Chapitre I. Le contexte culturel de la production emblématique des élèves jésuites bruxellois sous le gouvernorat de Léopold-Guillaume
p. 31-112
Texte intégral
1 Dans l’introduction et dans le chapitre liminaire, nous avons insisté sur l’influence du contexte historique sur les expositions emblématiques du collège jésuite de Bruxelles. Tentons dès à présent de circonscrire le contexte culturel dans lequel les emblèmes ont été élaborés. Ce travail comprend deux axes principaux. Il consiste tout d’abord à cerner la place qu’a occupée l’emblématique dans le programme pédagogique des jésuites et, en particulier, au collège de Bruxelles. Il s’agit ensuite d’examiner plus précisément la situation sous le gouvernorat de Léopold-Guillaume, en tentant d’évaluer l’influence sur les messages que les emblèmes véhiculent d’une part du milieu dans lequel ces compositions ont été produites (un collège régi par la Compagnie de Jésus) et d’autre part de l’objectif (faire l’éloge du gouverneur en fonction) qui leur a été fixé plus ou moins explicitement.
1. L’emblématique au collège jésuite
2L’usage dans l’enseignement d’un genre aussi singulier que l’emblème invite à s’interroger sur la place que les jésuites réservèrent à l’emblématique dans le cursus scolaire des études d’humanités : sous quelles formes et selon quelles modalités instituèrent-ils sa pratique au collège ? Pour nous renseigner sur l’exercice emblématique, nous mènerons une enquête d’une part sur la place ménagée à ce genre dans le système pédagogique général de la Compagnie de Jésus, en nous appuyant sur les textes qui en organisent et en réglementent l’activité, d’autre part sur la pratique de l’exposition emblématique au collège de Bruxelles139.
1.1. Aux origines, une idée
3Dans les collèges jésuites, les études d’humanités étaient distribuées sur cinq années, qui visaient à la maîtrise des langues grecque et (surtout) latine, par l’étude de la grammaire durant les trois premières années et par celle de la poésie et de la rhétorique durant les deux dernières140. Les jésuites parvinrent à d’excellents résultats dans leurs collèges - au demeurant très prisés - en raison essentiellement des deux principes pédagogiques fondamentaux de leur enseignement : ils mirent à l’honneur l’activité de leurs élèves et diversifièrent les exercices pratiqués par ceux-ci141. On comprend dès lors l’intérêt manifesté par les jésuites pour les genres symboliques et tout particulièrement pour l’emblème, dont le succès au xvie siècle allait croissant. Le père espagnol Jacques Ledesma (1519-1575) formula en premier l’idée suivante, alors qu’il travaillait à l’élaboration d’un programme pédagogique pour le collège romain142 :
Peut-être serait-il parfois utile de demander aux élèves de toutes les classes quelques compositions, tantôt en vers et tantôt en prose, en latin, en grec et même en hébreu, qui fussent plus soignées et d’un art plus achevé ; bien plus, les professeurs eux-mêmes composeraient en même temps des œuvres exquises. Tous ces travaux, on les écrirait en lettres calligraphiées, sur du beau papier ou du parchemin ; la cour serait ornée de tentures sur lesquelles on les exposerait tous ; un élève serait préposé à chacune de ces productions comme son défenseur et il se tiendrait debout près d’elles pour en soutenir les mérites ; car tous les autres écoliers de notre collège ou tous ceux qui voudraient pourraient les critiquer. Alors des discussions littéraires s’engageraient dans la cour tout entière. Les professeurs, se promenant autour ou qui occuperaient des places déterminées, seraient là pour trancher les discussions et accorder la palme au vainqueur. On pourrait présenter des compositions faites en des genres très variés : par exemple, de belles énigmes peintes, suivies de quelques vers ; ceux qui en devineraient le sens les emporteraient. De même, des épigrammes, des lettres, des discours, des versions, des emblèmes, [...] bref, des compositions de toutes espèces. On choisirait, une fois par an, un jour plus solennel et agréable. Il faudrait employer les langues grecque, latine et même hébraïque ; et, si cela semble nécessaire, la langue maternelle, pour quelques vers seulement qui aient de la valeur143.
4L’extrait ne présente pas une pratique, mais évoque une idée encore à l’état d’embryon, comme en témoigne l’emploi de l’irréel du présent (fartasse nonnumquam expediret, ut...). Il n’en est pas moins intéressant en raison de la variété des exercices qui y sont présentés. Les emblèmes peuvent être composés (compositio) et exposés (affixio), ou encore être l’objet de disputes (disputatio), tandis que les énigmes peuvent donner lieu à un décodage (divinare). Les textes ultérieurs ne proposeront aucun exercice supplémentaire par rapport à ceux qui sont suggérés dès le milieu du xvie siècle par Ledesma144. C’est que le programme conçu par ce père servit de source à la première version du règlement pédagogique commun à l’ensemble de la Compagnie de Jésus, qui date de 1586145.
1.2. Le règlement commun à l’ensemble de la Compagnie de Jésus
5À la fin du xvie siècle, les jésuites se lancèrent dans la rédaction d’un règlement et d’un programme général pour l’ensemble de leurs établissements pédagogiques. La réalisation de ce projet nécessita plusieurs étapes avant d’aboutir à la publication en 1599 de la version définitive de la Ratio studiorum, qui distribue la matière tout au long du parcours scolaire, en définit les finalités, mais précise aussi les différents exercices et les modalités d’organisation des diverses activités146. Les deux premières versions de la Ratio studiorum, celles de 1586 et de 1591 - étaient des textes « provisoires » qui furent envoyés dans les diverses provinces pour y être expérimentés et amendés147. Voilà pourquoi ces deux versions motivent davantage les principes qu’elles exposent par rapport à la version définitive de 15 99148. Ces textes en outre ont des formats différents. Le texte de 1586 et sa révision (1586B) se présentent comme « une suite de petits traités » organisés autour d’une matière bien précise149. Dans les versions ultérieures (1591 et 1599), le texte est distribué en règles d’après le membre de la communauté jésuite que ces prescriptions concernent (recteur, préfet des études, professeurs, etc.)150. Une consultation de ces différents textes permet de suivre dans le temps l’évolution de l’emblématique au collège151.
6La première version de la Ratio studiorum ainsi que sa réélaboration (1586A et B) envisagent deux usages de l’emblématique - sous la forme de « concertation » ou d’exposition - qui sont évoqués lorsqu’il est question des adjumenta (encore appelés incitamenta) studiorum, c’est-à-dire des exercices imaginés pour motiver les élèves à s’appliquer aux études.
7La concertatio y est présentée comme une dispute interprétative. Le premier état du texte (1586A) indique que les élèves doivent « uniquement disputer sur les matières qui sont propres à leur classe », mais sans préciser le détail des matières réservées à chaque classe152. La seconde version (1586B), au contraire, distingue clairement entre d’une part les trois classes de grammaire et d’autre part la poésie et la rhétorique, auxquelles est réservée la concertatio d’emblèmes153. La Ratio studiorum de 1591 hérite de cette répartition des matières puisque l’interprétation d’emblèmes n’est mentionnée que dans les règles des professeurs de poésie et de rhétorique154. Dans l’édition de 1599, la restriction se marque encore davantage puisque les emblèmes comme sujet de concertatio sont exclusivement réservés à la rhétorique155.
8Pour ce qui touche aux expositions (entre autres d’emblèmes), il convient d’opérer une précision lexicologique. Le mot latin affixio est un terme général qui désigne toute sorte d’exposition156. Or, dans les collèges jésuites, les expositions ne concernaient pas uniquement les emblèmes : d’autres types de productions estudiantines étaient exposés, qu’il s’agisse de textes en vers ou en prose, en latin ou en grec ancien157. Par ailleurs, les pères recouraient eux aussi à cette pratique pour diffuser l’information au sein du collège : les règles en vigueur dans l’établissement étaient exposées afin de ne pas être oubliées des élèves158. Dans l’exposé qui suit, nous ne nous intéresserons qu’aux seules expositions des compositions d’élèves, avec une attention particulière pour les emblèmes. Ces précisions posées, lisons la Ratio de 1586 :
Il n’y a pas que la tenue de déclamations, mais aussi la prononciation et l’exposition publique de vers qui alimentent le zèle des enfants. Voilà pourquoi chacun des nôtres qui étudie les humanités, exposera chaque dimanche un poème dans le couloir du réfectoire ou en quelque autre lieu s’il est plus adapté. Il faut accomplir cela avec beaucoup plus de publicité et de faste lors du renouvellement des vœux et aux autres solennités ; les étudiants de philosophie et de théologie doivent aussi s’y mettre pour ne pas désapprendre la poésie ; que la rentrée des classes soit célébrée avec davantage encore d’abondance. Du reste, qu’on ne mêle rien à ces productions qui ait été écrit en langue vernaculaire (si ce n’est lorsque l’on croit devoir rehausser la notoriété de l’événement par une abondante variété de langues). Les nôtres en effet ne s’appliquent pas dans nos classes à apprendre la langue vernaculaire, mais à apprendre les langues latine, grecque ou hébraïque. Voilà pourquoi, les productions qui sont exposées à la lecture des autres doivent seulement être écrites en ces langues. On peut parfois orner ces productions d’une peinture qui corresponde à l’emblème ou à l’énigme proposés. Il ne faut pas remplir les parois uniquement avec des vers, mais il faut aussi y mêler quelque bref texte en prose, dont l’usage est plus fréquent, dont l’invention est plus sérieuse et dont ‘l’expression’ (dictio) n’est en rien moins exigeante. De ce genre de texte, il peut y avoir des épitaphes de sépultures, des inscriptions de boucliers, de temples, de jardins, de théâtres, quelques brèves descriptions de ville, de port, de combat, un vieil apophtegme avec sa très brève exposition, quelques prodiges accomplis par un saint159.
9Cet extrait est marqué de l’empreinte de la pensée de Ledesma160. Nous retrouvons en effet l’expression expedit ut... omnes..., qui introduisait le chapitre de Ledesma (expediret, ut omnes...), mais cette fois à l’indicatif présent. Ce qui n’était à l’origine qu’une idée s’est ainsi concrétisé une vingtaine d’années plus tard dans une recommandation.
10Le texte invite les jeunes de l’établissement - élèves d’humanités, de philosophie et de théologie - à prononcer et à exposer des poèmes (auxquels s’ajoutent des textes en prose ainsi que des emblèmes ou des énigmes), et distingue deux sortes d’expositions : les unes, privées, ont lieu chaque dimanche et sont confinées à l’intérieur du collège ; les autres, publiques, prennent place avec plus de pompe lors du renouvellement des vœux, lors de la rentrée des classes ou encore lors d’une quelconque solennité.
11Dans ce premier état, l’exposition est limitée aux « nôtres », c’est-à-dire aux élèves qui se destinent à entrer dans la Compagnie de Jésus après leurs études161 : la participation des externes à ces exercices n’est pas envisagée, ou tout au moins n’est pas évoquée. La réélaboration du texte donne lieu à une partition plus nette entre d’un côté les expositions des œuvres produites par les externes et de l’autre les expositions des œuvres composées par les « nôtres ».
En outre, un mois sur deux, à l’occasion de quelque fête littéraire, que le professeur tant d’humanité162 que de rhétorique choisisse tous les meilleurs poèmes, parmi ceux qui ont été écrits par les élèves externes pendant ces deux mois, afin de les exposer publiquement. Que tant le professeur que les élèves se gardent néanmoins de ce genre de poésie - et qu’on l’éloigne de nos classes -, qui toujours s’inspire de la même lettre, ou qui façonne des figures variées, ou qui recherche d’autres choses de ce genre qui sont plus populaires que poétiques. Que les nôtres aussi qui se consacrent aux humanités et à la rhétorique exposent en quelque lieu particulier un poème chaque dimanche. Il faut accomplir cela avec beaucoup plus de publicité et de faste lors du renouvellement des vœux et aux autres solennités. Que la rentrée des classes soit célébrée avec encore davantage d’abondance, pour peu que l’on écrive dans les langues seulement qui sont abordées en classe ; excepté dans le cas où il semble que l’on doive rehausser la notoriété de l’événement par une abondante variété de langues. [Que le préfet considère qu’il lui faut examiner ces vers qui non seulement doivent avoir été écrits avec élégance, ingéniosité et sur des sujets honnêtes, mais qui doivent être pleinement capables d’émouvoir avec douceur et gravité de pieux sentiments. Il est honteux en effet que l’on puisse éprouver des sentiments profanes à la lecture de poètes profanes, mais que l’on ne puisse pas éprouver de pieux sentiments à la lecture de poètes pieux, compte tenu du grand nombre de vérités divines que fournit en abondance la religion chrétienne]. Il ne faut pas seulement orner les parois de vers, mais y mêler aussi quelque bref texte en prose, dont l’usage est plus fréquent, dont l’invention n’est pas moins sérieuse et pénétrante, et dont ‘l’expression’ (dictio) n’est pas moins exigeante. À ce genre appartiennent les inscriptions assez brèves de sépultures, de boucliers, de temples, de jardins, de théâtres ; ainsi que les descriptions brèves et condensées, sans être trop peu élaborées, d’une ville, d’un port, d’un combat, de quelque autre exploit accompli par un saint. *Ces productions pourront être décorées de quelques peintures, qui correspondent à un emblème ou à une devise donnés, tantôt par les externes, mais seulement à une fête remarquable et avec la permission du préposé provincial, afin d’éviter des dépenses immodérées ; tantôt par les nôtres. Que cela reste rare cependant, et non sans l’approbation du recteur. Que le sujet soit du genre à servir la religion et la piété plutôt que l’ostentation*.163
12Hormis pour les paragraphes placés l’un entre crochets droits et l’autre entre astérisques, la version remaniée de 1586 conserve à l’identique plusieurs des formulations du tout premier état de la Ratio studiorum. Il n’est pourtant pas inutile de citer le texte in extenso, dans la mesure où certaines variantes sont particulièrement significatives. C’est le cas, comme nous l’avons annoncé, de la distinction entre les « nôtres » et les externes. Dans le cas des « nôtres », aucun changement n’a été opéré dans le texte : ils peuvent exposer leur poème tous les dimanches, ainsi que lors des solennités, parmi lesquelles le renouvellement des vœux et la rentrée des classes. Dans le cas des élèves externes, l’exposition, qui a lieu tous les deux mois, est limitée aux deux dernières classes : la poésie et la rhétorique, qui rassemblent des élèves oscillant pour l’essentiel entre 15 et 18 ans164. Les professeurs de ces deux classes sélectionnent les meilleures productions qui ont été réalisées pendant les deux mois afin de les exposer publiquement à l’occasion d’un événement littéraire.
13La Ratio studiorum de 1591 répète presque sans aucun changement le texte de la Ratio studiorum 1586B cité précédemment et n’apporte aucune modification aux prescriptions qui y sont décrites165. La reconfiguration du texte, dorénavant ordonné en règles, a seulement pour conséquence que les prescriptions relatives à l’exposition sont disséminées dans l’ensemble de l’ouvrage et réparties entre les règles du préfet des études inférieures et celles des professeurs des deux classes concernées par les expositions : la poésie et la rhétorique166.
14Un éclatement plus important encore apparaît dans la version définitive de 1599167. L’exposition y est évoquée dans une règle du recteur, dans une autre du préfet des études inférieures et dans une règle que l’on retrouve à l’identique pour le professeur de rhétorique et pour le professeur de poésie168. Pour ce qui concerne les expositions d’emblèmes, là où les textes de 1586B et de 1591 insistent sur le fait qu’elles doivent être rares et ne peuvent se faire qu’avec l’autorisation du provincial pour limiter les dépenses excessives, la Ratio studiorum de 1599 n’en fait plus aucune mention et l’autorisation du recteur y suffit169.
15La confrontation des différents états de la Ratio studiorum laisse entrevoir les changements et les aménagements qui furent opérés au fil du temps. Toutefois, en dépit des quelques divergences constatées, il est un élément sur lequel les concepteurs du programme pédagogique ne semblent jamais avoir voulu transiger : celui de la sélection des œuvres à exposer. Déjà dans la première version de 1586, on lit :
De plus, quelles que soient les œuvres qui, en vers ou en prose, doivent être publiquement exposées par les nôtres, que le recteur ne permette pas de les rendre publiques avant qu’elles n’aient été examinées par deux personnes bien expertes en ces matières. Que le préfet ne revendique pas pour lui-même cette tâche, s’il arrive qu’il ne soit pas assez expérimenté en ce domaine. Sinon, nous subirons une perte de considération tous les jours plus grande - ce qui arrive quelquefois dans ce cas. Il faut considérer qu’un échantillon de notre enseignement ne repose pas tant dans la quantité de ce qui est exposé en public que dans le soin affiné avec lequel cela aura été fait. C’est pourquoi il est utile que, lors de la reprise des études et du renouvellement des vœux et lors d’autres jours plus solennels, tous soient invités à écrire quelque texte en vers ou en prose. Mais lorsque l’on en vient à la question de la sélection, il faut choisir un tout petit nombre de productions pour être livrées à la lecture de tous. Les meilleures productions sont en effet très peu nombreuses et c’est à partir d’elles, plutôt qu’à partir d’une compilation abondante que la bonne réputation de notre école sera propagée, surtout si ces productions en petit nombre ont été ornées par la main du calligraphiste, comme il convient170.
16Dans le cas d’une exposition publique, quelle que soit l’œuvre concernée, qu’il s’agisse de prose ou de poésie, le texte de 1586 prescrit au recteur de ne pas la diffuser avant que deux personnes expertes du domaine ne l’aient relue. Le préfet lui-même ne peut revendiquer la tâche de la correction si, « faute de compétence personnelle »171, il n’y suffit pas. Les rédacteurs justifient leur position en expliquant que, dans la mesure où ces œuvres sont livrées à la lecture de tout le monde et constituent un échantillon du savoir dispensé dans l’enseignement jésuite (doctrinae specimen), elles participent de la renommée du collège (bona de scholis nostris opinio)172. Voilà pourquoi les expositions doivent donner lieu à une sélection rigoureuse : la qualité prime sur la quantité. Ainsi, bien que tous les élèves soient invités à composer un texte (omnes), seules quelques-unes de ces productions reçoivent l’honneur de l’exposition (pauca), en fonction de leur qualité littéraire. Les pères se montrent particulièrement fermes à propos de la révision des textes exposés, notamment pour ceux qui connaîtront une plus grande publicité. C’est qu’en plus des citoyens et des parents d’élèves, le public comprend des magistrats et des prélats, c’est-à-dire des hommes cultivés en mesure d’apprécier les œuvres des collégiens et devant lesquels les jésuites espèrent faire bonne figure. Rien d’étrange donc à ce que la version réélaborée de 1586 (B) reprenne presque à l’identique l’extrait précédent (extrait note 170), qui prend place à la suite de l’extrait cité à la note 163173.
17Le texte de 1586B présente toutefois deux ajouts significatifs : il s’agit des deux paragraphes placés entre crochets droits et entre astérisques dans la citation des pages 39-40. En effet, le premier de ces paragraphes précise les critères sur lesquels le préfet doit porter son attention : l’élégance et l’ingéniosité de la composition, ainsi que la morale de son sujet, sans oublier sa capacité à susciter de pieux sentiments. Le deuxième paragraphe envisage les expositions d’œuvres comportant des peintures (emblèmes et devises), qui sont ouvertes aux « nôtres » et aux externes. Dans les deux cas. le recteur doit donner son approbation et la fréquence doit être rare, tandis que le sujet choisi doit davantage servir la religion et la piété que l’ostentation. Les externes ne pourront prendre part à ces expositions que lors d’une solennité exceptionnelle et avec la permission du provincial, « afin d’éviter les dépenses immodérées ».
18Le texte de 1591, s’il n’est pas formellement identique à celui de la Ratio studiorum de 1586B, en reprend les idées. La règle 32 du préfet des études inférieures, qui présente les occasions des expositions - bimensuelles ou exceptionnelles -, reprend les critères qui doivent guider le préfet dans la relecture des compositions rédigées tantôt par les classes d’humanités, tantôt par celles de philosophie et de théologie :
Les règles du préfet des études inférieures. Sur la manière d’exercer et d’aiguillonner les élèves. — Qu’il en réfère au recteur d’une part quand il s’agit d’organiser une célébration littéraire un mois sur deux, pendant laquelle les vers des élèves composés pendant ces deux mois sont exposés honorifiquement ; d’autre part lorsque, à l’occasion des illustres solennités tout au long de l’année, surtout lors de la célébration du renouvellement des vœux ou de la rentrée des classes, quelque poème de nos élèves de philosophie et de théologie est proposé à l’exposition publique, pour ne pas désapprendre la poésie. Que le préfet considère qu’il lui faut examiner ces vers qui non seulement doivent avoir été écrits avec élégance, ingéniosité et sur des sujets honnêtes, mais qui doivent être pleinement capables d’émouvoir avec douceur et gravité de pieux sentiments. Il est honteux en effet que l’on puisse éprouver des sentiments profanes à la lecture de poètes profanes, mais que l’on ne puisse pas éprouver de pieux sentiments à la lecture de poètes pieux, compte tenu du grand nombre de vérités divines que fournit en abondance la religion chrétienne174.
19La règle 33 définit en outre les critères particuliers qui président à cette relecture dans le cas des expositions publiques de poèmes et d’emblèmes :
Lorsque des emblèmes ou d’autres poèmes doivent être exposés en public lors de jours plus solennels, il faut auparavant les corriger non seulement avec soin mais encore, après qu’ils auront été recopiés élégamment, les faire examiner non pas par un professeur quelconque, ni par le préfet lui-même, s’il n’est pas assez versé en ces matières, mais par deux personnes très expertes en ces domaines que doit désigner le père recteur ; qu’ils [= les correcteurs] les lisent tous, qu’ils en choisissent un tout petit nombre ; les meilleurs en effet sont très peu nombreux ; et qu’ils considèrent que c’est à partir de ces œuvres sélectionnées plutôt que d’une compilation abondante qu’il faut diffuser et propager un bon échantillon de notre enseignement ; surtout si ces productions en petit nombre ont été ornées par la main du calligraphiste, comme il convient175.
20Notons toutefois que la Ratio studiorum de 1591 met davantage en évidence le rôle du recteur, qui doit être consulté préalablement à toute exposition (règle 32). Par ailleurs, la compétence des correcteurs semble davantage requise : dans les versions antérieures de la Ratio studiorum, ces correcteurs étaient en effet qualifiés de periti, tandis que dans l’édition de 1591 ils doivent être peritissimi. Enfin, l’exposition est clairement présentée comme une distinction honorifique, récompensant l’élève pour ses mérites et ses talents littéraires.
21Enfin, le texte officiel de 1599 est plus épuré, qui indique seulement que dans le cas d’expositions publiques le recteur doit désigner deux lecteurs chargés d’examiner les textes et de choisir les meilleurs. Quant aux autres précisions apportées par les versions antérieures et liées à la primauté de la qualité sur la quantité, ou aux critères à prendre en compte lors de la correction, il n’en reste rien. Signalons toutefois qu’en dépit de sa plus grande concision, la Ratio studiorum de 1599 apporte des éléments nouveaux : elle mentionne la possibilité pour le professeur de la classe de rhétorique d’aborder l’emblématique dans son cours magistral (la praelectio) lors des jours de congé, la possibilité de composer des emblèmes dans les académies des poètes et des rhétoriciens, et enfin signale qu’une fête particulière donne l’occasion d’une exposition d’emblèmes176.
22Au terme de ce parcours, il convient de noter que l’insertion de l’emblématique au collège fut un événement précoce. Une trentaine d’années après la naissance du genre (1531177) et seulement vingt-ans après la fondation de la Compagnie de Jésus (le 27 septembre 1540), au moment même où celle-ci ouvrait ses premiers collèges et tentait d’organiser son activité pédagogique (dans les années 1560), un père formula l’idée d’insérer l’emblématique dans le cursus scolaire au travers de plusieurs exercices. Cette suggestion séduisit et décida du sort qui fut réservé à l’emblématique. Lorsqu’elle fut promulguée en 1599, la Ratio studiorum entérina des pratiques déjà bien ancrées dans l’enseignement et qui perdurèrent tout au long du xviie siècle dans les provinces jésuites. À partir de cette date, on discerne deux emplois principaux de l’emblématique au collège : outre la prélection, qui formait le moment d’apprentissage, l’emblème donnait lieu tantôt à une pratique d’interprétation (le rôle de l’élève étant de déchiffrer des emblèmes et de les expliquer) tantôt à un exercice de composition (l’élève devant alors produire des emblèmes)178. Mais qu’en était-il plus précisément au niveau local ?
1.3. Les règlements locaux des provinces flandro- et gallo-belges179
23Document de référence jusqu’à la suppression de la Compagnie de Jésus en 1773, la Ratio studiorum de 1599 admettait la possibilité pour les jésuites de tenir compte des traditions locales et d’ajuster leur action en conséquence180. Ainsi, dans chaque province, des instructions adaptaient et complétaient les pratiques exposées dans la Ratio studiorum. Depuis 1564, les Pays-Bas espagnols formaient, avec la principauté de Liège, la provincia Belgica, une division administrative propre aux jésuites qui fut scindée en 1612 selon un critère linguistique entre la provincia Gallo-Belgica et la provincia Flandro-Belgica181. Sans négliger la province gallo-belge, nous nous intéresserons essentiellement à la province flandro-belge, dont dépendait l’établissement pédagogique qui nous occupe plus particulièrement : le collège de Bruxelles, qui fut ouvert en 1604.
24Dans la province flandro-belge, une instruction pédagogique fut appliquée de 1625 à 1641 (il s’agit de l’Instructio pro scholis de 1625). Révisée en 1647, la nouvelle instruction resta en vigueur jusqu’en 1715, année de la parution de l’Ordo domesticus, qui fut appliqué jusqu’à la suppression de l’ordre en 1773182. Seules les deux instructions pédagogiques seront prises en compte, dans la mesure où l’Ordo domesticus ne mentionne rien au sujet des emblèmes ou des expositions183. Aux instructions, nous pouvons ajouter les rapports des visites, organisées pour vérifier la bonne application par les jésuites locaux des règlements de la Compagnie184. Une visite des provinces belges fut faite en 1617 par le père allemand Henri Scheren (1556- 1637), qui nous a laissé deux rapports et un ensemble de notes185. Une nouvelle visite fut réalisée en 1651 par Florent de Montmorency (1580-1659), dont nous avons préservé plusieurs documents dont un rapport186 et trois recommandations187 signés du 17 juin 1651, une lettre signée depuis Bruxelles le 11 février 1651188, et enfin des « amendements et ajouts au plan des études d’humanités » qui complètent l’instruction de 1647189.
25Grâce à ces diverses archives, nous savons que plusieurs pratiques spécifiques avaient cours dans la province flandro-belge. Les expositions publiques y ont été, comme le prescrivait la Ratio studiorum de 1599, limitées aux deux dernières classes d’humanités190. Seule l’instruction de 1647 permet aux élèves de syntaxe, c’est-à-dire aux élèves de la classe supérieure de grammaire, de participer eux aussi à l’événement191. Elle ajoute toutefois une précision importante : « ce sont les travaux (lucubrationes) des élèves, non du professeur »192. Comme l’a précisé Jean-Yves Boriaud, le terme lucubratio désigne l’activité « dont l’achèvement ne saurait dispenser [le jésuite] de ses tâches essentielles, celles de son apostolat », et qui pouvait dès lors empiéter sur ses nuits193. Autrement dit, c’était aux élèves et non aux professeurs de sacrifier leur loisir pour travailler à leurs compositions.
26Concernant les occasions, l’instruction de 1647 se contente de signaler que des expositions publiques prendront place plusieurs fois par an lors d’un jour plus solennel194. Le rapport de Scheren, l’instruction de 1625 et les amendements de 1651 se montrent par contre plus précis : les expositions publiques avaient lieu deux fois par an195. Par comparaison, un coutumier de la province gallo-belge recommande trois expositions annuelles : lors de l’Annonciation (ou dans certains cas lors de la fête de la Purification de la Vierge), lors de la Fête-Dieu et enfin lors de la Saint-Ignace196. Signalons enfin que, dans un document datant de 1623 et qui rassemble des réponses apportées à diverses requêtes formulées en matière d’enseignement, il est à nouveau question de trois dates pour les expositions : la fête de l’Annonciation (ou, éventuellement, celle de la Purification), la Saint-Ignace et, entre les deux, au lieu de la Fête-Dieu, la fête du Très-Saint-Sacrement197.
27Dans l’instruction de 1625, il semble que le préfet puisse seul réviser les expositions publiques198. En 1647, par contre, une distinction est opérée entre les événements organisés en interne au sein du collège et ceux impliquant la présence de membres extérieurs à l’établissement : « tout ce qui est déclamé ou exposé en présence des nôtres seulement, il suffit que le préfet seul les révise. Tout ce qui est publiquement déclamé et exposé en présence des personnes extérieures, le recteur les fait revoir par deux personnes mandatées, en fait ôter ce qui pourrait offenser et fait polir ce qui ne l’est pas assez »199. Les amendements de 1651 pour la province flandro-belge et le coutumier de 1640 pour la province gallo-belge invitent de même à faire relire les expositions par deux personnes désignées par le recteur, conformément à la règle 3 du préfet des études inférieures de la Ratio studiorum de 1599200.
28Alors que les Ratio studiorum de 1586A, 1586B et 1591 insistaient sur l’expérience que devaient posséder les deux superviseurs mandatés par le recteur, ni la Ratio studiorum de 1599 ni aucun document des deux provinces belges n’en font mention. C’est qu’il allait peut-être de soi que le recteur devait choisir des pères suffisamment qualifiés pour être en mesure de proposer des corrections pertinentes. Il ne nous semble pas inopportun de nous interroger sur l’identité possible de ces correcteurs au collège bruxellois, et tout particulièrement lorsque l’exposition concernait des emblèmes. Des poètes renommés, tels que Sidoine de Hossche (Sidronius Hosschius) et Jacques van de Walle (Jacobus Wallius), suffisaient-ils pour relire les carmina des emblèmes, ou alors choisissait-on expressément des emblémistes, tels Pedro Bivero (1572-1656) - auteur du Sacrum oratorium et du Sacrum sanctuarium, publiés à Anvers en 1634 - et Guillaume van Hees (Guilielmus Hesius ; 1601-1690) - surtout connu pour ses Emblemata sacra de fide, spe et charitate (Anvers, 1636) -, qui séjournèrent au collège de Bruxelles l’un à partir de 1616 et l’autre à partir de 1645201 ? Dans l’état actuel de nos connaissances, la question reste ouverte.
29Dans le cas des expositions publiques, l’instruction de 1625 prévoit que ce soit le recteur qui en fixe l’occasion appropriée et qui en gère les dépenses202. À ces deux prérogatives du recteur, l’instruction de 1647 ajoute encore celles de décider de la façon de procéder et du nombre d’expositions203. Signalons que, concernant les dépenses, plusieurs textes invitent à la modération : le rapport de visite du père Scheren, l’instruction de 1625 et les amendements de 1651204. Cette invitation à éviter les dépenses excessives avait déjà été formulée dans la réélaboration du texte de la Ratio studiorum de 1586 (1586B) : lors de l’exposition d’emblèmes, « afin d’éviter les dépenses immodérées », il faut obtenir la permission du préposé provincial. Toutefois, cette Ratio studiorum n’ayant pas été publiée et la prescription n’ayant pas été reprise dans la version de 1591, la Ratio studiorum de 1599 n’a conservé aucune trace de cette injonction. On la retrouve pourtant disséminée dans les documents locaux. Citons à ce propos un document archivistique attribué à Guillaume van Hees205.Il s’agit de quatre pages de notes qui rassemblent des reproches adressés aux professeurs et touchant à leur spiritualité ou à leur science (corrigenda in magistris in spiritu, fol. [1r-v], et in doctrina, fol. [2r-v]), avec dans une colonne les défauts constatés (defectus) et dans une autre (en vis-à-vis) les remèdes proposés (remedia). Dans la rubrique in doctrina, Hesius se plaint de ce que les expositions (en particulier d’emblèmes) servent plus l’apparat que l’enseignement et, ce faisant, voient leurs qualités éducatives amoindries.
