Chapitre 8. La progression et les ruptures d’apprentissage en langues modernes
Atelier thématique coordonné par Fanny Meunier
p. 135-156
Texte intégral
Transition, progression et ruptures en langues modernes (F. Meunier, N. Bya, C. Muller et É. Nicaise)
1Cet article aborde la question de la transition dans les programmes et cours de langues modernes en Belgique francophone. Nous y proposons une approche chronologique de la transition (allant de l’école primaire1 à l’université), tant au niveau de la conception des programmes que de la mise en place d’actions concrètes dans les cours.
2Nous ne prétendons pas offrir un catalogue exhaustif des actions mises en place en Belgique francophone, mais nous visons plutôt à illustrer de manière concrète les divers types d’actions à tous les niveaux de transition et à promouvoir, ainsi, la réflexion sur le sujet. Après deux brèves sections introductives sur la notion de transition et sur la tension possible entre transmission et recherche d’information, nous aborderons la transition au niveau de la conception des programmes en langues étrangères dans la section deux. Les sections trois à cinq traiteront tour à tour de la transition entre : le primaire et le secondaire, le secondaire et le supérieur non-universitaire, et le secondaire et l’université. Dans la sixième section, nous adopterons une approche plus macro et présenterons le Cadre européen commun de référence (CECR) pour les langues, qui aborde tous les niveaux de compétence en langues étrangères (de débutant complet à utilisateur quasi-natif) et, de ce fait, offre des pistes concrètes pour faciliter la réflexion sur la progression curriculaire, le choix des contenus et la planification temporelle.
Introduction
Transition : nécessaire rupture ?
3La notion de transition est associée au passage graduel d’un état à un autre. Ce nécessaire changement d’état fait partie intégrante de notre vie (physique, psychologique, cognitive, personnelle ou encore professionnelle). La transition, base de l’évolution, passe par de nécessaires ruptures qui peuvent avoir un effet anxiogène. Au niveau éducatif, il nous semble donc important de considérer, mais aussi de présenter, la transition comme une étape normale d’évolution. Nous adopterons également un discours volontairement positif sur la transition, et non pas un « regard vers le bas » qui renvoie systématiquement les problèmes inhérents à toute transition vers l’échelon antérieur de la formation. Il faut noter que nous n’aborderons pas, dans cet article, les enjeux sociétaux tels que le rapport des jeunes à l’école, le nombre d’élèves par classe, ou encore le choix des diverses langues étrangères par les élèves.
Entre transmission et recherche d’information
4L’un des problèmes récurrents dans l’enseignement semble être la transmission d’informations. Combien de fois n’avons-nous pas entendu des phrases telles que « je ne suis pas au courant de… », « personne ne m’a dit que… », « nous n’avons pas été informés de… », « on ne m’a pas dit que… ». Sans vouloir stigmatiser ces phrases, elles semblent contenir une accusation implicite de « l’autre » à qui incomberait nécessairement l’entière responsabilité d’informer. Nous souhaitons donc insister sur le fait que l’accès à l’information est une responsabilité partagée : ceux qui mettent en place des projets, des lois, des programmes doivent en effet s’assurer de transmettre l’information au plus grand nombre, mais il incombe aussi aux individus de rechercher l’information de manière proactive.
