Le point de vue des sujets formateurs confrontés au processus de professionnalisation
Itinéraires de trois formateurs en EPS
p. 47-74
Texte intégral
1. Introduction
1Nous abordons la question de la professionnalisation uniquement dans le cadre de la formation initiale des futurs enseignants d’EPS à partir de ce qu’en disent les formateurs. Dans une recherche plus étendue portant sur le travail des formateurs confrontés à ce que nous appelons en France la mastérisation (Loizon, Charvy & Cartierre, 2014), nous avons voulu savoir de quelle manière les formateurs faisaient face à des injonctions parfois difficiles à tenir dans le cadre de la professionnalisation (Wittorsky, 2008), former au métier d’enseignant, former à la recherche et préparer aux épreuves des concours professionnels.
2Dans ce chapitre, nous souhaitons analyser de manière plus spécifique l’itinéraire de trois formateurs en éducation physique et sportive (EPS) confrontés à des prescriptions ministérielles qui changent tous les quatre ou cinq ans pour comprendre leur activité, la dernière réforme de la formation des enseignants se mettant en place durant cette année universitaire 2014- 2015… Face à ces nouvelles prescriptions liées à la professionnalisation, nous avons cherché à identifier dans leur discours sur leur expérience professionnelle, ce qui changeait, ce qui restait stable et ce qui était laissé de côté, tout en essayant de comprendre comment se construisait ce savoir personnel du formateur.
3Avant d’aller plus loin dans la présentation de cette investigation, il nous semble important de rappeler au lecteur en quoi consiste la mastérisation en France puisqu’elle s’organise schématiquement en deux étapes. Avant la première étape en 2010, la formation des enseignants s’appuyait sur un cursus en licence, suivi d’une année de préparation au concours. Après ce concours, les jeunes enseignants étaient titularisés à l’issue d’une année de stage en alternance où se succédaient formation disciplinaire et stage en responsabilité avec des classes. La première phase de la mastérisation a supprimé l’année de préparation au concours pour la remplacer par une année de master 1, suivie d’une année de master 2 durant laquelle les étudiants passaient le concours de professeur. Après le concours, ils avaient de nouveau une année de titularisation avec très peu de formation professionnelle car ils devaient assurer leur service devant les élèves à 80 %... Cette première étape a donc rajouté une année de formation sanctionnée par un master.
4L’arrivée d’un nouveau gouvernement de gauche en 2012 a produit une seconde étape avec la réintroduction du concours en fin de première année de master. Durant la seconde année, les étudiants à mi-temps en formation et à mi-temps en stage en responsabilité, poursuivent deux finalités un peu différentes du point de vue de la formation professionnelle avec d’une part, la réussite à l’examen de master 2, et d’autre part la titularisation pour devenir fonctionnaire d’état ce qui alourdit considérablement leur travail.
5Nous verrons par la suite que ces changements rapides ont eu des effets sur les formateurs qui se sont sentis tiraillés entre plusieurs objectifs pas toujours compatibles. En éducation physique, comme le rappellent les collègues à plusieurs reprises, si la situation paraît parfois plus facile aux formateurs, c’est essentiellement parce que le concours est très ancré sur la pratique professionnelle, ce qui nécessite de développer des compétences professionnelles fortes chez les futurs enseignants.
2. Cadre théorique et méthodologique
2.1. Cadre théorique général
6Nos options théoriques et méthodologiques s’inscrivent dans le champ de la didactique clinique de l’EPS (Terrisse & Carnus, 2009) qui se situe à la croisée de la didactique et d’une clinique du sujet d’inspiration psychanalytique. Cette orientation scientifique émergente fait référence à certains concepts de la didactique et de la psychanalyse pour suivre le fil des enjeux des savoirs qui « circulent » dans le fonctionnement didactique. Elle utilise également une méthodologie « clinique », au « cas par cas », qui suit la temporalité de l’activité professorale : le déjà-là, l’épreuve d’enseignement et l’après-coup. Cette méthodologie basée sur l’étude de cas (Albarello, 2011) permet de rendre compte de la singularité de l’acte d’enseignement qui met en relation des sujets : un sujet enseignant, et des sujets élèves ou étudiants autour d’un savoir dans un contexte toujours situé.
7Cette dimension clinique dans la recherche en didactique nous a conduits à élaborer une théorie du sujet enseignant qui repose essentiellement sur trois présupposés (Carnus, 2009). Le premier postule que le sujet enseignant est singulier, autonome et responsable. Cette singularité préexiste même si le sujet peut être fortement influencé par des contraintes externes ou par des contraintes internes relatives à son histoire personnelle comme nous avons pu le montrer (Loizon, 2004). Ses déterminants internes personnels s’organisent à partir de trois formes de « déjà-là » (intentionnel, conceptuel et expérientiel) construits au travers de son histoire comme nous le verrons plus loin dans le détail de nos études de cas. Au carrefour de ces trois formes de « déjà-là », nous plaçons le « déjà-là décisionnel » (Carnus, 2003) à l’origine de toute décision prise par le sujet enseignant ou formateur.
8Ces « déjà-là » semblent se structurer en couches plus ou moins poreuses. La couche la plus ancienne serait composée du « déjà-là expérientiel », issue de l’histoire personnelle et professionnelle du sujet enseignant. Une deuxième couche correspondrait au « déjà-là conceptuel », à l’ensemble des conceptions générales, des croyances et des valeurs de l’enseignant. D’une certaine manière, les conceptions que nous évoquons se rapprochent fortement de la notion de « sensibilité à… » proposée par Michel Récopé (Récopé, Fache & Fiard, 2011). Enfin, une troisième couche relative au « déjà-là intentionnel » regroupe à la fois les intentions éducatives et didactiques, qu’elles soient générales (intentions visées sur plusieurs séances ou cycles) ou spécifiques de la séance observée. C’est cet ensemble qui participe finalement à la prise de décision de l’enseignant ou du formateur, même si parfois les trois « déjà-là » co-agissent de manière contradictoire comme nous avons pu le mettre en évidence dans d’autres recherches en didactique clinique à partir de plusieurs études de cas réalisées auprès de formateurs (Loizon, 2009).
9Le second présupposé concerne le sujet enseignant et ses assujettissements, autrement dit son rapport à l’institution. Celui-ci est un déterminant externe comme le souligne Goigoux (2007) dans son modèle de l’activité de l’enseignant ; le « déterminant institutionnel » regroupe tous les textes officiels qui agissent comme une prescription externe. Nous pensons que ce postulat peut s’appliquer aussi aux formateurs dans la mesure où ceux-ci reçoivent de nombreuses prescriptions externes comme celles concernant l’organisation de la mastérisation.
10Enfin, le troisième présupposé intègre la dimension de l’inconscient au sens freudien (Freud, 2013) : le sujet enseignant est divisé, à plusieurs niveaux, et notamment, entre ce qu’il déclare avoir fait et ce qu’il a réellement fait. Le sujet enseignant peut aussi être divisé entre des buts contradictoires comme garder le contrôle de la classe et dévoluer les apprentissages, c’est particulièrement chez les enseignants novices. Avec un soubassement épistémologique différent, ce concept de division est à rapprocher des notions de dilemmes et de tensions vécues par les sujets.
