Terreurs de quartiers
Jeunesse et violences à Marseille (1850-1914)
p. 143-159
Texte intégral
1Le 19 octobre 1882, Jean Giustiniani, cordonnier de Menpenti, un quartier populaire du sud de Marseille, s’épanche dans le bureau du juge d’instruction : « Ce Blanc avec quatre ou cinq autres de ses camarades et son frère, sont l’effroi et la plaie du quartier, ils vexent et molestent tout le monde et il serait trop long de vous raconter leurs vexations, tout le quartier est irrité contre eux »1. Plusieurs autres témoins déversent lors de l’enquête le même flot de récriminations contre ceux qu’ils qualifient de « terreurs ».
2C’est sur cette jeunesse turbulente que nous nous proposons de porter la lumière dans cette contribution. Qui sont ces jeunes gens ? Quand sont-ils les plus actifs à Marseille ? Quelle est l’influence des discours dominants et sécuritaires sur leur surveillance et leur répression par la police et la justice ? Quelle est la dimension locale ou singulière de leurs comportements ? Comment expliquer ces derniers ? Telles sont les questions auxquelles nous entendons apporter quelques réponses en mêlant une approche sociale et culturelle des phénomènes de violences juvéniles.
1. Un phénomène fin de siècle ?
3Grâce aux registres de jugements et d’arrêts des tribunaux correctionnels et des cours d’assises, il est possible de mesurer l’évolution du rôle de la jeunesse dans la délinquance et la criminalité jugées à Marseille2. La figure 1 a été réalisée à partir d’un sondage pour les deux cours de justice. Elle met en évidence la proportion d’individus jeunes – les moins de 16 ans et les 16-20 ans – parmi les individus jugés pour des crimes ou des délits violents commis à Marseille3.
4La proportion des moins de 16 ans reste insignifiante tout au long de la période. Il n’y a pas lieu de s’en étonner : si, d’après le Code pénal de 1810, tout mineur peut en théorie être poursuivi en justice, il bénéficie, au titre des articles 66 à 68, d’un traitement particulier. En pratique, les poursuites contre les moins de 16 ans sont rares, et aboutissent fréquemment à des acquittements4. Il est donc plus relevant d’observer la fluctuation de la part des 16-20 ans. À deux reprises dans le demi-siècle considéré, leur proportion s’élève significativement : en 1886 tout d’abord (21,8 % du total) puis au cours des trois derniers sondages, de 1901 à 19115.
5L’interprétation de ces deux « moments critiques » nécessite la poursuite de l’investigation, en particulier l’apport d’un certain nombre de données sociologiques.
6Pour la fin de la période, où se concentre manifestement l’essentiel des affaires de violences juvéniles, nous avons réuni les cinq professions les mieux représentées, sondage par sondage. Afin de préserver une lisibilité à l’ensemble, sont indiquées en gris les professions ne faisant pas partie du quinté de tête de l’année mais y étant représentées dans un autre sondage. Les résultats regroupent les individus des deux sexes.
7L’analyse de telles données ne peut se faire qu’avec la plus grande circonspection : les professions mentionnées ici sont celles que les inculpés ont déclarées lors de la procédure judiciaire. À bien des titres, elles sont sujettes à caution : la mobilité professionnelle est une des caractéristiques principales de la jeunesse – a fortiori dans les milieux populaires –, les individus oisifs ou vivant d’expédients, voire d’activités illicites, auront tendance à le dissimuler à la justice, enfin, l’écart entre les professions déclarées et réellement exercées est bien connu en sciences sociales6. En outre, on remarquera le très fort éparpillement professionnel. Les « journaliers » –recouvrant une grande variété d’activités –, tenant la tête du classement lors de tous les sondages, sont loin de rassembler une majorité de l’échantillon, sauf en 1891. Ces précautions émises, il reste possible de tirer de cette figure quelques pistes d’interprétation.
8L’activité féminine est minoritaire, ce qui n’est pas surprenant au regard de la forte masculinité de la population délinquante. Elle se déploie essentiellement autour de deux pôles : la prostitution et le travail ouvrier. La prostitution semble tenir un rôle important dans les violences juvéniles marseillaises : lors des deux moments critiques repérés (particulièrement 1886 et 1901-1906) les filles soumises figurent parmi les cinq professions les plus représentées pour les moins de 21 ans jugés pour violences (entre 7 et 9 %). Les professions masculines peuvent être regroupées en quatre catégories : les ouvriers de l’industrie et du bâtiment, les ouvriers d’atelier, les professions du transport, et les gens de mer. Il faut y ajouter les individus qui se déclarent sans profession, particulièrement à la fin de la période7. S’offre à nos yeux un éventail des statuts sociaux les plus bas de la société marseillaise, hormis les ouvriers d’atelier qui font ici figures d’élite. Ajoutons que la ventilation de cet échantillon par lieu de naissance montre une domination des Français, et, parmi ceux-ci, des Marseillais. Si la violence juvénile existe dans la société marseillaise au cours des deux dernières décennies du xixe siècle, il s’agit bien d’un phénomène endogène et populaire, touchant des jeunes en grande majorité nés sur place, quelle que soit l’origine de leurs parents8.