Ce qu’il faut corriger chez les maîtres. Les défauts en matière d’éducation. — 4. Les rhétoriciens et les poètes ne font pas chaque semaine les déclamations de leurs compositions sur scène, mais les font seulement quelquefois par an, avec une décoration scénique où il y a plus d’apparat que de science. D’où, il s’en suit que les enfants ne progressent pas ou ne sont pas stimulés à progresser parce qu’ils n’entendent jamais leurs productions être déclamées ; il n’en est pas autrement des professeurs tandis qu’ils déclament - comme cela a été dit plus haut - les œuvres d’autrui. Le même jugement est à faire à propos des expositions, où, puisque l’on expose seulement des emblèmes rudimentaires et onéreux, c ’est à peine s’il y a autre chose qu’une peinture élégante et onéreuse. Le professeur n ’y apporte rien si ce n ’est une épigraphe rudimentaire et une maigre et brève épigramme206.
30Autrement dit, pour reprendre les propos probablement excessifs de Poncelet, « de l’utile orné, on passait souvent à l’orné inutile ; et le fini des emblèmes dessinés, le faste de la décoration préoccupaient plus que la perfection littéraire »207. Hesius propose comme solution que l’on attache une plus grande attention au texte qu’à l’aspect artistique et à la peinture de l’emblème.
Les remèdes. — 4. Qu’on exige rigoureusement des déclamations hebdomadaires ; qu’elles soient sans apparat si ce n’est lors des déclamations mensuelles. Que les emblèmes soient plutöt recommandés pour leur érudition plutöt que pour leur raffinement pictural ou artistique et qu’ils soient au moins ornés d’une épigramme raffinée. Que les maîtres qui, sur ces points, agissent bien reçoivent du recteur des récompenses ou quelque repos208.
31Notons qu’en province gallo-belge, le coutumier de 1640 donne quelques astuces pour limiter les frais : préférer un papier vierge à un papier décoré et respecter une proportion bien précise de compositions à exposer en fonction du nombre d’élèves.
Qu’on fixe le nombre des pages en fonction de celui des élèves de telle sorte que, s’il y a 30 rhétoriciens, on expose 15 pages en latin et 5 en grec ; s’il y a davantage d’élèves, qu’on conserve la même proportion. Pour éviter les dépenses, que le papier soit sans dessin, qu’on n’y ait pas peint ni des fleurs, ni des personnes, ni des cadres, ni d’autres choses semblables. Si on expose des emblèmes, avec l’accord du recteur, que ces emblèmes couvrent le nombre de deux pages et qu’ils soient peu coûteux209.
32Les réponses aux requêtes de 1623 donnent une proportion similaire, que seul le préfet peut adapter, et elles signalent également que, concernant les frais qu’il faut consentir aux expositions, deux principes sont à prendre en compte : le profit de l’exercice et la modération.
Pour conserver la mesure, que chaque professeur - dont le nombre d’élèves en classe s’élève habituellement à trente - expose en latin 20 folios sur du papier de Lombardie et en grec pas plus de cinq folios. Si jamais la feuille est plus petite, ou s’il y a plus d’élèves, c’est d’après le jugement, non pas des professeurs, mais du seul préfet qu’il faut décider du nombre de folios en conservant la même proportion. Que, dans chaque collège, il y ait un nombre déterminé approchant le quota maximal habituel, de telle sorte qu’il soit décidé, pour les classes de rhétorique et d’humanité de chaque collège, combien il faut toujours exposer de folios. Que chaque emblème remplisse deux folios. Quant aux dépenses à y appliquer, que l’on tienne grand compte tant du profit de l’exercice que de la modération. Voilà pourquoi, il ne faut pas exiger que tous mettent par écrit des règles - même occasionnellement - au sujet des prétérits ou des supins ; ni ne copient 200 ou 300 vers de Virgile ; c’est en effet avec une graphie très mauvaise et rapide qu’ils accomplissent des devoirs sans fruit et qui les disposent au mépris et à la négligence210.
33Pour la province flandro-belge, nous ne disposons d’aucune information semblable qui permettrait de déterminer le nombre d’emblèmes qui pouvaient être produits. Nous pouvons par contre constater que dans la pratique, au collège de Bruxelles, 60 emblèmes étaient en moyenne conçus chaque année - 30 emblèmes pour chaque classe211. Cette moyenne n’empêche toutefois pas des chiffres parfois exorbitants. Ainsi, pour ne citer que les deux exemples les plus significatifs, en 1651, pas moins de 79 emblèmes furent produits, tandis que l’année suivante, en 1652, le total atteignit 196 emblèmes pour les deux classes, soit un quota trois fois supérieur à la moyenne requise212. Toutefois, la pratique au collège de Bruxelles n’est certainement pas à prendre comme modèle. Dès 1611, en effet, moins de dix ans après la fondation de l’établissement bruxellois (en 1604), le préposé général, Claudio Aquaviva, adresse une lettre au provincial belge, François de Fléron, dans laquelle il pointe les excès auxquels se livrent en particulier les jésuites bruxellois en matière d’exposition d’emblèmes213.
Il a été souvent noté ailleurs que les nôtres doivent s’abstenir des emblèmes et des expositions onéreux. À nouveau nous le recommandons à votre révérence et c’est surtout à Bruxelles que l’on nous reproche ceci : les maîtres visent plus que de raison la magnificence et trop peu le profit pour les études214.
34La critique formulée dans cette lettre a peut-être pour origine la parution en 1611 d’une part d’un ouvrage collectif publié par le collège bruxellois et dans lequel sont rassemblés en quatre-vingt pages des poèmes de différents genres ainsi que des emblèmes, composés à l’occasion de la mort de la reine d’Espagne, Marguerite d’Autriche (1584-1611), et d’autre part d’un recueil plus volumineux (270 pages) signé par les rhétoriciens et comprenant des compositions d’une grande variété (où les emblèmes sont en fait peu représentés)215. C’est peut-être suite à cette publication que le général Aquaviva « réprimanda les jésuites belges pour avoir diffusé des pamphlets antihérétiques sous le nom de leurs élèves »216.
35Aquaviva n’incrime toutefois pas les seuls emblèmes, mais reproche plus généralement aux expositions d’être onéreuses. Le problème est peut-être lié à la propension des jésuites bruxellois d’intégrer les compositions de leurs élèves dans un appareil décoratif de grande ampleur. Dans le cas des expositions emblématiques, cet apparat, parfois grandiose, conférait à l’ensemble plus de cohérence, mettant en valeur les emblèmes et interagissant avec eux pour en parfaire le sens. L’espace public était ainsi orné d’arcs de triomphe, de larges panneaux peints où se détachaient en relief des dizaines de figures anthropomorphiques servant de supports aux emblèmes, tandis que les picturae des emblèmes réalisées par des professionnels locaux étaient serties dans un cadre en cuivre reluisant comme de l’or... tout cette ornementation participait sans aucun doute au succès et au lustre de l’événement, mais le soin et le coût qu’exigeaient sa conception et son montage n’étaient probablement pas négligeables. La question reste entière quant à savoir si la plus-value de cet appareil décoratif était à la hauteur de l’investissement humain et matériel important qu’il requérait.
36Les provinces belges ne furent pas les seules à être confrontées aux problèmes du faste et du coût excessifs des expositions emblématiques. Quelques coups de sonde révèlent que les textes prescriptifs d’autres provinces jésuites ne cessent de réitérer leurs exhortations à la modération217. Dans les provinces germaniques, l’un des tout premiers appels fut lancé par le père visitateur Théodore Busäus (1558-1636)218, qui écrivit en 1609 dans son rapport consacré au collège de Dillingen :
Les poèmes qui sont affichés publiquement par les rhétoriciens et les humanistes à une époque définie de l’année, ne doivent pas être examinés par le seul préfet, mais doivent l’être aussi par un autre père que le recteur doit désigner. Il ne faut pas y tolérer de grosses dépenses ni non plus un grand nombre d’emblèmes : il en faut seulement 6 ou 7 pour un rhétoricien, 4 ou 5 pour un humaniste, dont chacun n’excédera pas le prix d’un florin. Dans ces affichages, il faut accorder une attention fort modérée aux peintures et au reste, avec seulement une couronne ou un carré imprimé ou légèrement peint219 ; ceci pour éviter d’accabler les élèves d’une dépense trop importante220.
37Les rappels fréquents à observer strictement certaines règles suggèrent que toutes ne furent pas appliquées avec le même soin221. Par ailleurs, les transgressions des règlements nous rappellent que ces documents normatifs ne reflètent pas une pratique effective, mais livrent le cadre dans lequel celle-ci devait en principe s’inscrire222.Il convient dès lors de spécifier les us et coutumes en vigueur au collège de Bruxelles.
1.4. La pratique au collège jésuite de Bruxelles
38Installés rapidement en Belgique (1542), les jésuites établissent une résidence à Bruxelles dans le dernier quart du xvie siècle et le 14 juillet 1604 inaugurent le regium gymnasium Bruxellense223. Situé à côté de l’église, dont l’entrée donnait sur la rue d’Or (platea aurea), le collège accueille dès 1620 une classe de rudiments, qui s’ajoute aux cinq autres classes du cycle d’humanités, et il connaît d’emblée un franc succès, avec 400 élèves à son ouverture, 500 moins de cinq années plus tard et, à partir de 1640 et tout au long du xviie siècle, un contingent oscillant entre 600 et 700 collégiens, voire davantage certaines années224. Le collège bruxellois est ainsi l’un des plus fréquentés du pays225. Ce phénomène est d’autant plus remarquable que les augustins, qui, dans bien des domaines, rivalisent avec les jésuites, ont ouvert un collège dans la ville quelques années auparavant, en 1601226.
39L’épanouissement rapide du collège n’est probablement pas étranger au développement particulièrement prompt et fastueux que connaît la pratique de l’exposition emblématique dans cet établissement qui essuie dès 1611 des critiques en raison du coût et du luxe des affixiones. Un peu plus tardive est par contre la conservation des manuscrits emblématiques : la première exposition dont nous avons préservé une copie partielle des emblèmes date de 1630. Cette date marque le début d’une pratique qui perdurera jusqu’en 1685. Le corpus ainsi formé constitue un ensemble cohérent dans la mesure où il rend compte d’événements qui ont pris place annuellement à une même occasion : la procession du Saint-Sacrement227.
40Aucune « affiche » ne nous est parvenue sous son format initial228. Après avoir été exposés en public, les emblèmes étaient reproduits dans un « volume commémoratif » et nous savons que la reproduction était confiée au soin d’artistes renommés, peintres ou calligraphes, mais nous ignorons tout des principes qui régissaient cette étape229. Le statut de copie des manuscrits pose pourtant la question de leur fidélité vis-à-vis de l’événement originel. Nous constatons plusieurs anomalies liées à des erreurs de retranscription ou à une mauvaise manipulation lors de l’élaboration des volumes. Signalons-en quelques cas.
41Par facilité, les artistes ne travaillaient pas directement sur les livres déjà reliés mais sur des feuillets qui, une fois pliés, formaient les cahiers dont les livrets manuscrits sont composés230. Cette technique de confection des volumes explique plusieurs imperfections. Par exemple, les folios des cahiers étaient rognés pour avoir une dimension uniforme et, pour peu que la zone à écrire ne fût pas délimitée soigneusement, le rognage a empiété sur le texte. C’est ainsi que s’expliquent plusieurs coupures de mots en fin de ligne dans les volumes commémoratifs de 1647 et de 1651231. Parallèlement, des indications qui étaient destinées à disparaître au rognage sont encore visibles sur quelques folios des volumes de 1647 et de 1648. En 1647, un nombre figure à plusieurs reprises à côté du numéro du feuillet : il correspond à la place de l’emblème dans le recueil232. De même, sur plusieurs feuillets du manuscrit de l’exposition de 1648, il est possible de distinguer, au bas du folio où le poème est écrit, quelques mots en plus petits caractères, qui dans bien des cas sont illisibles (et partiellement rognés), mais qui au folio 53r, sont inscrits distinctement : Martimis Hartius, soit le nom de l’élève qui a composé l’emblème, indiqué très certainement pour aider les artistes dans leur reproduction puisque celle-ci se faisait en plusieurs étapes successives (voir fig. 1).
42En 1648, une erreur lors de l’élaboration des cahiers explique pourquoi, dans le manuscrit, des cadres vierges se trouvent sur certains folios233. Dans la première série, entre chaque emblème, il y a toujours deux feuillets vierges : tous les versos des folios impairs et tous les rectos des folios pairs. Dans la seconde série, par contre, à 20 reprises, on trouve des cadres vierges imprimés sur le recto de certains folios pairs, qui en principe auraient dû rester vierges.
43En 1651, six mauvaises associations - dont une seule a été corrigée - entre d’un côté le titre et l’épigraphe et de l’autre côté l’image et le poème se sont glissées dans les manuscrits234. Il en résulte que les emblèmes tels qu’ils sont fournis dans le volume ne font pas sens et, dans notre édition, nous les avons reconstitués. On constate que les emblèmes affectés se suivent en alternance un emblème sur deux et que l’erreur se répète toujours à l’identique, comme par décalage235. Sur la base de ce constat et à l’aide d’une critique interne des emblèmes236, il est possible d’associer à nouveau les composantes qui se correspondent et de rétablir les emblèmes comme il convient237.
44Les volumes commémoratifs sont donc loin d’être dépourvus d’incohérences et d’irrégularités, sans compter que certains sont restés inachevés238. Malgré ces quelques imperfections, leur témoignage reste néanmoins précieux car ils constituent les sources les plus complètes et les plus riches que nous ayons préservées des expositions239.
45Nous avons présenté ailleurs les nombreux enjeux pédagogiques et publicitaires de l’exposition des emblèmes estudiantins, dont la conception - pour être motivante et enthousiasmante - n’en constituait pas moins pour les élèves un exercice ardu, sinon un véritable « défi »240. La composition d’emblèmes est en effet un stimulant intellectuel – adjumentum (ou incitamentum) studiorum - et leur exposition permet de diffuser hors des murs de l’établissement un échantillon du savoir des collégiens (doctrinae specimen), révélant l’ensemble de leurs aptitudes et de leurs compétences, ainsi que leur grande créativité. Pourtant, quiconque s’intéresse de près aux affixiones bruxelloises en vient rapidement à s’interroger sur le processus de confection des emblèmes et à se demander comment les élèves ont été en mesure de composer de telles œuvres, sinon de tels « chefs-d’œuvre ». Répondre à cette question reste néanmoins malaisé. L’étude de l’enseignement de l’emblème dans le contexte particulier des collèges jésuites, dont le rayonnement et l’influence sur la société et la culture des xvie et xviie siècles ne sont plus à démontrer, souffre d’une difficulté : l’état de conservation des sources et dès lors la quantité de renseignements à notre disposition.
46La conservation des « cours dictés », c’est-à-dire des synthèses élaborées par le professeur et des notes tachy graphique s prises par quelque élève, est inégale. Si de telles archives sont nombreuses en France et forment un bagage suffisamment étoffé, ce n’est pas le cas dans les provinces belges où ce type de documents fait complètement défaut241. Cette carence est évidemment préjudiciable aux recherches sur l’emblématique, car même si la Ratio studiorum de 1599 fournissait un cadre général, les pratiques d’enseignement différaient selon les provinces, si bien qu’il serait malvenu de chercher à appliquer les théories emblématiques en vigueur dans une province jésuite à une autre. Une solution à ce problème consiste à remonter aux sources de ces cours dictés et à étudier les positions des principales personnalités jésuites qui ont tenté de théoriser l’emblématique et d’en formaliser les règles242. En examinant les différents systèmes théoriques proposés par les jésuites et leurs points de convergence, il est possible de mettre en lumière la manière dont les pères perçurent et appréhendèrent le genre de l’emblème. Nous avons effectué ce retour aux sources dans un article consacré à quelques-unes des plus influentes figures de la Compagnie de Jésus à leur époque : Jacob Pontanus (1542-1626), Jacob Masen (1606- 1681), Silvestre Petrasancta (1590-1647) ou encore Claude-François Ménestrier (1631-1705), autant de pères qui furent familiers des collèges puisqu’ils furent professeurs d’humanités respectivement à Dillingen, à Cologne, à Fermo et pour le dernier à Vienne, Grenoble et Lyon243. De cette étude, il ressort qu’au-delà de leurs divergences, les jésuites partageaient une même conception de l’emblème. Genre multipartite dont le nombre de composantes oscille entre deux et quatre, l’emblème profite des qualités respectives des deux médiums dont il est formé (le texte et l’image) et son fonctionnement repose sur divers procédés rhétoriques, avec une prédilection pour la métonymie et plus encore pour la métaphore par analogie244.
47Si le corpus des affixiones bruxelloises s’inscrit aisément dans ce schéma général, deux remarques s’imposent néanmoins. Tout d’abord, sans vouloir minimiser l’influence des théories emblématiques des jésuites sur les élèves, il faut insister sur le fait que ces derniers étaient régulièrement en contact avec des emblèmes au cours des nombreuses festivités urbaines ainsi que des diverses solennités organisées au collège. Les élèves étaient constamment confrontés à ce genre dont la familiarité devait sans aucun doute faciliter l’appréhension : la pratique et le contact régulier ont participé à instiller dans l’esprit des collégiens les règles de l’emblème. Or, aucun texte ne rend compte de cette imprégnation lente mais profonde. Ensuite, une étude de cas concrets puisés dans la collection des emblèmes estudiantins bruxellois fournit des informations bien plus précises que ne le font les théories emblématiques et nous semble être le moyen le plus sûr et le plus efficace pour comprendre dans le détail et en nuance ce corpus.
48Au niveau de la structure formelle des emblèmes, chaque composition comprend en général quatre parties, auxquelles les jésuites bruxellois ont donné le nom de titre (titulus), épigraphe (épigraphe), peinture (pictura) et poème (carmen)245. Ces quatre membres ne sont pas exclusifs. Dans de nombreuses séries, les nom(s) et prénom(s) de l’élève qui a composé l’emblème sont précisés (c’est son nomen246). D’autres séries, par contre, sont anonymes247. Par ailleurs, des citations viennent régulièrement compléter et agrémenter les compositions : soit elles se confondent avec le titre ou l’épigraphe248, soit elles s’ajoutent aux quatre composantes fondamentales de l’emblème, qui participent à son sens249. Pour ce qui concerne les interactions qui régissent ces composantes, la situation est plus complexe et c’est pourquoi nous présentons l’analyse de deux exemples qui illustrent la qualité et la richesse du corpus à l’étude.
1.4.1. Le Parthe en fuite
49Parmi les systèmes théoriques élaborés par les jésuites, celui qui a eu le plus de succès distingue dans les genres symboliques deux composantes majeures : une protase et une apodose250. Ces deux termes sont employés pour la première fois par le père Silvestre Petrasancta pour définir les deux membres de la comparaison à l’œuvre dans la devise. Petrasancta écrit en effet que « quand le discours, qui pose deux éléments semblables, les compare séparément et tour à tour, alors il comprend deux parties : la protase et l’apodose, grâce auxquelles évidemment il y a une comparaison entre deux éléments semblables, comme si je disais : [Platon, Lachés] tout comme les Scythes l’emportent sur l’ennemi en fuyant, ainsi de même combien le plaisir est vaincu par la fuite »251. Repris par Jacob Masen, qui les applique plus particulièrement à la métaphore par analogie, la figure par excellence des genres symboliques, les termes de protase et apodose seront régulièrement mobilisés pour synthétiser les théories emblématiques252. Le jésuite Bohuslaus Aloysius Balbinus (1621-1688) écrit ainsi en 1666 :
Dans tout emblème, il y a une comparaison ou une similitude, et elle est nécessairement requise. La chose d’où l’on puise la similitude et la peinture s’appelle protase, l’application s’appelle apodose. Par exemple, on dépeint un Parthe qui en fuyant blesse l’ennemi, en ajoutant l’inscription : notre fuite fait notre victoire. Il faut ainsi l’expliquer : de même que le Parthe, quand il fuit, blesse l’ennemi et l’emporte (telle est la protase), de même moi, en fuyant, je triompherai du plaisir (telle est l’apodose)253.
50On constate que l’emploi du couple protase-apodose va de pair avec l’usage du même exemple : l’image de la fuite du Scythe ou du Parthe, qui est héritée du Lachès de Platon où ce dernier écrit que les Scythes étaient capables de combattre aussi bien en fuyant qu’en poursuivant (Platon, Lachès, 191a). Récupérée par les auteurs latins, qui au Scythe substituèrent le Parthe, cette image connut un certain succès auprès des emblémistes254. Nous la trouvons dans le septième emblème des Emblemata ethico-politica (1661) de Joannes Kreihing255, dont voici le texte (voir fig. 2) :
[Titre] Sois vigilant face à l’ennemi, même s’il est en fuite
[Épigraphe] Il n’est pas rare que l’ennemi en fuite soit plus nuisible que celui qui combat
[Poème] (1) Agis avec vigilance et jamais ne méprise l’ennemi en fuite. Une fuite rusée a été souvent la cause de très grandes pertes. La barbare Tomyris affligea le noble Cyrus lorsque, dans sa fuite, elle accabla les Perses d’embûches256. (5) Celui qui avait souillé l’Araxe d’un crime semblable à une infection sombra alors, imprudent, sous le coup de sa propre ruse257. Rappellerais-je les arcs que souvent le Parthe a tendus avec assurance semblant se fier à son cheval engagé dans la fuite. Rappellerais-je les aigles romaines, les troupes du riche Crassus, (10) et tant d’enseignes défaites en raison d’une fuite simulée258. Qui ne connaît pas toutes les fois où ajoutant ses larmes aux eaux du Latium, le Tibre, affligé, répandit ses pleurs en de larges flots ? Non, Bellone [=la guerre] ne garde pas toujours la même direction ; elle se précipite au combat en suivant tantôt une route, tantôt une autre. (15) Souvent elle apporte le laurier sur un quadrige ensanglanté et arrache la palme toute proche de l’ennemi vaincu. Souvent la victoire remportée par la force a été anéantie par la ruse et la fuite a ramené souvent des chevaux victorieux. Toi, que charme la gloire d’un Mars prudent, (20) toi, qui recherches l’honneur dans la guerre et d’amples récompenses, surveille l’ennemi, même s’il fuit, et considère que tu as affaire à un Parthe en fuite259.
51L’emblème de Kreihing rappelle le dix-huitième emblème de la première série de l’exposition de 1647 (KBR, ms. 20.306, fol. 19r ; fig. 3), dont la pictura montre un Parthe qui, tout en fuyant avec son armée en déroute, se retourne pour décocher contre la troupe qui les poursuit un trait qui va tuer un soldat de celle-ci. L’emblème de Kreihing et celui du collège de Bruxelles sont foncièrement différents, et ce en dépit de la similitude de leurs images. Au premier distique de son poème260, Kreihing invite à ne pas sous-estimer l’ennemi dans sa fuite, puisque celle-ci est une ruse. Dans les quatre vers suivants (v. 3-6), il développe un exemple - celui de Cyrus et de Tomyris - qui expose les faits essentiels : le manque de prudence peut être funeste, tandis que la fuite n’est pas toujours le signe d’une défaite. Ces faits sont confirmés par l’exemple des Parthes qui usent de la fuite comme d’une tactique de guerre (v. 7-8), au plus grand dam des Romains (v. 9-12). Kreihing présente ensuite (v. 13-18) l’inconstance de la fortune militaire qui rend la victoire incertaine. La fin du poème (v. 19-22) reprend les principales idées qui y ont été développées et qui figuraient déjà dans le titre et l’épigraphe : il faut rester vigilant en toute circonstance car la victoire n’est jamais assurée et l’ennemi est d’autant plus nuisible qu’il fuit.
52L’emblème de l’exposition de 1647 est conçu bien différemment. Pour l’élève, ce n’est plus la fuite qui est source de victoire mais la crainte, dont la fuite n’est que l’expression. L’élève opère de la sorte un déplacement par métonymie, qui s’accompagne d’un changement de perspective. En effet, il n’insiste pas, comme le fait Kreihing, sur le contraste de la victoire dans la fuite, mais met en évidence un paradoxe puisque la cause de la fuite est en même temps la raison de la victoire, à savoir la crainte. De plus, à l’inverse de Kreihing, le collégien ne se positionne pas du côté des Romains, mais du côté des Parthes qui éprouvent la crainte. C’est que l’objectif de l’emblème de 1647 est de démontrer que la crainte peut être positive pour envisager semblablement la crainte du Seigneur et exalter ce pieux sentiment. Il s’inscrit en cela dans la conception de l’époque qui voyait dans la crainte du Seigneur un puissant bouclier au combat et en premier lieu pour Léopold-Guillaume qui l’a choisie pour devise et à qui la série est dédiée.
53La configuration du poème est elle aussi différente. Dans l’emblème de l’élève, l’épigramme comprend deux parties, qui correspondent de facto aux deux membres de l’analogie définis par Masen261. Au premier distique, l’élève présente la scène de sa pictura, en y pointant les éléments utiles à son raisonnement. Au second distique, le collégien dévoile son analogie : de même que le Parthe l’emporte en fuyant, celui qui est inspiré par la crainte du Seigneur sera victorieux. Signalons que la relation qui unit la fuite et la crainte est tout entière implicite : il n’est jamais dit que le Parthe fuit par crainte. Pourtant c’est le rapport métonymique entre la crainte (la cause) et la fuite (l’effet) qui permet à l’élève de fonder son analogie.
54Cet exemple est intéressant à plusieurs niveaux. Tout d’abord, ni Kreihing ni l’élève de 1647 ne confèrent à l’image du Parthe la même leçon morale que lui appliquent les théoriciens jésuites, à savoir l’exhortation à fuir le plaisir (yoluptas). La même image a donc reçu trois interprétations différentes et pour autant tout aussi pertinentes. Cela démontre qu’un même référent visuel peut donner lieu à des analogies diverses et être investi de sens différents. Il convient d’ailleurs de signaler l’originalité de l’élève qui, partant d’un exemplum de l’Antiquité, repris par la tradition emblématique, est parvenu à en tirer une nouvelle leçon. De plus, la confrontation de la composition de l’élève avec celle de Kreihing illustre la variété des raisonnements qui peuvent se déployer dans l’emblème. Là où, l’élève ne développe qu’un seul exemple qui lui paraît suffisamment représentatif, Kreihing multiplie les cas notables qui pointent, sinon vers un même sens, au moins dans des directions complémentaires. Or, il faut savoir que ces deux modi operandi se retrouvent dans le corpus bruxellois. Le prochain exemple le fait voir.
1.4.2. La cloche en verre
55Le corpus des affixiones bruxelloises couvre une période relativement longue du xviie siècle, comprise entre 1630 et 1685. Il n’est dès lors pas surprenant que plusieurs pratiques s’y soient côtoyées et succédées. Il ne nous semble pas inintéressant de préciser que c’est dans le volume commémoratif de 1642 (BnF, ms. lat. 10.170) qu’on constate pour la première fois une réduction de la taille des poèmes et une prédilection pour le distique élégiaque : dans le manuscrit, tous les poèmes, grecs comme latins, sont composés de deux distiques262. Il faut toutefois attendre l’exposition de 1645 pour que cette structure s’impose - avec entre-temps, dans les manuscrits de 1641, 1643 et 1644 (respectivement KBR, ms. 20.330 A, ms. 20.302 et ms. 20.303), des poèmes de volume et de structure métrique variables. Dans la suite, une certaine uniformité s’installe, chaque poème comprenant un à trois distiques élégiaques, bien que la majorité d’entre eux en compte deux. On relève quelques exceptions, comme dans les expositions de 1650 et 1651 (KBR, ms. 20.308-9), marquées de nouveau par une diversité métrique. Les poèmes ont tendance toutefois à rester assez brefs. Ainsi, lorsqu’ils sont composés en vers strophiques, ils ne comprennent pas plus de deux strophes. C’est donc dans les années 1640-1645, après une période de grande hétérogénéité, que s’est instaurée une forme standardisée de l’épigramme emblématique, peut-être liée à l’évolution des goûts de l’époque et plus particulièrement à l’esthétique de l’argutia, qui prône entre autres la brièveté. Rappelons en effet que si la théorie de l’argutia fut formulée dès le xvie siècle, ce n’est qu’à partir des années 1640 que deux jésuites, Baltasar Gracián (1601-1658) et Jacob Masen lui consacrèrent leurs traités263. L’homogénéisation des poèmes des affixiones pourrait être le reflet de l’intégration du nouveau style « argutique » au sein du collège bruxellois.
56Quoi qu’il en soit, les effets de la concision du poème sont facilement observables par la comparaison d’emblèmes aux picturae similaires, mais produits à un intervalle temporel important. C’est le cas de l’image des cloches de verre que le jardinier pose sur les plantes et qui est utilisée à deux reprises dans l’ensemble du corpus (voir fig. 4 et 5). Des deux poèmes qui accompagnent ces images, le premier composé en 1643 ne comprend pas moins de dix distiques élégiaques, alors que le second de 1658 n’en compte que deux. Ces deux textes de longueurs fort inégales constituent donc un laboratoire privilégié où nous pouvons examiner les implications du format des poèmes sur leur conception. Commençons par l’emblème de 1643 :
[Titre] La miséricorde voilée
[Épigraphe] Cachée, elle reste en sécurité
[Poème] (1) Heureux ceux qui ne veulent pas mettre en avant les bienfaits dont ils sont les auteurs et qui les accomplissent dans l’ombre et sans témoin. Ce qui est caché reste en sécurité. Ce qui est mis au jour s’expose souvent à la machination de pièges et à la ruine. (5) Ainsi, s’il présente à tort son or à la vue du peuple, le riche a des raisons de craindre des pièges. La richesse bien acquise se trouve en sécurité dans les coffres fermés ; les vins du Massique se trouvent en sécurité dans les jarres fermées. Si le Palladium264 avait été caché dans l’ombre, Troie aurait été en sécurité ( 10) et elle n’aurait pas été détruite par les Grecs. Et d’autres villes sans nombre se tiendraient debout avec leurs remparts, si leurs destins n’avaient pas été révélés à ceux à qui ils étaient cachés. C’est à ce point qu’il est nuisible de se faire connaître. Tout ce qui est caché se trouve dans une plus grande sécurité : maintiens-le ainsi et soustrais-le au mal. (15) Le jardinier connaît aussi cela : ce qu’il veut conserver, il le cache. Dès lors son ail et sa chicorée restent intacts. Tires-en un enseignement : toi qui secours les indigents, apprends aussi à préserver l’argent donné en le cachant, pour éviter que, si ta piété semble excessivement vaniteuse, (20) l’approbation du peuple ou la légèreté de sa faveur ne l’emportent265.
