La question de la dénatalité et la loi de 1923
p. 35-72
Texte intégral
1En 1923, le législateur belge complète l’article 383 du Code pénal par une loi réprimant les propagandes contraceptives et abortives. Dorénavant, cet article, qui inaugure le chapitre consacré aux outrages publics aux bonnes mœurs, ne vise plus seulement à empêcher la diffusion de l’obscénité, il veut également enrayer deux propagandes nocives pour l’ordre des familles. Le catholique Carton de Wiart1, auteur de la proposition de loi, souligne, lors des discussions parlementaires, le caractère nouveau de cette double menace :
Ce double danger, qui éclate aujourd’hui aux yeux de tous les législateurs n’existait pas ou n’existait guère lors de la rédaction du Code pénal en 1810. Il n’existait pas non plus à un degré inquiétant lorsque le parlement belge discuta le Code pénal en 18672.
2Mais quel « péril » se cache derrière les propagandes anticonceptionnelles et abortives ?
3Ces propagandes sont considérées comme dangereuses parce qu’elles incitent à la maîtrise de la fécondité. Depuis la seconde moitié du xixe siècle en Belgique, la limitation des naissances entre progressivement dans les mœurs. Mais, dans un contexte de montée des nationalismes, cette évolution n’est pas vue d’un bon œil par les dirigeants. En effet, si les familles « fournissent » moins d’enfants à la patrie, c’est l’avenir même de la nation qui est en jeu. À l’aube du xxe siècle, la crainte du dépeuplement et de la disparition du pays absorbé par une puissance étrangère hante les gouvernements belge et français. La lutte contre l’ennemie intérieure, la restriction des naissances, est lancée. Elle est consacrée au lendemain de la Première Guerre mondiale par l’élaboration de mesures pénales expéditives. L’avortement est alors considéré comme un acte contraire aux intérêts de la société et de l’État. Plus que les modifications apportées par la loi du 20 juin 1923, c’est l’esprit du temps dans lequel s’insère cette loi qu’il importe de connaître et de comprendre. Car, si de nos jours, le recours aux contraceptifs semble presque naturel, voire même logique, il ne faut pas perdre de vue que ce « privilège » est le fruit d’un long combat. Et au début du xxe siècle, rien n’est encore acquis dans ce domaine. Le souci de la race et de la patrie prime sur le bien-être de la femme.
1. Une révolution sexuelle ou l’angoissante crainte de la dépopulation
4Au xixe siècle s’amorce un timide début de maîtrise de son corps par la femme elle-même3. Un souci de limiter les naissances émerge peu à peu. Une « révolution au lit » se met en marche4. Le recours à des procédés contraceptifs se répand et l’avortement se généralise. Dans la seconde moitié du XIXe, la « révolution démographique », inaugurée par la France dès la fin du XVIIIe, est en route dans nos régions : la vulgarisation de la limitation des naissances entraîne une baisse de la fécondité5. Le changement de cap devient évident aux alentours de 1875, lorsque le nombre annuel de naissances se met à diminuer régulièrement. Ce renversement démographique n’est toutefois perceptible aux contemporains qu’au début du xxe siècle. C’est alors que le débat autour de la notion de croissance démographique s’ouvre dans les sphères savantes : la bataille confronte les natalistes aux antinatalistes. Deux visions du rôle de la femme s’opposent. Au cœur de ce combat, une question : qui est responsable du ventre féminin, l’État ou le couple ?
1.1 Une fécondité que l’on veut progressivement maîtriser
5Divers facteurs, en lien avec les mutations sociales et matérielles de la nouvelle civilisation industrielle, favorisent au xixe siècle le ralliement de l’opinion publique à la restriction volontaire des naissances. L’apparition d’un nouveau mode de vie, combiné à un nouveau monde du travail, amène les couples à limiter consciemment la taille de leur famille. Cette mentalité nouvelle gagne d’abord la bourgeoisie avant d’atteindre le peuple, chez qui l’angoisse d’une bouche de plus à nourrir doit se substituer à celle de la perte de revenus procurés par le travail des enfants. Progressivement, la fécondité naturelle est ainsi perçue comme un obstacle à la croissance économique et sociale de la famille. Mais comment l’éviter ? Au xixe siècle, les contraceptifs restent limités et imparfaits.
