui a pu faire obstacle. La question centrale est : comment s’assurer que le problème posé est bien pertinent par rapport au savoir ? Quelles relations a le problème posé avec la raison d’être de l’objet de savoir, enjeu de l’enseignement ? Quel sens donne-t-il au savoir ? C’est un problème épistémologique pour lequel Brousseau affirme que :
[…] il existe pour tout savoir une famille de situations susceptibles de lui donner un sens correct (par rapport à l’histoire de ce concept, par rapport au contexte social, par rapport à la communauté scientifique). […] Pour toute connaissance, il est possible de construire un jeu formel, communicable sans utiliser cette connaissance, et dont elle détermine pourtant la stratégie optimale (cité par Bessot 2003, p. 16).
24Dans la TSD une situation fondamentale d’une connaissance est une modélisation de cette famille de situations non didactiques spécifiques du savoir visé. Un problème particulier peut donc être envisagé comme découlant d’une situation « fondamentale » : cette situation « fondamentale » est représentée par un ensemble fini de variables didactiques, pertinentes par rapport à la signification du savoir, enjeu d’enseignement. Inversement, en donnant des valeurs à ces variables, on génère des situations particulières donnant au savoir une signification particulière. De fait, la construction des significations des concepts par les élèves se pose en termes d’usage dans des situations. C’est un des points clefs, qui donne tout son sens au terme de situation dans la TSD.
25Par exemple dans le cas de l’apprentissage du nombre, un des points essentiels des premiers apprentissages est que les élèves prennent conscience de l’importance de la notion de quantité d’une collection. Les travaux de Brousseau (voir Margolinas, Wozniak 2013) ont ainsi permis de dégager une première situation fondamentale consistant à créer des collections équipotentes (mettre exactement autant, pas plus, pas moins d’œufs dans une collection de coquetiers). À travers un jeu sur les variables didactiques (proximité ou éloignement du stock d’oeufs, nécessité de tout amener en une fois dans un panier, demande différée dans le temps, commande à autrui, possibilité d’avoir des jetons, un crayon et du papier…) on peut ainsi imaginer une progression commençant par une situation d’action, puis des situations de formulation de plus en plus complexes, permettant aux élèves de construire le sens de l’équipotence à travers la construction de collections intermédiaires. Ce travail s’inspire de pratiques avérées dans l’histoire de l’humanité comme celle du berger qui met un caillou sur un tas chaque fois qu’un mouton sort de l’enclos, et qui en enlèvera un à chaque mouton qui rentre le soir. Ou encore les coches sur des bouts de bois ou d’os datant du paléolithique, qui servaient à garder la mémoire d’une quantité.
26Le type de démarche évoqué ci-dessus montre un rôle que peut jouer l’analyse historique dans la construction d’ingénieries didactiques et dans les choix globaux déterminant les grandes lignes de la genèse expérimentale que l’enseignement vise à produire. À un niveau plus local, l’analyse historique joue également un rôle pertinent dans les diagnostics d’erreurs. En effet, l’histoire fournit des exemples de processus d’évolution des connaissances, dont une analyse épistémologique permet de mettre en évidence les ressorts, les sauts conceptuels, la fonctionnalité, etc. Une confrontation des erreurs des élèves à ces exemples peut permettre d’interpréter ces erreurs de façon plus satisfaisante. En particulier, l’analyse historique peut permettre de distinguer les erreurs de nature épistémologique, des erreurs plus contingentes qui peuvent être de nature cognitive ou didactique.
L’erreur et l’échec n’ont pas le rôle simplifié que l’on veut parfois leur faire jouer. L’erreur n’est pas seulement l’effet de l’ignorance, de l’incertitude, du hasard que l’on croit dans les théories empiriques et behavioristes de l’apprentissage, mais l’effet d’une connaissance antérieure, qui avait son intérêt, ses succès, mais qui maintenant se révèle fausse, ou simplement inadaptée. Les erreurs de ce type ne sont pas erratiques et imprévisibles, elles sont constituées en obstacles. Aussi bien dans le fonctionnement du maître que dans celui de l’élève, l’erreur est constitutive du sens de la connaissance acquise (Brousseau 1983, p. 171).
27En s’inspirant de Bachelard, les chercheurs en didactique des mathématiques vont importer dans leur domaine la notion d’obstacle épistémologique. Bachelard introduit ainsi cette notion :
Quand on cherche les conditions psychologiques des progrès de la science, on arrive bientôt à cette conviction que c’est en termes d’obstacles qu’il faut poser le problème de la connaissance scientifique. Et il ne s’agit pas de considérer des obstacles externes comme la complexité et la fugacité des phénomènes, ni d’incriminer la faiblesse des sens de l’esprit humain : c’est dans l’acte de connaître, intimement, qu’apparaissent par une sorte de nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des troubles. C’est là que nous montrerons des causes de stagnation et même de régression, c’est là que nous décèlerons des causes d’inertie que nous appellerons des obstacles épistémologiques. […] En revenant sur un passé d’erreurs, on trouve la vérité en un véritable repentir intellectuel. En fait, on connaît contre une connaissance antérieure en détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l’esprit même, fait obstacle à la spiritualisation (Bachelard 1938, p. 13).