57Dans les deux premiers distiques (v. 1-4), l’élève présente les deux principales idées du poème : il vaut mieux cacher certains bienfaits (v. 1-2) afin de ne pas les mettre en péril en les dévoilant (v. 3-4). Ces deux idées sont synthétisées dans une brève sentence qui sert d’épigraphe à l’emblème : abdita tuta manet (épigraphe). Suivent quatre distiques (v. 5-12) qui exposent plusieurs exemples puisés dans la vie quotidienne (v. 5-7), dans la viticulture (v. 8) ou encore dans l’histoire antique (v. 9- 12) : ces différents cas montrent qu’il est préférable de tenir certaines choses cachées, si l’on ne veut pas courir à sa perte. Ils sont d’ailleurs suivis d’un distique gnomique qui résume ces deux principales idées : nocet innotescere (v. 13) et tutius omne quod latet (v. 13-14). L’exemple présenté dans les deux vers suivants (v. 15-16) et qui est puisé de l’horticulture a ceci de particulier que d’une part il est figuré sur la pictura et que d’autre part, contrairement aux cas précédents, il est envisagé positivement (la conservation) et non plus négativement (la perte) : il ne mène plus à la conclusion qu’il est dangereux de ne pas rester caché, mais montre le bénéfice que l’on peut tirer en se cachant. L’épigramme se clôt enfin sur quatre vers qui résument l’enseignement à tirer de cet emblème en l’appliquant au cas particulier du bienfaiteur (v. 17-20). Dans sa composition, l’élève met en jeu une argumentation inductive : en confrontant plusieurs exemples, il conclut à une vérité générale, qu’il applique au cas précis qui l’intéresse. Tout autre est par contre l’emblème de 1658 :
[Titre] La miraculeuse Eucharistie est protégée, dans les cachettes, des injures hérétiques
[Épigraphe] Cachée, elle reste en sécurité
[Poème] La tempête fait rage en se déchaînant et l’eau s’écoule en trombes ; ils ne sont pas en sécurité, les plants qui ne sont pas bien cachés. Tandis que la fureur malsaine [=la fureur hérétique] fait rage en se déchaînant à travers la ville [=de Bruxelles] l’hostie reste bien en sécurité (ô qu’elle se trouve bien cachée !)266.
58Le premier distique présente la scène qui se trouve représentée sur la pictura et qui montre un exemple puisé à nouveau dans l’horticulture où, en cachant les plants, le jardinier les protège. Érigeant ce constat en vérité générale (cacher, c’est protéger), l’élève l’applique au cas qui l’intéresse : l’histoire locale révèle qu’il fut judicieux de cacher (et ainsi préserver) les hosties miraculeuses durant la crise calviniste qui ravagea Bruxelles à la fin du xvie siècle267. La concision du poème permet d’accentuer le rapprochement entre les deux membres de l’analogie en mettant en jeu des structures grammaticales similaires ou en reprenant des expressions à l’identique (v. 1 et 3 : sine more furit ; v. 2 : abdita, tuta manent ; v. 4 : latitans... tuta manef). Le premier hémistiche des hexamètres amène le lecteur à établir un parallélisme entre la tempestas et la rabies, entre la tempête qui met en danger les plants et la fureur hérétique qui menace les hosties. Cette association est expressive et même métaphorique dans le sens où elle permet d’exprimer implicitement toute une série d’idées que seul un long développement pourrait détailler : la fureur hérétique qui parcourut les Pays-Bas fut une « tempête » funeste et dévastatrice qui se déchaîna sans mesure. Par ailleurs, les pentamètres énoncent la vérité générale, synthétisée par l’épigraphe (abdita tuta manet) et que l’on retrouve légèrement modifiée en finale de vers (v. 2 : abdita tuta manent ; v. 4 : latitans... tuta manet). Cette correspondance formelle permet d’identifier le point commun entre les plants de la pictura et l’hostie : leur fragilité qui les expose au péril et impose de les préserver en les cachant.
59Les deux poèmes procèdent de facto d’argumentations différentes. Dans le premier cas, comme nous l’avons déjà expliqué, l’élève conduit un raisonnement inductif ab exemplis. Partant de plusieurs cas différents, le collégien met en exergue un danger auquel l’image qui lui sert de pictura apporte une solution, qu’il n’a aucune difficulté à formaliser en l’exprimant dans une perspective plus générale. En revanche, en 1658, l’élève ne recourt qu’à un seul et unique exemple - celui qui est figuré sur sa pictura. Aussi doit-il être davantage vigilant pour établir une correspondance rigoureuse entre les deux membres de son analogie. Là où, dans le premier emblème, c’est la multiplication des exemples qui finit de convaincre le lecteur, c’est, dans le second cas, la correspondance symétrique et exacte des éléments, ainsi que la confirmation de la validité de la leçon par les événements de l’histoire qui entraînent l’adhésion. Toutefois, bien qu’ils emploient des expédients différents, les élèves aboutissent au même résultat : la vérité de leurs propos est démontrée.
60Les analyses que nous venons d’effectuer montrent la grande diversité du corpus. Chaque emblème est le produit d’un auteur différent et les compositions, tout en partageant une même structure et une même articulation (emblématiques), n’emploient pas les mêmes procédés rhétoriques. Ils n’offrent pas non plus le même degré de sophistication : certains emblèmes sont moins réussis que d’autres. Une approche stylistique des poèmes le fait clairement voir268.
1.4.3. Stylistique des poèmes
61Les poèmes en grec ancien de notre corpus trahissent une connaissance plutôt livresque et assez artificielle de la langue hellénique269, sans compter qu’ils contiennent plusieurs maladresses, dont certaines sont explicables par des raisons métriques, les élèves tentant de trouver des expédients pour contourner certaines rigueurs prosodiques : c’est le cas pour l’emploi des formes pré-contractes (στασιώδεες) et l’adaptation de l’orthographe de plusieurs mots (ἠσομένω au lieu d’ἐσομένῷ ; ou encore la tmèse d’εὐ-θὐνω dans l’emblème KBR, ms. 20.307, fol. 13r, v. 1-2). Ainsi, les graphies πλέρυξ et πλεροξ (ΚΒΚ, ms. 20.309, 97r, épigraphe et v. 2) au lieu de πτέρυξ sont employées car la séquence consonantique πλ permet, suivant la règle muta cum liquida, de conserver bref l’alpha final du mot précédent (βασιλει̃α) alors que la séquence πτ aurait allongé la syllabe par position. Mais nous constatons aussi plusieurs fautes prosodiques, comme l’emploi des formes òµòνοοi et βελòνη, à l’initiale ou en fin de dimètre ïambique catalectique (KBR, ms. 20.307, fol. 61r et fol. 75r ; voir fig. 6), alors que leur o micron à la deuxième syllabe devrait constituer une syllabe lourde. Le plus étrange est probablement la forme oποκλευόμενον placée par Charles Antoine Romanus à l’initiale d’un vers (KBR, ms. 20.307, fol. 99r, poème grec, v. 1). Le collégien a ici composé une nouvelle forme grecque sur le modèle du latin. Partant du substantif έποχλεύς (έως), qui traduit le terme latin sufflamen (poème latin, v. 1), les humanistes ont créé un verbe *έποχλεύω, que Cornelius Schrevelius présente dans son dictionnaire comme l’équivalent sémantique de sufflamino270. Charles Antoine Romanus en emploie ici le participe présent avec une orthographe fautive (K au lieu de x) et la modification du préfixe έπ- en ὐπ- sur le modèle du vocable latin sufflamino dans lequel l’élève a reconnu le préfixe sub-. Cette plasticité lexicale, liée à une imitation interlinguistique, révèle la grande inventivité des élèves, mais laisse imaginer les difficultés que de semblables adaptations peuvent engendrer pour le lecteur moderne habitué aux éditions uniformisées. En définitive, outre son emploi restreint, il faut relever le caractère approximatif du grec des écoliers, avec comme corollaire l’usage de formes irrégulières et rares voire tronquées selon les nécessités prosodiques. Les corrections à apporter aux poèmes grecs pour en rendre la lecture plus fluide, sont parfois si substantielles que nous avons choisi, dans notre édition, de fournir le texte original du manuscrit (exempt de toutes corrections morphologiques, syntaxiques ou prosodiques) en plus de la version remaniée et amendée. Il nous semblerait toutefois injuste de terminer notre analyse du grec ancien sur un jugement aussi sévère. Les élèves ont le mérite de s’être essayés à une langue particulièrement complexe car très riche et d’avoir écrit dans des mètres moins usuels, comme le dimètre ïambique catalectique, pour lequel la grammaire grecque en usage dans les collèges jésuites donne une structure assez stricte271.
62La connaissance de la langue latine apparaît bien meilleure que celle du grec ancien, hormis pour quelques imperfections dont certaines sont probablement imputables à une retranscription peu soignée des emblèmes. On notera la variété des mètres employés par les élèves avec, dans les séries que nous éditons, des dimètres ïambiques catalectiques, des distiques formés d’un trimètre ïambique suivi d’un dimètre ïambique, des quaternaires anapestiques acatalectiques, des phaléciens, des scazons, des saphiques κατὰ στίχοv ainsi que des strophes saphiques ou alcaïques. Or, les règles métriques qui étaient imposées aux collégiens étaient parfois bien plus exigeantes que celles en vigueur dans l’Antiquité. Par exemple, la grammaire d’Alvarez qui était recommandée dans la Ratio studiorum de 1599, donne pour le phalécien un schéma moins souple que nos traités modernes : Alvarez ne permet pas la substitution de la seconde syllabe lourde par une syllabe légère272. Si l’on excepte la quantité des première et dernière syllabes du vers - pour lesquelles Alvarez ne précise pas qu’elles peuvent être indifféremment lourdes ou légères -, les élèves sont restés fidèles à leur manuel scolaire. En effet, suivant la suggestion d’Alvarez, tous les élèves qui ont écrit leur poème en phaléciens ont employé une deuxième syllabe lourde.
63De même pour le saphique. Alvarez indique que ce vers comprend cinq pieds : un trochée, un spondée, un dactyle et enfin deux trochées ; soit le schéma suivant : 273.Il limite donc le second pied à un spondée, sans permettre sa substitution par un trochée, comme c’est théoriquement possible. D’où l’emploi par les élèves d’une quatrième syllabe lourde. Or, il faut savoir, comme l’indique Nougaret, que si « en grec et chez Catulle la 4e syllabe est longue ou brève, à partir d’Horace elle est toujours longue »274. De plus, dans les deux poèmes des emblèmes, les élèves semblent faire tomber une coupe après la cinquième syllabe. Or, « les Grecs admettent une séparation de mots après la 4e syllabe, Catulle ne l’admet pas. Horace dote ce vers d’une coupe qui intervient le plus souvent après la 5e syllabe, plus rarement après la 6e, jamais après la 4e »275. Il semble donc que les élèves aient essayé d’écrire le saphique à la mode d’Horace, même si ce dernier n’a fait usage de ce vers qu’en strophe276.
64Les jésuites plaçaient la barre très haut et il revient en général aux élèves d’être parvenus à s’en sortir très bien eu égard à la rigueur de certaines formes métriques et en dépit de quelques imperfections. Parmi celles-ci, relevons le seizième emblème de la série sur le timor Domini, où la substitution au quatrième vers de tibi par timor aurait été, nous semble-t-il, plus satisfaisante pour le sens (KBR, ms. 20.306, fol. 17r, v. 4 : certa tibi Domini mentis amussis erit). De même, au deuxième vers de l’emblème suivant (KBR, ms. 20.306, fol. 18r, v. 2 : indicium praedae est spesque timore venit), la leçon tremore au lieu de timore serait sémantiquement plus adaptée, tout en restant métriquement correcte. Signalons néanmoins que l’emploi de timor s’explique peut-être par une imitation d’Ovide277. Nous pouvons enfin relever l’usage de flabellum avec un ă bref par Pierre van Oudenhagen278, alors que les dictionnaires modernes indiquent que le â est long. Nous devons toutefois préciser qu’un vers d’Ovide, dont les lectures varient en fonction des manuscrits, emploient le mot avec un ᾰ bref279. Ces quelques cas révèlent combien les amendements que l’on pourrait envisager pour les textes latins sont mineurs.
65Plus remarquable est la variante prosodique et orthographique offerte par Louis de Grisperre quand il écrit strătăgēmătă (KBR, ms. 20.309, fol. 26r, v. 3 : scīs tǔă quō tēndānt prīncēps strătăgēmătă sēd tū), en substituant au ē long du mot (strătēgēmătă ; στρατἠγηµα) un ᾰ bref280. Nous pouvons encore relever l’emploi de quamvis avec l’indicatif chez Georges van Nevele, au lieu du subjonctif attendu281 ; une erreur d’autant plus troublante que nous l’avons régulièrement retrouvée dans les autres expositions emblématiques282. Ailleurs, Jean vanden Horicke et Thomas Lecointe accompagnent la conjonction sive du subjonctif au lieu de l’indicatif attendu283.
66Inversement, on constate que plusieurs élèves possèdent une excellente maîtrise de la langue latine. Signalons quelques exemples. Bien que sa tâche fût facilitée par la reprise dans son premier distique d’un hexamètre entier d’Ovide, Zeger Dorigon est parvenu à créer d’excellents effets dans le second distique (KBR, ms. 20.307, fol. 72v). Le premier segment de l’hexamètre y est isolé par une coupe bucolique (v. 3 : omnia permiscet discordia) du reste du distique où se succèdent des couples antithétiques qui font s’alterner chiasmes et symétries propres à suggérer l’idée de bouleversement qui est le sujet de l’emblème (nubila terris, caelum erebo, superis ima, profana sacris : acc.-dat. ; acc.-dat. ; dat.-acc. ; acc.-dat.). C’est peut-être un effet similaire qu’il faut identifier au second vers du poème de Bartholomée Durvin (KBR, ms. 20.307, fol. 79r) où la reprise du couple antithétique eau-feu, qui sert d’image à l’emblème et qui est exprimée sous la forme d’une polyptote (ignem aqua... ignis aquam), permet la présence à la fois d’un chiasme (acc.-nom. ... nom.-acc.) et d’une similitude (le feu est cité avant l’eau dans les deux cas), sans compter l’architecture du vers où le chiasme se distribue de part et d’autre de la césure (groupe nom.-acc. - verbe ; verbe - groupe nom.-acc.).
67L’emblème de Jean Baptiste de Pape (KBR, ms. 20.307, fol. 22v-23r) représente un modèle de structure et de construction. Le premier distique, marqué par le rejet de cornua, comprend trois segments qui comptent à peu près le même nombre de syllabes : terruerant armenta lupi (segment précédant l’hephtémimère ; 9 syllabes) ; jungentibus illis cornua (9 syllabes) frendentum terror inanis erat (10 syllabes). La structure ternaire du distique en organise les principales idées : le premier segment signale la peur provoquée par le loup chez les bœufs ; le second segment indique la réaction des bœufs qui s’unissent dans la concorde ; le troisième segment révèle l’effet de la concorde qui vient à bout de la terreur suscitée par le loup. La structure du second distique est moins équilibrée que celle du premier mais conserve un rythme ternaire : le premier segment (devant la penthémimère ; 6 syllabes) insiste sur l’idée principale de l’emblème, à savoir l’union des forces ; le second segment (ubi... concitet ; 12 syllabes) enchaîne sur la cause qui motive cette union : la terreur et la crainte ; le troisième segment (hoc... stetif ; 10 syllabes) évoque les conséquences positives de cette union pour l’Autriche qui en sort victorieuse. Cette architecture générale du poème crée à la fois un chiasme et une similitude entre les distiques (crainte-union-conséquence / union-crainte-conséquence). À cette structure rythmée des segments de phrase, l’élève joint encore un jeu évocateur et suggestif sur les sonorités. La pictura représente un groupe de bovidés qui se sont unis pour faire face au loup, dont le grognement imprègne les vers avec la répétition de la sonorité r (et peut-être aussi avec la succession des gutturales c, g, qu-) : terruerant armenta lupi ; jungentibus illis | Cornua, frendentum terror inanis erat. | Concordes actes ubi sunt terrorque metusque | Concitet ; hoc victrix Austria Marte stetit. Ce foisonnement de sons récurrents, à l’origine d’une harmonie imitative, accroît l’effet d’expressivité284 et démontre la capacité de quelques élèves à joindre la maîtrise à l’élégance dans des vers fluides et habiles.
68En somme, une étude stylistique du corpus des affixiones, où se côtoient des poèmes de qualités inégales, donne l’impression d’une évidente disparité, partiellement liée à la langue employée (la maîtrise du grec n’équivalant pas celle du latin), mais également imputable - dans une certaine mesure - aux capacités variables des élèves. La présence ponctuelle de fautes assez grossières et d’imperfections qui auraient pu facilement être corrigées ou améliorées et qui tranchent assez fortement avec l’excellente qualité d’autres emblèmes est surprenante : il semble contradictoire que d’un côté les prescriptions jésuites ne cessent de répéter combien il faut être soucieux de faire des expositions un doctrinae specimen qui puisse donner une bonne image de la Compagnie et de constater d’un autre côté que les pères ont laissé passer des maladresses dans les textes de leurs élèves. Cette inégalité stylistique et le hiatus qualitatif observé indiquent que la révision des jésuites n’impliquait pas une correction radicale285 et que la composition des emblèmes était une tâche essentiellement réservée aux élèves, qui en sont les auteurs principaux sinon exclusifs. Ceci est conforme aux recommandations, dans la province flandro-belge, de l’instruction pédagogique de 1647, qui définit les expositions comme les lucubrationes des élèves et non des maîtres. Respectant les règles, les pères ne s’impliquèrent pas de manière trop importante dans le travail de composition, laissant ainsi à l’élève un rôle majeur dans l’activité créatrice. Pour autant, les collégiens n’étaient pas les seuls à s’investir dans les expositions et il nous semble essentiel de terminer cette section consacrée à la pratique de l’emblématique au collège bruxellois en faisant le point sur le rôle joué par les différents acteurs impliqués dans l’événement.
1.4.4. Qui fait quoi ?
69L’exposition publique d’emblèmes dans la rue requérait la participation de plusieurs acteurs : les jésuites, leurs élèves mais aussi des artisans. Néanmoins, il n’est pas toujours aisé de déterminer la part que chacun a jouée. Nous pouvons supposer que les hommes de métier devaient avoir un rôle restreint, même s’il ne faut pas négliger les contraintes matérielles. Dans le cas des expositions bruxelloises, des peintres professionnels prirent part à la conception des volumes commémoratifs et peut-être aussi aux expositions286. Il est toutefois malaisé de préciser plus en détail le rôle exact de ces artistes dans la conception des emblèmes et de déterminer leur influence éventuelle sur le processus créatif287. L’implication des jésuites n’est pas plus facile à circonscrire. Les textes prescriptifs insistent sur l’importance d’une relecture attentive et d’une sélection rigoureuse des œuvres à exposer par des pères expérimentés. Autrement dit, une fois les productions réalisées par les élèves, les jésuites avaient le droit de décider de leur sort et, ce faisant, ils avaient sur elles un important contrôle.
70Nous sommes en mesure d’estimer certains effets de l’écrémage opéré par les pères. Grâce aux signatures des emblèmes par les élèves et grâce aux catalogues des effectifs estudiantins du collège qui sont préservés pour certaines années, il est possible d’une part d’évaluer par classe le pourcentage des élèves dont les emblèmes furent exposés et d’autre part de préciser combien de fois ces élèves furent impliqués. Il suffit en effet de confronter le nombre d’élèves que comptaient les classes de poésie et de rhétorique - les deux seules à avoir signé des emblèmes - avec le nombre d’élèves dont nous possédons un emblème dans les volumes commémoratifs. Il va cependant de soi que l’état de conservation des informations que nécessite une telle comparaison réduit de facto la taille de l’échantillon exploitable. Il faut en effet d’une part connaître pour l’année le nombre des élèves des deux classes et d’autre part avoir à sa disposition un volume commémoratif où les emblèmes sont signés. Pour l’ensemble de la période que couvrent les expositions emblématiques bruxelloises (1630-1685), nous avons trouvé le détail du contingent estudiantin pour une dizaine d’années (voir tableau 1)288. Six années ne peuvent pas être prises en considération, soit que l’on n’ait conservé aucune exposition pour ces dates (c’est le cas pour les années 1638, 1667 et 1684), soit que les archives donnent des informations discordantes (comme en 1657, année pour laquelle nous disposons de deux données chiffrées différentes qui risquent de fausser notre analyse289), soit que le volume commémoratif ne permette pas de déterminer avec certitude la classe d’appartenance des élèves (comme en 1665)290, soit enfin qu’un nombre trop important d’emblèmes du manuscrit soit anonyme (comme pour l’exposition de 1666, dont 37 compositions sur 61 ne sont pas signées291). Il reste en définitive quatre années pour évaluer la sélection à laquelle les productions emblématiques des élèves étaient soumises (1649, 1654, 1664 et 1669).
71Pour les volumes commémoratifs de chacune de ces années, nous avons dressé la liste des signatures des élèves, dont il n’est pas toujours facile d’assurer l’identité et pour lesquels il est dès lors malaisé de déterminer s’ils sont les auteurs d’un ou de plusieurs emblèmes. En effet, outre que les élèves portaient parfois plusieurs prénoms et que leur signature ne les indique pas tous ni même ne reprend toujours le même, les divergences graphiques ou orthographiques des noms et des prénoms nous ont empêché dans certains cas d’estimer s’il s’agissait d’une seule et même personne, ou de deux individus différents, comme par exemple pour Gabriel Robarts (rhétoricien en 1648) et Joannes Robaerts (rhétoricien en 1649), que nous avons considérés comme deux collégiens différents (ainsi que dans tous les cas semblables)294. Ces précautions posées, l’inventaire des signatures que nous avons dressé nous a permis de comparer dans un tableau (voir tableau 2) l’effectif total de la classe (tel qu’il est donné dans les archives jésuites ; colonne 1), le nombre total d’emblèmes apparaissant dans les manuscrits emblématiques (colonne 2) ainsi que le nombre de signatures différentes qu’ils donnent (colonne 3). Ce tableau révèle tout d’abord une certaine disparité dans la somme des emblèmes conservés dans les volumes commémoratifs. En moyenne, chaque classe devait contribuer à hauteur d’une trentaine d’emblèmes295, comme c’est le cas pour les séries de la rhétorique en 1649, 1654 et 1664, et pour celle de la poésie en 1669, auxquelles nous pouvons encore ajouter les séries de la poésie de 1664 (avec 28 productions) et de la rhétorique de 1669 (avec 31 compositions). Toutefois, la classe de poésie afficha seulement 21 emblèmes en 1649, mais 34 en 1654.
72Nous pouvons nous interroger sur les raisons de ces écarts. Une hypothèse serait que le nombre des emblèmes évolue proportionnellement à l’importance du contingent des élèves. Cette explication semble toutefois être démentie par les chiffres qui apparaissent dans le tableau, puisque nous constatons que l’une des plus petites classes de notre échantillon (la poésie de 1654 avec ses 53 élèves) a produit la série avec le plus d’emblèmes (34), alors que la classe comptant l’un des plus grands nombres d’élèves (la poésie de 1649 avec ses 62 élèves) lut la moins féconde avec seulement 21 compositions. Ces écarts expliquent d’ailleurs l’importante variation du pourcentage de chance que les élèves avaient de voir leur emblème sélectionné : ce ratio (voir colonne 4) - obtenu par la division du nombre des élèves dont nous avons conservé au moins un emblème dans les volumes commémoratifs par l’effectif total des élèves de la classe - oscille en effet entre 0,34 (poésie 1649) et 0,61 (poésie 1654) ; autrement dit, chaque élève avait une chance sur trois (voire presque deux sur trois) de recevoir l’honneur de l’exposition. À n’en pas douter, la sélection pouvait être sévère.
Tableau 2. Proportion des élèves ayant participé à l’exposition annuelle
(1) | (2) | (3) | (4) | |
1649 Rhet. Poes. | 50 62 | 30 21 | 30 [=29 + 1 anonyme] 21 | 0,6 0,34 |
1654 Rhet. Poes. | 55 53 | 30 34 | 30 34 | 0,55 0,61 |
1664 Rhet. Poes. | 73 62 | 30 28 | 30 28 | 0,41 0,45 |
1669 Rhet. Poes. | 60 56 | 31 30 | 31 30 | 0,52 0,54 |
73À ces constats, nous pouvons encore en ajouter un autre : si tous les élèves ne virent pas leur œuvre affichée, d’autres ont publié plusieurs emblèmes au cours de leur séjour au collège296. Il convient de distinguer les cas (rares297) où un même élève a produit plus d’un emblème au sein de la même série - comme Charles Antoine Romanus qui sur deux ans produisit trois compositions : deux en 1648 et un en 1649 (KBR, ms. 20.307, fol. 98v-99r et 122v-123r ; BnF, ms. lat. 10.171, fol. 27v-28r) - et les cas (nettement plus fréquents) où un même élève a contribué à plusieurs séries emblématiques consécutives. Le tableau 3 montre que, exception faite de la classe de rhétorique de 166 9298, nombreux sont les élèves qui, au cours de leur cursus, ont produit plusieurs emblèmes. Régulièrement il s’agit de redoublants. Ces données pourraient suggérer que les emblèmes affichés étaient souvent le fait des mêmes individus.
74Notre examen démontre les effets de la sélection des productions au sein des expositions emblématiques du collège bruxellois. Cependant, de nombreuses questions restent en suspens. Quels étaient les critères qui présidaient à la sélection des emblèmes ? À quel moment cette sélection avait-elle lieu ? Est-ce que seuls quelques élèves de la classe étaient choisis pour produire un emblème ou est-ce que tous les élèves devaient produire un (voire plusieurs) emblème(s) que les pères corrigeaient et sélectionnaient par la suite ? Signalons à ce propos qu’un document de la province rhénane, daté de 1619, invite les professeurs à ne pas retenir seulement les meilleurs élèves pour pourvoir aux expositions mais à impliquer la majorité de leur classe :
Puisqu’est vaine et inutile cette émulation entre professeurs qui pousse l’un à surpasser l’autre soit par la quantité soit par la variété des vers, soit par l’abondance soit par la nouveauté du sujet, il faut l’abolir totalement et interdire que seul l’un ou l’autre parmi les élèves de toute une classe ne confectionne des poèmes ; au contraire, chaque élève doit confectionner ses propres poèmes et que seul n’affiche rien l’élève dont l’écriture est à ce point maladroite qu’elle ne peut pas être proposée honorablement300.
75Nous n’avons aucun témoignage similaire pour les provinces belges et il est dès lors difficile de répondre à toutes les questions restées en suspens. De plus, n’ayant conservé aucun emblème qui ait été refusé et dont nous aurions pu examiner les faiblesses ou les défauts, il est malaisé de déterminer quels critères décidaient de l’acceptation des emblèmes. La qualité des productions qui, selon les textes normatifs, décidait de leur sort impliquait sans doute des considérations stylistiques (qualité de la langue), mais probablement aussi thématiques (qualité du traitement du sujet). Nous pouvons en fin de compte attribuer aux pères un important travail de supervision, qui les faisait intervenir à différents moments de la composition des emblèmes : ils en choisissaient probablement les sujets, en corrigeaient les fautes, voire écartaient les productions jugées les moins « bonnes », et finalement - par ce fait même - assuraient la cohérence de l’ensemble de l’exposition. Autrement dit, si les élèves étaient les auteurs des emblèmes, les pères en étaient les garants. Cette remarque est essentielle dans le cadre de notre étude, puisque nous sommes en droit de nous demander à qui attribuer la paternité des messages véhiculés dans les emblèmes et en particulier de l’éloge qui est adressé à Léopold-Guillaume durant son gouvernorat.
2. Les emblèmes bruxellois sous le gouvernorat de Léopold-Guillaume
76Le tri opéré par les pères entre les emblèmes produits par les élèves ne constituait pas seulement un moyen de contrôle efficace : il influait sans aucun doute sur le processus de création lui-même, puisque l’élève était tenu de respecter au mieux, sinon d’essayer de combler, les attentes de ses maîtres, s’il voulait mettre de son côté toutes les chances de voir son emblème affiché. Dans la pratique, nous constatons que les emblèmes non seulement soutiennent la Compagnie de Jésus, mais encore participent à propager des idées qui lui étaient chères, notamment sur le plan politique.
2.1. L’idéologie politique dans les affixiones301
77En 1641, la classe de poésie élabora 28 emblèmes sur le thème de l’hérésie302. Le premier emblème de la série est signé par un élève noble du collège et est consacré à « l’hérésie » qui « est vaincue par les armes et la torche de la doctrine (c ’est-à-dire la doctrine chrétienne) »303. L’image fait voir Hercule qui coupe les têtes de l’hydre, pendant que Iolaos cautérise les plaies pour éviter que les têtes du monstre ne repoussent (voir fig. 7). L’épigraphe insiste sur la complémentarité des deux actions (ferro et face, « par le fer et par le feu » ) que l’élève met en relation avec le combat que « la maison d’Autriche » (qui désigne les Habsbourg) et la Compagnie de Jésus, représentée ici par son fondateur, Ignace de Loyola, mènent de conserve à l’encontre de l’hérésie de Luther, comme l’explicitent les deux distiques élégiaques du poème :
L’hydre est terrassée par l’épée d’Hercule et par les flammes de son neveu. Voici aussi ceux par qui l’hydre prolifique de Luther est terrassée : Loyola agite la torche, la maison d’Autriche le fer et de ses plaies l’hydre ne se répand plus304.
78Une telle production reflète les valeurs et les idéaux de la Compagnie de Jésus. L’image employée par l’élève est particulièrement bien choisie. Outre que l’hydre représente régulièrement l’hérésie305, Hercule est une figure qui est souvent associée aux princes et qui est foncièrement bénéfique : Friedrich Polleroβ indique ainsi que « contrairement à Mars, Hercule ne représente pas la guerre sauvage, mais une lutte juste et délibérée contre la rébellion et l’hérésie »306. Tout en jouant sur ces motifs conventionnels, l’élève parvient à rester original. En introduisant le personnage de Iolaos, il souligne l’objectif commun que partagent l’ordre religieux et le pouvoir politique, et insiste sur la nécessaire complémentarité de leur action pour venir à bout du monstre. Cet emblème signale l’intrication toujours profonde et parfois malaisée à démêler entre le politique et le religieux. L’élève procède en effet à un double éloge, en faveur de la dynastie qui règne sur les anciens Pays-Bas et en faveur de la Compagnie, dont il met en valeur l’action et surtout l’un de ses principaux ministères : la lutte contre l’hérésie, qui menace le pouvoir et la chrétienté. Cette façon de faire reparaît sans cesse dans le corpus, comme dans l’exposition de 1639 consacrée à la Mère de Dieu et dont le premier emblème explique ceci307 (voir fig. 8) :
[Titre] Pour l’Immaculée Conception de la très sainte Marie, toujours vierge
[Épigraphe] Que personne ne touche ma maîtresse
[Poème] (1) ‘Que personne, je l’ordonne, ne touche ma maîtresse, qu’aucun profane, que personne ne la touche impunément’. Voilà l’avertissement que lancent Philippe, le fils de la Vierge, le lion brabançon et le lion de la tribu de Judas. (5) ‘Personne ne touchera la Belgique de Philippe ni la Mère de Dieu, aucun profane, personne ne les touchera impunément’308.
79L’idée principale de cet emblème est assez simple : le rhétoricien Philippe Rycquaert associe le sort de la Vierge à celui de la Belgique. Comme l’indique Porteman, cet emblème fut composé un an après la victoire de Calloo remportée par les troupes espagnoles sur les armées de Frédéric-Henri de Nassau (1638) et, d’après Annick Delfosse, l’élève suggère qu’il faille attribuer cette victoire à la Vierge Immaculée309. Une telle allusion à l’action de la Vierge n’a rien d’étrange eu égard à la grande dévotion que la dynastie habsbourgeoise manifestait pour la Mère de Dieu310. Pourtant, la référence à l’Immaculée Conception est plus surprenante puisque, comme l’indique Porteman, cette « doctrine n’était pas encore de rigueur », même si les « jésuites y adhéraient »311 et ce n’est en effet qu’en 1661 que cette doctrine, soutenue par les Habsbourg, fut officiellement reconnue312. Cet exemple montre que les emblèmes étaient bien ancrés dans leur époque, mais aussi qu’ils étaient directement influencés par une certaine idéologie « politique ».
