Histoire et actualité de l’évolution de l’observation et de l’évaluation des techniques
p. 87-107
Texte intégral
1Le cadre de référence lorsqu’on utilise les sports collectifs à l’école est fixé par les programmes EPS. Pour l’enseignant, il est nécessaire de repérer le niveau de jeu chez ses élèves dans une situation concrète et ensuite de faire évoluer cette situation identifiée. Nous allons donc revenir dans ce paragraphe sur des éléments déjà publiés qui devraient servir de base à une réflexion didactique et pédagogique pour l’enseignement/apprentissage des sports collectifs. En effet, pour l’observateur, que ce soit l’enseignant ou l’élève, le joueur en situation de jeu en sports collectifs produit une collection de réponses diversifiées et variées. Rapportées aux actions essentielles (réception, dribble, passe, frappe, tir etc.) les caractéristiques du comportement révèlent l’existence de stéréotypes de jeu en même temps qu’une variabilité dans la succession des réponses en fonction du niveau de jeu ou du rapport d’opposition. L’étude des aspects observables de ces réponses devrait permettre de dégager des caractéristiques du comportement du joueur et nous fournir un cadre d’analyse pour l’enseignement des sports collectifs.
2Classiquement, les deux premières idées qui viennent concernant la technique sont le concours du jeune footballeur et le jonglage. Le concours du jeune footballeur était une épreuve qui se déroulait en lever de rideau de la finale de la Coupe de France. Le concours consistait en un parcours chronométré avec des conduites de balle variées et des tirs (figure 1). Le premier concours eut lieu en 1930 et la dernière édition se tint en 1979.
3Le parcours consiste en une conduite de balle suivie d’un tir contre un mur, capture de la balle renvoyée puis contournement des plots et enfin tir au but. Le meilleur temps a gagné.
4L’autre aspect incontournable est le jonglage. Il vise à améliorer le niveau de maîtrise du ballon du joueur en améliorant son toucher de balle. À l’école de football, cela correspond à l’idée d’avoir à répéter ses « gammes » comme n’importe quel violoniste. Placé classiquement en début d’entraînement, le jonglage crée des habitudes de travail chez le joueur et permet d’augmenter le répertoire technique en utilisant toutes les surfaces de contact, extérieures, intérieures, genoux, tête en relation avec la vitesse gestuelle… On présuppose que ce type de travail permettra d’acquérir une bonne prise de balle, une conduite en gardant le ballon près de soi, un dribble fiable et une frappe de qualité. Cette « maîtrise individuelle » se travaille en début de saison, en période de reprise et on l’entretient toute l’année dans les temps de récupération entre les exercices. Ici, le progrès est basé sur la répétition.
5Toutefois, le jonglage est un exercice qui peut ressembler à un numéro de cirque surtout hors du contexte par rapport à la réalité du match où les rapports d’opposition sont premiers. Aussi, pour dépasser ce constat, dans cet article, nous allons nous intéresser à l’évolution de l’observation et de l’évaluation des techniques en jeu.
1. Des postures et des attitudes significatives
6La posture est l’élaboration et le maintien actif de la configuration des différents segments du corps dans l’espace, elle exprime la manière dont l’organisme affronte les stimulations du monde extérieur et se prépare à y réagir. Elle est le fruit d’une activité musculaire à la fois tonique et phasique. La configuration des segments corporels est élaborée sur un mode plutôt tonique mais non exclusivement, elle est maintenue sur un mode plutôt phasique mais non exclusivement.
7La posture n’est pas seulement une position mais également un modèle dynamique basé sur des réflexes, des habitudes et des réponses adaptatives et fonctionnelles pour rester debout, en fonction de la gravité, d’une anatomie du sujet ou des défis sportifs. Si le joueur commence à basculer ou perdre la stabilité dans une tâche, les réflexes posturaux vous ramènent dans une position plus ou moins verticale et/ou fonctionnelle de nouveau. Cependant, la posture ne correspond pas « juste » à une collection de redressements et de stabilisations des réflexes mais renvoie aussi à des aspects sociaux ou émotionnels et joue un rôle important dans la communication. Dans les rapports d’opposition, ces différentes postures offrent au porteur de balle ou au défenseur d’être « lisible » par les partenaires qui peuvent ainsi anticiper les différentes conséquences des informations perçues. En effet, chaque posture exprime la manière dont le joueur affronte les configurations du jeu et se prépare à y réagir. Les mouvements, les déplacements et l’orientation résultent de la mise en jeu coordonnée des différentes parties mobiles du corps engagées dans la réalisation d’une action déterminée. Ainsi, les postures contribuent avec les attitudes, les distances et les vitesses des joueurs à produire des indices permettant de lire le rapport des forces dans les configurations du jeu.
8Par exemple, les modalités de l’échange de balle présentent des éléments qui sont à observer attentivement car elles renseignent objectivement sur le niveau du jeu dans un rapport de forces donné. On va du plus facile en face à face à l’arrêt au plus difficile quand un joueur se déplace rapidement et reçoit une balle après à une trajectoire orthogonale par rapport à son déplacement.
1. 1. Le lancer long
9Le lancer long et assez rectiligne constitue un des éléments fondamentaux dans l’évolution des formes de jeu permettant d’utiliser à bon escient le jeu long et le jeu court (Amicale – ENSEP, 1977). Mérand (2005) affirme, concernant la possession du ballon, que « substituer au tenu à deux mains devant la poitrine une mobilité du ballon allant de la balle à la nuque à la balle à la hanche » constitue un contenu essentiel en basket-ball. À la fin de l’école élémentaire, pour les jeux et les jeux sportifs collectifs, le « lancer long » est vraiment un outil indispensable aux élèves pour réussir : posséder un lancer long permet de lire le jeu différemment, ce qui sera une aide à la constitution d’un répertoire de réponses disponibles. Cette manipulation de la balle peut être observée et analysée à partir de postures et d’attitudes très significatives.
