Information scientifique et connivence culturelle dans la relation texte/images de la vulgarisation. L’exemple de Science & Vie
p. 57-75
Texte intégral
1La vulgarisation scientifique constitue un cas particulier, aux visées spécifiques, d’alliance texte/image. Certes, sur le plan qualitatif comme, le plus souvent, sur le plan quantitatif, le texte y joue le premier rôle : c’est lui qui présente l’information nouvelle, l’authentifie, en explique les tenants et les aboutissants. Néanmoins, les illustrations et leurs légendes occupent une place significative de l’espace rédactionnel (pas loin de la moitié dans certaines revues, dont celle qui nous occupe) ; la grande diversité de leurs ressources sémiotiques offre des moyens efficaces pour compléter le message, tant en ce qui concerne la visée proprement scientifique que les autres visées inhérentes à la vulgarisation (didactique, argumentative…). Quels types d’effets les ressources figuratives sont-elles censées produire et comment agissent-elles ? Dans l’article qui suit, il ne s’agit pas d’apporter des réponses générales à ces questions, mais d’examiner un cas, particulièrement intéressant par sa polysémie, de relations texte/images. L’article choisi a été publié dans la revue Science & Vie, en janvier 2000.
1. Science & Vie : une vulgarisation qui marche
2La revue Science & Vie reste une des publications de vulgarisation scientifique les plus connues1 et les plus lues. Ses dimensions de cahier d’écolier la rapprochent du format de poche, ce qui la rend facile à manier et à transporter. En outre, le caractère relativement accessible de ses articles, le sujet de ceux-ci, orienté vers les intérêts des lecteurs et vers l’actualité2, la mise en scène des rubriques et des articles eux-mêmes, leur très grande variété, susceptible de rejoindre, à un moment au moins, les préoccupations de chacun… constituent autant d’indices montrant que la revue connait son public, en tient compte et répond à ses attentes connues ou supposées.
3Au fait, qui est ce lectorat ? On peut donner des indications générales à ce sujet puisque la question a fait l’objet d’une recherche3 qui date déjà, il est vrai. Contrairement à une idée assez largement répandue, « [le] public de la vulgarisation scientifique n’est pas ignorant et il consomme ce produit dans une perspective professionnelle ou culturelle largement dominée par la science et la technique »4. Plus précisément, les lecteurs de Science & Vie sont jeunes : un sur trois est élève ou lycéen. D’autre part, les deux tiers des lecteurs de cette revue ont commencé à la lire avant vingt-et-un ans et plus de 80 % avant vingt-cinq ans5. Cette caractéristique du lectorat a pour conséquence qu’une part significative du public se renouvelle très rapidement, induisant un flux permanent d’entrées et de sorties. Cette caractéristique, ajoutée à l’augmentation récente de la part du public scolaire et étudiant des lecteurs, influe sur les stratégies rédactionnelles.
4Si l’on ajoute encore la constante de la familiarité des lecteurs avec les savoirs et connaissances à caractère scientifique et technique, familiarité qui se signale, chez une part significative d’entre eux, par la possession d’un diplôme scientifique ou technique ou – chez les lecteurs fidèles plus âgés – par le gout d’une culture de type encyclopédique, on obtient une image assez précise où les classes supérieures sont surreprésentées.
2. La vulgarisation, une traduction/transposition dans l’ordre du scriptural
5Même si le public-cible est relativement instruit et dispose d’une certaine culture scientifique et technique, il n’en reste pas moins que le discours de vulgarisation présente, par rapport au discours scientifique spécialisé (DSS)6, des différences qui résultent d’une transposition de celui-ci, visant à le faire sortir de son milieu d’origine. Le DSS recouvre, en effet, grosso modo le(s) moment(s) où un chercheur communique à ses pairs – c’est-à-dire à ceux qui ont un niveau de spécialisation analogue – le résultat de ses recherches. En ce sens, le discours scientifique spécialisé peut être considéré comme un discours ésotérique, destiné à des initiés.
6Comment la vulgarisation procède-t-elle pour rendre lisible l’actualité scientifique ? Elle recourt à une série de procédures particulières, dont certaines relèvent du discursif proprement dit et d’autres du scripto-visuel. Les premières ne seront pas prises en compte ici (comme limiter l’usage des termes spécialisés et reformuler ceux que l’on emploie en recourant à la paraphrase, à la définition, etc.) ; les secondes ont à voir avec une des caractéristiques inhérentes à la communication scientifique qui « se déploie dans l’ordre du scriptural »7 et qui prend existence et statut par la mise en texte qui la spatialise et l’ordonne sur une surface où divers systèmes sémiotiques se combinent. En effet, « le discours scientifique se spatialise sur l’aire scripturale de façon originale. On peut le décrire comme un plurisystème graphique. […] Le discours scientifique donne à la fois à lire et à voir »8 : des signes linguistiques, mais aussi des signes non linguistiques (chiffres, symboles) et des « illustrations » : graphes, dessins, photos… Ces éléments donnent une représentation figurée des données de la connaissance et servent eux aussi, le cas échéant, de « preuves ».
