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Chapitre 2. Les problèmes relatifs à la progression curriculaire en Communauté française de Belgique : état des lieux et interpellations aux didacticiens

Table ronde institutionnelle

p. 31-53


Texte intégral

1Lors de la journée du 28 avril, les cinq intervenants de la table ronde dont on va lire ici la transcription avait reçu pour mission de répondre en dix minutes aux trois questions suivantes : quelles sont les difficultés majeures à propos de la transition considérée ? Que fait-on déjà pour y remédier ? Et quelles recherches faudrait-il mener à ce propos ?

1. La progression et les ruptures des apprentissages disciplinaires du fondamental au secondaire (G. Cartuyvels)

2Le thème de ce colloque porte sur la progression curriculaire et ses différentes ruptures. Les organisateurs ont identifié un certain nombre de ruptures essentielles : primaire/secondaire, secondaire inférieur/ secondaire supérieur, secondaire/ enseignement supérieur. Au risque de paraitre un peu alarmiste, je crois que la question des ruptures, dans le curriculum, se pose à tous les étages. Elle se pose entre les niveaux – au passage du maternel au primaire –, entre les étapes de l’enseignement fondamental – au passage de la 2e primaire à la 3e primaire et de la 6e primaire à la 1re année d’humanités –, au sein de la deuxième étape, entre les cycles – au passage de la 4e à la 5e primaire –, et à l’intérieur de chaque cycle entre les années qui les composent.

3Qu’est-ce qui nous permet de parler de rupture ou de risque de rupture à ces différents moments du curriculum ? La fédération de l’enseignement catholique fondamental a mené, sur cette question notamment et en référence à son programme, une large enquête auprès de ses 18.000 enseignants et directeurs. Le taux de réponse a été particulièrement élevé : 38 % de répondants ! C’est en soi déjà une information. Ce qui ressort avec force de cette enquête, c’est que beaucoup d’instituteurs demandent que l’on soit plus précis dans l’identification de « qui doit faire quoi et quand ? ». Trois difficultés majeures sont pointées : le programme ne nous aide pas à construire une suite logique des apprentissages entre les cycles, dans les cycles et dans l’année ; les savoirs et savoir-faire sont insuffisamment identifiés et reliés aux compétences ; en matière d’évaluation, l’absence de repère est total. Un problème particulier : les maternelles se trouvent abandonnées à leur triste sort, sans balises ni repères.

4Comment en est-on arrivé là ? Force est de constater que le programme de l’enseignement catholique fondamental est très normatif quant à la méthode et très peu quant aux contenus. Il y a là une inversion qui déroute les instituteurs et les prive paradoxalement de la liberté d’utiliser une diversité d’approches pour rejoindre des objectifs clairement définis, en termes de compétences, de savoirs et savoir-faire à mobiliser. En l’absence de définition précise de ce qui est attendu, les enseignants investissent l’essentiel de leur énergie dans l’identification de « qui doit faire quoi et quand ». Le dernier rapport de l’Inspection aboutit à la même conclusion : au lieu de se concentrer sur le « comment apprendre », les enseignants le font sur le « que faut-il apprendre ».

5Différents constats plaident pour plus de précisions dans les référentiels. L’identification plus précise des contenus permettra à la formation initiale, à la formation continuée et aux responsables de l’accompagnement pédagogique de centrer leur action sur la transmission/acquisition d’une diversité de méthodes et d’approches. La mobilité des élèves et des enseignants, le changement d’instituteurs d’une année à l’autre au sein du cycle – c’est la règle aujourd’hui –, la difficulté d’organiser un travail en équipe (qu’il faut pourtant continuer inlassablement à promouvoir), tout cela plaide pour qu’une trame commune, plus « serrée », permette à chacun de savoir ce qui a été fait avant et ce qui sera fait après lui.

6Ces constats ont amené le Bureau de la Fédération et le Conseil d’administration du SeGEC à décider de la réécriture du programme. Avec des signaux clairs au niveau de la cohérence et de la continuité tant par rapport au secondaire qu’au supérieur. Le travail a été mis en place sous l’égide d’un comité de pilotage composé notamment des secrétaires généraux des fédérations du fondamental, du secondaire et du supérieur. Pour assurer lisibilité et rigueur, la rédaction a été confiée à des experts qui ont chacun(e) vingt ans d’expérience comme instituteurs (trices) derrière eux (elles). Leur production est soumise, d’une part, à des équipes d’instituteurs (trices) et, d’autre part, à des groupes d’experts, par discipline. Ceux-ci sont constitués de didacticiens et de psychopédagogues de Hautes Écoles et/ou d’universités, de formateurs, d’accompagnateurs pédagogiques et d’instituteurs en fonction, d’inspecteurs honoraires et de responsables de l’enseignement secondaire. Ils apportent leurs regards spécifiques et croisés.

7Voilà donc la réponse apportée par la Fédération de l’enseignement catholique aux questions que soulevait ce colloque.

2. De la fin du primaire à la fin du secondaire, quelles ruptures pour quels apprentissages disciplinaires ? (É. Daubie1)

2.1. La transition entre le fondamental et le secondaire

Difficultés majeures

8L’entrée dans le premier degré commun de l’enseignement secondaire est conditionnée par la possession ou non du certificat d’études de base, le CEB. C’est dire le rôle déterminant de ce certificat.

9Ce CEB est délivré depuis 2009 à la suite d’une épreuve externe commune. Cette épreuve se réfère de façon stricte (trop ?) au document « Socles de compétences » et comprend trois parties : français, mathématiques, éveil. La qualité de cette épreuve, construite d’ailleurs avec la collaboration d’instituteurs ayant toujours charge de classe, n’est pas à mettre en cause.

10Une question fréquemment entendue concerne les conditions d’octroi de ce certificat.

11Que représente, en termes de maitrise réelle des compétences visées, un CEB obtenu avec 50 % des points dans les trois domaines visés ? Le refus des décideurs de se poser clairement cette question est à la fois inquiétant et suspect.

12Ne pourrait-on pas permettre de prendre en charge les difficultés des élèves qui ont obtenu « un petit CEB » sans attendre le terme d’une année complète en secondaire ? L’idée d’un passage en 1S (1re année de soutien) en cours de 1re année est sans doute à envisager.

13Par ailleurs, le CEB est octroyé au terme de la deuxième étape du continuum pédagogique de l’enseignement du fondement. La raison en est à la fois historique et symbolique. Ce n’est pas le propos.