10Pour les joueurs, il est bien évident que la capacité à lancer le ballon loin est un atout pour le porteur de balle. D’ailleurs, dans les jeux où l’on manie la balle avec les mains, les élèves ont tôt-fait de repérer le type de posture utilisé par un lanceur et ainsi de prévoir où la balle risque d’être envoyée. Les principales postures que l’on peut voir sur un terrain sont représentées figure 2 avec les différentes formes de trajectoire de balle et une estimation des distances qui y sont associées (figure 3). En fonction des postures que le joueur utilise, différentes longueurs et formes du lancer sont obtenues. Une règle est évidente : plus le tir est long, plus le chemin de lancement est long ou la vitesse de bras importante. Il est à noter que dans les différentes trajectoires présentées figure 3 la durée du temps de déplacement du ballon est à peu près similaire. Concernant les lancers avec le pied, c’est-à-dire les tirs ou les passes, les problèmes sont semblables mais nous allons y revenir plus avant.
11Pour les jeux et les jeux sportifs collectifs, le lancer long apparaît comme un apprentissage incontournable. En fonction des postures que le joueur utilise, différentes longueurs et formes du lancer sont obtenues. Avec les formes de trajectoires illustrées figure 3, le temps mis par le ballon pour franchir la distance est très différente. Dans les cas 1 et 2, le temps est long et la distance courte ce qui fait qu’à la réception du ballon il y a toujours de nombreux joueurs, partenaires et adversaires confondus, pour tenter d’attraper le ballon. Dans ces cas, c’est une concentration de réceptionneurs potentiels attirés par le ballon et la règle d’action utilisée c’est que « pour avoir le ballon, il faut être à proximité du porteur de balle ». C’est une règle à déconstruire. Pour les trajectoires 3 et 4, bien souvent le joueur qui réceptionne la balle possède un temps d’avance sur le replacement défensif. Cette fois-ci, le temps de passe est un peu long et la distance est importante. La lecture de la posture du porteur de balle reste fondamentale pour assurer la continuité de l’action. Dans les sports collectifs à cible verticale, une règle semble évidente pour marquer : plus le tir est long, tendu et vers le bas plus le tir est dangereux pour le gardien de but adverse. Le lancer long permet également de se dégager des adversaires, d’aérer le jeu et il entraîne, très fréquemment, une répartition différente des joueurs sur le terrain.
1. 2. L’espace proche et la manipulation du ballon
12Le joueur, soumis à la pesanteur, est organisé par rapport à la verticale (pression atmosphérique). Il déploie, dans ce cas, une activité perceptive qui structure l’espace à partir de ses postures. Il s’agit en fait, dans cette perspective, de déterminer le niveau d’un joueur sur le plan de ses comportements d’intervention sur la balle. Nous définirons donc l’espace de jeu proche comme l’espace dans lequel le joueur peut intervenir efficacement sur la balle sans avoir à se déplacer. Pour chaque joueur, il existe un volume cylindrique par rapport à la verticalité dont le volume dépend du niveau du joueur. C’est donc un référentiel spatial mais égocentré (figure 4). Le système de repères de l’espace proche est constitué par un cylindre de révolution dont l’axe de rotation serait la verticale passant par le centre de gravité du joueur et dont la base aurait pour diamètre l’envergure maximale du joueur. Horizontalement le volume ainsi délimité est découpé par deux plans : un plan passant au niveau de la ceinture pelvienne et un plan passant au niveau de la ceinture scapulaire (Cam, Crunelle, Giana, Gorgeorge, & Labiche, 1979 ; Mérand, 1977). Les critères sont ceux relatifs au contrôle du ballon quand s’établit le contact : emplacement du contact dans le système de repères. Egalement, on tiendra compte des modalités gestuelles du contact et celles relatives au contrôle du ballon pendant toute la durée de la possession avec la variation des positions du ballon par rapport au système de repères, les modalités gestuelles du contrôle et celles relatives à l’action sur le ballon : dans l’échange passeur/réceptionneur ainsi que dans l’action de marque. Tout cet ensemble est à apprécier dans un rapport d’opposition donné (Amicale des anciens élèves de l’ENSEPS, 1977). La figure 4a illustre une posture de lancer long très courante chez les filles du fait peut être d’un déficit de force ; la figure 4b montre pour le lancer long la posture qui est à construire avec un bras très en arrière.
13Au football, l’évolution du volume de « manipulation » au pied et de la tête au plan sagittal est illustrée à la figure 5. Balle au pied, l’espace proche se construit par augmentation du volume de manipulation avec différentes étapes. D’une manipulation juste devant les deux pieds, le joueur devient capable d’intervenir sur les balles qui proviennent de l’avant à terre, soit sur des ballons pas trop hauts. Ensuite, le joueur peut capturer des balles de toutes provenances, en particulier celles venant de trajectoires aériennes.