9Le lien avec le contexte économique local doit être souligné. Si la Grande dépression se fait moins sentir à Marseille que dans la capitale, c’est au prix d’une forte pression exercée sur les salaires et le marché du travail par le patronat9. Les salaires nominaux, parmi les plus élevés de France à la fin de la Monarchie de juillet, stagnent à partir de la fin des années 1860. Dans le même temps, le coût de la vie ne cesse d’augmenter, et, à partir du milieu des années 1880, le chômage devient une réalité oppressante, produisant une régression des salaires réels durement ressentie dans le monde ouvrier10. En outre, alors que la reprise donne de l’air à l’économie française à partir du tournant du siècle, la Belle Époque porte bien mal son nom à Marseille. Ici, le redressement n’est que médiocre, l’économie locale s’enfonçant dans la crise, peinant à moderniser ses structures et à profiter de la conjoncture nationale. Ce contexte particulier, qui voit la crise se prolonger, joue assurément un rôle dans les flambées de violences juvéniles observées dans les années 1880 puis au début du xxe siècle. Les historiens de la violence ne soulignent-ils pas que « les frustrations engendrées par la perception d’un avenir obscur constituent la source [de la violence], spécialement s’agissant de la jeunesse »11 ? Ainsi, une bonne part des violences juvéniles jugées à Marseille à partir des années 1880 recouvre-t-elle des agressions liées à des vols, des luttes pour le contrôle des réseaux de prostitution ou des brutalités destructrices habituellement associées à une marginalité sociale ou économique.
10Pourtant, on ne peut attribuer en totalité ce phénomène à une augmentation réelle des pratiques violentes juvéniles : d’une part l’existence du chiffre noir est un élément incontournable, d’autre part il convient de tenir compte des effets structurants de discours focalisant sur la jeunesse les préoccupations d’une société aux angoisses sécuritaires grandissantes12.
11L’« invention » de la délinquance juvénile précède de quelques décennies notre période d’examen. Sous les monarchies constitutionnelles, se met en place ce thème récurrent, à partir d’ouvrages consacrés à la prison mais aussi d’enquêtes sur le paupérisme et sur la question sociale13. Par un phénomène de circulation des récits et des topoi, se constitue un « problème social » correspondant à une réelle angoisse sécuritaire. C’est dans la seconde moitié du xixe siècle, particulièrement dans ses deux dernières décennies, que ce thème prend toute son ampleur à la faveur du développement de la presse quotidienne, dont la croissance est alors éclatante. Dominique Kalifa pour les « apaches » et Ludivine Bantigny pour les « blousons noirs » ont mis en évidence la manière dont les journaux s’emparent, à la Belle Époque comme dans les années 1960, d’un ensemble de faits divers pour en faire des phénomènes de société14. Ces derniers contribuent en retour et de manière rémunératrice à nourrir la Une, dans la mesure où, créant une angoisse sociale à laquelle les autorités tentent de répondre, la surveillance des populations à risque s’accentue, ainsi que, mécaniquement, les poursuites en justice15. En outre, il a été démontré qu’émergent alors de véritables figures archétypales de la jeunesse délinquante urbaine, tel l’apache parisien au début du xxe siècle, dont les voyous de toute obédience copient bientôt les exploits16.
12Ni la population, ni la police, ni la jeunesse marseillaise ne sauraient échapper à cette tendance qui relève pour une bonne part de l’évolution culturelle globale de la société française dans les premières décennies de la Troisième république17. Il ne s’agit pas de douter de l’augmentation de ces violences mais de prendre en considération, outre des causes économiques et sociales, des aspects relevant de l’opinion publique, de l’activité policière et des phénomènes d’imitation du modèle parisien18. Ainsi, le personnage de l’apache fait son apparition dans la presse phocéenne du début du xxe siècle. En 1904, dans la « Chronique locale » en page deux du Petit Marseillais, on peut lire un entrefilet intitulé : « Un meurtre à la Place du Terras » et sous-titré : « Vengeance d’Apaches »19. Le journaliste définit ces derniers comme des « jeunes gens appartenant à [une] catégorie de personnes en « marge de la société » ». Plus loin, l’un d’eux est décrit comme « fort bien mis et bien connu dans le monde spécial qui fréquente les quartiers réservés ». On trouve ici un certain nombre de poncifs habituellement évoqués à propos des apaches20. La lecture des articles déplorant l’inefficacité de la police marseillaise et l’exhortant à la plus grande fermeté envers ces voyous d’un nouveau genre provoque vraisemblablement un engouement apeuré.
13Pour autant, si la tocade journalistique a suscité des attentes sécuritaires dans la population marseillaise et une attention des autorités, elle ne semble pas avoir marqué le langage de son empreinte. Bien qu’il soit présent dans la presse marseillaise, le terme « apache » n’est nullement envahissant. À la même période, il alterne même avec d’autres, tels que « malandrins », « malfaiteurs », « bandes » ou « nervis ». En outre, sa recherche dans les dossiers de procédure judiciaire s’avère infructueuse : il n’y est pas question d’« apaches »21 ! Cette semi-présence s’explique par le contexte local : bien avant le début du xxe siècle, des terreurs de quartier œuvrent à Marseille.
2. Avant les apaches
14En 1864, dans le cadre d’un procès pour outrage à agents et rébellion, des adolescents comparaissent devant le tribunal correctionnel. La lecture des diverses pièces de l’instruction met au jour le « bataillon », une pratique violente à laquelle se livrent les adolescents des quartiers centraux. Paul Seurat, 14 ans, l’explique au commissaire de police :
Jean Desbottes est le chef de la bande des enfants de la Major qui font le bataillon contre la bande des enfants de Saint-Laurent. […] Quand la bande des enfants de la Major attrape un enfant de la bande des enfants de Saint-Laurent, elle l’attache à un réverbère, après quoi elle lance sur lui des pierres et elle ne le dispense de recevoir des coups de pieds que s’il consent à manger des excréments22.
15On retrouve ici, dans un espace urbain et parmi des individus plus jeunes, des pratiques proches de celles qui ont été décrites pour les villages du Quercy quelques décennies auparavant23. L’affrontement avec la bande adverse permet de faire étalage de sa virilité et de se faire accepter du groupe, mais aussi de contribuer au renforcement de l’identité du quartier, élément spatial de référence pour les jeunes marseillais24.