80Pourtant, l’expression de tels messages dans les emblèmes imposait aux pères de faire preuve de prudence et de circonspection : les élèves étaient en effet sous la tutelle de leurs précepteurs, dont la vigilance était d’autant plus requise que les expositions mettaient en jeu l’image et la renommée de la Compagnie de Jésus, qui avait beaucoup à gagner (ou à perdre). Or, on peut se demander pourquoi les jésuites confièrent à leurs élèves une responsabilité aussi importante. Il convient dès lors de réfléchir à l’implication des élèves dans la stratégie communicationnelle des événements emblématiques et à ses enjeux : quel intérêt les jésuites avaient-t-ils à exprimer leurs idées par le biais de leurs élèves ? Dans la mesure où, pour être exposée publiquement, l’œuvre estudiantine devait être approuvée par les jésuites et donc être en phase avec les idées et les convictions de ceux-ci, il fallait à l’élève s’imprégner intimement des valeurs professées par les pères. La formulation de messages idéologiques au travers des emblèmes conduisait donc les collégiens à se familiariser avec les réalités de leur époque, ainsi qu’à manifester et à exprimer leur respect et leur dévouement aux autorités (politiques et religieuses) du pays. Le corpus que nous éditons le fait suffisamment voir.
81En invitant le peuple belge à s’unir sous l’autorité du roi afin de faciliter la tâche du gouverneur, Paul Buycx exhortait à l’obéissance et au loyalisme (KBR, ms. 20.307, fol. 47r, v. 3-4), tandis que la mention par Charles van den Hoven du « rebelle » qui « prend les armes contre son roi et sa patrie » cherchait à inspirer le dégoût de la sédition, dont l’élève nous dit qu’il ne faut rien espérer (fol. 77r, v. 3-4). Nous pouvons aisément imaginer quel événement van den Hoven pouvait avoir à l’esprit : la sécession des Provinces-Unies, dont le peuple remit en cause l’autorité du roi et de l’Église, provoquant la scission des Pays-Bas. Signalons encore l’emblème de François Lemire qui rappelle ce souvenir malheureux313. La polysémie de la pictura (fig. 9), qui, en montrant deux hommes occupés à tordre un linge mouillé duquel s’écoulent quelques gouttes d’eau, fait référence aux souffrances et aux larmes que provoque la discorde, explique très certainement son succès au sein du corpus des affixiones, où nous retrouvons cette scène dans la série sur la guerre de 1659 (fig. 10), dans celle sur l’humilité de 1662 (fig. 11) et, enfin, dans celle sur la tristesse de 1665 (fig. 12)314. La réutilisation de l’image en 1662 et en 1665 s’explique par le traitement particulier que les élèves ont fait de leur sujet respectif, qu’ils ont intégré dans une réflexion sur la discorde : celle-ci est source de douleur pour l’homme humble ou encore suscite la tristesse des citoyens315. Les reprises formelles attestent de l’influence de François Lemire316. Mais la parenté de l’emblème de 1659 avec celui de 1648 est encore plus manifeste. L’intericonicité se joint à une intertextualité patente, comme le dévoile la comparaison attentive des deux textes :
Emblème de 1648 | Emblème de 1659 |
Discordia doloris materies | Bellum doloris et lacrimarum causa |
Hinc illae lacrimae | Hinc illae lacrimae — Terenti(us) |
Nisibus adversis si lina madentia torques, | Ut nisu adverso premitur, finit unda madenti |
Plurimus expressae depluit imber aquae. | Linteo et expressae depluit imber aquae. |
Belgica, longa tuos torsit discordia cives ; | Condite tela, duces : lacrimas dant arma, cruorem |
Hinc lacrimae, toties quas tua terra bibit. | Vulnera, quem toties Belgica terra bibit. |
82François Lemire et Alexandre Paon, le rhétoricien de 1659, utilisent pour épigraphe la même citation de Térence (Ter., And., 126317). De plus, les mouvements contraires (1648, v. 1 : nisibus adversis ; 1659, v. 1 : nisu adverso) que l’on imprime au linge humide (1648, v. 1 : lina madentia ; 1659, v. 1-2 : madenti linteo) le font suinter en une pluie dense (1648 et 1659, v. 2 : expressae deplnit imber aquae), dont les gouttes représentent les larmes (1648, v. 4 : lacrimae) ou le sang (1659, v. 3 : cruorem) dont la terre belge (1648, v. 3 et 1659, v. 4 : Belgica) s’imbibe régulièrement (1648 et 1659, v. 4 : toties... terra bibit). La référence à la Belgica dans les poèmes de 1648 et de 1659 les distingue de ceux de 1662 et de 1665. C’est que les années 1648 et 1659 ont pour point commun de correspondre chacune à la date de la promulgation d’un traité. En 1648, le traité de Münster mit un terme aux guerres de Trente-Ans et de Quatre-vingts Ans, et en 1659 la paix des Pyrénées marqua une pause dans le conflit franco-espagnol318. Ces rivalités, qui opposèrent l’Espagne aux Provinces-Unies durant la guerre de Quatre-vingts Ans, et les Habsbourg au reste de l’Europe - en particulier à la France - durant la guerre de Trente-Ans, furent pénibles pour les Pays-Bas méridionaux qui devinrent le théâtre des conflits et durent même affronter pendant près d’une quinzaine d’années (de 1635 à 1648) un double ennemi : les Provinces-Unies au nord-est et la France au sud-ouest. On conçoit l’enthousiasme des populations belges à l’annonce des traités qui leur accordaient un peu de répit. Si les emblèmes de Lemire et de Paon constituent de poignants témoignages du ressenti des Belges au cours de ces deux étapes importantes, il convient aussi de relever l’adaptation opérée d’un emblème à l’autre en fonction du contexte. En effet, tandis que Paon impute la responsabilité de l’affliction du peuple aux duces, c’est-à-dire aux deux rois - Philippe IV et Louis XIV - qui se font la guerre, Lemire évoque une longue discorde (v. 3 : longa... discordia), allusion à « la guerre civile » qui se prolongea pendant quatre-vingts années319. L’emblème de 1648 dépeint ainsi avec originalité la déchirure des deux « frères ennemis »320, que tout divise : la confession religieuse (catholicisme-calvinisme), les conceptions politiques (royalisme-républicanisme) ainsi que la situation politico-économique, les Pays-Bas méridionaux étant sur le déclin alors que les Provinces-Unies connaissaient un épanouissement économique321. L’image de la torsion convient parfaitement bien pour signifier les divergences de situations et d’opinions qui séparent les deux régions.
83Les emblèmes de 1648 et de 1659 revêtent encore une portée idéologique, du fait que les élèves y définissent une identité « belge ». Nombreux sont les emblèmes du corpus édité qui emploient un terme formé sur la racine Belg– pour désigner le pays (Belgica ou Belgium), ses habitants (les Belgae) ou ses symboles (le leo Belgicus) ; une telle dénomination concrétise, selon Jean Stengers, l’existence d’un sentiment d’unité au sein du corps civique322. Cette identité singulière reste toutefois difficile à définir. D’un côté, la « Belgique » (Belgium ou Belgica) désigne aussi bien les Pays-Bas espagnols que les Provinces-Unies, respectivement le Belgium Hispanum et le Belgium Foederatum (ou Hollandicum), et la conception d’une Belgique à dix-sept provinces a longtemps perduré323. D’autre part, toutefois, un sentiment propre aux Pays-Bas méridionaux s’est développé par contraste avec deux entités qui lui furent hostiles : les Provinces-Unies et la France324.
84Plusieurs historiens s’accordent pour faire du souverain et de la religion catholique les deux grands piliers du sentiment communautaire dans les Pays-Bas espagnols325. Or, si les prémices de ce sentiment apparurent plus tôt326, ce sont surtout les antagonismes religieux et politiques, exacerbés au moment des conflits particulièrement intenses des xvie et xviie siècles, tant avec les Provinces-Unies calvinistes et républicaines qu’avec la France bourbonne et catholiquement modérée, qui ont sensiblement attisé la « conscience communautaire »327, en mettant en péril les deux pôles fédérateurs de l’identité « belge », à savoir leur royalisme et leur catholicisme intransigeant328.
85Dans ce contexte, Léopold-Guillaume était tout désigné pour représenter le roi d’Espagne dans les Pays-Bas et pour assembler autour de sa personne les populations de ces provinces. Il était réputé être un fervent catholique, avait reçu la charge de plusieurs évêchés, et était membre de la dynastie habsbourgeoise, sans même mentionner son appartenance à l’Ordre teutonique, qui en faisait un combattant au service de la foi chrétienne. Dans les affixiones organisées sous son gouvernorat, on constate que plusieurs élèves insistent sur la thématique de la foi. Dans l’exposition de 1651, période où les Pays-Bas espagnols ne sont plus confrontés qu’à un unique ennemi - la France –, Érasme Horemans fait de la foi en Dieu, d’où Léopold-Guillaume tire sa force, « le nerf de la guerre » en ce qu’elle assure la faveur divine et dès lors accroît les chances de victoire329. Dans son poème, le collégien imite une strophe des Odes d’Horace, dans laquelle le poète célèbre « l’homme irréprochable en sa vie et pur de crime » qui « n’a pas besoin des javelots maures, ni de l’arc, ni du carquois lourd de flèches empoisonnées »330 et derrière lequel il est aisé de voir le gouverneur que guide et « arme » sa foi. Parallèlement, les collégiens ne manquent pas de souligner l’absurdité de la guerre franco-espagnole, qui divise la chrétienté en mettant aux prises deux rois qui se targuaient d’être les défenseurs de la religion romaine et se faisaient surnommer le Roi très Chrétien (Louis XIV, rex Christianissimus) et le Roi Catholique (Philippe IV, rex Catholicus). Martin de Voelder oppose ainsi la victoire immaculée de Léopold-Guillaume lors du tir des arbalétriers (v. 4-8) aux combats ensanglantés entre chrétiens (v. 1-4)331. Ce faisant, l’élève vise directement le conflit franco-espagnol, dont les civils sont les principales victimes (v. 1 : cruore... civico). D’où l’invitation lancée aux deux partis pour qu’ils mettent fin à ce conflit sanglant (v. 1 : cruore ; v. 3 : cruentatas) qui empourpre les pays chrétiens (v. 4 : Christiadum... campis).
86La récurrence des messages idéologiques dans les emblèmes n’a rien de surprenant. Plusieurs historiens ont en effet pointé le rôle crucial que jouèrent les jésuites dans la constitution d’un sentiment communautaire332. Par leurs différentes activités (pastorales et missionnaires, sans oublier leur abondante production littéraire) et par l’ampleur que prirent leurs actions, les pères de la Compagnie de Jésus ont influé sur une importante partie de la population, auprès de laquelle ils ont largement diffusé leurs idées et chez laquelle ils ont structuré et consolidé un sentiment fort de solidarité333. C’est cependant par le biais de leurs collèges et via leur enseignement, qui connurent un énorme succès, que les jésuites furent probablement les plus influents et qu’ils pénétrèrent profondément les consciences334. Dans ce contexte, l’élaboration d’un éloge emblématique n’était pas un simple exercice scolaire : elle visait également à imprégner les élèves de valeurs morales, religieuses et civiques335. Il faut d’ailleurs savoir que les jésuites n’hésitaient pas à mobiliser leurs élèves pour aider à défendre leur ville et leur patrie, ou pour participer aux imprécations publiques336. Ainsi, les lettres annuelles de 1625 nous apprennent qu’à Bruxelles les « classes se sont épanouies en nombre et en piété. Cela s’est vu lorsque les élèves ont participé à une procession remarquable, convoqués dans l’église principale pour implorer le secours de leur patrie. Leur nombre était supérieur à cinq cent distribués en six groupes, chaque centurie avec ses enseignes, qui portaient une torche de cire vierge »337. Dix ans plus tard, en 1635, la ville est à nouveau menacée et, « pendant plus d’un mois, en dépit de l’intense chaleur, les quatre cents élèves les plus robustes du collège, conduits en rangs par les pères, se rendent tous les jours aux tranchées, creusent et transportent la terre »338.
87Au moment de l’exposition, tout le système de valeurs dont les élèves étaient, grâce à leurs maîtres, les dépositaires, était diffusé largement et on peut supposer que l’intérêt du public - et, en premier lieu, du roi ou de son représentant - était d’autant plus grand que les auteurs des emblèmes étaient des enfants. L’originalité, la virtuosité, mais aussi parfois l’ingénuité des élèves n’étaient pas sans intriguer, susciter la surprise ou l’admiration, éveiller la bienveillance, dans l’optique d’accroître, par sympathie et empathie, l’impact affectif des emblèmes et donc de gagner le public à la cause de leurs auteurs. La revendication des compositions par les élèves s’inscrivait probablement dans une stratégie communicationnelle bien réfléchie et on peut penser que les quelques imperfections grammaticales et les diverses maladresses stylistiques, légitimées par le jeune âge des élèves et l’inachèvement de leur formation, ne sont pas les indices d’une éventuelle négligence des maîtres, mais s’inscrivent dans une rhétorique particulière. Les jésuites se disaient probablement que le succès et l’efficience des messages qu’ils souhaitaient transmettre seraient d’autant plus grands qu’ils étaient exprimés par la « jeunesse étudiante » à l’égard de laquelle le public ferait davantage preuve de complaisance et d’indulgence. Organisateurs talentueux et méticuleux, les pères avaient compris la plus-value que formaient leurs élèves. Il reste cependant encore à préciser et à circonscrire ce système de valeurs que la Compagnie de Jésus mit tant d’effort à propager.
2.2. Le « programme théologico-politique » de la Compagnie de Jésus
88Les jésuites ont participé activement aux réflexions politiques de leur époque, en rédigeant de nombreux traités qui exposaient leurs idées et leurs doctrines. Des études récentes menées sur ce corpus ont fait apparaître que les jésuites avaient élaboré tout un « programme théologico-politique » sur la manière de gouverner l’Etat339. Aux yeux des jésuites, le prince idéal est un princeps Christianus qui, conscient de ses lourdes responsabilités vis-à-vis de Dieu et des multiples obligations liées à ses prérogatives, concilie les devoirs de l’État et les valeurs chrétiennes340. Le souverain en effet est garant de ses populations, pour lesquelles ses vertus profondes et sincères sont un modèle, et chez lesquelles il doit insuffler et stimuler la piété et le respect de la religion.
89Pour diffuser cet idéal au sein des cours européennes, les jésuites ont procédé par divers biais. L’un des plus efficaces fut sans doute la charge de confesseur que plusieurs pères occupèrent341. Ce poste stratégique permettait aux jésuites d’« établir un idéal et une pratique de vertu à la cour » et d’influer à la fois sur la société et la politique, mais aussi en faveur de la Compagnie de Jésus pour l’aider à accomplir ses desseins342. De fait, comme l’ont montré les travaux de Robert Bireley, grâce aux nombreux renseignements (parfois sensibles et confidentiels) qui furent relayés au général de l’ordre à Rome, celui-ci a pu jouer le rôle d’intermédiaire, voire de médiateur, entre les cours européennes, apaisant les tensions et résolvant les crises343. Pourtant, comme le souligne Harro Höpfl, certains jésuites furent extrêmement réticents à ce que les pères ne s’impliquent trop directement dans les « affaires de l’État »344 et la fonction de confesseur était de ce point de vue particulièrement délicate et engendrait de nombreux désagréments : personne de confiance du souverain, qui partageait avec lui ses pensées les plus intimes, le confesseur éveillait souvent les jalousies et les suspicions à la cour, où l’on s’interrogeait sur les motivations poursuivies par la Compagnie de Jésus345. De plus, militants catholiques trop enthousiastes, ou partisans trop fervents en faveur de l’une ou l’autre dynastie, plusieurs confesseurs ne firent pas preuve de la prudence requise, s’attirant de sérieux ennuis à eux comme à la Compagnie, qui n’eut parfois d’autres choix que de les désavouer346.
90Les confesseurs jésuites se succédèrent dans la vie de Léopold-Guillaume : il y eut Johann Mercurian (1585-1633) de 1628 à 1633, puis Daniel Bastel (1585-1645), et. durant son séjour aux Pays-Bas, Jean Schega ( 1595-1664 )347. Le choix de Léopold-Guillaume de recruter ses confesseurs au sein de la Compagnie de Jésus distingue l’archiduc autrichien des gouverneurs qui l’ont précédé348. C’est que les jésuites ont joué un rôle important dans « la formation intellectuelle, morale et religieuse de l’archiduc »349.
91En plus de leur proximité avec les responsables politiques, les jésuites profitèrent encore d’un autre outil pour promouvoir leurs idéaux : la littérature et, en particulier, celle adressée ou dédicacée au prince qui forme un ensemble riche et varié350. De manière synthétique, indiquons qu’elle peut prendre deux formes différentes : le « miroir au prince » et l’éloge351.
92Genre littéraire contesté, les « miroirs aux princes » forment un groupe d’œuvres hétérogènes qui partagent pour seuls points communs leur objet et leur visée : ils définissent un prince idéal et le suggèrent comme modèle à un prince réel, auquel ils sont dédiés352. Le groupe des « miroirs aux princes » englobe à la fois des traités politiques, qui théorisent un idéal du prince, et des œuvres qui incarnent cet idéal au travers d’une (ou de plusieurs) figure(s) étrangère(s) au prince dédicataire. Selon Harro Höpfl, les jésuites belges ont peu écrit de traités politiques et se sont peu aventurés sur le terrain des controverses politiques, préférant aux œuvres théoriques un éloge plus concret353.
93Léopold-Guillaume était, semble-t-il, friand des traités politiques. En effet, grâce à un relevé de la bibliothèque de l’archiduc réalisé en 1647 et retranscrit en 1981, nous savons que ce prince disposait de plusieurs livres sur le sujet354 : entres autres, un ouvrage intitulé « Il prencipe [erreur pour Principe ?] ecclesiastico » qui correspond probablement à Il principe ecclesiastico de Luigi Manzini dont l’édition bolonaise de 1644 fut dédiée à Léopold-Guillaume (Bologne : Gio. Battista Ferroni), les Politicorum sive civilis doctrinae libri sex de Juste Lipse, le Monuale politicum Christiannm de ratione status de Guillaume Ferdinand d’Efferen, dont la seconde édition est dédiée à Léopold-Guillaume (Passau : C. Frosch, 1634) ou encore le De vero et Christiano principe de Matthaeus Scholasticus355. Il faut également mentionner plusieurs ouvrages jésuites dont les Ferdinandi II Romanorum imperatoris virtutes de Guillaume Lamormain, le De officio principis Christiani de Robert Bellarmin, l’Il politico infelice, une traduction partielle de la Cour sainte de Nicolas Caussin, l’Aulae speculum d’Adam Contzen ou encore le Politico-Christianus de Charles Scribani356. Parallèlement, Léopold-Guillaume possédait encore plusieurs ouvrages destinés à former le parfait chrétien357.
94Les « miroirs aux princes », dont les origines remontent à l’Antiquité, étaient encore bien ancrés à l’époque de Léopold-Guillaume, qui s’en est vu consacrer trois : le Princeps in compendio, l’Idea principis Christiano-politici et enfin sa biographie signée par le jésuite Nicolas Avancin. Ces œuvres sont représentatives de la diversité des formes que peuvent prendre les « miroirs » : soit l’ouvrage dresse un programme général, à partir duquel se dessine une figure imaginaire et prototypique (c’est le cas du Princeps in compendio) ; soit le texte propose comme modèle du prince idéal un ou plusieurs personnages bibliques ou historiques qui doivent guider le souverain par leur exemple (c’est le cas du livre de devises de Saavedra) ; soit enfin, l’ouvrage prend pour prince idéal un ancêtre ou un parent proche (c’est le cas de la biographie de Léopold-Guillaume qui fut destinée à son neveu)358. Un examen de ces trois ouvrages au regard des affixiones bruxelloises est particulièrement instructif pour comprendre en détail les principales caractéristiques de la littérature adressée au prince.
95Publié pour la première fois en 1632, le Princeps in compendio forme un bref traité anonyme, peut-être destiné à Léopold-Guillaume et attribué tantôt au jésuite Guillaume de Lamormain, confesseur de Ferdinand II (de 1624 à 1637), tantôt à Ferdinand II en personne, tantôt à la collaboration de l’un et l’autre359. Comme l’indique Jean Bérenger, le tout « n’est pas particulièrement original », mais « n’en fournit pas moins les fondements idéologiques qui inspiraient la cour de Vienne, ses propagandistes et l’image qu’ils voulaient donner des Habsbourg et de leur action »360.
96D’emblée, le Princeps in compendio indique qu’« il est avant tout nécessaire que [le prince] ait devant les yeux Dieu lui-même, duquel il tient sa charge, et qu’il ne fasse rien de contraire à ses commandements et qu’il ne s’écarte jamais de sa volonté »361. Autrement dit, le prince doit toujours s’en remettre au Seigneur, son guide, avec le secours duquel il dirigera aisément son peuple, dans le respect de la religion et pour le salut de ses sujets362. L’une des charges principales du prince est en effet de promouvoir la piété et le culte de Dieu, tout en protégeant la religion catholique et en combattant l’hérésie363. Parallèlement, dans les affaires militaires, le prince est invité à rester juste, car seule une cause juste reçoit l’aval de Dieu364. Le Princeps in compendio invite également le prince à faire preuve de constance en toute occasion et à tenir en toutes choses un juste milieu : il doit être juste mais clément, économe mais libéral, affable mais non dépourvu de sérieux et d’autorité365. L’autorité du prince repose sur la crainte et l’amour qu’il inspire à ses sujets, lui assurant le respect et l’obéissance de ceux-ci366. La crainte du Seigneur (timor Dominï) est mentionnée à plusieurs reprises dans le Princeps in compendio, qui doit inspirer non seulement le prince, mais également ses plus proches conseillers ainsi que ses enfants, et ce pourrait être un indice de la parenté de l’ouvrage avec Léopold-Guillaume, dont c’est la devise367. Du Princeps in compendio, il ressort que la tâche du prince est extrêmement lourde et prenante, qui occupe le souverain toute la journée, sept jours par semaine. Aussi le prince est-il invité à pratiquer diverses occupations qui le reposeront : elles doivent satisfaire tout autant le corps que l’esprit, tout en étant honnêtes et dignes de son rang368. Quatre activités sont ainsi mentionnées : la chasse, les épreuves de tir, les plaisirs équestres et la musique369.
97Au cours de son séjour aux Pays-Bas, Léopold-Guillaume s’est peut-être vu adresser un autre « miroir aux princes ». Il s’agit de l’Idea principis Christiano-politici de Diego de Saavedra Fajardo (1584-1648), publié pour la première fois en espagnol à Munich en 164O370. Cet ouvrage connut un énorme succès et fut notamment traduit en latin à Bruxelles en 1649371. Le frontispice de l’édition bruxelloise montre un prince en armes, qui piétine l’hydre de l’hérésie et qu’Hercule, couvert de sa peau de lion, guide vers un temple, sur les marches duquel est inscrit templum honoris (« le temple de l’honneur ») et au sommet duquel on lit sic itur ad astra (« ainsi [= en cherchant l’honneur], on se dirige vers les astres »)372. De part et d’autre du chemin qui conduit au temple se tiennent différentes vertus, parmi lesquelles la justice (la balance et l’épée), la tempérance (le mors) et la constance (la colonne) sur la gauche et la religion (la croix, avec le calice surmonté de l’hostie), la prudence (le bâton surmonté d’un œil ouvert) et la prospérité (la corne d’abondance) sur la droite. Bien que l’identification soit difficile et mal assurée, les traits du prince rappellent ceux de Léopold-Guillaume373, à qui l’ouvrage de Saavedra a très bien pu être offert eu égard à la date et au lieu d’édition de la version latine374.
98L’ouvrage de Saavedra n’a, du point de vue du contenu, rien d’original : il décline « par le biais de l’emblématique » les « théories politiques de la Contre-Réforme » pour définir, comme l’indique le titre, le Modèle du prince chrétien375. Prenons l’exemple de la quatre-vingt-sixième devise. Intitulée rebus adest, elle invite le prince à être présent en personne dans les circonstances de la guerre pour conduire ses sujets et donne de nombreux exemples bibliques et historiques qui révèlent la valeur du conseil376. C’est que « la présence du prince au combat ajoute du courage aux soldats », le prince devant toutefois faire preuve de prudence puisque « si un général périt, il suffit de le remplacer par un autre ; mais si le prince succombe, tout succombe »377. Ces idées n’ont rien de novateur et on les trouvait déjà déclinées dans le Princeps in compendio378. Ce qui est intéressant par contre chez Saavedra, c’est que Léopold-Guillaume est mentionné comme exemple379 :
Dans la présente occasion, le sérénissime archiduc Léopold se montre plus fort et plus prudent : bien qu’il se voit assailli à Saalfeld par les troupes ennemies unies et qui sont de loin bien plus grandes que celles qu’il a, il méprise les dangers de sa personne et se protège avec une noble constance, sachant fort bien que dans cette issue repose le salut de l’Empire et de la très vénérable maison d’Autriche ; et même il est le premier dans les dangers et les épreuves de la guerre ; ‘il montre comment supporter les peines ; il n’a pas à l’ordonner’380.
99Cette dénégation de soi dont Léopold-Guillaume fait preuve au combat est un leitmotiv que l’on retrouve aussi dans le troisième « miroir » que nous souhaitons aborder. Il s’agit de la biographie posthume de Léopold-Guillaume publiée par le jésuite Nicolas Avancin (1612-1686) en latin en 1665 et traduite par le jésuite Henry Bex (1623-1705) en français en 1667381. Dédicacée à l’empereur Léopold I, le neveu de l’archiduc, la version latine comprend trois parties qui passent en revue les principales charges occupées par Léopold-Guillaume : l’archiduc, l’homme de guerre et l’évêque (Leopoldus archidux, belli-imperator, episcopus). Comme l’auteur l’indique d’emblée, son projet n’est pas historique :
Je n’entreprens pas de composer toute l’histoire que merité le tres-glorieux prince l’archiduc Leopold ; mais seulement de presenter au public & nommément aux princes un tableau racourcy de ses vertus382.
100Le but de l’auteur est clairement de présenter Léopold-Guillaume comme le modèle parfait du prince chrétien.
Vous avez vû [...] que le Prince Leopold Guillaume a esté dans tous les estats de sa vie, un Prince accomply, veritablement Chrestien, pieux & vertueux en toute manière [...]383.
101Sans véritable surprise, on retrouve régulièrement chez Avancin l’idée que Léopold-Guillaume n’hésitait pas à mettre en péril son existence pour assister ses troupes au front et qu’à plus d’une reprise il risqua de périr384. La littérature épidictique a fait grand cas de ces motifs et il semble qu’ils aient eu pour fondement une réalité historique puisque Léopold-Guillaume fut enjoint par Philippe IV d’être plus soucieux de sa personne385. Dans les affixiones bruxelloises, on retrouve d’ailleurs cette double idée que Léopold-Guillaume est un modèle pour son armée et que sa présence importe pour le moral des troupes386.
102L’exposé que nous venons de retracer montre avant tout combien Léopold-Guillaume fut un « produit jésuite »387. Jozef Mertens indique d’ailleurs que l’œuvre d’Avancin est davantage une « hagiographie » qu’une biographie et qu’avec cet ouvrage c’est « un nouveau saint Léopold d’Autriche » qui fut « créé par la Compagnie de Jésus »388. De fait, les jésuites semblent avoir été particulièrement attentifs (et actifs) à faire de Léopold-Guillaume une figure exemplaire, voire un modèle de sainteté. En témoigne un petit livret manuscrit que nous avons trouvé aux archives de l’État à Anvers et qui. bien qu’il fut prêt (et sans doute destiné) à être imprimé, n’a jamais été édité (Antwerpen RA, SJ, FB 1754). Le titre en est Parallela virtutum gemini Austriaci sancti Casimiri Poloniae principis et Leopoldi archiducis Austriae Belgarum proregis. Sur la page de titre, le livret est signé NN. e Societate Jesu, tandis que la dédicace est adressée par Ambrosius Tax à Jacques Tax389. Cette œuvre de 224 pages n’a pas encore été étudiée et nous ne connaissons rien de précis sur sa genèse pas plus que sur son élaboration390. Dans l’inventaire des archives de l’État, Hendrik Callewier indique que le manuscrit aurait été composé vers 1650391. L’ouvrage est probablement plus tardif puisque l’auteur écrit dans l’operis ratio :
Il y en aura, je crois, qui se demandent si je n’accomplirai pas une tâche qui en vaut la peine en rédigeant depuis le début de sa vie les exploits et la vertu de l’archiduc Léopold. De fait, l’illustre auteur, Nicolas Avancin, les a, dans son œuvre remarquable, fait connaître en si grand nombre et de manière si brillante que rien ne semble pouvoir être ajouté392.
103L’auteur jésuite établit sur le modèle des Vies Parallèles de Plutarque une comparaison entre Léopold-Guillaume et saint Casimir (1458-1484), qui fut prince de Pologne et qui, après sa canonisation en 1522, fut déclaré en 1636 saint patron de la Lituanie ; la similitude entre les deux princes paraît d’autant plus pertinente que saint Casimir descendait par sa mère des Habsbourg393. En passant en revue les vertus que Léopold-Guillaume partage avec saint Casimir, l’auteur vise sans aucun doute à suggérer que le premier est une figure aussi sainte que le second, comme l’indique explicitement l’operis ratio : « qu’il me soit permis [...] de montrer que l’archiduc Léopold, sans être un saint (qui sait s’il ne le sera un jour ?), se rapproche toutefois au plus près de la vie des saints »394. Le manuscrit est encore accompagné d’une feuille volante (l’auteur précisant qu’il ne sait pas exactement où cette partie doit être incorporée dans son œuvre), qui consiste en un vœu souhaitant à l’archiduc d’être intégré au nombre des saints (pro Leopoldo divis inserendo votuni).
104Si Léopold-Guillaume ne fut pas béatifié, il n’en reste pas moins que sous l’influence de la Compagnie de Jésus, son image fut soignée de son vivant et magnifiée à sa mort pour en faire un idéal du parfait prince politique-chrétien. C’est ce que l’on constate également au sein des emblèmes bruxellois qui étaient bien ancrés dans la propagande habsbourgeoise. Il convient toutefois d’indiquer que les expositions emblématiques ne fonctionnent pas comme des « miroirs aux princes » - même si Porteman semble le suggérer à propos de l’affixio de 1651395 -, mais qu’il s’agit d’une forme d’éloge. En effet, alors que les « miroirs aux princes » convoquent une figure extérieure au prince que ce dernier est invité à prendre pour modèle, dans le cas de l’éloge le prince est face à une image idéalisée de sa propre personne, comme dans les afftxiones bruxelloises, qui mettent en scène Léopold-Guillaume à l’occasion d’une importante festivité publique. L’éloge participe d’un travail de représentation tout à fait singulier, qui ne reflète pas fidèlement la figure du prince, mais en donne une vision déformée396. Les travaux de Louis Marin forment un important jalon dans l’histoire de la représentation du pouvoir politique et ont donné un nouvel élan à l’étude de ce phénomène397. Selon Marin, la représentation non seulement impose une ‘présence’, voire ‘l’intensifie’, mais permet aussi et surtout d’envisager ce qu’elle représente (et dont elle est un ‘substitut’) sous un nouveau jour ou dans une perspective particulière. Autrement dit, la représentation participe toujours à une transformation de son objet par un jeu d’anamorphose398. La représentation du prince, telle qu’elle se déploie dans l’éloge, fait voir au prince une image magnifiée de sa propre personne, figure médiane entre l’idéal du prince et le prince réel, que ce dernier est invité à prendre pour modèle et dont il doit essayer, sinon de devenir une incarnation (ce à quoi le prince ne peut jamais prétendre tout à fait), au moins de s’approcher au plus près. Le prince est ainsi mis en présence d’une certaine représentation de sa personne, à laquelle il s’identifiera sans grande difficulté mais dans laquelle il ne doit pas se reconnaître parfaitement : les différences (qui doivent rester mesurées) lui indiquent des améliorations possibles et suggèrent que le prince réel est un idéal en puissance.