28Bachelard avait a priori écarté les mathématiques de son propos, pour lui « en fait, l’histoire des mathématiques est une merveille de régularité. Elle connaît des périodes d’arrêt. Elle ne connaît pas des périodes d’erreurs. » (Ibid., p. 22). Néanmoins la notion d’obstacle a été beaucoup étudiée en didactique des mathématiques (voir entre autres, (CIRADE 1989) et (Perrin-Glorian 1993)). Il nous semble cependant qu’il y a un danger à trop la banaliser. En effet, dans une polémique qui l’a opposé à Glaeser à propos de l’enseignement des décimaux, Brousseau avait exprimé des exigences très fortes quant à la consistance de l’analyse historique pour qu’elle puisse aider de façon pertinente à la mise en place d’un dispositif didactique en termes d’obstacles épistémologiques :
Se posait-on ces problèmes ? Comment les résolvait-on ? Ou croyait-on pouvoir les résoudre ? Est-ce que ce qui nous apparait aujourd’hui comme une difficulté était perçu de la même façon à l’époque ? Pourquoi cet « état de connaissances » paraissait-il suffisant, sur quel ensemble de questions était-il stable ? Pourquoi les tentatives de le modifier ou plutôt de le renouveler étaient-elles vouées à l’échec à ce moment-là ? Peut-être jusqu’à ce que de nouvelles conditions apparaissent et qu’un travail « latéral » soit accompli, mais lequel ? Ces questions sont nécessaires pour entrer dans l’intimité de la construction des connaissances […] (Brousseau 1983, p. 190-191).
29Ces exigences montrent la difficulté d’analyse liée à la détermination d’un obstacle épistémologique. Du point de vue de l’histoire, la notion d’erreur ou seulement de difficulté est très problématique, les questions précédentes nous y renvoient. Dans ce contexte, le parallèle avec la situation d’enseignement doit être suffisamment contrôlé. De plus, il nous semble difficile (voire dangereux) de faire jouer à l’exemple de la genèse historique un caractère trop prédictif. Cela suppose au moins une analyse comparée très minutieuse des conditions et des contraintes du contexte historique et du contexte didactique visé. Une analyse didactique qui se donnerait la recherche d’obstacles épistémologiques comme but essentiel doit prendre en compte au moins l’ensemble des questions énoncées par Brousseau, pour ne pas risquer d’introduire un biais dans l’analyse historique. Autrement dit, la notion d’obstacle épistémologique présuppose une réflexion épistémologique fine qui repose sur une analyse historique particulièrement dense.
3. Épistémologie et théorie des champs conceptuels
30Il est moins courant de penser au travail de Vergnaud (1990) quand on parle d’épistémologie en didactique des mathématiques. Pourtant cette approche vient directement de l’épistémologie génétique et elle comprend de fait une dimension épistémologique forte, que nous voudrions illustrer ici de façon succincte à l’aide d’un exemple tiré de la classification des problèmes additifs, que Vergnaud a réalisée dans les années 80. Nous nous appuierons sur un texte récent qui reprend ce travail (Vergnaud 2009).
31Dans son approche, Vergnaud met en évidence l’importance pour la signification d’un concept mathématique de la classe des problèmes dans lesquels il prend ses différents sens. Pour le champ conceptuel de l’addition, c’est sur cette base qu’il a réalisé une classification des problèmes additifs, c’est-à-dire des problèmes qui nécessitent pour être résolus d’utiliser une addition ou une soustraction. Alors que du point de vue mathématique un problème additif revient toujours soit à un calcul direct a + b ou a – b soit à résoudre une équation du type a + x = b, Vergnaud montre que du point de vue des représentations et des schèmes d’action c’est plus complexe. Il met ainsi en évidence une classification des problèmes additifs qui repose sur une analyse épistémologique de la nature du problème plus fine que ce que les outils classiques de mathématiques peuvent offrir, mais qui montre bien la nature mathématique profonde des problèmes. Ce travail a été d’une grande importance pour apporter des explications alternatives de celles des psychologues ou des linguistes aux difficultés des élèves. Sans rentrer dans les détails, je voudrais illustrer cette idée en comparant les trois problèmes suivants :
- Pierre avait 7 billes. Il en gagne 5. Combien en a-t-il maintenant ?
- Robert vient de perdre 5 billes ; il en a maintenant 7. Combien en avait-il avant de jouer ?
- Thierry vient de jouer deux parties de billes. A la seconde, il a perdu 7 billes, il fait ses comptes et s’aperçoit qu’en tout il a gagné 5 billes. Que s’est-il passé à la première partie ?
32Dans la résolution de ces trois problèmes, la réponse s’obtient in fine par l’addition 7 + 5 = 12. Pourtant il est facile de voir, ce qui est confirmé par les expérimentations, que :
- le premier est très simple (réussi par la quasi totalité des élèves de fin de première année primaire), il s’agit d’un modèle état – transformation – état, et comme la transformation est positive c’est presque aussi simple que le cas le plus élémentaire partie – partie – tout.
