Chapitre I. Le concile comme événement
Une prise de conscience progressive
p. 83-113
Texte intégral
1L’Église catholique de 1996 n’est pas celle d’il y a trente ans. Qu’est-ce qui fait la différence ? Et jusqu’à quel point est-il légitime de dire qu’il y en a une ? Chacun éprouve la distance, mais le théologien, le pasteur, le sociologue, le simple fidèle, l’homme de la rue, l’historien peuvent avoir à ce sujet des perceptions diverses. Il est cependant un point sur lequel l’accord semble possible, même si tous n’en conviennent pas concrètement : l’Église a une existence historiquement située. Cette petite proposition est moins anodine qu’il y paraît. Certains peuvent l’admettre tout en insistant sur la mission intangible qui fait de l’Église la dépositaire d’un message qui transcende le temps, tandis qu’à l’opposé, d’autres insisteront sur l’étroite solidarité de l’Église avec l’aventure humaine et les avatars de l’histoire qui font de l’Évangile un message d’incarnation, sans cesse relu, adapté, le plus possible actualisé et inculture.
2Les deux optiques relèvent de deux familles d’esprit, l’une plus sensible aux continuités, l’autre aux changements, qui se retrouvent parmi les catholiques comme chez tous les hommes. D’autre part, l’histoire, science du réel concret, n’atteint la vie religieuse qu’au niveau de ce concret, qui n’en fait donc pas une lecture spirituelle. Ces deux facteurs influencent naturellement la perception qu’à trente ans de distance, on peut avoir d’un événement comme le concile œcuménique de Vatican II S’agit-il d’un événement capital pour l’Église du XXe siècle, dont celle-ci, dans ses couches profondes, n’a pas encore vraiment saisi toute la portée, tout en ayant instauré une dynamique qui invite à le dépasser ? Ou bien d’un moment, important certes, mais dont la signification ne doit pas être majorée en allant au-delà des textes, des normes, et aussi des limites tenant à la mentalité de l’époque où l’événement a eu lieu ? Les moyens dont dispose l’historien, surtout dans le cadre étroit de ces quelques pages, pour tenter de rendre quelque chose de l’événement conciliaire, des attentes qu’il a suscitées, des répercussions qui le prolongent – dans l’Église, communauté de mémoire, tous s’y réfèrent d’une manière ou d’une autre –, ces moyens sont ceux de sa discipline : à la fois déterminés par les sources, qui dans ce cas sont surabondantes, mais à peine au début de leur exploitation, et proposant des hypothèses d’interprétation qui doivent sans cesse être soumises à l’épreuve des faits et à des réajustements.
3Les attentes suscitées par le Concile, spécialement en Belgique, ont été évoquées par J.-L. Jadoulle dans la partie introductive du présent ouvrage. Diverses approches sur la manière dont le Concile a été accueilli en Belgique sont présentées dans la seconde partie. On s’en tient ici au Concile lui-même en tant qu’événement. Comme il n’est pas possible de donner un récit complet et suivi de son déroulement1, je me propose de développer quelques aspects jugés déterminants de ce qui a été vécu à Vatican II Tout d’abord, il s’agit d’un événement au sens fort du terme, dans la mesure surtout où la décision de tenir ces assises fut inattendue, où celles-ci éveillèrent un vif intérêt dans l’opinion publique ecclésiale et où, selon leurs témoignages, beaucoup de participants ont affirmé avoir vécu une expérience exceptionnelle de proximité, de communion et aussi d’ouverture universelle. Ensuite, le Concile a été envisagé par son initiateur, Jean XXIII, comme une opération de rajeunissement ecclésial, comme une "cure de jouvence", dans la mesure où ce pape entendit dépasser certains clivages traditionnels : entre le catholicisme comme cité enfermée dans ses murs et les autres Églises chrétiennes, entre les préoccupations internes et les "espoirs et angoisses" du monde, entre les formulations doctrinales, la vie chrétienne et la réforme spirituelle et institutionnelle. Enfin, tout en frayant la voie à un renouvellement de l’Église, l’assemblée conciliaire a été affrontée à la difficulté de se doter d’une organisation adaptée à ses objectifs. Elle a connu, en outre, des crises parfois graves, qui ont conduit à des atténuations du projet initial. Certains facteurs psychologiques ont également joué : le désir assez vite manifeste de ne pas trop prolonger le Concile, l’enthousiasme suscité, chez un grand nombre de participants, par l’expérience vécue, mais aussi l’appréhension qu’éprouvèrent certains à propos de la mise en œuvre. L’évocation de ces difficultés sur le chemin du Concile fera l’objet de la troisième partie de notre texte.
Le Concile comme événement
4À l’occasion de sa première visite à l’abbaye de Saint-Paul-Hors-les-Murs, le dimanche 25 janvier 1959, Jean XXIII, pape depuis le mois d’octobre précédent, annonce « en tremblant un peu d’émotion », aux dix-sept cardinaux présents sa décision de convoquer un Concile œcuménique. Décision inattendue, et même surprenante, de la part d’un pape âgé de septante-sept ans, qui souhaite qu’avec la tenue d’un synode pour le diocèse de Rome et la révision du Code de droit canonique, l’initiative puisse servir à l’édification de tout le peuple chrétien et constituer « une invitation aimable et renouvelée aux fidèles des Églises séparées à participer avec nous à ce festin de grâces et de fraternité, auquel tant d’âmes aspirent de tous les points de la terre »2.
5La surprise causée par cette annonce s’explique de diverses façons. Le pape lui-même assura qu’il avait été le premier surpris par un tel projet qu’il disait inspiré par le Saint-Esprit ; il en avait cependant mûri l’idée depuis son élection le 28 octobre 1958 et certaines de ses expériences antérieures, notamment ses recherches sur les synodes diocésains en Italie du Nord au temps de Charles Borromée et son activité diplomatique et religieuse en Bulgarie, en Turquie et en Grèce de 1925 à 1944, l’avaient sensibilisé à l’activité synodale dans le passé et aux relations avec les autres Églises. D’autre part, la théologie classique depuis Vatican I enseignait qu’un Concile n’était plus nécessaire puisque le pape avait été déclaré primat universel et infaillible. Cependant, Pie XI et Pie XII avaient amorcé discrètement la préparation d’un Concile, respectivement en 1923 et 1948, en vue soit de compléter l’œuvre demeurée inachevée en 1870, soit de prendre position contre les diverses erreurs contemporaines et adapter la discipline de l’Église. Jean XXIII procède autrement que ses prédécesseurs : il rend sa décision publique avant toute consultation de l’épiscopat ; et cette nouvelle suscite un mouvement d’espérance, particulièrement dans les milieux les plus ouverts du catholicisme en Europe, et un certain intérêt, teinté d’incertitude, dans les milieux diplomatiques et du Conseil œcuménique des Églises3. Dans la presse, beaucoup mettent l’accent sur l’objectif œcuménique, imaginant un peu vite une prochaine réunion de toutes les Églises. Plus largement, on ressent confusément ce qu’exprimera en octobre 1962 le cardinal Bea, dans une note sur le programme du Concile : l’opinion publique mondiale suit l’événement depuis son annonce avec la plus grande attention, car beaucoup attendent de l’Église la solution des problèmes actuels du genre humain4.
6Il est certain qu’en raison de la mondialisation des problèmes de l’Église et de la société humaine, le fait même de la convocation d’un Concile apparaissait comme une nouveauté chargée d’espoir et prometteuse d’avenir. Dans un article du numéro spécial de La Revue Nouvelle, consacré au Concile en décembre 1959, un journaliste belge passait en revue les grands problèmes du monde contemporain et concluait :
« Jamais sans doute l’Église n’a eu à faire face à une telle multiplicité de problèmes, à une telle diversité de situations. L’Histoire la met en demeure d’inventer continuellement, dans la fidélité au message de son fondateur, des formes d’adaptation nouvelles. Ceci requiert une grande ouverture d’esprit, une large information, une capacité de prendre et d’appliquer sans retard les décisions qui s’imposent [...]. L’Église à l’heure de Jean XXIII, c’est l’Église à l’heure de l’ère planétaire. Le devoir de chaque catholique, aujourd’hui plus que jamais, est d’ouvrir son esprit et son cœur à tous les problèmes du monde. Catholique signifie universel. »5
7On pouvait s’attendre à ce que le pape Jean XXIII ne tardât pas à assigner au Concile un programme un peu plus précis. S’il accepta sous la pression de son entourage de faire passer au premier plan l’objectif du renouvellement intérieur de l’Église, non seulement il n’abandonna pas son intention œcuménique, bien au contraire6, mais il se refusa à fixer un programme détaillé à la future assemblée. Il voulait avant tout écouter les avis de l’épiscopat mondial, des grandes sociétés religieuses, et des universités catholiques : non pas à partir d’un questionnaire précis, comme on envisagea d’abord de le faire, mais en invitant les destinataires à exprimer « en toute liberté et sérénité » ce qui leur paraissait utile au bien de l’Église7. Ainsi se manifestait d’emblée la volonté d’un échange ouvert. Comme on pouvait le prévoir, les réponses portèrent sur des matières fort diverses8. La Commission antépréparatoire devait se charger de trier tous ces avis en vue de préparer les schémas à discuter en Concile. La rédaction de ces textes revint, à partir de juillet 1960, à dix Commissions préparatoires, auxquelles venaient de s’ajouter deux secrétariats : celui pour l’Unité des Chrétiens et celui « pour la presse et les spectacles »9. Une Commission centrale était instituée, ayant pour tâche principale la révision des textes.
8Les commissions produisirent septante-trois schémas totalisant plus de deux mille pages imprimées. Ces textes témoignaient de la perspective héritée du projet conciliaire de Pie XII : préparer des mises au point doctrinales et des condamnations d’idéologies antireligieuses, réaliser une œuvre que les pères conciliaires n’auraient plus qu’à entériner rapidement.
