La délinquance juvénile, des « Blousons noirs » à nos jours
Le détour historique comme préalable au questionnement sociologique contemporain
p. 29-51
Texte intégral
1Nos sociétés sont à la fois rendues amnésiques par des médias en quête perpétuelle de nouveauté et de sensation, et apeurées par un marketing politique du « risque zéro » qui a besoin de trouver sans cesse de nouveaux combats pour s’autoalimenter, la « guerre au crime » étant de ce point de vue l’un des plus constants dans l’histoire contemporaine et sans doute l’un des plus rentables1. À certains égards, les paniques morales auxquelles nous assistons de nos jours, au sujet de l’augmentation, du durcissement et du rajeunissement supposés de la délinquance juvénile, sont presque moins virulentes que celles véhiculées par les médias au temps des « Blousons noirs »2. Dans la réalité, si la délinquance juvénile ne cesse par définition d’évoluer en même temps que et à l’image de l’ensemble de la société (et à tous les points de vue : démographique, social, économique, technologique, etc.), elle ne connaît pas pour autant de révolution à chaque époque. Elle ne saurait non plus augmenter, se durcir et rajeunir sans cesse depuis plus d’un siècle, sans quoi les nourrissons braqueraient bientôt des banques… Face à cette amnésie générale et aux discours irréels qu’elle autorise, le détour historique s’avère un préalable sine qua non à une réflexion de type scientifique sur l’évolution des phénomènes de délinquance juvénile. Le présent texte voudrait y contribuer. On ne retracera pas ici l’histoire de la délinquance dans la longue durée mais seulement celle des années 1960, qui présente un double intérêt : primo c’est une période récente et un point de comparaison direct pour le présent, secundo la délinquance juvénile fait l’objet à l’époque des premiers travaux scientifiques, menés surtout au centre de recherches de Vaucresson, et dont la synthèse est riche d’enseignements. En effet, le Centre de formation et de recherche de l’éducation surveillée (CFR-ES) est un service ouvert officiellement par le ministère de la Justice en 1958, dédié à la formation des éducateurs de la justice mais aussi à la recherche sur la délinquance juvénile et sur les méthodes éducatives. Il est implanté à Vaucresson en région parisienne (où l’activité de formation seule existe, elle, depuis 1951). Dirigé par un agrégé de grammaire, Henri Michard, le centre de Vaucresson recrutera en 1964 un directeur du service de la recherche en la personne du psychosociologue Jacques Sélosse3. À partir de 1963, le centre publie une revue, les Annales de Vaucresson, que nous avons dépouillée ainsi que la collection des rapports de recherche du centre4. Nous présenterons une synthèse de ces recherches après avoir rappelé, en guise de préambule, quelques faits divers ayant défrayé la chronique médiatique du mois d’août 1959, moment qui voit surgir la figure des fameux « Blousons noirs ».
1. En guise de préambule, un florilège
2Nous empruntons à Émile Copfermann, dont nous avons réédité il y a quelques années l’ouvrage La génération des blousons noirs paru initialement en 1962, le petit florilège qui suit, composé donc d’extraits de la presse de l’été 19595.
3À propos des bandes de jeunes, ces faits sont rapportés de Rouen le 4 août :
Le soir d’une fête patronale, une quarantaine de jeunes gens venus de Rouen à scooter, à cyclomoteur ou en taxi avaient plusieurs fois tenté de pénétrer dans la salle de bal en refusant de payer. L’expulsion par les gendarmes de deux ivrognes leur fournit le prétexte recherché pour passer aux actes de violence. Toute la bande se rua alors sur les représentants de l’ordre et l’un des gendarmes fut roué de coups. Son collègue tira quelques coups de feu en l’air. Ce geste décontenança un temps les agresseurs mais les gendarmes partis, les jeunes gens pénétrèrent en force dans la salle où ils brutalisèrent plusieurs danseurs et plusieurs femmes.
4Et ceux-là de Bandol (Var) le même jour :
Munis de gourdins et de chaînes de bicyclettes, une cinquantaine de jeunes toulonnais ont attaqué à Bandol des estivants français et étrangers. Ils ont grièvement blessé trois personnes et plus légèrement quinze autres. Des scènes de violence se déroulèrent dans les rues : la voiture d’un touriste allemand fut entièrement démolie. Il semble qu’ayant reçu la semaine dernière une correction, ce serait pour réparer cet affront qu’ils auraient contre-attaqué à leur tour.
5Sur les mises à sac de lieux publics, ces faits sont rapportés de Valenciennes le 6 août :
Des enfants se sont introduits dans l’école des filles “Les acacias” et ont causé pour plus de 200 000 francs de dégâts. Ils ont démoli le matériel expérimental de la classe des sciences, brisé les encriers sur les murs et déchiré les livres et autres documents.
6Sur les incivilités et les violences déjà dénoncées à l’époque comme « gratuites », ces faits sont rapportés d’Arras le 25 août :
Vingt jeunes garçons pour la plupart en état d’ivresse ont envahi samedi soir le domicile d’un instituteur chez qui l’on fêtait un anniversaire. Ils se sont emparés des bouteilles de vin, ont répandu à terre des pâtisseries dans tout l’appartement puis ont saccagé le mobilier. L’arrivée des gendarmes déclencha une bagarre générale. Cinq des agresseurs ont été arrêtés. Ils ont déclaré qu’avec leurs camarades ils avaient décidé de s’amuser.
7Sur la jeunesse des délinquants, ces faits sont enfin rapportés de Pontoise :
Il était une heure trente lorsque le gardien entendit du bruit dans le bar qui touche son logement. Armé d’un fusil il se dirigea alors vers l’établissement où il aperçut les silhouettes de deux hommes. Au moment où il décrochait le téléphone pour avertir la police, l’un des visiteurs lui lança une bouteille. Atteint à la tête et estimant sa vie en danger, il se retourna et fit feu sur son agresseur qui s’écroula mortellement atteint par la décharge. La police devait alors découvrir qu’il s’agissait d’un pupille de l’Assistance publique âgé de dix-huit ans... Les policiers constatèrent que son compagnon était un garçon de onze ans, lui aussi évadé du Centre d’Évreux. Tous deux nourrissaient le projet de s’emparer d’un avion. N’y parvenant pas à Évreux, ils volèrent une camionnette et se dirigèrent vers l’aérodrome de Mantes où ils pensaient pouvoir mettre leur projet à exécution.
8C’est dans ce contexte de faits divers relatés par la presse de façon quasi quotidienne à l’époque, qu’apparaissent déjà des discours le plus souvent catastrophés et catastrophistes quant à l’augmentation, le rajeunissement et la violence accrue des « bandes de jeunes ». Nous y reviendrons en conclusion, après avoir fait un long détour par les recherches menées à l’époque, agrémenté par des données que nous avons-nous-mêmes reconstituées à partir des volumes statistiques annuels publiés par la direction de l’Éducation surveillée au ministère de la justice, des années 1950 à la fin des années 1970.
2. La délinquance juvénile : socio-démographie et évolution
9En 1973, Henri Michard publie pour le compte de La documentation française (le service d’édition dépendant du Secrétariat général du gouvernement français) un ouvrage intitulé La délinquance des jeunes en France, qui fait la synthèse des recherches menées dans la décennie précédente. Il brosse ainsi un tableau général qui nous servira ici de fil conducteur et autour duquel nous situerons de nombreux autres travaux de l’époque6.