11Ces trois présupposés constituent le socle sur lequel repose la didactique clinique (Carnus & Terrisse, 2013). Parmi les notions importantes utilisées dans ce champ, le rapport au savoir construit par l’expérience du sujet confronté au savoir, tient une place toute particulière car il se situe à l’interface du didactique et de la clinique.
2.2. Le rapport au savoir
12En didactique clinique, nous utilisons un concept qui nous permet de rendre compte des savoirs enseignés ainsi que des difficultés vécues par les sujets dans l’espace didactique de l’enseignement ou bien de la formation, il s’agit du concept de « rapport au savoir » (Carnus & Terrisse, 2013). Face à la professionnalisation, nous allons questionner le rapport au savoir du formateur pour ouvrir un nouvel espace d’investigation comme le fait remarquer Maizières (2011, p. 105) à propos de la musique « comme l’ensemble des relations actuelles et passées, directes et indirectes, conscientes et inconscientes, qu’un individu entretient avec la musique ». Cette relation, toujours singulière, se réalise toujours dans un contexte qui peut assujettir le sujet. Nous allons donc nous intéresser à ces relations particulières que le sujet formateur entretient avec la professionnalisation, de manière consciente ou inconsciente. C’est sur cet axe plus clinique que le cadre de la didactique clinique prend alors tout son sens en essayant de conjuguer les deux dimensions consciente et inconsciente pour arriver à mieux comprendre ce qui se joue chez les sujets.
13Utilisée dans trois champs distincts (sociologie, clinique psychanalytique et didactique) cette notion de rapport au savoir peut être discutée selon au moins deux angles : soit du côté du savoir en didactique avec les travaux de Chevallard (1989), soit du côté du sujet en clinique ou en sociologie. Que pouvons-nous en retenir pour cette étude ?
14Dans le cadre d’une sociologie qui se préoccupe des problèmes d’éducation, Charlot (1997, p. 91) en donne la définition suivante : « le rapport au savoir est le rapport au monde, à l’autre et à soi-même d’un sujet confronté à la nécessité d’apprendre » ; il implique une activité du sujet. L’auteur distingue deux types de rapport au savoir : l’un épistémique, identifiable en dehors des tâches scolaires, et l’autre plus identitaire qui s’enracine dans l’identité même des élèves. C’est ce dernier qui nous intéressera plus particulièrement : le rapport identitaire du formateur face à la professionnalisation.
15Dans une approche clinique d’inspiration psychanalytique, Beillerot (1996, p. 72), propose une approche particulière de ce concept : « le désir de savoir nous importe aussi en ce que son analyse jointe à celle de la relation d’objet constitue, à nos yeux, les soubassements du rapport au savoir ». À propos de cette approche psychanalytique, Caillot (1999) conclut que celle-ci dévoile des mécanismes inconscients qui influencent la conduite des individus, et donc sur la façon d’apprendre ou d’enseigner les objets de savoir prescrits par les institutions. Là encore, nous pensons que le formateur n’est pas très différent de l’enseignant et que son rapport au savoir peut être convoqué dans l’espace et le temps particuliers de la professionnalisation.
16Enfin, dernière approche qui se place cette fois du côté du savoir, l’approche anthropologique du didactique proposée par Chevallard (1991). Cet auteur soutient la thèse suivante : il existe deux types de rapports au savoir, des rapports individuels comme ceux évoqués par Beillerot ou Charlot, mais également des rapports institutionnels pour chaque institution comme ici les IUFM, soulignant ainsi l’importance de la « vie » des objets de savoir dans des institutions différentes (école, centre de formation, etc.). D’un assujettissement à l’autre, le sujet construit son « rapport personnel au savoir » défini comme ce qui relève « de savoirs, de savoir-faire, de conceptions, de compétences, de maîtrise, d’images mentales, de représentations, d’attitudes, de fantasmes, etc. du sujet à propos de l’objet de savoir. Tout ce qui peut être énoncé, à tort ou à raison, pertinemment ou non, doit être tenu au mieux pour un aspect du rapport au personnel du sujet à l’objet de savoir » (Chevallard, 1989, p. 220). Nous nous intéresserons donc à ce rapport personnel qu’entretient le formateur en EPS avec la professionnalisation, et plus spécialement à son rapport à l’institution IUFM et à ses prescriptions.
17Dans un autre contexte de formation, celui du travail social, Simondi et Perrenoud (2011) repèrent cinq dimensions du rapport au savoir dans le discours des formateurs. Ces cinq dimensions sont les suivantes : le rapport à l’autre, à sa propre pratique, au groupe, au soi professionnel et aux savoirs. Ces chercheurs mettent en évidence l’importance de l’expérience antérieure dans cette dynamique du rapport au savoir ; le « déjà-là expérientiel » des formateurs jouerait donc un rôle important dans les pratiques de formation. Nous mobiliserons quatre1 de ces cinq dimensions pour analyser le discours des formateurs en EPS face à la professionnalisation.
18Pour mieux cerner le point de vue des sujets formateurs en EPS sur leurs pratiques de formation confrontés au processus de professionnalisation mis en place depuis deux ans, nous avons formulé deux questions de recherche :
le rapport au savoir des formateurs évolue-t-il face aux dispositifs de formations mis en place pour les étudiants en master ?
qu’est-ce qui ne change pas dans les pratiques des formateurs depuis la mastérisation ?
2.3. Méthodologie : l’étude de cas
19Après avoir proposé le projet de recherche à mes collègues formateurs, seulement trois formateurs en EPS ont accepté de se soumettre à cet entretien semi-directif, ce qui explique les différences parfois fortes entre les trois profils. Leurs expériences professionnelles d’enseignement (de 10 à 20 ans) et de formation sont assez variées (6 ans à 20 ans) face des publics très hétérogènes (formation au professorat des écoles et au professorat d’EPS).
˙ Cas n° 1 : Aurélien est professeur certifié. Il a enseigné une dizaine d’années en collège ; il est formateur à l’IUFM depuis 2000, surtout avec les étudiants qui souhaitent devenir professeurs des écoles, ce qui expliquera que ses remarques ou ses observations soient parfois assez différentes de ses deux collègues qui ont davantage d’étudiants en cursus STAPS pour devenir professeur d’EPS.
˙ Cas n° 2 : c’est Anabelle, professeur certifiée. Elle bénéficie d’une expérience de 15 ans d’enseignement en collège. Elle est formatrice depuis 2006 auprès des étudiants professeurs des écoles et des étudiants STAPS. Elle est titulaire d’un master STAPS le rapport au soi professionnel étant plus compliqué à utiliser depuis 2010.
˙ Cas n° 3 : c’est le formateur le plus âgé : Ludovic. Il est professeur agrégé ; il a une expérience professionnelle de vingt ans d’enseignement en collège et en lycée. Il est formateur en IUFM depuis 1998, surtout avec des professeurs stagiaires en EPS et des étudiants en STAPS. Il est titulaire d’un doctorat en STAPS.
20Ces trois formateurs appartiennent donc à l’IUFM de Bourgogne. Les entretiens se sont déroulés pour tous en octobre 2012.
2.4. L’entretien
21Fort de nos références théoriques, nous avons construit un protocole d’entretien divisé en quatre grandes parties pour recueillir et croiser le maximum de données. Le recueil s’est fait sous forme d’entretien semi-directif d’environ une heure trente à deux heures. Quatre thèmes ont été abordés pour mettre en évidence les évolutions de la professionnalisation des étudiants : leur parcours professionnel, la professionnalisation, les questions vives et leurs conceptions.