16Une affaire jugée en 1890 atteste de la persistance de ces affrontements. Le 13 mars, dans les environs du Palais de la Bourse, Joseph Rosso est interpellé par plusieurs jeunes gens. « De quel quartier es-tu ? », lui lancent-ils. Il relate la suite de sa mésaventure au commissaire :
J’ai entendu crier « à bas ! », je me suis retourné et j’ai vu venir de mon côté un grand garçon de 14 ou 15 ans au devant duquel je suis allé pour lui demander si c’était avec moi qu’il voulait faire le bataillon à coups de pierres. Tout en me répondant affirmativement, il me lança un violent coup de poing dans l’estomac, et au moment où je prenais mes dispositions pour riposter, il me donna un coup de couteau ou de canif […]25.
17Rien n’indique dans ces dossiers de procédure que ce jeu inquiète les riverains ou la justice : dans les deux cas, la plainte n’est pas déposée en vue de le faire cesser mais parce que ses conséquences ont outrepassé l’exercice d’une violence ritualisée et contrôlée26. Le bataillon semble perçu par les Marseillais comme une pratique juvénile habituelle, bien que dangereuse. Les chroniqueurs du Petit Marseillais ne prennent d’ailleurs même pas la peine de le décrire ni de le condamner moralement. Ils en relatent les conséquences malheureuses sans s’en offusquer, dans un entrefilet intitulé « Coup de couteau » :
Avant-hier au soir, vers 7 heures et demi, le jeune Joseph Rosso, âgé de 15 ans, passait devant le café Glacier lorsqu’un jeune homme de son âge lui demanda s’il voulait faire le bataillon avec lui. Puis, sans attendre la réponse, il lui allongea un coup de poing à la poitrine et le frappa d’un coup de couteau au flanc gauche27.
18En 1904, un court article atteste de la transmission de ce « jeu » de génération en génération. Cette fois pourtant, l’influence des discours sécuritaires se fait sentir. On lit dans le Petit Provençal : « Il n’est de jour de fête que le quartier du Lazaret ne soit mis en émoi par des bandes de gamins qui terrorisent les habitants par le jeu du « bataillon ». […] Ce n’est plus avec des pierres, avant-hier soir, que les belligérants ont combattu, mais à coup de revolver »28. Le journaliste assimile un règlement de compte violent entre bandes rivales au jeu d’enfant qui prévalait quelques décennies plus tôt. L’appréhension vis-à-vis d’une certaine jeunesse a saisi entretemps une partie de la population.
19Elle est également manifeste envers une autre catégorie de jeunes gens turbulents faisant partie du paysage marseillais au xixe siècle : les nervis. Au début des années 1880, les frères Blanc et leurs acolytes terrorisent, comme on l’a vu plus haut, le quartier de Menpenti. Le plus agité d’entre eux, Pierre, 21 ans, est un multirécidiviste29. Comme ses frères Arsène et Émile, il se déclare maçon, mais l’enquête de police nous révèle sa véritable source de revenus : « il doit être l’auteur ou le complice des nombreux vols qui se commettent journellement dans le quartier ». Saisissant l’occasion de voir l’aîné des frères Blanc condamné, les habitants du quartier adressent au juge d’instruction une pétition signée de plus de 150 noms30. Résumant son contenu, le témoin Chardon déclare au commissaire de police : « Cet individu et son frère, qui dirigent une bande de nervis sont la terreur du quartier et leur présence est un danger continuel pour les honnêtes gens »31. À la même période, la presse déplore à plusieurs reprises les méfaits des nervis. Plusieurs entrefilets du Petit Marseillais arborent ces titres significatifs : « Encore les Nervis ! » (13 octobre 1883) ou « Toujours les Nervis ! » (31 octobre 1883).
20Au début du xxe siècle, le personnage du nervi se confond avec l’archétype de l’apache diffusé par la presse parisienne puis nationale. Dans les dossiers de procédure ainsi que dans les journaux, on retrouve le terme « nervi » pour désigner de jeunes ouvriers agissant dans des bandes criminelles et frayant avec le milieu. Significativement, en 1904 Le Petit Marseillais et Le Petit Provençal, à propos de la même affaire, utilisent un substantif différent. Dans le premier il est question de « vengeance d’apaches », dans le second on mentionne une « vengeance de nervis »32. Les bandes de jeunes sont donc redoutées à Marseille bien avant les apaches ; à tel point que les représentations nationales de la fin du siècle viennent se fondre dans un horizon de peurs déjà associées à un personnage archétypal sur le plan local.
21Laurence Montel a montré comment le nervi, ce personnage pittoresque appartenant au folklore marseillais, quittait à partir des années 1870 ses allures comiques et débonnaires pour endosser dans les années 1880 le costume du mauvais garçon, puis celui du souteneur à la Belle Époque33. Par ses vols audacieux et ses attaques nocturnes, il cristallise alors les angoisses de la population. Par la suite, au moment où la presse fait du phénomène apache un problème sécuritaire, les nervis acquièrent une visibilité sur le plan national puisqu’ils sont présentés comme les apaches marseillais. Cette évolution des discours trouve sa source dans une réalité qu’elle contribue en retour à modeler : l’examen des dossiers de procédures judiciaire montre qu’une large part des affaires voyant comparaître des moins de 21 ans au cours des années 1880 met en scène des nervis exerçant des activités de prédation violente, auxquelles s’ajoutent les liens avec l’économie de la prostitution et plus généralement avec la criminalité organisée dans les années 1900. Nous retrouvons ici les deux moments critiques mis en évidence statistiquement.