10La délinquance est d’abord essentiellement un phénomène masculin. Dans la population jugée, le rapport est de 1 à 9. Michard y voit d’abord une conséquence de « facteurs culturels liés au rôle et au statut de la femme dans notre société : la femme reste un être “faible” ; elle est moins libre que le garçon, plus protégée, plus dépendante encore de sa famille ; elle a, en conséquence, moins d’occasions objectives de commettre des délits ; elle est aussi plus naturellement soumise aux règles, plus insérée dans l’ordre établi »7. Mais il suggère aussi que le traitement pénal conduit sans doute à sous-estimer la délinquance des filles. Il estime notamment que les filles sont sans doute plus souvent orientées vers les prises en charge civile (surtout après la loi du 4 juin 1970 sur la protection de l’enfance en danger). Il remarque que certains vols « typiquement féminins, tel le vol chez l’employeur » sont plus difficilement détectables. Il estime enfin que, de manière générale, « la société se sent moins menacée par la délinquance des filles que par celle des garçons ; de ce fait, la police et la justice sont plus indulgentes »8.
11Ensuite, quant aux âges, les données sur les mineurs jugés indiquent une croissance régulière avec l’âge à partir de 13 ans, le maximum étant atteint chez les 16-20 ans. Mais ce sont là aussi des conséquences du droit et des seuils d’âge pénaux qu’il définit9.
12Pour terminer cette analyse sommaire des principales caractéristiques sociodémographiques de la population des jeunes délinquants jugés, Michard ajoutera en 1978 un passage sur « l’origine sociale des jeunes délinquants » qui ne figurait pas dans la première édition. Il y note la surreprésentation des milieux ouvriers et employés de service, en particulier pour les garçons âgés de 16 à 18 ans. Ce constat lui semble complexe à expliquer. Mais, à côté des facteurs économiques pesant sur les trajectoires résidentielles, sociales et scolaires (cf. infra), il insiste surtout ici sur « le processus de sélection des agents du contrôle social : la police et le parquet classent plus facilement les affaires qui mettent en cause des jeunes appartenant aux classes moyennes et supérieures ; le préjudice est plus aisément réparé et, à tort ou à raison, on estime que la récidive est moins à redouter »10
13Après cette présentation générale, Michard s’attache à décrire sommairement l’évolution de la délinquance juvénile depuis la fin de la guerre. Le nombre de mineurs jugés avait baissé jusqu’au milieu des années 1950. Mais ensuite, en 15 ans (de 1954 à 1969), il a plus que triplé, ce qui semble justifier que « l’opinion publique s’émeuve et s’inquiète »11 Toutefois, la plupart des commentateurs négligent un facteur très important : la démographie. « En effet, entre 1954 et 1970, le nombre de jeunes de dix à dix-huit ans a considérablement augmenté en France, conséquence de la poussée de natalité qui marque l’après-guerre »12. Une fois tenu compte de cela et si l’on raisonne en taux, l’augmentation est ramenée de 3,5 à 2,3 et ne constitue plus un phénomène inédit à l’échelle du xxe siècle. C’est ce que montre la figure 1 publiée par Michard. En outre, Michard remarque aussi que, dans la mesure où l’on se préoccupe davantage de la délinquance juvénile (c’est le phénomène « blousons noirs »), que l’on multiplie des institutions spécifiques pour la prendre en charge et que l’on donne à la police des instructions pour davantage réprimer les petits délits, alors « il en est résulté une détection accrue »13. Reste une évolution, surtout chez les 16-18 ans (et uniquement les garçons, comme le montre la figure 2, également reprise dans son ouvrage), dont Michard renvoie l’analyse aux « échecs de l’évolution sociale » qu’il détaillera ensuite.
14Notons toutefois que, même s’il l’évoque dans un article plus détaillé14, Michard utilise peu trois éléments de lecture et d’interprétation des statistiques pourtant connus d’autres commentateurs de l’époque dont certains s’avèrent décisifs.
15Premièrement, Pierre Ceccaldi (le directeur de l’Éducation surveillée au ministère de la Justice), dans ses introductions aux volumes statistiques annuels qu’il publie, constatait une évolution particulièrement forte depuis 1959 et s’interrogeait aussi sur les conséquences de l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 23 décembre 1958 qui a amené les juges des enfants à prendre en charge de nouvelles catégories de « mineurs en danger » dont une partie a aussi commis des actes de délinquance15. Il n’expliquait pas toutefois par quel mécanisme précis ces nouvelles prises en charge au civil pouvaient concourir à l’augmentation parallèle des dossiers pénaux.
16Deuxièmement, Michard ne relève pas non plus un constat sur lequel insistera beaucoup quelques années plus tard J.-F. Gazeau dans sa thèse, à savoir que les statistiques judiciaires utilisées dans ces réflexions sur l’évolution de la délinquance juvénile compte des jugements différents mais qui ne correspondent pas nécessairement à des personnes différentes, un petit nombre de mineurs (que Mireille Gueissaz appellera les « noyaux marquants ») faisant en réalité l’objet de plusieurs jugements dans une même année (jusqu’à occuper 50 % de l’activité annuelle des juges des enfants dans certains tribunaux) 16. Dès lors, l’on ne saurait dire si l’augmentation du nombre de mineurs jugés correspond à des auteurs nouveaux ou bien à la multiplication des délits par les mêmes auteurs.
17Troisièmement, un argument fondamental semble avoir échappé à la quasi-totalité des commentateurs de l’époque, celui de l’évolution de la délinquance suscitée directement par l’évolution du droit et la création de nouvelles infractions17. Michard connaît bien la problématique générale, mais considère le droit des mineurs comme stable dans la période sous examen18 Les autres auteurs ne relèvent généralement même pas l’idée. Mais tel n’est pas le cas de Roger Benjamin, collaborateur du groupe de recherche animé par André Davidovitch au Centre d’Études Sociologiques19. Dans sa thèse sur l’évolution de la délinquance juvénile de 1954 à 1964, Benjamin développe lui aussi l’argument démographique et peut ainsi ramener l’augmentation du nombre de mineurs jugés à des proportions plus justes. Mais il poursuit le raisonnement pour tenter d’expliquer l’augmentation restante. Il examine alors le détail des infractions poursuivies et montre que, tandis que la part des atteintes aux personnes et des atteintes sexuelles a baissé durant la période, il n’en va pas de même des deux autres grandes catégories d’infractions. Il s’agit bien entendu d’abord des vols qui, représentant environ les deux tiers de la délinquance juvénile jugée, « impriment à la délinquance juvénile sa physionomie d’ensemble »20. Mais Benjamin remarque aussi une large catégorie d’infractions « diverses », qui augmente brusquement et fortement à partir de 1959, au point de s’être multipliée par 5,5 sur les dix ans. Et, dans le détail, Benjamin remarque que
cette catégorie recouvre depuis quelques temps les délits nouveaux relatifs à la circulation des véhicules (conduite en état d’ivresse, conduite sans permis, défaut d’assurance, etc.) et les contraventions de 5ème classe (coups et blessures volontaires et involontaires de peu de gravité, destructions d’animaux, contraventions prévues par le code de la route, etc.)21.
18Ces dernières sont toutefois assez peu nombreuses. Dès lors, ce qui augmente ce sont bien « les infractions nouvelles au Code de la route, crées en 1957 et 1958 ». À partir des volumes statistiques annuels publiés par la Direction de l’Éducation surveillée, nous avons reconstitué à notre tour ces données sur une période allant de 1952 à 1977 et leur sérialisation conduit à confirmer l’intuition de Benjamin.