- le deuxième est un peu plus complexe et n’est généralement réussi qu’en fin de deuxième ou troisième année primaire. La recherche de l’état initial (connaissant la transformation et l’état final) nécessite la construction d’un théorème-en-acte pour inverser la transformation.
- le troisième est beaucoup plus complexe et souvent n’est pas réussi par des élèves en fin de primaire. On pourrait croire que la difficulté principale vienne de la complexité de l’énoncé et donc soit avant tout de nature linguistique.
33Pourtant si l’on considère le problème suivant :
3b. Thierry vient de jouer deux parties de billes. À la seconde, il a gagné 5 billes, il fait ses comptes et s’aperçoit qu’en tout il a gagné 7 billes. Que s’est-il passé à la première partie ?
34Il présente exactement les mêmes caractéristiques langagières, mais sera beaucoup plus facilement réussi. En effet, le fait qu’on l’on mette en rapport un gain partiel moindre qu’un gain total, permet de se ramener à un problème de partie – partie – tout ou l’on cherche une des parties.
35De même avec le problème :
3c. Thierry vient de jouer deux parties de billes. A la seconde, il a perdu 5 billes, il fait ses comptes et s’aperçoit qu’en tout il a perdu 7 billes. Que s’est-il passé à la première partie ?
36Il suffit de raisonner sur des pertes au lieu des gains.
37Le problème 3d est un peu plus complexe que les deux précédents sans atteindre le niveau de difficulté du 3.
3d. Thierry vient de jouer deux parties de billes. À la seconde, il a gagné 7 billes, il fait ses comptes et s’aperçoit qu’en tout il a gagné 5 billes. Que s’est-il passé à la première partie ?
38On peut en effet le ramener à la recherche d’une transformation quand on passe de l’état 7 billes à l’état 5 billes.
39Par contre le problème 3e. est aussi complexe que le 3.
3e. Thierry vient de jouer deux parties de billes. A la seconde, il a gagné 7 billes, il fait ses comptes et s’aperçoit qu’en tout il a perdu 5 billes. Que s’est-il passé à la première partie ?
40Ici on ne peut pas se ramener à un des deux cas précédents, car on a mis en rapport une perte et un gain. Il est nécessaire de penser en termes de composition de transformations. Ce problème est de fait un bon problème d’entrée dans la compréhension des opérations avec les nombres négatifs.
41Ainsi on voit bien que la classification des problèmes additifs par Vergnaud repose sur une analyse épistémologique où la signification mathématique que le sujet peut donner au problème détermine le niveau de difficulté. La dimension cognitive est bien ici spécifique des mathématiques en jeu et pas seulement de marqueurs linguistiques ou culturels.
4. Épistémologie et Théorie Anthropologique du Didactique (TAD)
42Dans l’introduction nous avons clairement montré la dimension épistémologique de la transposition didactique, qui est à l’origine de la TAD. En fait, dès la deuxième édition de la Transposition Didactique, Chevallard (1991) positionne très clairement son programme de recherche par rapport à l’épistémologie. C’est ce que nous allons rappeler brièvement ici sans analyser les développements les plus récents de la TAD, ce qui nous entrainerait trop loin.
43Dans la postface à la deuxième édition de la Transposition Didactique, Chevallard s’interroge sur la place de la didactique, et propose de la situer dans le champ de l’anthropologie (l’étude de l’Homme). Très schématiquement, son point de vue est le suivant. Il distingue savoir et connaissance :
Une certaine connaissance, c’est-à-dire une certaine qualité du rapport à un objet, se donne à voir. Au lieu qu’un savoir est toujours supposé, il se présente à nous par ses emblèmes (sa dénomination, etc.), et nous le rencontrons comme présent in absentia, comme une potentialité - ou un manque, quand nous voulons « l’apprendre » (op. cit. p. 209).
44Il parle alors de la didactique de la connaissance, ou didactique cognitive. Or celle-ci ne saurait être incluse dans la seule anthropologie cognitive, il y manque encore la composante relative à l’intention didactique, c’est pourquoi l’auteur introduit le terme d’anthropologie didactique de la connaissance. Par ailleurs, comme il a associé l’adjectif cognitif au terme de connaissance, il associe l’adjectif épistémologique au terme de savoir1, il identifie ainsi l’anthropologie des savoirs à l’anthropologie épistémologique et finalement à l’épistémologie. Ce jeu sur les mots est pour lui le moyen de montrer non seulement les liens entre la didactique et l’épistémologie, mais aussi l’apport de l’approche de la didactique, dans sa dimension anthropologique, pour l’épistémologie :
Il est assez clair maintenant que l’épistémologie telle qu’elle existe s’est donnée jusqu’ici avec passion à l’étude quasi exclusive de la production des savoirs et à l’étude de leurs producteurs ; et qu’elle a négligé et leur utilisation, et leur enseignement. Or ceux-ci ne peuvent être écartés d’une étude anthropologique des savoirs (Ibid., p. 211).