6Peu de progrès sont réalisés dans la maîtrise de la fécondité féminine au xixe. La contraception est foncièrement une affaire d’hommes puisque les méthodes les plus répandues sont le coït interrompu, l’abstinence ou le préservatif. Ce dernier a, en outre, une réputation péjorative parce que fréquemment associé à la prostitution et aux maladies vénériennes. Les femmes dépendent donc souvent du seul bon vouloir masculin en la matière6. La logique patriarcale, où la femme se soumet passivement au « devoir conjugal », est encore largement en vigueur. Pour éviter une grossesse, les femmes disposent de l’ancestrale méthode des injections et lavages ou bien des éponges et pessaires – dont fait partie le diaphragme qui apparaît en 18827 – ou encore de l’allaitement prolongé. Mis à part ce peu de diversité et d’efficacité, les procédés contraceptifs se heurtent surtout à l’interdit religieux et à la morale catholique, pour lesquels la sexualité a un caractère honteux. Le sexe doit se réduire à une fonction purement reproductrice8. C’est pourquoi, l’abstinence est, d’après les moralistes, le meilleur moyen de limiter les naissances9. Dans la pratique néanmoins, le peuple recourt le plus fréquemment au retrait et, en cas d’échec, à l’avortement. Cette combinaison offre un filet de protection presque parfait10. La contraception, pour être effective, doit donc faire face à de nombreux obstacles, tant moraux que pratiques. L’avortement est souvent le seul moyen d’« éviter » une maternité non-désirée11. Bien plus qu’aujourd’hui, il vient combler l’échec de la prévention.
7À partir de 1880, la pratique de l’avortement croît sensiblement en Belgique comme dans le reste de l’Europe occidentale. Cette augmentation est telle que les études socio-historiques y perçoivent une véritable mutation. Selon les spécialistes, une « révolution de l’avortement » se dessine12. Elle repose sur l’introduction de nouveautés dans les techniques et les produits abortifs. De nouvelles méthodes sont utilisées consécutivement à la généralisation de l’usage des instruments obstétricaux et à la diffusion de ces techniques parmi les « guérisseurs » ruraux. Une telle utilisation témoigne surtout d’une implication d’un nombre croissant, sinon de médecins, au moins de sages-femmes dans la pratique de l’avortement. L’avortement s’instrumentalise et se médicalise par l’usage de la sonde et de l’injection13. Les méthodes traditionnelles cèdent la place aux méthodes mécaniques : dorénavant, on intervient directement au niveau du vagin et de l’utérus14. Le geste abortif se fait plus précis et les séquelles régressent. Comme l’a écrit Anne-Marie Sohn, l’avortement se « rationalise » et se « banalise »15. Un autre signe de cette révolution est la multiplication, dans les quotidiens, des annonces vantant des « sages-femmes discrètes » et/ou l’efficacité de certains produits et procédés abortifs. En 1910, le nombre moyen annuel d’annonces pour chaque journal atteint le niveau le plus élevé aussi bien pour les avorteuses que pour les produits16. Cette publicité est la preuve que la sphère du tabou autour de l’avortement n’est plus absolue : toute femme qui souhaite mettre fin à une grossesse peut trouver l’information souhaitée dans la presse. La loi de 1923 rendra illégales ces pratiques propagandistes, qui témoignent de l’ancrage de l’avortement dans les mœurs. Pratiqué dans toutes les couches sociales, l’avortement vient surtout porter secours à des techniques contraceptives défaillantes, comme au xixe siècle. Durant l’entre-deux-guerres se met en place la dialectique contraception-avortement, notamment en raison de la popularisation de la méthode Ogino-Knauss17. C’est au nom de la lutte contre l’avortement criminel qu’un certain nombre d’hommes et de femmes s’engagent dans le combat en faveur de la contraception. Ce combat, la propagande néo-malthusienne le mène depuis la fin du xixe siècle.