19Comme le montrent les figures 3 et 4, l’évolution de la délinquance des mineurs de moins de 18 ans pris en charge par l’Éducation surveillée se caractérise par deux phénomènes : le premier est l’augmentation très forte et régulière des atteintes aux biens, le second est la brusque augmentation à partir de 1958 des atteintes « diverses » qui recouvrent en réalité massivement ces nouvelles infractions routières. Voilà donc un facteur juridique décisif, qui fait passer le poids de ces infractions « diverses » de 8 % en 1958 à 23 % en 1960 (de 1 500 à 6 200 en effectifs, soit une multiplication par quatre). À partir de 1959, cette catégorie devient ainsi la deuxième plus importante dans l’ensemble et le restera sur toute la période, devant les atteintes aux personnes, mais loin derrière ce qui reste le cœur de la délinquance juvénile et de son augmentation dans les statistiques judiciaires : les vols, en particulier les vols de voiture. C’est le point que nous allons à présent détailler.
3. Anciennes et nouvelles formes de délinquance
20« En France, comme dans tous les pays du monde, la délinquance des jeunes c’est essentiellement le vol »22. De fait, au tournant des années 1960 et 1970, l’ensemble des vols représente environ les trois quarts de la délinquance (crimes, délits et contraventions) traitée par les juridictions (et même les quatre cinquièmes chez les moins de 16 ans), loin devant les infractions au code de la route, les agressions physiques et les agressions sexuelles. Dans le détail, il ajoute que près du tiers des atteintes aux biens et près du cinquième de l’ensemble de la délinquance des mineurs pénaux (la majorité est encore fixée à 21 ans à l’époque, elle sera abaissée à 18 ans quelques années plus tard) sont constitués par les « vols et emprunts de véhicules à moteur » (voitures et mobylettes), proportions nettement plus fortes encore dans la région parisienne23 Et ceci constitue, à l’époque, la principale transformation observable depuis l’après guerre, plus précisément encore, c’est la caractéristique de la décennie 1960, que les chercheurs de Vaucresson ont très rapidement étudiée24. Conduite presque exclusivement masculine, elle concerne de surcroît essentiellement les 14-18 ans, agissant le plus souvent à plusieurs. Il s’agit donc d’un élément majeur pour l’interprétation de l’évolution globale de la statistique des mineurs jugés. Et d’autres auteurs, à commencer par Ceccaldi font ce lien et publie même la figure 5 que nous reproduisons également ici25. On y retrouve la rupture de l’année 1954, point de départ de l’augmentation générale de la délinquance juvénile dans les statistiques judiciaires. À l’évidence, nous tenons là l’argument quantitativement central dans la discussion de l’époque sur l’augmentation de la délinquance juvénile.
21La principale caractéristique de ce vol, et ce qui fait sa nouveauté à l’époque, réside certes dans l’objet qui est lui-même nouveau, mais plus encore dans la motivation du vol qui n’est ni la survie ni l’enrichissement du voleur mais l’usage immédiat et ludique :
C’est essentiellement un vol d’usage. Dans l’immense majorité des cas, le véhicule est immédiatement utilisé : pour effectuer une promenade, pour réaliser une fugue, pour faciliter un retour tardif à la maison, parfois pour commettre une autre infraction. Le besoin satisfait, la voiture ou le cyclomoteur sont abandonnés dans les trois quarts des cas, parfois ramenés à l’endroit où ils avaient été pris. Et comme le jeune n’a pas le sentiment d’avoir commis un vol, il proteste lorsqu’on le traite de « voleur ». Il a “emprunté” un cyclomoteur ou une voiture, en quelque sorte mise à sa disposition sur la voie publique26
22Précision technique importante :
Les véhicules volés sont une image fidèle du parc automobile français, avec dominante de ceux qui, d’une part sont les plus nombreux (Renault 4L, 2 CV Citroën) et qui, d’autre part sont les plus faciles à mettre en route (Peugeot 403, au temps où ce modèle n’avait pas de clé de contact)27
23Le vol était si facile que la récidive semble à Michard « une donnée quasi normale de ce type d’infraction ».
24Voilà donc le cœur de la délinquance juvénile des années 1960 : des vols « dont la dangerosité tient surtout au fait que les jeunes commettent des accidents »28. Et des vols liés fondamentalement au développement de la nouvelle société de consommation et de son premier objet culte : la voiture29. Comme l’écrira plus tard Jean Cazeneuve, « avoir une “auto” devint un des objectifs de toute une jeunesse, un des signes distinctifs de la réussite sociale pour les adultes et même un accessoire important de la séduction pour ceux qui cherchaient aventure »30 Symbole d’autonomie, la voiture est aussi au cœur de la « civilisation du loisir » qui s’impose alors31
25Le reste des atteintes aux biens est au contraire beaucoup plus ancien dans ses formes et beaucoup moins nombreux. Ce sont les vols (« chapardages » lit-on souvent à l’époque) dans les magasins, les cambriolages (ainsi que les vols d’objets laissés dans les voitures en stationnement), les vols chez l’employeur (notamment « commis par les filles de plus de 16 ans placées comme employées de maison »), les vols avec violence (« par exemple le sac à main arraché aux femmes seules ; ils sont commis par des garçons âgés et agissant généralement à plusieurs ») et enfin ce que l’on appelle couramment à l’époque les « actes de vandalisme » et que Michard définit comme « des destructions gratuites de biens appartenant soit au domaine public : écoles, bancs de square, réverbères, etc., soit à des domaines particuliers : voitures, mobilier, arbres, etc. »32
26Après les atteintes aux biens, celles aux personnes. Michard distingue nettement les agressions physiques et sexuelles. Sur les premières, qui représenteraient entre 7 et 8 % des affaires jugées chez les mineurs, Michard insiste d’emblée sur la dimension masculine et collective : « les bagarres entre jeunes comprennent un peu plus de la moitié des conduites agressives. Plusieurs sous-groupes sont à distinguer : l’affrontement de deux jeunes, l’attaque d’un jeune par plusieurs autres, les bagarres collectives, qui sont souvent le fait de deux bandes rivales »33 Le reste sont des agressions de jeunes envers des adultes, parmi lesquelles Michard pointe la problématique des agressions homophobes, dans les termes ordinaires de l’époque34. Quant aux homicides, rarissimes chez les mineurs, ils renvoient fréquemment à « des troubles psychologiques graves » et des « déficiences familiales graves », ainsi qu’à des passages à l’acte parfois favorisés par « l’excitation alcoolique »35
27Les agressions sexuelles traitées par la justice sont encore plus rares que les agressions physiques. Si l’ensemble des « atteintes aux mœurs » représente à l’époque entre 2 et 3 % du total des affaires traitées par la justice, Michard précise d’emblée que la moitié de ces infractions sont en réalité des relations sexuelles librement consenties entre deux jeunes gens mais « qui ont la malchance de se faire surprendre par un représentant de l’autorité »36 Il distingue ensuite les conduites prostitutionnelles « souvent occasionnelles » de jeunes filles, puis « les jeux sexuels de l’enfance » qui concernent les jeunes de moins de 16 ans et dans lesquels « il est abusif de parler de délinquance ». En définitive, les véritables agressions sexuelles sont en réalité rarissimes, qu’il s’agisse de viols individuels ou, plus souvent, de viols collectifs, ces derniers faisant l’objet d’une intense préoccupation à l’époque bien que les données statistiques disponibles indiquent qu’« il n’y a pas eu d’augmentation ces dix dernières années »37. Les rares cas de viols individuels renvoient à « des mineurs relativement âgés, appartenant à des familles sérieusement perturbées »38. Quant aux agressions intrafamiliales (tels les incestes frères-sœurs) et aux « attentats à la pudeur sur des mineures » (agressions non qualifiées en « viols »), Michard précise que leur rareté « ne signifie pas grand-chose » et que le « chiffre noir » est en ces matières « très important »39
28Enfin, à côté des atteintes aux biens et aux personnes, ce qui reste dans la délinquance repérée comme telle par les institutions est constitué par la délinquance routière, les petites fraudes (aux transports notamment) et les altercations avec les forces de l’ordre, ces dernières en nombre limité.