45Ce vocabulaire étant mis en place, l’auteur est prêt à nous fournir la clé de sa définition de la didactique, définition qui la situe dans le champ de l’anthropologie :
Au croisement de l’anthropologie des savoirs et de l’anthropologie didactique de la connaissance, il y a l’anthropologie didactique des savoirs, dont l’objet est la manipulation des savoirs dans une intention didactique, et en particulier l’enseignement des savoirs. Là aussi, écourtons. De même qu’on a parlé de didactique de la connaissance (ou didactique cognitive), parlons, pour faire bref, de didactique des savoirs. Celle-ci est donc à la fois une division de l’anthropologie des savoirs ou épistémologie (en notre sens) et de la didactique cognitive. C’est exactement elle que je nommerais désormais -nouveau raccourci didactique, sans plus (Ibid., p. 211).
46Cette approche par les définitions qui part du principe que la didactique est une partie de l’anthropologie est complétée par Chevallard, qui précise, plus loin, le rôle primordial que joue la sphère de production dans la légitimité épistémologique des choix d’enseignement :
Une des plus fortes leçons qu’ait procurée la didactique […] c’est que l’enseignement d’un savoir, plus largement sa manipulation didactique en général, ne peuvent, en bien des aspects, se comprendre si l’on ignore et ses utilisations et sa production […] (Ibid., p. 211-212).
Dans le cas d’un savoir savant, en effet, la sphère de la production en vient à assumer, par le biais notamment de l’École et de la transposition didactique, un rôle bien plus large que celui de production stricto sensu.[…] La sphère de la recherche en un savoir savant est un belvédère d’où peuvent s’observer, et où finissent toujours par trouver quelque écho, les mouvements affectant le monde complexe et naturellement opaque des pratiques de ce savoir. Tout tend à monter vers elle, parce que tout tend à rechercher l’investiture épistémologique et culturelle du savoir savant qui y est produit (Ibid., p. 233).
47Dans ce sens, les outils qu’offre la TAD peuvent inspirer le travail historique en renforçant d’une part l’importance de l’étude des lieux de transmission et plus globalement les dimension sociales et culturelles de la production scientifique, dont on a déjà dit plus haut qu’elles étaient de plus en plus présentes dans les recherches actuelles.
5. L’exemple de nos recherches sur l’enseignement et l’apprentissage de l’algèbre linéaire
5.1. Premiers questionnements
48Dans cette partie nous nous référons à une partie de nos propres travaux sur l’enseignement et l’apprentissage de l’algèbre linaire, menés entre la fin des années 80 et le début des années 2000. Nous donnerons au fil du texte les références les plus directement en lien avec les quelques aspects que nous allons aborder, mais le lecteur intéressé trouvera d’autres aspects dans les trois ouvrages de références (Dorier 1997, 2000a et b). De nos premières analyses des tâches proposées aux étudiants tout au long de l’enseignement d’algèbre linéaire en première année d’université scientifique (Dorier 1991, p. 336- 342), il ressort une dichotomie très nette entre le début et la fin de l’enseignement. En particulier, les tâches proposées aux étudiants en début d’enseignement nécessitent la manipulation de concepts formels dans un cadre souvent abstrait. Or, nous avons relevé de nombreuses difficultés des étudiants débouchant sur des pertes de sens et des incompréhensions très fortes.
49Par ailleurs, nos analyses montrent qu’au contraire la fin de l’enseignement, en particulier au niveau des exercices et des problèmes proposés, y compris lors de l’évaluation, se limitent assez rapidement à des tâches de type algorithmique essentiellement menées dans le cadre matriciel et centrées sur la notion de valeur propre et la réduction des endomorphismes. Dans cette deuxième phase, les étudiants réussissent mieux et ont moins la sensation d’être submergés.
50Il en ressort une contradiction forte puisque de nombreux étudiants s’avèrent pouvoir trouver la forme réduite d’un opérateur linéaire, mais gardent des incompréhensions profondes sur des notions telles que la somme (directe) de sous-espaces, voire la notion de générateurs ou même d’indépendance linéaire, qui sont pourtant des concepts clés dans les fondements théoriques des techniques de réduction des endomorphismes.
51Si l’on se réfère au travail de Chevallard (1991, p. 67-68) cette algorithmisation est une réponse classique quand l’objet d’enseignement apparaît comme trop nouveau. En effet, la transposition didactique doit obéir à certaines règles d’organisation spatio-temporelle des savoirs dans les différents cycles d’enseignement (contraintes de topogenèse). Ainsi un nouveau savoir à enseigner doit pouvoir s’articuler avec d’anciens objets de savoir enseignés qu’il doit lui-même dépasser, « l’objet d’enseignement réalise un “équilibre” contradictoire entre passé et avenir : il est un objet transactionnel entre passé et avenir. » (Ibid., p. 67). Ainsi, selon Chevallard, si l’échec de l’enseignement est attribué à une trop grande nouveauté de l’objet d’enseignement celui-ci est dénaturé avant que le taux d’échecs ne passe un seuil critique non acceptable. Or, les étudiants reprochent à l’enseignement d’algèbre linéaire d’être trop formel et abstrait, de les submerger de nouvelles définitions et d’être déconnecté de leurs connaissances antérieures. L’algorithmisation est alors un moyen de négocier à la baisse le conflit en permettant de diminuer l’aspect de nouveauté (et d’éviter du même coup la difficulté conceptuelle). Les enseignants se rattachent, via l’algorithme, à un cadre connu : la résolution de systèmes d’équations linéaires dans le cas des espaces vectoriels.