22Concernant le parcours professionnel (Quel est ton parcours professionnel jusqu’à ton recrutement en IUFM ?2), nous avons choisi d’investiguer cette dimension antérieure au recrutement en IUFM pour identifier le « déjà-là expérientiel » de nos sujets car nos recherches ont montré qu’il pouvait avoir une influence « cachée » sur le choix des contenus (Loizon, 2009).
23À propos de la professionnalisation, nous avons posé plusieurs questions pour passer progressivement d’une définition aux contenus enseignés afin d’obtenir un contour large de cette notion : quelle est ta définition du terme de professionnalisation ? Quels usages en fais-tu ? Quels sont tes objectifs prioritaires en matière de professionnalisation ? Quels sont les contenus qui te semblent importants de privilégier pour professionnaliser en EPS ? Qu’est-ce que tu fais réellement pour atteindre cet objectif dans le cadre des nouveaux masters ?
24Dans la troisième partie concernant les questions vives, nous souhaitions identifier un certain nombre de problèmes évoqués bien souvent de manière informelle par nos collègues à propos de leur légitimité dans la formation professionnelle et de leur reconnaissance pouvant avoir des liens avec l’évolution de la professionnalisation. Avec la mise en place des masters, les discours avaient-ils changé ou bien les situations étaient-elles toujours semblables ? Ces questions permettaient d’approcher l’identité professionnelle des formateurs confrontés à la mastérisation : comment vis-tu ta légitimité dans la formation ? Quelles ont été tes interventions : en formation initiale ? En formation continue ? Comment les as-tu vécues ?
25Enfin, nous avons terminé cet entretien avec des questions très ouvertes destinées à la formalisation de certaines conceptions (« déjà-là conceptuel »), celles-ci étant entendues comme un système de croyances, de valeurs, de représentations, car nous souhaitions ouvrir l’entretien sur un éventuel écart entre leur « déjà-là conceptuel » et la réalité de leur travail : quel enseignant d’EPS aimerais-tu former ? Quel formateur aimerais-tu être ?
2.5. Traitement des réponses aux questions
26Pour le traitement des matériaux issus des entretiens, nous avons procédé en plusieurs temps. Le premier a été consacré à une analyse flottante lors d’une première lecture des verbatim pour repérer ce qui nous interpellait en relation avec nos grandes catégories d’analyseurs du rapport au savoir de Simondi et Perrenoud. Dans un second temps, nous avons utilisé une analyse thématique de contenu a posteriori (Bardin, 1998) en regroupant ce qui pouvait appartenir à un même thème en réponse à nos questions guides. Enfin, nous avons repris certains extraits signifiants en relation avec nos analyseurs pour montrer que cette question de la professionnalisation mobilise des éléments précis comme la prise en compte des maquettes avec leurs unités de formation (UE), et d’autres moins conscients chez les sujets comme les tensions plus nombreuses.
27Cette recherche a donc pour but de décrire et d’analyser le travail des formateurs en EPS pour comprendre leur activité. Il est possible d’approcher cette évolution de la professionnalisation, soit par la réalité de l’action didactique en observant les pratiques effectives de formation, soit par le discours que les formateurs tiennent sur leurs pratiques tout en rappelant que le réel relève autant du fait observé que de la construction de l’esprit. Nous avons choisi dans cette étude exploratoire de nous intéresser à leurs déclarations en nous appuyant sur leurs réponses lors d’un entretien semi directif. Même s’il existe un décalage entre le discours que le formateur tient sur ses pratiques et la réalité de son travail, il peut en dévoiler certains aspects qui ont beaucoup de sens pour lui (Trinquier, 2001).
28Cette analyse de leur activité déclarée va porter sur deux dimensions : une dimension générale qui va s’intéresser à leurs représentations, à leurs préoccupations et à leurs tensions ou dilemmes (Goigoux, 2007), ainsi qu’une dimension didactique : à ce qu’ils enseignent, aux contenus qu’ils mobilisent, aux compétences professionnelles qu’ils souhaitent développer, ainsi qu’aux procédures qu’ils utilisent pour former les étudiants à devenir de futurs enseignants d’EPS.
3. Résultats
29L’analyse du contenu des entretiens met en évidence les éléments importants qui ne peuvent être généralisés compte tenu des études de cas, mais elle fournit des pistes de réflexion intéressantes sur le thème de la professionnalisation. Les résultats seront présentés en référence à nos quatre analyseurs proposés par Simondi et Perrenoud (2011). Pour chacun des analyseurs, nous proposons des extraits issus des déclarations de chacun des formateurs.
3.1. Un rapport au groupe et à l’institution
30Pour certains formateurs rencontrés dans une étude plus large, professionnaliser, c’est transmettre un rapport particulier au groupe caractérisé par un rapport à l’institution (Loizon, Charvy & Cartierre, 2014) ; c’est ce rapport institutionnel (Chevallard, 1989) que nous avons cherché à caractériser pour tenter d’en percevoir les effets sur la professionnalisation des étudiants.
Aurélien, un rapport hiérarchique à l’institution
31Aurélien entretient un rapport particulier avec l’institution que l’on pourrait caractériser comme un rapport hiérarchique. Pour lui, il est fonctionnaire de l’état, donc soumis à des devoirs et à des droits ce qui l’oblige à respecter les textes, les contenus proposés par l’institution IUFM :
Cela m’impose de respecter un certain plan de formation.
32Son rapport personnel est alors projeté dans l’espace de formation : un rapport qui serait constitué d’une forme « d’obéissance » quasi religieuse aux prescriptions officielles comme il le pense :
Un autre aspect fondamental, c’est aussi le développement des compétences de l’enseignant en relation avec les exigences institutionnelles, il doit respecter certaines choses au regard de l’institution, il doit respecter les programmes, respecter l’emploi du temps qui est donné, respecter les heures à réaliser en face des élèves, etc.
33Il insiste beaucoup sur ce point :
À chaque fois, dans mes formations, j’essaie donc de lier ces trois aspects : l’institutionnel, l’activité, et le public. Et j’essaie de mettre tout cela en lien avec les attentes nationales, c’est-à-dire les programmes.
34Pourtant Aurélien reste en questionnement, il semble divisé entre deux attentes :
Je me demande si c’est l’institution qui attend quelque chose de moi ou si ce sont les étudiants ?
35On voit aussi combien il a du mal à se positionner entre ces deux pôles :
Donc, j’essaye de jongler entre les objectifs institutionnels et les attentes des étudiants.
36On verra par la suite que le rapport à l’autre, à l’étudiant reste le plus déterminant pour Aurélien.
37Il faut noter qu’Aurélien n’appartient à aucun dispositif institutionnel (conseil d’école ou conseil scientifique et pédagogique) ; il n’a pas accès aux discussions et aux choix qui sont faits dans ces différents conseils ; il se perçoit comme un « formateur passif » qui reçoit et exécute les prescriptions : « moi, je ne décide rien, je reçois les ordres d’en haut » comme si cela était une sorte de fatalité.
Anabelle, un rapport plus distancié
38Le cas d’Anabelle est différent de celui d’Aurélien. Elle prend davantage de distance par rapport à l’institution, à ce qu’on lui demande de faire :
Il y a ce qu’on me demande, mais surtout ce que je pense qui est bon pour les étudiants.