22Ajoutons en dernier lieu que la présence de nombreux Italiens à Marseille accentue certains phénomènes de déviances juvéniles et les angoisses qu’ils suscitent. À partir des années 1880 interviennent deux évolutions contextuelles importantes : d’une part, l’immigration italienne (jeune, masculine) vient de subir une très forte accélération et tend à s’imposer comme majoritaire dans l’ensemble du phénomène migratoire ; d’autre part, au mois de juin 1881, les Vêpres marseillaises marquent le début du thème de « l’immigration » en France, sujet indissociable de la criminalité dans une presse quotidienne en plein essor, dont Marseille devient alors le symbole34. Sur fond de crise économique, les tensions entre Marseillais et Italiens travaillent un monde ouvrier où l’embauche des moins qualifiés est fortement concurrentielle et dépend essentiellement de la force physique qui, outre le fait qu’elle est un argument économique, constitue aussi un élément fondateur de la virilité35. Dès lors, dans un environnement social hostile, se forment des bandes de jeunes italiens, qui, selon un processus similaire à celui qui touche les jeunes marseillais, parcourent l’espace urbain, se démarquent par des pratiques bruyantes (chant, musique), et par un comportement tapageur. La population redoute ces groupes juvéniles. Au cours des années 1880, des débitants de boissons portent plainte pour des violences corporelles et des dégâts matériels perpétrés par de jeunes italiens, souvent avinés, qui refusent de payer leurs consommations36. L’anticipation de la violence supposée des Italiens, de même que la volonté de solder les comptes des Vêpres marseillaises favorisent l’agressivité et les démonstrations de virilités de part et d’autre.
23On nous objectera avec raison que la population parisienne souffre, elle aussi, de violences juvéniles collectives avant l’apparition du personnage de l’apache. Il nous semble pourtant que la spécificité marseillaise subsiste : non seulement l’absence du terme apache dans les archives de la justice indique la préexistence et la prégnance du phénomène nervi, mais encore, l’intensité des affrontements juvéniles apparaît lié à Marseille aux spécificités de la démographie locale, en particulier à la coexistence avec les Italiens.
24Comme le souligne Gérard Mauger, nous sommes donc conduits à nous « interroger sur les rapports entre le phénomène représenté et ses représentations statistiques ou médiatiques »37. La jeunesse, la ville et la violence – a fortiori la conjonction des trois ! – incarnent à l’évidence des angoisses grandissantes, jouant sur la surveillance et les arrestations de jeunes au tournant des xixe et xxe siècles. Est-ce à dire qu’elles créent le phénomène de toutes pièces ?
25L’intense médiatisation des violences urbaines juvéniles repose certainement sur une réalité sociale en dépit des « exagérations et des travestissements » inhérents à l’industrie médiatique38. Dans le cas marseillais, on perçoit l’influence déterminante des représentations et des discours, que ce soit dans le glissement de l’image du nervi ou dans la reprise du phénomène apache, et les incidences qu’elles peuvent avoir sur les statistiques criminelles. Néanmoins, l’analyse des sources judiciaires replacées dans le contexte économique et social local met en lumière des phénomènes antérieurs à la phobie de l’apachisme, observés encore aujourd’hui par les sociologues dans l’analyse des violences juvéniles39 La profondeur et la durée de la crise économique – qui contribue à fragiliser les rapports familiaux et plus généralement les modèles de réussite sociale par le travail -, l’arrivée rapide d’une population étrangère, l’émergence de trafics divers, le regroupement dans certains quartiers de tous les indicateurs économiques les plus négatifs, contribuent vraisemblablement à partir des années 1880 à accroître les pratiques violentes de la jeunesse marseillaise40. Dans un contexte social et économique bouleversé, celles-ci répondent à des logiques dont il convient d’interroger la spécificité.
3. Logiques des pratiques violentes de la jeunesse marseillaise
26Il peut paraître curieux de parler de « logiques » de la violence quand tout un courant de la sociologie s’est attaché à en prouver l’aspect anomique41. Nos propres travaux sur Marseille nous ont pourtant convaincue du contraire42. En écho aux recherches de certains ethnologues, nous pencherions pour une interprétation alternative des violences juvéniles qui, sans nier leur caractère destructeur, les inscriraient dans une culture cohérente, possédant ses propres normes et valeurs43.
27Les violences collectives juvéniles telles quelles sont observables à Marseille dans la seconde moitié du xixe siècle nous paraissent répondre à une triple logique identitaire, relevant d’une culture fondée sur la notion d’honneur qui peut se définir, comme le fait Julian Pitt Rivers, comme « la valeur qu’une personne possède à ses propres yeux [et aussi] ce qu’elle vaut au regard de ceux qui constituent la société »44. L’importance de l’honneur est fonction de l’estime de soi, de l’amour propre lié à la réputation, mais ne peut pas se comprendre hors du regard des autres, c'est-à-dire du groupe, du reste de la société – régie par des normes contraires à celles des « terreurs de quartier » – et des représentants des institutions répressives, police et justice. L’attachement à la réputation et à l’honneur détermine dans la jeunesse turbulente de Marseille à la fin du xixe siècle un ensemble de comportements cohérents répondant à des codes précis. Ainsi, la valorisation du nom, du quartier, ou l’affrontement à l’ennemi sont-ils autant de facettes d’une construction, d’une préservation et d’une diffusion de l’honneur de l’individu et du groupe.