52Par ailleurs, les tâches où l’algèbre linéaire peut être utilisée pour modéliser une situation mathématique dans un cadre externe (géométrie, polynômes, fonctions, etc.) sont globalement peu nombreuses dans l’enseignement. De plus, dans les quelques cas observés, les analyses montrent que les étudiants n’appliquent les outils de la théorie des espaces vectoriels que par effet de contrat (on applique ce qu’on est en train d’apprendre) sans comprendre vraiment l’intérêt que cela représente. On trouvera dans (Dorier 1992, p. 1-3), l’analyse d’un cas flagrant de ce type de comportement, qui met en évidence l’utilisation de l’algorithme de résolution des systèmes d’équations linéaires comme attachement nécessaire à un savoir passé pour contourner la difficulté liée à la nouveauté.
53Ces différents constats ont en commun de montrer que l’enseignement de la théorie des espaces vectoriels ne se détermine pas assez aux yeux des étudiants en termes de fonctionnalité dans l’édifice de leurs connaissances mathématiques. A quoi ça sert ? Pourquoi tant de mots et de notions nouveaux ? Par exemple, se poser la question de savoir si toutes les bases d’un sous-espace ont même cardinal apparaît en général incongrue à un étudiant de début d’université. D’ailleurs, la réponse affirmative ne pourra que renforcer cette impression de complications inutiles. En outre, quasiment tous les problèmes linéaires – qui ne sont pas des applications directes du cours – et que l’on peut aborder avec les étudiants à ce niveau d’enseignement peuvent être résolus en termes d’équations linéaires sans toute la « batterie » des espaces vectoriels qui paraît bien lourde pour l’usage qu’on en fait. Ainsi une question essentielle s’impose : devrait-on repousser l’enseignement de la théorie des espaces vectoriels et attendre qu’on en ait vraiment besoin ? Ou bien doit-on la conserver au programme de première année d’université, ne serait-ce que pour ses vertus esthétiques et parce qu’elle permet de court-circuiter d’horribles calculs de résolution de systèmes d’équations ? N’y a-t-il pas enfin de moyen terme qui permette de satisfaire l’intérêt que les mathématiciens portent à cette théorie sans rebuter les néophytes ? Peut-on alors mieux rendre compte de la nature épistémologique de la théorie des espaces vectoriels ?
54C’est cette réflexion qui a guidé, de façon récurrente, notre recherche depuis le début. Pour tenter d’y répondre, il fallait se plonger dans le passé de cette théorie, avant qu’elle ne devienne cet édifice exemplaire de la sobriété bourbakiste.
5.2. Synthèse de l’histoire récente des espaces vectoriels
55C’est d’abord dans ce but que nous avons entrepris nos premières analyses historiques. La première surprise fut de découvrir que la théorie des espaces vectoriels était très récente. Même si les premières tentatives d’axiomatisation datent de la fin du 19e siècle, la suprématie de la théorie des espaces vectoriels ne s’amorce qu’à partir de 1930 (Dorier 1992 ou 2000a, 1e partie). Pendant plus de 40 ans, les démarches analytiques (essentiellement basées sur la théorie des déterminants) ont prévalu, y compris pour des dimensions infinies non dénombrables. Par conséquent, l’histoire atteste que tous les problèmes linéaires abordables au niveau de la première année d’université (et même au-delà) peuvent être (et ont été pendant longtemps) résolus avec des techniques que les étudiants possèdent déjà – au moins en partie. Ainsi aucun de ces problèmes ne peut réellement motiver – justifier – l’introduction d’une théorie axiomatique, aussi coûteuse en termes cognitifs. L’analyse historique montre bien d’ailleurs les résistances que les mathématiciens ont eu à utiliser l’approche axiomatique dans l’étude des équations fonctionnelles. Ils ont préféré en grande majorité, au moins jusqu’au travail de Banach en 1932, résoudre des systèmes infinis d’équations linéaires, parce que les outils à l’œuvre étaient connus et bien rodés. L’analyse des raisons qui ont conduit à l’adoption tardive du point de vue axiomatique met en évidence plusieurs facteurs concomitants, que nous présentons ci-dessous de façon succincte (pour plus de détails et les références des textes historiques voir Dorier 1996).