14Par contre, intervenant en cours de parcours, cette certification laisse totalement vierge de toute évaluation certificative des pans entiers d’apprentissages visant à l’exercice (versus la maitrise) de certaines compétences. Ceci n’est pas grave pour les enfants qui obtiennent leur CEB avec de bonnes notes, mais ce l’est davantage pour les élèves dont les résultats sont plus faibles et dont on peut supposer que le niveau de maitrise de ces savoirs et compétences est encore plus faible. Il y a là un effet d’accumulation qu’il serait intéressant d’investiguer. Citons quelques-unes de ces compétences à exercer en primaire, et qui ne seront certifiées qu’au terme du 1er degré secondaire :

  • adopter une vitesse de lecture favorisant le traitement de l’information ;

  • décomposer des nombres en facteurs premiers.

15Enfin, que penser de l’absence d’évaluation des savoirs et compétences des socles en langue moderne, en éducation par la technologie (faire apparaitre dans un dessin les éléments significatifs de la situation-problème), en éducation artistique, en éducation physique (exprimer une émotion par des gestes et des mouvements) ?

Que fait-on pour remédier au niveau du SeGEC ?

16Une collaboration interne accrue s’est développée ces dernières années entre la FédEFoC (enseignement fondamental) et la FESeC (enseignement secondaire). Nous pouvons citer plusieurs exemples.

  • Le secondaire est associé à la réécriture du programme de l’enseignement fondamental. La collaboration s’organise à deux niveaux :
    - la participation au groupe de pilotage ;
    - la mise à disposition d’experts disciplinaires chargés, précisément, de garantir le fait que la troisième étape du continuum défini dans le décret « Missions » (le premier degré du secondaire) aille bien dans le sens d’un enrichissement des concepts, d’un approfondissement et d’un élargissement des apprentissages opérés au cours des deux premières étapes.

17Les représentants du secondaire portent également leur attention sur la cohérence entre les vocabulaires utilisés par les uns et les autres pour désigner les mêmes objets.

  • La présence d’un conseiller pédagogique du secondaire dans la représentation de notre réseau au sein du groupe chargé d’élaborer le CEB.

  • Des initiatives sont prises, localement, afin de mettre en relation les équipes éducatives des deux niveaux d’enseignement. Les conseillers pédagogiques du fondamental et du secondaire s’y associent régulièrement !

  • Des initiatives sont prises également sur le terrain de la formation en cours de carrière : organisations communes CECAFOC/FOCEF, formation commune des conseillers pédagogiques, etc.

De nouvelles pistes à investiguer…

  • Il serait peut-être pertinent, dans le cadre de la réflexion large qui s’ouvre à propos de la réforme de la formation initiale, de réfléchir à une formule qui introduirait une part commune dans la formation des instituteurs et des régents. On pourrait alors imaginer de redessiner le paysage de l’enseignement obligatoire sur des maitres visant à faire acquérir les socles de compétences et des maitres visant à faire acquérir les compétences terminales.

  • Au premier degré, il existe tout un ensemble de parcours visant à conduire (idéalement) tous les jeunes à la maitrise des socles à 14 ans. Certains de ces parcours prennent deux ans, d’autres en prennent trois. Ce qu’il faut éviter, c’est le redoublement. La FESeC proposera de nouvelles pistes pour le 1er degré dans les mois qui viennent.

  • On pourrait aussi étudier les perspectives d’un dossier d’apprentissage qui accompagnerait l’élève lors de son passage au secondaire et complèterait ainsi les informations données par le CEB, à destination du conseil de classe. On pourrait d’abord l’envisager pour les élèves en difficulté. Une sorte de PIA dès le 3e cycle du fondamental, comme cela est prévu dans le 1er degré du secondaire.

  • Enfin, pourquoi ne pas s’interroger progressivement sur les perspectives des partenariats pédagogiques, prévus par le décret « Inscriptions » ? Mais il faudra également alors en mesurer les biais. Assurer une continuité pour les élèves des écoles partenaires est une chose, mais il convient que les élèves issus des établissements primaires, qui ne sont pas dans le partenariat, ne soient pas lésés.

2.2. La transition entre le degré inférieur (DI) et le degré supérieur (DS)… ou plutôt… les ruptures au sein du cursus secondaire

Difficultés majeures au 1er degré

18Avant de parler de la rupture DI/DS, je souhaiterais mettre en évidence d’autres ruptures au travers du curriculum de l’élève dans l’enseignement secondaire, en m’arrêtant encore au 1er degré.

  • Ainsi, l’élève de 1re Différenciée qui réussit son CEB est-il tenu de rejoindre directement le 1er degré commun. Le parcours différencié s’arrête donc pour lui dès sa réussite ! Et paradoxe du système, puisqu’il a réussi sa 1re Dif., il restera en 1re (commune ou complémentaire), tandis que ses compagnons infortunés passeront en 2e… différenciée et pourront rejoindre dès l’année suivante la 3P, même sans avoir réussi leur CEB.

  • Autre passage brutal, de la structure adaptée d’un enseignement plus différencié à la grille rigide du degré commun : celui des élèves de 1S vers la 2C. Ces élèves qui ont connu des difficultés à l’entame de l’enseignement secondaire, pour qui des activités de soutien ont pu être conçues, s’en voient privés dès le terme de l’année. Celui qui aura peiné à progresser en 1S rejoindra le cursus normal des élèves, sans que plus aucune souplesse de grille ne puisse être envisagée pour lui. Et pour celui qui aurait déjà acquis l’une ou l’autre compétence habituellement évaluées en 2e, aucune reconnaissance ne lui en sera faite. Il les retravaillera comme les autres en 2C.

  • On peut aussi parler de la rupture entre une formation centrée sur les disciplines de la formation générale au 1er degré et une grille horaire au 2e degré qualifiant, faisant une large place à des compétences techniques et pratiques – et, partant, à une formation commune trop allégée sans doute au D2 professionnel – sans que l’élève n’ait pu découvrir ses aptitudes pour ce type de formation, considéré de facto comme moins exigeant.

Que fait-on pour remédier ?

  • La mise à la disposition des enseignants d’épreuves externes certificatives au terme du 1er degré est une piste que nous soutenons. L’écart entre les socles visés à douze et quatorze ans apparait parfois plus facile à combler… Mais cela suppose de travailler parallèlement l’orientation de l’élève.

  • Un cycle de formation autour de l’orientation et de l’accompagnement du projet du jeune a débuté cette année, mis en place par le CECAFOC, avec la participation de formateurs du CIO. Le focus est ainsi remis sur cette dimension essentielle du 1er degré, d’autant plus fondamentale sans doute que si le conseil de classe a un rôle de conseil en cette matière, il appartient à l’élève et ses parents de choisir la filière de l’élève, quand il a réussi son CE1D.

  • Des initiatives locales sont encouragées : on peut citer le projet d’écoles circulantes, mis en place sur Charleroi. Les élèves des écoles d’enseignement général sont immergés dans les ateliers des écoles qualifiantes pour leur formation en « Éducation par la technologie ».