1. 3. Frappe de balle au pied ou de la tête
14Cette évolution du volume de manipulation et donc du lancer long aide le joueur en possession du ballon à envoyer la balle de plus en plus loin permettant alors d’échanger la balle avec des coéquipiers qui étaient jusqu’alors inaccessibles. En fonction de la force supposée du lancer du porteur de balle, les partenaires et les adversaires se placent différemment : plus loin si le lanceur est considéré comme efficace ; plus près si le porteur de balle est évalué comme un piètre lanceur. La figure 6 montre : (1) le débutant (en chaîne cassée) qui reste derrière le plan défini par la verticale où se trouvait la balle au moment de la frappe ; (2) le joueur frappe la balle en restant sur ses appuis mais demeure derrière le plan du ballon ; (3) le joueur qui, après sa frappe, se rééquilibre vers le haut en restant au plan du ballon ; (4) le joueur de bon niveau qui, voulant transmettre le maximum de sa vitesse et de force à la balle, passe le plan du ballon et retombe sur le pied qui a frappé. Pour effectuer un lancer réussi, il faut donc articuler modulation de la force et précision. Au football, le jeu de tête représente un aspect spécifique du jeu. Ce geste technique qui paraît complètement anodin lorsque l’on regarde un match de football est en réalité difficile à utiliser et réaliser. Dans le jeu aérien, l’appréciation des trajectoires et l’anticipation/coïncidence jouent un rôle primordial. Jouer de la tête, une compétence qui devrait être facile à maîtriser, constitue souvent une faiblesse chronique des joueurs. La taille et la force physique ne servent pas forcément dans le jeu aérien ; le problème est technique et surtout psychologique car fréquemment la peur de frapper le ballon avec la tête existe. Pour que le jeu de tête ne devienne pas un handicap, il faut le travailler et avant tout connaître quelques règles qui permettent de frapper le ballon en sécurité : garder les yeux ouverts, proposer au ballon une bonne surface de frappe avec le front, armer la frappe avec le haut du corps avant d’attaquer le ballon et enfin continuer le geste au moment du contact avec la nuque bien fixée. Ce travail à l’entraînement s’effectue avec des ballons propres et pas trop durs car cela évite chez les élèves des postures où la tête rentrée dans les épaules reçoit le ballon comme un coup de massue.
15Enfin, pour être complet, il faut ajouter que la position du pied à l’intérieur ou à l’extérieur du ballon permet de varier les effets sur celui-ci. Notre ami Serge Mésonès, grand spécialiste de l’extérieur du pied gauche, ne tarissait pas d’éloges à propos de ce type de passe, rapide, à la trajectoire fuyante pour les adversaires mais revenant vers les partenaires. Si nous généralisons le problème, les balles fuyantes, en particulier dans la profondeur, sont difficiles à apprécier et à attraper pour les attaquants. Les balles rentrantes qui reviennent vers les partenaires sont plus faciles à capturer car on se rapproche de la situation de compatibilité maximum qui est constituée par l’alignement joueur – balle – cible.
16C’est l’effet Magnus, découvert par Heinrich Gustav Magnus (1802-1870), physicien allemand, qui permet notamment d’expliquer les effets sur la balle et leurs conséquences. Par exemple, avec une rotation d’arrière en avant de la balle, celle-ci plongera plus vite vers le sol. Dans le sens contraire, elle sera soulevée et aura une trajectoire plus plate, elle volera plus loin avant de toucher le sol. Au football, un type de frappe de balle dite frappe enveloppée vise à donner une trajectoire courbe au ballon : ce type de frappe est souvent utilisé lors des coup-francs pour contourner le mur défensif et faire revenir le ballon vers le but. Cette frappe, en faisant tournoyer le ballon sur lui-même, lui donne un effet qui modifie sa trajectoire pendant sa course.
1. 4. Espace propre ou son espace proche
17Dans l’affrontement entre un porteur de balle et un adversaire (figure 7), la notion d’espace propre du joueur peut être précisée. L’espace intime (1) représente une bulle qui est très proche et devant le joueur ; cette bulle est utilisée par les jeunes élèves ou les débutants. L’espace proche (2) est défini par le volume de manipulation, que ce soit au pied ou à la main, quand le joueur décrit un tour complet sur lui-même. La distance de sécurité (3) représente l’espace nécessaire pour agir sans contrainte même si un adversaire est à cette distance. Enfin, la distance d’affrontement (4) est établie par l’éloignement du premier adversaire. Cet ensemble constitue des indicateurs commodes pour apprécier la manière dont est vécu l’affrontement. L’espace d’intervention quant à lui est un espace de jeu où le joueur, pour agir sur le ballon, sacrifie parfois son équilibre vertical pour intervenir au-delà de son espace proche. Enfin, souvent, le joueur qui réduit la distance dans le duel domine ou se reconnaît comme dominant.
18Ce type d’analyse permet de repérer des comportements caractéristiques. En effet, dans les actions de duel, si nous observons le porteur de balle, nous noterons que le débutant redonne vite le ballon voire se débarrasse de la balle sans faire d’action ou encore tente de contourner son adversaire, loin de lui, en essayant de le prendre de vitesse. Les comportements plus élaborés consistent pour le porteur de balle soit à entrer dans l’espace proche de son adversaire mais à en ressortir tout de suite, soit à manœuvrer difficilement dans cet espace avec une vision limitée du champ de jeu. Le dernier cas renvoie à provoquer de façon volontaire les défenseurs en conservant une vision large du jeu, en un mot un bon joueur joue et se joue de l’espace proche de ses adversaires.