- À la fin du 19e siècle, les notations vectorielles s’imposent en physique. Après une période de conflit entre les défenseurs des quaternions d’Hamilton et les partisans des concepts de la théorie de Grassmann (en particulier autour des formules de Maxwell pour lesquelles une notation synthétique s’imposait), un consensus s’établit autour de notations vectorielles stables que physiciens et mathématiciens s’attachent à dégager (Reich 1996). Le travail de Burali-Forti et Marcolongo (1909) pour unifier les notations vectorielles et diffuser leur usage est caractéristique de cette tendance. De plus, les travaux de ces deux Italiens (l’un étant mathématicien l’autre physicien), mais aussi ceux de Weyl (1918) par exemple, ont permis de diffuser les premières approches de la géométrie basée sur une axiomatisation en termes d’espace affine euclidien.
- Au début du 20e siècle, les travaux d’algèbre – essentiellement en Allemagne – conduisent à dégager l’importance des structures algébriques définies axiomatiquement. La structure d’espace vectoriel n’apparaît d’abord pas en tant que telle, alors que les concepts fondamentaux de l’algèbre linéaire sont étudiés à propos des extensions de corps. La première publication en 1930-31 de la Moderne Algebra de van der Waerden marque le tournant décisif dans l’organisation de la nouvelle algèbre. Dès la deuxième édition, la théorie des espaces vectoriels s’intègre dans un chapitre traitant des modules sur un anneau.
- En analyse fonctionnelle (dénomination récente), les mathématiciens de la fin du 19e siècle ont d’abord généralisé la théorie des déterminants à la dimension infinie. Puis, les tentatives de généralisation de la résolution de l’équation de Fredholm ont conduit à introduire de nouveaux ensembles de fonctions et ainsi à dégager peu à peu le concept d’espace fonctionnel. Cette abstraction a d’abord porté essentiellement sur les propriétés métriques, puis l’introduction du langage géométrique, liée à l’importance des notions métriques (distance, norme) et de dualité (orthogonalité), a mis en avant l’intérêt d’une approche synthétique des espaces fonctionnels. C’est une des raisons essentielles qui a conduit à l’explicitation de la structure algébrique de ces espaces. Banach avec son traité de 1932 a finalement imposé l’approche axiomatique. Dans l’introduction de ce livre, l’auteur justifie l’intérêt de l’approche adoptée par le gain que son aspect unificateur apporte : établir des théorèmes dans un cadre général, puis les spécifier pour chaque ensemble de fonctions vérifiant les quelques axiomes posés au départ. Par ailleurs, Banach résout des problèmes nouveaux qui n’auraient pu être abordés dans le cadre analytique.
- L’importance des espaces de Hilbert, en analyse fonctionnelle, mais aussi en physique quantique, a conduit à l’élaboration de la théorie axiomatique des espaces vectoriels euclidiens et hermitiens. Ce sont avant tout les espaces de dimension infinie qui sont visés, mais du même coup, les mathématiciens prennent l’habitude d’aborder la dimension finie avec le point de vue axiomatique.
5.3. Notre lecture épistémologique : le caractère unificateur et généralisateur de la théorie des espaces vectoriels
56On voit donc que l’approche axiomatique ne s’est pas imposée essentiellement parce qu’elle a permis d’aborder et de résoudre de nouveaux problèmes ; même si c’était déjà le cas pour Banach, ce fait a plutôt été un effet du développement de l’approche axiomatique qu’une des causes de celui-ci. L’approche axiomatique, qui existait potentiellement depuis l’appendice du texte que Peano a publié en 1888 suite à sa lecture de Grassmann, est restée pendant quarante ans à l’état de tentatives individuelles de « modernisation » avortée. Elle impliquait une refonte profonde des pratiques de recherche, remettant en cause la façon d’aborder les problèmes qu’elle se proposait de résoudre. De plus, son adoption nécessitait un investissement « gratuit » dans un système de pensée, dont on ne pouvait recueillir les fruits que de façon différée. De fait, beaucoup ont préféré continuer à généraliser les outils à l’œuvre depuis des décennies. En effet, même si certaines généralisations devenaient très techniques, l’usage d’outils bien connus permettait une prise directe sur la réalité du problème à résoudre qu’une théorie axiomatique nouvelle interdisait. Dans le début des années trente, la situation a évolué plus favorablement. L’approche synthétique par le calcul vectoriel du monde géométrique a montré ses avantages par rapport à la méthode analytique héritée de Descartes. L’introduction du langage géométrique en analyse fonctionnelle déplace ce débat en dimension infinie favorisant ainsi l’abandon de la représentation analytique pour une approche traitant la fonction comme un objet indépendant de ses représentations. Ce moment de l’évolution des problèmes linéaires est essentiel pour la question qui nous occupe. En effet, autour de l’équation de Fredholm convergent au début du 20e siècle les approches issues de trois des origines essentielles de l’algèbre linéaire : géométrique, analytique (résolution des équations), et fonctionnelle. De plus, la théorie des déterminants généralisée, enrichie d’outils topologiques de plus en plus sophistiqués, a permis de résoudre l’équation de Fredholm dans des cas de plus en plus complexes, mais les limites se font sentir. Par exemple des liens apparaissent entre les opérateurs fonctionnels et les formes quadratiques sans qu’on puisse vraiment faire ressortir de traits communs. Dans ce contexte, l’approche axiomatique va pouvoir enfin s’imposer parce qu’elle permet d’unifier divers problèmes aux origines variées dont les ressemblances commencent à apparaître et parce qu’elle permet aussi de combler les manques dans le processus de généralisation. De plus, l’analogie géométrique, à présent possible au delà de la dimension trois jusqu’à des dimensions infinies, donne à cette théorie abstraite le support intuitif qui lui manquait jusqu’alors. L’algèbre moderne va alors fournir le cadre nécessaire pour que l’axiomatisation accède du rang d’outil à celui d’objet (Douady 1986) et se fonde en une véritable théorie dont le pouvoir unificateur ne cessera de s’étendre, alors que les nouvelles applications permettront de continuer le développement de l’outil.