39Face aux trois injonctions que sont la préparation au concours, la formation à la recherche et la réussite au master, elle se positionne très clairement du côté du concours :
Les notes, c’est bien pour le master mais moi, je veux surtout les faire réussir au concours.
40Bien que ne faisant pas partie des différents conseils, là encore, elle prend de la distance par rapport aux différentes prescriptions imposées par l’établissement :
Il y a ce qu’on me demande de faire, mais il y a aussi ce que je peux faire et surtout ce que j’ai envie de faire avec les étudiants, ce que je trouve bon pour eux, pour leur avenir…
41Ce rapport personnel à l’institution trouve déjà son origine dans le cercle familial quand elle annonce :
Quand j’étais gamine, je ne me laissais pas faire, je faisais déjà ce que je voulais.
Ludovic, un rapport pragmatique
42Pour Ludovic, la situation est vécue de manière complètement différente ; il essaie de composer avec les différentes injonctions :
C’est très difficile de tout conjuguer en formation, mais j’essaie d’articuler à la fois le côté professionnel, la préparation au concours et des données issues de la recherche.
43En effet, pour lui, les choses ne sont pas si différentes comme il l’explique :
Le concours EPS est très professionnel ; il faut déjà avoir construit de solides compétences professionnelles pour faire une bonne leçon, comme il faut être capable de mobiliser des connaissances diverses aussi bien dans les écrits que dans la leçon. La recherche apporte des connaissances sur lesquelles le prof peut s’appuyer… C’est ce que j’essaie de leur montrer en formation. Il n’y a pas d’un côté les connaissances et de l’autre la pratique… tout est lié.
44Son expérience de la recherche sur la formation lui permet de faire ces liens qui donnent du sens aux apprentissages comme il le rappelle aux étudiants en les questionnant sur l’utilisation de ces savoirs :
En début et fin de cours, je leur rappelle à quoi ça sert ce que j’enseigne, comment ils vont pouvoir le mobiliser en cours avec les élèves ou pour eux…
45Contrairement à Aurélien pour qui les prescriptions « viennent d’en haut », Ludovic est membre d’un conseil :
Je comprends mieux ce qui se joue, car je participe aux décisions.
46Sur certains points, c’est même un acteur engagé :
J’ai fait en sorte d’inscrire un module de communication pour les futurs enseignants, cela n’a pas été facile, il a fallu convaincre ».
47Au travers de ces quelques extraits d’entretien, on voit combien ce rapport au groupe et à l’institution pèse sur la professionnalisation d’une manière générale et pas uniquement dans le cadre de la mastérisation. Ce rapport à l’institution des formateurs se joue entre soumission à l’institution (Aurélien) et émancipation (Ludovic) ; il renvoie à l’assujettissement des sujets qui doivent finalement choisir entre leur rapport personnel (Chevallard, 1989) et leur rapport à l’institution. Ce rapport semble aussi relever d’un assujettissement différent selon l’investissement du formateur dans l’équipe de direction ou dans les différents conseils de l’IUFM surtout pour Ludovic qui se trouve au carrefour des décisions.
3.2. Un rapport à l’autre
48Le rapport à l’autre dont il est question ici est essentiellement le rapport à l’étudiant. Nous allons montrer à travers les extraits des discours que ce rapport à l’étudiant dépend fortement des conceptions du formateur (déjà-là conceptuel), notamment de ces conceptions du métier et de ce qu’il doit transmettre.
Aurélien, un mode de relation très transmissif
49Pour ce formateur, le premier constat est sans appel :
Ils viennent pour avoir leur master et le concours et pas pour se professionnaliser.
50C’est un ressenti, une impression qu’il confirme :
Ce sont de bons élèves qui font bien leur métier d’étudiant ; ils travaillent d’abord pour la note… C’est l’essentiel des questions que j’ai en cours, surtout en M1.
51Il s’en explique à partir de son indicateur qui est avant tout pédagogique :
Quand j’aborde les questions pédagogiques, de mise en œuvre des contenus, des programmes, cela les intéresse nettement moins…
52La relation qu’il tisse avec eux est à la fois surplombante et très professionnelle axée sur le pédagogique :
À chaque fois, d’un point de vue pédagogique, je fais comme si l’étudiant était un élève.
53Plus loin, il poursuit :
Même si ces questions sont secondaires pour eux, j’essaie de faire en sorte qu’ils aient vécu les situations en espérant qu’ils s’en souviendront.
54Il est dans la position de celui qui sait, qui possède un savoir d’expérience qu’il veut transmettre :
Je ne vais pas leur demander d’inventer un savoir alors que moi, il m’a fallu des années pour le construire, donc je leur donne.
55Son expérience d’enseignant lui permet de transmettre son savoir d’expérience, essentiellement pédagogique, fait de petits trucs ou de règles comme il dit :
Je leur donne des trucs du métier, par exemple faire asseoir les élèves, les regrouper près de soi…
56Pour Aurélien, le rapport à l’étudiant est donc très marqué par la conception de son métier de formateur :
Jai été recruté comme formateur parce que j’avais une certaine expérience, un véritable savoir professionnel. Pour moi, être formateur, c’est d’abord ça : transmettre son savoir professionnel, ce savoir qui ne s’apprend pas dans les livres mais dans le métier.
57Son « déjà-là conceptuel » influence donc particulièrement sa relation avec les étudiants.
Anabelle, vers une relation plus égalitaire
58Cette formatrice fait d’emblée la différence entre les cours et un nouveau dispositif mis en place à l’IUFM avec la mastérisation : les groupes de référence. Comme elle l’évoque, la relation est différente :
J’aime bien les groupes de référence car on peut discuter comme avec des collègues.
59À la différence d’Aurélien, elle considère les étudiants comme de futurs collègues dans ces regroupements particuliers :
En petit groupe, avec quatre étudiants, on peut parler librement ; ils me confient leurs doutes, leurs difficultés… chose qu’ils ne feraient certainement pas devant un grand groupe.
60Plus loin, elle nous confie également qu’elle perçoit une différence entre les deux catégories d’étudiants qu’elle côtoie :
J’ai plus de relation avec les futurs profs d’EPS, ils sont plus détendus, plus cools que les futurs profs des écoles ; plus cools mais aussi plus directs car si ton cours est mauvais ils te le disent de suite…
61Pour elle, ce qui compte aussi, c’est le dynamisme des étudiants :
Les étudiants de STAPS sont plus vifs, ils répondent rapidement, cela crée une véritable interaction avec les étudiants, j’aime cela, leur dynamisme !!!
62Sa conception du métier de formateur est assez partagée entre donner et faire trouver les savoirs à acquérir :
Sur certains points, quels que soient les étudiants, le formateur doit pouvoir apporter des choses, aussi bien sur les descriptions d’activité des élèves que sur les manières de réguler par exemple, car là, ils ne voient pas […]. Mais à d’autres moments, quand je sens que c’est important, je les laisse chercher ; ils me font des propositions que je soumets au débat du groupe… on travaille alors ensemble pour résoudre un problème pédagogique ou didactique.