8Les néo-malthusiens s’inspirent de la pensée du pasteur et économiste anglais Thomas R. Malthus. Fin du xviiie siècle, Malthus crée un scandale en affirmant la nécessité de limiter les naissances. C’est la seule solution, selon lui, capable d’enrayer le déséquilibre catastrophique qu’il perçoit entre les ressources et les besoins de la population. Ce déséquilibre est la base de sa doctrine. Il est, en effet, persuadé que la population croît plus vite que les subsistances, provoquant ainsi un bouleversement qui conduit l’humanité vers la famine et la misère. Pour l’éviter, le pasteur anglican préconise certes une limitation du nombre des naissances, mais, étant profondément chrétien, il n’envisage celle-ci que par l’observance de la continence et par une réglementation tendant à restreindre le nombre de mariages18. Ses successeurs n’ont plus ce scrupule : ils trahissent la morale ascétique du pasteur en consacrant l’usage des procédés anticonceptionnels. Ils n’entendent pas se priver des satisfactions sexuelles mais seulement éviter les naissances. C’est cette dissociation de la sexualité et de la procréation qui forme le fondement du néo-malthusianisme. De ce fait, l’enseignement de Malthus est sensiblement transformé. Le néo-malthusianisme n’entend plus seulement atténuer la misère, il promeut également une maternité libre et consciente. Il est désormais associé à la contraception et à la libre satisfaction des désirs sexuels. Avec lui, la libération sexuelle apparaît comme un facteur d’émancipation.
9Né en 1822 en Grande Bretagne, le mouvement néo-malthusien se développe en France dans les années 1890. En 1896, est fondée la ligue de la Régénération humaine. Son pendant belge voit le jour en 1905 sous la direction du docteur Fernand Mascaux, échevin socialiste de Courcelles19. Parmi ses adhérents, on compte beaucoup d’anarchistes et de libertaires, mais aussi un certain nombre de socialistes, bien que le parti ouvrier reste très divisé quant aux idées néo-malthusiennes20. Toutefois la doctrine ne perce réellement que dans la partie francophone du pays et reste un mouvement minoritaire en raison d’oppositions politiques et de tracasseries avec les autorités21. Il n’empêche : à partir du dernier quart du xixe siècle, les discours sur la limitation des naissances se multiplient. La doctrine antinataliste gagne du terrain, en France surtout. Des campagnes contre les familles nombreuses sont lancées. La limitation du nombre des enfants est perçue comme un acte de haute raison et de vertu, surtout au sein des familles aisées. Les néo-malthusiens dirigent cette propagande : conférences, brochures, réclames, tracts sont autant de moyens de répandre dans la masse la crainte de la surpopulation, l’idéal de procréation consciente et la nécessité de la contraception.
10En centrant de la sorte leurs discours sur la limitation des naissances, les néo-malthusiens ne se préoccupent qu’indirectement de l’avortement. La légalisation de l’avortement n’est pas leur premier combat. Si le mouvement ne refuse pas d’en parler, il hésite sur l’attitude à adopter face à cette question : faut-il prévenir, déconseiller ou, au contraire, revendiquer l’avortement ? Une chose est sûre : le néo-malthusianisme ne le condamne pas. Certains néo-malthusiens, progressistes avant l’heure, l’envisagent même comme une liberté féminine, mais peu, toutefois, le considèrent comme un moyen de restreindre les naissances22. Pour la majorité, il s’agit plutôt d’un correctif à la contraception, comme aujourd’hui. Un tel point de vue propulse, pour la première fois, le problème de l’avortement au cœur du débat public. Face aux déficiences de la contraception, la dépénalisation de l’avortement devient une nécessité pour les néo-malthusiens, aussi déplorable soit-elle à leurs yeux. Les vrais coupables sont, selon eux, l’hypocrite société bourgeoise et sa morale, qui cantonnent le peuple dans la misère, frappent de honte la fille-mère et s’acharnent sur celle qui a voulu se soustraire à l’opprobre. La misère, la honte et la loi sont bien les vraies responsables des maternités non-désirées et par conséquent des avortements. Cette idée se retrouve dans de nombreux romans sociaux du début du xxe siècle. Les néo-malthusiens en sont persuadés : la société bourgeoise entrave le développement des moyens contraceptifs et produit donc le mal contre lequel elle entend lutter23. Pour eux, il est évident, d’une part, que la sexualité peut se dissocier de la reproduction et, d’autre part, que la contraception doit se substituer à l’avortement.