1. 5. Réception du ballon, latéralité et côté préférentiel
19Les humains sont des animaux bilatéraux et la latéralité est le côté dominant ou préférentiel du corps ou du cerveau, de la main ou du pied (généralement à gauche ou à droite). Il faut ajouter la latéralisation, qui est la localisation de la fonction soit sur les côtés droit ou gauche du cerveau avec ses effets sur la vision périphérique en relation et l’œil directeur du joueur. Pourtant, les enquêtes menées sur des étudiants en EPS montrent que 30 à 35 % d’entre eux sont “mal latéralisés”, c’est-à-dire latéralisés de façon hétérogène pour l’œil, la main et le pied. Leurs préférences, loin d’être stables comme le laisserait supposer la théorie classique, sont fonction, semble-t-il, des activités et l’on obtient parfois une sorte d’asymétrie fonctionnelle (Gillot, 1978). Ainsi, l’observation de la pratique sportive révèle des typologies posturales dynamiques différentes dans une perspective fonctionnelle. En effet, on lance différemment quand on lance une fléchette ou lorsqu’on lance un ballon. Dans le cas du lancer de fléchettes, ce qui compte, c’est la précision ; d’où l’importance attachée à la coordination main – œil. Ce qui apparaît très significatif chez ce type de lanceurs, c’est le pied homologue qui est en avant : pied droit pour le lanceur droitier, pied gauche pour le lanceur gaucher avec le poids du corps sur la jambe avant. Conclusion, quand on veut être précis, on lance à l’amble. Dans le cas du lancer de balle (passe ou tir), la précision est importante certes (puisqu’il s’agit de donner le ballon à quelqu’un ou de viser une partie du but où le gardien n’est pas) mais il y a nécessité d’avoir également de la puissance ou la plus grande force possible pour obtenir un jet long et fort. Ici, selon les objectifs poursuivis, la posture générale et l’asymétrie fonctionnelle peuvent être variables ; cependant, sauf cas particulier, pour un droitier c’est le pied gauche qui est en avant dans les lancers. Plus rapide à mettre en œuvre et plus précis, le tir à l’amble n’est peut-être pas à négliger comme c’est trop souvent le cas à l’heure actuelle.
20La latéralité tient, aussi, une grande place dans l’attraper du ballon. On constate au fil des progrès une augmentation du volume de manipulation du ballon (figure 8).
21Au départ, le ballon est attrapé dans la zone spontanée de manipulation des objets, c’est-à-dire devant. Puis le volume de réception s’agrandit progressivement vers le haut. Par contre la réception se fait toujours à l’arrêt. Ensuite on peut vraiment parler d’un volume de réception/manipulation avec une extension de réception du ballon vers les zones latérales dans le cadre d’un déplacement limité. Enfin, le volume de réception/manipulation s’étend vers l’arrière et s’éloigne de plus en plus de l’axe du corps. Maintenant, la progression vers l’avant à une bonne vitesse est possible tout en assurant un bon attraper.
22Concernant la facilité technique dans les jeux de balle au pied, « Bon élève tire des deux pieds » est une formule qui a fait le tour de France mais elle traduit une réalité technique incontournable car elle souligne l’aisance de l’élève dans le jeu. Néanmoins, dans le football d’attaque, beaucoup de joueurs peuvent centrer le ballon quand ils sont sur la partie droite du terrain, pour l’unique raison qu’ils sont à l’aise du simple fait qu’ils sont droitiers. Du côté gauche ils ont plus de mal. Dans ce cas, les joueurs se réfèrent à leurs ressources ainsi qu’à leurs sensations et non à la réponse juste qui découlerait de la perception de la configuration du jeu. Ils utilisent, alors, des solutions de remplacement et suppriment par là même certaines possibilités de jeu. C’est donc a priori une limitation des choix tactiques réalisables.
23Au football, l’évolution du volume de « manipulation » au pied ou de la tête qui permet de capturer un ballon est illustrée, au plan frontal, en figure 9. Pour des compléments sur ces types de volumes pour les contrôles en vue de l’appropriation du ballon, on peut consulter Amicale – ENSEP (1977) pour les sports collectifs et Méot & Plumereau (1979) pour le football ces derniers ayant été les premiers à développer ce type d’analyse.
24Cet ensemble de connaissances illustre bien, avec différents types de manipulation, les problèmes posés par l’échange de statut entre le Passeur et le Réceptionneur (P – R) en fonction de la vitesse et de la dynamique du jeu. Pour une bonne réussite, le déplacement d’un joueur, ses repères visuels et la trajectoire de balle doivent être le plus aligné possible. Quand ces trois aspects sont réunis, le joueur est dans les conditions de compatibilité maximale. Le système de repères est donc constitué par l’axe P – R ainsi que par l’orientation des joueurs par rapport à cet axe, la distance entre le Passeur et le Réceptionneur et leurs vitesses réciproques. La forme de la trajectoire de la balle apporte une indication supplémentaire. Les critères utilisés pour caractériser la loi de compatibilité reposent sur l’arrêt ou le déplacement des joueurs et leurs postures respectives au moment du lancer et de l’attraper du ballon. Les progrès dans l’échange vont du lancer simple à l’arrêt, action ponctuelle exclusive de tout autre avec une réception à l’arrêt pour le partenaire, à un lancer long et tendu, cette action étant intégrée dans une circulation tactique en mouvement coordonnant plusieurs actions de jeu simultanées (Mérand, 1989). Enfin, donner le ballon dans un espace libre où le joueur sera dans un instant mais au bon timing, avec la bonne puissance et le bon effet constitue un enjeu important de la réussite. Cela entraîne, fréquemment, un étirement et un agrandissement de l’espace de jeu effectif qui offrent des opportunités à l’offensive pour prendre de l’avance sur le replacement défensif.
1. 6. Arrêter et contrôler le ballon
25Nous allons analyser, sous forme d’échelle comportementale, les conduites motrices d’un joueur confronté à la tâche : “arrêter un ballon”. Comme tous ces types de recueils de données, cette échelle est construite en complexité croissante. Cependant, des restrictions sont à apporter à la fiabilité de ces descriptifs. En effet, pour organiser ces attitudes en échelle comportementale, on fait toujours l’hypothèse que l’affrontement est normalisé. Pourtant, la réversibilité et la variabilité des actions sont une donnée constante en football et force est de considérer ces comportements, seulement comme des « repères formels ». La tâche « arrêter un ballon » avec une opposition standardisée permet de relever plusieurs étapes. (1) La balle est repoussée quand elle est forte et à terre. Les balles hautes et toutes balles de la tête sont esquivées. (2) Les joueurs immobilisent la balle sans être personnellement en mouvement. Le geste est réussi sur balle à terre, en face à face avec le ballon et quand l’adversaire est éloigné. (3) Le contrôle en mouvement apparaît sur balle à terre venant de l’avant. Le semi blocage est possible quand le joueur est statique. (4) Différentes surfaces sont utilisées pour s’approprier la balle en mouvement et enfin (5) le contrôle de la balle devient “tactique” avec l’apparition de l’amorti et du contrôle orienté.
