Postface
p. 327-330
Texte intégral
1À la fin de ce cinquième et dernier tome de ce long projet, il m’est apparu nécessaire d’écrire une postface en forme de bilan. Une postface est un texte ajouté à la fin d’un livre ou d’un écrit en guise de supplément généralement pour émettre un commentaire ou une explication. L’idée première de ces livres était bien de produire à la fois un travail d’archéologie, de mémoire et de diffusion à propos de l’expérience accumulée par les enseignants d’EPS et les entraîneurs depuis de nombreuses années, le tout en relation avec les travaux de recherches contemporaines en didactique des APS. Au bout de ce processus, la production de notre groupe se caractérise par une certaine diversité et/ou une redondance revendiquée. L’organisation et le contenu des différents ouvrages, loin de les masquer, les assument. C’est pourquoi chaque production est signée, montrant par là qu’elle n’est pas application d’un modèle préétabli qui s’imposerait à chacun, mais une réflexion personnelle à partir d’un patrimoine commun. Avec le temps qui a passé, certains articles de nos précédents livres ont été enrichis ou ont été questionnés à partir de nouveaux éléments afin de les compléter ou de donner un autre éclairage.
2Mais surtout, n’oublions pas, comme je l’ai développé tout au long des ces livres, que la magie des sports collectifs, c’est bien un espace, des buts ou des panneaux et deux groupes de joueurs ou de joueuses qui se disputent un ballon ou tout autre objet qui en fait office pour marquer des points. En EPS, dans l’enseignement des jeux sportifs collectifs, il ne faut pas ignorer cet univers réellement magique qu’est le jeu qui permet, aussi bien, une mise en activité des élèves que des apprentissages. On peut ajouter que le manque d’activité ludique et de lieu où l’on peut jouer restent, aujourd’hui aussi, un handicap pour tout le monde mais surtout pour les filles qui accumulent ainsi un déficit de jeu très préjudiciable à leur implication dans une rencontre de sport collectif.
3Concernant l’éducation physique, en travaillant longuement sur la bibliographie existante, j’ai constaté de formidables avancées mais aussi des stagnations voire des retours en arrière qui interrogent une formation trop éclectique et matério-centrée. La formation en sport collectif, telle qu’elle est dispensée actuellement aux élèves, se caractérise le plus souvent par deux phases distinctes. Tout d’abord, une phase d’acquisition au cours de laquelle les formateurs proposent des solutions à répéter ou à découvrir. Cela est suivi d’une phase d’application pendant laquelle l’élève en situation tente de transposer ou d’appliquer ces données à la complexité du jeu. Avec ces deux termes, jeu et exercice, il faut donc faire attention à ne pas retomber dans cet écueil de la didactique des sports collectifs qui consiste en des exercices préalables ou des activités préparatoires où l’on joue vraiment rarement. Pourtant, le livre de l’Amicale des enseignants d’EPS de 1984 (AEEPS, 1984) soulignait déjà que « pour l’élaboration des contenus, il sera nécessaire :
- d’éviter de recourir aux « recettes » ou à la reconduction mécanique des exercices habituels, même affublés de l’appellation de situations problèmes ;
- d’intégrer la diversité et l’hétérogénéité caractéristique des groupes de classes ;
- de s’appuyer sur les aspects positifs des réponses des élèves au lieu de ne voir que ce qu’ils ne savent pas faire ;
- d’amorcer, à travers l’exigence dévaluation des effets de l’action didactique, la mise en œuvre d’une recherche empirique, essentielle à l’entreprise de rénovation de l’E.P. » (p. 15).
4On peut ajouter que c’est aussi le choix d’enseigner les compétences motrices seulement quand les élèves en ont besoin pour réussir dans le jeu en relation avec des activités qui se concentrent essentiellement sur la compétence en question. Alors, voici venu le temps où l’on doit utiliser temporairement une approche plus traditionnelle du sport collectif en enseignant les habiletés techniques en situation d’opposition le plus souvent possible.
5Dans l’enseignement de l’EPS au quotidien, la pratique sociale de référence l’emporte le plus souvent sur toutes les préoccupations éducatives ; malgré de nombreuses déclarations de principe et les programmes, ces activités sportives deviennent souvent des fins en soi et non plus des moyens. Chaque spécialité devient une matière à enseigner au lieu de rester le support de l’éducation physique et sportive des élèves. Le nombre des spécialités à enseigner déjà considérable s’enrichit sans cesse d’autres « plus modernes ». Pourtant, les Instructions Officielles d’EPS de 1967 soulignaient déjà que, « à la différence d’autres disciplines, elle (l’EPS) ne s’appuie pas sur une matière préexistante et constituée hors d’elle-même ; elle repose au contraire sur des activités et des gestes dont elle légitime l’emploi et qu’elle organise en fonction des fins qu’elle leur assigne. C’est pourquoi, l’éducation physique ne doit plus être confondue avec certains des moyens qu’elle utilise » (p. 2). Ainsi, faire un choix clair entre modernité et éclectisme versus innovation et apprentissage conditionnera étroitement le contenu de la formation initiale et de la formation continue. Par modernité et éclectisme, j’entends l’introduction systématique, dans le milieu éducatif de l’école, du plus grand nombre possible d’activités actuellement en vogue dans le monde du sport de performance, de rue ou du loisir actif de l’adulte. La glisse, le fun et le bling bling des coachs sont emblématiques de ce type d’approche. Par innovation et apprentissage, j’entends une conception de l’enseignement où l’intégration des résultats d’une véritable éthologie de l’activité motrice et des données récentes de la recherche en termes de contenus, d’attitudes et d’actes pédagogiques est effective.