9Jean XXIII laissa se dérouler le travail préparatoire, par ailleurs placé sous le sceau du secret, tout en expliquant longuement, au gré des mois, comment il concevait lui-même le Concile. Considérant l’entreprise comme le centre et le but de son pontificat, il veille à lui donner une dynamique. Tandis qu’il n’abandonne pas, durant toute la période préparatoire, le thème de l’unité chrétienne, il invite à discerner les signes des temps, à raviver le témoignage de l’Église en impliquant tous ses membres, à adapter les structures ecclésiastiques, à renouveler « la rencontre avec le visage de Jésus ressuscité », bref à orienter le Concile dans la voie d’une pastorale adaptée aux temps nouveaux10. À côté de l’engagement œcuménique et du caractère pastoral que Jean XXIII entend inspirer au Concile, le thème de la paix à laquelle aspirent tous les peuples est tout aussi récurrent. Il ressort particulièrement dans le message du 11 septembre 1962 :
« Harmonie des rapports, coordination, intégration sont des objectifs très nobles qu’on entend proposer dans les rencontres internationales et qui ne laissent d’apporter espoir et encouragement. Le Concile voudra exalter, d’une façon encore plus sacrée et solennelle, les applications les plus profondes de la fraternité et de l’amour. Ce sont des exigences de la nature humaine et elles s’imposent au chrétien comme règle des relations entre individus et entre peuples. »11
10On connaît le rôle personnel que joua le pape en faveur de l’ouverture à l’Est et dans le règlement de la crise des missiles de Cuba, précisément en octobre 1962. C’est en cette dernière circonstance que naquit le projet de l’encyclique sur la paix, Pacem in terris (11 avril 1963), qui ouvre la possibilité d’une "prudente coopération" avec ceux qui n’ont pas une vision chrétienne de l’homme et du monde, et qui aura un retentissement mondial :
« Jean XXIII a franchement renoncé à la nostalgie dont ses prédécesseurs n’avaient pas réussi à se dégager complètement, d’une chrétienté de type médiéval où la concorde entre les nations résulterait d’une commune obéissance aux impulsions venues du Vatican. »12
11Au début de février 1962, Jean XXIII fixe la date d’ouverture du Concile au 11 octobre suivant13. Le travail préparatoire est en voie d’achèvement et le pape s’en déclare publiquement satisfait. Cependant, plusieurs membres de la Commission centrale attirent son attention, soit sur le manque d’esprit œcuménique des schémas, soit sur leur manque d’ouverture aux problèmes du monde contemporain. En mars, le cardinal Suenens, archevêque de Malines, se plaint au saint-père de l’absence d’une perspective d’ensemble, d’un plan pour le Concile14. Le pape lui demande alors de rédiger une note, puis un projet de plan. Ce dernier est soumis ensuite à plusieurs cardinaux15. Mais, tout en reprenant certains éléments de ce plan dans son message du 11 septembre suivant, Jean XXIII ne croit toujours pas devoir imposer au Concile un programme déterminé. S’il écoute les avis de son entourage, il dit aussi vouloir laisser toute liberté aux pères dans la fixation de leur ordre du jour.
12Ne risquait-il pas ainsi d’exposer une assemblée aussi nombreuse – 2500 personnes – à la paralysie ? D’autant que la structure mise en place pour diriger le Concile allait rapidement révéler ses faiblesses. Reconnaissant qu’« en matière de Concile, nous sommes tous novices », le pape n’en restait pas moins confiant dans son inspiration. Il le montra bien quand, dans son discours d’ouverture du 11 octobre 1962, il développa sa vision de ce qu’il attendait du Concile16 : une nouvelle affirmation du magistère toujours vivant, présenté aujourd’hui d’une façon extraordinaire à tous les hommes, autour de Jésus-Christ « toujours au centre de l’Histoire et de la vie », dans des circonstances particulièrement favorables. Jean XXIII réagit ici aux appréciations de ceux qui ne voient que "ruines et calamités" dans la société du temps ; il vaut mieux reconnaître l’action de la Providence qui dispose tout pour le bien, par exemple le fait que l’Église peut faire entendre sa voix car elle est « enfin libérée de tous les obstacles profanes d’autrefois ».
13Un thème qui par la suite fera couler beaucoup d’encre est celui du caractère pastoral que Jean XXIII a voulu imprimer au Concile. Dans les sphères romaines, surtout au Saint-Office, les deux termes "doctrinal" et "pastoral" sont bien distincts, sans doute car le Saint-Office entend veiller sur les "principes", les "doctrines", laissant à d’autres bureaux les questions pratiques d’application17. Cette distinction, commode dans la gestion d’une institution comme l’Église, spécialement pour l’enseignement traditionnel de la théologie, Jean XXIII semble bien l’avoir fortement relativisée dans son discours d’ouverture. On a dit que celui-ci confiait au Concile une tâche avant tout pastorale. C’est bien exact, mais pas dans le sens où l’assemblée n’aurait pas à s’occuper sérieusement de doctrine : le dépôt sacré doit être « conservé et présenté d’une façon plus efficace » ; il faut « transmettre dans son intégrité, sans l’affaiblir ni l’altérer, la doctrine catholique » mais en nous mettant « joyeusement, sans crainte, au travail qu’exige notre époque » ; cette doctrine, nous la connaissons, il n’est pas nécessaire « de répéter plus abondamment ce que les pères et les théologiens anciens et modernes ont déjà dit », mais il faut étudier cette doctrine « suivant les méthodes de recherche et la présentation dont use la pensée moderne » ; la forme de l’énonciation a beaucoup d’importance, la doctrine doit être présentée « en mesurant tout dans les formes et proportions d’un magistère à caractère essentiellement pastoral ». Le pape n’a pas voulu que le Concile ne soit pas doctrinal ; il a voulu qu’il le soit d’une manière pastorale, c’est-à-dire centrée sur une présentation du message attentive à se faire entendre dans les cultures contemporaines, non sur des définitions nouvelles de vérités théologiquement satisfaisantes mais inopérantes18. À l’égard des erreurs, la préférence, dont parle ensuite le pape, en faveur du « remède de la miséricorde » plutôt que pour « les armes de la sévérité » se situe dans le même esprit.
14L’autre point fort du discours apparaît dans sa dernière partie en couronnement des nombreux propos tenus par le pontife depuis le 25 janvier 1959 : l’aspiration à l’unité chrétienne. Mais l’horizon s’est élargi et la vision s’ordonne : l’Église estime de son devoir de faire tout pour que s’accomplisse l’unité de la famille humaine, selon une triple irradiation : unité très ferme des catholiques entre eux, unité des chrétiens et unité de ceux qui appartiennent aux diverses familles religieuses non chrétiennes, qui représentent la portion la plus notable des créatures humaines19.
15Dans son discours d’ouverture du Concile, Jean XXIII posait ainsi un regard positif sur l’Église et sur le monde. Il ne donnait pas un programme précis aux pères conciliaires, il définissait un esprit fait d’ouverture, il se voulait plus l’animateur, l’âme du Concile, que son chef. Il aura l’humilité de reconnaître, trois mois plus tard, une fois achevée la première période, qu’en conscience, il sentait devoir mieux prendre sa place comme « vrai président’’20.
16Le discours du 11 octobre, prononcé en latin et pas bien suivi par tous, ne provoqua pas dans l’instant une impression particulièrement vive sur l’assemblée des évêques. Ce qui a constitué l’événement de la première période, du 11 octobre au 8 décembre 1962, c’est l’apparition d’une certaine prise de conscience conciliaire parmi les pères. Deux circonstances principales y ont contribué. Lors de la première congrégation générale après l’ouverture solennelle, il fallait élire les pères destinés à former les commissions chargées d’élaborer les textes. Or, deux cardinaux membres du Conseil de présidence demandent à l’improviste que les élections soient postposées pour laisser aux pères le temps de se connaître et permettre ainsi que les élus représentent toutes les tendances, ce qui n’avait pas été le cas dans les commissions préparatoires21. Les élections furent effectivement différées de quelques jours. Ensuite, du 22 octobre au 14 novembre, on se consacre au débat sur le schéma de Constitution sur la Liturgie, qui était généralement considéré comme le meilleur des schémas préparatoires22. Le vote du dernier jour portant sur l’acceptation des orientations générales du schéma – avant son remaniement en commission – permet de dégager une écrasante majorité favorable23.
17La situation était tout autre pour le schéma sur les sources de la Révélation, qui était plein d’énoncés notionnels, notamment à propos de la distinction entre Écriture et Tradition et qui était fort retardataire quant à l’application à la Bible des méthodes modernes de critique. Mais s’il fut tout de suite question de trouver un moyen de remanier complètement le texte, ce ne fut pas tant, d’après une interprétation récente24, parce qu’on incriminait certains éléments du contenu du texte, mais plutôt car l’assemblée prenait conscience de l’enjeu pastoral et œcuménique défini par le pape dans son discours d’ouverture : le texte sur la Révélation offrait l’exemple d’un exposé théologique et magistériel non soucieux de rendre la Parole vivante de Dieu accessible au peuple croyant. Bien que le vote d’orientation, finalement décidé, n’ait pas permis d’obtenir les deux-tiers des voix requis pour le renvoi du texte, Jean XXIII passa outre au règlement et décida motu proprio de faire réviser le schéma, non par la Commission doctrinale, en principe seule compétente, mais par une Commission mixte où interviendraient des membres du Secrétariat pour l’Unité des Chrétiens. Par delà les règles établies, le pape percevait qu’une tendance dominante rejoignait ses préoccupations. Il faisait droit à cette tendance et ouvrait ainsi la voie à la révision possible des autres schémas préparatoires à propos desquels les critiques, notamment allemandes et hollandaises, étaient nombreuses.
18Les deux dernières semaines de la première période furent consacrées d’abord à un bref débat sur le texte concernant les moyens de communication sociale, puis au schéma sur l’unité de l’Église préparé par la Commission pour les Églises orientales25, enfin au schéma préparatoire consacré à ce qui commençait à apparaître comme le thème central du Concile : l’Église, avec les questions-clés de la place de l’épiscopat et du statut des laïcs en son sein. Pendant le peu de temps dont on disposait encore, les critiques sur ce schéma se firent abondantes. Deux évêques belges se manifestèrent alors d’une façon particulière26 : Mgr De Smedt, évêque de Bruges, dénonce, comme défauts majeurs dans la façon dont l’Église est présentée dans le schéma, le triomphalisme, le cléricalisme et le juridisme. Et, le 4 décembre, le cardinal Suenens propose à l’assemblée un programme d’ensemble dans la ligne du plan qu’il avait rédigé à la demande du pape avant l’ouverture du Concile : l’assemblée devrait centrer toute son activité sur l’Église envisagée d’abord ad intra, dans ce qu’elle est en elle-même, puis ad extra, dans ce qu’elle est et fait dans le monde. L’intervention s’achevait sur la proposition de créer un Secrétariat pour les problèmes du monde actuel. Le même jour est annoncée la réduction des septante-trois schémas préparatoires à vingt textes plus brefs. Et le lendemain, le cardinal Montini, alors archevêque de Milan, appuie le programme proposé par son collègue de Malines.