26Avec un ballon arrivant à vitesse élevée, cette tâche en situation d’opposition reste une tâche particulièrement difficile.
2. Quelques éléments complémentaires
27Dans les situations d’opposition, des conditions strictes existent pour faire une passe dans de bonnes conditions. En général, les réceptionneurs proposent au porteur du ballon, par une course ou un geste, d’assurer la continuité de l’action. Alors, le porteur de balle choisit la réponse qui lui semble la plus pertinente. Ensuite, il doit, à la fois, passer la balle au bon endroit et au temps juste pour que son partenaire puisse se saisir du ballon (Frantz, 1975). Pour le réceptionneur, la direction de son déplacement et la trajectoire du ballon doivent être le plus proche possible pour des conditions de réussite maximum (loi de compatibilité).
2. 1. Duel attaquant/défenseur
28Du débutant au joueur débrouillé, ce type de duel passe par les étapes suivantes. Tout d’abord les défenseurs se placent sur le devant du porteur de balle et défendent quasiment exclusivement sur lui (figure 10). Cet état de fait produit des difficultés importantes pour le lanceur mais par contre laisse les équipiers assez libres quand ils se sont un peu éloignés du ballon, d’où une solution possible pour le porteur de balle.
29Ensuite apparaît en plus de la défense sur le devant du porteur de balle, une défense en interception sur les receveurs éventuels. Le deuxième défenseur se positionne entre le lanceur et le receveur. Pour résoudre ce type de configuration, la balle est lancée en avant du réceptionneur dans l’espace vide (figure 11). Il est à noter que l’orientation du receveur a changé et se trouve en partie dans le sens de la progression (Gréhaigne & Marle, 2011). Avec les progrès dus à une meilleure compréhension du jeu, les élèves évoluent vers une forme de défense de zone spontanée. On a toujours une défense sur le porteur de balle mais maintenant elle se coordonne en relation avec une sorte défense en barrage adossée au but (figure 12) ou au front du ballon quand on vise la récupération rapide de celui-ci. Le triangle d’interception est constitué par la surface cachée par le défenseur. Pour une bonne exécution de la passe, les receveurs possibles doivent se trouver en dehors du triangle d’interception et à distance de passe (figure 13). Ce triangle défensif est en étroite relation avec la notion d’angle défensif que nous avons développée dans le chapitre précédent.
2. 2. La conduite de balle
30Concernant la conduite de balle chez les débutants, c’est le ballon qui guide les déplacements des joueurs, il est donc nécessaire d’inverser ce constat. Dans le cas de la conduite de balle nous observerons l’évolution suivante. Chez les débutants, la balle est frappée loin devant et le joueur court derrière, alors le ballon s’éloigne beaucoup du pied ce qui entraîne de nombreuses pertes de balle. En effet, plus le ballon s’éloigne du pied plus le joueur mettra du temps avant de retoucher le ballon (c’est un indice à connaître pour un défenseur). Petit à petit, une poussée modulée sur le ballon apparaît ce qui fait que le ballon s’éloigne moins du pied permettant d’agir sur lui plus souvent. Les indicateurs à prendre en compte sont soit la distance pied/balle, soit le nombre de fois que le joueur touche la balle sur une distance donnée. Le passage d’une progression en ligne droite à une progression avec changement de direction est alors possible. La position de la tête peut également constituer un indicateur du niveau de maîtrise de la balle par le joueur. Pour le débutant, la manipulation de la balle nécessite l’aide du regard en vision centrale alors que pour un bon joueur, cette manipulation se satisfait d’un contrôle visuel réduit. Ici, la centration perceptive permet de bien cerner le niveau du joueur en fonction de l’opposition. Suivant la spécificité des jeux, le dribble est un mélange de conduire, porter le ballon, démarrer, arrêter, se tourner, pivoter, zigzaguer ou feinter. Il s’agit avant tout de tenter d’éliminer l’adversaire et de se rapprocher de la cible. Pour protéger son ballon « le corps doit être entre la balle et l’adversaire » : cette règle joue un rôle notable dans le succès du dribble.
31Autre question, faut-il ou non interdire le dribble au début des apprentissages ? L’interdire est bien souvent une erreur car, bien loin d’écarter le jeu, cela produit exactement le contraire chez les débutants. Il semblerait qu’il faille très vite différencier le dribble « utile », qui permet d’atteindre le plus rapidement possible la cible (contre-attaque) ou de s’écarter du premier défenseur, du dribble « inutile » qui entraîne bien souvent une perte de balle. L’utilisation des situations de jeu à effectif réduit permet à chacun des joueurs d’être le plus souvent possible dans la situation de duel, condition indispensable à la construction d’une conduite de balle adaptée. L’objectif du défenseur qui flotte et essaie de temporiser sera d’amener le porteur de balle dans une position où la conduite de balle sera plus délicate : par exemple le long des lignes de touche où le risque de marquer un but est faible et où la poursuite du jeu peut s’avérer délicate. À l’attaquant de se sortir de cette situation.