7Ainsi, contrairement à ce que le mot illustration pourrait suggérer, les éléments de figuration jouent un rôle essentiel dans le discours scientifique : ils « n’ont pas la fonction secondaire et le statut de redondance qu’on accorde le plus souvent à l’image illustrative »9. Ceci vaut d’abord pour le discours scientifique spécialisé, mais en partie également pour la vulgarisation. On a ainsi montré que certaines revues de vulgarisation exercent, par leur iconographie, plus d’influence que les revues primaires dans le recrutement des partisans de nouvelles théories10. Néanmoins, dans la vulgarisation, les ressources figuratives – à l’instar des signes linguistiques – sont investies de différents rôles correspondant aux fonctions discursives remplies par l’article (et par la revue).
3. La vulgarisation : un discours interactif
8Le discours de vulgarisation peut en effet être considéré comme le résultat d’un ensemble d’opérations destinées à transcoder le discours scientifique pour susciter des actes de lecture non univoques, découlant d’intentions diverses. À la différence de la communication scientifique spécialisée qui, elle, vise l’univocité maximale et ordonne le discours – tant dans sa terminologie que dans sa structure et dans le recours aux éléments non verbaux – en fonction de cet objectif de monosémie, la vulgarisation intègre l’information scientifique à un discours qui poursuit également d’autres visées (argumentatives, le plus souvent, mais également littéraires au sens large du terme). On se trouve ainsi face au paradoxe de la vulgarisation : il lui incombe de faire connaitre une information univoque dans un discours non univoque et interactif, c’est-à-dire un discours qui ne cherche pas seulement à faire savoir, mais aussi à faire croire et/ou faire agir11… L’objet-texte de la vulgarisation présente une aire scripturale ordonnée et organisée afin de valoriser ces différents objectifs.
9Dans la vulgarisation, en effet, la communication revêt des facettes multiples qui correspondent aux enjeux poursuivis : transmettre une information scientifique nouvelle, certes, mais mettre celle-ci en scène de telle manière qu’elle « parle » au lecteur, qu’elle ne soit pas opaque, ésotérique. La logique de l’exposition scientifique (logique démonstrative, enchainements nécessaires) cède la place à un mode de fonctionnement beaucoup plus interactif : les « lieux communs » – le préconstruit culturel – lieux d’investissement collectif sont sollicités pour ancrer le message dans un terreau familier. C’est ainsi que les représentations, les intérêts (supposés) du lecteur, ses préoccupations, son imaginaire (à travers le recours à la narrativisation)12 constituent le substrat par rapport auquel la découverte prend son sens et reçoit une dimension sociale.
10Dans cette situation de communication, l’organisation scripto-visuelle de l’aire de la page constitue une des ressources majeures de la vulgarisation qui exploite à son avantage les ressources contemporaines des techniques de visualisation et le gout du public pour les images. Ainsi, le choix des couleurs et celui de la dimension des caractères ; la répartition des espaces iconiques de formes (ronde, rectangulaire ou irrégulière, strictement délimitée ou non…) et de natures variables sur la page ; leur imbrication avec le texte, visant à suggérer un espace à trois dimensions, tous ces aspects constituent le pendant, pour la vulgarisation, d’un constituant majeur du texte scientifique, son recours à la dimension iconique.
4. Le rôle stratégique des visuels
11Le paratexte joue donc un rôle important dans la stratégie de communication avec le public. Tous les éléments en sont utilisés de manière à accrocher et retenir l’attention volatile d’un lecteur qui cherche à s’instruire hors des sentiers institutionnels et qui demande à être impliqué dans le processus de communication, à être concerné par le message.
12Comment se réalise concrètement cette imbrication des éléments et des visées ? Mon propos consistera, dans ce qui suit, à démêler les fils des intentions qui se nouent jusqu’à former un ensemble (d)éton(n)ant, dans un article de Science & Vie de janvier 2000. Cet article, intitulé « La maladie de l’amour » occupe les pages 88 à 92 du numéro. Il n’occupe pas une place particulière dans le sommaire (ni article vedette, ni dossier, ni enquête), mais fournit la matière d’une des sept rubriques spécialisées13. L’article cité se loge dans la dernière de ces rubriques consacrées aux sciences de la nature et de la vie. Notons que les noms des rubriques sont, d’une part, mis en valeur par la taille des caractères, mais, d’autre part, soumis à la litote par la couleur bleue qui les situe en retrait par rapport au noir du titre situé immédiatement en dessous. Ces titres sont fortement expressifs et modalisés. Passons à l’article lui-même, sans oublier pour autant qu’un numéro de la revue forme un tout et que le lecteur ne suit pas nécessairement le parcours focalisé qui sera le nôtre.
4.1. Une image entre kitsch et stéréotype14
13La double page 88-8915 sur laquelle s’ouvre l’article qui nous intéresse est occupée aux deux tiers par ce qui ressemble à une photo. Pourtant, ce n’est pas une photo documentaire qui présenterait une réalité singulière, localisable dans l’espace et dans le temps. Il s’agit d’une photo retouchée de personnages standardisés, qui introduit le thème et l’illustre déjà d’une manière ou d’une autre, qui sera à préciser. Elle représente un jeune couple souriant sur un fond plat, bleu outremer. De part et d’autre de l’image, des rideaux « bonne femme » suggèrent que les jeunes gens se trouvent dans un intérieur, face à la fenêtre par laquelle ils regardent vers le lecteur. La jeune femme, la tête légèrement penchée vers son compagnon, fixe, vers le haut, un point situé hors du champ de l’image, à la verticale par rapport à la ligne de son regard. Le jeune homme, par contre, la main gauche posée sur l’épaule gauche de sa compagne, porte de grosses lunettes à monture noire et fixe le lecteur (il regarde droit devant, à l’horizontale). Situé à la gauche de l’image, il est plus grand que la femme ; celle-ci, par son inclinaison, accentue le tracé d’une diagonale haut/gauche vers bas/droite, qui conduit au texte et amorce le sens de la lecture16.