105Bien que la figure idéale du prince évolue, en fonction des cultures et des époques, elle conserve un certain nombre de constantes, qui expliquent la présence au sein des éloges de poncifs stéréotypés récurrents et parfois anciens. Ceux-ci sont à l’origine des nombreux points communs que l’on peut établir entre les traités politiques, les miroirs aux princes et les emblèmes des affixiones bruxelloises. Ainsi, par exemple, Charles van der Beken célèbre l’équilibre qui règne dans la maison des Habsbourg entre justice et piété (KBR, ms. 20.307, fol. 38v-39r ; justifia et pietas). Cette combinaison n’a rien de novateur. Elle figure déjà chez Isidore de Séville, qui écrit que « les vertus essentielles du roi sont au nombre de deux : la justice et la piété »399, et est reprise par le jésuite Adam Contzen (1571-1635) dans son traité intitulé Politicorum libri decem où il signale que la justice assure « la loyauté des sujets », tandis que « la piété unit le roi à Dieu »400. Le couple est encore associé à Léopold-Guillaume dans une pièce de théâtre qui fut représentée par les élèves du collège d’Anvers à la fin mars 1648 à l’occasion d’une visite du gouverneur401. Léopold-Guillaume y est célébré pour sa devise, timore Domini, qui est présentée comme la source de nombreux bienfaits et qui le rapproche de Salomon. Le livret-programme nous apprend que, dans le premier chœur, « la sagesse ordonne qu’on dépose le glaive de Salomon non tâché de sang - glaive qui est le symbole de piété et de justice - aux pieds du prince [= Léopold-Guillaume], afin qu’il continue, dans sa très grande sagesse, à diriger les Belges avec une piété et une justice semblables à celles avec lesquelles le très auguste Ferdinand dirige son Empire »402. L’empereur Ferdinand III avait déjà été célébré pour sa justice et sa piété dans un livre d’emblèmes qui lui fut dédié en 1641 par une congrégation jésuite. La dédicace à l’empereur, signée par Erycius Puteanus (p. 11-14), commence sur ces mots : « c’est une moindre victoire de l’emporter par la fortune que de l’emporter par la justice et par la piété... La piété se rapporte à Dieu et elle est tantôt la mère, tantôt la fille de la justice. La justice concerne les hommes et le salut des peuples »403. Le recueil comprend douze emblèmes, dont les cadres sont garnis de deux aigles, l’un portant une croix et l’autre portant des foudres, surmontés des mots pietate et justifia. Le premier emblème est encore intitulé « à Ferdinand qui défend les siens avec piété et justice »404. On voit que le diptyque justice-piété, que l’on retrouve à nouveau appliqué à Léopold-Guillaume dans un emblème de 1651 (KBR, ms. 20.309, fol. 40v-41r), n’est propre à aucun prince : lieu commun propagandiste, il s’applique à chaque princeps Christianus.
106La nature conventionnelle de certains motifs tient au fait que, lorsqu’elle faisait l’éloge d’un prince, « la Compagnie [...] vis[ait] surtout à [...] concrétiser son idéal politique du prince et de l’État chrétien » et à « mettre en scène les valeurs politiques » qui lui étaient chères. Ceci explique, d’une part, que « l’attachement jésuite à la monarchie espagnole [...] n’a rien de définitif » puisque « ce qu’elle a mis en scène pour la Couronne d’Espagne, elle peut le proposer à nouveau à celui qui aura pris sa place » et, d’autre part, qu’au sein d’une même culture (l’Europe catholique du xviie siècle) ou d’un même milieu (telle que la Compagnie de Jésus) ce sont des motifs similaires et apparentés qui sont sans cesse répétés405. Pourtant, si l’éloge repose suides thématiques convenues, le choix de ces dernières n’est ni arbitraire ni anodin. L’éloge compose en effet un portrait mosaïqué du prince, à la fois partiel et partial, dont il fait ressortir certains traits qui sont sélectionnés et mis en valeur pour faire sens dans le contexte précis où ils sont employés, c’est-à-dire au regard du prince réel et en fonction des circonstances du moment. L’emblème de Martin de Voelder dont nous avons déjà proposé une analyse le fait assez bien voir406. L’élève évoque les conflits sanglants qui divisent les chrétiens et la paix de Westphalie qui fut signée trois ans plus tôt. Ce faisant, son éloge travaille sur plusieurs niveaux. En 1651, année d’exposition de l’emblème, la paix entre le France et l’Espagne est envisagée comme une issue possible au conflit407. En proposant la paix à l’attention du Roi Très-Chrétien et du Roi Catholique, l’élève les invite à mettre un terme à la guerre franco-espagnole qui ruine la chrétienté. Par ailleurs, le rappel de la paix (récente) entre l’Espagne et les Provinces-Unies, soit une paix d’autant plus remarquable qu’elle a réuni des peuples de confessions différentes et qu’elle a permis la réconciliation de deux anciens « frères », montre que le parti espagnol est dans des dispositions pacifiques. L’éloge qui se déploie dans cet emblème envisage la situation dans une double dimension : il est à la fois rétrospectif (il célèbre une paix qui a été signée au début du gouvernorat de Léopold-Guillaume, auquel Martin de Voelder suggère peut-être qu’il faille attribuer une part de responsabilité) et prospectif (les qualités que l’on voit à l’œuvre au sein du parti espagnol et en premier lieu chez le gouverneur laissent entrevoir et imaginer ce que l’avenir peut réserver pour les Pays-Bas). En somme, pour asseoir la légitimité du prince et consolider son autorité, l’éloge d’une part montre que les événements concomitants de son règne (ou de son gouvernement) confirment ses qualités et d’autre part indique implicitement au prince les desiderata de ses sujets qu’il doit combler pour atteindre l’idéal dont il est un modèle en devenir.
107Ces quelques remarques nous amènent à conclure que l’intérêt de l’éloge ne tient pas tant à la nature des propos qu’il développe, mais au processus de représentation qu’il met en œuvre. Autrement dit, il nous semble peu profitable de passer en revue chacun des emblèmes en essayant de retracer l’histoire des motifs épidictiques qui s’y trouvent et en établissant des parallèles avec les éloges adressés à Léopold-Guillaume, notamment par les jésuites, pour aboutir en fin de compte au simple constat que l’éloge qui est formulé dans les emblèmes n’a en général rien de très original. Par contre, il nous semble intéressant d’essayer de définir d’une part la cohérence de la représentation de Léopold-Guillaume telle qu’elle se déploie dans les affixiones ainsi que son évolution diachronique, et d’autre part de voir comment cette représentation se décline dans un corpus aussi singulier. Il s’agit alors non seulement de recomposer, par une approche transversale, le portrait général auquel participe chaque emblème afin de percevoir le projet auquel vise l’ensemble que forme chaque série et chaque exposition, mais encore d’examiner les modalités de la représentation du pouvoir, c’est-à-dire la manière dont elle est mise en valeur au travers des événements emblématiques organisés par les jésuites bruxellois et leurs élèves. Les deux prochains chapitres se fixent pour objectif de déterminer ce que l’expression emblématique — par le processus discursif particulier qu’elle déploie - et sa mise en scène spécifique - sous la forme d’expositions, impliquant un appareil décoratif soigné et sophistiqué - apportent qualitativement à la représentation du prince.
Notes de bas de page
139 Porteman a proposé une première étude de l’emblématique dans les collèges jésuites (Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 10-23). On la complétera d’une part avec l’analyse des textes normatifs jésuites réalisée par L. Salviucci Insolera (L’Imago primi saecnli [1640] e il significato dell’immagine allegorica nella Compagnia di Gesù..., Rome : Pontificia Università Gregoriana, 2004, essentiellement p. 31-39) et d’autre part avec l’étude de Bruna Filippi consacrée à la place de l’emblématique dans les collèges jésuites (« Le théâtre des emblèmes. Rhétorique et scène jésuite », dans Diogène, 175 [1996], p. 63-78). Lire aussi les exposés synthétiques de G. Richard Dimler concernant l’usage de l’emblème chez les jésuites et plus particulièrement dans les collèges d’humanités : « Humanism and the Rise of the Jesuit Emblem », dans Peter M. Daly, Daniel S. Russell (dir.), Emblematic Perceptions. Essays in Honor of William S. Heckscher on the Occasion of his Ninetieth Birthday, Baden-Baden : Verlag Valentin Koerner, 1997, p. 93-109 et « The Jesuit Emblem », dans Peter M. Daly (ed.), Companion to Emblem Studies, New York : AMS Press, 2008, p. 99-127.
140 Pour plus de renseignements sur l’enseignement et la pédagogie de la Compagnie de Jésus, voir François Charmot, La pédagogie des Jésuites. Ses principes, son actualité, Paris : Spes, 1951 ; Gabriel Codina Mir, Aux sources de la pédagogie des Jésuites. Le « modus Parisiensis », Rome : Institutum Historicum Societatis lesu, 1968 ; François de Dainville, La naissance de l’humanisme moderne, Paris : Beauchesne, 1940 ; id., L ’éducation des jésuites (xvIe-xviiie siècles), Paris : Éditions de Minuit, 1978 (surtout le second chapitre, intitulé « humanités classiques », p. 165-307) ; J.-B. Herman, La pédagogie des Jésuites au xvIe siècle. Ses sources. Ses caractéristiques, Louvain : Bureaux du Recueil, 1914 ; Alfred Poncelet, Histoire de la Compagnie de Jésus dans les anciens Pays-Bas. Établissement de la Compagnie de Jésus en Belgique et ses développements jusqu’à la fin du règne d’Albert et Isabelle, Bruxelles : Lamertin, t. 2 (1927).
141 Sur ces deux caractéristiques de la pédagogie jésuite, voir essentiellement Charmot, La pédagogie des Jésuites..., 1951.
142 Voir en particulier Allan P. Farrell, The Jesuit Code of Liberal Education. Development and Scope of the Ratio Studiorum, Milwaukee : The Bruce Publishing Compagny, 1938, p. 153-187.
143 Traduction reprise (avec de légères adaptations) de Charmot, La pédagogie des Jésuites..., 1951, p. 297. P. Jacobus Ledesma S.J., De ratione et ordine studiorum collegii Romani, annis 1564-1565, liber primus : de linguarum studio, ratione et ordine, caput 19. Aliud publicum exercitium plenius semel in anno (texte latin d’après Monumenta paedagogica Societatis lesu penitus retractata multisque textibus aucta, edidit Ladislaus Lukâcs, Il [1557-1572], Rome : Institutum Historicum Societatis lesu, 1974, p. 551-552): Portasse nonnumquam expediret, ut omnes classes themata aliquot paulo politius et elegantius componerent, tum carminé, tum prosa, Latine et Graece atque etiam Hebraice, immo et ipsi quoque magistri aliqua quoque exquisita componerent eaque omnia optime describerentur pulchris litteris, aut in papyro, aut membrana, et, peristromatis ornato impluvio, circumcirca affigerentur omnia, proposais singulis propugnatoribus, qui, apud easdem compositiones adstantes, eas tuerentur ; ceteri vero omnes scholastici, tum nostri collegii, tum quivis alii qui vellent, accedere passent oppugnatores ; et ita varie per totum impluvium disputaretur ; adessent autem praeceptores obambulantes, vel certo loco, qui controversias deciderent, et palmam victori dicto adjudicarent. Passent autem tune varii generis compositiones exhiberi, ut aenigmata pulchre depicta subjectis carminibus ; et qui ea divinaret, ea obtineret. Item epigrammata, epistolae, orationes, versiones, emblemata, [...] et denique omnis generis compositiones. Atque hoc semel in anno die quodam celebriori et amoeno ; atque haec Graece et Latine, immo etiam Hebraice ; et si opus videbitur, vemaculo quoque sermone aliquot tantum carmina egregia. J.-B. Herman (La pédagogie des Jésuites au xvie siècle..., 1914, p. 86) et K. Porteman (Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 10) ont brièvement commenté ce texte et L. Salviucci Insolera en a traduit un extrait en italien (L ’Imagoprimi saeculi..., 2004, p. 31).
144 Voir Charmot, La pédagogie des Jésuites..., 1951, p. 297-298.
145 Voir Dominique Julia, « L’élaboration de la Ratio studiorum, 1548-1599 », dans Ratio studiorum. Plan raisonné et institution des études dans la Compagnie de Jésus, éd. bilingue latin-français, présentée par Adrien Demoustier et Dominique Julia, traduit par Léone Albrieux et Dolorès Pralon-Julia, annotée et commentée par Marie-Madeleine Compère, Paris : Belin, 1997 (abrégé déorénavant : Ratio studiorum..., 1997*), p. 29-69, aux pages 32-33. Lire aussi Luca Ragazzini, « Rappresentare la memoria. Una visione emblematica dell’Eucarestia nelle affixiones del collegio gesuitico di Bruxelles (1631) », dans Rivista di storia e letteratura religiosa, 43/1 (2007), p. 31-67, à la page 31-32, avec (à la note 1) l’extrait de Ledesma cité en latin.
146 L’histoire complète et détaillée de l’élaboration du programme pédagogique jésuite a déjà été écrite. Consulter Farrell, The Jesuit Code of Liberal Education..., 1938, tout particulièrement aux pages 219-362 ; Ratio atque institutio studiorum Societatis lesu (1586, 1591, 1599), edidit Ladislaus Lukács, Rome : Institutum Historicum Societatis lesu, 1986 (abrégé dorénavant : Ratio studiorum..., 1986*), p. 10*-34* ; Dominique Julia, « Généalogie de la ‘Ratio studiorum’ », dans Luce Giard, Louis DE Vaucelles (dir.), Les jésuites à l’âge baroque (1540-1640), Grenoble : Jérôme Millon, 1996, p. 115-130; id., « L’élaboration de la Ratio studiorum...», dans Ratio studiorum..., 1997*, p. 29-69 ; Charles Van de Vorst, « Instructions pédagogiques de 1625 et 1647 pour les collèges de la Province Flandro-Belge », dans AHSI, 19 (1950), p. 181-236, aux pages 181– 184. Pour une synthèse, voir Michel Hermans, « Genèse de la pédagogie jésuite. Ses particularités dans la Province Gallo-belge », dans Josy Birsens (dir.), Du collège jésuite au collège municipal 1603-1815, vol. I, Luxembourg : éditions Saint-Paul, 2003, p. 39-61, aux pages 43-44. Concernant la participation des jésuites des anciens Pays-Bas à l’élaboration de la Ratio studiorum, voir Luce Giard, « Les collèges jésuites des anciens Pays-Bas et l’élaboration de la Ratio studiorum », dans Rob Faesen, Léo Kenis (ed.), The Jesuits of the Low Countries. Identity and Impact (1540-1773)..., Louvain/Paris/Walpole (MA) : Peeters, 2012, p. 83-108.
147 Julia, « L’élaboration de la Ratio studiorum... », dans Ratio studiorum..., 1997*, p. 38.
148 Voir Herman, La pédagogie des Jésuites au xvie siècle..., 1914, p. 22-25 ; DE Dainville, La naissance de l’humanisme moderne, 1940, p. 79 (avec la note 3) ; Van de Vorst, « Instructions pédagogiques... », dans AHSI, 1950, p. 183.
149 HERMAN, La pédagogie des Jésuites au xvie siècle..., 1914, p. 22. Voir aussi Julia, « L’élaboration de la Ratio studiorum... », dans Ratio studiorum..., 1997*, p. 38.
150 Voir Hermans, « Genèse de la pédagogie jésuite... », dans Du collège jésuite au collège municipal..., 2003, p. 44 ; Julia, « L’élaboration de la Ratio studiorum... », dans Ratio studiorum..., 1997*, p. 42-43 ; Van de Vorst, « Instructions pédagogiques... », dans AHSI, 1950, p. 183.
151 Pour une analyse succincte, voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 10-11. Nous empruntons les textes latins de 1586A, 1586B et 1591 à l’édition de L. Lukács (Ratio studiorum..., 1986*) tandis que, pour la version de 1599, nous renvoyons à l’édition plus récente de 1997, accompagnée d’une traduction française (Ratio studiorum..., 1997*).
152 Ratio 1586A, De studiis humanitatis, hoc est, grammaticae, historiae, poeticae et rhetoricae, Cap. VI : Quibiis adjumentis adolescentum studia ad bonas actes capessendas excitari atque inflammari possint (« les expédients avec lesquels on peut stimuler et enflammer les jeunes gens à maîtriser les beaux-arts »), 3 [texte latin d’après Ratiostudiorum..., 1986*, p. 133-134] : Nec parum extimulanturpueri concertatione mutua. [...] Disputent autem pueri de iis tantum, quae suae classi propria sunt [...] : interpretare illud hieroglyphicum, symbolum pythagoreum, apophthegma, adagium, emblema, aenigma [...] (« la compétition mutuelle stimule beaucoup les enfants. [...] Que les élèves disputent uniquement sur les matières qui sont propres à leur classe [...] : interpréter ce hiéroglyphe, ce symbole pythagoricien, cet apophthegme, cet adage, cet emblème, cette énigme [...] »). Voir Salviucci Insolera, L’Imago primi saeculi..., 2004, p. 32 (avec une traduction en italien de certains des extraits latins ci-dessus).
153 Ratio 1586B, De studiis humanitatis, Cap. VII : Incitamenta studiorum, 2 [texte latin d’après Ratio studiorum..., 1986*, p. 202] : Disputent autem de iis tantum, quae suae classipropria sunt [...]. In classibus autem humanitatis et rhetoricae accedant etiam illa : [...] interpretare illud hieroglyphicum aut pythagoreum aut apophthegma aut adagium aut emblema aut aenigma cujus antiqui scriptoris (« Que les élèves disputent uniquement sur les matières qui sont propres à leur classe [...]. Dans les classes d’humanité [=la classe de poésie] et de rhétorique, qu’on y ajoute encore ces matières : [...] interpréter ce hiéroglyphe, ce symbole pythagoricien, cet apophthegme, cet adage, cet emblème ou cette énigme de quelque auteur ancien »).
154 Ratio 1591, Regidae professoris humanitatis, incitamenta studiorum, 41 (« Les règles du professeur d’humanité. Les incitants aux études») [texte latin d’après Ratio studiorum..., 1986*, p. 305-306] : Disputent autem de iis tantum, quae suae classipropria sunt [...] : interpretare illud hieroglyphicum aut symbolum pythagoreum aut apophthegma aut adagium aut emblema aut aenigma cujus antiqui scriptoris (texte identique à la note précédente) ; Regulae professoris rhetoricae, incitamenta studiorum, 26 [texte latin d’après Ratio studiorum..., 1986*, p. 309] : Ad haec, quo magis alacri erectoque ad studium animo sint, bis singulis mensibus rhetoricae auditores cum humanistis disputent ; sed de iis tantum, quae duabus his classibus communia sunt [...] : interpretare illud hieroglyphicum aut symbolum pythagoreum aut apophthegma aut adagium aut emblema aut aenigma cujusquam antiqui scriptoris (texte identique à la note précédente, excepté pour le début de la phrase : « afin que les rhétoriciens aient l’esprit plus alerte et prompt à l’étude, ils disputeront deux fois tous les mois avec ceux d’humanité ; mais qu’ils disputent uniquement... »).
155 Voir Ratio 1599, Regulae professoris rhetoricae, 12.
156 Nous préférons traduire affixio par « exposition » car les œuvres exposées n’étaient pas toujours de simples « affiches », comme nous aurons l’occasion de le voir dans le troisième chapitre.
157 Voir Ratio 1599, Regidaepraefecti studiorum inferiorum, 3 ; Regidae professoris rhetoricae, 18 ; Regidae professons humanitatis, 10.
158 Voir Ratio 1599, Regulae praefecti studiorum inferiorum, 49.
159 Ratio 1586A, Cap. VI, 5 [texte latin d’après Ratio studiorum..., 1986*, p. 136-137] : Neque declamationibus habendis modo, sed versibus etiam pronuntiandis aut publiée ajfigendis aluntur studia puerorum. Quocirca singuli nostrorum qui, humanioribus litteris vacant, Dominico quoque die aliquid carminum affigant in refectorii vestibido locove alio, si aptior sit. Quod in renovatione votorum ceterisque sollemnitatibus multo celebrius ac plenius praestandum est ; idque a philosophis etiam et theologis, ne poeticen dediscant ; longe vero copiosissime cum studiorum celebratur instauratio. Ceterum in iis nihil fere interponatur (nisi cum celebritas aliqua multiplici varietate linguarum cohonestanda videretur) vulgari sermone conscription. Non enim id agunt nostri in scholis, ut vernaculam linguam condiscant, sed Latinam vel Graecam vel Hebraeam. Ex his itaque linguis tantum scribenda sunt, quae legenda aliis exponuntur. Ea vero exornentur nonnumquam aliqua pictura, quae emblemati vel aenigmati proposito respondeat. Neque versibus solum implendi parietes, sed ad miscendum etiam aliquid prosae brevioris, cujus et usus frequentior est et inventio gravior et dictio nihilo minus laboriosa. Cujus generis esse possent epitaphia sepulchrorum, inscriptiones clipeorum, templorum, hortorum, theatrorum, breviores aliquae descriptiones urbis, portus, pugnae, vêtus apophthegma cum ejus expositione brevissima, aliqua cujusquam divi res gesta. Cet extrait est presqu’entièrement traduit en italien dans Salviucci Insolera, L’Imago primi saeculi..., 2004, p. 32.
160 Charmot, avant nous, a mis en parallèle le texte de Ledesma avec les versions ultérieures de la Ratio studiorum (voir Charmot, La pédagogie des Jésuites..., 1951, p. 297-298).
161 Comme l’écrit Adrien Demoustier, « la Ratio se présente comme un ensemble de règles qui sont rédigées principalement dans la perspective d’élèves jésuites - désignés, dans le texte, par ‘les Nôtres’ -, comme si la présence d’élèves non jésuites, ‘les externes’, était seulement un cas particulier » (« Les Jésuites et l’enseignement à la fin du xvie siècle», dans Ratio studiorum..., 1997*, p. 12-28, à la page 26).
162 Les « études d’humanités » désignent le cursus complet tandis que la « classe d’humanité » est la quatrième du curriculum, aussi appelée « la poésie ».
163 Ratio 1586B, De studiis humanitatis, Cap. VII, 4 [texte latin d’après Ratio studiorum..., 1986*, p. 204-205] : Alternis praeterea mensibus per occasionem litterariae alicujus celebritatis, magister tam humanitatis, quam rhetoricae optima quaeque carmina ex iis, quae per duos illos menses scripta sunt a discipulis externis, seligat, ut publice proponantur ; modo tam a magistro, quam a discipulis caveatur omnino, et a nostris scholis abigatur genus illud carminis, quodaut versus ab eadem semper ducit littera, aut varias effingit figuras, aut res alias ejusmodi consectatur populares magis, quam poeticas. Nostri etiam, qui humanioribus litteris et rhetoricae vacant, in loco quopiam idoneo aliquid carminum affigant Dominico quoque die. Quod in renovatione votorum ceterisque sollemnitatibus multo celebrius ac plenius praestandum est ; longe vero copiosissime cum studiorum celebratur instauratio, modo iis tantum linguis scripta sint, quas profitemur in scholis ; nisi cum celebritas aliqua multiplici varietate aliarum etiam linguarum cohonestanda videtur. [Eos autem versus maxime probandos censeat praefectus, qui non modo eleganter, argute deque rebus honestis scripti sint, sed adpios etiam affectus tam leniter, quam graviterpermovendos plurimum valeant. Turpe est enim a prophanis poetis prophane affici potuisse lectorem, a piis pie affici non posse, in tanta praesertim rerum divinarum copia, quam Christiana religio abunde suppeditat.] Neque versibus solum exornandi parietes, sed ad miscendum etiam aliquidprosae brevioris, cujus usus frequentior est, nec inventio minus gravis et acuta, nec minus laboriosa dictio. Cujus generis sunt inscriptiones sepulchrorum, clipeorum, templorum, hortorum, theatrorum, breviores ; quaedam etiam breves ac pressae, sed non partim elaboratae descriptiones urbis, portus, pugnae, aliusve rei gestae ab aliquo praesertim divorum. *Haec autem nonnullis picturis, quae emblemati vel aenigmati proposito respondeat, poterunt condecorari tum ab extemis adolescentibus, sed non nisi in insigni aliqua celebritate, et permissu praepositi propincialis, ut vitentur scilicet immoderati sumptus tum a nostris ; raro tamen, nec sine rectoris approbatione. Idque, cum argumentum ejusmodi est, ut religioni ac pietati potins, quam ostentationi deserviat*. Une partie de cet extrait est traduite en italien par L. Salviucci Insolera : L ’Imagoprimi saeculi..., 2004, p. 33-34.
164 Voir Claude Bruneel, « De viris illustribus. Des anciens du collège des jésuites de Bruxelles aux xviie et xviiie siècles », dans Deneef, Rousseaux (dir.), Quatre siècles de présence jésuite à Bruxelles..., 2012, p. 235-249, à la page 240. John Manning évalue à 16 ans l’âge des élèves-compositeurs (voir « Tres potentiae animae. The Aims and Methodology of Royal Library, Brussels MS 4040 », dans John Manning, Marc van Vaeck [ed.], The Jesuits and the Emblem Tradition..., Turnhout : Brepols, 1999, p. 323-339, à la page 332).
165 Voir SalviucciInsolera, L ’Imago primi saeculi..., 2004, p. 33.
166 Ratio 1591, Regulae praefecti studiorum inferiorum, 32 ; Regulae professoris humanitatis, 46-49 (identiques aux Regulae professons rhetoricae, 34-37). Pour le texte latin, voir Ratio studiorum..., 1986, p. 260 et 306-307 et p. 310.
167 Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 10-11.
168 Voir respectivement Ratio 1599, Regulae rectoris, 8 ; Regulae praefecti studiorum inferiorum, 3 ; Regulae professons rhetoricae, 18 et Regulae professons humanitatis, 10.
169 Voir Ratio 1599, Regidae professons rhetoricae, 18 et Regidae professons humanitatis, 10.
170 Cet extrait fait directement suite à celui cité à la note 159. Ratio 1586A, Cap. VI, 5 [texte latin d’après Ratio studiorum..., 1986*, p. 137] : Jam vero quaecumque sive versu sive soluta oratione a nostris publiée affigenda sunt, rector ea prodire in publicum non patiatur, priusquam a duobus earum facultatum valde peritis recognita fuerint. Nec id muneris sibi vindicetpraefectus, si contingat in hisce rebus non esse valde versatum. Alioquin existimationis jacturam, quam in hoc genere facimus aliquando, majorem in dies faciemus. Illud vero habendum est, doctrinae specimen non tant in rerum, quae publice exponuntur, multitudine, quant in accuratiore quodam cultu positum esse. Quocirca expedit quidem, ut in studiorum votorumque instauratione et diebus aliis celebrioribus, jubeantur omnes poeticum aliquid vel oratorium scribere. At cunt ad eorum quae scripta sunt, delectum venitur, pauca quae legenda omnibus praebeantur, seligenda sunt. Optima enim ferepauca sunt, et ex iis potius, quam ex numerosa quadam farragine bona de scholis nostris opinio propagatur, praesertim si pauca illa manu quoque librarii, ut par est, exornentur.
171 Charmot, La pédagogie des Jésuites..., 1951, p. 298.
172 Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 11 (avec la note 9).
173 L’extrait de la Ratio studiorum de 1586B présente en fait une (seule) variante minime par rapport à l’édition antérieure de 1586 (voir Ratio 1586B, De studiis humanitatis, Cap. VII, 4 [texte latin d’après Ratio studiorum..., 1986*, p. 205]). Une précision est en effet insérée dans la première phrase : « de plus, quelles que soient les œuvres qui, en vers ou en prose, doivent être publiquement exposées par les nôtres (pour peu que l’événement se déroule avec quelque solennité ; dans le cas contraire, qu’elles ne soient corrigées que par un seul professeur) [...]» (Jam vero quaecumque sive versu sive soluta oratione a nostris publice affigenda sunt [modo res agatur cum celebritate ; sin minus, ab uno corrigantur magistro]
174 Ratio 1591, Regulae praefecti studiorum inferiorum, Quomodo exercendi excitandique sint auditores, 32 (texte latin d’après Ratio studiorum..., 1986*, p. 260) : Ad patrem rectorem referat tum de litteraria aliqua celebritate alternis mensibus instituenda, qua discipulorum versus per eos menses compositi affigantur honorifice ; tum ut in illustribus quibusdam per annum sollemnitatibus, praesertim cum votorum seu studiorum renovatio celebratur, a nostris philosophis etiam et theologis auditioribus, ne poeticen dediscant, Carmen aliquod publiée proponendum edatur. Eos autem versus maxime probandos censeat praefectus, qui non modo eleganter, argute deque rebus honestis scripti sint, sed adpios etiam affectus tam leniter, quam graviterpermovendos plurimum valeant. Turpe est enim a prophanis poetis prophane affici potuisse lectorem, a piis pie affici non posse, in tanta praesertim rerum divinarum copia, quam Christiana religio abunde suppeditat.
175 Ratio 1591, Regulae praefecti studiorum inferiorum, Quomodo exercendi excitandique sint auditores, 33 (texte latin d’après Ratio studiorum..., 1986*, p. 260) : Cum emblemata, aliave poemata celeberrimis aliquot diebus ac lotis propalam collocanda sunt, ea prius non modo accurate emendentur, sed etiam postquam eleganter descripta fuerint, recognoscantur non a magistro quovis, nec ab ipso praefecto, si in hisce rebus non sit opprime versatus, sed a duobus per patrem rectorem designandis earum facultatum peritissimis ; qui legant omnia, seligant pauca de multis ; optima enim fere pauca sunt ; et ex his potius, quam ex numerosa quadam farragine existiment bonum doctrinae specimen edendum propagandumque esse ; praesertim si pauca illa manu quoque librarii, ut par est, exornentur.
176 Voir respectivement Ratio 1599, Regulae professons rhetoricae 1599, 15 ; Regidae academiae rhetorum et humanistarum, 3 et 7. Dans les collèges jésuites, les académies rassemblent « un groupe restreint d’élèves [...] qui s’adonnent en commun à des exercices scolaires » (Marie-Madeleine Compère, « Lexique latin », dans Ratio studiorum..., 1997*, p. 280, s.v. academia).
177 Le premier livre d’emblèmes fut publié par André Alciat (1492-1550) en 1531 : Emblematum liber, Augsbourg : Heinrich Steyner, 1531.
178 Voir Filippi, « Le théâtre des emblèmes... », dans Diogène, 1996, p. 77 ; Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 23.
179 Pour une brève présentation des règlements locaux, voir Poncelet, Histoire de la Compagnie de Jésus..., t. 2 (1927), p. 14-20 ; Goran Proot, Het schooltoneel van de jezuïeten in de Provincia Flandro-Belgica tijdens het ancien régime [1575-1773], thèse de doctorat inédite de l’université d’Anvers, 2008, p. 54-62. Plusieurs des éléments sur lesquels nous insisterons dans cet exposé ont déjà été brièvement mis en exergue par Poncelet (Histoire de la Compagnie de Jésus..., t. 2 [1927], p. 70) et Porteman (Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 13).
180 Lire notamment Ratio 1599, Regidae praepositi provincialis, 39. Sur le principe d’adaptation et les règlements locaux, consulter en particulier Julia, « L’élaboration de la Ratio studiorum... », dans Ratio studiorum..., 1997*, p. 68-69; Hermans, « Genèse de la pédagogie jésuite...», dans Du collège jésuite au collège municipal..., 2003, p. 39-61; Van de Vorst, « Instructions pédagogiques... », dans AHSI, 1950, p. 184-185 et 191.
181 Voir PlRENNE, Histoire de Belgique..., t. 3 (1973), p. 150-154 ; Poncelet, Histoire de la Compagnie de Jésus..., t. 2 (1927), p. 114-115 et 427-433.