4. La genèse des conduites délinquantes juvéniles
29Quant à l’analyse de la genèse des conduites délinquantes juvéniles, Michard livre également une synthèse importante. Il estime d’abord que les cas de troubles biologiques déterminants (atteintes neurologiques, troubles endocriniens, etc.) n’ont aucune significativité statistique. La grande enquête sur les « cinq cents jeunes délinquants » menée par les chercheurs de Vaucresson au tout début des années 1960 n’en a pas repéré un seul40. Plus sûrement, des handicaps tels que les troubles sensori-moteurs peuvent constituer « des obstacles à une bonne socialisation en mettant le jeune en état d’infériorité41 », ce qui renvoie aux mécanismes de la socialisation. Du côté des troubles mentaux déterminant des « personnalités pathologiques », la même enquête indique qu’ils sont présents mais très peu significatifs (moins de 5 % de la population délinquante juvénile étudiée, la plupart étant des « troubles caractériels graves »). Plus intéressant et significatif est le constat de la récurrence de certains traits de caractère chez les « délinquants d’habitude » (récidivistes) : « dans l’énorme majorité des cas, leur affectivité est perturbée, les troubles se manifestent essentiellement par l’égocentrisme et l’immaturité affective »42 Se référant aux analyses du célèbre phénoménologue belge Étienne De Greeff, Michard rappelle les constats classiques relatifs à la personnalité du jeune délinquant d’habitude : son sentiment d’injustice qu’il place au-dessus des injustices qu’il peut à son tour causer, son intolérance à la frustration, son présentisme, sa fréquente perte de contrôle émotionnelle, son côté infantile. Mais comment se sont constitués ces traits ? L’enquête sur les cinq cents jeunes délinquants montre que l’histoire familiale semble ici déterminante. Les carences affectives dans la relation avec la mère sont présentes dans 30 % des cas, mais c’est la mauvaise relation avec le père et une dévalorisation mutuelle qui semble la situation la plus fréquente. Le point commun est l’attitude de rejet subie par le jeune dans sa famille, qui enclenche une sorte de cercle vicieux de rejet réciproque : « les attitudes de rejet vont, en contrepartie, provoquer des comportements d’opposition qui, à leur tour, risquent de déclencher de nouveaux rejets »43. Mais, à nouveau, ces attitudes se fixent et le cercle vicieux s’enclenche d’autant plus que des facteurs extérieurs au milieu familial viennent provoquer les premiers incidents et les premiers rejets. Au demeurant, ces problèmes étant traditionnels, seuls des facteurs extérieurs à la personnalité et au milieu familial peuvent permettre d’expliquer une hausse des comportements délinquants dans la jeunesse d’une époque par rapport à une autre. Michard consacre donc deux fois plus d’espace à discuter les facteurs sociaux de la délinquance des jeunes, qu’il faut dès lors inscrire dans la trajectoire biographique du jeune.
30Viennent d’abord les facteurs familiaux. Dans l’histoire de vie, les premières années peuvent être marquées par des ruptures familiales traumatisantes telles que des décès. Ensuite, Michard insiste sur les conditions d’éducation du jeune, en particulier la présence éducative des parents. Signe des temps, il pointe le fait que la mère travaille dans un cas sur deux44. Plus significativement, il note que dans 70 % des cas, on peut considérer que le père a abandonné « son statut naturel de chef de famille » en raison « des conditions de travail dans les villes modernes45 ». Enfin, il relève le poids des familles nombreuses. En bref, il insiste sur les conséquences éducatives de la « vie urbaine moderne », cette dernière lui semblant réduire la présence parentale dans l’éducation des enfants.
31Viennent ensuite les facteurs scolaires dont Michard estime que « l’importance va croissant » à mesure que s’allonge la scolarité et que, par conséquent, « un certain nombre de fonctions qui étaient autrefois assumées par la famille le sont maintenant par l’école46 ». Et donc c’est ici que se joue quelque chose d’essentiel dans les parcours délinquants. Michard y insiste fortement :
Il existe une corrélation étroite entre la délinquance et l’inadaptation scolaire : 65 % des jeunes délinquants ont de mauvais résultats scolaires ; 50 % sont indifférents ou hostiles à l’école ; au-delà de 14 ans ils sont deux fois moins scolarisés que les adolescents d’âge correspondant. Leur carrière scolaire manque de cohérence et de continuité ; elle est marquée par de fréquents changements d’établissements et d’orientation ; leur réussite ne correspond pas à leurs capacités intellectuelles47
32Michard estime que l’école n’est pas à l’origine des inadaptations sociales des jeunes mais que, par son intolérance, « elle les repousse et, ce faisant, elle devient souvent facteur important de renforcement de leurs troubles ». Il a alors des mots très forts, il parle de constats « graves », il émet un doute sur le fait que l’école remplisse correctement sa fonction éducative, il indique que le système éducatif connaît alors une « crise » qui est
trop connue pour qu’il soit nécessairement d’insister longuement sur ses caractères « inadaptants » : surcharge des effectifs, mobilité et discontinuité dans l’enseignement, multiplication des paliers d’orientation et multiplication corrélative des évictions, mauvaise adéquation des méthodes aux besoins des jeunes, préparation insuffisante des maîtres, etc.48
33Dix ans plus tôt, Vincent Peyre écrivait déjà :
Le mauvais ajustement des jeunes délinquants au milieu scolaire et leur refus fréquent des obligations et des contraintes qu’il impose sont rarement le fait d’une inaptitude biologique ou d’une incapacité intellectuelle. Ils sont le résultat, dans la plupart des cas, des handicaps d’origine sociale et familiale qui sont le lot de la plupart d’entre eux. Or, l’école s’est montrée impuissante à surmonter ou à compenser de tels handicaps. Elle a au contraire placé maintes fois les jeunes dans des situations d’échec et de rejet qui ne pouvaient que les enfoncer un peu plus dans leur inadaptation. On peut donc penser qu’elle n’a pas été en mesure de remplir la fonction d’apprentissage de la vie sociale qu’elle partage avec les parents. Il est vrai que la tradition scolaire pédagogique française, dans ce qu’elle a de plus classique, ne permet guère qu’il en soit autrement, en mettant l’accent presqu’exclusivement sur la formation et le rendement intellectuels, sur la transmission d’un savoir. La rigidité structurelle inhérente à une institution aussi importante, aux prises de surcroît avec de redoutables difficultés dues à l’ampleur de la vague démographique, ne lui rend pas toujours aisées les évolutions et les transformations qui lui permettraient de s’adapter à ses différentes “clientèles”. Il faut reconnaître, en outre que la prolongation de la scolarité, si elle ne doit représenter pour un certain nombre d’enfants qu’un allongement d’une période marquée par l’échec et la non-participation sociale, ne peut qu’aggraver leur inadaptation49
34C’est encore une carence éducative que Michard pointe dans l’occupation des jeunes. Partant du constat que la majorité des délits se commettent durant les périodes de « temps libre » (soirée, week-end, vacances) et que seuls environ 10 % des jeunes délinquants de l’enquête participent à des loisirs organisés par la collectivité, il estime qu’un problème d’inadaptation de l’offre de loisirs encadrés se pose au même titre que le problème scolaire. Il souligne enfin les difficultés croissantes d’insertion professionnelle des jeunes.