19La première période conciliaire, achevée le 8 décembre, n’avait produit aucun texte définitif et n’avait pas permis de fixer un programme de travail. La volonté qu’avait eue le pape de s’en tenir à quelques orientations fondamentales et de laisser aux pères la plus grande liberté pour choisir leurs marques, mais aussi un certain manque d’organisation et la résistance de certains leaders curiaux, qui avaient tenté de sauver les textes préparatoires, tout cela expliquait la situation. L’assemblée avait dû se chercher. L’essentiel de l’événement résidait dans le fait que les évêques du monde avaient commencé à se connaître en se rencontrant, à prendre conscience de leur mission et de leur force collective, à dégager une majorité favorable à l’ouverture œcuménique et pastorale. Les impulsions pontificales n’étaient pas restées lettre morte. Un de ceux qui s’affirmaient comme leaders du Concile, le cardinal Léger, déclarait à la fin de la période que tout était à refaire, mais qu’en deux mois, il s’était réalisé davantage que pendant les six mois du Concile Vatican 127. Le père Jacques Dupont, exégète bénédictin belge, arrivé à Rome le 30 novembre 1962, résume ses impressions lors d’un exposé fait le 18 décembre suivant à son abbaye de Saint-André (Bruges). Il affirmait notamment :
« Eh bien l ce qui est formidable, c’est la manière dont, au cours de cette première session, les évêques ont pris conscience du rôle qu’ils avaient à assumer collectivement dans la direction de l’Église. Aux dires des évêques eux-mêmes, le grand résultat de cette première session s’est réalisé dans l’esprit des évêques eux-mêmes. Ils ne sont pas rentrés chez eux avec la même psychologie qu’avant le Concile [...]. Les évêques se sont rendu compte qu’ils devaient construire "ensemble". Et c’est sûrement un des traits les plus frappants du Concile que la cohésion qu’il a réalisée entre les évêques. »28
20Mon intention n’est pas de suivre ici le Concile dans son déroulement chronologique, avec l’évolution des débats et l’adoption des textes29, mais de mettre en relief trois aspects saillants : ce qui, en lui, a représenté un événement au sens d’une dynamique nouvelle ; les moments révélateurs d’une volonté de rajeunissement de l’Église ; les limites, institutionnelles et autres, qui ont marqué l’entreprise. La dynamique amorcée au cours de la première période se confirme-t-elle dans la suite du Concile, alors que se met en place une organisation plus ferme des travaux ? Cette nécessaire organisation a-t-elle freiné le mouvement ou, au contraire, l’a-t-elle empêché de s’enliser ? Faut-il admettre que le sentiment de convergence autour du pape et de quelques leaders n’avait qu’un caractère affectif, émotionnel ? Et que ce sentiment était assez éloigné des préoccupations des "politiques" soucieux de gérer au mieux les tendances diverses qui, inévitablement, s’affirmeraient au gré de la prolongation du Concile ? Les études disponibles ne permettent pas de répondre entièrement à ces questions avec précision.
21Pour conclure cette évocation du Concile comme événement, je me limite à citer quelques faits significatifs, à partir d’études et de témoignages, qui concernent la dynamique de communion qui s’est développée pendant les quatre années du Concile. Ce qui retient surtout l’attention, ce sont les réseaux qui s’organisent en marge des assises officielles30 : rencontres informelles d’évêques logeant dans le même hôtel ou le même institut, réunions organisées de l’épiscopat d’un continent, d’une même région ou d’un même pays, rencontres de délégués de plusieurs conférences épiscopales, réseaux de liaison entre résidences des évêques pour réunir des adhésions à un texte, à un vote ou à une prise de parole31, participation à des conférences où des spécialistes montrent aux évêques les enjeux du débat en cours dans l’Aula conciliaire, participation, effective quoique officieuse, aux travaux des observateurs non catholiques.
22En se limitant aux seules études déjà réalisées sur toutes ces activités paraconciliaires, il serait possible de se livrer à d’assez long développements. Contentons-nous de quelques illustrations suggestives. Craignant l’écrasement par l’énorme masse des évêques et théologiens d’Europe et d’Amérique du Nord, les pères venus d’Afrique (260 au début, dont une soixantaine d’Africains) s’organisent rapidement en une assemblée générale, dénommée la Pan-Africaine32. Grâce à ses deux secrétariats, anglophone et francophone, des relations entre évêques d’Afrique s’établissent ici pour la première fois ; et neuf groupes régionaux sont constitués. Un comité de théologiens pour l’Afrique se forme au début de la seconde période (septembre 1963). Un centre pour les réunions et conférences s’installe à la Via Traspontina. Ces instances constituées définissent notamment des orientations communes à propos des schémas à discuter et conviennent du choix de porte-parole dans l’Aula. Des conférences nombreuses sont organisées, qui offrent aux évêques d’Afrique et d’ailleurs l’occasion d’effectuer un véritable recyclage théologique. La Pan-Africaine fonctionne plus ou moins bien pendant tout le Concile.
23Les évêques d’une même région logent parfois au même hôtel : c’est le cas pour ceux d’Afrique occidentale et équatoriale. Ceux-ci établissent ainsi des « liens quotidiens essentiels à la naissance d’un esprit collectif »33. Un groupe de travail entre évêques et théologiens français et allemands s’organise en octobre 196234.
24L’homogénéité des positions de l’épiscopat belge est grandement favorisée par la « commensalité quotidienne » au Collège belge35. La plupart des évêques français sont logés dans quatre maisons religieuses, mais pour les rencontrer tous, il faut se rendre dans une quinzaine de lieux de résidence. Les réunions plénières de l’épiscopat français révèlent assez vite leur inefficacité pratique et un Comité de réunion de cet épiscopat est mis sur pied en décembre 196236.
25À un niveau plus large, tandis que des conférences épiscopales s’organisent ou prennent plus de consistance à l’occasion même du Concile37, des liens s’établissent entre épiscopats nationaux. En novembre 1962 s’organise une coordination des secrétaires de quinze conférences épiscopales, qui prend le nom de Lien de charité pour le Concile. S’y ajoute, au même moment, une Interconférence de délégués d’une vingtaine d’épiscopats, qui se réunissent chaque semaine pendant toute la durée du Concile. Cet organisme, surnommé la Conférence des Vingt-deux, jouera un "rôle capital"38.
26Quant à la présence et à l’activité des observateurs et invités non catholiques au sein du Concile, il importe de noter qu’elles ont eu une signification dépassant largement ce qu’aurait pu laisser prévoir leur statut formel. Leur nombre croissant au gré des périodes conciliaires est un premier indice de l’intérêt rencontré par l’événement dans les autres Églises chrétiennes : de cinquante-quatre à la première période, le nombre des observateurs double par la suite39. Sans qu’il ait été question de négociations en vue de l’unité des chrétiens, le rôle des observateurs fut multiforme : assistance aux congrégations générales ; partage de la Parole de Dieu ; rencontres hebdomadaires au Secrétariat pour l’Unité, au cours desquelles ils étaient éclairés sur les débats en cours, exprimaient leurs points de vue, oralement et dans des notes ; multiplication des échanges avec les épiscopats et théologiens catholiques. Dans sa chronique inédite de la seconde période, un expert de l’épiscopat zaïrois, le dominicain belge Bernard Olivier, note, au moment où, à partir du 18 novembre 1963, est discuté le projet de décret sur l’œcuménisme :
« Il est incontestable que la présence dans l’Aula des observateurs non catholiques, présence silencieuse mais proche, exerce une grande influence sur les débats. Chaque père qui prend la parole a conscience de parler devant eux et beaucoup parlent pour eux. La plupart d’ailleurs commencent leur discours par l’adresse : Venerabiles Patres conciliares, Carissimi fratres observatores et auditores [...]. Ce Concile n’entend pas défendre des positions dogmatiques, ce qui est toujours un peu négatif, mais chercher vraiment les chemins de l’unité. Et sur ce point, il est en train de réaliser l’objectif assigné par Jean XXIII : un aggiomamento de l’Église. Il s’accomplit réellement. »40
27Bref, leur présence se mua rapidement en participation, au point que, sans avoir officiellement droit à la parole, nombre d’entre eux s’impliquèrent davantage que beaucoup de pères, si l’on se base sur le fait que deux-tiers de ceux-ci ne prirent jamais la parole dans l’Aula conciliaire. Par toutes ces démarches, les Églises et communautés chrétiennes non-catholiques ont, d’une certaine manière, réellement participé au Concile.
28Ici aussi, l’événement ne fut pas banal. L’aspiration œcuménique de Jean XXIII, assumée par son successeur, ne resta pas lettre morte. Elle trouva à se réaliser d’une façon particulièrement expressive dans deux circonstances solennelles au moment de la clôture du Concile : lors de la célébration œcuménique de Saint-Paul-Hors-les-Murs, le 4 décembre 1965, au cours de laquelle Paul VI déclara aux chrétiens non catholiques participants du Concile :
« votre départ produit autour de nous une solitude qu’avant le Concile nous ne connaissions pas et qui, maintenant, nous attriste ; nous voudrions vous voir toujours avec nous l [...] nous avons recommencé à nous aimer, et fasse le Seigneur qu’au moins à cela le monde reconnaisse que nous sommes vraiment ses disciples »41,
29puis, pendant la dernière congrégation générale, le 7 décembre suivant, quand fut donné lecture de la déclaration commune de Paul VI et du patriarche Athénagoras, annonçant la fin des excommunications réciproques du XIe siècle entre Rome et Constantinople, geste qui exprimait, selon le pape,
« une sincère volonté réciproque de réconciliation et [...] une invitation à poursuivre [...] le dialogue qui les [les deux Églises] amènera, Dieu aidant, à vivre de nouveau [...] dans la pleine communion de foi, de concorde fraternelle et de vie sacramentelle qui exista entre elles au cours du premier millénaire de la vie de l’Église »42.
30Un autre appel évangélique fut entendu pendant le Concile : celui qui poussa certains évêques à sensibiliser leurs confrères à la pauvreté dans le monde et au témoignage que pourrait donner une Église elle-même pauvre. On traitera ce point au paragraphe suivant.
31Nous avons vu qu’à la fin de la première période, un sentiment de communion dans la responsabilité ecclésiale s’était éveillé parmi les pères conciliaires. Dans les témoignages et lettres qui furent publiés par la suite, un certain nombre d’évêques exprimèrent le même sentiment faisant part qui de sa joie, qui de son enthousiasme pour l’expérience de fraternité qu’ils avaient vécue pendant de longs mois de travail commun43.