14Les visages sont uniformément roses et lisses, les yeux et les cheveux sont noirs : ceux-ci, raides et tirés en arrière chez le jeune homme, longs et ondulés chez la femme, contribuent à donner aux personnages une allure rétro ; celle-ci est également renforcée par la pose et par les sourires parallèles et de circonstance, qui découvrent des dents très blanches. Les rideaux évoquent eux aussi les Golden Sixties.
15Quatre plans se superposent dans cette illustration, sans qu’aucune profondeur soit suggérée : au premier plan, trois pots de fleurs coupés de leur base arrivent au tiers de la hauteur de l’image ; ils contiennent des fleurs communes (une rose, des dahlias « pompons », un gerbera) de couleurs vives, non assorties et surtout, visiblement, en plastique… Les fleurs sont disposées de manière à former une composition totalement orientée vers le lecteur, composition qui reproduit en miniature la forme du cadre dans lequel s’inscrit le couple. Les trois pots sont identiques. En outre, les couleurs des végétaux (rose tendre, bleu outremer, orange/rouille et vert) rappellent chacune celle d’un autre élément de l’image ou de la page : le titre, le fond, la chemise du jeune homme et celle de la jeune femme… Les idées de répétition, de rappel, de duplication s’imposent, comme celle d’artifice, de facticité.
16Mais ce n’est pas tout : il a été question d’une fenêtre ouverte face à laquelle les personnages poseraient. En réalité, la composition de l’image et le fait qu’elle soit entièrement tournée vers l’extérieur, d’une part, la pose « apprêtée » et lisse des personnages, d’autre part, suggèrent plus ou moins nettement l’idée d’une représentation organisée pour le lecteur : les rideaux tirés évoquent une scène, celle d’un théâtre de marionnettes, mais on peut également voir dans ce cadre un écran de télévision. L’article a paru un peu plus d’un an après la sortie du film américain Truman Show, qui mettait en scène un personnage (ressemblant quelque peu à l’homme de la photo) dont toute la vie se déroulait, à son insu, sous le feu des caméras d’un show permanent. L’homme est l’acteur forcé d’une pièce qu’il ne connait pas. Quant à la femme, c’est un être rêveur et romantique (elle ressemble à la femme emblématique de la revue Nous Deux) qui se complait dans le rôle qu’« on » lui donne. Le rideau s’ouvre ainsi sur une scène convenue et quelque peu inquiétante.
17Le lecteur, arrivé à ces pages est amené à s’arrêter, ne fût-ce qu’un instant, sur l’illustration : elle est voyante par le traitement du thème et par ses couleurs. Elle accroche le regard, elle provoque, et peut susciter un léger malaise : en effet, le lecteur ne peut pas ne pas percevoir, d’une part, une certaine image de l’harmonie amoureuse, quoique fort conventionnelle et assez anachronique, et d’autre part, quelque chose d’artificiel, de figé, voire de faux, dans les éléments de la composition et leurs couleurs. Mais ce même lecteur – ou un autre – peut également être amusé et intrigué face à cette image très kitsch, qui exhibe à ce point son intention déconstructrice et, sans s’arrêter davantage, il passe à la lecture… D’ailleurs, le titre de l’article a déjà attiré son attention par sa formulation racoleuse et connotée.
4.2. Dérision et/ou séduction
18Les deux premières accroches (titre et photo / photo et titre) créent un effet de décalage par rapport à l’intitulé de la rubrique (« neurobiologie »). Au fait, le lecteur ne l’avait peut-être pas remarqué… : situé en haut, à gauche de l’image (sur le rideau bonne femme bleu pâle), à la verticale, écrit en lettres cursives noires assez petites, il peut en effet facilement passer inaperçu. Cette discrétion ne porte néanmoins pas à conséquence : le lecteur sait qu’il tient dans les mains une « bonne » revue de vulgarisation scientifique : tôt ou tard, il (re)trouvera ce qu’il attend. Dans le cas de cet article, le jeu est cependant poussé assez loin, tout au moins au début : la dimension scientifique passe au second plan et cède la vedette à la suggestion, à une évocation paradoxale. D’ailleurs, d’autres éléments renforcent encore cette orientation, comme le chapeau et le graphe (sur fond rose pâle) du bas de la page de droite, qui est surmonté de deux angelots baroques tenant un luth et en jouant. Néanmoins, la légende du graphe, qui pourrait être prise également pour la légende de la photo à cause de sa localisation, est assez sèche dans son constat : du point de vue de la sérotonine, amour et TOC (trouble obsessionnel compulsif), c’est du pareil au même. Et le titre rose bonbon n’y change rien (« Un même taux de sérotonine »)17. Dès lors, le couple de l’illustration devient un couple « sous influence », mais l’image romantique (ou fleur bleue) de l’amour n’est pas loin.