1. La transition dans la conception des programmes des cours de langues modernes
5On note une impulsion officielle vers une forme de continuité dans la rédaction des référentiels liés aux langues modernes. Les socles de compétences sont subdivisés en 3 étapes : 1re étape à la fin de la 2e primaire (pas d’application pour les langues modernes), 2e étape à la fin de 6e primaire et 3e étape à la fin de 2e secondaire. Le chevauchement entre deux niveaux (primaire et premier degré du secondaire) est donc apparent ici. Quant aux compétences terminales, elles visent l’objectif à atteindre en fin de secondaire, avec pour mission aux concepteurs de programmes – entre autres – de découper les apprentissages nécessaires et de les échelonner sur les quatre années des deuxième et troisième degrés du secondaire. On remarque également une démarche de transition présente dans le réseau libre [Fédération de l’enseignement secondaire catholique (FESeC)] lors de la rédaction des programmes. Il y a une conception en commun des programmes du fondamental et du 1er degré du secondaire et les compétences visées dans ces deux niveaux d’enseignement sont annoncées dans les programmes du fondamental et vice versa. En outre, les compétences définies pour le fondamental ainsi que pour les trois degrés du secondaire sont clairement annoncées dans les programmes des 1er, 2e et 3e degrés. L’objectif est clairement de permettre aux enseignants d’inscrire leur cours au sein même d’un cursus en connaissance de cause de ce qui y est développé tant en amont qu’en aval. En ce qui concerne l’articulation des 2e et 3e degrés, elle est en plus soutenue par le programme en tant que tel, car il n’existe qu’un seul programme commun aux deux degrés. La progression est donc présentée comme un tout, une suite logique dans un programme divisé en degrés et non en années. Ceci renforce l’idée d’une nécessaire coordination ou articulation au sein du second degré, lieu clé de transition. Cette réelle impulsion de transition n’est toutefois pas exempte de problèmes. Au niveau des enseignants, on remarque un manque de connaissance de la réalité en amont et/ou en aval. Au niveau du système éducatif même, l’éclatement du second degré entre les régents et les licenciés se répercute souvent sur la non-articulation entre la 3e et la 4e année. Au niveau officiel, on peut noter un manque d’articulation (voire parfois de cohérence) entre les outils proposés par la Commission des outils d’évaluation inter-réseaux pour le premier degré, d’une part, et pour les second et 3e degrés, d’autre part. Ceci résulte probablement de deux conceptions psychopédagogiques différentes en toile de fond : Rey et collègues2 pour les socles de compétences, et Beckers et collègues3 pour les compétences terminales. Certaines démarches correctives ont été mises en place afin de pallier ce manque d’articulation. Au sein du réseau libre, des expériences d’articulations « primaire-secondaire » sont développées (pour illustration, voir le paragraphe ci-dessous « Transition primaire-secondaire). Un travail d’accompagnement de fond et de suivi des équipes pédagogiques en demande est également effectué dans les écoles qui en font la requête. Enfin, une réflexion est actuellement menée quant à la production de grilles de positionnement basées sur le Cadre européen commun de référence pour les langues4. Ces grilles serviront, à terme, à visualiser concrètement les différentes étapes à franchir et pourraient soutenir une définition d’objectifs plus concrets pour les différentes étapes de l’enseignement (pour plus d’informations sur le CECR, voir plus loin dans cet article le paragraphe sur « Réflexion globale sur la progression curriculaire en langues modernes »).
2. Transition primaire-secondaire
6Dans cette section, nous présenterons deux projets qui visent à améliorer la transition entre la fin du primaire et le début du secondaire. Le premier a été mis en place à un niveau local et le second à un niveau européen.
Projet d’articulation primaire-secondaire dans la zone de Huy
7La FESeC et la Fédération de l’enseignement fondamental catholique (FédEFoC) se penchent depuis quelques années sur l’articulation primaire-secondaire. Le projet global concerne évidemment l’ensemble des cours. L’accompagnement mené sur la zone de Huy illustre concrètement la mise place de cette articulation au niveau des cours de langues. Six rencontres se sont échelonnées entre octobre 2006 et mai 2009 entre les partenaires, à savoir les professeurs de langue de sept écoles primaires de l’entité et des professeurs de langues du 1er degré des cinq écoles secondaires de la zone, en présence de l’un ou l’autre des directeurs, d’un conseiller pédagogique du fondamental, ainsi que d’un conseiller pédagogique du secondaire. L’objectif poursuivi était de faciliter le passage de la 6e primaire à la 1re secondaire. Le travail s’est articulé en trois temps : apprendre à mieux se connaitre, travailler ensemble et, enfin, construire ensemble.