32Mgr Himmer, évêque de Tournai, remarquait :
« Avant d’approfondir la collégialité et de la fixer dans les textes officiels, nous commencions à la vivre [...] nous nous sommes sentis solidairement responsables devant Dieu et devant nos contemporains du sort de toute l’humanité d’aujourd’hui. »44
33Et un évêque allemand précisait :
« Même si le Concile n’avait pas donné lieu à des discussions significatives, ni arrêter des textes importants, il aurait déjà trouvé son sens dans la communauté fraternelle dans laquelle les évêques avaient vécu, communauté qui pour tous fut facteur de salut [...]. C’est ce témoignage que les évêques du monde devaient donner : telle était bien la volonté spéciale de Dieu. »45
34Il est du devoir de l’historien de chercher à comprendre la portée de cette expérience, à caractère surtout spirituel, et d’essayer de saisir comment une telle expérience a exercé une influence réelle, soit auprès du peuple chrétien, soit auprès des instances romaines, en s’inscrivant dans la durée. Mais, en elle-même, elle confère au Concile une valeur qui, tout en dépassant l’œuvre plus directement analysable, contribue largement à en faire un événement historique. C’est ce que le professeur Alberigo résume en une phrase lapidaire : « la nouveauté la plus significative de Vatican II ne tient pas à telle ou telle formulation, mais au fait même d’avoir été convoqué et célébré »46.
Un Concile pour l’aggiomamento
35Tout en insistant sur le caractère pastoral du futur Concile, le pape Jean XXIII mit aussi très vite au centre de ses préoccupations un objectif connexe qu’il dénomma : l’aggiomamento. Il ne parlait pas de "renouveau" ou de "réforme", termes susceptibles d’être compris diversement ou même erronément. Pour lui, l’Église devait accepter de rencontrer son époque et, pour le faire adéquatement, de se ressourcer à l’Évangile. Un organisme immobile, replié et sûr de lui-même, ne peut risquer la rencontre. En parlant de "mise à jour", le pape Jean proposait une attitude de recherche en vue d’une inculturation renouvelée de la Révélation47. Attitude qui débordait largement la méthode des Conciles antérieurs, surtout celui de Trente, consistant en réformes disciplinaires et mises au point doctrinales, et au cœur de laquelle le spirituel et l’institutionnel étaient en jeu l’un et l’autre, au profit d’un rajeunissement de la vie chrétienne et de l’Église : fidélité à la Tradition et renouvellement devaient se conjuguer. Concile pastoral et aggiomamento sont, chez Jean XXIII, des concepts qui s’expliquent et s’enrichissent réciproquement.
36C’est dans cette perspective qu’il prit, dès 1960, une initiative dont l’importance fut décisive : la création du Secrétariat pour l’Unité des Chrétiens. Cet acte marque l’entrée officielle de l’Église catholique dans le mouvement œcuménique. Mais il a en même temps une signification en rapport direct avec le Concile. D’une part, car le Secrétariat fut intégré, non sans peine, dans les instances conciliaires. D’autre part, car la "mise à jour" de l’Église catholique se réalisa, dans une large mesure, en tenant compte, et en se plaçant sous le regard, des autres Églises, grâce à la direction énergique et éclairée du président du Secrétariat, le cardinal A. Bea, et de son actif secrétaire, J. Willebrands : un Allemand et un Hollandais. Peu de temps avant sa mort, Jean XXIII confiait à V. Veronese, l’ancien directeur général de l’Unesco : « Imaginez quelle grâce le Seigneur a donnée en me faisant découvrir le cardinal Bea »48. C’est au Secrétariat que reviendra, non sans contestation de la part du président de la Commission doctrinale, la tâche de rédiger les textes, non seulement du décret sur l’engagement catholique dans l’œcuménisme, mais de deux autres documents conciliaires qui se plaçaient parfaitement dans l’optique d’ouverture de l’Église au monde et qui offrirent matière à des débats très vifs : les déclarations sur les religions non-chrétiennes et sur la liberté religieuse, adoptées aux tout derniers moments du Concile.
37L’idée, née en août 1962 chez certains évêques et bientôt reprise dans un projet de texte dû au dominicain français M.-D. Chenu, d’inaugurer le Concile par un message à tous les hommes, s’exprima dans un document inspiré des discours de Jean XXIII (11 septembre et 11 octobre), qui fut finalement rédigé par quatre évêques français et adopté par l’assemblée des pères peu après l’ouverture du Concile49. « Nous cherchons – y déclarent les évêques du monde – comment nous renouveler nous-mêmes pour nous trouver de plus en plus fidèles à l’Évangile du Christ ». Et, si le Concile n’a d’autre mission que de rénover l’Église pour présenter au monde le visage attirant du Christ, il ne se détourne pas pour autant des tâches terrestres, de toutes les souffrances et aspirations des peuples : « aussi, dans nos travaux, donnerons-nous une part importante à tous ces problèmes terrestres qui touchent à la dignité de l’homme et à une authentique communauté des peuples », en particulier à la recherche de la paix et aux exigences de la justice sociale. Pour caractériser ce message, Paul VI remarquait dans son discours lors de l’ouverture de la deuxième période du Concile : « vous avez voulu tout d’abord vous occuper non pas de vos affaires mais de celles de la famille humaine, et engager le dialogue non pas entre vous mais avec les hommes »50.
38Cette préoccupation ad extra, exprimée en termes inévitablement généraux, répondait à un des vœux du nouveau pape, elle s’approfondira de diverses manières par la suite. Elle prendra une forme officielle dans la Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps, qui connaîtra un long cheminement, et ne sera adoptée que le 7 décembre 1965 : le fait même d’avoir voulu ce document, comme aussi ceux sur les religions non-chrétiennes et sur la liberté religieuse, constitue une des initiatives originales de Vatican II.
39Il y eut cependant d’autres démarches, qui témoignent de la volonté conciliaire de marquer la solidarité chrétienne à l’égard de l’humanité. Le message du 20 octobre 1962 parlait de sollicitude pour les plus pauvres. Six jours plus tard se tenait la première réunion d’un groupe d’évêques particulièrement préoccupés par la pauvreté dans le monde et par la nécessité d’une Église revenant elle-même à un esprit et un style de vie plus pauvres.
« C’est ainsi – témoigne l’évêque de Tournai, Ch. Himmer, qui fut l’un des principaux responsables du groupe "Jésus, l’Église et les pauvres"– que très tôt nous nous sommes retrouvés à Rome entre pasteurs qui souffraient de la même angoisse en face d’une Église presque totalement absente aux masses travailleuses ou aux masses pauvres d’aujourd’hui [...]. Comment donc combler cette distance ? [...] ce problème prenait pour nous sa portée universelle et nous apparaissait plus vaste et plus actuel que jamais. Nous nous répétions que le Concile ne pourrait l’éluder sans faillir gravement à son devoir. Aussi prenions-nous ensemble le parti d’en étudier les principaux aspects et d’y intéresser nos collègues. »51
40À l’invitation de Mgr Himmer et de Mgr Hakim, évêque melkite de Galilée, qui offrent la présidence au cardinal Gerlier, archevêque de Lyon, les réunions se tiennent chaque semaine au Collège belge. Dès la seconde, quarante-sept évêques et dix-neuf experts sont présents. En 1963, ils seront respectivement quatre-vingt-six et vingt-six. Ce groupe n’a rien d’officiel et il n’a pas pesé en tant que tel sur les décisions du Concile. Mais il servit de stimulant pour entretenir, après le Message au monde, l’attention des pères aux problèmes humains et à leurs répercussions sur la réforme interne de l’Église. Les échanges qui s’y déroulent inspirent les interventions de certains évêques dans les débats sur les grands schémas consacrés à l’Église et à l’Église dans le monde actuel.
41Sur un terrain plus large, l’intervention in Aula du cardinal Lercaro, le 6 décembre 1962, qui se situe davantage dans la ligne du discours d’ouverture, où Jean XXIII avait lancé l’expression « Église des pauvres », est considérée généralement comme la plus fondamentale de la première période. L’archevêque de Bologne, qui par ailleurs s’est fait représenter au groupe du Collège belge, explique que le Concile ne répondra pas à sa mission s’il ne fait pas du mystère de Dieu dans les pauvres et de l’évangélisation des pauvres le centre et l’âme de son œuvre doctrinale et législative : pour lui, le thème central du Concile est l’Église en tant précisément qu’elle est l’Église des pauvres. Ce discours prophétique n’est pas « entendu «, même par la majorité ouverte. Mais c’est à la même époque qu’est prise la décision de mettre en chantier un schéma sur l’Église dans le monde. Le groupe du Collège belge s’en trouva conforté pendant la seconde période du Concile. Mais alors, Paul VI charge Lercaro d’examiner comment donner aux suggestions du groupe une forme pratique et officiellement conciliaire. Lercaro rédige, avec l’aide de quelques évêques, dont Ch. Himmer, un mémoire qui n’est remis au pape qu’en novembre 1964 et qui n’a pas d’effets. Entretemps, tout en rencontrant certaines tensions internes, le groupe du Collège belge se consacra à une action plus discrète, qui aboutit à la rédaction et la diffusion de deux documents sur l’adoption d’un style de vie du clergé tenant compte de l’évangélisation des pauvres, et à une concélébration aux catacombes52, où une quarantaine d’évêques s’engagèrent à accueillir, pour eux-mêmes, la grâce de la pauvreté.
42Si elle n’en est peut-être pas la source principale, l’influence du groupe « Jésus, l’Église et les pauvres » sur certains gestes symboliques du pape Paul VI et sur les documents conciliaires n’en fut pas moins réelle. On sait que Paul VI renonça à la tiare, prit un bâton pastoral surmonté d’un crucifix et qu’à la fin du Concile, il offrit aux évêques un anneau : « invitation discrète sans doute à renoncer à l’autre, qui jusqu’ici était orné d’une pierre précieuse »53.
43D’autre part, dans ses constitutions et décrets, le Concile pousse l’Église sur le chemin de la pauvreté évangélique et de l’ouverture au monde des pauvres. La Constitution sur l’Église Lumen gentium fait un devoir à tous les baptisés de reproduire les traits du Christ serviteur souffrant, et Gaudium et spes, la Constitution sur l’Église dans le monde de ce temps, prend nettement position en faveur de la justice sociale à l’échelle mondiale et contre « les énormes inégalités économiques » qui vont s’aggravant54.