4.3. Le discours ordinaire comme tremplin de la didacticité
19Nous sommes donc pleinement dans le stéréotype, mais un stéréotype déjà mis à distance (n’oublions pas l’arrière-plan scientifique), auquel est assignée une fonction ludique de reconnaissance d’éléments culturellement partagés et fortement investis : le thème fournissait en effet une belle occasion d’éveiller l’intérêt du lecteur en évoquant des images qui en appellent à ses émotions, à ses représentations, voire à ses expériences ; des images qui – avec une certaine ironie, notons-le – signalent au lecteur qu’il va être question d’un thème familier, mais sous un angle inattendu. Cette manière d’amorcer l’exposé, de rejoindre le lecteur sur son propre terrain avant de l’emmener dans un exposé scientifique relève, certes, de la stratégie de communication, mais également de la didacticité18 dans la mesure où celle-ci se manifeste par la présence de l’autre – ici implicite – dans le discours19. L’analyse de l’image a déjà mis cette dimension en évidence ; le titre ajoute sa propre note puisqu’il constitue une citation légèrement transformée d’une chanson populaire (Michel Sardou : La Maladie d’amour), qui, elle-même, renvoie à une idée commune, celle de l’amour comme phénomène capricieux, difficile à contrôler et qui « affecte » l’individu. Ce stéréotype littéraire permet de rejoindre indirectement la science puisqu’une maladie s’attrape certes, mais elle se diagnostique et se soigne aussi… La boucle se ferme, sauf que cette maladie semble l’objet d’investissements considérables, qu’elle apparait comme délicieuse et désirable (voir la couleur rose bonbon et les angelots), même si elle rend idiot ou « dingue »…
20Intrigué, amusé, intéressé, le lecteur lit le chapeau et n’en croit pas ses yeux : les premiers mots évoquent ses souvenirs scolaires les plus communs (peut-être pas les plus agréables) : ceux des introductions (difficiles) de dissertation qui débouchaient immanquablement sur l’énoncé passe-partout commençant par : « Depuis toujours, les hommes (ou la science ou les artistes…) se sont demandé si (ou se sont penchés sur, ou…) le(s) mystère(s) de… ». Voilà donc la journaliste qui, logée à la même enseigne que tous les autres simples mortels, cède au poncif de l’introduction passe-partout et l’ennoblit par la même occasion. Par ailleurs, cet énoncé-bateau remplit deux autres fonctions, l’une, didactique et l’autre, stratégique : il range par avance la recherche dont il va être question – et ses côtés irritants ou choquants – parmi la multitude d’autres qui ont déjà été menées et qui, semble-t-il, n’ont toujours pas éclairci le mystère… Et il situe côte à côte, dans cette quête, science et littérature. Ainsi, des trois énoncés du chapeau, seul l’énoncé central présente véritablement le sujet de l’article. Les deux autres, soit relativisent en situant dans le temps et dans un champ très vaste (science et littérature), soit atténuent en faisant ressortir les risques de la démarche.
21Un important dispositif est donc mis en place pour préparer le terrain et amener en douceur le sujet, sensible entre tous, de l’analyse/objectivation de la passion amoureuse par des scientifiques, de sa démystification en quelque sorte. Ce dispositif, générateur d’hétérogénéité discursive, a pour effet de rapprocher, dans un premier temps, le texte des discours ordinaires. Bien que basée sur des moyens simples, voire élémentaires à première vue, la stratégie est particulièrement subtile dans la mesure où elle tend à la fois à créer une complicité et à mettre à distance ; à éveiller l’intérêt et à prévenir de la sécheresse des constats scientifiques. Certes, rien n’est formulé de manière explicite et pour cause : l’image agit sans dire, et les effets qu’elle produit sont à la fois moins prévisibles et plus diffus. Elle forme un ensemble de signes qui agissent directement sur les organes sensoriels et sur l’imaginaire ainsi que sur la mémoire. Le contexte dans lequel elle s’insère influence ou détermine le choix qui en est fait ainsi que la réception : le caractère forcé du stéréotype et la dureté des tons de l’image qui esquissent un message (apparemment) élémentaire sont, dans ce cas-ci, destinés à « parler » à des lecteurs orientés vers un propos scientifique.
22Le corps de l’article met en œuvre d’autres stratégies tout en n’abandonnant pas celles qui ont permis d’amorcer la présentation. Nous les observerons sans trop nous y attarder. Nous nous attacherons surtout à circonscrire le macro-acte de parole réalisé par l’article, autrement dit, le rapport qui s’y noue entre la visée expositive et d’autres visées, ainsi que ce qui peut être considéré comme l’intention/la visée dominante. Une fois ces lignes tracées, nous reviendrons à l’image initiale pour en apprécier les ultimes connotations.
4.4. L’organisation scripto-visuelle du corps de l’article : illustrations, légendes et énoncés mis en relief
23Avant de suivre le fil du discours pour en dégager les intentions, examinons l’organisation de l’espace scripto-visuel des trois dernières pages de l’article, à savoir la répartition entre texte et paratexte, plus particulièrement iconique, et ce qui s’en dégage. Les pages 90-92 contiennent le développement : alors que la première double page est essentiellement centrée sur le visuel, les trois pages qui suivent (90- 92) le sont sur le scriptural. Deux illustrations coupent cependant encore l’exposé : l’une, page 90, maintient le fil du rapport avec la littérature, présent dès le début de l’article. Le portrait de Stendhal, en médaillon, introduit une première référence à la « grande » littérature (voir la gradation : de la chanson à Stendhal). Nous l’avons vu, le public de la revue n’est pas dépourvu de culture scolaire, le nom de Stendhal (et son « miroir que l’on promène le long du chemin ») lui est sinon familier, du moins connu. À cet endroit de l’article, nous avons affaire à un procédé d’attente : à la fois comme rappel et annonce ; sa présence à cet endroit ne se justifie pas autrement, puisque rien, dans la double page, ne se rapporte ni à la littérature ni à l’écrivain20.