  • La FESeC a par ailleurs constitué un groupe de travail autour du 1er degré et proposera un livre blanc dans les prochains mois. Plusieurs pistes sont prévues, notamment pour permettre une meilleure exploitation des parcours différenciés au service des élèves.
    - L’élève de 1S ne pourrait-il pas passer en 2S, même s’il n’a pas transité par la 1Dif. ?
    - L’élève de 1C, en difficulté, doit-il attendre le terme de l’année pour pouvoir disposer des activités de soutien prévues en 1S ?
    - Les activités complémentaires du 1er degré commun ne pourraient-elles pas retrouver plus de sens pour les élèves, si on leur reconnaissait des objectifs spécifiques, au-delà des compétences-socles des cours généraux ?

Les difficultés majeures de la transition DI/DS

19La situation est problématique au niveau de l’enseignement de transition, où la rupture se marque, de façon archaïque, au sein d’un degré, entre la 3e et la 4e, sans aucun autre fondement sans doute que l’héritage du type II, qui a pourtant fait place à l’enseignement rénové dès les années 1970.

20Alors qu’aucune rupture ne devrait normalement se marquer au niveau de son curriculum – il conservera notamment des grilles horaires identiques entre la 3e et la 4e- – l’élève de 3e transition se retrouve paradoxalement face à un nouveau palier à franchir au terme de la 3e.

21Alors qu’il vient tout juste de choisir ses options de base, il se retrouve face à un nouveau terme, celui de l’enseignant-régent, qui doit passer le relais à son collègue AESS.

22Il se doit ainsi de justifier des acquis trop souvent fixés à l’aune des prérequis supposés de l’enseignant qui suit.

23Ce palier se marque ainsi pour l’élève de 4e par un changement complet de l’équipe pédagogique qui l’encadre. Au-delà des relations à établir avec de nouvelles personnes, de nouveaux repères à trouver en pleine adolescence, il doit aussi faire face à un profil d’enseignant d’un nouveau type, qu’il n’a jamais côtoyé : l’enseignant de formation universitaire. Du pédagogue didacticien d’une discipline, il passe ainsi à un expert disciplinaire formé – parfois si peu – à la pédagogie et à la didactique. Toute la question des prérequis informels, et des attendus différents en termes de productions, se pose brutalement à lui.

24Ce changement est encore renforcé par une nouvelle composition du groupe classe, suite aux nombreux redoublements et réorientations.

25Profitons de cette tribune pour dénoncer que l’inspection, aujourd’hui présente dans les établissements de façon régulière, reste également organisée sur ce même mode DI/DS, tout à fait illogique si l’on se réfère aux niveaux d’études à contrôler au 2e degré. On y travaille pourtant, en 3e comme en 4e, sur base des mêmes référentiels de compétences, prévus pour quatre ans.

26Dans l’enseignement de qualification, la rupture DI/DS se situe entre la 4e et la 5e, autour d’un carrefour d’orientation pour le jeune appelé à choisir un métier. On peut donc assurer davantage la cohérence et, partant, la cohésion des équipes pédagogiques tant au 2e qu’au 3e degré. L’élève retrouve souvent le même enseignant pendant deux ans dans une discipline déterminée. C’est là plutôt l’arrivée continue d’élèves dans les classes, suite à des réorientations, qui génère les ruptures.

La rupture DI-DS : que fait-on pour remédier ? Quelques pistes à investiguer

  • Balisage des programmes de la transition en précisant davantage les contenus par année.

  • De nombreuses interventions des conseillers pédagogiques sont sollicitées dans les écoles pour une coordination verticale sur le 2e degré.

  • Au-delà des questions barémiques que cela posera, ne pourrait-on pas dégager des possibilités pour permettre aux régents d’enseigner jusqu’en 4e et aux AESS d’enseigner en 3e en conservant le barème 501 ? Il faut noter que, précédemment, ces situations étaient fort fréquentes. Le chantier pourrait être rouvert à l’occasion de la révision des titres et fonctions.

  • La piste évoquée plus haut dans le cadre de la réflexion sur la formation initiale permettrait peut-être aussi des avancées, si on distinguait les formations des maitres en fonction des socles et des compétences terminales plutôt que sur la base de degré DI/DS, qui a perdu sa justification.

2.3. La transition entre le secondaire et le supérieur

27Je propose pour ce point d’envisager en même temps les difficultés et les pistes à investiguer.

La première question à se poser est double : quel secondaire et quel supérieur ?

28Le secondaire est structuré en deux grands types d’enseignement :

  • l’enseignement de transition qui, comme son nom l’indique, est un enseignement de « passage » vers le supérieur ;

  • l’enseignement de qualification, qui vise une certification en connexion avec l’exercice d’un métier.

29Mais cette séparation dichotomique ne reflète pas la réalité. En effet, de nombreux jeunes utilisent aujourd’hui la filière de qualification (technique très majoritairement) comme filière de transition « palliative ». Par ailleurs, par le jeu des grilles minimales, certains diplômés des sections de transition sont vraiment peu armés pour affronter les exigences de l’enseignement supérieur.

30Quand on parle d’enseignement supérieur, que vise-t-on ? L’universitaire, celui des Hautes Écoles, les cycles courts, les cycles longs, la promotion sociale ?

31Ceci indique toute la complexité de la question de la transition entre le secondaire et le supérieur. Selon qu’on sorte de la filière X ou Y, de l’école V ou W, et que l’on se dirige vers la filière X’ ou Y’, les problèmes se posent différemment.

32Deux solutions en première analyse : la préparation à des parcours prédéfinis ou la recherche d’un commun dénominateur.

Une autre question est celle du statut et, par-là, des effets de droit du certificat d’enseignement secondaire supérieur, le CESS.

33Le CESS sanctionne-t-il la fin d’un parcours – ou, plus exactement, de multiples parcours possibles – ou est-il un passeport automatique d’accès vers toutes les formes de l’enseignement supérieur ? Depuis la traduction en droit national du processus de Bologne, le titulaire d’un CESS de 7e année professionnelle en horticulture peut s’inscrire en faculté de médecine.

34Il faudrait peut-être réfléchir à restreindre cet accès à certains domaines ou niveaux de l’enseignement supérieur en fonction de la nature du CESS.

35Ou bien faudrait-il réfléchir à la restauration du DAES ? Pour certaines filières uniquement peut-être ?

36L’actualité récente indique que ce sujet est, pour le moins, chaud et que le compromis entre les tenants d’une totale liberté d’accès sur la base d’une idéologique égalitariste et les tenants d’une forme de responsabilisation des étudiants sera très difficile à trouver.