44La double question de l’Église pauvre et de son attitude envers les pauvres n’a cependant pas paru assez mûre pour être le fondement du renouveau évangélique que cherchait le Concile. Certains évêques n’ont pu « s’empêcher de reconnaître dans la redécouverte de la pauvreté la clef de beaucoup, sinon de tous les problèmes »55. Des leaders tels que Jean XXIII et le cardinal Lercaro ont pu tenter de faire percevoir que ce point central de l’Évangile permet de dépasser les distinctions courantes entre réforme institutionnelle, mise à jour doctrinale et renouvellement spirituel, car il implique toute la pensée et le comportement chrétiens. Une prise de conscience se produisit incontestablement. Sont-ce les habitudes mentales, la diversité des sensibilités, le manque de maturité ou le trop grand nombre de questions à traiter qui ont empêché d’aller plus nettement de l’avant dans cette voie ?
45Ce que certains hommes et aussi les textes ont exprimé et essayé de transmettre à propos de la pauvreté illustre une donnée fondamentale de l’événement, qui en résume l’esprit, même si, en bien des matières, il est resté « au milieu du gué »56 : un appel à la réforme permanente, dans l’adaptation des formes et des formulations comme dans la rénovation intérieure.
46Les aspects les plus visibles du renouveau – ceux qui sont inscrits dans les textes conciliaires – ont concerné la place primordiale du peuple de Dieu dans la façon de comprendre l’Église, la réalité du collège épiscopal comme un des deux pouvoirs suprêmes, la place des laïcs dans la vie des communautés ecclésiales, le renouveau liturgique, l’engagement œcuménique de l’Église catholique et la liberté religieuse, celle-ci n’ayant été envisagée qu’au seul sens du droit de chaque homme à ne pas subir de coercition en matière religieuse. Ces thèmes sont présentés au chapitre suivant.
47Deux aspects de la réforme institutionnelle furent abordés lors du débat concernant le décret sur la charge pastorale des évêques, en novembre 1963 : en conformité avec l’affirmation de la collégialité épiscopale, la création d’une instance de gouvernement collectif dans l’Église et la réforme de la Curie romaine. L’idée d’un conseil exécutif suprême, formé d’évêques se relayant auprès du pape, fut avancée par le patriarche melkite Maximos IV, appuyé par quelques autres ténors. La critique à l’égard des bureaux romains, en particulier à propos des méthodes du Saint-Office, vit monter en première ligne le cardinal Frings, archevêque de Cologne. Paul VI invita le cardinal allemand à lui faire des propositions de réforme curiale. Outre le mémoire qui fut présenté au pontife et qu’avait rédigé le canoniste de Louvain W. Onclin, d’autres documents du même genre se mirent à circuler. En fait, comme le déclara le cardinal Lercaro, pareille réforme restait du ressort du pape, qui laissa entendre qu’il s’en chargerait personnellement. Quant au conseil d’évêques, il n’en fut plus question. Au début de la quatrième période (14 septembre 1965), Paul VI eut l’initiative d’une formule qui, bien que présentée comme prolongeant le débat antérieur, était différente : celle d’un synode d’évêques, organe romain et simplement consultatif qui se réunirait à intervalles réguliers. Il apportait ainsi une réponse partielle, « au milieu du gué », aux vœux de la majorité conciliaire.
48On peut dire globalement qu’au cours de la phase où il géra le Concile, Paul VI a compris un peu différemment que Jean XXIII l’idée d’aggiornamento. Si l’initiateur du Concile pensait à une rénovation globale au miroir de l’Évangile, sans trop entrer dans des précisions sur les secteurs spécialement visés, Paul VI, qui se trouva confronté à de vifs débats théologiques qui l’inquiétèrent, relança la dynamique conciliaire, au cours des deux dernières périodes, en l’orientant vers le terrain pratique des problèmes immédiats de l’humanité : affirmation de la liberté religieuse, recherche du dialogue, sans anathème, avec l’athéisme et le communisme, proscription de la guerre totale et condamnation claire, quoique nuancée, de la course aux armements les plus destructeurs. L’essentiel de ces prises de position figure dans Gaudium et spes.
49Sous l’influence sans doute des débats ultimes à propos de ces problèmes, Paul VI déclarait dans le discours prononcé le 7 décembre 1965 que le Concile s’est surtout préoccupé de l’homme et du monde moderne et que cette attitude a donné à l’événement son caractère pastoral, marqué par « une sympathie sans bornes » à l’égard des besoins de l’humanité57. Faisant écho, mais avec une autre tonalité, au discours d’ouverture de son prédécesseur, le pontife espérait que le Concile marque le « début de l’entreprise de renouvellement humain et religieux qu’il s’était proposé d’étudier et de promouvoir »58.
50Tout en étant conscient que ce renouvellement passait par la transformation de l’existence personnelle des chrétiens, et particulièrement des pasteurs, un évêque américain mettait l’accent sur la même orientation de tous les membres de l’Église au service du monde, en suscitant « des occasions fréquentes de renouveau » dans la ligne du Concile afin de ne pas retomber rapidement « dans les vieilles ornières »59.
51En 1970, le cardinal Suenens consacra une lettre pastorale aux difficultés que rencontrait la mise en œuvre du Concile60. Il y parlait des « réajustements importants » exigés d’une Église en plein chantier. Pour lui, après une trop longue période d’immobilisme, la percée s’était opérée, dans le sens de la coresponsabilité des chrétiens au service du monde. C’est bien là sans doute que se situe l’essentiel de l’esprit d’aggiomamento promu par le Concile. Mais le cardinal ne manquait pas d’ajouter qu’il faudrait « à l’avenir, empêcher que des banquises ne se reforment ».
Les difficultés conciliaires
52Il n’y a pas lieu de s’étonner du fait qu’une assemblée aussi complexe qu’un Concile réunissant pendant des mois plusieurs centaines de personnes ait eu à se doter de règles pour son bon fonctionnement. Les Conciles ayant précédé Vatican I n’avaient pas connu de règlement édicté préalablement par le pape. Au Concile de 1869-70, ce procédé fut introduit et en 1961, une sous-commission, composée de membres de la Curie romaine, prépara pour Vatican II un règlement largement inspiré de celui du Concile précédent, dans lequel, par exemple, le droit de critiquer les schémas préparés était reconnu à l’assemblée des pères conciliaires, mais non celui de procéder à leur révision, tâche confiée à des commissions. Nous n’entrons pas ici dans l’examen des mécanismes de fonctionnement prévus par le règlement de Vatican II, que Jean XXIII promulgua le 6 août 1962, mais qui ne fut rendu public que quelques jours avant l’ouverture du Concile61. Disons simplement que, le Concile ayant majoritairement estimé nécessaire de réélaborer la plupart des schémas préparatoires, les commissions reçurent de fait un pouvoir encore plus considérable qu’à Vatican I. Il faut rappeler aussi que l’expérience conduisit Jean XXIII à faire des entorses au règlement ; elle entraîna ensuite une révision de celui-ci, qui fut publiée en septembre 1963. D’autres modifications réglementaires furent encore introduites à la veille de la troisième période, en juillet 1964. Peu à peu, de par sa manière de travailler, l’assemblée modifia divers aspects du fonctionnement qui avait été prévu.
53Une difficulté particulière que nous évoquerons ici vint de l’imprécision devant laquelle Vatican II s’est rapidement trouvé à propos de la direction effective du Concile62. De droit, le pape possède l’autorité suprême sur le Concile. Cependant, l’exercice de cette autorité peut revêtir diverses formes et interférer plus ou moins directement dans l’activité quotidienne de l’assemblée. Comme à Vatican I, le règlement de 1962 établit un Conseil de présidence, composé cette fois de dix (et non plus de cinq) cardinaux, représentatifs du monde catholique et chargés surtout de déterminer l’ordre du jour des séances. En même temps, un Secrétariat pour les affaires extra ordinem, composé de huit cardinaux, devait examiner les propositions nouvelles des pères ; cette instance joua rapidement le rôle officieux d’intermédiaire entre l’assemblée et le pape, interférant dans le rôle du Conseil de présidence. Cette organisation avait été conçue dans la perspective d’un Concile bref. Face notamment à la difficulté d’établir un programme de travail et à la vigoureuse réaction de la majorité conciliaire aux schémas préparatoires, le Conseil de présidence apparut comme une instance lourde et inefficace. Dans ces conditions, apparut la nécessité de réorganiser la direction du Concile. Le Secrétariat fut supprimé, officiellement en septembre 1963, en fait dès la fin de la première période. À ce moment, décembre 1962, Jean XXIII, qui – on l’a vu – pensait n’avoir pas bien joué son rôle, institua une Commission de coordination, qui fut chargée de réduire le programme conciliaire et de suivre les travaux de rédaction de nouveaux schémas réalisés par les commissions. Cette Commission était formée de sept cardinaux. On y trouvait, à côté du président qui était le secrétaire d’État A. Cicognani, deux membres du Conseil de présidence (Liénart et Spellman) et trois venus du Secrétariat supprimé (Confalonieri, Döpfner et Suenens), enfin le cardinal Urbani, patriarche de Venise. Comme Jean XXIII, Paul VI – qui fut élu le 21 juin 1963 – estimait que le pape devait exercer une responsabilité plus directe dans la direction du Concile. Pour disposer d’un organe de direction plus souple et plus proche de lui, il institua rapidement un collège de quatre modérateurs chargés de diriger à tour de rôle les congrégations générales et de déterminer l’ordre de discussion des schémas : il s’agit des cardinaux Agagianian, Döpfner, Lercaro et Suenens.
54Ainsi, à partir de la seconde période de travail, il y avait trois organes distincts de direction dépendant du pape chacun à sa manière. Leurs tâches respectives n’étaient pas bien articulées, dans la mesure par exemple où, malgré leurs désirs, les modérateurs ne reçurent pas de directives claires concernant leur fonction. Cet état de fait suscita par moment des difficultés et des tensions : d’abord entre Commission de coordination et modérateurs du fait notamment que le président de la Commission était le secrétaire d’État, principal responsable de la Curie, par qui le pape transmet ses directives en temps normal ; puis, très vite, également entre les modérateurs et le Secrétariat général du Concile, à l’occasion de la crise d’octobre 1963 dont nous allons parler. Suite à celle-ci, le Secrétariat eut de plus en plus tendance à jouer lui aussi un rôle directeur, et celui des modérateurs en fut quelque peu éclipsé.