182 Ces deux instructions de 1625 et de 1647 ont été publiées et éditées dans un article signé par Charles Van de Vorst (« Instructions pédagogiques... », dans AHSI, 1950). La première instruction, que nous référençons Instructio 1625 dans notre exposé, est l’Instructio pro scholis Societatis Jesu provinciae Flandro-Belgicae... anno MDCXXV ; la seconde, que nous abrégeons Instructio 1647, est VInstructio pro scholis inferioribus Flandrobelgicis recognita anno 1647. Pour une histoire plus complète, consulter (outre l’introduction de l’article de Van de Vorst) la thèse de Goran Proot (Het schooltoneel van de jezuïeten in de Provincia Flandro-Belgica..., 2008, notamment p. 51 sqq.).
183 Ordo domesticus magistrorum provinciae Flandro-Belgicae Societatis Jesu, praelegendus singulis annis in triclinio, initio studiorum, Antverpiae : apud Joannem Paulum Robyns, M.DCC.XV. Universiteit Antwerpen, Bibliotheek Stadscampus, Ruusbroecgenootschap, RG 1065 H 7. Sur ce document, voir Proot, Het schooltoneel..., 2008, p. 61-62.
184 Voir Poncelet, Histoire de la Compagnie de Jésus..., t. 2 ( 1927), p. 15.
185 Pour plus de renseignements sur cette visite, consulter Poncelet, Histoire de la Compagnie de Jésus..., t. 2 (1927), p. 16 et Proot, Het schooltoneel..., 2008, p. 57-58. Les deux rapports s’intitulent respectivement Memoriale toti Flandro-Belgicae provinciae commune datum a reverendo pâtre Henrico Schereno, visitatore anno 1617 mense Novembri et Memoriale reverendi patris Henrici Schereni anno 1617 Novembri, tandis que les notes portent le titre Notata ad memoriale provinciae Flandrobelgicae et responsa ad quasdam rationes contra adlatas (Antwerpen RA, SJ, FB, 249).
186 Memoriale reverendi patris Florentii de Montmorency provinciae Flandro-Belgicae, sub finem ejusdem visitationis Antverpiae 17 Junii 1651 ; nous avons consulté la copie photographique conservée aux archives BME (bibliothèque Alfred Poncelet, complément aux lettres des généraux, boîte 88/1).
187 Voir Antwerpen RA, SJ, FB, 250 : « les recommandations communes à toute la province flandro-belge » (commendata loti provinciae Flandro-Belgicae communia), « les recommandations adressées aux supérieurs » (commendata superioribus) et enfin « les recommandations adressées au provincial » (commendata patri provinciali).
188 Voir Antwerpen RA, SJ, FB, 250.
189 S’il n’existe qu’un seul exemplaire de l’instruction de 1647 (Antwerpen RA, SJ, FB, 1764), il en existe trois de l’instruction de 1625 (Antwerpen RA, SJ, FB, 1763 et 1765; ARSI, Institutum, Comraissiones et Secretariatus, Studia 1003 c, fasc. 5, doc. 13). L’une de ces trois copies (Antwerpen RA, SJ, FB, 1765) porte une inscription (Instructio pro scholis. Est alia recentior in visitatione facta anno 1651) qui semble indiquer que, suite à la visite de Montmorency, une nouvelle version du texte entra en vigueur. Il doit probablement s’agir des « amendements et ajouts au plan des études d’humanités » (addenda mutandave ad rationem studiorum humaniorum [Antwerpen RA, SJ, FB, 1769]) datés du 24 juin 1651. Voir Poncelet, Histoire de la Compagnie de Jésus..., t. 2 (1927), p. 16 (avec la note 3).
190 Antwerpen RA, SJ, FB, 249, doc. 2, Memoriale reverendi patris Henrici Schereni anno 1617 Novembri, n.p., regula 38 : [manchette : Reg. 18 prof. rhet. et 10aprof. hum.] De privatis etiam ac publicis affixionibus servandae item regulae. Et quod ad publicas attinet, eae fiant a rhetoribus et humanistis minimum bis quotannis cum moderatione epigrammatum et emblematum, quam superior et praefectus praescribent (« En ce qui concerne les expositions privées et publiques, il faut de même respecter les règles [règles 18 du professeur de rhétorique et 10 du professeur d’humanité]. Pour ce qui est des expositions publiques, que les rhétoriciens et les humanistes les fassent au moins deux fois tous les ans avec la modération - pour les épigrammes et les emblèmes - que prescrivent le supérieur et le préfet »). Antwerpen RA, SJ, FB, 1769, Addenda mutandave 1651 (n.p. = fol. 3r) : Addenda mutandave ad rationem studiorum humaniorum. Ad regulam 3am praefecti. Affixiones fiant bis in anno a rhetore et poeta, temporibus certis ac determinatis. Sumptus earum sit maxime moderatus (« Ce qu’il faut ajouter et modifier à l’ordre des études des humanités. À la règle trois du préfet [voir Ratio 1599, Regulae praefecti studiorum inferiorum, 3]. Que les rhétoriciens et les poètes réalisent des expositions deux fois par an, à des occasions précises et déterminées. Que les dépenses en soient très modérées »).
191 Van de Vorst, « Instructions pédagogiques... », dans AHSI, 1950, p. 232 : De Exercitationibus extraordinariis. Scholae parietibus meliores scriptiones privatim affiguntur. Insuper a rhetore et poetapro locorum et † scholarum † frequentia semel iterumque die aliquo solemni quotannis publice affigitur ; possunt et sua quaedam syntaxiani iis adjungere... (« À propos des exercices extraordinaires. Les meilleurs compositions sont exposées en privé sur les murs de la classe. En outre, les rhétoriciens et les poètes font des expositions publiques chaque année, lors de quelque jour solennel, une fois ou plus en fonction du nombre † ... † des classes. Les élèves de syntaxe peuvent y adjoindre quelques-unes de leurs productions »).
192 Van de Vorst, dans AHSI, 1950, p. 232 : Discipulorum sunt, non praeceptoris lucubrationes. Sur cet extrait, lire Porteman : Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 13 et 101 (n. 3) et « The Use of the Visual... », dans Paedagogica Historien, 26b/1 (2000), p. 179-196, à la page 182.
193 Jean-Yves Boriaud, « Rome et les poètes jésuites latins de la Province Flandro-belge... », dans Guy et Geneviève Demerson e.a. (dir.), Les Jésuites parmi les hommes aux xvième et xvIIème siècles..., Clermont-Ferrand : Université de Clermont-Ferrand, 1988, p. 407-415, à la page 413.
194 Lire l’extrait à la note 191.
195 Pour le rapport de Scheren et les amendements de 1651, relire la note 190. Pour l’instruction de 1625, lire Van de Vorst, dans AHSI, 1950, p. 206 : (Commendatur praefecto pro bono scholarum regula XLIX) De vitandis sumptibus. [...] affixiones etiam restringendae, quae bis in anno a rhetore et poeta fient (« Il faut recommander au préfet pour le bien des classes l’application de la règle 49 [Ratio 1599, Regulae communes professoribus classium inferiorum, 49]. Concernant les dépenses à éviter. [...] il faut aussi limiter les expositions, que font deux fois par an les rhétoriciens et les poètes »). Cet extrait est traduit en italien dans Salviucci Insolera, L ’Imagoprimisaeculi..., 2004, p. 38.
196 Consuetudines provinciae Gallo-Belgicae 1640, Pars tertia. Consuetudines scholarum generales, § 11 (Archives générales du Royaume [Anderlecht], archives de la province gallo-belgique, n° 5, fol. 80v-81r) : Affixio. Fiat ter in anno. 1° in festo Annunciationis ; 2° in sollemnitate corporis Christi ; 3° sed parcius in festo sanctipatris nostri Ignatii. Quodsi Annuntiatio celebranda sit post Pascha, consulatur rector an in festum Purificationis revocanda sit affixio (« L’exposition. Qu’il y ait trois expositions par an. La première, lors de la fête de l’Annonciation [25 mars] ; la seconde, lors de la solennité du corps du Christ ; la troisième - mais avec plus de retenue - lors de la fête de notre saint père Ignace [31 juillet]. Mais si la fête de l’Annonciation est célébrée après Pâques, qu’on consulte le recteur pour savoir s’il faut remonter l’exposition à la fête de la Purification [2 février] ». Sur ce coutumier, dont il existe deux autres exemplaires (KBR, ms. 20.128 et ARS1, GERM 128, fol. 91r-182v), voir Hermans, « Genèse de la pédagogie jésuite... », dans Du collège jésuite au collège municipal..., vol. I (2003), p. 52 et 55-60.
197 Le document, intitulé Quaedam occasions variorum postulatorum in scholarum utilitatem probata anno 1623 et conservé à Anvers (Antwerpen RA, SJ, FB, 1762), n’est pas sans poser problème : portant sur la première page l’indication Flandro-Belgica, il est identifié par Poncelet à des ordonnances relatives à la province gallo-belge (Histoire de la Compagnie de Jésus..., t. 2 [1927], p. 16, n. 3). Lire fol. 14-15 : Ter quoque de more consueto, publice affiguntur tum versus, tum litterariae exercitationes, Graece Latineque, nempe in festo sancti Annuntiationis - quae tamen si quando statim a Pascate celebranda est, tum deliberet rector, numnam ad Purificationem revocari posset—, sed essent praeceptores praemonendi ut minimum ab ipsis Natalitiis videndumque an humanistae id salis passent. Alterum affigendi tempus est in sollemnitate sanctisimi Sacramenti. Tertium, quod propter vicinam parcius esse decet, est ad festum sancti patris nostri Ignatii (« Conformément à l’usage habituel, il y a trois expositions publiques tantôt de vers, tantôt d’exercices littéraires, en latin et en grec. C’est le cas lors de la fête de la Sainte-Annonciation. Toutefois, s’il arrive qu’elle doive être célébrée aussitôt après Pâques, alors le recteur pourrait envisager de faire remonter l’exposition à la Purification, mais il faut prévenir les professeurs pour qu’ils voient, au moins dès la fête de la Nativité, si les élèves d’humanités en sont capables. Un autre moment pour exposer est la solennité du Très-Saint-Sacrement. Le troisième moment, pour lequel il convient d’être plus modéré en raison de sa proximité avec le précédent, est la fête de notre saint père Ignace »). À ce propos, lire Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 13.
198 Van de Vorst, dans AHSI, 1950, p. 211 : Quidquid publice agitur a praefecto ante recognoscendum est, quam in scenam prodeat et scenarum distributio et Carmen et actorum exercitatio et vestes ac machinae omnes theatrales (Reg. Praef. 17), quod etiam in affixionibus et affinibus locum habet (« Tout ce qui a lieu publiquement doit être examiné par le préfet avant qu’on le produise sur scène, aussi bien la distribution des rôles, le chant, l’entraînement des acteurs, les vêtements et toutes les machines du théâtre. Cela vaut aussi pour les expositions et ce qui leur est apparenté »).
199 Van de Vorst, dans AHSI, 1950, p. 232 : Quae coram solis nostris declamantur vel affiguntur, sufficit a solo praefecto recognosci ; quae publice et coram extemis, rector a deputatis revideri facit et repudiari facit quae passent offendere et emendari, quae non salis expolita.
200 Antwerpen RA, SJ, FB, 1769, Addenda mutandave 1651 (n.p. = fol. 3r) : Affixiones fiant bis in anno a rhetore et poeta, ... Quae affiguntur a discipulis componantur, a magistris poliantur et tempestive recognoscantur omnia a duobus a rectore designandis antequam describantur (« Que les rhétoriciens et les poètes réalisent des expositions deux fois par an,... Que ce qui est exposé ait été composé par les élèves, soit poli par les maîtres et que le tout soit révisé en temps utile par deux personnes à désigner par le recteur avant que ce ne soit transcrit »). Consuetudines provinciae Gallo-Belgicae 1640, Pars tertia. Consuetudines scholarum generales, § 11 : Affixio. Recognoscantur omnia a duobus per rectorem designandis antequam describantur juxta régulant praefecti 3 (« Que le tout soit examiné par deux personnes désignées par le recteur avant qu’il ne soit recopié au propre, conformément à la règle 3 du préfet » [voir Ratio 1599, Regulae praefecti studiorum inferiorum, 3] ).
201 Voir, pour Bivero, Andriessen, De Jezuïeten en hetsamenhorigheidsbesef..., 1957, p. 118, n. 43 (et aussi p. 116, n. 34) ainsi que Sommervogel e.a., Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, t. 1 (1890), col. 1525-1528 ; pour Hesius, Aumann, «‘Flandria liberata’... », dans Miscellanea Baliviae..., 2000, p. 269.
202 Van de Vorst, dans AHSI, 1950, p. 206 : De vitandis sumptibus. [...] affixiones etiam restringendae, quae bis in anno a rhetore et poeta fient, et de eorum sumptu moderando ac temporibus commodis cum rectore agendum (« Concernant les dépenses à éviter [...] il faut aussi limiter les expositions, que font deux fois par an les rhétoriciens et les poètes. Concernant la modération des dépenses que ces expositions engendrent et concernant les occasions appropriées où il faut les faire, il faut en convenir avec le recteur »). Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 13.
203 Van de Vorst, dans AHSI, 1950, p. 232 : De tempore vero, modo et numero ac sumptu pro personarum et locorum exigentia a rectore mature decernitur (« C’est au recteur de décider en temps utile, en fonction des exigences imposées par les personnes et le lieu, du moment, de la manière, du nombre et des dépenses de ces expositions »). Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 13.
204 Les extraits sont cités respectivement aux notes 190, 202 et 190.
205 Antwerpen RA, SJ, FB, 1768. Le document est signé Hesius (fol. [2v]), mais il n’y a aucun prénom qui l’accompagne. Hendrik Callewier l’attribue pourtant à Guilielmus Hesius (Inventaris van het archief van de Nederduitse Provincie der Jezuïeten..., Bruxelles : Algemeen rijksarchief, 2006, p. 193).
206 Antwerpen RA, SJ, FB, 1768 (n.p. = fol. 2r-2v) : Corrigenda in magistris. In doctrina. Defectus. 4. Rhetores et poetae non habent hebdomadarias declamationes compositionum de piano sed tantum aliquoties in anno scenice adornatas in quibus plus est apparatus quam doctrinae : unde fit nec pueras proficere aut ad proficiendum stimulari quia numquam audiunt sua declamari ; nec praeceptores dum ut supra dictum est semper aliena declamant. Idem de affixionibus esta judicium, in quibus per nuda emblemata et sumptuosa tantum exhibitis, vix quidquam est aliud quam picturae elegantia et sumptus ; a praeceptore vero collatujm) nihil, praeter nudum lemma vel per breve et macrum epigramma (nos italiques).
207 Poncelet, Histoire de la Compagnie de Jésus..., t. 2 (1927), p. 70.
208 Remedia. 4. Hebdomadariae declamantiones severe exigantur sine apparatu nisi in menstruis. Emblemata vero potins a cidtn scholastico quam pictorio ant fabrili commendentur et saltem cidto epigrammate exornentur. Magistri qui in hisce rem bene gesserint a rectore praemiis et recreatione aliqua affectantur (nos italiques).
209 Consuetudines provinciae Gallo-Belgicae 1640, Pars tertia. Consuetudines scholarum generales, § 11 : [Affixio], Numerus folionim determinetur pro numéro discipulorum, ut si sint 30 rhetores, affigantur Latina folia 15, Graeca 5 ; si sint plures, servetur eadem proportio. Utparcatur sumptibus, folia sint pura, non appingantur flores, personae, limbi, et similia. Emblemata si quae ponantur cum venia rectoris, expleant numerum duorum foliorum sintque paucipretii.
210 Antwerpen RA, SJ, FB, 1762, fol. 15, praeceptoribus communia : Ut servetur modus, praeceptores singuli quorum in classe solent esse discipuli ad 30, affigant 20 chartae Lombardicae folia Latina, et 5e Graeca non plura. Si quando vel minor est charta, vel plures discipili, non praeceptorum, sedsolius praefectijudicio numerus foliorum hac servata proportione statuatur sitque in singidis collegiis certus pro eo quo adesse ut plurimum solent numero, ita ut statutum sit pro cujusque collegii rhetorica vel humanitate quanto semper folia sint affigenda. Emblemata vero singula numerum duorum folionim expleant. Impensis injungendis magna ratio cum utilitatis tum moderationis habeatur. Quare non est ex iis jubendum ut omnes de praeteritis et supinis etiam aliquoties regulas describant, ut 200 300osve (= trecentosve) versus ex Virgilio transcribant, cum enim et pessimo charactere et perfunctorie jussa obeunt sine fructu et contemptionis ac negligentiae accessu. Notons au passage que la fréquence des expositions et le nombre des pages à exposer proposés par le document de 1623 sont presque similaires à ceux énoncés dans le coutumier de la gallo-belge de 1640. Ces deux coïncidences pourraient dès lors confirmer que les réponses aux requêtes de 1623 concernent, comme l’a pensé Poncelet, la gallo-belge.
211 Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 35 et p. 123.
212 Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 35.
213 La lettre est présentée et citée par Porteman : Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 11 (avec la note 14) qui lui aussi insiste sur les dépenses excessives que pouvaient engendrer les expositions.
214 Lettre citée par Poncelet, Histoire de la Compagnie de Jésus..., t. 2 (1927), p. 70 (voir aussi Louis Brouwers, De Jezuïeten te Brussel. 1586-1773-1833, Malines : Huis van Leliëndaal, 1979, p. 47) : Saepe alias scriptum est ut nostri ab emblematis et affixionibus sumptuosis abstinerent. Iterum reverentiae vestrae commendamus et Bruxellis praesertim id vitio nostris datur quodque magistri splendori plus aequo serviant, minus vero studiorum profectui. La lettre est mentionnée et partiellement traduite en italien par L. Salviucci Insolera : L ’Imago primi saeculi..., 2004, p. 37-38.
215 Il s’agit des Lacrymae [=Lacrimae] in obitum Catholicae acpotentissimae Hispaniarnm reginae Margaretae Austriacae. Collegium Societatis Jesn Bruxellae anno 1611. Oratio, elegiae, epigrammata, hieroglyphica, emblemata et du Posthumum Calvini stigma in tria lilia sive tres libros dispertitum, a rhetoribus collegii Societatis Jesn Bnixellis anno 1611, tous deux parus à Bruxelles (ex officina Rutgeri Velpii et Huberti Antonii).
216 Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 92 (nous traduisons de l’anglais). Voir Poncelet, Histoire de la Compagnie de Jésus..., t. 2 (1927), p. 503.
217 Le problème semble avoir été constant tout au long du xviie siècle et jusqu’au xviiie siècle (voir G. M. Pachtler, Ratio Studiorum et Institutiones Scholasticae Societatis lesuper Germaniam olim vigentes collectae, concinnatae, dilucidatae, t. 3, 1887, p. 405 et412, ett. 4, 1968, p. 185). Voir aussi les exemples cités chez Herman, La pédagogie des Jésuites au xvie siècle..., 1914, p. 85-86 et Poncelet, Histoire de la Compagnie de Jésus..., t. 2 ( 1927), p. 70.
218 Pour plus de renseignements sur ce père, voir Robert Haab, « Busaeus, Theodor der Jüngere », dans Neue Deutsche Biographie, t. 3 (1957), p. 57-58.
219 11 doit s’agir du cadre, imprimé ou peint, de forme circulaire ou carrée.
220 Memoriale collegio Dilingano a reverendo pâtre visitatore relictum mense octobri anno 1609, § 19 : [...] Carmina, quae ab iisdem (= a rhetoribus et humanistis) certo anni tempore publice affiguntur, non a solo praefecto, sed ab altero adhuc, a pâtre redore designando censeantur, non permittantur in iis sumptus nimii ac proinde nec emblemata plura, sed rhetori tantum 6 aut 7, humanistae 4 aut 5, quorum singula non excedant pretium unius floreni ; picturae et aliae [res] valde moderate in his affixionibus adhibeantur, et non nisi corona, aut quadrata impressa, aut leviterpicta, ne majori sumptu studiosi graventur (texte latin d’après Pachtler, Ratio Studiorum..., t. 3 [1887], p. 189).
221 Jean-Marie Valentin fait un constat semblable au sujet du théâtre (Le théâtre des Jésuites dans les pays de langue allemande [1554-1680]..., Berne : Lang, 1978, p. 218). Voir aussi Proot, Hetschooltoneel van de jezuïeten in de Provincia Flandro-Belgica..., 2008, p. 63.
222 Voir Poncelet, Histoire de la Compagnie de Jésus..., t. 2 (1927), p. 14-15.
223 Sur l’histoire de l’installation des jésuites à Bruxelles et l’histoire du collège sous l’Ancien Régime, voir en particulier Brouwers, De Jezuïeten te Brussel..., 1979, p. 17-32 (lire aussi son excellente synthèse sur la situation de Bruxelles à la fin du xvie siècle : p. 7-16) ; Hermans, « De la fondation à la suppression » et Maurice Pilette, « Le collège et la ville, partenaires emblématiques », dans Stenuit (dir.), Les collèges jésuites de Bruxelles..., 2005, respectivement p. 53-83 et p. 85-141 ; Poncelet, Histoire de la Compagnie de Jésus..., t. 1 (1927), p. 395-403. Concernant les « jésuites belges», voir Alain Deneef (dir.), Les Jésuites belges. 1542-1992..., Bruxelles : AESM, 1992 ; Jacques Lory e.a. (dir.), Les Jésuites à Mons 1584-1598-1998..., Mons : Association Royale des anciens élèves du Collège Saint-Stanislas, 1999 ; Les Jésuites à Namur. 1610-1773..., Namur : Presses universitaires de Namur, 1991 ; Les Jésuites dans les Pays-Bas et la principauté de Liège (1542-1773). Exposition... et Dossier..., Bruxelles : Archives générales du Royaume, 1991 ; Bernard Stenuit (dir.), Les collèges jésuites de Bruxelles..., Bruxelles : Lessius, 2005.
224 Informations d’après Brouwers, De Jezuïeten te Brussel..., 1979, p. 24-25 et 44 et Poncelet, Histoire de la Compagnie de Jésus..., t. 1 (1927), p. 398 et 402-403 et t. 2 (1927), p. 38-39. Concernant le contingent des élèves, nous préférons éviter de fournir des données trop précises dans la mesure où, d’une part, les différents historiens ne s’accordent pas ( voir Brouwers, De Jezuïeten te Brussel..., 1979, p. 44 ; Bruneel, «De viris illustribus... », dans Quatre siècles de présence jésuite à Bruxelles..., 2012, p. 235 ; Hermans, « De la fondation à la suppression », dans Stenuit (dir.), Les collèges jésuites de Bruxelles..., 2005, p. 75 ; Alfred Poncelet, Nécrologe des Jésuites de la province Flandro-Belge, Wetteren : Jules de Meester, 1931, p. LXI ; Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 24) et où, d’autre part, les chiffres qu’ils donnent ne coïncident pas avec ceux livrés dans les catalogi functionum conservés aux archives de l’État d’Anvers (Antwerpen RA, SJ, FB, 2209).
225 Voir Poncelet, Histoire de la Compagnie de Jésus..., t. 2 (1927), p. 26 ; Eddy Put, « Ratio studiorum », dans Alain Deneef (dir.), Les Jésuites belges. 1542-1992..., 1992, p. 56 ; id., « L’enseignement », dans La Belgique espagnole..., vol. 2 (2006), p. 71-83, à la page 80.
226 Put, « L’enseignement », dans La Belgique espagnole..., vol. 2 (2006), p. 76-81 et en particulier p. 77 où nous puisons nos informations. Pour une carte des collèges des jésuites et des augustins en Belgique, voir page 80. Pour une vision plus globale, lire aussi : Eddy Put, « L’invasion des collèges ? Les écoles latines dans les Pays-Bas méridionaux et leur visibilité archivale (1585-ca 1700) », dans Dix-septième siècle, 240/3 (2008), p. 483-494 ; Dirk Leyder, « L’éclosion scolaire. Le développement du réseau des collèges dans les Pays-Bas espagnols et la principauté de Liège au xviie siècle », dans Paedagogica Historica, 36/3 (2000), p. 1003-1051.
227 Voir en particulier Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 7, 9, 30-31 et 82-83.
228 Le seul exemple que nous connaissions à ce jour d’emblèmes préservés sous forme d’affiches manuscrites sont ceux du séminaire épiscopal de Malines qui datent du xviiie siècle (voir Toon Van Houdt, Marc VAN Vaeck, One in a Thousand. Ephemeral Emblems in the Mechelen Seminarium Archiepiscopale, in Honour of Its President Petrus Dens [1765], Louvain : Peeters, 1996).
229 Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 32 et 39-40.
230 Sur les cahiers, voir Jacques Lemaire, Introduction à la codicologie, Louvain-la-Neuve : UCL. Institut d’études médiévales, 1989, p. 39 sqq.
231 Des parties du texte de plusieurs folios ont ainsi été sectionnées, laissant des lacunes que nous avons complétées dans notre édition. Pour le manuscrit de 1647 (KBR, ms. 20.306), voir notamment : fol. 4r (poème, v. 1 : chord[am]), fol. 5r (v. 4 : mane[t]), fol. 6r (v. 3 : timend[o]), fol. 8r (v. 1 : c[ursum] ; v. 4 : tu[um]) et fol. 9r (v. 2 1f[aces !]). Pour le volume de 1651 (KBR, ms. 20.309), voir fol. 26r (v. 1 : sagitt[as]1 fol. 49r (v. 1 : optafs]), fol. 57r (v. 3 : insta[rj), fol. 61r (v. 1 : arcu[s]), fol. 64r (v. 2 : serva[t]).
232 Au folio 62r, à côté du numéro du folio, nous pouvons voir écrit le nombre 23. C’est qu’il s’agit en fait du vingt-troisième emblème de la seconde série de l’exposition de 1647. De même, aux folios 63r (vingt-quatrième emblème), 68r (vingt-neuvième emblème), 69r (trentième emblème) et 70r (trente et unième emblème).
233 Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 38 (avec une reproduction).
234 KBR, ms. 20.309, fol. 80v-81r, 82v-83r, 84v-85r, 86v-87r, 88v-89r, 90v-91r. Sur le folio 80v, nous voyons que l’épigraphe (vi temperata flectitur) et une partie du titre (suavitate quemvis flectenti) sont écrits sur une bande de papier qui a été collée sur le manuscrit et qui recouvre de la sorte les inscriptions qui y furent rédigées à l’origine. Ainsi corrigé, l’emblème des folios 80v-81r fait sens et fonctionne parfaitement bien, mais le collage révèle que l’un des concepteurs du volume avait mal retranscrit cet emblème.
235 La mauvaise association des composantes emblématiques se répète de façon constante puisque, pour en rétablir la cohérence, il suffit d’associer le poème et l’image d’un emblème erroné au titre et à l’épigraphe du deuxième emblème qui lui fait directement suite.
236 Outre plusieurs similitudes formelles (fol. 83r, poème, v. 3 : quicumque caret... ; fol. 84v, titre : qui caret ; fol. 83r, poème, v. 3 : docta... dextra ; fol. 84v, épigraphe : non bene docta manus), on constate également d’une part que les titre et épigraphe du folio 84v sont en latin, tandis que le poème du folio 85r est bilingue (grec-latin), et d’autre part que l’épigraphe du folio 86v est bilingue (grec-latin), tandis que le poème du folio 87r est seulement en latin. De plus, l’expression fulminis instar et la phrase κεραυνῷ̃ ὄ πλα κραδαίνει de l’épigraphe du folio 86v se retrouvent dans le poème du folio 85r ( [latin], v. 2 : fulminis instar ; [grec], v. 1 : κεραύνια ὄ́πλα κραδαίνων). Tous ces indices tendraient à suggérer que le poème du folio 85r et la pictura du folio 84v qui l’accompagne doivent en fait être associés au titre et à l’épigraphe du folio 86v.
237 Les poème et image des folios 82v-83r, 84v-85r, 86v-87r, 88v-89r vont de pair avec les titre et épigraphe respectivement du folio 84v, 86v, 88v et 90v. L’erreur n’apparaissant plus après les folios 90v-91r, le volume contient un emblème sans titre ni épigraphe (voir le soixante-cinquième emblème dans notre édition). Parallèlement, les mêmes titres et épigraphes sont répétés aux folios 80v et 82v.
238 Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 35 et 130.
239 Il suffit pour s’en rendre compte de les comparer aux autres copies des emblèmes. Nous avons préservé pour l’exposition de 1655 deux copies : outre le volume commémoratif (KBR, ms. 20.314), il existe un manuscrit incomplet (KBR, ms. III 1785 ; voir Porteman, Emblematic Exhibitions 1996, p. 128-129). De plus, les emblèmes de 1659 et de 1663 furent recopiés par un élève du collège, J. de Keghel, qui a accompli sa poésie en 1664 (le manuscrit est conservé à Anvers, Ruusbroecgenootschap, ms. 231 [1107 D 37] ; voir Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 138 et 144- 146). Une confrontation de la retranscription de J. de Keghel avec le volume commémoratif du collège indique que la plupart des erreurs sont imputables à un manque d’application et une grande distraction de l’élève : les fautes syntaxiques de sa version révèlent qu’il n’a pas compris tous les emblèmes, et sa lecture approximative et erronée des mots donnent souvent un texte inintelligible.
240 Voir Ralph Dekoninck, Grégory Ems, « Former l’image, former à l’image. Emblématique et pédagogie jésuite au xviie siècle » (à paraître). Lire aussi Porteman, Emblematic Exhibitions p. 10-15 et 22-23.
241 Voir Judi Loach, « The Teaching of Emblematics and Other Symbolic Imagery By Jesuits Within Town Colleges In Seventeenth- and Eighteenth-Century France », dans The Jesuits and the Emblem Tradition..., 1999, p. 161-186. En dépit de nos recherches dans les bibliothèques et dans les archives belges, nous n’avons trouvé aucun document semblable à ceux mis au jour par Judi Loach.
242 Éva Knapp et Gábor Tüskés ont proposé une autre démarche pour mettre au jour les sources de l’enseignement de l’emblématique dans les collèges jésuites. Ils ont travaillé sur les catalogues des bibliothèques des établissements de la Compagnie qui référencent les livres d’emblèmes, avec la difficulté (pointée par les auteurs de l’article) que les ouvrages emblématiques sont parfois classés dans plusieurs rubriques des catalogues (voir « Sources for the Teaching of Emblematics in the Jesuit Colleges in Hungary », dans The Jesuits and the Emblem Tradition..., 1999, p. 115-145). Signalons en outre que plusieurs collèges possédaient plus d’une bibliothèque, dont l’accès était restreint et soumis à des règles strictes (voir Bart Op de Beeck, « De bibliotheek van het Brusselse jezuïetencollege tijdens het Ancien Régime », dans Quatre siècles de présence jésuite à Bruxelles..., 2012, p. 49-51).
243 Voir notre article : « Poétique de l’emblème. Enjeux de la théorisation d’un genre nouveau par les jésuites aux xvie et xviie siècles » (à paraître).
244 Voir à ce propos, outre notre article mentionné précédemment : Filippi, « Le théâtre des emblèmes... », dans Diogène, 1996, p. 63-78 ; Florence Vuilleumier Laurens, La raison des figures symboliques à la Renaissance et à l’âge classique. Études sur les fondements philosophiques, théologiques et rhétoriques de l’image, Genève : Droz, 2000, p. 247-315. Voir également Spica, Symbolique humaniste et emblématique..., 1996, p. 32-33. Sur la complémentarité du texte et de l’image au sein de l’emblème, voir notamment Ralph Dekoninck, Ad imaginent. Statuts, fonctions et usages de l’image dans la littérature spirituelle jésuite du xviie siècle, Genève : Droz, 2005.
245 Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 139.
246 Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 139. Les signatures abrègent régulièrement les prénoms et les noms des élèves (en particulier les particules qui précèdent le nom de famille). Nous les avons complétées en suivant dans la majorité des cas le répertoire dressé par Porteman à la fin de son catalogue : voir Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 179-188.