8La première démarche a été d’analyser la déception réciproque qui empêchait, a priori, une collaboration efficace. Pour mieux se comprendre, le groupe s’est attelé à une découverte des programmes respectifs. Enfin pour aller plus loin dans la connaissance de l’autre, les participants ont réfléchi à la mise en œuvre d’un processus progressif d’harmonisation entre les pratiques des deux niveaux.
9La deuxième étape visait à travailler ensemble et les professeurs ont choisi de le faire autour du développement de l’expression écrite – compétence dans laquelle se vivait le plus de déceptions au niveau des professeurs du 1er degré (en termes d’attentes de pré-requis non maitrisés). Une relecture détaillée des deux programmes au sujet de cette compétence et une prise de conscience claire des objectifs respectifs ont précédé la présentation de séquences de cours axées sur l’expression écrite dans les deux niveaux d’enseignement. Des examens furent également comparés. Suite à ce travail, certains enseignants du secondaire, ayant une idée plus précise et plus réaliste de ce qui est travaillé dans le fondamental, ont adapté leurs pratiques tant au niveau de la progression de l’apprentissage de la compétence qu’au niveau des exigences de la tâche proposée pour les examens de Noël. De leur côté, les professeurs des écoles fondamentales ont construit un examen commun pour la fin d’année.
10Enfin, l’idée de travailler ayant germé et muri, les participants ont décidé de travailler une stratégie d’apprentissage commune, en l’occurrence la mémorisation, en vue de créer là aussi un continuum. Les objets de travail : construire une activité qui débuterait en primaire et se continuerait dans le secondaire ; lister les difficultés des élèves au 1er degré et voir comment certaines pourraient déjà être travaillées au fondamental afin d’en faciliter la maitrise par les élèves au terme de la 1re secondaire. Finalement, les professeurs se sont mis au travail autour de séquences de cours liées au développement de la compréhension à l’audition dans les deux niveaux.
Projet européen Pri-Sec-Co
11Ce projet européen vise lui aussi la continuité du primaire au secondaire dans l’apprentissage des langues vivantes étrangères. Le but de ce projet mené par sept pays européens5 est d’élaborer des stratégies pour faciliter la transition de l’école primaire à l’école secondaire. Comme expliqué sur le site dédié au projet, les sept pays ont développé du matériel pédagogique à utiliser soit en classe de langue ou en stages de formation des professeurs de langues. Chaque partenaire du projet, après avoir recueilli et évalué la recherche nationale existante dans le domaine (voir annexe 1 pour une bibliographie sur l’apprentissage des langues modernes et la transition en Europe), a rédigé un rapport synoptique. Une analyse des besoins a alors été mise en place et complétée par des échantillons de séquences de cours provenant des salles de classes primaires et secondaires des pays participants. Du matériel filmé a également été utilisé pour déterminer les champs d’intérêt spécifiques et pour définir des sujets d’autres échantillons de séquences à filmer ultérieurement. Chaque partenaire a rassemblé et mis à disposition de tous du matériel didactique susceptible d’établir la liaison entre le primaire et le secondaire. Ce matériel a servi à la conception de tâches passerelles qui permettront aux élèves de démontrer les compétences acquises en primaire (voir l’annexe 2 pour un exemple de tâche passerelle). La collection annotée d’outils et de matériels sont publiés sur le site web du projet et accessibles à la communauté (voir http://www.pri-sec-co.eu/).