24Néanmoins, l’insertion de ce portrait sur cette page contribue à alléger la lecture de la page elle-même et à signaler que le rapport à la littérature ne se perd pas ; en outre,
la forme ovale du médaillon apporte un peu de rondeur dans cette page tout entière organisée à partir de lignes droites ;
la notion même de médaillon et le portrait lui-même évoquent le passé (cf. le côté rétro de l’image initiale), présentent au lecteur une petite échappée, sinon vers ce qu’il connait, du moins vers une référence stable, alors qu’il se voit en permanence plongé dans la nouveauté vertigineuse et déstabilisante des découvertes scientifiques ;
le commentaire (titré en rose tendre) propose un petit récit qui réactive le cliché de l’écrivain mal-aimé projetant son mal-être dans son œuvre ; en outre, le déploiement de la métaphore de la cristallisation permet un bref retour à l’imaginaire tout en faisant appel à une notion scientifique. La didacticité trouve ici un relais dans la référence littéraire.
25La page 91 comporte, elle aussi, des éléments figurés, ceux que l’on s’attend à voir dans un article scientifique, c’est-à-dire des schémas qui visualisent la/les réalité(s) concernée(s) et le(s) processus mis en jeu. Le titre (toujours en rose tendre), lui, n’a rien de scientifique (alors que le titre accolé au portrait de Stendhal aurait pu passer pour scientifique) : « Les détours de l’amour » ; par contre, il semble avaliser le propos dans sa dimension la plus scientiste puisqu’il chapeaute une légende en cinq points renvoyant à un dessin du cerveau humain et au schéma de la synapse. Notons tout de même un « peut-être » à la fin du commentaire21. L’ensemble, fort schématique, peut donner l’illusion de comprendre le mécanisme concerné. Il n’empêche qu’il est fort elliptique et que le commentaire recourt à une notion qui n’est pas mentionnée dans l’article, l’enzyme (les monoamines oxydases), qui régule la production de sérotonine. Ces dessins ne sont donc pas vraiment destinés à ancrer des connaissances nouvelles chez le lecteur, autrement dit, ils offrent une « traduction »/représentation accessible du phénomène qui a fait l’objet de mesures aussi bien chez les nouveaux amoureux que chez les patients atteints du TOC.
26Outre les éléments figurés, le paratexte des pages 90 et 91 comporte deux types d’éléments : des énoncés-balises et des intertitres.
27La page 90 est barrée, sur deux colonnes, en bas, à gauche, par un énoncé à l’infinitif. Il ne s’agit pas d’un intertitre, mais plutôt d’un énoncé qui balise la lecture en l’orientant. Écrit en caractères romains, nettement plus grands que les intertitres, il met en exergue un aspect de la méthode utilisée par les chercheurs concernés22. Il comporte une prise de position indirecte puisqu’il oppose normal et pathologique. Ainsi, bien que se présentant sous une forme neutre, il suggère/ appelle une mise en cause de la démarche (« est-ce bien pertinent ? »). Dans sa structure et même son intention, il calque d’ailleurs un énoncé en style direct, attribué au plus farouche opposant à la recherche présentée (É. Zarifian)23.
28Un véritable intertitre coupe le texte de la page 9124. En capitales de couleur rouille : « embellie plutôt que folie », il synthétise, en l’interprétant, le propos d’un des opposants modérés. L’interprétation est d’abord produite par le mot « embellie », qui reprend l’expression « plénitude narcissique », utilisée dans une citation de B. Cyrulnik (§ 10). Il y a interprétation et surtout transposition/traduction dans la mesure où on quitte le langage spécialisé de la discipline concernée, langage qui forme réseau (chez Cyrulnik, la plénitude narcissique est mise en relation avec l’histoire du sujet et les traces laissées par celle-ci dans sa mémoire) pour se trouver face à un terme soutenu certes, et même spécialisé – en tout cas à l’origine –, mais relevant d’un tout autre champ disciplinaire (marine, météorologie) et qui, dans le contexte de l’article, est surtout susceptible de donner lieu à un déploiement imaginaire (ciel bleu, soleil…). Quant au terme « folie », qui n’est utilisé à aucun moment par les chercheurs, il relève plutôt du lexique courant, qui ne s’embarrasse pas d’étiquettes savantes pour désigner les troubles mentaux.
29Le deuxième intertitre (« À chacun sa passion ») chapeaute la dernière partie de l’article, dans laquelle des prolongements sont envisagés, en termes de remédiation à des pathologies. L’intertitre, comme le paragraphe conclusif d’ailleurs, atténue la portée des deux paragraphes qui suivent et qui évoquent des troubles du comportement amoureux.
30Un second énoncé-balise se trouve sur la dernière page. Comme le précédent, il suggère le commentaire de la revue ou de l’auteur de l’article sur les recherches dont il est rendu compte. Il ouvre, lui aussi, la porte à une mise en cause ironique de la démarche scientifique : les résultats sont présentés au conditionnel et sous une forme quasi polémique25. Ainsi, l’enjeu est bien la mainmise symbolique sur un territoire, celui de l’amour, qui a toujours été reconnu comme étant par excellence celui des poètes ; autrement dit encore, implicitement, la question est de savoir si l’expérience humaine dans ce qu’elle a de plus intime, de plus personnel et insaisissable, va, elle aussi, se voir quadrillée et mesurée par les scientifiques. Cependant, rien n’est clairement affirmé, et le lecteur qui est un inconditionnel de la science garde la possibilité de prendre l’hypothèse tout à fait au sérieux.