Ludovic, penser à l’autre, donner la parole à l’autre
63Une autre position est présentée par Ludovic :
J’ai toujours donné beaucoup de place à la parole des jeunes, à ceux qui pratiquaient, tout comme je donnais en formation continue beaucoup de place à la parole des praticiens, car c’était eux qui détenaient le savoir d’expérience.
64Un peu à l’image d’Anabelle, il essaie de mobiliser les étudiants dans ses cours :
Je leur demande d’être davantage acteur de leur formation, c’est-à-dire de réfléchir à leur engagement en cours ; au lieu de recevoir des contenus et de se contenter d’être un étudiant passif, je leur demande une part d’action et de réflexion beaucoup plus importante en leur permettant de construire leur savoir ; la mastérisation n’a rien changé.
65La relation à l’autre est une préoccupation pour Ludovic qui dépasse le cadre de la formation professionnelle :
Il est important de se préoccuper de l’autre et ce changement de préoccupation doit être mis pour moi au cœur du processus de professionnalisation : réflexion sur les contenus, réflexion sur la manière dont on transmet les contenus et enfin, réflexion sur la posture que j’ai vis-à-vis des autres.
66Il se positionne clairement sur un versant éducatif :
Dans notre métier de formateur comme dans celui de professeur, à côté des savoirs, il y a aussi les personnes et les relations que l’on peut entretenir avec elles…
67Il poursuit :
Être formateur, c’est comme être professeur, il faut prendre en compte l’autre, il faut même aller plus loin, il faut avoir le souci de l’autre… c’est important, c’est comme dans la vie !
68On voit donc que le rapport à l’étudiant du formateur dépend de ses conceptions de son rôle de formateur, composées de croyances et de représentations sur le métier. Nos trois sujets n’ont pas les mêmes conceptions. Ainsi Ludovic est convaincu qu’il faut laisser plus de libertés aux étudiants alors qu’Anabelle est plutôt sur un mode très égalitaire. Aurélien se situe sur un autre registre relationnel : il est là pour transmettre son savoir. La nature des dispositifs change aussi la relation aux étudiants pour les trois formateurs, à l’image des groupes de références ou groupe de supervision tels qu’ils sont présentés par Anabelle.
3.3. Un rapport à la formation
69Ce rapport à la formation apparaît dans les propos que tiennent les trois formateurs sur la formation dispensée en IUFM ; il croise certaines remarques déjà faites dans le rapport à l’institution, mais il se spécifie sur plusieurs registres : formation théorique, formation professionnelle et formation transversale qui propose des modules généraux aux étudiants comme la connaissance du système éducatif ou le développement de l’enfant.
Aurélien, vers la formation du professionnel
70Comme il le rappelle à plusieurs reprises, Aurélien a fait le choix d’orienter son travail surtout en direction du professionnel, du développement des compétences pour enseigner :
Je suis de plus en plus orienté sur le côté pédagogique. Je suis davantage orienté vers un enseignement de type professionnel,
71ce qui ne l’empêche pas de préparer les étudiants au concours, mais pour lui, c’est un peu secondaire :
À chaque fois j’essaie donc de lier ces trois aspects : l’institutionnel, l’activité physique, et le public… le tout bien sûr pour développer des compétences spécifiques chez les enseignants en priorité. Le concours il se travaille dans un second temps…
72Pourtant, Aurélien réalise au cours de l’entretien qu’il essaie à la fois de développer des compétences et d’apporter des contenus :
Ce que je mets en priorité, c’est d’abord la posture de l’enseignant, celle qu’il doit adopter face à une classe donnée, et face à une activité qui est bien précise. Je parle là d’activité physique. Quelle compétence doit avoir l’enseignant d’une manière générale ? Et quel contenu doit apporter l’enseignant face à une discipline spécifique ? En fait, je fais les deux.
73Ce travail sur la posture recouvre deux dimensions à la fois physique (la position) et sociale (la relation à l’autre) ; elle indique la relation que le professeur doit avoir avec les élèves.
74Les priorités d’Aurélien ne sont pas faciles à établir, symptôme de sa division profonde entre enseignement de connaissance et développement de compétences. Plus loin, à la question : « quels sont selon toi les objectifs qui sont prioritaires en matière de professionnalisation ? », il répond immédiatement :
La connaissance de ce que l’on doit enseigner est pour moi déjà prioritaire, on ne peut pas enseigner quelque chose si je ne connais pas la matière ; une autre condition concerne la mise en œuvre de ce qu’on doit enseigner, c’est le comment on peut enseigner. C’est connaître certaines règles, certains principes pour enseigner c’est pour cela que dans mes cours, j’essaie de montrer la différence entre le côté didactique, le QUOI, et le côté pédagogique plutôt axé sur le COMMENT il faut faire.
75Son rapport à la formation n’est pas toujours facile à expliciter car les priorités changent au fil de ses réponses.
Anabelle, la formation disciplinaire avant tout en EPS
76Cette formatrice place son discours sur la formation au niveau de la complémentarité des formations disciplinaires et transversales :
Je reconnais que les deux formations sont différentes et complémentaires pour les futurs enseignants,
77mais elle fait la différence entre les étudiants en EPS et les autres :
Par contre, en EPS, nos étudiants ont déjà vu la plupart des contenus transversaux durant leurs études en licence ; c’est comme pour les stages, ils ont déjà découvert les établissements ; donc, inutile de leur faire refaire la même chose…
78Elle enchaîne en affirmant :
Il faudrait une formation très spécifique pour les étudiants en STAPS.
Ludovic, développer la réflexivité
79Pour lui, la formation doit d’abord s’ancrer sur le réel, c’est-à-dire sur l’activité en classe car
c’est cela que les étudiants attendent fortement.
80Pour réussir à rencontrer les attentes des étudiants,
il est nécessaire de travailler sur l’homologie entre la situation de formation, et la situation d’enseignement,
81car
il y a beaucoup de classes de situations professionnelles relativement identiques,
82comme il le rappelle plus loin dans cet entretien :
La prise main des élèves ou des étudiants, la passation des consignes avec les élèves et les étudiants, la gestion de certains incidents critiques à l’IUFM ou avec des classes, comment fait-on ? Les mêmes gestes professionnels mais réalisés dans des contextes différents.
83Mais pour lui, la formation, si elle veut être réellement professionnelle, doit absolument
favoriser la dimension réflexive de sa propre activité comme dans les dispositifs : Analyse de pratique, groupe référence et mémoire professionnel.
84Cette compétence est fondamentale pour le jeune enseignant :
L’objectif principal pour moi concerne l’analyse de sa propre pratique professionnelle. Alors pour atteindre cet objectif prioritaire, il me semble que tout ce que l’on met en place à l’IUFM converge pour développer cette compétence principale : dès la formation en M1, les étudiants apprennent à réfléchir sur leur pratique dans les premiers stages et ils commencent à construire une réflexion autour du contexte de l’établissement en lien avec leurs pratiques, bien sûr, une réflexion et une analyse de leur activité d’enseignant, ainsi qu’une analyse de l’activité des élèves. Tout cela se construit sur le cursus entre M1 et M2, et cela se prolonge bien sûr par la suite.
85Il livre un exemple avec la direction des mémoires professionnels :
Même si le cahier des charges du mémoire change, je dirige toujours le mémoire comme avant, car l’objectif fondamental n’a pas changé lui : il faut analyser sa pratique.