3. Transition secondaire-supérieur non universitaire
12De nombreuses séances d’informations et d’orientation aux études sont organisées en fin de secondaire, à l’initiative des écoles elles-mêmes ou à l’initiative des hautes écoles. Les centres psycho-médico-sociaux (ou PMS) sont des lieux privilégiés d’accueil, d’écoute et de dialogue où les jeunes et leur famille peuvent aborder les questions « en matière de scolarité, d’éducation, de vie familiale et sociale, de santé, d’orientation scolaire et professionnelle » (voir la page dédiée à ce sujet sur le site enseignement.be : http://www.enseignement.be/index.php?page=24633).
13Ces cellules, présentes à divers moments dans les écoles, organisent par exemple des tests d’orientation pour les études. Malgré ces diverses possibilités offertes, en ce compris les divers salons d’informations des professions et études, l’entrée dans l’enseignement supérieur reste problématique pour de nombreux jeunes. Nous présentons dans cette section, un exemple de dispositif mis en place à la Haute École Louvain-en-Hainaut (HELHA) – site de Loverval – en première année de bachelier. Le dispositif, appelé ULTREÏA (qui fait référence au cri d’encouragement que se lancent les pèlerins sur le chemin de St Jacques de Compostelle et signifie « vers l’avant ») est une recherche-action qui a été mise en place en 2008-2009 et fait suite aux constats d’un taux de réussite très faible (42 % des étudiants en première année6) combiné à un taux d’abandon plus élevé que la moyenne (27 %). La mise sur pied du dispositif a été précédée par une enquête ayant pour but de préciser les raisons de ces échecs. Outre des facteurs présents de manière récurrente dans la littérature (profils socio-économiques, capacités et parcours antérieur, choix d’orientation, sexe, motivation/confiance en soi, intégration, méthode de travail, etc.7), l’enquête a permis de mettre en lumière les spécificités du public étudiant de la HELHA : public hétérogène, motivé, se sentant mal informé, se sentant mal préparé, ayant du mal à travailler, soucieux d’intégration, difficulté d’apprentissage. Les principales difficultés des étudiants sont liées à la gestion et l’organisation du temps (études, travail, loisirs), la motivation au travail, l’intégration au groupe et à l’école, l’identification des exigences des différents cours, des attentes des enseignants, et des compétences acquises et à acquérir.
14Les objectifs d’ULTREÏA ont donc été définis en rapport avec les constats précités. Au niveau des langues modernes, la prise de conscience rapide du niveau d’exigences de la formation et des attentes des enseignants (notamment par rapport à la compétence en langue cible) ont été mises en avant. En pratique, une évaluation précoce des compétences (avec feedback) est organisée en début d’année, divers tests sont organisés à mi-parcours et en fin de chaque quadrimestre (semaines 7, 15 et 22), un conseil d’évaluation a été mis en place, et une journée feedback est organisée fin novembre (rencontres individuelles et mise au point de contrats de formation). Des ateliers de remédiation en maitrise de la langue sont également organisés et certains modules de cours comportent des examens dispensatoires. L’accent est également mis sur l’utilisation de documents en langue cible qui visent un double but : l’apprentissage de la langue cible, mais aussi l’awareness raising méthodologique (par exemple à travers la lecture d’extraits de livres ou d’articles traitant du good language learner8).
15Ce projet, ainsi que d’autres projets similaires mis en place dans d’autres hautes écoles, illustre bien toute l’attention portée au problème de la transition à ce niveau du curriculum.
4. Transition secondaire-université
16L’intérêt pour la transition secondaire-universitaire n’est pas nouveau. Parmentier9 présente, par exemple, une série d’articles sur les recherches et actions menées en faveur de la réussite en première année universitaire depuis les vingt dernières années. La Commission « Réussite » du Conseil interuniversitaire de la Communauté française de Belgique, mise en place en 1991, a permis aux universités francophones de travailler ensemble sur la promotion de la réussite, et ce plus spécifiquement en première année. Ces articles abordent, entre autres, l’ampleur de l’échec en première année à l’université, l’orientation avant le choix des études universitaires, l’analyse des pré-acquis et pré-requis, l’évaluation de l’efficacité des dispositifs d’accompagnement et de remédiation, l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de communication, le développement des capacités cognitives et métacognitives.