37Peut-être serait-il utile que le gouvernement exécute la disposition prévue à l’article 60 du Décret « Missions » : « Le Gouvernement met à la disposition des établissements d’enseignement secondaire des informations relatives aux études supérieures avec indication des exigences propres à chacune des filières. »

  • Ce même article 60 du Décret « Missions » met à disposition des établissements deux semaines à répartir sur le troisième degré afin d’organiser « des activités destinées à favoriser la maturation par les élèves de leurs choix professionnels et des choix d’études qui en résultent ». Plutôt que de s’acharner à produire un TESS, qui selon nous ne sert pas à grand-chose, le service général du pilotage serait bien inspiré de développer, dans ce cadre, des outils. Même si les traditionnelles visites des rhétos sur les campus universitaires font un peu partie du folklore, on ne peut pas dire qu’elles constituent un élément déterminant dans la construction d’un choix pertinent et adapté d’études supérieures. D’autres initiatives, nettement plus porteuses, mériteraient d’être reconnues, soutenues et partagées.

  • Deux autres articles du décret « Missions » n’ont jamais été mis en œuvre.
    * L’article 33 qui permet une valorisation, dans l’enseignement supérieur en Hautes Écoles et en promotion sociale, de crédits d’études acquis dans l’enseignement technique de transition.
    *L’article 58 qui indique la même chose pour les acquis dans le cadre des profils de formation. Il y a là des outils qui pourraient utilement être mis en œuvre pour faciliter la réussite dans l’enseignement supérieur. Pensons par exemple à l’étudiant qui aborde un bachelor en électronique, avec son certificat de qualification de technicien en électronique en main. Ne pourrait-il pas plutôt consacrer une partie de ses crédits dans les pans de la formation moins développée dans le secondaire plutôt que de reprendre les cours de sa spécialité à zéro.

  • Les programmes de cours sont construits en fonction des « référentiels des compétences terminales et savoirs requis au terme des humanités… ».

  • Ces référentiels ont été construits par des groupes de travail comprenant inspecteurs, membres de l’administration, enseignants du secondaire et enseignants du supérieur.

  • Ils ont été écrits à la hâte, il y a plus de dix ans aujourd’hui, en se basant sur le concept mal cerné alors (peut-être encore aujourd’hui) de compétence. Certains de ces référentiels devraient être réécrits. La Ministre de l’enseignement obligatoire vient d’ailleurs de demander au service général du pilotage de mettre en place des groupes de travail afin de réécrire ceux de mathématiques et de sciences, ainsi que les référentiels de la formation commune de l’enseignement qualifiant. Cette écriture se fera sur le modèle nouveau de description des acquis d’apprentissage (Learning outcomes). Définition :
    Énoncé de ce que l’apprenant sait, comprend et est capable de réaliser au terme d’un processus d’apprentissage. Les acquis d’apprentissage sont définis sous la forme de savoirs, d’aptitudes et de compétences.
    La réécriture correcte de ces référentiels est une opportunité à ne pas manquer pour faciliter la transition dont nous parlons. Il appartiendra aux deux niveaux d’enseignement visés, le secondaire et le supérieur, de désigner des experts adéquats dans ces groupes de travail.

3. La progression et les ruptures des apprentissages disciplinaires du fondamental au supérieur (R. Godet)

3.1. Transition primaire-secondaire

38Quand on évoque les difficultés liées à cette transition, une explication vient d’emblée à l’esprit. Elle est d’ordre structurel et touche essentiellement aux différences, parfois importantes, existant entre les écoles primaires et les écoles secondaires au niveau notamment de leur taille ou encore de leur organisation. Elle concerne aussi les relations de proximité plus ou moins développées qu’entretiennent entre eux certains établissements d’enseignement primaire et secondaire.

39On peut assurément disserter longuement sur ces difficultés. Je ne suis toutefois pas convaincu que ces longues discussions soient utiles. Tout d’abord parce que ce n’est pas demain que l’on reverra radicalement l’organisation de notre parc scolaire et l’implantation différente des écoles primaires et secondaires sur le territoire. On doit également avoir à l’esprit que, même dans les systèmes éducatifs où cette transition est organisée avec bonheur, les implantations des écoles s’adressant à des enfants en âge d’enseignement primaire (école de village, école de quartier) diffèrent de celles des écoles secondaires (école à recrutement régional plus large).

40En outre, si la difficulté était principalement d’ordre structurel, nous ne devrions plus guère rencontrer de difficultés à un autre moment charnière, celui de la transition maternel-primaire. Or, malgré la quasi similitude structurelle entre ces deux niveaux, la transition ne se passe pas à ce moment non plus toujours de façon harmonieuse. Pour s’en convaincre, il suffit de se référer au nombre encore important d’enfants maintenus en 3e maternelle ou dirigés vers une année complémentaire au terme de la première primaire ou encore à ceux qui sont amenés à changer d’établissement à ce moment. Réunir les niveaux maternel et primaire sous le même vocable « fondamental » n’a pas conduit à annihiler, par une espèce de coup de baguette magique, les difficultés de transition entre les deux niveaux.

41Au-delà de ces difficultés d’ordre structurel, on peut identifier d’autres explications aux difficultés qui apparaissent au moment du passage primaire-secondaire. Ces difficultés, que l’on va envisager ci-dessous, portent sur des éléments « changeables » c’est-à-dire des éléments que l’on pourrait modifier sans trop de problèmes.

42En ce qui concerne plus particulièrement la transition primaire-secondaire, avec évidemment des différences entre les écoles mais surtout entre les disciplines2, il apparait, au vu des rapports rédigés par l’inspection au terme des visites dites d’évaluation du niveau des études, que la principale difficulté réside plus dans les contenus d’apprentissage (le « ce que l’on apprend ») que dans les stratégies didactiques mises en œuvre (le « comment on apprend »). Dit plus simplement, on n’apprend pas la même chose d’une école primaire à l’autre, on n’apprend pas non plus la même chose d’une école secondaire à l’autre.

43L’inspection a, à plus d’une reprise, pointé la difficulté à laquelle conduisaient l’imprécision des socles de compétences et, par conséquent, les différences importantes entre les différents programmes et, plus encore, entre les programmes réellement mis en œuvre par les écoles. Cette difficulté conduit à des différences et à des divergences importantes à propos de ce que l’on apprend d’une école à l’autre, voire d’une classe à l’autre aux différents moments du cursus.

44Au moment de la transition primaire-secondaire, ces variations, ces discordances, ces différences sont évidemment sources d’échec dans la mesure où elles conduisent à des phénomènes qui ont été analysés par ailleurs comme des ruptures dans le cursus ou une prise en considération erronée des exigences de l’année qui suit ou qui précède.