86À partir de ces extraits, on s’aperçoit que le rapport à la formation ne renvoie pas forcément aux mêmes choses chez chacun des formateurs en EPS.
3.4. Un rapport aux savoirs
87Le rapport aux savoirs s’exprime dans la relation intime que le sujet entretient avec les contenus mêmes de la formation. Il s’exprime aussi bien dans le désir de savoir (Beillerot, 1996) que dans le rapport personnel du sujet face aux savoirs (Chevallard, 1989).
Aurélien, enseigner des règles
88Pour lui, il y a des savoirs particuliers à enseigner, ce sont des règles que l’on pourrait qualifier de principes d’actions qui sont à la fois pédagogiques (comment obtenir l’attention des élèves ?) ou plus didactiques qui concernent des savoirs propres aux activités physiques :
Ce que je dois enseigner doit correspondre à ce que l’étudiant, le futur enseignant devra enseigner ; en ce sens, il y a selon un certain nombre de règles à faire acquérir aux futurs étudiants, donc moi quand je prépare mes contenus, je dois en tenir compte ; je pense plus précisément à un retour au texte institutionnel, une bonne connaissance de l’activité support, et une bonne connaissance du public concerné.
89Il revient à de nombreuses reprises sur cette notion de règles lorsqu’il évoque l’enseignant qu’il aimerait former :
Un enseignant convaincu qu’il y a des règles à mettre en place quelles que soient les situations, et qu’il y a d’autres règles que l’on peut modifier en fonction d’un contexte.
90La règle constitue donc pour lui un savoir de base, comme il le dit, car c’est à partir de ces règles qu’il s’est construit un sentiment d’efficacité :
Avec des règles, tu deviens efficace !!!
Anabelle, savoir pour être compétent
91Pour cette formatrice qui a passé un master en 2010, les savoirs qu’elle mobilise ont une autre fonction. Encore jeune dans le métier, elle a besoin de montrer aux étudiants qu’elle sait des choses :
Le métier de formateur n’est pas simple, surtout au début. Je voulais montrer aux étudiants que je savais des choses, grâce à mon expérience de prof, mais j’ai dépassé cela avec les cours que j’ai eus en master. J’ai eu accès à de nouvelles références, surtout à des auteurs que je ne connaissais pas car je n’avais pas suffisamment de temps pour lire. J’ai lu des articles super intéressants, je m’en sers beaucoup en formation. Je peux mieux guider les étudiants par rapport au concours EPS, mais cela me permet aussi de leur montrer que je connais des choses.
92Deux registres de savoirs sont ainsi mobilisés dans son discours : des savoirs d’expérience qui servent de première référence, et des savoirs scientifiques qui lui permettent de montrer qu’elle est compétente, qu’elle est vraiment le sujet supposé savoir.
Ludovic, un désir de savoir
93Pour Ludovic,
en formation, l’étudiant doit enrichir ses connaissances de toutes les matières qu’il va enseigner, cela me semble absolument fondamental, mais il doit aussi et surtout acquérir des connaissances pour enseigner cette matière : des savoirs pour enseigner.
94Dans l’entretien, il livre des éléments très singuliers de son rapport au savoir suite à son cursus en thèse :
Comme beaucoup, je pense que l’aventure de la thèse nous transforme. Pour moi, cela a été fantastique, je me suis penché sur de nombreux ouvrages, je suis remonté aux auteurs de référence, j’ai beaucoup appris en approfondissant les concepts […].
95Il poursuit en décrivant cette relation particulière aux savoirs :
J’ai la chance de pouvoir enseigner ces différents savoirs dans mon métier de formateur, contrairement à certains collègues qui ont passé l’agrégation et qui se retrouvent remplis d’un savoir qu’ils ne peuvent pas forcément communiquer à d’autres.
96Cette expérience du parcours en thèse le conduit à continuer à rechercher d’autres savoirs :
Aujourd’hui, je pourrais m’arrêter de lire, j’en sais largement assez pour faire des cours pendant vingt ans, mais je continue à me documenter, à aller lire plein de chose, j’adore découvrir et me cultiver pour le métier ou simplement pour le plaisir.
97C’est Ludovic qui décrit avec le plus de précisions cette relation intime qu’il entretient avec les savoirs théoriques. On voit combien son parcours en recherche a fait évoluer son désir de savoir. Mais la direction de mémoire l’enrichit aussi, elle rencontre son désir de savoir (Beillerot et al., 1996) :
Dans les mémoires, ce qui m’intéresse, c’est d’aider les étudiants à avancer dans la construction mais moi, cela me nourrit aussi, j’apprends plein de choses.
3.5. Un rapport à l’expérience antérieure
98Dans les extraits présentés précédemment pour illustrer d’autres rapports, on voit parfois apparaître la référence à l’expérience antérieure, à ce que nous appelons « le déjà-là expérientiel ». Ce déjà-là est essentiellement de nature professionnelle et trouve son origine dans les premières expériences d’enseignement ou bien dans ce que le formateur faisait avant la mastérisation.
Aurélien, des règles pédagogiques issues de son expérience
99Aurélien explique comment il s’y prend pour enseigner les règles :
J’apporte les règles nécessaires à la pédagogie ; que je fais toujours en même temps le quoi et le comment ; et surtout, je montre ; au bout d’un moment à force de montrer, je vois à travers les réponses des étudiants que cela commence à être compris, je les laisse alors mettre en place des situations donc à chaque fois, d’un point de vue pédagogique, je fais comme si l’étudiant était un élève et je prends le groupe comme un groupe d’élèves, et globalement je suis toujours à peu près avec les mêmes schémas : comment rassembler les élèves ? Quel contenu au niveau des regroupements ? Qu’est-ce qu’on peut leur dire ? Comment mettre les élèves en activité et en sécurité ?
100Nous le questionnons pour savoir d’où il tient ses règles :
Je les ai construites grâce à mon expérience de professeur… mais cela a commencé dans mes premiers stages. J’ai eu un conseiller pédagogique qui me parlait de règles plus pédagogiques : comment tenir la classe ? Où se placer pour observer les élèves ? Comment faire installer ou ranger rapidement le matériel ? Ces grandes règles, je les ai fait fonctionner, je les ai améliorées au fil des années… et je les transmets aux étudiants.
101Aurélien essaie donc d’enseigner ses règles issues de son expérience ; il transmet son savoir d’expérience, ce que nous appelons la conversion didactique en didactique clinique (Buznic-Bourgeacq, Terrisse & Margnes, 2010).
Anabelle, de nouvelles compétences construites par l’expérience
102Son expérience de formatrice lui permet de prendre une certaine distance avec ses émotions, surtout lors des visites d’étudiants en stage :
Je vis les choses nettement moins affectivement qu’auparavant ; maintenant, j’arrive à mettre de la distance avec leurs réussites ou leurs échecs au cours des entretiens.
103Elle relève une évolution dans les entretiens qu’elle conduit aujourd’hui :
Au début, j’avais beaucoup de mal, car je ne savais pas comment les aiguiller, je ne savais pas comment les orienter dans l’entretien, on ne devient pas formateur comme ça, cela s’apprend. Aujourd’hui, c’est plus clair, j’ai compris les attentes pour les concours.
104Son déjà-là expérientiel contribue à clarifier ses interventions auprès des étudiants.