35Enfin, à côté des mécanismes intervenant directement dans la genèse des parcours délinquants en « perturbant le fonctionnement des groupes primaires de socialisation50 », Michard énumère les facteurs macro-sociaux pouvant influer sur le niveau de délinquance d’une région ou d’un pays. C’est d’abord l’existence d’« isolats sociaux », « zones de mauvaise intégration sociale », et de concentration « ethnique », « situées soit dans les banlieues industrielles périphériques, soit dans certains quartiers centraux détériorés des vieilles cités, le cas limite est le “bidonville”51 ». Le choc entre les conditions de vie dans ces territoires et celles des autres est en effet générateur de tensions et de frustrations, d’un « sentiment d’insécurité » et d’un « sentiment de révolte » chez les jeunes y résidant, qui se trouvent « poussés à acquérir par des moyens illégaux ce qu’ils ne peuvent obtenir normalement52 ». Selon Michard, « 5 à 8 % de la délinquance française » pourrait se comprendre dans ce contexte. Ensuite, Michard évoque l’existence de « conflits de culture » procédant cette fois de l’immigration, c’est-à-dire de l’installation de populations étrangères qui « conservent pendant un certain temps leurs coutumes et leurs modes de vie (Nord-Africains et Portugais en France)53 ». Le phénomène serait un facteur supplémentaire d’inadaptation sociale qui concernerait environ 4 % de la délinquance des jeunes. Enfin, Michard évoque « l’accélération foudroyante » de l’urbanisation qui d’une part accentue une mobilité géographique pouvant perturber la socialisation dans les groupes primaires, d’autre part projette les jeunes dans un contexte de vie anonyme, libre, débarrassé de la surveillance des communautés rurales, ce qui les rend « plus vulnérables, plus exposés à céder à certains entraînements54 ».
5. Voleurs, vandales et bandes de jeunes, produits des « échecs de l’évolution sociale »
36Voilà donc le tableau d’ensemble que dresse le directeur du centre de Vaucresson, assurément l’un des mieux placés institutionnellement pour décrire dans son ensemble la délinquance juvénile des années 1960 et du début des années 1970, telle que les recherches menées à Vaucresson ont largement permis de la connaître. S’il fallait le résumer, nous dirions que les jeunes délinquants des années 1960 sont décrits comme des voleurs d’objets de consommations, des bagarreurs et des vandales, à quoi l’on peut ajouter des violeurs collectifs pour rappeler l’importance de l’interrogation qui surgit à l’époque sur ce phénomène déjà prétendu « nouveau »55. Exit, donc, la question du vagabondage qui hanta le xixe siècle et la première moitié du xxe. Les années 1960 consacrent d’abord la problématique nouvelle des vols dans la nouvelle société de consommation, et reconduisent ensuite celles, plus traditionnelles, des diverses transgressions (vandalisme, bagarres, viols collectifs) commises par les groupes ou « bandes » de jeunes.
37Incontestablement, ces années 1960 sont notamment marquées par l’abondance de la littérature tant scientifique que professionnelle (sans parler de la presse) sur le thème des bandes de jeunes. Le corpus dépasse la centaine de livres et d’articles, sans compter les commentaires d’ouvrages américains ou anglais, qu’ils soient traduits (comme le livre de Bloch et Niederhoffer sur les bandes d’adolescents56) ou non (comme le célèbre livre d’Albert Cohen sur les sous-cultures délinquants des gangs, rapidement devenu un classique en France comme aux États-Unis57). Territorialité, valeurs de virilité, défis aux institutions, conduites ludiques voire « gratuites », violence parfois « extrême » sont des caractéristiques souvent mises en valeur du côté des professionnels, même si l’on rappelle que ces phénomènes ne sont en soi pas nouveaux58 Dans le rapport annuel de l’Éducation surveillée de 1960, son directeur Pierre Ceccaldi note que les affaires jugées mettant en cause des « bandes » sont peu nombreuses et augmentent peu par rapport à l’ensemble de la délinquance juvénile jugée59. Si la délinquance des jeunes est bien le plus souvent un phénomène collectif, la plupart des délits ont été commis par des petits groupes de trois ou quatre adolescents. On est loin ici des affrontements entre bandes comptant des dizaines de jeunes, qui défrayent la chronique médiatique mais ne sont pas représentatifs de la délinquance juvénile au quotidien et sur l’ensemble du territoire national.
38Ensuite, au terme des recherches, qui sont donc ces jeunes constitués en « bandes » ? Des adolescents issus principalement de milieux ouvriers et doutant de leurs perspectives de « promotion sociale » dans « un monde adulte insécurisant », qui « ne perçoivent leur avenir qu’en fonction de leur affirmation de soi et de leur “débrouillardise” » et font ainsi un séjour plus ou moins prolongé dans des conduites déviantes en groupe, répondent les chercheurs de Vaucresson60. Des jeunes « entrés en conflit avec les normes », « que l’éducation nationale a subtilement contournés » et qui « entrent désormais dans la dépendance à la justice », ajoutera Monod dans sa célèbre ethnologie des Barjots61. Des jeunes de milieux populaires, objet d’une « attention sélective des agences de contrôle social », entretenant avec leur environnement social une relation de « ségrégation réciproque », c’est-à-dire « un double processus se développant en spirale où des perceptions négatives et stéréotypées s’établissent de part et d’autre, renforçant d’un côté la stigmatisation sociale et de l’autre l’adhésion au groupe », ce qui constitue « un véritable processus criminogène » dans la mesure où il créé « une indifférence affective qui permet, et presque appelle, un passage à l’acte62 ».