45Définir avec davantage de précisions ce qui doit être appris en termes de savoirs, de savoir-faire, de compétences et quel niveau de maitrise est attendu à chaque moment de la scolarité et, plus particulièrement, au terme de l’enseignement primaire et du premier degré secondaire est assurément une condition sine qua non pour que la transition entre les deux niveaux se passe harmonieusement pour l’ensemble des élèves concernés. Les informations apportées par les évaluations externes qui se développent dans notre système éducatif devraient aider à cette définition.

46Une autre difficulté vient s’ajouter à la précédente et en amplifie les effets ; elle concerne ce que l’on pourrait appeler l’« enfermement » des maitres, dès leur inscription dans une filière pédagogique d’une Haute École, dans un niveau (primaire ou secondaire). On ignore ce que l’autre niveau fait, on perçoit mal ce qui a été fait avant, on anticipe erronément ce qui sera fait après.

47La réponse à cette difficulté se trouve pour partie dans la formation initiale des maitres. Faut-il, pour les matières à portée didactique, séparer d’emblée les futurs instituteurs et les futurs régents ? Elle réside aussi dans la production d’outils didactiques visant cette transition : le même concept ou le même savoir-faire doit pouvoir être développé en P5/6 et en S1/2.

3.2. Transition secondaire inférieur-secondaire supérieur

48On pourrait évidemment, à propos de cette transition DI/DS, reprendre tout ce qui a été dit à propos de la transition primaire-secondaire. Les principales difficultés sont les mêmes – imprécision et discordance à propos du « ce qu’il faut apprendre » et « enfermement » des maitres dans un niveau. Les pistes de solution évoquées ci-dessus peuvent également être transposées à cette transition.

49À ce niveau, une difficulté supplémentaire vient s’ajouter aux autres. Elle réside dans ce qui constitue un paradoxe, voire une incohérence de notre système scolaire.

50D’une part, le décret « Missions » définit l’organisation de l’enseignement secondaire en deux étapes : le premier degré qui constitue un continuum pédagogique avec les niveaux maternel et primaire, continuum visant à amener à la maitrise des socles de compétences, et les deuxième et troisième degrés, les humanités, à visée de transition ou de qualification. Le passage du premier degré aux humanités constitue donc une transition au terme de laquelle s’opère notamment la première orientation des élèves. Les référentiels communs et les programmes sont dès lors logiquement conçus en distinguant 1er degré, d’une part, et 2e et 3e degrés, d’autre part.

51Par ailleurs, les textes relatifs aux titres requis pour donner cours dans l’enseignement secondaire – et pour y inspecter – distinguent le degré inférieur et le degré supérieur. Une transition supplémentaire apparait dès lors ; elle intervient, dans l’enseignement de transition, entre la 3e et la 4e, au beau milieu d’un degré donc.

52L’organisation de notre système scolaire introduit ainsi une double transition dans les premières années de l’enseignement secondaire.

53L’inspection a investigué, dans plusieurs disciplines, sur les modalités mises en place pour assurer ce passage de la 3e à la 4e. Les constats posés à cette occasion sont inquiétants. En effet, malgré la proximité structurelle des 3e et des 4e, de grosses difficultés apparaissent dans la programmation, par les enseignants, des apprentissages sur ces deux années constitutives pourtant d’un même degré. À ce moment de la scolarité, le rôle moteur du chef d’établissement s’avère essentiel pour mettre en place des procédures favorisant la programmation des apprentissages sur deux ans par des maitres ayant suivi des cursus de formation différents.

54La question de cette distinction DI/DS doit être posée. Correspond-elle à l’organisation pédagogique actuelle de notre enseignement secondaire ? Une distinction, dans la formation des futurs maitres, entre 1er degré et humanités ne seraient-elles pas davantage pertinente ?

55Dans l’attente d’une éventuelle évolution à ce sujet, les pistes évoquées à propos de la transition primaire-secondaire sont aussi de mise ici. On y ajoutera l’attention qu’il conviendrait d’apporter dans la formation – initiale et continuée – des maitres à la programmation des activités sur un degré.

3.3. Transition secondaire supérieur - supérieur

56Concernant cette transition, le regard de l’inspection est évidemment d’un autre ordre que celui qu’elle peut porter sur les deux autres transitions évoquées précédemment. En effet, à quelques exceptions près, l’inspection n’est chargée d’aucune mission d’évaluation du niveau des études dans l’enseignement supérieur. C’est donc essentiellement la facette enseignement secondaire de cette transition qui sera ici évoquée.

57Il semble important de rappeler d’emblée que cette transition ne concerne que les élèves fréquentant l’enseignement secondaire de… transition. Les autres élèves, environ la moitié de chaque cohorte, fréquentent un enseignement secondaire visant à une qualification donnant accès à une profession, même si une partie des élèves fréquentant l’enseignement de qualification envisage de poursuivre dans l’enseignement supérieur.

58Concernant l’enseignement de transition, on pourrait sans doute reprendre tout ou partie des constats et des pistes qui ont été évoqués à propos des autres transitions. On voudrait toutefois aborder davantage ici des questions qui sont en lien avec le double objectif assigné à l’enseignement de transition, à savoir, d’une part, ce qu’il est convenu d’appeler la formation citoyenne, et, d’autre part, la préparation à l’enseignement supérieur, voire, plus particulièrement, à certaines formations au sein de ce dernier.

59On allie ainsi dans l’enseignement de transition, comme d’ailleurs dans l’enseignement de qualification, une formation commune et une formation spécifique.

60Une première question porte sur le lien à établir entre la formation commune, qu’on appelle « de base » dans certaines disciplines, et la formation plus spécifique en lien avec l’option choisie. Quel lien faut-il établir entre les deux ? La formation « de base » ne consiste-t-elle qu’en un allégement, une simplification, de la formation plus optionnelle, que ce soit au niveau des contenus ou des démarches, ou, au contraire, a-t-elle sa spécificité propre ? Force est de reconnaitre que, selon les disciplines et les programmes, ce sont des options différentes qui ont été retenues à cet égard.

61Une autre question porte sur le sens donné au terme générique « compétence » selon les disciplines considérées. Quand on se penche sur les différents documents « compétences terminales et savoirs requis », on constate que des choix différents ont été faits. Sans doute ces choix ont-ils été inspirés soit par des demandes sociétales fortes, soit par des exigences liées à l’épistémologie propre à chaque discipline. D’une façon certes un peu caricaturale, on peut distinguer, d’une part, des disciplines où la notion de compétence concerne essentiellement des compétences d’ordre pragmatique visant à la mobilisation des acquis dans des situations réelles ou proches de la vie réelle et, d’autre part, des disciplines où la notion de compétence renvoie vers les compétences des scientifiques en la matière. Sans doute conviendrait-il de s’interroger sur les motivations implicites ou explicites qui ont conduit à ces choix. Sans doute aussi conviendrait-il de voir si ces choix, quasi exclusifs, ne devraient pas être nuancés, voire complétés.