Ludovic, de petites adaptations suite à la mastérisation
105Ce formateur qui enseigne depuis 1998 à l’IUFM s’appuie sur ses expériences de formateur :
J’avais des routines qui fonctionnaient bien avec les stagiaires, je les ai gardées pour travailler avec les étudiants.
106Il affirme :
Avec la mastérisation, l’étudiant n’a pas changé, c’est le contexte institutionnel qui lui a changé.
107Il reconnaît ses références :
J’essaie d’enseigner à la fois des savoirs très théoriques issus de références scientifiques et des savoirs qui aident le professeur à faire cours, ils proviennent des sciences de l’éducation ou bien de mes expériences d’enseignement…
108Là encore, Ludovic convoque son expérience professionnelle de formateur comme référence à côté des savoirs théoriques qu’il transmet aux étudiants.
109Si des éléments de notre cadre didactique et clinique ont déjà été mobilisés dans l’analyse des différents rapports à…, comme la division du sujet et son assujettissement à certaines situations, c’est avec ce dernier analyseur que notre cadre clinique prend tout son sens en référence aux « déjà-là » des sujets formateurs, notamment à leur rapport à l’expérience professionnelle antérieure à la mastérisation.
4. Discussion : la mastérisation revisitée par l’expérience antérieure (le déjà-là)
110Au cours de la discussion, nous aimerions revenir sur les concepts majeurs utilisés en didactique clinique qui nous permettent de comprendre la situation dans laquelle se trouvent les formateurs EPS face à la mastérisation. À côté de nos quatre analyseurs issus du rapport au savoir, nous avons mobilisé trois grands postulats de la didactique clinique pour rendre compte des évolutions liées à la mastérisation en questionnant le point de vue des trois formateurs en EPS.
111La singularité des sujets est caractérisée par leurs parcours très différents. Ainsi Aurélien a commencé par enseigner en collège « difficile » de banlieue,
ce qui m’a permis d’être confronté à une situation assez difficile, et d’asseoir pas mal de règles pédagogiques.
112Ses débuts professionnels se concrétisent par la structuration des règles qui lui permettent de faire cours. On voit ainsi l’origine des règles qu’Aurélien veut transmettre à ses étudiants et l’on comprend mieux pourquoi il insiste tant sur ces règles :
Je me suis aperçu que pour ma santé, enseigner dans des conditions difficiles, c’était trop dur.
113Autre élément important qu’il mentionne dans l’entretien, c’est le fait de devenir formateur de terrain (conseiller pédagogique) qui l’amène à clarifier ses procédures pédagogiques :
Parallèlement mes cours en collège difficile, j’ai reçu de nombreux stagiaires qui m’ont permis de parler de ma pratique, et d’arriver à généraliser un certain nombre de règles liées à l’enseignement.
114Ensuite, il choisit d’enseigner à l’université en expliquant son choix :
En comparant les deux systèmes, celui du secondaire et celui de l’université, je me suis aperçu que l’enseignement en IUFM était plus confortable, c’est ce qui m’a amené à postuler pour l’enseignement universitaire. Mais il y avait aussi l’idée de faire autre chose car je ne me voyais pas rester en collège jusqu’à ma retraite ; c’était une porte ouverte à un enseignement varié face à un public d’adultes.
115Le parcours d’Anabelle est tout aussi singulier puisqu’elle a enseigné d’abord en collège avant de rentrer dans un établissement qui recevait des élèves avec des handicaps multiples. Elle aussi a envie de changer de métier après quelques années pour des raisons similaires à Aurélien :
L’enseignement était très difficile avec les élèves handicapés ; je m’épuisais, et en plus, j’avais l’impression de ne pas faire de l’EPS. Donc quand j’ai vu passer le poste pour l’IUFM, j’ai décidé de postuler… et je ne regrette pas !
116Si Anabelle et Aurélien ont changé de métier en passant à l’université, Ludovic a enseigné dans divers établissements lui aussi, mais il a assumé des fonctions de formateur en IUFM à temps partagé pendant près de dix ans avant d’être recruté comme formateur universitaire :
J’ai beaucoup apprécié la période où j’étais à la fois enseignant devant les élèves et formateur des professeurs deux jours par semaine. Ce contact avec les élèves me manque aujourd’hui… Je ne sais même plus si je sais encore enseigner à des élèves ?
117Ce passage à l’université suscite donc des interrogations chez Ludovic même s’il reconnaît qu’il se sent bien à sa place :
Très tôt, dès ma deuxième année de professeur, j’ai fait de la formation continue auprès de mes collègues. J’ai toujours adoré transmettre aux autres, communiquer, échanger avec mes collègues. Je suis à la bonne place aujourd’hui même si la préparation au concours est une lourde responsabilité.
118Donc, des itinéraires professionnels et des mobiles très différents chez nos trois formateurs, qui expliquent le passage à l’enseignement universitaire. Au-delà de ces singularités, on retrouve des sujets divisés, écartelés entre des injonctions institutionnelles souvent contradictoires. Ainsi, Aurélien est écartelé entre la préparation à l’examen et le souci de professionnaliser :
J’essaye de jongler entre les objectifs institutionnels et les attentes des étudiants qui sont parfois différentes,
119tandis que Ludovic se sent tiraillé entre la préparation au concours et le développement des compétences :
J’aimerais bien aller plus loin sur les compétences mais il y a les épreuves du concours.
120Quant à Anabelle, il lui faudrait plus de temps pour assumer sa mission :
Je n’ai pas le temps de tout faire… il leur faut du temps pour comprendre des choses simples sur le métier.
121Ces divisions qui tirent leur origine dans l’expérience des sujets, prennent toutes pour objet le développement de la professionnalité des étudiants qui vient s’opposer à des contraintes d’examen de master ou de concours, ou encore qui a du mal à s’opérationnaliser faute d’un temps suffisant long comme le rappelle Anabelle.
122Dans le rapport à l’institution, nous avons vu ce qu’il en était de l’assujettissement des sujets qui sont contraints d’appliquer des plans de formation ou des maquettes de formation parfois contraires à leurs désirs.
123Dans l’analyse des différents rapports à… de nos formateurs, nous avons souligné l’importance de deux indicateurs en didactique clinique qui permettent de « préciser davantage la part de l’enseignant dans la conduite de la classe » (Carnus & Terrisse, 2013, p. 8) avec « la conversion didactique » (Buznic-Bourgeacq et al., 2010) et le « sujet supposé savoir ». Les trois formateurs avec lesquels nous nous sommes entretenus évoquent tous leur expérience professionnelle comme référence à leur enseignement ; une part importante des choix et des contenus didactiques dispensés dans les formations en EPS trouvent donc leur origine dans le « déjà-là expérientiel » des formateurs. De même, nous avons vu que la position de formateur n’était pas facile à tenir face aux étudiants ; le formateur doit montrer qu’il sait, qu’il connaît le métier au-delà des savoirs théoriques qu’il peut mobiliser : il doit faire la preuve qu’il est le sujet supposé savoir. Enfin, à partir des discours de ces trois formateurs en EPS, il nous semble important de poser la question de la référence en formation : qu’est-ce qui sert de référence à chacun des formateurs ? Celle-ci peut aussi bien s’appliquer au niveau institutionnel avec les différentes propositions de référentiels de compétences qui peuvent servir de référence aux formateurs, mais il ne faudrait pas oublier le niveau micro, plus personnel, qui trouve son origine dans les expériences et les conceptions des sujets. Les réponses fournies par les formateurs à la question posée lors de l’entretien : « quel enseignant aimerais-tu former ? » montrent combien les références sont multiples et fort différentes. Entre l’enseignant qui
doit appliquer des règles et qui doit s’adapter
124proposé par Aurélien, et celui qui doit
maîtriser les connaissances disciplinaires […], enseigner dans une ambiance propice à l’apprentissage […] et savoir analyser sa pratique
125pour Ludovic, il y a des écarts importants qui relèvent d’idéaux comme le souligne Ludovic lorsqu’il dit :
Le but du processus de professionnalisation, c’est de se rapprocher de cet idéal d’enseignant mais qui ne sera peut-être jamais atteint.