39Laissons enfin le dernier mot à deux chercheurs de Vaucresson, Hanna Malewska et Vincent Peyre :
Le vrai problème n’est pas que tant d’enfants et d’adolescents « se conduisent mal », c’est qu’ils ont mal, ne trouvent pas une place et ne peuvent se réaliser. […] Si le « développement » n’aide pas ceux pour qui il n’est guère plus, actuellement, qu’un mirage, c’est que les perspectives de ce développement, les moyens employés, les rapports sociaux qui lui correspondent, ne répondent pas pleinement, il s’en faut, à ce que l’on doit en attendre. Ce n’est pas seulement affaire de quelques moyens supplémentaires, c’est un problème de société.63
6. Conclusion : la nécessité du détour historique
Après d’autres pays, la France a découvert depuis deux ans ses « blousons noirs ». Ils n’ont rien de très original et rejoignent les archétypes décrits ailleurs : révoltés, nihilistes, amoraux, immoraux, à l’occasion délinquants. […] Blouson noir, donc. L’expression a fait recette. Elle image parfaitement la nature de l’attitude. Défi et provocation, besoin de singularisation. Comme l’ange noir, annonciateur des apocalypses célestes, le blouson noir inquiète. Est-il le signe avant-coureur d’un « effondrement total des valeurs occidentales » ? Une matérialisation de la « crise morale » du monde déchristianisé ? Une « avant-garde » de la barbarie en laquelle la guerre atomique risque de nous précipiter ? Autant de questions qui placent les « blousons noirs » sur des sommets élevés, sans pour autant les expliquer64
40On le voit, le détour historique par les années 1960 et le début des années 1970 permet de prendre une distance d’analyse face aux discours contemporains (souvent à prétention scientifique par le biais des statistiques) qui ne cessent de s’alarmer sur les prétendues nouveauté, rajeunissement et aggravation constante des délinquances juvéniles en méconnaissant à peu près totalement le passé et en livrant donc un discours en terme d’évolution qui est en réalité dépourvu de tout point d’ancrage et de comparaison précis dans le temps. Chaque époque reconduit du reste à peu près les mêmes stéréotypes et les mêmes discours sur l’évolution de la délinquance juvénile. Nous retrouvons bien aujourd’hui cet « étonnement périodique des adultes de notre société » dont l’ethnologue J. Monod parlait déjà il y a 40 ans comme d’un « rituel » et que lui-même ne parvint du reste pas totalement à éviter65 Lorsqu’il écrit en effet au début de son livre, sans références véritablement précises, que « les choses ont changé » entre le début et la fin des années 1960, que « l’âge des jeunes délinquants s’abaisse » et que « la délinquance féminine s’accroît66 », on croirait entendre un discours contemporain… De même, et toujours en cette année 1968, lorsque le juriste et criminologue Vacile Stanciu rappelle dans son étude de La criminalité à Paris que « la criminalité des jeunes ne date pas d’hier », mais ajoute sans démonstration que « depuis quelques temps le phénomène présente certaines caractéristiques nouvelles : 1) les jeunes agissent surtout en bandes ; 2) la décharge d’agressivité revêt des formes de violence extrême ; 3) cette activité antisociale n’a pas toujours un but lucratif. Souvent il s’agit d’un crime gratuit67 », nous retrouvons presque au mot près bien des discours des années 1990 et 2000. Et pourtant, nous pouvons dire du débat public des années 1960, comme de celui de la période contemporaine, qu’il traduit une dramatisation, un catastrophisme et un moralisme en décalage avec les faits68. L’augmentation de la délinquance juvénile dans les statistiques judiciaires à partir de 1954, associée à la campagne médiatique des « Blousons noirs », a fait surgir à l’époque une panique morale sur ces jeunes et sur leur violence réputée (déjà) « nouvelle », « gratuite » et « extrême ». Pourtant, le seul phénomène véritablement nouveau de l’époque est le vol de voiture, et c’est lui qui porte l’augmentation en question.
41À vrai dire, cette panique morale et ces discours ne sont pas non plus inédits dans les années 1960. En remontant encore d’un chapitre dans l’histoire longue des représentations du crime et des moments où elles dominent le débat public, nous arriverions aux années 1900-1914 où trônait la figure des « Apaches ». Ce terme, issu de l’imaginaire européen du xixe siècle relatif aux « sauvages » d’outre-Atlantique, fut « lancé dès l’été 1900 pour désigner les jeunes voyous de la capitale, et bientôt étendu à tous les délinquants juvéniles, voire à tous les criminels du pays »69 Dans le vocabulaire de l’époque, l’« Apache » est un « dégénéré », incorrigible et irrécupérable70. Mais,
deux circonstances aggravantes viennent compléter ce portrait sans nuance. Sinistre vaurien, l’apache est jeune et a fait le choix de vivre en bande. Pour lui, en effet, délinquance rime avec adolescence, ce nouvel âge de la vie qui émerge alors. Le plus souvent mineur, il a entre 16 et 25 ans, c’est un gamin, un « gredin imberbe », un « conscrit du crime ». […] Il n’est parfois qu’un enfant, un « gamin qui promet », dressé dès l’âge de 8 ans au vol à l’étalage ou à la tire, au guet pour les cambriolages. Demain, il sera l’un de ces « enfants qui tuent » et dont le flot croissant est perçu comme une terrible menace71
42Et, bien entendu, ces jeunes « apaches » sont de plus en plus nombreux. Parmi des centaines, cet extrait d’un article du Petit Journal, en 1907, résume la tonalité : « Leur nombre croît sans cesse. Ils pullulent, ils foisonnent ; leurs bandes sont partout, du centre à la périphérie ; et Paris est, à présent, aux mains d’une vaste organisation criminelle dont les vols à main armée, meurtres, batailles intestines, lutte contre les agents sont les quotidiennes manifestations72 ». Un siècle plus tard, c’est encore une fois quasiment au mot près ce qu’écrivent les commentateurs contemporains les plus catastrophistes.
43Ainsi le détour historique s’avère-t-il un préalable indispensable à l’analyse sociologique du présent. Il permet en effet de mettre en évidence et donc de tenir à distance les catégories d’analyse et les questionnements généraux issus des représentations sociales ordinaires et des débats sociaux, politiques et médiatiques. Peut alors s’ouvrir une authentique réflexion à caractère scientifique sur les évolutions d’un phénomène social, en l’espèce la délinquance juvénile. Pour nous, le détour historique n’a pas d’autre objectif. Il ne vise pas, en particulier, à remplacer les discours alarmistes sur les révolutions d’un phénomène par une présomption inverse d’immobilisme. La société française évolue, socialement, économiquement, politiquement, culturellement et technologiquement. Les pratiques délinquantes évoluent avec elle. Comme évoluaient déjà celles des années 1960. Mais il est clair que la recherche de ces évolutions réelles commence là où finit la déconstruction de ce que Durkheim appelait les « prénotions », ces dernières étant d’autant plus nombreuses et rigides que le thème de la délinquance est surexposé dans le débat politico-médiatique.
44Comparer en détail la période que nous venons d’étudier avec l’époque contemporaine est un travail qui excèderait les limites de ce chapitre et que nous avons tenté ailleurs73. Signalons toutefois – pour finir – cet enseignement majeur que procure le détour historique : tandis que les préjugés ordinaires du temps présent se focalisent sur une prétendue révolution comportementale de la jeunesse, l’étude historique souligne au contraire la grande constance des déterminants psychosociaux des comportements déviants et délinquants juvéniles. Elle invite en retour à interroger davantage d’une part l’évolution des formes et des supports d’expression de ces comportements, d’autre part la gestion de ces comportements par la société globale. Sur le premier point, il est clair que la technologie fait évoluer en permanence ces formes, de même que la très grande diffusion des drogues en même temps que leur prohibition offrent de nouveaux supports de construction délinquante. Mais les évolutions les plus importantes se situent en réalité dans la gestion sociétale de ces comportements, gestion marquée par au moins trois grands processus de judiciarisation, de ghettoïsation et de réduction des prises en charge éducatives au profit d’une punitivité croissante.
Notes de bas de page
1 Voir, par exemple, Dominique Kalifa, L’encre et le sang. Récits de crime et société à la Belle Époque, Paris, Fayard, Paris, 1995, pour le début du xxe siècle et Luc Van Campenhoudt, « L’insécurité est moins un problème qu’une solution », in Revue de droit pénal et de criminologie, n°6, juin 1999, p. 727-738 ; Laurent Bonelli, La France a peur. Une histoire sociale de l’« insécurité », Paris, La Découvertes, 2008 ; Laurent Mucchielli, Violences et insécurité. Fantasmes et réalités dans le débat français, Paris, La Découverte, 2002 ; Laurent Mucchielli, « La “violence” des jeunes : peur collective et paniques morales au tournant du xxe et xxie siècles », in René Levy, Laurent Mucchielli, Renée Zauberman (ed.), Crime et insécurité : un demi-siècle de bouleversements. Mélanges pour et avec Philippe Robert, Paris, L'Harmattan, 2006, p. 195-223 ; Laurent Mucchielli, La frénésie sécuritaire. Retour à l’ordre et nouveau contrôle social, Paris, La Découverte, 2008, pour la période actuelle.