31Ainsi, les stratégies repérées dans l’ouverture de l’article, stratégies qui visaient à apprivoiser le lecteur en le disposant favorablement par l’évocation de référents culturels partagés, légèrement mis à distance, se voient prolongées par une mise à distance de l’auteur de l’article par rapport aux recherches relatées. Cette double distanciation – qui opère sur deux champs distincts – constitue, sur le plan de la transposition, une procédure particulièrement intéressante. Il s’agit certes de maintenir la complicité avec le lecteur, mais également de l’inviter à prendre les discours pour ce qu’ils sont : des constructions destinées à donner une image de la réalité, image dépendant du point de vue et de l’époque. Ainsi, les prétentions des scientifiques à se prononcer sur un état aussi personnel et englobant que l’état amoureux se voient ramenées à leurs plus justes proportions. Et surtout, la comparaison avec les TOC26 perd un peu à la fois de sa pertinence et de son impertinence.
4.5. Une structuration quasi canonique du propos
32Globalement, l’exposé est construit selon le schéma classique des articles scientifiques : Introduction – Matériel – Méthode – Résultats – Interprétation – Discussion (IMMRID), autrement dit, le cadre général respecte les principes de développement à l’œuvre chez les spécialistes, sauf que la discussion est menée de pair avec l’interprétation (IMMRDI). Se trouverait-on soudain face à un discours centré essentiellement sur la présentation d’une information scientifique ? Ces différents moments vont se voir analysés d’un peu plus près.
– Introduction (§ 1, 2 et 3)
33Référence à la « littérature » au sens large (opéra, chanson) pour opposer son discours à celui des chercheurs dont il va être question (références de l’étude publiée dans Psychological Medecine), les deux se voient ensuite réconciliés ; l’idée de quête (de la vérité de l’amour / sur l’amour) est bien présente, avec en filigrane l’idée de rivalité entre les approches.
34L’origine de la recherche est précisée et située dans un rapprochement entre le comportement des nouveaux amoureux et celui des patients atteints de TOC à partir de la mesure du taux de sérotonine dans le cerveau. Le discours est expositif avec une modalisation (verbe « sembler »), en début de § 2.
– Matériel et méthode (§ 4, 5, 6)
35Exposé synthétique, « neutre », au passé composé, de la méthodologie suivie et des mesures effectuées. Conclusion au conditionnel (fin § 6)27. Ceci n’est pas étonnant dans la mesure où, par définition, la vulgarisation est le mode du non-certain ; le journaliste rapporte les recherches d’autrui et n’est, le plus souvent, pas en état de prendre position par rapport à elles : il ne les a pas vérifiées et, de plus, ces recherches sont loin de faire l’objet d’un consensus.
– Discussion (§ 7 à 14 y compris)
36La discussion occupe une place nettement plus importante que l’exposé de la recherche… Évocation des réactions « partagées » du milieu psychiatrique quant à l’interprétation du phénomène mis en évidence. L’organisation de ce mouvement discursif est intéressante. Plusieurs réactions sont mentionnées ; elles sont encadrées par des énoncés pris en charge par l’auteur de l’article et parmi eux, après une phrase introductive, des énoncés critiques présentés sous forme de concession (début du § 7 : « Certes, on peut arguer que […] »). Ces objections sont celles que tout un chacun – ou en tout cas le lecteur – peut formuler.
37La dimension interactive du discours se manifeste encore clairement : le scripteur, après avoir présenté l’information scientifique et avant de donner la parole aux pairs des auteurs de la recherche, ouvre le débat en reprenant le thème mis en évidence dans l’énoncé-balise de cette page : la différence radicale entre les deux phénomènes observés (l’amour, le TOC) et leurs manifestations respectives. S’agit-il là d’une orientation donnée à la lecture ou de la prise en compte des réactions supposées du lecteur ? Les deux à la fois sans doute. Dans un premier temps, la parole est donnée à la défense (Hagop Akiskal), mais c’est, semble-t-il, pour mieux mettre en évidence le tir de barrage des opposants qui sont de deux sortes : les opposants modérés et le radical (É. Zarifian). Retour est fait ensuite à l’équipe initiale, qui se défend de vouloir diagnostiquer une pathologie dans le sentiment amoureux, puisqu’une telle démarche montre que des « anormalités ne sont pas forcément pathologiques » (citation dans le texte, p. 91).
38Le § 14 constitue un paragraphe conclusif « adoucissant » ; destiné à apaiser les craintes ou l’irritation du lecteur, il vise à créer un pont entre les deux pouvoirs symboliques qui s’affrontent, la science et la littérature. L’auteur de l’article affirme ainsi que l’amour n’est pas démystifié, au contraire ! Et il ramène la littérature en la personne de Stendhal. Ce paragraphe, coupé au beau milieu par le deuxième énoncé-balise (« Mieux que les poètes, la sérotonine et la dopamine expliqueraient l’amour »), affirme l’intérêt de l’étude relatée, intérêt qui va se voir explicité dans ce qui suit.