55Le déroulement des débats conciliaires connut lui aussi des moments de tension, et même deux crises graves, l’une en octobre 1963, l’autre en novembre 1964. Sur la proposition de l’abbé G. Dossetti, conseiller du cardinal Lercaro et secrétaire officieux du collège des modérateurs, le cardinal Suenens annonce le 15 octobre 1963 à l’assemblée des pères qu’un vote d’orientation sur la question de la collégialité épiscopale et sur celle de la restauration du diaconat permanent va leur être proposé le lendemain, de manière à permettre à la Commission doctrinale de mettre au point en toute clarté le schéma sur l’Église63. Alors que le pape avait, cinq jours plus tôt, consenti d’une manière générale à ce qu’un tel vote intervint sur des questions très graves64, l’assemblée apprend le 16 octobre que le vote est remis à plus tard. Alerté par le secrétaire d’État Cicognani et par le secrétaire général du Concile, Pericle Felici, qui y voyaient un abus de pouvoir, Paul VI avait fait détruire les bulletins de vote déjà imprimés. Pendant deux semaines, les modérateurs tinrent bon, en faisant valoir l’enjeu que représentait ce vote, qui eut lieu finalement le 30 octobre et fit apparaître une très large majorité sur les cinq questions posées. Ce vote, conclut le professeur Cl. Troisfontaines,
« a permis au Concile de définir clairement le rapport des forces en présence et il a entraîné un remaniement important des Commissions qui allaient devoir retravailler les textes. Est-ce à dire que tout était joué dès ce moment ? La majorité l’a cru trop vite, tandis que la minorité a pensé qu’il était encore possible de tout remettre en question. Les uns et les autres avaient sans doute tort. [...] Le pape avait tranché en faveur des modérateurs mais, en même temps, il avait gardé son appui à Mgr Felici dont le rôle, comme Secrétaire général du Concile, ira grandissant. »65
56L’autre crise majeure se produisit à la fin de la troisième période conciliaire : du 16 au 20 novembre 1964, période qu’on appela la « semaine noire ». Cette fois, il s’agissait de savoir si trois choix fondamentaux du Concile seraient entérinés ou non : il y eut d’abord une ultime offensive contre la collégialité ; en second lieu il fut décidé de reporter le vote d’orientation sur la liberté religieuse ; enfin le pape fit introduire in extremis des modifications dans le décret sur l’œcuménisme. À propos de la collégialité, la minorité conciliaire continuait à craindre que ce principe n’instaure dans l’Église un régime de co-gouvernement qui diminuerait les prérogatives pontificales. Paul VI était personnellement réticent, pour diverses raisons dont la conviction des bienfaits de la primauté comme source d’unité dans l’Église. Pour calmer craintes et objections, la Commission doctrinale fit rédiger par Mgr Philips, qui était le principal rédacteur du schéma sur l’Église, une note explicative destinée à indiquer les principes qui avaient été suivis dans l’acceptation des amendements proposés par la minorité66. Étant donné que le secrétaire général fit le 16 novembre une présentation majorée de la portée de cette note, un certain nombre de pères crurent que la collégialité était réduite à peu de chose, et un mouvement se développa à la "gauche" de la majorité, pour refuser le vote définitif sur le chapitre en question du schéma sur l’Église, qui devait avoir lieu le lendemain. En fait, la note ne modifiait pas la substance du texte, même si Paul VI, dans son discours de clôture de la troisième période, crut devoir insister encore un peu plus que dans la note sur la sauvegarde des prérogatives du pape, en affirmant notamment que le corps unitaire de l’épiscopat « trouve dans l’évêque successeur de saint Pierre non pas un pouvoir différent et étranger, mais son centre et son chef »67Lors du scrutin du 17 novembre sur le chapitre concernant la Constitution hiérarchique de l’Église, le choix à faire était clair : accepter la note, étant entendu qu’elle ne s’insérait pas dans la future Constitution elle-même, ou bien rejeter la collégialité telle qu’elle était présentée, ce qui aurait entraîné une remise en question d’un acquis malgré tout substantiel. Le nombre infime de votes négatifs (46) montre que les défenseurs les plus avancés de la collégialité ne voulurent pas prendre le risque de ce rejet.
57Le sort du texte sur la liberté religieuse constitua le second motif de tension grave en novembre 1964. Mis en chantier deux ans plus tôt, le document, dont on ne fait pas ici l’histoire, suscita les plus fortes tensions de tout le Concile, provoquant notamment l’opposition déterminée de la minorité conciliaire. Au gré des rédactions successives, les objectifs du texte avaient changé. Dans le projet distribué le 17 novembre 1964, date fort tardive qui provoqua l’étonnement, le point de vue dominant n’était plus la liberté de conscience mais le libre exercice de la religion dans la société civile. Même sous cette forme, le texte était inacceptable aux yeux de la minorité, qui réclama un délai avant le vote pour examiner le document à loisir. Fallait-il accepter cette demande ou passer outre en procédant au vote ? Selon le règlement, l’assemblée elle-même n’était pas habilitée pour en décider. Pendant la congrégation générale du 19, trois cardinaux nord-américains lancèrent une pétition en faveur du vote, qui fut signée sur le champ par plusieurs centaines d’évêques. Pendant ce temps, le rapporteur Mgr De Smedt présentait le bilan du travail réalisé en commission ; il fut plusieurs fois chaudement applaudi. Pourtant, le pape trancha pour le report du vote à l’année suivante. Cette décision, conforme au règlement, eut un effet psychologique désastreux.
58C’est encore le 19 novembre qu’est annoncé pour le lendemain le vote final du décret sur l’œcuménisme. Mais on donne aussi lecture de dix-neuf amendements demandés en dernière minute par le pape68. Ces amendements n’avaient pas été examinés en commission et le temps manquait, si on voulait arriver à la promulgation du décret le surlendemain, pour les discuter en congrégation générale, procédure du reste non prévue par le règlement. Les droits de l’assemblée étaient-ils respectés ? En fait, la minorité avait introduit auprès du pape quarante amendements. Et, pendant deux jours, les responsables du Secrétariat pour l’Unité, A. Bea et J. Willebrands principalement, s’étaient appliqués à en réduire le nombre à dix-neuf, lesquels ne modifiaient pas la substance du décret. Pourtant, beaucoup de pères se demandèrent le 19 novembre si le pape n’avait pas trop concédé aux conservateurs, et un nouveau mouvement de résistance s’esquissa. Les choses en restèrent là, cependant. Les dix-neuf amendements furent intégrés. Le lendemain, le décret fut voté par 2129 voix contre 64.
59On voit donc que, face à ces grands enjeux – on devrait aussi évoquer les luttes à propos des textes sur les Juifs et sur l’arme nucléaire –, le Concile connut des moments de crise aiguë. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que l’espérance de renouveau, conçue au début, dut faire une place à des négociations obstinées et, finalement, à des textes pas toujours harmonieux. On ne doit pas oublier non plus que des questions importantes furent écartées des débats par décision du pape Paul VI : celles relatives à la contraception et au célibat ecclésiastique. Ce serait toutefois manquer de perspective historique que de réduire la compréhension du Concile à une simple exégèse de ses documents. Il est incontestable qu’une tendance de fond en faveur d’un sens renouvelé de l’Église et de son insertion historique et missionnaire dans le monde s’est clairement affirmée à Vatican 1169.
60Il est vrai que les évêques, pasteurs par définition, ont en général saisi, plus ou moins bien, l’intuition de Jean XXIII sur le caractère pastoral du Concile. Mais le parcours théologique et la conversion institutionnelle nécessaires pour mener le renouveau pastoral en profondeur, les évêques semblent ne pas avoir pu les mener assez loin en si peu de temps. Peut-être plus préoccupés de trouver de nouveaux moyens d’annoncer le message là où ils en ont la responsabilité, que de réaliser les implications d’une redéfinition de leur propre fonction, ils furent tout aussi soucieux de ne pas renouveler constamment l’expérience, pour eux inhabituelle, d’une absence prolongée de leurs diocèses. Ce dernier facteur a été d’un poids non négligeable dans la marche de Vatican II. On a déjà dit qu’au départ, les milieux romains misaient sur un Concile bref. Pendant la première période, le malaise du côté des pères concerna plutôt l’absence d’un programme clair. En proposant de remédier à cette situation, quelques-uns, comme le cardinal Montini70, devaient avoir en vue le risque de voir un grand nombre d’évêques gagnés assez vite par la lassitude et le désintérêt. Dans le plan de travail conciliaire qu’il proposa en octobre 1962, l’archevêque de Milan considérait en tout cas que la durée du Concile ne devait pas excéder un maximum de trois périodes71. À la fin de la seconde période, G.B. Montini devenu Paul VI disait son espoir que le Concile se termine après une seule période supplémentaire. Et la Commission de coordination fit élaborer un plan de travail répondant à ce souhait. Si, au sein de la Curie, on espérait de plus en plus un « retour à la normale », il est certain aussi qu’un nombre croissant d’évêques n’appréciait pas les longues et fréquentes absences de leurs sièges. C’était le cas surtout de ceux venus de pays extra-européens. Quant à ceux qui souhaitaient ardemment que la réforme de l’Église soit menée à bonne fin, ils se demandaient s’il ne valait pas mieux prendre quelques décisions de base et expérimenter des solutions sur le terrain avant de se réunir à nouveau pour mettre au point les textes définitifs72. Après quelques semaines de fléchissement, certains propos et des actes du pape montrèrent que le Concile n’était pas enterré. Il apparut du reste assez vite que, malgré les efforts pour réduire le nombre et la longueur des schémas, il n’était pas possible de conclure rapidement ou d’écarter des débats des sujets aussi importants que la Révélation, la place des laïcs dans l’Église, la liberté religieuse ou les relations de l’Église et du monde. Plutôt donc que de reporter à une date indéterminée les discussions et les décisions sur ces grands thèmes, Paul VI accepta que, sans désemparer, le Concile fût mené à son terme avec une quatrième période.
61Aucun Concile de l’histoire n’a réuni un aussi grand nombre de pères venus, de plus, de tous les continents. À ce seul point de vue, Vatican II fut un événement considérable.
62On ne doit cependant pas perdre de vue qu’on sortait à peine, dans les années 60, de l’ère missionnaire moderne. Certes, le nombre des évêques africains, par exemple, s’accrut substantiellement de 1960 à 1965. Il n’empêche : à Vatican II, l’influence de la tradition ecclésiale et de la théologie européennes a été prépondérante. S’il est vain de chercher à exalter l’importance de tel ou tel pays, il n’est pas moins certain que la pensée théologique dominante fut celle des pays occidentaux et que les pères qui s’affirmèrent comme les leaders du Concile appartenaient, pour l’essentiel, à l’axe franco-belgo-germanique.