57Ainsi l’analyse historique montre la complexité épistémologique liée à l’adoption de la théorie axiomatique des espaces vectoriels comme cadre de référence pour le traitement des problèmes linéaire. Le résumé que nous en avons fait ci-dessus permet de se faire une idée de ce que nous appellerons, en reprenant une dénomination de Robert (1986), les caractères unificateur, généralisateur, simplificateur et formalisateur de cette théorie. La simplification est un effet différé qui suppose une bonne connaissance de la théorie. Le formalisme est, quant à lui, intrinsèque à la théorie même et apparaît comme une condition nécessaire des aspects unificateur et généralisateur. Pour englober des situations aussi variées sous une même théorie, il est nécessaire d’atteindre un degré d’abstraction qui ne peut s’exprimer qu’en des termes formels où les objets ne sont définis qu’en fonction d’un petit nombre de propriétés communes, les dépouillant de leurs caractères spécifiques pour ne garder que ce qui les réunit, leurs propriétés linéaires précisément. Les conditions décrites ci-dessus laissent entrevoir la difficulté didactique. Comment rendre compte de cette dimension épistémologique de l’algèbre linéaire dans son enseignement ?
5.4. Conséquences didactiques
58La théorie des situations de Brousseau (1986) et la dialectique outil/objet de Douady (1986) ont en commun de déboucher sur une situation didactique faisant apparaître l’objet d’enseignement comme un outil efficace pour résoudre un problème accessible aux étudiants.
59Au premier abord, les caractères unificateur et généralisateur de la théorie des espaces vectoriels ne s’adaptent pas facilement à ce type d’approche. Comment en effet montrer sur un seul problème, voire même plusieurs, l’intérêt d’une telle théorie qui est justement de permettre d’en unifier plusieurs en favorisant des généralisations ? Cette difficulté a été examinée dès le début de nos recherches, dans la lignée des travaux de Robert et Robinet et en rapport avec les difficultés didactiques que nous évoquions au §1 de ce chapitre. Nous avons d’abord expérimenté différentes ingénieries (basées sur les carrés magiques, ou les suites de Fibonacci (Dorier 1995, p. 178-179)). L’analyse a posteriori de nos expérimentations a montré que ces ingénieries ne répondaient pas à nos attentes. Nous avons donc cherché de nouvelles possibilités en nous basant sur l’analyse épistémologique, que nous avons été amené à affiner.
60C’est dans ce processus dialectique de la réflexion épistémologique entre analyse historique et analyse didactique, que s’est constituée notre approche basée sur la notion de levier méta. Cette notion avait été introduite par Robert et Robinet (1993 et 1996), nous l’avons précisée dans le cadre spécifique de notre approche. Le mot levier se rapporte à l’idée d’introduire à un moment bien choisi de l’apprentissage un élément permettant aux étudiants de mieux comprendre la nature épistémologique de l’algèbre linéaire. Le préfixe substantivé méta signifie que ce levier favorise une réflexion sur l’activité mathématique propre.
61La seule résolution d’un ou même de plusieurs problèmes mathématiques ne permettant de faire comprendre à elle seule les caractères unificateur et généralisateur de la théorie des espaces vectoriels, nous avons construit des situations faisant intervenir, en liaison avec un problème mathématique, un élément provoquant chez les étudiants une réflexion sur un aspect du problème ou de sa résolution (c’est cet élément qui constitue le levier méta). L’interaction du problème mathématique et du levier méta vise à déclencher, dans un contexte que l’élève s’est approprié, une réflexion sur l’apport de la théorie des espaces vectoriels en termes d’unification, de généralisation et de simplification. Autrement dit, ce type d’activité de niveau méta vise à faire faire un pas de côté pour que les étudiants s’interrogent sur la fonctionnalité d’une théorie qui a des caractéristiques épistémologiques nouvelles par rapport à ce qu’ils connaissent déjà en mathématiques. Nous avons déjà expliqué comment ce type d’activité s’est imposé à nous en interaction avec nos recherches historiques. Cette interaction est d’autant plus utile pour la construction de ces activités. Il ne s’agit pourtant pas ici seulement d’introduire un discours de l’enseignant présentant les grandes lignes du développement historique aux étudiants. Croire que ce seul fait aurait pour effet de faire comprendre aux étudiants la nature de l’algèbre linéaire relève de la même illusion que celle qui consiste à croire qu’il suffit de faire de belles mathématiques devant un public assidu pour que celui-ci atteigne le même niveau de compétence par simple osmose. Il est essentiel au contraire que la réflexion méta s’articule sur un contexte mathématique précis, que l’étudiant a pu s’approprier dans un premier temps de l’activité et qu’il pourra réutiliser. Une réflexion trop générale guidée par un discours de l’enseignant ne pourrait avoir un effet aussi durable et un impact aussi fort, l’étudiant doit pouvoir mener sa propre réflexion à un niveau qui lui est accessible. Il s’agit bien de créer, en interaction avec un problème mathématique, les conditions favorables à la dévolution aux étudiants d’une réflexion méta sur la nature épistémologique de l’algèbre linéaire, qui s’appliquera à la résolution de ce problème. Un discours de l’enseignant peut venir en support à une telle activité, mais celle-ci doit avant tout engager les étudiants dans un chemin personnel s’appuyant sur des pratiques précises de mathématiques.