6 Sans vouloir empêcher toute évolution, il est quand même à noter que le changement perpétuel avec du moderne et de la nouveauté empêche toute stabilisation des apprentissages et tout recul réflexif au profit d’une fuite en avant qui fait le bonheur des marchands d’activités physiques. Aussi bien à l’intérieur de l’école qu’à l’extérieur, la marchandisation des activités physiques n’a fait qu’accentuer le phénomène, le dernier avatar de cette évolution de l’individualisme contemporain (Lipovetsky, 1983) étant les « coachs » personnels.
7En éducation physique et sportive, fréquemment, les décisions didactiques d’un enseignant se fondent, explicitement ou non, sur une modélisation de la pratique sociale de référence dont il est « spécialiste ». Utilisation trait pour trait des formes et contenus en vigueur dans les pratiques sociales ou produits d’analyses multiples qui visent à assurer la transposition la mieux à même de satisfaire aux spécificités des objectifs de l’E.P., ces modélisations constituent des réponses concrètes à trois questions qui traversent l’histoire de notre discipline ;
- Quels rapports l’éducation physique doit-elle entretenir avec la culture physique contemporaine ?
- Comment, à l’école, dépasser un éclectisme à propos des APSA ?
- Comment ne pas tomber dans un formalisme de la construction d’une motricité sans racine culturelle ?
8Néanmoins, à propos de référence culturelle, il est évident que l’école à elle seule ne peut plus remplir la totalité de ces missions. Des structures nouvelles devraient être créées pour pallier cette impossibilité de l’institution scolaire même si l’AS reste un formidable instrument pour le développement de la pratique. Ainsi, dans une période qui est d’abord marquée par l’accentuation des inégalités sociales et par des difficultés croissantes à l’accès du plus grand nombre aux activités physiques, c’est d’abord d’égalité de moyens dont beaucoup de gens ont besoin. C’est, également, l’égalité de pouvoir pratiquer, tout au long de la vie, les APSA sous toutes leurs formes, de l’initiation à la compétition, du sport populaire au haut niveau. Mais c’est aussi la reconnaissance du rôle et de la place des associations sportives qui œuvrent, tous les jours, au développement de l’activité physique des Français en se fondant, aussi, sur une éthique, une éducation, le respect des différences et au plus près des lieux de vie. Toutefois, il faut être bien conscient que les transformations concernant les pratiques sociales de référence à un bon niveau montrent une montée en puissance de l’importance de l’argent et souvent, en conséquence de cela, un engagement physique d’une rare intensité, par exemple, dans les rencontres de sport collectif. Cela préfigure-il ce que seront les jeux sportifs de demain ? Si c’était le cas, on s’achemine vers des affrontements où il s’agira d’abord, pour espérer faire un résultat, de dominer la guerre des morphologies voire des chocs. Cette transformation se fera forcément au détriment du jeu lui-même car il sera fait appel de plus en plus à la puissance physique pour gagner. On risque alors de mobiliser les joueurs sur le plus fort, le plus vite, le plus haut au détriment du mieux voir, mieux juger, mieux décider, mieux agir tactiquement et techniquement. Si l’affrontement physique prend cette voie, il va devenir une fin et moins un moyen. Il sera perçu comme la composante clé de la performance et non plus comme un facteur qu’il s’agit de développer en harmonie et au moment opportun en relation avec les dimensions « tactico-techniques ». Ce « tactico-technique », appelé dans les années 80 « technico-tactique » pour ne pas affoler les populations, a été un premier pas pour la reconnaissance de la primauté de la tactique individuelle et de la tactique collective (Delaplace, 1979 ; Villpreux, 1993). Alors, il ne faudrait pas que finalement des formes de violence viennent dénaturer les jeux sportifs collectifs devenus esclaves du sport spectacle et du résultat à tout prix. C’est une raison supplémentaire pour ne pas abandonner la recherche et le champ de la production de connaissances et compétences aux seuls cadres techniques des Fédérations sportives. Il y va de la survie de la discipline « éducation physique artistique et sportive » car dans le laps de temps court qu’est le temps passé à l’école, une culture tactique et technique scolaire reste à capitaliser et à promouvoir.
9Pour terminer, dans un dernier point mais non des moindres, je veux remercier tous les ami(e) s et collègues qui se sont prêtés au jeu de la lecture des « tapuscripts » ou de l’écriture de leurs expériences en y mettant quelque part un peu de leur vie. L’aide des personnels des PUFC m’a été précieuse et je voudrais aussi saluer « mes thésards », les collègues du GRIAPS, de l’ARIS, de l’AIESEP et de l’IUFM de Franche-Comté qui m’ont beaucoup apporté, secondé et soutenu tout au long de ce chemin. Je tiens, aussi, à exprimer ma reconnaissance aux différents experts anonymes qui par leurs contributions avisées et leurs propositions de corrections ont été d’une aide conséquente pour la mise en forme définitive des différents ouvrages. Je n’oublie pas non plus les ami(e) s du CPS de la FSGT qui ont été avec le groupe autour de René Deleplace à l’origine de ces travaux. Quant à Christine, mon épouse, elle a tout relu et est devenu presque incollable sur les sports collectifs et le rapport de forces avec un s s’il vous plaît !
Auteur
GRIAPS. Université de Bourgogne Franche-Comté
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