2. 3. La coordination
32Être coordonné, c’est exécuter avec vitesse et efficacité un mouvement intentionnel pour résoudre une tâche concrète. La production gestuelle va être dépendante en tout ou partie des conditions suivantes : des conditions d’orientation qui permettent d’adapter son propre comportement moteur aux modifications spatiales environnantes. Des conditions de différentiation qui permettent de nuancer et d’adapter des forces de mouvement sur une partie de la musculature alors que d’autres parties sont aussi en mouvement ; des conditions d’équilibre qui permettent à la personne de maintenir une position ou d’y revenir s’il s’en est écarté. Des conditions de réaction qui permettent la mise en œuvre d’une réponse adaptée dans un très bref délai. Des conditions d’ajustement qui permettent de transformer l’action motrice en cours pour s’adapter à une situation nouvelle ou la continuer sous une forme nouvelle. Ces conditions nécessitent de développer les capacités d’anticipation et sont en étroite relation avec les conditions de réaction. Enfin, au plan général, les sportifs collectifs modernes sont caractérisés par des rythmes rapides, soutenus également par l’utilisation délibérée de variations de rythme, pour dérouter l’adversaire.
2. 4. Les feintes
33Là, on se rapproche un peu plus de la tactique individuelle. Feinte de corps, feinte de dribbles, la feinte est utilisée en sport collectif pour tromper l’opposition en lui faisant croire que l’on va passer, tirer ou recevoir le ballon alors que l’on fait quelque chose d’entièrement différent, pour dépasser son ou ses adversaires. L’attaquant cherche à dissimuler ses véritables intentions au moyen de mouvements destinés à tromper, à déstabiliser l’adversaire, à le pousser à commettre une faute et, ainsi, sortir vainqueur du duel. Parfois une énergique amorce de mouvement, un bref fléchissement latéral du buste, un simulacre de tir ou un balancement des épaules suffisent pour tromper l’adversaire. En football, il existe plein de situations où les feintes sont utilisées : un exemple courant consiste en une situation offensive où un joueur, simulant un tir, fixe le défenseur à droite et le dribble vers la gauche. Cela peut permettre à l’attaquant de dépasser le défenseur et de tirer à une distance plus proche de la cible. Dans cet autre scénario, après avoir feint de le capturer, le joueur laisse le ballon passer entre ses jambes et se met courir après celui-ci. Cela est très efficace car si la feinte est convaincante, le défenseur va marquer un temps d’arrêt permettant à l’attaquant de prendre de l’avance. Le changement et la variation de rythme jouent, là aussi, un rôle considérable dans le succès de la feinte. En définitive, la feinte constitue un moyen important à la disposition de l’attaquant pour tromper et/ou dépasser l’adversaire.
2. 5. Le jeu sans ballon
34Comme pour la coordination, il peut apparaître paradoxal d’envisager le jeu sans ballon dans une perspective technique. Donner le ballon où on l’a demandé, se préparer à recevoir la balle, créer un espace ou exploiter celui-ci constituent des aspects tactico-techniques importants qui relèvent bien de la tactique individuelle.
35En vue d’améliorer la mobilité des joueurs, le jeu sans ballon permet de travailler les passes profondes ou le jeu dans les espaces vides. Exemple de situation : deux équipes différentes mais interpénétrées où les joueurs se font des passes uniquement entre les joueurs de leur équipe (figure 14). L’objectif est de réaliser des enchaînements avec deux touches de balle maximum pour le porteur de balle, les partenaires visant à se rendre disponibles et visibles de celui-ci. Avec des variables appropriées, cela permet, aussi, de travailler la prise d’informations en situation et le démarquage où l’opposition est une gêne plutôt qu’un obstacle. Cette tâche peut-être proposée en guise d’échauffement ou en exercice technique en fin de séance en vue de la récupération.
36Après ce large tour d’horizon, reste le problème de données chiffrées et fiables à propos de la notation de la maîtrise en jeu. Nous allons donc en venir à des propositions concrètes concernant l’évaluation avec pour support le football même si ce type d’évaluation peut-être effectué dans tous les sports collectifs.
3. Propositions d’évaluation et de notation
37Dans ce chapitre, nous limiterons volontairement nos propositions à l’évaluation du joueur, même si nous sommes persuadés que l’évaluation d’un joueur ne peut être déconnectée de l’évaluation du collectif dans lequel il évolue (sa propre équipe mais aussi l’adversaire) dans une rencontre de sport collectif. Des propositions, en ce sens, ont d’ailleurs été faites dans un précédent ouvrage (Marle & Gréhaigne, 2011) afin d’appréhender le « résultat » collectif d’une équipe (le niveau de jeu).
38Auparavant, il nous semble important de repréciser quelques règles de fonctionnement pour cette évaluation :
- proposition d’une situation à effectif réduit (cf. programmes) ;
- évaluation sur 2 séquences de jeu et contre 2 « adversaires » différents (si possible) ;
- affrontement avec des équipes d’un même niveau (ou de niveau très proche) ;
- un temps de jeu suffisant (6 à 8 minutes par rencontre semblent réalistes) ;
- chaque joueur est évalué dans le champ de jeu (pas d’évaluation comme gardien de but) ;
- évaluation des élèves sur chaque rencontre ;
- évaluation de la performance et de la maîtrise en même temps.
39Quelques rappels importants sont à envisager pour bien comprendre la logique des propositions. La performance traduit le résultat collectif. Nous retiendrons le résultat du championnat ou du tournoi d’une part, le nombre d’entrées en zone de marque ou le nombre de tirs cadrés + le nombre de buts marqués (cet indice étant ramené à la minute de jeu afin de permettre une équité pour l’ensemble des équipes concernées). La maîtrise traduit un résultat individuel. Des actions, qualifiées de positives, sont retenues par l’enseignant, en relation étroite avec le travail effectué tout au long du cycle et bien évidemment en fonction du niveau des élèves. Trois actions positives (si possible deux « offensives » et une « défensive ») sont un choix réaliste, connues des élèves (cela semble évident) qui seront comptabilisées pour chaque joueur et ramenées à la minute de jeu, toujours pour maintenir l’équité entre les joueurs (surtout en cas de changement en cours de match).