62Une dernière question porte enfin sur le développement de ce que, selon les disciplines, on appelle les compétences stratégiques ou transversales. Il semble qu’il est un pan important de ces compétences, eu égard notamment à la préparation à l’enseignement supérieur, qui soit peu développé de façon structurée dans les activités scolaires. Il s’agit de l’attention accordée au contrôle métacognitif. Des constats faits sur ce plan par l’inspection, on relève peu de pratiques organisées à ce sujet ; on semble laisser cet aspect de la formation au hasard des maitrises différentes selon les jeunes des stratégies du métier d’élève.

63Outre les pistes déjà évoquées à propos d’autres transitions, trois pistes de réflexion pourraient donc être utilement explorées dans le cadre du double objectif poursuivi à travers l’enseignement de transition : lien et distinction entre formation de base et formation optionnelle, sens donné au terme « compétence » en fonction des disciplines, attention accordée au développement de compétences stratégiques et notamment celles liées à la métacognition.

4. La progression et les ruptures des apprentissages disciplinaires du secondaire à l’université (A. Coudyzer)

64Le premier constat à relever lorsqu’on envisage l’entrée dans l’enseignement supérieur, c’est qu’il s’agit ici d’une rupture, d’un passage de l’enseignement obligatoire vers un enseignement non obligatoire.

4.1. Motivation et choix réfléchi des études

65À ce propos, l’obligation scolaire a disparu et il y a lieu d’évoquer, dans le chef de l’étudiant, une volonté de poursuivre ses études, une réelle motivation à rechercher de décrocher tel ou tel diplôme. Et ceci est stimulant, logiquement…

66Malheureusement, les responsables de l’enseignement supérieur (Hautes Écoles comme universités) constatent que bien trop de jeunes accèdent sans véritable choix effectué sur base d’une réflexion approfondie, d’une orientation murement menée en fin de parcours du secondaire.

67À ce titre, et sans vouloir rejeter une éventuelle responsabilité au niveau de l’enseignement secondaire supérieur, il faut se questionner quant à l’usage qui est fait des quinze jours prévus par le décret « Missions » à l’orientation des études. En fonction des institutions, en fonction des personnes qui portent cette responsabilité dans les institutions, il y a lieu de constater que les résultats obtenus à ce sujet sont largement diversifiés.

68De plus, le récent décret pris dans l’enseignement supérieur en juillet 2010, visant à la démocratisation et à faciliter l’accès aux études par la gratuité accordée aux étudiants boursiers et par de sérieuses réductions des couts d’inscription pour les étudiants « dits » à revenu de condition modeste, fera accroitre le nombre d’étudiants accédant à l’enseignement supérieur. Motivation ou pas, choix des études réfléchi ou pas. L’avenir nous le dira…

4.2. Facilité d’accès à l’enseignement supérieur

69À ce sujet, relevons aussi qu’en Communauté française, la seule condition d’accès à l’enseignement supérieur est de détenir le CESS. Ceci est loin d’être le cas dans de nombreux pays voisins, mais chacun sait que la Communauté française n’est pas favorable à la culture du test d’entrée, ni de l’examen d’entrée.

70Ceci conduit à des auditoires très peu homogènes au début du premier cycle de formation ; difficulté supplémentaire à gérer par les enseignants au sein de grands groupes.

71Faut-il expliquer par ce fait que le taux d’échec en première année de l’enseignement supérieur est particulièrement élevé ? Et pourtant, il reste assez stable dans le temps et les statistiques démontrent par ailleurs que le taux de diplômés par rapport au nombre d’étudiants qui abordent l’enseignement supérieur est très correct en comparaison avec les autres pays de l’Union européenne. On arrive à ce résultat moyennant aussi un taux de redoublement particulièrement élevé chez nous.

4.3. Problèmes majeurs détectés en première année de l’enseignement supérieur

72Sans surprendre personne, il est évident que la majorité des échecs enregistrés en première année sont dus aux difficultés rencontrées en maitrise orale et écrite de la langue française. Cela se constate de différentes façons : mécompréhension des questions, incohérence dans les phrases énoncées, impossibilité d’utiliser à bon escient les mots liens, déficit de vocabulaire de base, etc.

73Par ailleurs, les prérequis disciplinaires sont parfois manquants par rapport à la filière d’études choisie par l’étudiant. Et dans ce cas, le rythme semble trop rapide, l’étudiant peine à suivre et court un risque énorme de décrochage.

74L’étudiant n’est pas toujours conscientisé de l’importance des matières qui seront abordées et, trop souvent, sous-estime la quantité de travail indispensable pour arriver à maitriser celle-ci.

75Solutions apportées dans les Hautes Écoles

  • Lorsque la chose est possible, mise en place de cours de remédiation. Mais les miracles en maitrise de la langue sont rares en une seule année de travail. Très souvent, il s’agit là d’une mission de longue haleine.

  • Une partie importante de ce travail doit pouvoir être assumée par l’étudiant seul, sur base d’exercices adaptés et de conseils judicieux. Il est impossible à la Haute École d’assumer ici un travail qui aurait dû être fait au préalable.

  • Mise en place de remédiations disciplinaires, souvent même dans le cadre de cours préparatoires à la rentrée académique, mais aussi en cours d’année (peu facile à mettre en œuvre). Encore une fois, ceci est organisé par les établissements, à l’attention de tout étudiant, mais y participent ceux qui le veulent bien. Pas de contrainte exercée sur l’étudiant, celui-ci est majeur et responsable… il assume.

  • Mise en place de séances particulières de travail qui relèvent davantage de la méthode de travail. La prise de notes, l’élaboration d’une synthèse, le rythme de travail, l’hygiène de vie (et de sommeil), etc.

  • Apprendre à apprendre par soi-même est une clé de réussite.

4.4. Autres difficultés à ne pas ignorer

76L’étudiant qui s’engage dans l’enseignement supérieur, se trouve aussi face à certaines libertés nouvelles : les évaluations systématiques de semaine en semaine ne sont pas nécessairement organisées. La matière s’accumule et l’évaluation se fait assez tardivement. Une mise en garde des étudiants à ce sujet s’impose.

77La tentation est également grande de gouter à la vie étudiante, de participer aux festivités organisées par les cercles d’étudiants. Ici aussi, chacun doit pouvoir poser des balises adéquates.