2 Philippe Macaigne, « Quelques réflexions sur la présentation par la presse écrite des “Blousons noirs” », in Annales de Vaucresson, n° 2, 1964, p. 233-255 ; Françoise Tetard, « Le phénomène “blouson noir” en France, fin des années 1950-début des années 1960 », in Collectif Révolte et société, Paris, Publications de La Sorbonne, vol. 2, 1989, p. 205-214 ; Claire Bacher, Le phénomène « Blousons noirs » vu par la presse (fin des années 1950-début des années 1960), Mémoire de maîtrise de l’université de Clermont-Ferrand 2, 2000 ; Ludivine Bantigny, De l’usage du blouson noir. Invention médiatique et utilisation politique du phénomène “blousons noirs” (1959-1962) », in Marwan Mohammed, Laurent Mucchielli (ed.), Les bandes de jeunes, des « blousons noirs » à nos jours, Paris, La Découverte, 2007, p. 19-38.
3 Laurent Mucchielli, « L’impossible constitution d’une discipline criminologique en France. Cadres institutionnels, enjeux normatifs et développements de la recherche des années 1880 à nos jours », in Criminologie, n°1, 2004, p. 28-29.
4 Parmi les bilans extérieurs au centre réalisés à l’époque, signalons aussi celui de, Philippe Robert, « Une unité de recherche criminologique : le centre de Vaucresson », in L’Année sociologique, n°19, 1968, p. 481-512.
5 Émile Copferman, La génération des blousons noirs. Problèmes de la jeunesse française, Paris, La Découverte, 2003 (réédition de 1962, préface de Laurent Mucchielli).
6 Henri Michard, La délinquance des jeunes en France, Paris, La Documentation Française, 1973. L’ouvrage sera réédité en 1978, actualisé et augmenté. Nous n’utiliserons la seconde édition que lorsqu’elle marque des différences d’avec la première, ce qui est très rare au-delà de l’actualisation des statistiques et des références juridiques (Henri Michard, La délinquance des jeunes en France, Paris, La Documentation Française, 1978 [2ème édition revue et augmentée]).
7 Michard, La délinquance des jeunes…, p. 10.
8 Ibidem. Michard n’émet ici qu’une série d’hypothèses courantes qui ressortent des travaux réalisés dans d’autres pays occidentaux, notamment aux États-Unis, et dont Andrée Algan avait présenté un premier panorama dans les Annales de Vaucresson en 1967 (Andrée Algan, « Étude comparative de la délinquance juvénile des garçons et des filles », in Annales de Vaucresson, n° 5, 1967, p. 193-220). Cette chercheuse sera à peu près la seule à travailler sur ce sujet au sein de l’équipe de Vaucresson. Elle en tirera une série de publications, inclus un premier sondage de délinquance auto-déclarée sur une population hélas non-représentative (Andrée Algan, « Approche des représentations des comportements actuels des jeunes », in Annales de Vaucresson, n°15, 1978, p. 183-205).
9 Michard, La délinquance des jeunes…, p. 10-11.
10 Michard, La délinquance des jeunes…, édition de 1978, p. 20. Mais nous sommes ici en 1978. Depuis quelques années, le contexte intellectuel a évolué, avec l’importation en France des théories du contrôle social et de l’étiquetage (Mucchielli, « L’impossible constitution d’une discipline criminologique… »). En outre, l’on s’intéresse depuis peu à la « délinquance cachée », dont les enquêtes de délinquance auto-reportée révèlent Outre-Atlantique qu’elle déborde totalement l’ensemble étroit des jeunes pris en charge par le système pénal. L’année précédente, les Annales de Vaucresson ont ainsi publié un article canadien montrant que « la tolérance différentielle de la communauté et l’action sélective des agents de régulation sociale modèlent la délinquance apparente à partir de la matière que constitue la délinquance cachée » (Marc Leblanc, « La délinquance à l’adolescence : de la délinquance cachée à la délinquance apparente », in Annales de Vaucresson, n° 14, 1977, p. 39).
11 Michard, La délinquance des jeunes…, 1973, p. 10.
12 Ibid., p. 11.
13 Ibid., p. 12.
14 Henri Michard, « Quelques éléments d’interprétation de la statistique relative à la délinquance des jeunes », in Annales de Vaucresson, n°10, 1972, p. 29-30.
15 Élise Yvorel, « Les “blousons noirs” mineurs et l’Éducation surveillée : la répression d’un mythe, in Mohammed, Mucchielli (ed.), Les bandes de jeunes…, p. 39-60. La grande enquête menée par Michel Henry à la fin des années 1960 sur les « mineurs en danger » n’apportera toutefois pas de réponse précise à cette question (Michel Henry, Les jeunes en danger. Le champ d’application de l’assistance éducative, Vaucresson, CFRES, 1972).
16 Jean-François Gazeau, L’épreuve du double tour. Comptes et mécomptes de la justice pénale des mineurs, Vaucresson, Centre de Recherche Interdisciplinaire de Vaucresson, 1984 ; Mireille Gueissaz, « Le ou les noyau(x) marquant(s) », in Les Cahiers de Vaucresson, n°2, 1982, p. 29-57.
17 Sur l’impact de ces mouvements de criminalisation pour la période contemporaine, Véronique Le Goaziou, Laurent Mucchielli, La violence des jeunes en question, Nîmes, Champ Social, 2009, p. 53-55.
18 Michard, « Quelques éléments d’interprétation… ».
19 Jean-Christophe Marcel, Laurent Mucchielli, « André Davidovitch ou le deuxième âge de la sociologie criminelle en France », in L’Année sociologique, vol. 56, n°1, 2006, p. 83-117. Dans ce texte, nous commettons une erreur sur le prénom de Benjamin qui est bien Roger et non René.
20 Roger Benjamin, Délinquance juvénile et société anomique. L’évolution de la criminalité des mineurs en France de 1954 à 1964 : données principales et essai d’explication, Paris, Centre National de la Recherche Scientifique, 1969, p. 18.
21 Ibid., p. 21. Rappelons que les tribunaux de police ne jugent les contraventions et les infractions routières que pour les majeurs, pour les mineurs ce sont les juges des enfants qui restent compétents.
22 Michard, La délinquance des jeunes…, p. 6.
23 Ibid., p. 7 et 25.
24 Jacques Selosse, Vols et voleurs de véhicules à moteur, Paris, Cujas, 1965.
25 Pierre Ceccaldi, « Les nouvelles formes de la délinquance juvénile en France », multigraphié (IIè Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, Londres, 8-20 août 1960).
26 Michard, La délinquance des jeunes…, p. 26.
27 Ibid.
28 Selosse, Vols et voleurs…, p. 86.
29 Rappelons que le parc des voitures particulières passe de moins de 1,5 millions en 1950 à 5 millions en 1960, pour atteindre 15 millions en 1970. C’est le fer de lance de la croissance industrielle. En 1960, Renault est le premier groupe industriel français, tant par le chiffre d’affaires (20 milliards de francs) que par le nombre de salariés (plus de 60 000), devant la Compagnie française des pétroles ; suivent trois autres constructeurs automobiles : Citroën, Simca et Peugeot (Jean-Pierre Rioux, La France de la Quatrième République, Paris, Seuil, vol. 2, 1983, p. 180 et suivantes). À l’époque, les mobylettes font aussi fureur. Il en circule déjà près de 6 millions à la fin des années 1950.
30 Jean Cazeneuve, La vie dans la société moderne, Paris, Gallimard, 1982, p. 93.
31 Joffre Dumazedier, Vers une civilisation du loisir ?, Paris, Seuil, 1962.
32 Michard, La délinquance des jeunes…, p. 7-8. C’est nous qui soulignons le qualificatif « gratuit » pour pointer l’ancienneté de ce jugement face à des commentaires contemporains soulignant à tort le surgissement récent d’une « délinquance gratuite » faite notamment de destructions-dégradations ainsi que d’agressions.