62Nos recherches ont permis de mettre au point un certain nombre de séquences (Dorier 1991, 1992 et 1997, [II-4]) qui s’insèrent dans le projet long expérimenté pendant plusieurs années à Lille (Rogalski 1991, 1994 et 1995 et Dorier 1997, [II-3]). Du point de vue de la méthodologie didactique, une difficulté essentielle consiste à évaluer les effets de telles séquences. En effet, ceux-ci ne peuvent être que différés ; de plus, il est très difficile de recueillir des indices de la réflexion méta des étudiants. Quant aux effets que ce type de réflexion peut avoir sur l’apprentissage du contenu mathématique, il est difficile (voire impossible) d’en discerner la source tant l’utilisation du levier méta s’insère dans un processus plus complexe où d’autres causes pourraient tout aussi bien produire les mêmes effets. Par sa nature même le levier méta n’a d’ailleurs jamais vocation d’être le seul élément visant à produire un certain apprentissage. De plus, l’utilisation du levier méta ne relève pas d’une micro ingénierie, c’est une composante récurrente d’un dispositif complexe qui porte sur un enseignement à long terme englobant d’autres éléments avec lesquels elle rentre en interaction. Les difficultés méthodologiques spécifiques aux projets longs ont été étudiées dans (Robert 1992) et (Dorier et al., 1994 a et b).
63Faute de place nous ne pouvons développer plus avant les dimensions épistémologiques de nos travaux sur l’enseignement et l’apprentissage de l’algèbre linéaire. Citons ici la question des liens entre l’algèbre linéaire et la géométrie, que nous avions abordée dans notre note de synthèse (Dorier 2000) et qui a fait l’objet d’une thèse (Gueudet 2004) et une réflexion spécifique autour des concepts de rang et de (in) dépendance linéaire.
6. Conclusions
64Notre analyse succincte des dimensions épistémologiques des trois principaux cadres théoriques de la didactique des mathématiques françaises et une rapide incursion dans nos propres travaux ont été pour nous l’occasion de réaffirmer l’importance de l’analyse historique dans la recherche en didactique des mathématiques et de montrer que son rôle est non seulement pertinent mais aussi opérationnel. Dans ce sens, deux principes complémentaires nous semblent fondamentaux :
- tout d’abord, l’analyse historique doit être indépendante, doit satisfaire des exigences propres au champ de l’histoire des mathématiques ;
- d’autre part, le questionnement épistémologique quand il s’insère dans une recherche en éducation doit avoir une origine et une finalité didactiques. Ce qui ne veut pas dire que l’ontogenèse pourrait se rabattre sur la phylogenèse, mais bien que la démarche épistémologique à l’œuvre dans un projet qui touche à l’enseignement s’inscrit dans une approche globale d’ordre didactique.
65Ces deux principes ont comme corollaire qu’un travail didactique n’a pas à « raconter » l’histoire d’un concept ou d’une théorie (sauf si le travail est original, auquel cas c’est un travail réellement d’historien), il doit s’assurer que ce travail existe et en disposer pour ensuite intégrer de ce travail historique ce qui est pertinent pour son analyse didactique, dans une réflexion épistémologique dialectique. La nécessité de vigilance épistémologique n’est pas satisfaite de la simple superposition d’une analyse historique et d’une analyse didactique, elle réclame une réelle dialectique dans une réflexion de nature épistémologique.
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Notes de bas de page
1 Ce choix résulte en partie d’une différence dans la séparation des termes connaissance et savoir, mais aussi de la volonté de Chevallard de garder un sens plus restreint au mot épistémologie (n’englobant pas, entre autres, le sens d’épistémologie génétique) pour mieux montrer l’apport de la dimension anthropologique (cf. la citation qui suit). On va voir que cette différence dans l’utilisation du terme épistémologique sera quasiment gommée dans la dernière étape de l’élaboration de définitions par Chevallard.
Auteur
Équipe DiMaGe. Université de Genève
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