– Prolongements (§ 15 et 16)
39L’intertitre, on l’a vu, atténue la portée des deux paragraphes qui suivent et qui évoquent des troubles du comportement amoureux. D’abord, on introduit un autre neurotransmetteur, la dopamine, dont la mesure s’avère également révélatrice ; ensuite, sont expliquées les utilisations possibles des mesures conjuguées de ces deux marqueurs : pour diagnostiquer et soigner les troubles émotionnels et ceux de la personnalité… Dans ces deux paragraphes, le conditionnel et la modalisation sont très présents.
– § 17
40Après avoir, dans une première conclusion partielle, atténué la portée de la recherche et de ses résultats, en se référant aux chercheurs eux-mêmes (§ 14) et en soulignant « le caractère extraordinaire des débuts », l’auteur de l’article opère la même courbe rentrante au dernier paragraphe en soulignant les bénéfices potentiels d’un état anormal qui est « souvent source de création » et en suggérant que « la palette de l’amour […] n’est jamais aussi rose que l’on voudrait le croire ». Cet énoncé n’est sans doute pas sans rapport avec l’illustration de la première page28.
41Soulignons encore que, dans le corps de l’article, l’exposé intègre, de manière appuyée et explicite, la dimension de controverse reprise à un autre niveau dans le paratexte.
Pour conclure : un jeu subtil avec un lecteur intelligent
42En somme, l’auteur de l’article entre et progresse dans son propos en ménageant ses lecteurs, dont les représentations et les conceptions sont prises en compte sur plusieurs points :
l’amour comme force irrationnelle non explicable à laquelle seuls les poètes ont accès ;
l’amour comme phénomène hautement individuel et personnel qui doit rester à l’abri des interventions « technico-scientifiques » ;
l’amour comme sentiment normal, partagé par tous les humains.
43Ces idées vont se voir plus ou moins directement mises en cause dans le propos de l’article, mais elles constituent l’arrière-plan par rapport auquel les recherches sont situées. En outre, tout l’article est balisé de signaux qui indiquent au lecteur qu’il convient de relativiser la portée des résultats présentés.
44Si nous revenons à présent à l’illustration placée en ouverture, que pouvons-nous en dire de plus ? Certes, sa première fonction est d’accrocher, d’apprivoiser le lecteur, par ses dimensions, ses couleurs vives, sa thématique dont le traitement évoque les romans-feuilletons (plus particulièrement Nous deux). Mais elle lui annonce également, de manière implicite, qu’il va être dérangé, que son image de l’amour va se voir égratignée parce qu’elle est par trop romantique et/ou anachronique. Enfin, elle lui indique sans doute que l’image de l’amour qui va lui être présentée est quelque peu étriquée, enfermée dans des paramètres qui ne laissent pas ou peu de place à des dimensions personnelles, comme l’imaginaire, l’exubérance, l’inventivité.
45On le voit, la didacticité de cet article se situe sur plusieurs plans. Certes, les procédés habituels de transmission/transposition du savoir en direction d’un public non spécialiste s’y retrouvent. Mais le travail langagier et iconique sur les discours dépasse cette dimension : par l’évocation et la mise à distance de significations appartenant à des champs sémiotiques et culturels différents ; par les mises en relation, les analogies et les contrastes qui tissent le propos, c’est le système de représentations du lecteur qui est interrogé. Il me semble en effet que les références (roman-photo, cinéma, chanson, opéra, littérature classique) évoquées et le commentaire (parfois implicite) qui en est fait, contribuent à mettre en évidence la complexité du sujet abordé ; ces éléments contribuent également à souligner que le discours de la science voisine avec d’autres qui, finalement, à leur manière, aident aussi les humains à penser leur destinée… Il n’y a donc pas lieu d’attendre son salut (ou sa perte) des uns plus que des autres : tous sont frappés par la finitude et les limites qui y sont liées.
46Sur le plan pragmatique donc, l’illustration actualise de manière particulièrement efficace la dimension interactive de l’article, puisqu’elle s’adresse au lecteur, lui parle de lui-même et de ce qu’il va lire ; elle peut véritablement être considérée comme jouant un rôle spécifique et non négligeable dans la construction des significations.
Annexe
Annexe
Notes de bas de page
1 « Science & Vie, la plus connue et la plus étudiée des revues françaises de vulgarisation scientifique […]. Créée en 1913 par l’industriel Dupuis (en réalité Dupuy ndla), elle appartient aujourd’hui encore à ses descendants. Le projet de cette revue a toujours été d’ordre économique et en direction des petites et moyennes entreprises. Plus que diffuser la science, elle souhaitait hâter la modernisation de l’économie française » (D. Jacobi, Textes et images de la vulgarisation scientifique, Berne, Peter Lang, coll. « Exploration : série “Recherches en sciences de l’éducation” », 1987, p. 30).
2 « Avant le big bang », « Tokaïmura : un accident impossible en France ? », « Actualité du multimédia » (même numéro).
3 Voir L. Boltanski et P. Maldidier, La vulgarisation scientifique et son public : une enquête sur Science et Vie, Paris, CSE – EHESS, 1977.
4 D. Jacobi, Textes et images […], op. cit., p. 48.
5 Ibid., p. 50.
6 Pour une typologie des discours scientifiques, basée sur la situation de communication, A.-M. Löffler-Laurian, « Typologie des discours scientifiques : deux approches », dans Études de linguistique appliquée, n° 51, 1983, pp. 8-12.
7 D. Jacobi, Textes et images […], op. cit., p. 61.
8 D. Jacobi, « Du discours scientifique, de sa reformulation et de quelques usages sociaux de la science », dans Langue française, n° 64, 1984, p. 42.