28Se « faire un nom », individuellement et collectivement, dans tous les sens du terme, est en effet une préoccupation fondamentale pour beaucoup de ces jeunes hommes. Dans l’affaire qui lie le quartier Menpenti contre les frères Blanc en 1882, l’importance du nom est manifeste. Tous les témoins reconnaissent et désignent expressément les frères Blanc comme les responsables de leurs tourments, ne nommant pas leurs complices45. La pétition adressée au juge d’instruction dénonce d’ailleurs les agissements d’une « bande de jeunes désœuvrés, principalement les deux frères Blanc, lesquels ont déjà encouru un certain nombre de condamnations »46. Les frères Blanc ont donc réussi, en démontrant leur capacité de violence et de force (dont les pratiques délinquantes sont d’une certaine façon la preuve et font certainement figure d’exploits aux yeux de leurs acolytes) à faire de leur nom un synonyme de crainte. Ainsi, dans leur groupe comme dans le quartier et, plus largement, pour les institutions répressives, ils existent et exercent une forme de pouvoir.
29Mais le prestige attaché au nom peut également l’être au surnom. La pratique qui consiste à s’attribuer des sobriquets au sein de la bande, outre son ancrage dans la culture populaire et sa vocation de couverture, recouvre d’une certaine façon la naissance d’un individu pour le groupe47. Dès lors, on vantera les exploits du « grêlé »48 ou du « môme »49, surnoms attestant de la jeunesse de leurs porteurs...
30À l’échelle urbaine, la désignation de la bande par le nom du quartier qu’elle domine (« bande de Saint-Mauront », « bande du Lazaret ») permet également de créer et d’entretenir la réputation d’une sous-entité aux yeux du reste de la population50. Soulignons ici que la commune de Marseille constitue un arrière-plan propice aux affrontements internes. Outre l’identité très marquée et contrastée des quartiers centraux51, elle se caractérise aux xixe et xxe siècles par un éclatement progressif de l’unité spatiale globale. Très vaste, mal structurée, elle est une unité de référence bien peu efficiente face aux cent-onze quartiers, souvent d’anciens villages progressivement rattachés à la commune, qui constituent un ancrage identitaire plus fort pour les Marseillais52.
31Les travaux de David Lepoutre sur la cité des Quatre-Mille de La Courneuve dans les années 1990 ont mis en évidence l’importance du nom, du surnom et du nom du quartier dans la culture des « jeunes de banlieue »53. Ses analyses sont très éclairantes. Le nom apparaît, avec le corps -en particulier le visage -comme le ressort de l’honneur. Sans cesse réaffirmé, transformé, il se doit d’être connu et reconnu, défendu en cas d’offense. La réputation individuelle, fondement de l’identité pour ces jeunes, se trouve ainsi mise en scène aux yeux du groupe et de la société54. De même, le nom du quartier inscrit l’identité dans une dimension territoriale conçue comme un prolongement de soi. Le quartier est un « support majeur de l’identité adolescente »55 écrit David Lepoutre ; juvénile, dirons-nous56.
32Tout comme le prestige du nom, les pratiques d’appropriation de certains espaces par les jeunes marseillais de la fin du xixe siècle peuvent être lues comme des affirmations identitaires. La lecture des dossiers de procédure impliquant des mineurs nous emmène dans les bals, dans les cabarets, dans les rues étroites du centre-ville, c'est-à-dire dans des espaces clos ou mi-clos, semi-publics, où les enjeux honorifiques se trouvent exacerbés et où se mesurent les réputations et les virilités en devenir.
33Le 18 mars 1893 une querelle oppose ainsi de jeunes journaliers de 17 à 20 ans dans un bal de Saint-Henry, un quartier industriel de la périphérie nord de Marseille57. Vers 22 heures, plusieurs témoins rapportent que deux Italiens dansant entre eux auraient bousculé Jourdan, un ouvrier marseillais, valsant avec sa cavalière. Une altercation s’en serait suivie, se déroulant selon un schéma classique allant des avertissements et menaces verbales à l’interruption momentanée du conflit, qui se règle quelques heures plus tard par un coup de fusil à l’extérieur du bal.
34Plusieurs éléments sont à prendre en compte pour comprendre ce déchaînement de violence apparemment irrationnel. D’une part, alors qu’il est normal pour des Italiens de danser entre hommes, cette pratique heurte les sensibilités des Marseillais. La même situation donne lieu à des rixes dans plusieurs dossiers de procédure. D’autre part, la bousculade est synonyme de défi. Se produisant en public, elle met en jeu l’honneur de celui qui la subit. Ne pas y répondre reviendrait à se couvrir d’opprobre. Enfin, le bal est un espace de sociabilité juvénile où le regard de l’assistance, masculine et féminine, détermine les conduites et les réputations.
35L’exacerbation des sensibilités, au premier abord incompréhensible, est en réalité à la mesure de l’importance des enjeux honorifiques sous-jacents. C’est pourquoi les jeunes, individuellement ou en groupe, luttent pour la préservation de leur réputation et, plus généralement, pour la domination de ces espaces. Pénétrer un bal ou un cabaret sans y respecter les codes de comportement implicites, ou en les provoquant délibérément, revient à s’exposer à la violence des jeunes gens ayant l’ascendant sur le lieu.
36Enfin le renforcement de l’identité individuelle et sa reconnaissance collective passent par un affrontement avec l’autre. La violence fait ici office d’outil de cohésion du groupe en prenant pour adversaire un ennemi qui devient l’archétype de l’altérité. Au moment où les tensions entre Français et Italiens sont les plus fortes à Marseille, dans les années 1880 à 1900, on trouve ce type logique mis en scène dans les affrontements juvéniles. Comme le soulignent Laurent Dornel pour le monde ouvrier de la fin du xixe siècle et François Ploux pour la jeunesse rurale du début du siècle, ce que l’on rejette alors en l’autre c’est celui dont il faut absolument se démarquer car sa proximité sociale rend la confusion possible, et donc insupportable58.