78Pistes d’amélioration

79• Plusieurs établissements organisent des tests dès fin octobre afin de permettre à l’étudiant de se situer rapidement. La plupart de ces tests sont même sans incidence sur la note finale de l’étudiant.

4.5. Et au sujet de l’information sur les études données par les Hautes Écoles

80Chaque institution dispose d’une plaquette de présentation de son offre de formation. Celle-ci est souvent complétée par de brefs descriptifs par cursus de formation afin de présenter en quelques lignes chacune des activités d’apprentissage.

81Ici aussi, l’étudiant doit pouvoir bien se renseigner, car les balises données par l’administration aux écoles se limitent à une grille-horaire minimale, complétée par un certain volume horaire d’heures laissé à la liberté des pouvoirs organisateurs. De ce fait, le contenu d’une même formation peut parfois être assez différent selon l’établissement choisi. Si l’inspection ne se préoccupe pas de cette matière dans les Hautes Écoles, c’est parce qu’un autre mécanisme de contrôle existe, celui mis en place par l’Agence d’évaluation de la qualité dans l’enseignement supérieur (AEQES). Chaque institution est ainsi auditée pour chacun de ses cursus de formation dans le cadre d’un plan décennal.

82Enfin, et dans le prolongement d’un travail important mis en place dans l’enseignement secondaire, l’enseignement supérieur s’engage pour le moment dans une nouvelle forme de description de ses formations – un référentiel de compétences et de capacités est en cours de rédaction pour chaque filière de formation. Le souhait des instances supérieures est de faire mieux coïncider les formations aux attentes de la société, aux besoins des employeurs, d’autant plus que la plupart des cursus organisés en Hautes Écoles sont des baccalauréats professionnalisants.

5. Les problèmes relatifs à la progression curriculaire en Communauté française de Belgique. État des lieux et interpellations aux didacticiens, concernant la transition secondaire-université (Ph. Parmentier)

5.1. Un taux d’échecs élevé à appréhender de manière systémique

83La réussite en première année de bachelier de transition (universitaire) est indéniablement un cap difficile à franchir en Communauté française de Belgique : seuls 39 % des étudiants inscrits pour la première fois à l’université réussissent cette première année sans redoublement (NB ce taux est de 40 % en Haute École).

84Plutôt que d’être stigmatisé, ce faible taux de réussite devrait être considéré comme un révélateur du fonctionnement du système d’enseignement de la Communauté française de Belgique, dont l’essentiel se joue en amont de l’entrée à l’université. Dans un système où l’accès à l’enseignement supérieur repose sur le principe du (quasi) libre choix, et où, de surcroit, ce choix n’est en rien balisé par une évaluation externe des acquis d’apprentissages des élèves au sortir du secondaire (dont on connait par ailleurs le très haut niveau d’hétérogénéité) sans être non plus documenté par un processus d’information et d’orientation systématique, il serait pour le moins surprenant que le taux de réussite en première année à l’université soit plus élevé.

85Il convient également de relever que le nombre d’étudiants accédant à l’université a, quant à lui, augmenté de plus de 35 % en vingt ans. Aussi, comme le suggèrent Nils et Lambert (in Parmentier, 2011, p. 12),

si l’on intègre dans l’analyse de la réussite en première année l’augmentation des effectifs d’étudiants de première génération, il est possible de dresser un tableau moins sombre. En effet, malgré un taux d’échec stable et très élevé, de plus en plus d’étudiants réussissent en première année à l’université. Si l’on compare les chiffres des dernières années à ceux observés vingt ans plus tôt, il apparait que tous les ans, entre 500 et 1.000 étudiants de plus réussissent leur première année universitaire dès leur première tentative.

86En d’autres termes, si le cap de la première année est difficile à franchir, il est loin d’être infranchissable.

87Pour autant, un tel taux d’échec, ainsi que sa persistance dans le temps, ne peut manquer d’interpeller, pour le cout économique, social et humain qu’il engendre. C’est la raison pour laquelle la problématique de la transition entre le secondaire et l’université est l’objet de très nombreuses recherches en pédagogie universitaire depuis le début des années 1990.

5.2. La recherche, comme outil de promotion de la réussite à l’université

88Une grande diversité de travaux de recherches menée au sein des universités de la Communauté française (parfois en étroite collaboration) a fait l’objet de publications. La Commission « Réussite » du CIUF vient d’en établir le relevé, objet de la publication référencée en note de bas de page ci-dessous3.

89Ces travaux ont essentiellement visé à identifier les facteurs susceptibles d’influencer significativement le pronostic de réussite ou d’échec, tant du point de vue du profil de l’étudiant que de ses conditions d’apprentissage.

90Concernant les caractéristiques de l’étudiant les plus susceptibles d’influencer la variance des statistiques de réussite/échec, de nombreuses études indiquent une forte corrélation entre la réussite d’un étudiant et (a) son origine socio-culturelle (y inclus le genre), (b) son passé scolaire, (c) sa motivation (intérêt pour les études et engagement dans les études) ou encore (d) ses stratégies d’apprentissage. Le genre est une variable qui pèse très significativement sur le pronostic de réussite/échec (43,6 % des filles réussissent pour 33,8 % des garçons), et il serait sans doute intéressant, y inclus d’un point de vue didactique, et notamment sous l’angle du rapport au savoir, de s’en préoccuper. Le passé scolaire est également une variable dont l’influence semble déterminante pour la réussite en première année universitaire, et ce quel que soit l’indicateur retenu (établissement, filière, redoublement, résultats finaux), la combinaison de chacun de ces paramètres renforçant le poids des autres. Cette inégalité scolaire de départ pèse lourd sur le devenir académique des étudiants et constitue de facto une réelle inéquité sociale. Si l’accès « administratif » aux études universitaires leur est accordé, la réussite s’avère parfois statistiquement improbable, sur la base de leurs acquis scolaires de départ. Un tel constat amène à questionner au minimum la cohérence, au pire la robustesse, du corpus curriculaire proposé en amont, sans exclure, par ailleurs, l’hypothèse que certains enseignants universitaires de première année imposeraient un niveau d’exigences de départ trop élevé en regard des compétences terminales visées par le secondaire. Pour promouvoir la réussite au cœur de la transition secondaire-université, des ajustements d’ordre pédagogique s’avèrent donc également indispensables en aval.

91La recherche en pédagogie universitaire s’est dès lors particulièrement intéressée, notamment ces dix dernières années, au processus d’apprentissage dans l’enseignement supérieur, ainsi qu’à l’impact des méthodes et des dispositifs pédagogiques sur la qualité de l’apprentissage (et sur la réussite).