9 Ibid.
10 Ce fut le cas précisément de Science & Vie qui publia, en 1971, les meilleures photos du bactériophage T, virus qui a fait l’objet de nombreux travaux jusqu’aux années septante ; ceux-ci ont contribué à imposer le paradigme de la biologie moléculaire. Voir D. Jacobi, « Du discours scientifique […] », op. cit., p. 44.
11 Voir à ce sujet S. Eurin Balmet et M. Henao de Legge, Pratiques du français scientifique, Paris, Hachette FLE., 1992, p. 102. C’est Sophie Moirand qui a introduit, dans l’analyse de discours, la distinction entre communication interactionnelle, « où interaction, terme de la psychologie sociale, signifie “volonté d’influencer l’autre” et donc modalité d’intervention langagière participant à la co-construction des échanges verbaux » ; et, par ailleurs, la communication « de nature expositionnelle, celle qui, à l’intérieur des disciplines scientifiques, véhicule la production de connaissances nouvelles, ou bien encore participe à leur diffusion » (« Décrire des discours produits dans des situations professionnelles », dans Le français dans le monde, recherches et applications. Publics spécifiques et communication spécialisée, aout-septembre 1990, p. 52).
12 Voir à ce sujet F. Thyrion, « La narrativisation de la vulgarisation scientifique : la (para) littérature comme adjuvant dans des articles du Monde », dans J. Carion, G. Jacques et J.-L. Tilleuil (dir.), Aventures et voyages au pays de la romane. Pour Pierre Massart, Cortil-Wodon, E.M.E., 2002, pp. 271-277.
13 Dont l’une bénéficie d’ailleurs de deux mentions. On a ainsi : Astronomie : « On a enfin vu une planète extrasolaire » ; Géophysique : « Pourquoi tant de séismes ? » ; Géophysique : « La terre boit ses océans » ; Génétique : « La clé de la longue vie » ; Exobiologie : « Énigmatiques nanobactéries » ; Agriculture : « La famine en voie d’extinction » ; Neurologie : « La mémoire photographiée » ; Neurobiologie : « La maladie d’amour ».
14 Au moment d’aborder l’analyse de l’image, nous tenons à mentionner l’ouvrage de J.-M. Adam et M. Bonhomme, L’argumentation publicitaire. Rhétorique de l’éloge et de la persuasion, Paris, Nathan, coll. « Fac : série “Linguistique” », 1997.
15 L’article est reproduit en annexe.
16 Cette remarque s’inspire d’une analyse présentée par Jean-Louis Tilleuil lors d’une conférence faite à Louvain-la-Neuve, sur la première planche de L’Affaire Tournesol.
17 Notons encore que la couleur rose (carnet rose, ballet rose…) enveloppe toute la page, sauf le coin supérieur gauche : elle fait barrière entre le lecteur et le couple de la photo (les trois roses roses surplombent le bouquet artificiel) ; elle surplombe le texte de la page 88, déborde dans la photo (le d’ du titre « La maladie d’amour ») et termine la page en bas à gauche.
18 Pour cette notion, voir particulièrement Les Carnets du Cédiscor, n° 1. Retenons que Sophie Moirand caractérise la didacticité en croisant trois sortes de définitions : l’une, « situationnelle, inscrit la didacticité dans une situation de production où l’un des producteurs possède un savoir supérieur à celui de l’autre, savoir qu’il est obligé ou qu’il désire faire partager à l’autre ». Une autre définition, « formelle cette fois, définit “la didacticité” à travers ses manifestations linguistiques repérables à des procédés langagiers spécifiques » tels que définitions, exemplifications, « certaines traces prosodiques ou iconiques […] ». La « troisième définition, plus fonctionnelle, repère la visée mise en jeu dans un texte : s’agit-il de faire savoir ou de faire faire ? D’exposer ou de faire apprendre ? De faire voir ou de faire croire ? » (dans Carnets du Cediscor, n° 1, 1992, p. 10).
19 Ibid., pp. 12-13 : « […] degré encore moins apparent de didacticité, le discours de vulgarisation grand public, qui s’appuie sur des pré-construits de ce que l’autre pourrait dire et qui constituerait l’extrémité “molle” de la didacticité ».
20 Il y sera fait explicitement référence à la page 92 que le lecteur n’a pas encore sous les yeux.
21 « Ces enzymes régulent donc la production de sérotonine et peut-être le comportement amoureux » (p. 91, en haut, à gauche).
22 « Analyser un comportement normal à travers un prisme pathologique ». Notons encore que le mot prisme appelle habituellement l’adjectif « déformant ». Un second énoncé de ce type est inséré à la dernière page de l’article (p. 92).
23 Le professeur dénonce la tendance scientifique qui tend « de plus en plus, à transformer un comportement normal en une pathologie mentale » (p. 91).
24 Il n’y en a que deux dans l’article ; le second se trouve à la page suivante avec le second énoncé-balise : il s’intitule « À chacun sa passion », j’y reviendrai.
25 « Mieux que les poètes, la sérotonine et la dopamine expliqueraient l’amour ».
26 Malheureusement, en français, ce sigle est fort proche de l’adjectif toqué.
27 « L’amour naissant et l’obsession pathologique ne présenteraient pas seulement des symptômes communs, mais impliqueraient également la même variation d’un marqueur biologique significatif : la sérotonine » (p. 90).
28 Voir en fin d’article un tableau de synthèse des éléments évoqués.
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