37En novembre 1887 un jeune ouvrier marseillais âgé de 15 ans est tué dans le quartier des Chartreux59. L’accusé, âgé de 19 ans, est un journalier italien. Etienne Garnier, un meunier âgé de 16 ans, raconte au commissaire de police :
38Ce soir, vers les 8 heures et demi nous chantions tranquillement sur le boulevard Guichard avec mes camarades […] quatre individus que je ne connais pas, d’origine italienne et parlant l’idiome Toscan marchant derrière nous, nous ayant crié « merde ! », nous leur avons répondu « mangez-la ! ». Puis, voyant qu’ils avaient de mauvaises intentions, nous nous sommes réfugiés dans la cour du n°32 […] Cotella après avoir fermé la porte du portail, s’est armé d’un bâton et a dit à ces individus qui nous provoquaient toujours en nous invitant à sortir dehors : « avancez maintenant ! » Sur ces mots, il est tombé derrière la porte qu’il avait entrouverte d’une balle en plein ventre60.
39On retrouve dans cette affaire une troublante similitude avec les récits de rixe rapportés par David Lepoutre au sujet de la vie aux Quatre-Mille61. Tout d’abord, la joute verbale, caractéristique d’une culture du défi et de l’honneur, précède rituellement le passage à la rixe62. Par ailleurs, le rôle de l’insulte à caractère scatologique doit être souligné. La fréquence du vocabulaire de l’excrément, mais également de la pratique volontaire de souillure de l’espace public répond certes à une dégradation symbolique d’un espace stigmatisé, mais relève en outre d’un comportement ludique d’inversion des normes, presque carnavalesque, qui caractérise la jeunesse de longue date63. Enfin, l’usage du « nous » permet de souder ce que l’ethnologue nomme le « groupe des pairs », que nous appellerons tout simplement le groupe contre celui qui, dans cette vision agonistique et belliciste des rapports sociaux, devient l’ennemi. Comme le montre Gérard Noiriel, la composante nationaliste n’est pas première dans ce type de conflits. Elle est mobilisée devant les forces de l’ordre, dans une rhétorique narrative, afin de justifier rationnellement une haine de l’autre qui, bien souvent, n’est que le revers de l’affirmation de soi. Alors que le système xénophobe se met en place à la fin du xixe siècle, son vocabulaire se trouve ainsi employé dans les affrontements juvéniles marseillais64.
4. Conclusion
40L’étude sérielle des violences juvéniles à Marseille pour la seconde moitié du xixe siècle met donc en évidence deux moments critiques : la fin des années 1880 et le début du xxe siècle65. Le croisement avec des données sociologiques simples permet de mieux cerner les individus responsables de ces emballements momentanés des jugements : il s’agit d’éléments appartenant aux catégories populaires marseillaises. Ce constat n’est nullement surprenant au regard du contexte local. Nous avons pu souligner les conséquences d’une crise de fin de siècle longue et profonde pour les jeunes générations de marseillais à la « Belle Époque ». Mais ces statistiques révèlent également la perméabilité de l’opinion marseillaise, dans toutes ses composantes, aux thématiques sécuritaires, dont celle de la jeunesse déviante.
41Comment dès lors mettre en évidence les facteurs premiers dans notre étude ? Il semble nécessaire de prendre en compte la spécificité du contexte local, à la fois dans sa dimension culturelle, qui fait depuis longtemps la part belle à une expression violente de l’identité juvénile, mais également dans ses aspects politiques et sociaux, qui recouvrent la complexité d’une société méditerranéenne, portuaire et cosmopolite. Dès lors, la montée des angoisses sécuritaires ne fait que renforcer un phénomène préexistant. Pour le dire autrement, le contexte marseillais, singulier mélange d’industrialisation, d’immigration, et de croissance économique reposant sur une main-d’œuvre peu qualifiée, est porteur d’une culture populaire où la force et la virilité sont constitutives de l’identité. À ce titre, les violences juvéniles, rendues plus visibles par les obsessions sécuritaires de fin de siècle, sont un aspect saillant de normes communément partagées dans la société marseillaise, mais aussi le fruit d’une mutation de ses références collectives.
42Les terreurs de quartiers mettent en scène une identité dans un ensemble de repères bouleversé. Ils sont mus par un besoin de reconnaissance, que l’on peut rapprocher des analyses que les sociologues font de l’économie du capital symbolique, « produit de la transformation d’un rapport de force en rapport de sens », et en particulier de sa capacité à produire crédit et discrédit66. Cette culture de l’honneur, qui est en grande partie une culture des rues, est d’ailleurs un des traits constitutifs du comportement juvénile contemporain. Hier comme aujourd’hui la recherche identitaire des terreurs de quartiers s’effectue au moyen de la valorisation d’éléments que le reste de la société proscrit. Dès lors les violences apparaissent moins comme des pratiques anomiques que comme parties prenantes d’une culture fortement normative, valorisant la brutalité et l’honneur comme signes de virilité.
Notes de bas de page
1 Archives départementales des Bouches-du-Rhône (dorénavant AD13) 406 U 145, déposition de Jean Giustiniani le 19 octobre 1882.
2 Ces archives constituent la base de notre travail de doctorat. Il est bien évident qu’il s’agit des infractions réprimées en justice et non pas des faits de violence réellement commis. Les statistiques qui vont suivre ont été établies dans cette thèse et présentées dans Céline Regnard-Drouot, Marseille la violente. Criminalité, industrialisation et société 1851-1914, Rennes, PUR, 2009.
3 Les infractions retenues sont nombreuses. Il s’agit de tous les délits et crimes qui s’assimilent aux menaces, injures, rébellions, coups et blessures, homicides, meurtres et assassinats. Pour une présentation voir Regnard-Drouot, Marseille la violente…, p. 324-325.