5. Conclusion
126Le discours des formateurs EPS confrontés à la mastérisation montre que chacun se débrouille comme il peut pour faire face à ces nouvelles injonctions en mobilisant bien souvent des savoirs d’expérience issus de son « déjà-là » qui façonne des conceptions différentes de ce que doit être la professionnalisation. Comme nous avons pu le mettre en évidence à partir des quatre rapports à…, leur déjà-là détermine fortement les choix et les actions de ces trois formateurs en EPS. On observe également la part d’insu dans les pratiques de formation avec des prises de conscience qui se font pendant les entretiens, aussi bien chez Aurélien que chez Anabelle qui nous dit après relecture de la retranscription de son entretien :
Je ne pensais pas que mon expérience me guidait autant…
127Certains changements dus à la mastérisation sont bien identifiés par les collègues qui sont dès lors obligés de modifier leurs relations aux étudiants ou de s’adapter à de nouveaux dispositifs comme les groupes de référence dans lesquels ils trouvent une grande liberté. Ils soulignent aussi des changements dans les niveaux d’exigence sur le terrain. Face à ces nombreux bouleversements, les formateurs s’accrochent à des compétences qu’ils peuvent continuer à mobiliser notamment dans les visites des stagiaires.
128Au travers de l’expression des différents rapports à…, c’est l’identité des formateurs IUFM qui se trouve remise en cause ; ils se sentent écartelés à l’université entre les professionnels de terrain et les chercheurs. Une place difficile à trouver de passeur de savoirs comme le dit Ludovic :
C’est à nous de trouver une nouvelle place, celle de passeurs de savoirs, celui qui fait circuler les savoirs du terrain vers la recherche et inversement avec les savoirs théoriques qui viennent éclairer les pratiques.
129Quoi qu’il en soit, chacun s’accroche à un modèle, à une référence, à un enseignant idéal qui relève souvent du fantasme, c’est-à-dire à ce qui soutient le désir à travers la production d’un résultat : l’image d’un professeur idéal.
130La mise en place des ESPE3 modifiera-t-elle les pratiques de formation ? Nous en doutons quand on voit le poids de l’expérience professionnelle sur les pratiques de formation.
Qu’apprennent les formateurs en situation de travail ? Où, quoi, quand, comment, à quelle condition ?
Pour répondre à cette question, il faut distinguer plusieurs situations de travail. Le travail du formateur varie comme nous avons pu le voir dans les extraits des discours de nos trois formateurs, selon qu’il se trouve à enseigner des connaissances théoriques sur les activités physiques et sur les règles pédagogiques ou bien à échanger avec les étudiants dans les groupes de supervision.
Les formateurs apprennent surtout à s’adapter à leur public, à leurs étudiants et par là, à adapter leurs contenus aux besoins et attentes des étudiants : à les rendre transmissibles et à se faire comprendre des étudiants. On voit par exemple qu’Aurélien donne des détails précis à ses étudiants comme s’il était face à un groupe d’élève. Ludovic préfère les solliciter, les faire réfléchir… il a appris à les mobiliser pour que les savoirs enseignés aient un sens pour les étudiants.
Certains comme Ludovic ont appris à se mettre en retrait pour faire travailler davantage les étudiants : une forme de dévolution du travail dirait Guy Brousseau (didacticien des mathématiques). D’autres comme Anabelle ont appris à les écouter pour mieux les comprendre aussi bien en cours que dans les entretiens de visites.
Beaucoup ont appris également à utiliser des images, des métaphores ou des anecdotes pour se faire comprendre comme Ludovic : « je raconte souvent des anecdotes car je sais que cela fixe le discours, les étudiants retiennent mieux ».
Les formateurs apprennent aussi à mobiliser des savoirs théoriques plus ou moins variés pour justifier les contenus qu’ils doivent faire intégrer aux étudiants ou aux futurs professionnels. C’est peut-être la grande différence entre un formateur universitaire et un formateur de terrain. Nous avons vu avec Aurélien à quel point ce travail de formateur de terrain avec des stagiaires lui a permis de prendre conscience des règles pédagogiques qu’il utilisait. Le fait de devoir les transmettre l’a obligé à les formaliser. Si tous les deux sont capables de formaliser (au sens de mettre en forme, de décrire et de justifier) leurs expériences professionnelles, il y a un grand pas à faire pour arriver à théoriser son enseignement, c’est-à-dire à l’expliquer en mobilisant des références théoriques.
Mais je crois que ce qu’ils ont le plus appris en situation de travail, c’est à faire référence à leurs expériences professionnelles antérieures à leur entrée à l’IUFM ainsi qu’à leurs connaissances car comme tout enseignant, étant placés en position de « sujet supposé savoir », ils doivent faire la preuve de leurs compétences professionnelles face à de futurs professionnels.
Quels bénéfices en tirent-ils ? Pour eux-mêmes ou pour leurs étudiants ?
Il me semble que les bénéfices qu’ils peuvent en retirer sont essentiellement de l’ordre de l’efficacité vis-à-vis des apprentissages des étudiants. D’où deux axes au niveau des bénéfices : ceux qui sont en direction des étudiants qui apprennent plus ou mieux en formation, et ceux qui sont en direction du formateur qui développe un sentiment de compétence supérieur.
Ces bénéfices peuvent ainsi se traduire de diverses manières. D’abord en termes de reconnaissance vis-à-vis des étudiants : ils reconnaissent que je réussis à leur enseigner des savoirs théoriques ou pratiques, donc ils me reconnaissent les compétences ce qu’on appelle l’autorité de compétences différentes de l’autorité statutaire. Ensuite, bénéfice en termes de plaisir : plaisir d’enseigner et de former, et surtout plaisir de voir les étudiants en réussite, en apprentissage. Là, on se rapproche d’une certaine forme de « jouissance » dirait Freud à l’interface entre le conscient et l’inconscient. Pour arriver enfin au bénéfice « suprême », à celui qui chemine dans l’inconscient des enseignants, à ce que m’avait un jour livré un enseignant de judo avec lequel je m’entretenais pour une recherche (Loizon, 2004) : le désir d’être aimé.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Le rapport au soi professionnel étant plus compliqué à utiliser dans ce contexte, nous avons préféré l’écarter.
2 Dans les questions posées, nous avons tutoyé les collègues car nous les connaissons depuis longtemps.
3 ESPE : École supérieure du professorat et de l’éducation mise en place à la rentrée 2013 pour remplacer les IUFM.
Auteur
Maître de conférence en STAPS ESPE, Université de Bourgogne, France IREDU (EA 7318)
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