11De telles idées ne triompheront pourtant véritablement que dans les années 1960-1970. Jusqu’à ces décennies, la libre propagation des moyens anticonceptionnels est perçue et est combattue comme une source de dépopulation. En effet, un renversement s’opère progressivement au début du xxe siècle : les antinatalistes sont accusés de sacrifier la démographie et de conduire la nation vers son suicide. Les repopulateurs imposent l’assainissement de la natalité au nom de l’avenir du pays. Une bataille s’engage contre l’avortement et le néo-malthusianisme.
1.2 Une ennemie intérieure à « terrasser » : la dénatalité
12Au début du siècle passé, le néo-malthusianisme – pourtant jeune – est progressivement balayé par les préoccupations natalistes naissantes. À la crainte de la surpopulation se substitue peu à peu son contraire, l’angoisse de la dépopulation. Entre l’apparition du phénomène et les premières marques publiques d’inquiétude, le décalage est considérable. En France surtout, mais aussi en Belgique et dans le reste de l’Europe occidentale, les spécialistes constatent dans les années 1900 la chute de la natalité. Dans notre pays, la courbe de la natalité commence à diminuer aux alentours de 1875-1880. Les spécialistes perçoivent le danger. La peur gagne les esprits. La poursuite de la dénatalité risque à long terme de provoquer une stagnation de la population, puis son recul ou en d’autres termes, la dépopulation du pays. C’est ce que craint le théologien Lemaire dans son ouvrage Le suicide de la Belgique : « Il doit fatalement arriver à un moment où le taux de mortalité ne pourra plus descendre ; car l’humanité n’est pas immortelle. Et c’est précisément cette redoutable perspective qui doit nous effrayer »24. À court terme, la dénatalité provoquant un non-renouvellement de la population, il faut redouter un vieillissement de la population et donc un peuple sans dynamisme. Pour quelques moralistes et démographes, le peuple belge serait en passe de devenir moribond. Se manifestent ainsi, à l’aube du xxe siècle, de « vives appréhensions au sujet des destinées de la patrie belge »25.
13Pour les contemporains et les spécialistes de l’époque, l’origine du « déclin » est due essentiellement à la limitation des naissances, doublée de la pratique corrélative de l’avortement provoqué. Perçus comme les initiateurs de ces « crimes » en raison de leur « propagande immorale et démagogique »26, les néo-malthusiens concentrent sur eux la haine des repopulateurs et des moralistes. La bataille autour de la démographie oppose donc deux camps : les populationnistes, pour lesquels la nation prime et les antinatalistes, pour lesquels le bien-être individuel l’emporte. Dans ce contexte d’effroi vis-à-vis de la dénatalité, le néo-malthusianisme et l’avortement apparaissent comme des ennemis nationaux. Le mouvement néo-malthusien est dorénavant progressivement isolé, censuré, traqué et surtout stigmatisé – à tort – comme le « parti des avorteurs ». Toutefois, jusqu’en 1923, dans notre pays, la propagande théorique antinataliste ne tombe pas sous le coup de la loi, au grand dam de ses adversaires. Ces derniers entendent réagir. L’opinion est alertée. L’avortement est présenté comme une plaie. L’angoisse de la dénatalité se répand, renvoyant chacun à sa propre morale.