63Il est vrai, par ailleurs, que l’éveil à une conscience de l’Église comprise comme une communion et redécouvrant sa vie synodale n’en était alors qu’à ses débuts, au sein de l’épiscopat notamment. Le progrès d’une telle conscience exigeait une maturation théologique et une mise à l’épreuve sur le terrain pastoral. Ceci constitue un des principaux enjeux d’une véritable réception de Vatican II dans le tissu de l’Église catholique.
Notes de bas de page
1 Parmi les chroniques datant de l’époque du Concile, la plus fouillée est celle de G. Caprile, Il Concilia Vaticano II, 5 vol., Rome, 1960-1969. Les deux chroniques les plus utiles en français sont celles de R. Laurentin (4 vol., Paris, Seuil, 1962-1966) et de A. Wenger (4 vol., Paris, Centurion, 1963-1966). On se reportera à la petite synthèse très suggestive sur le Concile en tant qu’événement, dans son œuvre et son « avenir », qui a été donnée par J. Thomas, Le Concile Vatican II, Paris, Cerf, 1989. Une synthèse historique beaucoup plus développée : R. Aubert, dans Storia della Chiesa, t. XXV-1 : La Chiesa del Vaticano II (1958-1978), Cinisello-Balsamo, Ed. San Paolo, 1994, p. 121-388.
2 Texte français de l’allocution, d’après la version officielle, dans La Documentation catholique, t. LVI, col. 387-388. La version originale reconstituée du discours a été donnée par le secrétaire de Jean XXIII, L. Capovilla, dans la revue d’Assise, Il Simbolo, t. XXIII, 1966, p. 199-215.
3 Les premières réactions à l’annonce du Concile sont examinées par : Ph. Chenaux, « Le Conseil Gcuménique des Églises et la convocation du Concile », dans À la veille du Concile Vatican II. Vota et réactions en Europe et dans le catholicisme oriental (dir. M. Lamberigts et Cl. Soetens), Leuven, 1992, p. 200-213 ; A. Melloni, « Governi e diplomazie davanti all’annuncio del Vaticano II », dans Ibid., p. 214-257. Plus largement, on peut voir aussi A. Melloni, « Lo spettatore influente. Riviste e informazione religiosa nella preparazione del Vaticano II (1959-1962) », dans II Vaticano II fra attese e celebrazione (dir. G. Alberigo), s. 1. (Bologne), 1995, p. 118-192.
4 Note adressée le 15 oct. 1962 au cardinal secrétaire d’État, A. Cicognani, publiée par G. Alberigo dans II Vaticano II fra attese..., p. 219-224.
5 R. André, « L’Église à l’heure de Jean XXIII », dans La Revue Nouvelle, 15e année, t. XXX (n°du 15 déc. 1959), p. 498-513 (Citation : p. 513).
6 La décision, prise en mars 1960 de créer le Secrétariat pour l’Unité des Chrétiens, seule "réforme" de la Curie opérée par Jean XXIII, constitue un facteur déterminant pour le déroulement du futur Concile et, en général, pour l’engagement œcuménique de l’Église catholique depuis ce moment.
7 Cette consultation, lancée en juin 1959, provoque des réponses jusqu’aux premiers mois de 1960. Sur 2812 destinataires (dont 2594 évêques, résidentiels et titulaires), 2161 répondent, dont 1998 évêques.
8 Les vœux des évêques, des religieux et de certaines universités ont fait récemment l’objet d’analyses, qu’on trouve dans trois publications principales : Le deuxième Concile du Vatican (1959-1965), (Coll, de l’École française de Rome, 113), Rome, 1989, p. 101-153 (Vœux des évêques français, italiens et anglais) ; À la veille du Concile Vatican II, op. cit., p. 24- 184 (Vœux des évêques bavarois, belges, espagnols, italiens, néerlandais, suisses, orientaux catholiques, de la Curie romaine, des Universités de Louvain et de Lovanium) ; Cristianismo e Iglesias de América Latina en visperas del Vaticano II (dir. J. O. Beozzo), San José (Costa Rica), 1992 (analyse les vota des évêques de la plupart des pays d’Amérique Latine).
9 Les organes de la préparation immédiate du Concile sont institués, en même temps que les deux secrétariats, par le motu proprio Superno Dei nutu, du 5 juin 1960.842 personnes travaillèrent dans les commissions (466 membres et 380 consulteurs), dont 26 pour cent étaient des membres de la Curie. Avec quarante-deux personnes, la Belgique se place au sixième rang. La participation belge est surtout notable dans les commissions théologique (avec principalement les deux louvanistes L. Cerfaux et G. Philips), liturgique (cinq membres dont les bénédictins B. Capelle et B. Botte), des Églises Orientales, pour les Missions (six membres) et au Secrétariat pour l’Unité (Mgr E.-J. De Smedt, et bientôt le prof. G. Thils). Pour l’ensemble des commissions, on compte seulement huit laïcs, dont sept au Secrétariat administratif... Voir A. Indelicato, « Formazione e composizione delle commissioni preparatorie », dans Verso il Concilia Vaticano II(1960-1962), (dir. G. Alberigo et A. Melloni), Gênes, 1993, p. 43-66.
10 Parmi les nombreux documents et discours pontificaux de cette période, il convient de citer au moins le message au clergé de Vénétie (21 avril 1959), le radio-message aux catholiques (28 avril 1959), l’encyclique Ad Petri cathedram, 29 juin 1959, la bulle de convocation du Concile Humanae Salutis (25 déc. 1961) et le message au monde entier Ecclesia Christi Lumen gentium (11 sept. 1962).
11 Jean XXIII-Paul VI, Discours au Concile, Paris, Éd. du Centurion, 1966, p. 48 (Cité plus bas Discours au Concile).
12 R. Aubert, dans Nouvelle Histoire de l’Église, t. V, Paris, 1975, p. 621.
13 Rappelons que le Concile proprement dit s’est déroulé sur quatre périodes (appelées plus communément sessions) : 11 oct. au 8 déc. 1962 ; 29 sept, au 4 déc. 1963 ; 14 sept, au 21 nov. 1964 ; 14 sept, au 8 déc. 1965. Au cours de chacune d’elles, les matinées des jours ouvrables étaient consacrées aux "congrégations générales" pendant lesquelles les pères pouvaient exprimer leurs avis sur les divers schémas mis successivement en discussion ; les après-midi et soirées étaient occupées d’une part par les réunions des dix commissions (plus le Secrétariat pour l’Unité) chargées d’élaborer les textes en tenant compte des remarques orales et écrites des pères, soit par des rencontres n’entrant pas directement dans le cadre du Concile (comme celles de telle conférence épiscopale, de délégués de plusieurs de celles-ci, et même des évêques d’un continent, dans le cas de l’Afrique), ou encore par les conférences données par des experts. C’est surtout pendant les trois intersessions (1963, 1964, 1965) que ces commissions accomplirent un travail important.
14 Voir L.-J. Suenens, Souvenirs et espérances, Paris, 1991, p. 65-80.
15 Le texte est publié dans L.-J. Suenens, Souvenirs et espérances, p. 72-79. On connaît depuis peu l’intervention d’un autre membre de la Commission centrale préparatoire, le cardinal Paul-Émile Léger, archevêque de Montréal, qui adresse au pape le 11 sept. 1962 une supplique signée par six cardinaux (Frings, Döpfner, König, Alfrink, Suenens, Liénart) qui est centrée sur les faiblesses de contenu des schémas préparatoires. Voir à ce sujet G. Routhier, « Les réactions du cardinal Léger à la préparation de Vatican II », dans Revue d’Histoire de l’Église de France, t. LXXXIX, 1994, p. 281-302.
16 Texte français dans Discours au Concile, p. 55-70. Le document a fait l’objet d’une analyse approfondie, avec une synopse des notes du pape en italien et du texte original latin : G. Alberigo et A. Melloni, dans Fede, tradizione, profezia. Studi su Giovanni XXIIIe sul Vaticano II, Brescia, 1984, p. 185-283.
17 Le père Congar, dominicain français décédé le 22 juin 1995 et expert du Concile, note dans son journal une parole du secrétaire du Saint-Office, le cardinal Ottaviani, lors de la réunion du 13 nov. 1962 de la Commission doctrinale du Concile : « On veut être pastoral. Mais le premier devoir pastoral est la doctrine. Ensuite les curés adaptent », cité par G. Ruggieri, « La discussione sullo schema Constitutionis dogmaticae de Fontibus Revelationis durante la I sessione del concilio Vaticano II », dans Vatican II commence... Approches francophones (dir. É. Fouilloux), Leuven, 1993, p. 316, n° 4.
18 Sur la façon dont le Concile a réalisé effectivement dans son œuvre l’intention religieuse, c’est-à-dire pastorale, du pape Jean, voir la notice de Ph. Delhaye, « Vatican II (Concile de) », dans Dictionnaire de Théologie catholique, Tables générales, t. III, 1, 1972, surtout les colonnes 4330-4341.
19 Les termes repris ici sont ceux du manuscrit autographe du pape.
20 Note dans son agenda, au 28 janv. 1963, citée par G. Alberigo, Il Vaticano Ii fia attese..., p. 210.
21 II s’agit des cardinaux Liénart, évêque de Lille, et Frings, archevêque de Cologne.
22 À titre d’exemple, ce débat donne lieu à 32S interventions orales, auxquelles il faut ajouter la remise par écrit de remarques venant de 360 pères.
23 2162 voix contre 46.
24 II s’agit de celle de G. Ruggieri, dans son chapitre cité plus haut, « La discussione sullo schéma... », dans Vatican II commence..., p. 315-328, qui considère que l’attitude adoptée par une majorité de pères dans le débat sur la Révélation constitue comme la « réception » par le Concile de la voie tracée le 11 oct. par le pape.
25 II fut très vite décidé que ce texte devait être fusionné avec les deux autres qu’avaient préparés sur le même sujet la Commission doctrinale et le Secrétariat pour l’Unité.
26 À ce sujet, on lira l’exposé précis et détaillé de J. Famerée, « Les évêques belges : des "vota" à la première période de Vatican II », dans Vatican II commence..., p. 146-162.