17Le projet que nous allons brièvement décrire ci-dessous est spécifique aux langues modernes, et plus particulièrement à l’anglais. Il a débuté en février 2011 et s’inscrit dans la philosophie des passeports pour le BAC10 mis en place dans les quatre universités partenaires au sein de l’Académie Louvain. Les étudiants optant pour un BAC en langues et littératures modernes entrent à l’université avec des niveaux de compétence fort variables. Certains d’entre eux ont en outre une méconnaissance des attentes relatives à ce type de diplôme, mais aussi de leur niveau exact en langues lors de leur entrée à l’université. Une prise de conscience des pré-requis nécessaires leur permettra de mieux faire face à cette première année d’étude (et dans le cas de non maitrise desdits pré-requis, de bénéficier d’une aide afin de les atteindre). En ce qui concerne l’anglais, il est important de préciser que le grand nombre d’étudiants qui choisissent cette langue en BAC111 à l’heure actuelle rend difficile une individualisation de l’enseignement. Les étudiants se retrouvent dans de très grands groupes (même pour les cours dédiés à l’enseignement de la langue : lecture, écriture, audition et conversation). De plus, pour ces étudiants, tous les cours d’anglais (langue, linguistique, littérature) sont donnés dans la langue cible dès la première semaine. En tant que futurs spécialistes en langues modernes, ces étudiants doivent également faire face à un métalangage spécifique (avec lequel ils n’ont pas toujours été familiarisés dans le secondaire). Cette année, le passeport a été élaboré pour trois des quatre compétences de base (compréhension à la lecture, compréhension à l’audition, production écrite). En fonction des résultats obtenus par les étudiants (compétence acquise/partiellement acquise/non acquise) des modifications éventuelles sont apportées dans le cadre des cours dispensés en BAC1. De plus des remédiations sont mises en place sous forme d’entretiens individuels, de séances en petits groupes et de mise à disposition d’e-learning. Des parcours de remédiation sont proposés par profils et par étapes.
5. Réflexion globale sur la progression curriculaire en langues modernes : le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR)
18Le CECR est une ressource assez unique en langues modernes ayant pour but d’offrir « une base commune pour l’élaboration de programmes de langues vivantes, de référentiels, d’examens, de manuels, etc., en Europe »12. La section 1.1 du document explique que le CECR :
- décrit ce que les apprenants d’une langue doivent apprendre afin de l’utiliser dans le but de communiquer, et ce des niveaux débutants à utilisateurs expérimentés ;
- énumère les connaissances et les habiletés qu’ils doivent acquérir afin d’avoir un comportement langagier efficace ;
- définit les niveaux de compétence qui permettent de mesurer le progrès de l’apprenant à chaque étape de l’apprentissage et à tout moment de la vie ;
- donne des outils aux administratifs, aux concepteurs de programmes, aux enseignants, à leurs formateurs, aux jurys d’examens, etc., pour réfléchir à leur pratique habituelle afin de situer et de coordonner leurs efforts et de garantir qu’ils répondent aux besoins réels des apprenants dont ils ont la charge ;
- vise à améliorer la transparence des cours, des programmes et des qualifications, favorisant ainsi la coopération internationale dans le domaine des langues vivantes ;
- vise à faciliter la reconnaissance mutuelle des qualifications obtenues dans des contextes d’apprentissage divers et, en conséquence, ira dans le sens de la mobilité en Europe.
19L’annexe 3a présente les six niveaux principaux définis dans le document et l’annexe 3b reproduit, pour illustration générale, l’un des nombreux tableaux de descripteurs inclus dans le CECR.