4 Sur ce point cf. Pascale Quincy-Lefebvre « Droit, régulation et jeunesse. Réforme de la majorité pénale et naissance des 16-18 ans à la Belle Époque », in Ludivine Bantigny, Ivan Jablonka, Jeunesse oblige, histoire des jeunes en France xixe-xxe siècle, Paris, PUF, 2009, p. 95-108, p. 98 ; Marie-Sylvie Dupont-Bouchat et alii, Enfants corrigés, enfants protégés. Genèse de la protection de l’enfance en Belgique en France aux Pays-Bas et au Québec (1820-1814), Paris, Ministère de la justice, 1995 ; Jean-Claude Farcy, « Essai de mesure de la délinquance juvénile dans le Paris du xixe siècle », in Jean-Claude Caron, Annie Stora-Lamarre et Jean-Jacques Yvorel (ed.), Les âmes mal nées. Jeunesse et délinquance urbaine en France et en Europe (xixe-xxie siècles), Presses Universitaires de France Comté, 2008, p. 33-49.
5 Le léger recul marquant l’année 1911 peut être mis en relation avec l’élévation de la majorité pénale à 18 ans en 1906. Cf. Quincy-Lefebvre, « Droit, régulation,… », p. 99-100.
6 Cf. par exemple Alain Desrosieres, « Comment faire des choses qui tiennent. Histoire sociale et statistiques », in Christophe Charle (ed.), Histoire sociale, histoire globale, Paris, M.S.H., 1993, p. 23-40.
7 Cette évolution serait peut être à mettre en rapport avec une moins grande difficulté à avouer un statut d’oisif, voire de marginal. L’évolution des formes de violences juvéniles à la fin de la période, en particulier la visibilité des nervis, corroborerait cette hypothèse.
8 Regnard-Drouot, Marseille la violente…, p. 216-219.
9 Michel Lescure., « L’industrialisation de Marseille, perspective du xixe siècle », in Gérard Chastagnaret, Philippe Mioche (ed.), Histoire industrielle de la Provence, Aix-en-Provence, PUP, 1998, p. 11-21.
10 Marcel Roncayolo, Les grammaires d’une ville, essai sur la genèse des structures urbaines à Marseille, Paris, éditions de l’EHESS, 1996, p. 157.
11 David Niget « Présentation du numéro : La violence, attribut et stigmate de la jeunesse », in Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière » [En ligne], Numéro 9 | 2007, mis en ligne le 02 novembre 2009, Consulté le 22 avril 2010.
URL : http://rhei.revues.org/index2653.html.
12 Pour une synthèse : Jean-Claude Farcy, « La violence et les historiens (France, période contemporaine) », in Aude Musin, Xavier Rousseaux, Frédéric Vesentini (ed.), Violence, conciliation et répression. Recherches sur l'histoire du crime, de l'Antiquité au xxie siècle, Louvain, PUL, 2008, p. 299-324.
13 Jean-Jacques Yvorel, « “L’invention” de la délinquance juvénile ou la naissance d’un nouveau problème social », in Bantigny, Jablonka, Jeunesse oblige…, p. 83-94.
14 Dominique Kalifa « Archéologie de l’apachisme. Les représentations des Peaux-rouges dans la France du xixe siècle », in Images de l’enfance et de la jeunesse « irrégulières », Le temps de l’histoire, vol. 4, Juin 2002 ; Ludivine Bantigny « De l’usage du blouson noir. Invention médiatique et utilisation politique du phénomène “blousons noirs” (1959-1962) », in Marwan Mohammed, Laurent Mucchielli (ed.), Les bandes de jeunes. Des « blousons noirs » à nos jours, Paris, La Découverte, 2007, p. 19-39.
15 Anne-Claude Ambroise-Rendu, Peurs privées, angoisses publiques. Un siècle de violences en France, Paris, Larousse, 2001.
16 Adrienna Surot, « Des Apaches à Angers 1903-1905 », in Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, tome 110, n° 1, 2003 p. 145-160.
17 Dominique Kalifa, La culture de masse en France. 1. 1860-1930, Paris, La Découverte, Coll. Repères, 2001 ; Jean-François Sirinelli, La culture de masse en France. De la Belle Époque à aujourd’hui, Paris, Fayard, 2002.
18 Nous renvoyons sur ce point aux analyses de Laurence Montel, Marseille capitale du crime. Histoire croisée de l’imaginaire de Marseille et de la criminalité organisée (1820-1940), thèse, histoire, Université de Paris X-Nanterre, 2008, p. 339 et suivantes.
19 AD13 PHI 403 61, Le Petit Marseillais, 16 mai 1904.
20 Ils sont résumés dans Lejeune, Faut-il fouetter les Apaches ?, 1910.
21 Nous avons dépouillé l’intégralité des dossiers conservés, toutefois, certaines destructions ont pu faire disparaître des sources invalidant notre remarque.
22 AD13 406 U 58, procès-verbal de police du 15 février 1864, interrogatoire de Paul Seurat, 14 ans.
23 François Ploux, Guerres paysannes en Quercy : violences, conciliation et représentations sociales dans les campagnes du Lot, 1810-1860, Paris, La Boutique de l’Histoire, 2002 ; « La violence des jeunes dans les campagnes du Sud-Ouest au xix ème siècle : ethos agonistique et masculinité », in Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière » [En ligne], Numéro 9 | 2007, mis en ligne le 01 novembre 2009, Consulté le 22 avril 2010. URL : http://rhei.revues.org/index2072.html.