33 Ibid., p. 8.
34 « Une catégorie spéciale d’agression est à signaler : celles qui sont dirigées contre les pédérastes, le soir dans certains lieux publics, et qui revêtent parfois l’aspect de véritables expéditions organisées (il est rare que les victimes portent plainte) » (ibid.).
35 Ibid., p. 28 ; voir également, en dehors de Vaucresson, Michel Henri, Guy Laurent, Les adolescents criminels et la justice, Vaucresson, CFRES, 1974 ; ainsi qu’une thèse pionnière, Margueritte Briguet-Lamarre, L’adolescent meurtrier, Toulouse, Privat, 1969.
36 Michard, La délinquance des jeunes…, p. 8.
37 Ibid., p. 25.
38 Ibid. p. 28.
39 Ibid.
40 « 500 jeunes délinquants, résultats d'une pré-enquête sur les facteurs de la délinquance juvénile », in Enquêtes et Recherches, CFRES, Vaucresson, 1963. L’enquête consistait en la comparaison de ces 500 jeunes délinquants suivis par la justice avec un échantillon représentatif de jeunes non délinquants dans la population française. Dans toute la suite de son analyse, Michard s’appuie aussi beaucoup sur l’enquête de Algan (cf. infra) réalisée sur un échantillon de 1 238 mineurs ayant commis une infraction au cours de l’année 1965, dont les dossiers ont été recueillis dans 10 tribunaux pour enfants plus ou moins représentatifs de la diversité régionale française.
41 Michard, La délinquance des jeunes…, p. 14.
42 Ibid.
43 Ibid., p. 15.
44 La seconde moitié des années 1960 est marquée par l’entrée des femmes sur le marché du travail, entrée accompagnée de certains discours inquiets et moralisateurs présentant plus ou moins ce phénomène comme un abandon de famille. Se cachait naturellement derrière la représentation ordinaire de « la bonne place des femmes » : au foyer à s’occuper des enfants.
45 Ibid., p. 16.
46 Ibid.
47 Ibid.
48 Ibid., p. 16-17.
49 Vincent Peyre, « Les jeunes délinquants et l’école », in Annales de Vaucresson, n° 2, p. 99.
50 Michard, La délinquance des jeunes…, p. 21.
51 Ibid., p. 17-18.
52 Ibid. Michard pointe bien le fait que la plupart des jeunes délinquants proviennent de « catégories sociales à bas niveau de vie », mais il précise bien que la misère n’est pas en soi une explication et que les jeunes délinquants ne sont pas nécessairement issus des familles les plus miséreuses : « l’explication [de la liaison entre délinquance et conditions de vie socio-économiques] est à rechercher dans la façon dont cette situation est vécue par les jeunes. On est ainsi amené à analyser les réactions de participation ou de rejet, face au système des valeurs de la société globale dans un système urbain complexe, où coexistent, se juxtaposent et s’entremêlent des strates de population différentes à la fois quant à leur mode de vie et quant aux possibilités concrètes qu’elles ont de modifier leur statut social » (Ibid., p 17).
53 Ibid., p. 18.
54 Ibid., p. 20.
55 Paul Crespy, « L’aspect sociologique du viol commis en réunion », in Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 1965, p 837-866, Laurent Mucchielli, « Les bandes et la question des viols collectifs. Esquisse d’une analyse sociologique », in Mohammed, Mucchielli, Les bandes de jeunes…, p. 170-174.
56 Hervert Bloch, Arthur Niederhoffer, Les bandes d’adolescents, Paris, Payot, 1963.
57 Albert Cohen, Delinquent boys. The Culture of the Gang, New York, The Free Press, 1955.
58 Par exemple, Pierre Ceccaldi, Le phénomène des bandes…
59 Yvorel, « Les “blousons noirs” mineurs et l’Éducation surveillée… », p. 44.
60 Henri Michard, Jacques Sélosse, La délinquance des jeunes en groupe. Contribution à l’étude de la société adolescente, Paris, Cujas, 1963, p. 251-253.
61 Jean Monod, Les Barjots. Essai d’ethnologie des bandes de jeunes, Paris, Julliard, 1968, p. 458.
62 Philippe Robert, Pierre Lascoumes, Les bandes d’adolescents. Une théorie de la ségrégation, Paris, Éditions Ouvrières, 1974, p. 243.
63 Hanna Malewska, Vincent Peyre, Délinquance juvénile, famille, école et société, Vaucresson, CFR-ES, 1973, p. 192.
64 Émile Copferman, La génération des blousons noirs…, p. 33.
65 Monod, Les Barjots…, p. 11.
66 Ibid., p. 20.
67 Vasile Stanciu, La criminalité à Paris, Paris, Éditions du Centre National de la Recherche Scientifique, 1968, p. 353.
68 Sur les débats contemporains, Muchielli, La frénésie sécuritaire… et Le Goaziou, Mucchielli, La violence des jeunes…
69 Dominique Kalifa, Crime et culture au xixe siècle, Paris, Perrin, 2005, p. 44.
70 Laurent Mucchielli, « Criminologie, hygiénisme et eugénisme en France (1870-1914) : débats médicaux sur l’élimination des criminels réputés “incorrigibles” », in Revue d’histoire des sciences humaines, n° 3, 2000, p. 57-89.
71 Kalifa, L’encre et le sang…, p. 158.
72 Cité par Kalifa dans Ibid., p. 153.
73 Le Goaziou, Mucchielli, La violence des jeunes…
Auteur
(Directeur de recherches au CNRS)
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Violences juvéniles sous expertise(s) / Expertise and Juvenile Violence
XIXe-XXIe siècles / 19th-21st Century
Aurore François, Veerle Massin et David Niget (dir.)
2011
Violence, conciliation et répression
Recherches sur l’histoire du crime, de l’Antiquité au XXIe siècle
Aude Musin, Xavier Rousseaux et Frédéric Vesentini (dir.)
2008
Du sordide au mythe
L’affaire de la traite des blanches (Bruxelles, 1880)
Jean-Michel Chaumont et Christine Machiels (dir.)
2009
L’avortement et la justice, une répression illusoire ?
Discours normatifs et pratiques judiciaires en Belgique (1918-1940)
Stéphanie Villers
2009
Histoire du droit et de la justice / Justitie - en rechts - geschiedenis
Une nouvelle génération de recherches / Een nieuwe onderzoeksgeneratie
Dirk Heirbaut, Xavier Rousseaux et Alain Wijffels (dir.)
2010
Des polices si tranquilles
Une histoire de l’appareil policier belge au XIXe siècle
Luc Keunings
2009
Amender, sanctionner et punir
Histoire de la peine du Moyen Âge au XXe siècle
Marie-Amélie Bourguignon, Bernard Dauven et Xavier Rousseaux (dir.)
2012
La justice militaire en Belgique de 1830 à 1850
L'auditeur militaire, « valet » ou « cheville ouvrière » des conseils de guerre ?
Éric Bastin
2012
Un commissaire de police à Namur sous Napoléon
Le registre de Mathieu de Nantes (10 vendémiaire an XII - 28 août 1807)
Antoine Renglet et Axel Tixhon (dir.)
2013
La Bande noire (1855-1862)
Le banditisme dans l'Entre-Sambre-et-Meuse et ses liens avec l'affaire Coucke et Goethals
Laure Didier
2013
« Pour nous servir en l'armée »
Le gouvernement et le pardon des gens de guerre sous Charles le Téméraire, duc de Bourgogne (1467-1477)
Quentin Verreycken
2014