247 Voir notamment Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 97.
248 Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 45, 121-123 et 144.
249 C’est notamment le cas dans le volume commémoratif de 1631 et 1659 (voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 84 et 136).
250 Voir Ems, « Poétique de l’emblème... » (avec une bibliographie à jour). Consulter également Barbara Bauer, Jesuitische ‘ars rhetorica’ im Zeitalter der Glaubenskampfe, Francfort-sur-le-Main/Berne/New York : Peter Lang, 1986 ; Dimler, « The Jesuit Emblem », dans Companion to Emblem Studies, 2008, p. 99-127 ; Filippi, « Le théâtre des emblèmes... », dans Diogène, 1996, p. 63-78 ; Vuilleumier Laurens, La raison des figures symboliques..., 2000.
251 De symbolis heroicis libri IX, auctore Silvestro Petrasancta Romano e Societate Jesu, Antverpiae : ex officina Plantiniana Balthasaris Moreti, M.DC.XXX1V, p. 199-200 uti oratio, quae utrumque simile ponit seorsim (pour seorsum) et invicem confiert et tum partes habet geminas, protasim atque apodosim, per quas videlicet fit utriusque similis collatio, ut si dixerim : [Plato in Lachete] quemadmodum fugiendo Scythae hostem superant, ita non aliter voluptas, quant fugiendo, superatur.
252 Voir Vuilleumier Laurens, La raison des figures symboliques..., 2000, p. 249-266 (« L’iconomystica de Jacob Masen »).
253 Verisimilia humaniorum disciplinarum, seu judicium privatum de omni litterarum (quas humaniores appellent) artificio... auctore reverendo pâtre Bohuslao Aloysio Balbino..., Pragae : typiS UNIVErsitatis Carolo-Ferdinandeae..., 1666, caput VU, § 11, p. 198 : [manchette : protasis et apodosis in omni emblemate invenitur] Primo, in omni emblemate est comparatio vel similitudo et necessario requiritur. Res ex qua similitudo petitur etpictura, protasis vocatur, applicatio apodosis, verbi gratia Parthus depictus fugiendo hostem minerons, cum inscriptione : fuga est Victoria nostra. Sic debet exponi : sicut Parthus, quando fugit, hostem vulnerat et vincit (haec est protasis) ; ita ego fugiendo voluptatem triumphabo (haec est apodosis). Ce texte a été traduit en anglais par Dimler («The Jesuit Emblem », dans Companion to Emblem Studies, 2008, p. 118). Sur les reprises de Balbinus à Masen, et la terminologie de ‘protase’ et ‘apodose’, lire les travaux de Dimler : « Jakob Masen’s Imago Figurata... », dans Emblematica, 6 (1992), p. 286-287, n. 7 ; « The ‘Emblematum liber’ of Andreas Alciato... », dans AHSI, 67 (1998), p. 295, n. 7 ; « Jakob Masen’s Critique of the Imago Primi Saeculi », dans The Jesuits and the Emblem Tradition..., 1999, p. 294, n. 10 ; « The Jesuit Emblem », dans Companion to Emblem Studies, 2008, p. 118-120. Concernant Balbinus, sa théorie et ses emprunts à Petrasancta et Masen, lire également Lubomír Konečný, « The Emblem Theory and Practice of Bohuslav Balbín, s.j. », dans John T. Cull, Peter M. Daly (ed.), In nocte consilium. Studies in Emblematics in Honor of Pedro F. Campa, Baden-Baden : Valentin Koerner, 2011, p. 223-238.
254 Voir Virg., G., III, 31 ; Hor, O., I, 19, 10-12 ; Ov., F., V, 591-593 ; Ov., A.A., I, 209-210 ; Ov., A.A., III, 786 ; Prop., III, 9, 54 ; Prop., IV, 3, 66 ; Sen., Thy., 383-384 ; Sen., Oed, 118-119. Gisèle Mathieu-Castellani nous apprend que le Scythe et le Parthe furent, respectivement pour les Grecs et les Romains, un modèle de cruauté (La rhétorique des passions, Paris : PUF, 2000, p. 33).
255 Reverendi patris Joannis Kreihing Societatis Jesu Emblemata ethico-politica carminé explicata, ad serenissimum principem Leopoldum Wilhelmum archiducem Austriae..., Antverpiae : apud Jacobum Meursium, M.DC.LXI, emblème 7, p. 10-11. Cet ouvrage a récemment été édité par G. Richard Dimler (Johann Kreihing, Emblemata ethico-politica [Antwerp 1661], Turnhout : Brepols, 1999 ; avec l’introduction aux pages 7-24).
256 Dans l’espoir d’accroître son patrimoine, Cyrus voulut épouser Tomyris et, suite au refus de celle-ci, lui déclara une guerre dans laquelle il trouva la mort. Pour le récit complet de cette histoire, lire Hérodote, Histoires, I, 205-214.
257 L’Araxe marquait la frontière entre l’empire de Cyrus et celui de Tomyris.
258 Surtout connu pour le triumvirat qu’il forma avec César et Pompée, Marcus Licinius Crassus (115-
53 av. J.-Ch.) fut tué lors d’une bataille opposant les Romains aux Parthes (voir Margaret C. Howatson [dir.], Dictionnaire de l’Antiquité. Mythologie, littérature, civilisation, Paris : Robert Laffont, 1993, p. 261-262, s.v. Crassus [2]).
259 Kreihing, Emblemata ethico-politica..., 1661, emblème 7, p. 10, titre : Sis et fugientem cautus in hostem ; gravure ; épigraphe (hexamètre dactylique) : non raro est fugiens pugnante nocentior hostis ; poème (distique élégiaque) : (1) cautus age et manquant fugientem spreveris hostem : | subdola saepe dedit maxima damna fuga. | (p. 11) Magnanimum Tomyris confixit barbara Cyrum, | cum fugiens Persas obruit insidiis. | (5) Tune qui fraude pari tabo macularat Araxem, | incautus proprio concidit ipse dolo. | Quid memorem, certos ut saepe tetenderit arcus, | conversa Parthus fidere visus equo ? | Romanas aquilas et divitis agmina Crassi | ( 10) et tot per fictam perdita signa fugam ? | Quis nescit Latias quoties Tiberinus ad undas | illacrimans, largis fleverit aeger aquis ? | Non semper parilem servat Bellona tenorem : | nunc hac, mine illa fertur in arma via. | ( 15) Saepe cruentatis laurum vehit ilia quadrigis | et palmam a victo cominus hoste rapit : ǀ saepe relata manu periit Victoria fraude | et fuga laurigeros saepe reduxit equos. | Tu, quem delectat prudentis gloria Martis, | (20) qui laudem bello praemiaque ampla petis, | observes hostem quamvis diffugerit, et rem | esse tibi Partho cum fugiente puta.
260 G. R. Dimler propose d’identifier dans la structure des emblèmes de Kreihing la séquence des différents membres du discours telle que l’enseigne la dispositio rhétorique (voir « Rhetorical Principles in Emblems of Education in Johannes Kreihing’s Emblematica Ethico-Politica », dans AHSI, 65 [1996], p. 129-137 ; « The Jesuit Emblem », dans Companion to Emblem Studies, 2008, p. 116-117 ; voir aussi l’introduction dans Kreihing, Emblemata ethico-politica, 1999, p. 17-21).
261 Signalons que, dans un grand nombre d’emblèmes, les collégiens ont fait un effort de structure et ont choisi de rendre par l’architecture même de leur poème (deux strophes, deux distiques élégiaques, ou plus généralement deux groupes de vers de longueurs plus ou moins équivalentes) la distinction des deux membres de l’analogie. Dans le cas, très fréquent, d’un poème de deux distiques élégiaques, chaque distique reçoit donc « sa part de sens », pour ainsi dire.
262 Pour plus de renseignements sur la diversité métrique et stylistique des emblèmes, voir Dirk Sacré, « Formal Aspects of the Brussels Emblem Verses. Reconnaissance of the Terrain », dans Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 47-53.
263 Pour plus de renseignements, voir Mercedes Blanco, Les Rhétoriques de la Pointe. Baltasar Gracián et le Conceptisme en Europe, Genève : Slatkine, 1992 ; Pierre Laurens, L’abeille dans l’ambre. Célébration de l ’épigramme de l’époque alexandrine à la fin de la Renaissance, Paris : Les Belles Lettres, 1989.
264 Le palladium est une statue de la déesse Athéna, de laquelle dépendait le sort de la ville de Troie (Howatson, Dictionnaire de l’Antiquité..., 1993, p. 714, s.v. Palladion).
265 KBR, ms. 20.302, fol. 78v, titre : misericordia occultata ; (pictura) ; épigraphe : abdita tuta manet (métrique : ābdǐtă tūtă mănet) ; fol. 79r, épigraphe répétée ; poème (distique élégiaque) : (1) felices, qui, quae faciunt bona, prodere nolunt | quique eadern in tenebris et sine teste gerunt. | Abdita tuta manent ; quaeprodita, saepe struendis | exposita insidiis exitioque patent. | (5) Sic male spectandum populo si praebeat aurum, | dives ab insidiis quod vereatur habet. | Tuta latet clausis bene parta pecunia cistis ; | tuta latent clausis massica vina cadis. | Palladium in tenebris latuisset, tuta fuisset | (10) nec foret a Gratis obruta Troia viris. | Atque aliae innumerae starent cum moenibus urbes, | ni quibus abdita erant prodita fat a forent. | Usque adeo nocet innotescere ; tutius omne | quod latet ; asserves eripiasque malis. | ( 15) Novit et hoc olitor, quod vult servare recondit ; | hinc alus, immunis sic cichorea manet. | Sume quod hinc discas : quisquis succurris egenis | et servare datam disce tegendo stipem ; | ne tua, si nimium, pietas videatur inanis, | (20) hanc populiplausus vel levis aura ferat. Sur cet emblème, voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 97 (avec reproduction).
266 KBR, ms. 20.316, fol. 38v, titre : Eucharistia miraculosa ab haereticorum injuria latebris defenditur ; (pictura) ; épigraphe : – abdita tuta manet ; fol. 39r, épigraphe répétée ; poème (distique élégiaque) : tempestas sine more furit, finit agmen aquarum ; | vix bene qnae non sunt abdita, tuta manent. | Dum sine more furit rabies male sana per urbem, | (o bene quod latitans !) hostia tuta manet ; signature : Albertus Vits rhetor.
267 Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 168-170.
268 Signalons que Dirk Sacré a entrepris avant nous l’analyse des qualités métriques et stylistiques des emblèmes bruxellois : voir « Formal Aspects... », dans Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 47-53.
269 Signalons l’emploi de formes rares, qu’elles soient dialectales, archaïques ou homériques : le duel en -ouv, la désinence –φι, le subjonctif en ῇ̃σι, les génitifs δεσποτέω et ναòς, l’indicatif présent ὄιὄοῡ̃σι, l’emploi d’aoristes sans augurent comme ταράξε, ποίησε et φάντ (voir Pierre Chantraine, Morphologie historique du grec, 2e éd., Paris: Klincksieck, 1984 et Grammaire homérique, t. I. Phonétique et morphologie, Paris : Klincksieck, 1958), ou encore la forme καλῶ̃ς avec un alpha long (voir W. J. W. Koster, Traité de métrique grecque suivi d’un précis de métrique latine, Leyde : A.W. Sythoff, 1962, p. 39). L’usage de ces diverses formes homériques peut s’expliquer par une plus grande familiarité des élèves avec les textes épiques, voire par leur volonté de rehausser le style de leurs poèmes. Concernant le déclin du grec ancien dans les collèges jésuites, lire Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 45 (n. 158).
270 Voir Cornelii Schrevelii Lexicon manuale Graeco-Latinum et Latino-Graecum, Lugduni Batavorum : ex officina Hackiana, 1670, Lexicon Latino-Graecum, p. 163, s.v. sufflamino.
271 Cette grammaire est celle de Gretser (voir Poncelet, Histoire de la Compagnie de Jésus..., t. 2 [1927], p. 51). Voir Institutionum de octo partibus orationis, syntaxi et prosodia Graecorum libri très, auctore Jacobo Gretsero Societatis Jesu, Ingolstadii : excudebat David Sartorius, anno M.D.XCIII, liber tertius, caput XXI : de pedibus et versu, p. 591 : [...] cum ilia carmina, quae ab Anacreonte nomen habent suavissima sint et mellitissima, non immerito hic quoque studiosae juventuti proponuntur, ea sunt iambica dimetra catalecta tribus constantia pedibus et syllaba. Primo loco habent iambum, vel tribrachyn, anapestum, vel spondeum, secundo iambum, tertio itidem iambum et syllabam. Par facilité, en voici la transcription schématique
272 Sur la grammaire d’Alvarez, voir Ratio 1599, Regulae praefecti studiorum inferiorum, 8 et lire Poncelet, Histoire de la Compagnie de Jésus..., t. 2 ( 1927), p. 48-50. Nous utilisons comme édition de référence celle d’Ingolstadt datant de 1603 : Emmanuelis Alvari e Societate Jesu De institutione grammatica libri III, locupletati et appendicibus ac scholiis nttper aucti ac recogniti, Ingolstadii : ex officina typographica Ederiana, M.DC.III, avec liber III, p. 33v :phaleucium Carmen quinquepedibus constat, spondeo, dactylo, deinde tribus choreis (soit le schéma suivant : Cf. Nougaret, Traité de métrique latine classique, 1986, § 285-286, p. 102-103 :
273 Alvari De institutione grammatica, 1603, liber III, p. 33v : versus sapphicus quinque pedes hoc ordine admittit : choreum, spondeum, dactylum, deinde duos choreos. Sur le saphique, voir Nougaret, Traité de métrique latine classique, 1986, § 287-288, p. 103-104.
274 Nougaret, Traité de métrique latine classique, 1986, § 287, p. 103.
275 Nougaret, Traité de métrique latine classique, 1986, § 287, p. 103.
276 Voir Nougaret, Traité de métrique latine classique, 1986, § 288, p. 103.
277 Ov., H., IX, 42 : speque timor dubia spesque timore cadit.
278 KBR, ms. 20.307, fol. 109r, v. 3 : lĩnguă dǐcāx, ǐnǐmicǐtǐ(ae) īrārūmquĕ flăbēllǔm.
279 Voir l’apparat critique des vers Ov., A.A., I, 161.
280 Cette substitution s’est sans doute faite d’après le français, où le mot stratagème est - comme l’explique Alain Rey - le résultat de « l’altération [...] de la forme étymologique strategeme (1440) », « le second a de la forme moderne prov[enant] d’une assimilation de la seconde voyelle au a de la syllabe initiale » (Dictionnaire historique de la langue française, Paris : Le Robert, 2010, p. 2194, s.v. Stratagème).
281 KBR, ms. 20.309, fol. 87r, v. 2 : quamvis crux est ; à la place de quamvis crux sit.
282 Voir notamment, dans la série sur la patientia de 1646 (KBR, ms. 20.305), au folio 18v (poème, v. 1 : quamvis iratis excussa est alea dextris), au folio 52v (poème, v. 1 : quamvis difficile est sensum non prodere vultu) et au folio 104v (poème, v. 1 : non globus hic cecidit, quamvis cecidisse videtur).
283 Respectivement KBR, ms. 20.309, fol. 19r, v. 3 : Austriaco, seu bella paret, seu dicere causas et fol. 101r, v. 4 : sivepares per vim proelia, sive dolos.
284 Un jeu similaire d’assonances est fourni par les deux strophes de Jean Heccius (KBR, ms. 20.309, fol. 39r), où la répétition du son t (respectivement 15 et 14 occurrences dans les deux strophes) évoque la piqûre du trait. Ailleurs, les sonorités f et v imitent le souffle des soufflets (KBR, ms. 20.307, fol. 109r, v. 1-2 : vidi ego sopitos augeri follibus ignes | et vidi vento deficiente mori), tandis que le grésillement aigu et strident de l’épée incandescente que l’on plonge dans l’eau froide est rendu par la sonorité i (fol. 111r, v. 1-2 : eu ni fierrum gelidis candens immittitur nndis, | stridet et adversis obstrepit ignis aquis).
285 Ce qui confirme les constats déjà opérés par Marie-Madeleine Compère et Dolorès Pralon-Julia. En confrontant les copies réalisées par les élèves du collège jésuite de Paris dans le cadre d’exercices de composition, elles ont pu évaluer la portée des corrections des professeurs, qui variaient en fonction du niveau des élèves et qui révèlent que les maîtres faisaient preuve d’une certaine tolérance, en ne sanctionnant pas chaque faute (Performances scolaires de collégiens sous l’Ancien Régime. Études d’exercices latins rédigés au collège Louis-le-grand vers 1720, Paris : INRP, 1992). Qui s’intéresse aux cours d’élèves pourra s’orienter dans les fonds des bibliothèques françaises grâce au précieux répertoire de Pierre Albertini, qui recense de nombreux cours de collège jésuite (L’enseignement classique à travers les exercices manuscrits des élèves. 1640-1940, Paris : INRP, 1986).
286 Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 32 (voir aussi p. 39-40).
287 Cet aspect est étudié plus en profondeur dans Anne-Emmanuelle Ceulemans, Grégory Ems, Emblèmes musicaux dans les collèges jésuites. Bruxelles et Courtrai au xviie siècle (à paraître en 2016 aux Presses universitaires de Rennes, collection « Art & Société »), notamment aux pages [25- 26] et, dans la conclusion, aux pages [179-185] ( les numéros de pages sont provisoires).
288 L’ensemble des chiffres provient des catalogi functionum, conservés aux archives de l’État d’Anvers (Antwerpen RA, SJ, FB, 2209), sauf pour les années 1638 et 1684, dont le détail est fourni respectivement par l’Historia provinciae Flandro-Belgicae de 1638 (C.F. Waldack, Historia provinciae Flandro-Belgicae Societatis Jesu, quam e veteribus docnmentis colligit. Annus unus, speciminis causa 1638us, Gandavi : e prelo C. Poelman / Bruxellis : apud H. Goemaere, 1867, appendix VII, p. X) et par l’annuae et supplementum collegii Bnixellensis 1684 (Antwerpen RA, SJ, FB, 14 ; au folio 2r : in gymnasio nostro litterario numerat rhetorica auditores 50, poesis 68, prima grammaticae 140, media 90, inflma 150, rudimentaria 130, numéro, praeterquam solet, ob iniquitatem temponim contractiore).
289 Le document 1657bis est à l’origine daté de 1656, mais a été corrigé
290 Dans le volume commémoratif de 1665 (KBR, ms. 20.331 A), les sujets furent la tristesse et la joie (tristitia — laetitia). Contrairement aux autres années, où les emblèmes traitant d’un même sujet sont regroupés en série, le recueil de 1665 fait alterner les compositions sur l’une et l’autre thématique ; et pour cause : ils fonctionnent par paires complémentaires. Toutefois, les élèves ont signé leurs emblèmes sans préciser leur classe. Porteman a constaté que dix-huit élèves ayant signé un emblème sur la tristesse en 1665, sont mentionnés comme des élèves de poésie dans l’exposition de 1664, et il suggère dès lors que la série sur la tristitia est celle des rhétoriciens de 1665 (Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 148). Il nous semble toutefois dangereux de proposer une analyse chiffrée sur cette base hypothétique.
291 Voir Porteman, Emblematic Exhibitions1996, p. 150.
292 Le chiffre « 112 » est une correction ; une rature couvre en effet le chiffre « 108 ».
293 Le total n’est pas de 642 élèves, comme indiqué dans les archives, mais de 643.
294 Claude Bruneel a été confronté à des problèmes similaires : voir « De viris illustribus... », dans Quatre siècles de présence jésuite à Bruxelles..., 2012, p. 236-237.
295 Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 35 et p. 123.
296 Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 35.
297 Le tableau 2 le fait clairement apparaître, où les chiffres des colonnes 2 et 3 sont identiques.
298 Sur les 31 élèves, 2 seulement ont produit plus d’un emblème. Il convient toutefois de nuancer ce chiffre : il s’agit de la classe de rhétorique et nous n’avons pas conservé l’exposition de l’année 1668, qui est celle où nos élèves se trouvaient en classe de poésie. Les deux élèves dont nous avons préservé un autre emblème sont en fait des redoublants qui ont produit à nouveau un emblème pour l’exposition de 1670.
299 Dans ce cas-ci, l’élève en question (Charles Antoine Romanus) a produit les deux emblèmes au sein de la même exposition (en 1648) alors que pour les autres années les deux emblèmes furent conçus au cours de deux années différentes.
300 Voir Pachtler, Ratio Studiorum..., t. 4 (1968), p. 185, adjumenta quaedam pro studiis humanitatis in gymnasiis Societatis promovendis et illustrandis, § 28 : vana et inutilis cum sit aemulatio illa magistrorum, qua alter alterum superare contendit versuum sive multitudine sive varietate, materiae copia vel novitate, omnino tollatur, nec permittatur, ut unus aliquis vel alter omnium discipulorum unius classis carmina describat, sed sua describant singuli, et cujus adeo imperita est manus, utproponi honeste nequeat, is nihil affigat). Sur cet extrait, voir Claudia Wiener, « Jesuitische Bildungsreform... », dans Julius Oswald e.a. (ed.), Serenissimi Gymnasium..., 2010, p. 9-41, à la page 30 (avec une traduction en allemand).
301 Sur ce point, voir la brève présentation de Porteman : Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 29.
302 Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 92-93.
303 KBR, ms. 20.330 A, fol. 69v-70r. Fol. 69v, titre : haeresis armis et doctrinae face superata ; fol. 70r, signature : perillustris adolescens Philippns Eugenius de Montmorency comes d’Estaires. Sur cet emblème, voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 92.
304 KBR, ms. 20.330 A, fol. 70r : Herculis ense jacet, fiammis jacet hydra nepotis : | his quoque Lutheri fertilis Hydra jacet. | Admovit Loyola facem, domus Austria ferrum | nec jam vulneribus pullulât ipsa suis.
305 Voir Claude-Gilbert Dubois, L’imaginaire de la Renaissance, Paris : PUF, 1985, p. 186.
306 Friedrich Pollerob, « From the exemplum virtutis to the Apotheosis. Hercules as an Identification Figure in Portraiture... », dans Allan Ellenius (ed.), Iconography, Propaganda, and Legitimation, Oxford : Clarendon Press, 1998, p. 37-62, à la page 38 (nous traduisons de l’anglais). D’après Friedrich Polleroβ, « Hercule devint [...] le modèle le plus important pour les princes entre 1400 et 1700 » (p. 40, nous traduisons de l’anglais). Les Habsbourg furent ainsi associés au héros pour devenir des Hercules Austriaci (Maria Goloubeva, The Glorification of Emperor Leopold I in Image, Spectacle and Text, Mayence : Philipp von Zabem, 2000, p. 138).
307 Sur l’exposition de 1639, voir PORTEMAN, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 88-89. Concernant l’emblème ici analysé, voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 88 et Annick Delfosse, La « Protectrice du Païs-Bas ». Stratégies politiques et figures de la Vierge dans les Pays-Bas espagnols, Turnhout : Brepols, 2009, p. 222.
308 KBR, ms. 20.301, fol. 2r, titre : Immaculatae Conceptioni B. [=Beatissimae] Mariae V.S. [=Virginis semper] ; (pictura) ; épigraphe : nemo Dominam meam tangat ; fol. 3r, poème (métrique : scazon) : (1) nemo, jubeo, nemo Dominam meam tangat, | nemo profanus, nemo tangat impune : | monet Plnlippus, Virginis monet gnatus, | Léo Brabantus et Leo Tribus Judae. | (5) Nemo Philippi Belgium, Dei Matrem, | nemoprofanus, nemo tanget impune ; signature : Philippus Rycquaert rhetor. Cet emblème est partiellement traduit en anglais par Porteman, qui relève que le prénom Philippe dans le poème peut tout aussi bien renvoyer au roi d’Espagne qu’à l’élève lui-même. Dans ce second cas, les vers auraient une portée « patriotique » et « l’emblème peut être lu comme le témoignage de l’engagement personnel » de l’élève (Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 88 ; nous traduisons de l’anglais).
309 Voir les références bibliographiques à la note 307.
310 Voir Anna Coreth, Pietas Austriaca, West Lafayette : Purdue University Press, 2004, p. 45-80 ; Delfosse, La « Protectrice du Païs-Bas »..., 2009.
311 Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 88 (nous traduisons de l’anglais). Les cinq premiers emblèmes du volume de 1639 sont consacrés à l’Immaculée Conception : KBR, ms. 20.301, fol. 2r-11r.
312 Voir Coreth, Pietas Austriaca..., 2004, p. 46-47. Pour plus de renseignements, voir Delfosse, La « Protectrice du Païs-Bas »..., 2009, p. 149-195.
313 KBR, ms. 20.307, fol. 118V-119r. Porteman a proposé une brève analyse et une traduction partielle de cet emblème : Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 108.
314 Il s’agit respectivement des emblèmes KBR, ms. 20.317, fol. 51v-52r ; KBR, ms. 20.332, fol. 61v- 62r ; KBR, ms. 20.331 A, fol. 83r-84r.
315 Voir KBR, ms. 20.332 (1662), fol. 61v, titre : humili discordia dolori est et KBR, ms. 20.331 A (1665), fol. 83r, titre : tristitia civium discordia.
316 Dans les trois cas, il est question de la douleur engendrée par la discorde (1648, titre : doloris ; 1662, titre : dolori ; 1665, v. 3 : dolori). Par ailleurs, l’emblème de 1662 reprend par deux fois à l’initiale du vers l’expression nisibus adversis (1648, v. 1 ; 1662, v. 1 et 2), sans compter l’emploi du verbe torquere (1648, v. 1 : torques ; 1662, v. 1 : torquent). L’expression humentia lintea employée en 1665 (v. 1) rappelle l’expression lina madentia de 1648 (v. 1). Enfin, si l’action de tordre représente la discorde, les gouttes d’eau symbolisent les larmes que provoque cette discorde (1648, épigraphe et v. 4 : lacrimae ; 1662, v. 2 : lacrimas ; v. 3 : fletum ; v. 4 : flere ; 1665, épigraphe : flebile ; v. 4 : lacrimas).
317 Cette citation était devenue proverbiale comme en atteste Érasme qui en a fait un de ses adages (Adage I, 3, 68 ; voir Érasme de Rotterdam, Les adages, sous la direction de Jean-Christophe Saladin, volume I, Paris : Les Belles Lettres, 2011, adage 268, p. 257).
318 Sur les expositions de 1648 et de 1659, voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, respectivement aux pages 108-109 et 136-138.
319 Rappelons que « la guerre opposant les Provinces-Unies et les Pays-Bas catholiques [est apparue] pendant de très longues années pour les contemporains, surtout dans les Pays-Bas catholiques, comme une guerre civile » (Stengers, Histoire du sentiment national..., t. 1, 2000, p. 103).
320 Delfosse, La « Protectrice du Païs-Bas »..., 2009, p. 37. Voir aussi Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 108.
321 Voir Pirenne, Histoire de Belgique..., t. 3 (1973), p. 136.
322 Voir à ce propos Stengers, Histoire du sentiment national..., t. 1 (2000), notamment p. 69-70.
323 Voir l’exposé synthétique d’Aline Smeesters : Aux rives de la lumière..., thèse de doctorat dactylographiée, Louvain-la-Neuve, 2007, p. 11-16.
324 Voir Robert Muchembled, « Le loyalisme des Pays-Bas espagnols », dans Paul Janssens (dir.), La Belgique espagnole et la principauté de Liège (1585-1715), vol. 1, Bruxelles : La Renaissance du livre, 2006, p. 185-193, aux pages 189 et 191.
325 Notre présentation s’appuie essentiellement sur la synthèse opérée par Annick Delfosse (La « Protectrice du Païs-Bas »..., 2009, p. 17-18). Voir aussi Andriessen, De Jezuïeten en het samenhorigheidsbesef..., 1957, notamment p. 60-61 ; Edgard Baudart, Le sentiment national dans les dix-sept provinces pendant leur unité politique..., mémoire inédit en histoire moderne, Louvain-la-Neuve : UCL, 1942 ; Paul Bonenfant, « Du Belgium de César à la Belgique de 1830. Essai sur une évolution sémantique », dans Annales de la Société Royale d Archéologie de Bruxelles,
50 (1961), p. 31-58 ; Jozef IJsewijn, « The Corning of Humanism to the Low Countries », dans Heiko A. Oberman, Thomas A. jr. Brady (ed.), Itinerarium Italicum. The Profile of the Italian Renaissance in the Mirror of its European Transformations, Leyde : Brill, 1975, p. 193-301 ; Robert Stein, Judith Pollmann (ed.), Networks, Regions and Nations. Shaping Identifies in the Low Countries, 1300-1650, Leyde : Brill, 2010 ; Stengers, Histoire du sentiment national..., t. 1 (2000) ; « Sur la notion de Pays-Bas au xve siècle », dans Le cinquième centenaire de l’imprimerie dans les anciens Pays-Bas. Catalogue, Bruxelles : Bibliothèque royale Albert Ier, 1973, p. XVII-XXIII ; L. Van der Essen, G.J. Hoogewerff, Le sentiment national dans les Pays-Bas, 2e éd., Bruxelles : Éditions universitaires, 1944 ; Lode Wils, Histoire des nations belges, traduction et avant-propos de Chantal Kesteloot, OTtignies : Quorum, 1996 (en particulier chapitres III-V sur le sentiment communautaire). Pour une approche plus synthétique, lire Muchembled, « Le loyalisme des Pays-Bas espagnols », dans La Belgique espagnole..., vol. 1 (2006), p. 185-193.
326 Voir Van der Essen, Hoogewerff, Le sentiment national dans les Pays-Bas, 1944.
327 La formulation de « conscience communautaire » traduit le terme néerlandais samenhorigheidsbesef employé par Jozef Andriessen (De Jezuïeten en het samenhorigheidsbesef..., 1957). Andriessen signale que les termes de nationalisme et de patriotisme sont pour le premier anachronique et pour le second inadapté, puisqu’il privilégie la patrie sur le roi (Andriessen, De Jezuïeten en het samenhorigheidsbesef..., 1957, notamment p. 41 [avec n. 52]).
328 Voir Baudart, Le sentiment national..., 1942, p. 53 ; Muchembled, « Le loyalisme des Pays-Bas espagnols », dans La Belgique espagnole..., vol. 1 (2006), p. 189 et 191.
329 KBR, ms. 20.309, fol. 19v, titre (serenissimo Leopoldo.fide in Deum forti) et épigraphe (vis omnis a fide est) ; fol. 20r, v. 7-8 : nervus hic belli facit, ut secundo | numine pugnet.
330 Hor., O., I, 22, 1-4 (strophe saphique) : integer vitae scelerisque purus | non eget Mauris jaculis nequearcu | nec venenatis gravida sagittis, | Fusce, pharetra | [...]. Texte latin et traduction française repris d’Horace, Odes, texte établi et traduit par François Villeneuve. Introduction et notes d’Odile Ricoux, Paris : Les Belles Lettres, 2002.
331 KBR, ms. 20.309, fol. 39v-40r. Sur cet emblème, voir Porteman, Emblematic Exhibitions 1996, p. 118.
332 Cette question a fait l’objet d’un important travail de la part de J. Andriessen : De Jezuïeten en het samenhorigheidsbesef..., 1957. Pour une présentation plus synthétique (et moins complète), voir Pirenne, Histoire de Belgique..., t. 3 (1973), p. 150-159.
333 Voir Pirenne, Histoire de Belgique..., t. 3 (1973), p. 155-156 et 159.
334 Voir PtRENNE, Histoire de Belgique..., t. 3 (1973), p. 154-157. Lire aussi Poncelet, Histoire de la Compagnie de Jésus..., t. 2 ( 1927), p. 95-97.