24 Nous reviendrons sur ce point en troisième partie.
25 AD13 406 U 195, procès-verbal de police du 13 mars 1890, déposition de Joseph Rosso, 15 ans.
26 On retrouve ici aussi des aspects communs avec les guerres du Quercy évoquées par François Ploux.
27 AD13 PHI 403 44, Le Petit Marseillais, 15 mars 1890.
28 AD13 PHI 404 14, Le Petit Provençal, 14 mai 1904.
29 AD13 406 U 139 et 145.
30 Ibidem, Pétition datée du 25 septembre 1882 adressée au juge d’instruction.
31 Ibid., Procès-verbal de police, 25 septembre 1882, déposition de Julien Chardon, 30 ans, cloutier.
32 AD13 PHI 403 61, Le Petit Marseillais, 16 mai 1904 ; PHI 404 14, Le Petit Provençal, 13 mai 1904.
33 Montel, Marseille capitale du crime…, p. 339 et suivantes.
34 Pierre Echinard, Émile Temime (ed.), Migrance. Histoire des migrations à Marseille, Aix-en-Provence, Edisud, 1991 ; Gérard Noiriel, Immigration, antisémitisme et racisme en France xixe-xxe siècle. Discours publics, humiliations privées, Paris, Fayard, 1997, p. 149 et suivantes.
35 Laurent Dornel, La France hostile. Socio-histoire de la xénophobie (1870-1914), Paris, Hachette littérature, 2004.
36 AD13 406 U 151 affaire Plano et alii.
37 Gérard Mauger, « Postface. Le monde des bandes », in Mohammed, Mucchielli, Les bandes de jeunes…, p. 379.
38 Ibid., p. 381, citation d’Élise Yvorel.
39 Ibid., p. 382 et Maryse Esterle-Hedibel, « Controverses théoriques autour des bandes de jeunes », in Mohammed, Mucchielli, Les bandes de jeunes…, p. 85-96.
40 Regnard-Drouot, Marseille la violente…, p. 224 et suivantes.
41 La violence juvénile a presque toujours été analysée par la sociologie et par l’histoire comme une pratique déviante et à ce titre intégrée à la délinquance. Pour une synthèse récente et une analyse des apports mutuels des deux disciplines dans le champ des études sur la violence, cf. Quentin Deluermoz (dir). « Norbert Elias et le 20e siècle. Le processus de civilisation à l’épreuve », in Vingtième siècle, n° 106, avril-juin 2010, p. 5-12.
42 La nécessité et l’honneur ont été mis en avant dans notre these de doctorat comme deux ressorts fondamentaux pour comprendre la place de la violence dans la culture populaire marseillaise au xixe siècle. Céline Regnard-Drouot, Nécessité et honneur. Violences quotidiennes, violences criminelles à Marseille 1851-1914, thèse de doctorat d’histoire, Université de Provence Aix-Marseille 1, 2006.
43 David Lepoutre, Cœur de banlieue. Codes, rites et langages, Paris, Odile Jacob, 1997, p. 191.
44 Julian Pitt-Rivers, Anthropologie de l’honneur : la mésaventure de Sichem, Paris, le Sycomore, 1983, p. 18.
45 AD 13 406 U 145.
46 Ibid., pétition du 25 septembre 1882, souligné par nous.
47 Montel, Marseille capital du cime…, p. 776.
48 AD 13 2 U 2 1314 : surnom de l’accusé Canale.
49 AD13 406 U 195 : surnom d’un camarade de Joseph Rosso.
50 À tel point que l’origine du milieu marseillais est attribuée par bien des journalistes à l’affrontement des bandes de Saint-Jean et de Saint-Mauront. Montel, Marseille capital du crime…, p. 33.
51 Sur l’image des quartiers centraux de Marseille voir Montel, Marseille capitale du crime… ; sur le centre-ville de Marseille voir Marcel Roncayolo, « Le “centre de la ville” à Marseille : notion, contenu, évolution », in Urban Core and Inner City, University of Amsterdam, sociographical department, Leiden, E.J. Brill, 1967, p. 162-182.
52 Roncayolo, Les grammaires d’une ville…
53 Lepoutre, Cœur de banlieue…, p. 286 et suivantes.
54 Erving Goffman, La mise en scène de la vie quotidienne, tome 2 : Les relations en public, Paris, Minuit, 1973.
55 À propos de la terminologie employée par les différentes sciences humaines pour évoquer la jeunesse voir Caron, Stora-Lamarre, Yvorel, Les âmes mal nées..., introduction p. 16.
56 Lepoutre, Cœur de banlieue…, p. 43.
57 AD13 2 U 2 1289 affaire Jourdan, meurtre, 1893.
58 Dornel, La France hostile…, p. 84 ; Ploux, « La violence des jeunes … ».
59 AD13 2 U 2 1271 affaire Callusio, meurtre, 1887.
60 Ibid. Procès verbal de police du 8 novembre 1886.
61 Lepoutre, Cœur de banlieue…, p. 125 et p. 185 et suivantes.
62 Ibid., p. 195 et suivantes.
63 Giovanni Levi, Jean-Claude Schmitt (ed.), Histoire des jeunes en Occident, Paris, Seuil, 1996.
64 « Plutôt que d’inventer des explications de type identitaire (« ils ont tué des Italiens parce qu’ils se sentaient français ou parce qu’ils étaient racistes ») il est préférable de dire qu’ils ont utilisé l’arme de la nationalité pour tenter de sauver leur dignité et légitimer la violence qu’ils avaient en eux » Gérard Noiriel, Le massacre des Italiens. Aigues-Mortes, 17 août 1893, Paris, Fayard, 2010, p. 259.
65 Jean-Claude Farcy trouve une périodisation similaire pour la jeunesse parisienne. Voir Farcy, « Essai de mesure de la délinquance… ».
66 Gérard Mauger, « Postface. Le monde des… », p. 384, citation de Pierre Bourdieu, Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, 1997.
Auteur
(Université de Provence Aix-Marseille 1)
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