20Les concepteurs du CECR insistent cependant13 sur le fait que la construction du cadre :
n’entraine pas nécessairement l’adoption d’un système unique et uniforme. Au contraire, le Cadre commun doit être ouvert et flexible de façon à pouvoir être appliqué à des situations particulières moyennant les adaptations qui s’imposent. Le Cadre de référence doit être :
- à usages multiples : on pourra l’utiliser à toutes fins possibles dans la planification et la mise à disposition des moyens nécessaires à l’apprentissage d’une langue ;
- souple : on pourra l’adapter à des conditions différentes ;
- ouvert : il pourra être étendu et affiné ;
- dynamique : il sera en constante évolution en fonction des feedbacks apportés par son utilisation ;
- convivial : il sera présenté de façon à être directement compréhensible et utilisable par ceux à qui il est destiné ;
- non dogmatique : il n’est rattaché de manière irrévocable et exclusive à aucune des théories ou pratiques concurrentes de la linguistique ou des sciences de l’éducation.
21Certaines applications concrètes de ce cadre ont déjà été mises en place pour faciliter la progression curriculaire, le choix des contenus et la planification dans le temps. La communauté flamande de Belgique a, par exemple, proposé une mise en parallèle des socles de compétences et des compétences terminales en langues étrangères (français et anglais) avec les niveaux de compétences décrits dans le CECR. L’annexe 4 illustre le travail effectué pour l’enseignement des langues dans le fondamental (5e et 6e primaires) ainsi que pour l’enseignement secondaire général (ASO), artistique et technique (KSO et TSO) ainsi que professionnel (BSO). On peut remarquer que les niveaux attendus varient par type d’orientation et que, dans l’enseignement professionnel, seule une langue étrangère est concernée.
22Un autre exemple de publication liée au CECR est celle de North et al.14 où les auteurs ont établi, sur base du cadre, un inventaire des fonctions langagières, points de grammaire, champs thématiques, types de supports, etc., par niveaux de compétences attendus pour l’anglais langue étrangère (general English dans le cas présent) – voir l’annexe 5 pour un extrait du travail réalisé par North et collègues.
23Ces diverses typologies et inventaires peuvent évidemment toujours être discutés, améliorés et adaptés pour répondre aux besoins spécifiques, mais ils constituent un exemple très concret du travail qui peut être réalisé pour détailler de la manière la plus précise possible les contenus, méthodes, supports à utiliser aux diverses étapes d’apprentissage. Le travail lié au CECR et les nombreuses publications qui en découlent (à charge ou à décharge d’ailleurs) sont assez uniques en leur genre car, à notre connaissance, il n’existe pas de documents similaires pour les autres disciplines.
Conclusions
24Cet article a proposé une approche chronologique de la transition dans l’enseignement des langues modernes, tant au niveau de la conception des programmes que de la mise en place d’actions concrètes dans les cours. S’il est bien évident que toutes les illustrations qui ont été présentées dans l’article sont perfectibles, elles témoignent à la fois de la prise de conscience de l’importance de la transition et des nombreux efforts mis en œuvre par les divers acteurs afin de la faciliter. L’information et la transparence sont indiscutablement deux composantes incontournables de la réussite de la transition, à quelque niveau que ce soit, mais elles sont loin d’être suffisantes. Une implication personnelle, la volonté d’accepter d’informer et, réciproquement, d’être informé en sont certainement le moteur humain. Le respect mutuel et le non jugement lors du partage et de la prise d’information sont aussi des facteurs essentiels à un travail productif sur la transition. Au-delà de la question de programmation, certes base indispensable, la réussite de toute transition nécessite l’implication personnelle et volontaire de tous les partenaires.
25L’article a également montré que la thématique de la transition n’est pas propre à la Belgique, mais est une préoccupation globale. Les exemples présentés ici provenaient tant d’initiatives plus locales que de projets européens15. Nous espérons qu’au-delà des diverses informations qu’il contient, notre article incitera de nombreux acteurs du monde de l’enseignement des langues modernes à poursuivre et améliorer les projets déjà en place, mais aussi à proposer des pistes novatrices de collaboration sur la transition.