335 Voir Poncelet, Histoire de la Compagnie de Jésus..., t. 2 (1927), p. 95. Lire aussi Pirenne, Histoire de Belgique..., t. 3 ( 1973), p. 157 ; Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 27.
336 Voir les exemples cités par Poncelet (Histoire de la Compagnie de Jésus..., t. 2, 1927, p. 96-97).
337 Antwerpen RA, SJ, FB, 3, litterae annuae collegii Bruxellensis Societatis Jesu anni 1625, fol. 590 : floruerunt illae (= scholae) numero pietateque ; spectata haec, dum ad preces in patriae subsidium in aede principe indictas discipuli insigni supplicatione processerunt. Numerus erat supra quingentos, qui in sex classes distributi, suis quisque signis centuriati, e cera virgine singuli facem praeferebant. Sur cet extrait, voir Poncelet, Histoire de la Compagnie de Jésus..., t. 2 (1927), p. 96, note 2.
338 Poncelet, Histoire de la Compagnie de Jésus..., t. 2 ( 1927), p. 97. Nous lisons dans les lettres annuelles des Archives de l’État à Anvers (Antwerpen RA, SJ, FB, 5 : collegium Bruxellense et missio castrensis, fol. 21) : certamen inter eos erat roboris ac laboris acerrimum. Aestu medio, solido subinde die, rudes adhuc operis et imbelles manus fatigabant ; dabant animos exemplo suo e prima nobilitate principes pueri qui duces erant agminis. Arbitrio omnia nostro ac directione agebant docili plane et prompta oboedientia. Egregium specimen ejus animi ac virtutis quant e nostrorum doctrina acpraeceptis haurirent (« il y avait entre eux [= les élèves] une émulation très vive pour ce qui est de la résistance et du travail. En pleine chaleur, toute une journée durant, ils exercèrent leurs mains fragiles que le travail n’avait pas encore fortifiées. Les enfants issus de la plus haute noblesse, qui étaient les chefs des troupes, donnaient du courage par leur exemple. Suivant nos indications et nos ordres, les élèves accomplissaient toutes les tâches avec obéissance et discipline. Ce fut un remarquable exemple du caractère et de la vertu qu’ils puisaient dans notre enseignement et dans nos leçons »). Sur cet extrait, voir Brouwers, De Jezuïeten te Brussel..., 1979, p. 79 ; Poncelet, Histoire de la Compagnie de Jésus..., t. 2 (1927), p. 97 (avec n. 1).
339 Nous empruntons la formule à Annick Delfosse (« Quand la politique est conviée sur les planches. Spectacles, patriotisme et morale politique dans les collèges jésuites belges au xviie siècle », dans Philippe Desmette [dir.], Cahiers du Centre de Recherches en Histoire du Droit et des Institutions. Église, pouvoir civil et enseignement [xvie-xviiie siècle], Bruxelles : Facultés Universitaires Saint-Louis, 2008, p. 33-55, à la page 49 [voir plus largement p. 49-55]). Voir entre autres Robert Bireley, « Les jésuites et la conduite de l’État baroque », dans Luce Giard, Louis de Vaucelles (dir.), Les jésuites à l’âge baroque (1540-1640), Grenoble: Jérôme Millon, 1996, p. 229-242 ; Marie-Elizabeth Ducreux, « Le Politique et l’Homme chrétien. Les jésuites et la pédagogie des vertus au xviie siècle dans la Monarchie des Habsbourg : Nicolas Caussin, Henri et Guillaume Lamormaini », dans L’Atelier du Centre de recherches historiques ; Sylvio Hermann de Franceschi, « Le modèle jésuite du prince chrétien. À propos du De officio principis de Bellarmin », dans Dix-septième siècle, 237/4 (2007), p. 713-718 ; Harro Höpfl, Jesuit Political Thought. The Society of Jesus and the State,
c. 1540-1630, Cambridge : Cambridge University Press, 2004.
340 Notre paragraphe synthétise les propos d’A. Delfosse (« Quand la politique est conviée sur les planches... », p. 50, 53 et 55) ainsi que ceux de Sylvio Hermann De Franceschi (« Le modèle jésuite du prince chrétien... », dans Dix-septième siècle, 2007, p. 718-720). Voir aussi Raymond Darricau, « La spiritualité du prince », dans Dix-septième siècle, 62-63 (1964), p. 78-111.
341 Sur les jésuites confesseurs, outre les études citées plus bas, voir également Höpfl, Jesint Political Thought..., 2004, p. 15-18, 21 et 58. Sur la charge de confesseur dans les Pays-Bas espagnols, voir Pierre-François Pirlet, « Confesseur du prince : un profil singulier ? L’exemple de la cour espagnole de Bruxelles au xviie siècle », communication au colloque internationnal « Les clergés de cour en Europe (fin xve siècle- xviiie siècle). Service religieux et service politique dans les systèmes curiaux » ; id., « Le nonce et le confesseur princier : jeux d’influence au sein des Pays-Bas espagnols durant la première moitié du xviie siècle », dans Revista de la Inquisition, 16 (2012), p. 209-226.
342 Voir João Francisco Marques, « Confesseurs des princes, les jésuites à la Cour de Portugal », dans Les jésuites à l’âge baroque (1540-1640), 1996, p. 213-228, aux pages 215 (d’où vient aussi la citation) et 217.
343 Voir Robert Bireley, Religion and Politics in the Age of the Counterreformation. Emperor Ferdinand II, William Lamormaini, S.J., and the Formation of Imperial Policy, Chapel Hill : (University of North Carolina press, 1981 et The Jesuits and the Thirty Years War. Kings, Courts, and Confessors, Cambridge : Cambridge University Press, 2003.
344 Harro Höpfl, « The political Thought of the Jesuits in the Low Countries until 1630 », dans Rob Faesen, Leo Kenis (ed.), The Jesuits of the Low Countries. Identity and impact (1540-1773)..., Louvain/Paris/Walpole (MA) : Peeters, 2012, p. 43-63, aux pages 46-47.
345 Voir Marques, « Confesseurs des princes... », p. 215 et 227-228.
346 Voir les travaux de R. Bireley déjà mentionnés.
347 Voir Johann Kreihing, Emblemata ethico-politica (Antwerp 1661), with an introduction by G. Richard Dimler, Turnhout : Brepols, 1999, p. 15 ; Sommervogel e.a., Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, t. 7 (1896), col. 733-734.
348 Comme l’a montré Harro Höpfl, « les gouverneurs des Pays-Bas espagnols » durant le XVIe et le début du xviie siècle « n’avaient pas de confesseurs jésuites », « mis à part Farnèse » (« The political Thought of the Jesuits... », dans The Jesuits of the Low Countries..., 2012, p. 47 ; nous traduisons de l’anglais).
349 Mertens, « De vrome prins », dans Krijg en kunst..., 2003, p. 62.
350 Voir notamment Robert Bireley, The Counter-Reformation Prince. Anti-Machiavellianism or Catholic Statecraft in Early Modem Europe, Chapel Hill : The University of North Carolina Press, 1990, avec une attention particulière sur les travaux de P. de Ribadeneira (p. 111-135), Adam Contzen (p. 136-161) et Charles Scribani (p. 162-187).
351 Sur la littérature adressée au prince, voir entre autres Joël Blanchard, Jean-Claude Mühlethaler, Écriture et pouvoir à l’aube des temps modernes, Paris : PUF, 2002 ; Isabelle Cogitore, Francis Goyet (éd.), Devenir Roi. Essais sur la littérature adressée au Prince, Grenoble : Ellug, 2001 ; Isabelle Cogitore, Francis Goyet (dir.), L ’éloge du prince. De l’Antiquité au temps des Lumières, Grenoble : Ellug, 2003 ; Frédérique Lachaud, Lydwine Scordia (éd.), Le prince au miroir de la littérature politique de l’ Antiquité aux Lumières, Mont-Saint-Aignan : Publications des Universités de Rouen et du Havre, 2007 ; Laurent Pernot, La rhétorique de l’éloge dans le monde gréco-romain, 2 t., Paris : Institut d’Études Augustiniennes, 1993 ; Helen Watanabe-O’kelly, « Literature and the Court, 1450-1720 », dans Max Reinhart (ed.), Early Modem German Literature 1350-1700, Rochester : Camden House, 2007, p. 631-651. Dans le milieu habsbourgeois, consulter tout particulièrement le travail de Maria Goloubeva toute entier consacré à la représentation de l’empereur Léopold I, le neveu de Léopold-Guillaume : The Glorification of Emperor Leopold I in Image, Spectacle and Text, Mayence : Philipp von Zabern, 2000.
352 Nous reprenons (en la synthétisant) la définition d’Einar Már Jónsson (« Les ‘miroirs aux princes’ sont-ils un genre littéraire ? », dans Médiévales, 2006, 51 [automne 2006], p. 153-166, en particulier § 21). Sur cette forme littéraire, lire du même auteur : Le miroir. Naissance d’un genre littéraire, Paris : Les Belles Lettres, 2004. Ajoutons aussi : Blanchard, Mühlethaler, Écriture et pouvoir à l’aube des temps modernes, 2002, p. 7-32 («Chapitre I. Les miroirs des princes ») ; Laurent Pernot, « Miroir d’un prince par lui-même. Les Pensées de Marc Aurèle », dans L’éloge du prince. De l’Antiquité au temps des Lumières, 2003, p. 91-104 ; Watanabe-O’Kelly, « Literature and the Court, 1450-1720 », dans Early Modern German Literature..., 2007 ; Vincent Zarini, « Le prince au miroir des panégyriques versifiés dans la latinité tardive », dans Frédérique Lachaud, Lydwine Scordia (éd.), Le prince an miroir de la littérature politique..., 2007, p. 45-67.
353 HÖPFL, « The political Thought of the Jesuits... », dans The Jesuits of the Low Countries..., 2012, p. 47 ; voir en particulier p. 47-50.
354 Gottfried Mraz, Herbert Haupt, « Das Inventar der Kunstkammer und der Bibliothek des Erzherzogs Leopold Wilhelm aus dem Jahre 1647 », dans Jahrbnch der kunsthistorischen Sammlungen in Wien, 77 (1981), p. I-LIX (voir en particulier p. XLII-XLV).
355 Voir Mraz, Haupt, p. XXXIX, n° 498 (II prencipe ecclesiastico), p. XLII, n° 682 (J. Lipse), p. XLIV, n° 793 (G. F. d’Efferen), p. XLIV, n° 795 (M. Scholasticus).
356 Voir Mraz, Haupt, p. XXXIX, n° 519 (G. Lamormain), p. XL, n° 570 (R. Bellarmin), p. XLIV, n° 784 (Ilpolitico infelice), p. XLIV, n° 798 (A. Contzen), p. XLIV, n° 804 (C. Scribani).
357 Signalons par exemple les Annotationes et meditationes du jésuite J. Nadal (Mraz, Haupt, p. XXXIX, n° 485), le Veridicus Christianus du jésuite J. David (p. XXXIX, n° 497) ou encore l’Introduction à la vie dévote de saint François de Sales (p. XL, n° 558).
358 Pour une typologie plus complète et élaborée, voir Jónsson, « Les ‘miroirs aux princes’ sont-ils un genre littéraire ? », dans Médiévales, 2006, § 23-27.
359 Concernant ces diverses attributions, voir les différents travaux de Jean Bérenger («L’historiographie à la cour de Vienne... », dans Chantal GRELL [dir.], Les historiographes en Europe..., Paris : Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2006, p. 109-126, aux pages 117-118 ; Finances et absolutisme autrichien..., Paris : Sorbonne, 1975, p. 42-43; « Pietas austriaca. Contribution à l’étude de la sensibilité religieuse des Habsbourg », dans Jean-Pierre Bardet, Madeleine Foisil [éd.], La vie, la mort, la foi, le temps..., Paris : PUF, 1993, p. 403-421, aux pages 404-405) ainsi que Coreth, Pietas Austriaca..., 2004, p. 1-2 ; Delfosse, La « Protectrice du Païs-Bas »..., 2009, p. 112 ; Höpfl, Jesuit Political Thought..., 2004, p. 60. Sur le Princeps in compendio, outre les études mentionnées ci-dessus, consulter Goloubeva, The Glorification of Emperor Leopold I..., 2000, p. 37-38 et 192-193. Nous avons consulté le Princes in compendio dans son édition moderne : Franz Bosbach, « Princeps in compendio », dans Konrad Repgen (ed.), Das Herrscherbild im 17 Jahrhundert, Munster : Aschendorf, 1991, p. 79-114.
360 BÉRENGER, « L’historiographie à la cour de Vienne... », dans Les historiographes en Europe..., 2006, p. 117.
361 Princeps in compendio, punctum I (quomodo cum Deo se princeps gerere debeat) : [...] ante omnia necesse est, ut eumdem Deum, a quo munus istud accepit, ante oculos sibi ponat et nihil contra mandata ejus agat nec unquam ab ejusdem voluntate recedat (éd. Bosbach, p. 89). Voir BÉRENGER, « Pietas austriaca... », dans La vie, la mort..., 1993, p. 405.
362 Nous paraphrasons le Princeps in compendio, punctum 1 : [...] principi in regiminis ingressu a Deo incipiendum est gratias eidem agendo pro dignitate sibi collata et opem implorando, ut defectum suum ex humana forte fragilitate ortum divina manus sublevet, vires, robur et sapientiam concedat ad popidos sibi concreditos ita regendos, ut honor Dei proprium principis officium et subditorum salus requirit (éd. Bosbach, p. 89). Lire aussi : Deo... ductore, magistro etauxiliatore facile regimen futurum erit (éd. Bosbach, p. 90).
363 Voir Princeps in compendio, punctum II (De cultu divino promovendo) : bonus princeps animum suum semper et primario ad Dei cultum et honorem ante omnia promovendum intendet. Ac primo quidem sedulo curabit, ut religionem Catholicam, ubi ea fuerit, sartam tectam conservet et magis magisquepromoveat ac nullas haereses illabipatiatur (éd. Bosbach, p. 90). Plus loin : elaborabit, ut cultus divinus ac pietas in Ecclesia semper et ubique promoveatur (éd. Bosbach, p. 90).
364 Voir Princeps in compendio, punctum XXI : videat quoque, ut justitiae causa pro ipso militet, semper enim Deus illiparti adesse videtur, ubi justa causa versatur (éd. Bosbach, p. 112). Cette idée se retrouve à nouveau dans les traités politiques jésuites : voir Franceschi, « Le modèle jésuite du prince chrétien... », dans Dix-septième siècle, 2007, p. 714.
365 Voir Princeps in compendio, punctum IV (de justifia et clementia principis) ; punctum V (de oeconomia et liberalitate principis) ; punctum VI (de affabilitate, gravitate et auctoritate principis). Lire également punctum XIX (de principis constantia et animi fortitudine) : Insuper secundum omnium auctorum opinionem maxima virtus principis est constantia et nulla alia re magis excelsi fortisque animi magnitudo se prodit, quant non efferri rebus prosperis neque abjici adversis (éd. Bosbach, p. 110) : « la plus grande vertu du prince est la constance et il n’est rien qui davantage révèle la grandeur d’un esprit altier et fort, que de ne pas s’élever dans la prospérité ni se laisser abattre dans l’adversité ».
366 Voir Princeps in compendio, punctum VI : per hanc (=auctoritatem) et ab exteris cum respectu honorabitur et a subditis cum amore timebitur, hac sublata nec respectum nec timorem nec observantiam neque oboedientiam ab ullo habere poterit... (éd. Bosbach, p. 97). Voir à ce sujet Bireley, « Les jésuites et la conduite de l’État baroque », dans Les jésuites à l’âge baroque..., 1996, p. 235.
367 Voir Princeps in compendio, punctum III (de consiliariis et quae circa consilium occurrunt) : requisita ergo boni consiliarii haec sint : 1. Ut sit vir timens Deum et bonae conscientiae (éd. Bosbach, p. 91) ; punctum XX (de educatione liberorum principis) : imprimis ergo liberos suos in pietate erga Deum, timore Domini, bonis moribus aprimis incunabulis educarifacial (éd. Bosbach, p. 110).
368 Nous paraphrasons le Princeps in compendio, punctum XVII (de recreationibus principis) : cum autem magnum onus sit semper negotiis invigilare, tories consilia frequentare, töt audientias dare, tot res legere, tot suscribere, ut non tantum plurimae horae sed et integri dies ac totae septimanae talibus occupationibus absumantur, ideo convenit, ut princeps etiam aliqua habeat, quibus se refocillare ac tantos labores facilius suffere possit [...]. Sint autem recreationes honestae, sint principe dignae, sint taies, quae animum oblectent et corpus parumper exerceant mentemque a seriis illis cogitationibus abstrahant (ed. Bosbach, p. 109).
369 Voir Princeps in compendio, punctum XVII (de recreationibus principis) : et licet multi variis delectati fuerint, mihi tamen videtur principem hisce sequentibus se recreare posse. Primum venatione cum moderamine, ne sit labor sed delectatio. Deinde hastiludiis et aliis equestribus studiis, ut sunt exercere equos, currere ad annulum, jaculari sclopis et id genus alia. Musica quoque animum exhilare et curas pellere potest (éd. Bosbach, p. 109).
370 Idea de un principe politico Christiano representada en cien empresas dedicada al principe de las Españas nuestro senor, por Don Diego Saavedra Fajárdo del Consejó de su Magestad en el Supremo de las Indias, i su Embajador extraordinario en Mantua i Esguizaros i Residente en Alemania, Monaco : en la emprenta de Nicolao Enrico a de Marzo, 1640.
371 Idea principis Christiano-politici centum symbolis expressa a Didaco Saavedra, Bruxellae : excudebat Joannes Mommartius suis et Francisci Vivieni sumptibus, M.DC.XLIX. Une édition française vit le jour dès 1668 : Le prince chrestien et politique, traduit de l’espagnol de Dom Diegue Savedra Faxardo, et dedie a Mr le Dauphin, par I. Rou, avocat au Parlement, t. 1, Paris : par la Compagnie des libraires du Palais, M.DC.LXVIII. Concernant cet ouvrage, voir Bireley, The Counter-Reformation Prince..., 1990, p. 189-216 ; Christian Bouzy, « Emblème et propagande théologico-politique en Espagne au Siècle d’or. Le symbolisme de la couronne », dans Littérature, 145/1 (2007), p. 91-104 et « Le savoir-vivre du prince dans La Idea de un Principe Politico-Christiano (1640) de Diego de Saavedra Fajardo », dans Anne Dubet, Stéphanie Urdician (éd.), Exils, passages et transitions. Chemins d’une recherche sur les marges, Clermont-Ferrand : Presses universitaires Blaise Pascal, 2008, p. 303-314 ; Sagrario López Poza, « L’emblème en Espagne aux xvie et xviie siècles. Actualité et perspectives futures », dans Littérature, 145/1 (2007), p. 119-137 ; Alison Saunders, The Seventeenth-Century French Emblem. A Study in Diversity, Genève : Droz, 2000, p. 137-143 ; Anne-Elisabeth Spica, « The Prince’s Mirror. Politics and Symbolism in Diego de Saavedra Fajardo’s Idea de un Principepolitico cristiano », dans Emblematica, 10 (1996), p. 85- 105 et Symbolique humaniste et emblématique..., 1996, passim (et en particulier p. 385-386).
372 Notre description est inspirée par celle donnée par Irving Lavin : « Bernini’s Image of the Ideal Christian Monarch », dans John W. O’Malley e.a (ed.), The Jesuits. Cultures, Sciences, and the Arts 1540-1773, Toronto/Buffalo/Londres : University of Toronto Press, 1999, p. 442-479, aux pages 468-470. Plusieurs analyses ont été faites de ce frontispice : voir Christian Bouzy, « Pouvoirs de l’image dans les frontispices des livres d’emblèmes des xvie - xviie siècles », dans M. Couton e.a. (éd.), Pouvoirs de l’image aux xve, xvie et xviIe siècles. Pour un nouvel éclairage sur la pratique des Lettres à la Renaissance, Clermont-Ferrand : Presses universitaires Blaise-Pascal, 2009, p. 361-392, aux pages 364 et 378 ; Pollerob, « Front the exemplum virtutis to the Apotheosis... », dans Iconography, Propaganda, and Legitimation, 1998, p. 44-45.
373 Comme l’a constaté, avant nous, Friedrich Polleroβ (« Front the exemplum virtutis to the Apotheosis... », dans Iconography, Propaganda, and Legitimation..., 1998, p. 44-45).
374 L’édition bruxelloise n’est pas dédicacée à Léopold-Guillaume. En effet, les deux imprimeurs (Joannes Mommartius et Franciscus Vivien) ont dédicacé l’ouvrage à l’empereur Ferdinand III et ont reproduit la dédicace de Saavedra adressée au roi d’Espagne.
375 Citations d’Anne-Élisabeth Spica (« The Prince’s Mirror... », dans Emblematica, 1996, p. 85).
376 Saavedra, Idea principis Christiano-politici..., 1649, p. 616-621 (symbolum LXXXVI. Rebus adest). Lire p. 618 : in occasionibus belli magis consultant videtur, utprinceps ipse coram iis intersit et ducat subditos suos.
377 Saavedra, 1649, p. 618 : praesentia principis in bello animos addit militibus ; p. 620 : si belli dux occumbat, in ejus locum sufficitur alius ; at si princeps pereat, pereunt omnia.
378 Le Princeps in compendio rappelle au prince l’importance de sa présence au front pour encourager les troupes (punctum XXI [de rebus bellicis] : [...] alacriter hostes adgrediatur et, ubi necessitas requisiverit, ipse quoque in persona eat, nam praesentia ipsius principis maximum animum militibus addit et multum juvat adbellum eo felicius prosequendum [éd. Bosbach, p. 112]) et le met en garde afin qu’il n’expose pas sa personne de manière irréfléchie à tous les dangers (semper tamen personae suae bene attendat, ne se frivole periculis exponat, ne pro magnanimo temerarius dicatur et, si forsan illi aliquod discrimen accideret, totum exercitum in periculum, non dicam exitium trahat [éd. Bosbach, p. 112-113]).
379 Le biographe jésuite de Léopold-Guillaume mentionne d’ailleurs cette devise : voir Le prince dévot et guerrier ou les vertus héroïques de Léopold Guillaume archiduc d’Autriche, traduit du latin du révérend père Nicolas Avancin et augmenté de quelques mémoires en François par le père Henry Bex, tous deux de la Compagnie de Jésus, Lille : Nicolas de Rache, M.DC.LXVII, p. 442.
380 SAAVEDRA, Ideaprincipis Christiano-politici..., 1649, p. 621 :fortiorem magisque prudentem in praesenti occasione se mine exhibet serenissimus archidux Leopoldus, qui etsi oppugnari se videat Salefeldii junctis hostium copiis et longe etiam majoribus, quam ipse habeat, sua tamen contemnit pericula et generosa constantia semet tuetur, probe sciens in eventu illo salutem Imperii et augustissimae domus Austriacae consistere : atque adeo primus est in periculis et laboribus militaribus ; ‘monstrat tolerare labores ; | non jubet’ (Lucain, 1. 9 [=Luc., IX, 588-589]). Pour une autre traduction française (de laquelle nous nous inspirons pour concevoir la nôtre), voir Le prince chrestien et politique..., 1668, p. 318-319.
381 Leopoldi Guilielmi, archiducis Austriae, principis pace et bello incluti virtutes a reverendo patre Nicolao Avancino, Tyrolensi, e Societate Jesu... descriptae, Antverpiae : ex officina Plantiniana Balthasaris Moreti, M.DC.LXV et Avancin, Le prince dévot et guerrier..., 1667. Voir respectivement Jozef MERTENS, « Nicolaus Avancini, Leopoldi Guilielmi... virtutes » et « Nicolaus Avancini, Le prince devot et guerrier... », dans Krijg en kunst..., 2003, p. 333-334 (cat. IV. 17) et p. 334 (cat. IV. 18).
382 Avancin, Le prince dévot et guerrier..., 1667, p. 5 (nos italiques). Lire également l’« avertissement de l’auteur latin au lecteur » (p. u2r). Dans la version latine, nous lisons (Avancin, Leopoldi Guilielmi... virtutes, 1665, p. 5) : cum non id agam ut historiam contexam, quam meretur gloriosissimus archidux Leopoldus, sed solum ut ejus virtutes orbi ac potissimum principibus exhibeam.
383 Avancin, Le prince dévot et guerrier..., 1667, p. 97-98 (nos italiques).
384 Il s’agit chez Avancin d’un véritable leitmotiv : voir Avancin, Le prince dévot et guerrier..., 1667, p. 120, 153, 158, 160-161, 170 ou encore 178.
385 Voir notamment la lettre adressée en date du 16 octobre 1647 par Léopold-Guillaume à Philippe IV, en réponse aux « recommandations » formulées par ce dernier au gouverneur « de ne pas aventurer sa personne dans les risques et les incommodités de la campagne » (lire l’ensemble du document : Correspondance de la Cour d’Espagne sur les affaires des Pays-Bas au xviie siècle, t. 4 [1933], p. 20, doc. 51). Plusieurs panégyristes ont également insisté sur ce motif : outre le Sr. Moreau (Panegyrique à son altesse serenissime l’archiduc Leopold..., 1653, p. 47-48, 117-119 et 120), lire en 1652 : « c’est une fois encore ta force admirable que tu as manifestée au monde entier, lors que tu t’es exposé au danger, pour exhorter et pousser le soldat à faire, en suivant ton exemple, tous les actes de bravoure » (ΕΠIΝIΚI0Σ ΛΟΓΟΣ .. per Caecilium Jacobum Merstratium, 1652, p. 28 : iterum fortitudinem tuam omnibus gentibus admirabilem ostendisti, dum locapericulis plena, ut militent tuo exemplo adfortia quaeque facienda admoneres atque impelleres, adiisti).
386 Voir KBR, ms. 20.309, fol. 66v-67r et 70v-71r.
387 L’expression nous a été suggérée par Annick Delfosse.
388 Mertens, « De vrome prins », dans Krijg en kunst..., 2003, p. 63 (nous traduisons du néerlandais).
389 P. 4 : Jacobo Tax, Linkae gubernatori, fratri suo... Ambrosius Tax Societatis Jesu dat, dedicat. Originaire d’Armentières, Ambrosius Tax mourut à Anvers en 1691 (Poncelet, Nécrologe des Jésuites..., 1931, p. 117 et n. 8). Au collège de Bruxelles, il fut professeur des « petites figures » en 1647, de grammaire moyenne en 1648, de syntaxe en 1649 ( voir KBR, ms. 20.210-2, respectivement aux folios 3r, 2V et 2r).
390 La seule bibliographie existante est une vague mention dans un travail assez ancien : Léopold Willaert, Les origines du jansénisme dans les Pays-Bas catholiques. Le milieu, le jansénisme avant la lettre, Bruxelles : Palais des Académies, 1948, p. 105, n° 1.
391 Voir Inventaris van het archief..., 2006, doc. 1754, p. 190.
392 P. 15 : facturusne operae pretium sim, si a primordio vitae res Leopoldi archiducis cum virtute gestas conscripserim, erit, opinor, qui dubitet ; quippe quas clarus auctor Nicolaus Avancinus, in eximio opero suo, et ita multis et praeclare expresserit, nihil ut addi posse videatur.
393 Voir Operis summa, p. 24 : quod in Plutarchi [...] Parallelis vitis [...] factum video, idem mihi hoc in simili opere faciendum existimavi ; p. 25 : plane animadvertere incipias quanta sit utriusque vitae sancti Casimiri ac serenissimi Leopoldi similitudo. Les informations sur saint Casimir sont reprises de P. David, « Casimir (saint) », dans Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, 11 (1949), col 1283-1284.
394 Voir operis ratio, p. 16 : liceat... ostendere Leopoldum archiducem, etsisanctus nonsit (futurusne una die, qui scit ?) ad sanctorum tamen vitam quam proxime accedere.
395 Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 42.
396 Les réflexions sur l’éloge nous ont été suggérées par la lecture de plusieurs publications : voir Cogitore, Goyet, Devenir Roi..., 2001 ; Cogitore, Goyet, L’éloge du prince..., 2003 (en particulier Richard Lockwood, « Prétérition et éloge. Figure, tactique, stratégie », p. 281-302; Béatrice Périgot, «L’éloge ambigu du Prince dans le Gargantua de Rabelais», p. 189-207) ; Lachaud-Scordia, Le prince au miroir de la littérature politique, 2007 ; Pernot, La rhétorique de l’éloge..., 2 t., 1993 (notamment t. 2, p. 659-724).
397 Voir Louis Marin, Le portrait du roi, Paris : Éditions de Minuit, 1981, en particulier p. 9-12 et Des pouvoirs de l’image. Gloses, Paris : Seuil, 1993, notamment p. 12-14. Plusieurs synthèses des différentes dimensions de la représentation ont plus tard été proposées. Consulter notamment Goloubeva, The Glorification of Emperor Leopold I..., 2000, p. 4-5 ; Kurt Johannesson, « The Portrait of the Prince as a Rhetorical Genre », dans Iconography, Propaganda, and Legitimation..., 1998, p. 11-36, à la page 27.
398 Sur les phénomènes de représentation et d’anamorphose au xviie siècle, consulter Françoise Siguret, L ’œil surpris. Perception et représentation dans la première moitié du xviIe siècle, nouv. éd., Paris : Klincksieck, 1993.
399 Isidore de Séville, Étymologies, IX, 3, 4-5 : Regiae virtutes praecipuae duae : justifia et pietas. Texte latin et traduction française repris d’Isidore de Séville, Etymologies. Livre IX. Les langues et les groupes sociaux, texte établi, traduit et commenté par Marc Reydellet, Paris : Les Belles Lettres, 1984.
400 Informations, citations et traductions reprises de Franceschi, « Le modèle jésuite du prince chrétien... », 2007, p. 720. Lire A. Contzen, Politicorum libri decem..., Cologne, 1629, p. XI : duae virtutes sunt in rege praecipuae, pietas et justifia et Pietas reges Deo jungit.
401 Sur cette pièce, voir Proot, « Leopold Willem en het Jezuïetentoneel... », dans Krijg en kunst..., 2003, p. 68 ; Proot, Aumann, « Timoré Domini concessa divinitus Israeli sapientia, félicitas, gloria [...] », dans Krijg en kunst..., 2003, p. 172-173 (cat. II.1.10).
402 Timoré Domini concessa divinitus Israeli sapientia, félicitas, gloria quam in regum potentissimo Salomone exhibet in serenissimi Leopoldi genio eodem timore duce expressam veneratur studiosa juventus collegii Societatis Jesu Antverpiae, s.l. : s.n., s.d., p. 6 (chorus) : [Salomon] cujus incruentum gladium, pietatis ac justitiae symbolum, adprincipis pedes, Sapientia deponi jubet, ut consimili, qua augustissimus Ferdinandus Imperium, Belgas ipse pietate ac justifia sapientissime regere pergat.
403 Album Marianum nobilium, jurisperitorum, medicorum sodalium sub titulo Virginis purificatae apud patres Societatis Jesu Lovanii..., Lovanii : apud Masium typographum juratum, 1641, p. 11 : minus est fortuna quam justitia ac pietate summum esse... Pietas ad Deum refertur et justitiae minc mater, minc filia est ; justifia ad homines et publicam salutem comprehendit. La bibliothèque du collège jésuite de Bruxelles possédait un exemplaire de cet ouvrage, comme en témoigne son catalogue (KBR, ms. 4685, fol. 306).
404 Album Marianum..., 1641, p. 19 : Ferdinando pietate et justifia suos propugnanti.
405 Toutes les citations et informations de ce paragraphe proviennent de Delfosse, « Quand la politique est conviée sur les planches... », 2008, p. 49-50.
406 KBR, ms. 20.309, fol. 39v-40r. Sur cet emblème, voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 118.
407 Voir Lefèvre, « Une Tractation de l’Archiduc... », dans Bulletin de la Commission Royale d’Histoire, 1936, p. 107-135.
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