27 Cité par R. Laurentin, L’enjeu du Concile. Bilan de la première session, Paris, 1963, p. 147.
28 Notes manuscrites de l’exposé, jointes au Journal conciliaire de J. Dupont, dans Archives de la Faculté de théologie de Louvain-la-Neuve (Centre Lumen gentium), Fonds J. Dupont, n° 1726.
29 Le lecteur trouvera une présentation substantielle des textes adoptés par le Concile dans le chapitre suivant.
30 Le professeur Cl. Prudhomme note avec justesse : « Dès lors que la Curie avait dû accepter de reconnaître aux pères initiative et liberté d’expression, l’une des premières conséquences mécaniques du Concile était de favoriser une circulation des paroles et des écrits sans précédent dans l’histoire du catholicisme » (« Les évêques d’Afrique noire anciennement française et le Concile », dans Vatican II commence..., p. 178).
31 Pour ne citer que deux cas précis, l’abbé J. Brouwers, secrétaire de l’épiscopat hollandais, se chargea, au début du Concile, de diffuser auprès d’un grand nombre d’évêques de toutes les régions du monde les remarques critiques du P. Schillebeeckx sur les schémas préparatoires (un document de 56 pages) en s’adressant à 44 intermédiaires. (Cf. J. Brouwers, « Vatican II, derniers préparatifs et première session. Activités conciliaires en coulisses », dans Vatican II commence..., p. 355-358 et 364-365). À la veille du vote sur la collégialité épiscopale (nov. 1964), il s’agissait d’éviter qu’un trop grand nombre d’amendements de la part des pères entraîne la remise en question et peut-être l’abandon de ce point important de la Constitution Lumen gentium ; le recteur du Collège belge, A. Prignon, dont on lira plus loin l’étude, fit alors, dans la ville de Rome, 254 kilomètres en voiture pour alerter le plus grand nombre possible d’évêques.
32 Sur l’organisation de la Pan-Africaine, voir surtout de G. Concis, « L’Église d’Afrique au Concile Vatican II », dans N eue Zeitschrift für Missionswissenschaft, t. XXX, 1974, p. 241- 255, et t. XXXI, 1975, p. 1-18 et 124-142 ; des précisions chez Cl. Prudhomme, cap. cit., p. 176-179 et Cl. Soetens, « L’apport du Congo-Léopoldville (Zaïre), du Rwanda et du Burundi au Concile Vatican II », dans Vatican II commence..., p. 199-204.
33 Cl. Prudhomme, « Les évêques d’Afrique... », p. 178.
34 Voir L. Perrin, « Approche du rôle des évêques de France », dans Vatican II commence..., p. 130.
35 À ce sujet, voir plus loin la contribution de Mgr A. Prignon.
36 L. Perrin, « Approche du rôle... », p. 125 et 132.
37 Pendant la durée du Concile, le nombre des conférences épiscopales passe de la quarantaine à plus de septante.
38 L. Perrin, « Approche du rôle... », p. 126. Sur ces deux instances inter-épiscopats, voir le témoignage déjà cité de l’abbé J. Brouwers, dans Vatican II commence, p. 353-368 ; et J. Grootaers, « Une forme de concertation épiscopale au Concile Vatican II. La « Conférence des Vingt-deux « (1962-1963) », dans Revue d’histoire ecclésiastique, t. XCI, n° 1, 1996, p. 66-112.
39 Pour la première période, voir É. Fouilloux, « Des observateurs non-catholiques », dans Vatican II commence..., p. 235-261. Le prof. G. Alberigo a analysé, notamment, la signification ecclésiale de la présence des observateurs, dans la leçon publique donnée lors de sa nomination au doctorat honoris causa de la Faculté Évangélique de théologie de Munich, le 20 juin 1990 : le texte en est reproduit dans une brochure hors commerce, sous le titre Ecclesioiogia in divenire. A proposito di « concilio pastorale » et di Osservatori acattolici al Vaticano II, Bologne, 1990.
40 Archives de la Faculté de théologie de Louvain-la-Neuve (Centre Lumen gentium), Fonds B. Olivier, n° 169, p. 30.
41 Discours au Concile, p. 375 et 379.
42 Ibid., p. 385.
43 Parmi d’autres témoignages, citons : L’Esprit nous a rassemblés. Témoignages d’évêques au Concile, Paris, 1966 ; (témoignage de dix évêques appartenant à sept nationalités) ; G. Lercaro, Lettere dal concilia, publ. par G. Battelli, Bologne, 1980 ; L.-J. Suenens, Souvenirs et espérances.
44 Dans L’Esprit nous a rassemblés..., p. 166.
45 J. Angerhausen, évêque auxiliaire d’Essen, dans Ibid., p. 185.
46 Dans son chapitre La condition chrétienne après Vatican II, de l’ouvrage collectif La réception de Vatican II (dir. G. Alberigo et J.-P. Jossua), Paris, 1985, p. 40.
47 Sur le sens donné par Jean XXIII à l’aggiomamento, on consultera G. Alberigo, « L’amore alla Chiesa : dalla riforma all’aggiornamento », dans « Con tutte le tue forze » I nodi della fede christiana oggi. Omaggio a Giuseppe Dossetti (a cura di A. e G. Alberigo), Gênes, 1993, p. 169-194.
48 Cité par l’ancien secrétaire privé de A. Bea, S. Schmidt, dans l’édition du Journal du cardinal : Augustin Cardinal Bea : Spiritual Profile, Geoffrey Chapman, 1971, p. 276.
49 Message au monde, du 20 oct. 1962, dans Discours au Concile, p. 347-351. Sur l’origine et le développement du projet, voir A. Duval, « Le Message au monde », dans Vatican II commence, p. 105-118.
50 Discours du 29 sept. 1963, dans Discours au Concile, p. 119.
51 Témoignage de Mgr Himmer, sous le titre « Le cri des pauvres », dans L’Esprit nous a rassemblés, p. 166-167. Une première étude d’ensemble sur l’histoire du groupe a été réalisée par D. Pelletier : à paraître prochainement avec d’autres exposés du colloque de Louvain-la-Neuve-Leuven, de juil. 1994, consacré aux « Commissions conciliaires ». Parmi d’autres publications, on se référera spécialement à : l’ouvrage de l’initiateur du groupe, le P. P. Gauthier, Consolez mon peuple. Le Concile et l’Église des pauvres, Paris, 1965 ; au chapitre de Ch. Antoine, « Pentecôte en Amérique latine », dans Les rendez-vous de Saint-Domingue. Les enjeux d’un anniversaire (1492-1992), (dir. I. Berten et R. Luneau), Paris, 1991, p. 103-111 ; à celui de G. Alberigo, « L’evento conciliare », dans Giacomo Lercaro. Vescovo della Chiesa di Dio (1891-1976) (dir. A. Alberigo), Gênes, 1991, spécialement aux pages 119-122, 130-131,135-136,140-141 (à propos du rôle conciliaire du card. Lercaro sur le thème de la pauvreté).
52 Cette célébration eut lieu aux catacombes de Sainte-Domitille, le 16 nov. 1965.
53 Témoignage cité de Mgr Himmer, p. 172.
54 Voir spécialement Lumen gentium, n° 8 ; et Gaudium et spes, spécialement les n° 29, 31, 66 et 69 dans Documents conciliaires, Paris, Éd. du Centurion, t. I, 1965, p. 35-36, et t. III, 1966, p. 84-85, 87-88, 184-185 et 189-191.
55 Témoignage de Mgr Himmer, p. 174.
56 Expression de P. Valadier, dans ses propos sur l’Église d’aujourd’hui recueillis par H. Tincq, Le Monde, 28-29 mai 1995, p. 11.
57 Discours au Concile, p. 248.
58 Ibid., p. 253.
59 E. J. Primeau, év. de Manchester (USA), dans L.-J. Suenens, L’Esprit nous a rassemblés, p. 71-82.
60 Cf. L.-J. Suenens, Souvenirs et espérances, p. 129-131.
61 Quelques études sur le règlement de Vatican II ont déjà été publiées ; mais de nombreux aspects concernant surtout sa mise en œuvre sont encore à éclaircir. Voir l’exposé, avec la bibliographie donné par R. Aubert, dans Storia délia Chiesa, t. XXV/1, p. 187-212.
62 Voir à ce propos de G. Alberigo, « Concilio acefalo ? L’evoluzione degli organi dirrettivi del Vaticano II », dans II Vaticano II fra attese e celebrazione, p. 193-238.
63 Voir L.-J. Suenens, Souvenirs et espérances, p. 115-119.
64 G. Alberigo, « Dinamiche e procedure nel Vaticano II », dans Cristianesimo nella storia, t. XIII, 1992, p. 150, n. 80.
65 Cl. Troisfontaines, « À propos de quelques interventions de Paul VI dans l’élaboration 68 Sur cet épisode, voir l’excellente analyse d’un des acteurs : P. Duprey, « Paul VI et le décret sur l’œcuménisme », dans Paolo VI e iproblemi ecclesiologici al Concilio, p. 238-247.
66 Sur l’élaboration, l’adoption et le genre littéraire (c’est une note jointe non pas à la Constitution sur l’Église, mais au rapport sur l’examen des amendements), voir surtout Ibid., p. 115-129. En substance, la note déclarait que les évêques forment un collège qui détient l’autorité suprême dans l’Église mais toujours en agissant de concert avec sa tête, le pape, et jamais indépendamment de lui.
67 Discours du 21 nov. 1964. Citation dans Discours au Concile, p. 178.
68 Sur cet épisode, voir l’excellente analyse d’un des acteurs : P. Duprey, « Paul VI et le décret sur l’œcuménisme », dans Paolo VI e i problemi ecclesiologici al Concilia, p. 238-247.
69 Sur l’acquis de ces orientations fondamentales, on lira avec profit l’article de Mgr G. Thils, « ... En pleine fidélité au Concile de Vatican II », dans La Foi et le temps, t. X, 1980, p. 274- 309.69 Sur l’acquis de ces orientations fondamentales, on lira avec profit l’article de Mgr G. Thils, « ... En pleine fidélité au Concile de Vatican II », dans La Foi et le temps, t. X, 1980, p. 274-309.
70 Lettre du 18 oct. 1962 au secrétaire d’État A. Cicognani, publiée dans Giovanni Battista Montini archivescovo di Milano e il concilia ecumenico Vaticano II. Preparazione e primo periodo, Brescia, 1985, p. 420-423, spécialement p. 420.
71 Ibid., p. 422.
72 Sur ces hésitations et l’état des esprits à la fin de 1963 et au début de 1964, voir R. Aubert, dans Storia della Chiesa, t. XXV/1, p. 271-274.
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