40Une préparation en amont de la séance d’évaluation est indispensable.
- L’organisation matérielle (traçage du terrain, ballons et chasubles ou dossards), la rotation des équipes, la rotation des gardiens (si nécessaire), la rotation des arbitres, l’alimentation en ballon et la récupération des ballons hors du jeu, la préparation des fiches de relevés, mais aussi les modifications possibles dans la composition des équipes en fonction d’élèves absents ou non pratiquants sont à prévoir en amont afin d’éviter toute perte de temps lors de cette dernière séance.
- Un ou plusieurs élèves sont chargés de relever, soit sur fiche soit sur tableau, les tirs, les buts marqués, ainsi que les entrées en possession du ballon pour chacune des équipes (à remarquer qu’il est facile de contrôler ce relevé : le nombre d’entrées en possession du ballon pour chacune des deux équipes qui s’affrontent ne peut, dans le pire des cas, qu’avoir 1 de différentiel).
- L’arbitrage étant assuré par les élèves, l’enseignant, aidé par un élève « secrétaire », relève les actions positives supports de l’évaluation individuelle : l’enseignant commente, c’est-à-dire qu’il indique le nom de l’élève concerné, le secrétaire note sur une fiche préparée à cet effet.
3. 1. Évaluation chiffrée de la performance et de la maîtrise
41Pour un total sur 20 points, il nous semble important, surtout dans le cadre scolaire, d’éviter la prédominance de l’une par rapport à l’autre. Nous proposons donc une fourchette entre 8 et 12 points : performance sur 8 points/maîtrise sur 12 points ; performance sur 10/maîtrise sur 10 ; performance sur 12 points/maîtrise sur 8 points.
42L’enseignant, en fonction des objectifs poursuivis durant son cycle, peut mettre l’accent sur l’aspect collectif ou privilégier l’aspect plus individuel. En guise de rappel, il est à noter que la note de performance est identique pour l’ensemble des joueurs d’une même équipe, la note de maîtrise est individuelle, donc pour chaque joueur.
3. 2. Dix points pour l’individuel (note pour chaque joueur)
43On comptabilise pour chaque élève le nombre « d’actions positives (A+) » réalisées lors de chaque rencontre. Le total de ces actions positives est ramené à la minute de jeu (A+ / mn).
Tableau I. sur 10 points : nombre d’actions positives à la minute.
10 points | 9 points | 8 points | 7 points | 6 points |
1.2 et plus+ de8 A+ / mn) | 1 et 1.1 (8 A+ / mn) | 0.9 (7 A+ / mn) | 0.8 (6 A+ / mn) | 0.7 (5 A+/ mn) |
5 points | 4 points | 3 points | 2 points | 1 point |
0.6 (4 A+/ mn) | 0.5 (3 A+/ mn) | 0.4 (2 A+/ mn) | 0.3 (- de 2 A+/mn) | 0 (0 A+/ mn) |
44Trois actions positives sur les quatre proposées sont retenues :
- progression individuelle du ballon (parcourir au moins 5 m avec le ballon en direction de la cible) ;
- passer à un partenaire placé en avant ;
- tir « cadré » ou but marqué ;
- replacement entre le ballon et sa propre cible pour en fermer l’accès à l’attaquant.
45Les modalités d’évaluation proposées ci-dessous sont volontairement précises et détaillées. En fonction du niveau d’expertise de chacun, ces procédures peuvent être simplifiées.
3. 3. La situation d’évaluation
46Certains principes sont incontournables dans la conception de la situation que l’on va proposer aux joueurs pour l’évaluation.
- Situation de jeu réel, deux matchs (contre deux adversaires différents) pour chaque équipe.
- Équipes homogènes dans la composition rencontrant des équipes d’un niveau identique.
- Durée des rencontres entre 6 et 8 minutes.
- Évaluation des élèves sur chaque rencontre et évaluation de la performance et de la maîtrise en même temps.
47Notre choix se portera sur deux relevés différents pour évaluer la performance :
- résultat du championnat ou du tournoi permettant de classer les équipes ;
- nombre de buts marqués plus tirs cadrés ramené à la minute de jeu permettant de situer la valeur d’ensemble des équipes d’un groupe de niveau par rapport à un autre groupe de niveau différent.
48Cette différentiation des niveaux paraît indispensable pour évaluer l’ensemble des élèves des classes composant un même niveau d’enseignement au sein d’un établissement (en particulier si cette évaluation est prise en compte pour le brevet des collèges).
49Pour passer de l’évaluation de la performance à la notation nous proposons 8 points : le résultat du tournoi (4 points) en relation avec nombre de tirs cadrés et buts marqués à la minute (4 points).
Tableau II. Sur 4 points : le résultat du tournoi.
Équipe classée 1re | Équipe classée 2e | Équipe classée 3e | Équipe classée 4e |
4 points | 3 points | 2 points | 1 point |
Tableau III. Sur 4 points : nombre de tirs cadrés et buts marqués à la minute.
Plus de 2 entrées à la minute | Entre 1.5 et 2 entrées à la minute | Entre 1 et 1.5 entrée à la minute | Moins de 1 entrée à la minute |
4 points | 3 points | 2 points | 1 point |
50Le tableau IV présente des propositions pour passer des données chiffrées à une note pour l’évaluation de la maîtrise sur 12 points.