Annexe
Annexes
Annexe 1 : Bibliographie partielle - recherche sur l’apprentissage des langues modernes et la transition en Europe.
http://www.pri-sec-co.eu/en/information/bibliography/foreign-language-learning-and-transition-in-europe.html
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Annexe 2 – Exemple de tâche passerelle
Annexe 3a – Les six niveaux de base du CECR, échelle globale (2000, p. 25)
Annexe 3b – Extrait du CECR (2000, p. 26) – descriptions globales des niveaux A1, A2 et B1 pour certaines des compétences
Annexe 4
Annexe 5 – Extrait du document EAQUALS : description des fonctions langagières, points de grammaire, champs lexicaux, etc. à aborder par niveaux du CECR (pour l’anglais langue étrangère)
Notes de bas de page
1 Les cours de langues modernes étant rarement dispensés en maternelle, nous ne couvrirons pas cette phase d’apprentissage.
2 Voir entre autres : Rey, B., Carette, V., Defrance, A. & Kahn, S. (2003). Les compétences à l’école : apprentissage et évaluation, Bruxelles, De Boeck ; Rey, B. (2008). « Les pratiques doivent nécessairement évoluer », in J.-M. Zakhartchouk (dir.), Travail par compétences et socle commun, Amiens, CRDP, CRAP Cahiers pédagogiques, 24-29.
3 Par exemple : Beckers, J., Leclercq, D. & Poumay, M. (2007). Une proposition de définition des compétences, Belgique, Liège, IFRES. Université de Liège ; Beckers, J. & Voos, M.-C. (2009). « Des savoirs scolaires aux compétences. Une réforme en Communauté française de Belgique », in F. Audigier & N. Tutiaux-Guillon (dir.), Changements du monde, changements des savoirs et des pratiques de référence, changements des curriculums.
4 Conseil de l’Europe (2000). Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer (CECR), Paris, Didier.
5 Allemagne, Autriche, France, Espagne, Hongrie, Suède, Suisse.
6 Ce taux est fort semblable à celui des universités.
7 Pour plus de commentaires sur ces facteurs, voir Chenard, P. & Doray, P. (dir.) (2005). L’enjeu de la réussite dans l’enseignement supérieur, Sainte-Foi (Québec), Presses de l’Université du Québec ; Parmentier, P. (2011). Recherches et actions en faveur de la réussite en première année universitaire : vingt ans de collaboration dans la Commission « Réussite » du Conseil interuniversitaire de la Communauté française, Bruxelles, Conseil interuniversitaire de la Communauté française.
8 Voir Naiman N., Frölich, M., Stern, H. & Todesco, A. (1996). The Good Language Learner, Clevedon (UK), Multilingual Matters ; ou Rubin, J. & Thompson, I. (1994). How to Be a More Successful Language Learner, Boston (MA), Heinle & Heinle.
9 Parmentier, P. (2011). Op. cit.
10 Voir http://www.uclouvain.be/passeport.html.
11 L’anglais est la première langue choisie par les étudiants se spécialisant en langues et littératures modernes [choisi par 93 % des étudiants en langues modernes (chiffres 2010/2011)].
12 Conseil de l’Europe (2000). Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer (CECR), Paris, Didier, p. 9.
13 Id., p. 13.
14 North, B., Ortega, A. & Sheehan, S. (2010). A Core Inventory for General English, British Council/EAQUALS (European Association for Quality Language Services).
15 Il est à souligner que le CECR, bien qu’étant un projet soutenu initialement par le Conseil de l’Europe, a des répercussions et des applications qui vont bien au-delà des frontières européennes.
Auteurs
Responsable du secteur « Langues modernes » à la FESeC.
Professeure à l’UCL.
Professeure à la Haute École de Namur (HENam)
Professeur à la Haute École Louvain en Hainaut (HELHa).
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