92Il est indéniable que ces recherches, ainsi que le soutien que certaines universités, telles que l’UCL, accordent à l’innovation pédagogique, ont fait évoluer les mentalités et les pratiques des enseignants universitaires de première année. Cette évolution, dynamisée par les formations pédagogiques proposées (voire imposées, selon les universités) aux nouveaux membres du personnel académique, se caractérise principalement par une augmentation et une diversification des feedbacks (interrogations facultatives ou dispensatoires, tests auto-corrigés, exercices en ligne, mais aussi interactions en petits groupes, tutorats, monitorats, etc.) au sein des cours de première année ainsi que par une disponibilité sans cesse plus grande (sans moyens additionnels) des enseignants pour toute forme (individuelle ou collective) d’activité de soutien de type préventif ou remédiatif.

93Sur un plan institutionnel, ces efforts sont prolongés par des mesures visant à proposer, sur fonds propres, des structures professionnelles d’information, de conseil et d’accompagnement pédagogique à chaque étudiant qui le souhaite.

94Même si l’efficacité et l’équité de certaines de ces initiatives pédagogiques (reposant presque toujours sur une base volontariste, tant du point des vues des étudiants que des enseignants) pourraient (devraient) être améliorées, il est peu envisageable d’en demander (beaucoup) plus aux enseignants et aux universités, à moyens constants, sinon réduits, sous peine de nuire à la qualité de l’enseignement, premier vecteur de réussite. Comment faire, dès lors, pour progresser dans la recherche de nouvelles approches visant à réduire les conséquences négatives4 du processus de transition (ici : du système secondaire au système universitaire) lui-même, sur la qualité de l’apprentissage et sur la réussite académique ? La recherche en didactique a-t-elle un rôle particulier à jouer pour réduire les ruptures diverses auxquelles le jeune étudiant de premier année se trouve confronté ?

5.3. La transition, un sujet de recherche en soi

95Dans un système où 99 % des titulaires d’un diplôme de l’enseignement secondaire général de transition accèdent à l’enseignement supérieur, n’y a-t-il pas lieu de s’interroger sur le sens même du concept de transition ?

96Cette question sous-tend trois propositions, à considérer comme autant de conditions nécessaires pour rendre le processus de transition secondaire-université plus efficace et plus équitable :

  • l’enseignement secondaire de transition doit considérer que la préparation à l’enseignement supérieur relève bien de ses missions ;

  • l’enseignement universitaire doit considérer qu’il relève bien de sa responsabilité de proposer à chaque étudiant (potentiellement) compétent et motivé un environnement académique favorable à sa réussite en première année ;

  • un certain nombre de questions non traitées (ou non résolues) jusqu’ici nécessitent une réelle coordination entre l’enseignement secondaire et universitaire. La gestion de la transition est une problématique en soi, qui ne peut être traitée sans réelle synergie entre amont et aval.

5.4. Questions de transition

97Le fait même de la transition (secondaire-université) – et les ruptures qui y sont associées – semble, en effet, être un objet d’études encore peu exploité. Une réponse à chacune des neuf questions suivantes – évoquées ci-dessous parce qu’elles relèvent spécifiquement de cette problématique – constituerait pourtant une réelle plus-value dans la compréhension et la promotion des facteurs pédagogiques et didactiques influençant la réussite en première année à l’université.

98Trois questions pour l’enseignement secondaire de transition

  • Comment assurer une certaine homogénéité dans les acquis des étudiants qui accèdent à l’enseignement supérieur ?

  • Comment s’accorder sur le « but à atteindre » en termes de compétences finales et de seuils d’exigences ?

  • Quel rôle l’école doit-elle jouer dans le processus d’information et d’orientation vers l’enseignement supérieur ?

99Trois questions pour l’enseignement universitaire

  • Comment assurer la motivation et la formation de tous les enseignants de première année pour leur permettre de jouer un rôle de levier dans ce processus de transition ?

  • Quel rôle l’université doit-elle jouer pour soutenir l’accès et la réussite des études universitaires auprès des étudiants qui sont (ou se perçoivent comme étant) « moins bien préparés » ?

  • Comment améliorer l’efficacité des dispositifs d’enseignement et d’accompagnement dans un contexte de réduction des moyens ?

100Trois questions à la lisière de l’enseignement secondaire et universitaire

  • Comment renforcer le lien entre les compétences acquises au sein des filières de transition et les compétences requises dans l’enseignement universitaire ?

  • Comment réduire les ruptures en termes de méthodes d’enseignement et d’évaluation (enseignement en grand groupe, évaluations moins régulières, etc.) ?

  • Comment réduire les ruptures en termes de méthodes d’apprentissage (quantité de matière, type de compétences visées, travail autonome, etc.) ?

5.5. En guise de conclusion

101Chacun, à commencer par le politique, s’accorde à considérer comme un objectif prioritaire d’améliorer la qualité du processus de transition entre l’enseignement secondaire et l’enseignement universitaire, pour le rendre à la fois plus efficace et plus équitable.

102La recherche indique que ce processus peut être rendu plus efficace et plus équitable par :

  • un enseignement de transition qui assure à chacun le bagage académique nécessaire pour la suite des études (« le métier d’étudiant ») ;

  • un processus d’orientation, qui se construit avec l’ensemble des acteurs concernés ;

  • un environnement académique favorisant de bonnes conditions d’études ;

  • des conditions sociales, économiques et culturelles qui ne font pas obstacle à la réussite.

103Quels que soient les efforts respectifs des acteurs de l’enseignement secondaire, d’une part, et de l’enseignement universitaire, d’autre part, il s’avère également que le processus de transition génère en lui-même une série de questions non encore résolues et pourtant déterminantes pour atteindre l’objectif visé. De nouvelles recherches sont indispensables à cet égard, en vue de proposer des approches pédagogiques et didactiques innovantes, visant à réduire les ruptures observées entre secondaire et universitaire.

104Question subsidiaire : pourquoi est-il si difficile de financer ce type de recherches en Communauté française de Belgique ?

Notes de bas de page

1 Éric Daubie remplace José Soblet, Secrétaire général de la FESeC, retenu au Cabinet de la Ministre Simonet dans le cadre d’une concertation. Il précise que son intervention s’appuie en grande partie sur les notes de José Soblet, qu’il sera par ailleurs appelé à remplacer en septembre, comme Secrétaire général.

2 Ainsi, par exemple, la transition primaire-secondaire semble poser moins de difficultés en français qu’en mathématiques.

3 Parmentier, P. (dir.) (2011). Recherches et actions en faveur de la réussite en première année universitaire. Vingt ans de collaboration dans la Commission « Réussite » du Conseil interuniversitaire de la Communauté française de Belgique, Bruxelles, CIUF.

4 Tout processus de transition génère également des effets positifs, bien entendu.

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