51Enfin concernant la stabilisation des réponses nouvelles, nous avons déterminé comme seuil minimum, pour l’ensemble des élèves, cinq actions positives « démontrées » par chaque joueur en 7 minutes de jeu (durée suggérée pour une situation d’évaluation), pour dire si oui ou non la compétence attendue est acquise.
4. Discussion
52La logique qui a présidé à la construction de cette analyse vise à tenir compte du rapport de forces en situation de jeu collectif. Cet ensemble constitue une trame dynamique de transformation où la réversibilité souligne l’immédiateté du passage d’attaquant à défenseur et met en évidence la notion de « situation à double effet » (Deleplace, 1979). Une technique « ouverte » (Deleplace, 1979) est une condition indispensable au joueur pour pouvoir s’adapter à différentes conditions de jeu. En effet, une difficulté avec ces compétences motrices, c’est qu’elles sont susceptibles de dégradation avec la fatigue du stress ou d’une baisse d’attention. Cela se produit également avec un rapport de forces trop déséquilibré qui fait que les joueurs sont toujours en retard sur le jeu. Ce rapport de forces négatif fait basculer les joueurs dans un statut de « dominés »… avec ses conséquences sur les modélisations du jeu. Par exemple, la possession de la balle en attaque peut se réduire à sa simple mais problématique conservation quand l’adversaire est trop largement supérieur et que le principe de « l’égalité des chances à l’inégalité du résultat » ne peut plus être respecté (Gréhaigne, Mahut, & Marchal, 1998).
Le joueur de sport collectif est aussi le résultat, à cet instant précis, d’une relation dialectique entre la place effective qu’il occupe sur le terrain, ses qualités physiques, ses ressources motivationnelles et ses connaissances, etc. Cet état d’équilibre est souvent précaire et sa principale caractéristique est la réversibilité. Un joueur, en fonction d’un rapport de forces vécu défavorablement, peut revenir à des conduites, relevant d’une adaptation à l’affrontement, inférieures à son niveau théorique. Cette approche devrait conduire à proposer une autre conception des conduites communes à tous les joueurs, conception plurielle prenant en compte comme fait premier et signifiant les différences entre les adaptations mises en œuvre, dans la même situation, par des individus différents ou par le même individu à des moments différents. Au plan plus général, la réversibilité opératoire constitue un mécanisme essentiel des opérations mentales qui permet de réaliser entre différents éléments des relations d’inversion (additionner, puis soustraire, par exemple) et de réciprocité (permuter les termes d’une relation). Ces éléments servent à résoudre les problèmes posés par les configurations du jeu. Le Principe de Réversibilité nous enseigne aussi que les joueurs perdent les effets de l’entraînement et de la compétition quand ils arrêtent de jouer. Inversement cela signifie aussi que les effets reviendront, avec du temps, quand ils reprendront la compétition. Les périodes de repos sont nécessaires pour le rétablissement, après une blessure par exemple, mais les intervalles de repos prolongés réduisent la forme physique. Quand un joueur arrête de s’entraîner pour une longue période ses performances décroissent très vite.
Ainsi, dans ce type d’approche, de nombreux concepts doivent être considérés de manière contradictoire, donc d’un point de vue dialectique. Parmi les nombreuses significations de la dialectique, nous avons choisi de la définir comme une façon de penser les objets ou les idées qui utilisent l’opposition ou la divergence de pensée pour atteindre une synthèse. L’approche dialectique consiste à mettre en relation des éléments contraires et ainsi la contradiction est la clé de toute réflexion critique relative aux problèmes à résoudre. Le point de vue développé ici, à propos des rapports d’opposition, conduit, bien souvent, à une analyse en termes contradictoires des configurations du jeu mais aussi des compétences motrices tirer/passer ; pousser/frapper ; pied dur/pied mou ; dribbler/passer ; feinter/tirer... Pour une démarche de recherche fiable, cette analyse est indispensable si on ne veut pas laisser échapper toute la finesse de la technique entrain d’agir de façon authentique, c’est-à-dire dans une vraie situation d’opposition (Bouthier, 1997 ; Gréhaigne & Godbout, 2012).
5. Conclusion
53Vaut-il mieux enseigner l’aspect technique ou tactique du sport collectif ? Quelle place accorder à la technique ? À la lumière de différentes expérimentations, on remarquera que l’approche par le jeu apporte de meilleurs résultats au niveau de l’efficacité en jeu sur le terrain et fournit aux joueurs un enseignement plus sûr et plus durable concernant les prises de décisions tactiques en jeu. Offrir aux élèves la meilleure éducation physique possible implique bien évidemment de nombreux facteurs, mais l’un des plus importants est de savoir comment les enseignants enseignent et surtout comment les élèves apprennent. Une conception claire de la didactique des sports collectifs en relation avec un environnement d’apprentissage efficace génère nécessairement des conditions d’enseignement efficaces.
54L’avancée de l’âge aidant, la compétence d’un adulte se fonde toujours, à la fois, sur la richesse de son expérience et la maîtrise de ses connaissances. Ensemble, elles lui permettent : (1) d’identifier des situations comparables là où un autre ne verrait aucune parenté ; (2) de puiser dans sa mémoire un cas à peu près semblable ou un ensemble partiel de réponses pour rendre la réalité compréhensible ; (3) de construire une solution originale à partir de ses ressources. Dans une perspective de réinvestissement des connaissances et des compétences motrices pour une future vie physique d’adulte, l’activité authentique de l’apprenant semble un facteur prépondérant pour assurer le succès d’un enseignement d’éducation physique.
Auteurs
Université de Bourgogne Franche-Comté
Université de Bourgogne Franche-Comté
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