14« Extinction de la race, fin du monde, suicide du pays, déchéance prochaine, écrasement irrémédiable » : autant de termes apocalyptiques qui expriment les périls engendrés par le déclin de la natalité. De telles peurs hantent les démographes mais surtout les ecclésiastiques, les théologiens, les moralistes et même les médecins. Si le mouvement populationniste a trouvé des adeptes dans les sphères scientifiques et laïques, son ancrage est surtout fort dans les milieux catholiques et conservateurs. Aux yeux de ceux-ci, « le problème de la natalité évoque (...) l’idée d’un fléau qui souille le mariage, mutile la famille, et semble menacer peu à peu de dépeupler la terre »27. Leurs études montrent l’évolution des « villes-tombeaux », c’est-à-dire des villes dans lesquelles le nombre de cercueils l’emporte sur celui des berceaux28. Face au développement de ces cités, ils multiplient les cris d’alarme. Partout, ils fustigent la responsabilité de chacun et de tous : « Notre peuple disparaîtra-t-il par sa propre faute, la faute d’avoir rompu avec les lois fondamentales de la vie29 ? » Car au fond, ce n’est pas tant la fin du monde que les repopulateurs craignent, mais plutôt la fin de leur monde, de leur culture. Leurs théories se développent en même temps que s’exacerbe le nationalisme. Les populationnistes redoutent ainsi de voir la Belgique disparaître « noyée dans l’élément étranger et absorbé par lui : et la langue, et les mœurs, et l’influence politique, tout cela ne sombrera-t-il pas (...)30 ? » La résistance nataliste s’organise pour enrayer ce fléau. Il s’agit de freiner « la mort la plus honteuse » qu’il soit pour un pays, « la mort par incapacité de vivre »31. Pour y parvenir, ils brandissent d’inquiétants chiffres démographiques. La démographie devient leur plus fidèle alliée.
15Les premiers à constater la chute de la natalité sont les démographes. Au milieu du xixe siècle, en effet, la science démographique saisit toute l’importance de la fécondité dans l’analyse des modifications numériques d’une population. Elle s’adapte à la « révolution démographique » en cours. Le terrible triptyque « guerre famine épidémie » a progressivement disparu d’Europe occidentale. Cette disparition, combinée au progrès de la médecine, a provoqué un recul de la mortalité. Cette dernière n’est donc plus la variable de la démographie. La fécondité, encore mal mesurée dans les premières années du xixe siècle, lui succède. À dater de la seconde moitié du xixe, la vraie variable est celle qui affecte les entrées et non plus les sorties. Le problème premier de la démographie devient celui de la réduction de la fécondité32. La démographie parvient, dès lors, à éclairer certaines pratiques de la population. Surtout, elle sert d’argument à diverses théories, notamment celles défendues par les natalistes. Elle donne forme au désastre pressenti par les populationnistes. Elle vole presque à leur secours puisqu’elle vient confirmer la justesse et la légitimité de leur combat, lequel, jusque-là, ne visait qu’à défendre la morale chrétienne face à la propagande néo-malthusienne. Désormais, ce combat est mis au service de la nation. La vision des chiffres démographiques doit faire prendre conscience à la population de l’ampleur du désastre et de l’urgence de la réaction.
16Pourtant, au tournant du xixe et du xxe siècle, la population belge semble, à première vue, jouir d’une relative croissance : la mortalité recule tandis que la population – du moins jusqu’en 1914 – est en hausse. Même le nombre annuel de mariages augmente33. La consultation des statistiques démographiques témoigne d’une situation tout autre : durant cette période, le nombre annuel des naissances baisse avec une constance inquiétante. Au début du siècle, un nataliste convaincu, le théologien Vermeersch34, prétend que l’Europe entière l’emporte sur nous : seules la Suisse, la Suède, l’Irlande et la France enregistreraient une natalité inférieure à la nôtre35. De 1901 à 1910, malgré l’augmentation de la population, le chiffre annuel des naissances vivantes tombe de 201 608 à 177 864. En 1913, il n’atteint plus que 171 099, chiffre que la Belgique atteignait déjà en 187336. Élément symptomatique : au cours de la seconde moitié du xixe siècle, les naissances illégitimes représentaient 8 à 9 % des naissances vivantes. En 1901, elle ne s’élèvent plus qu’à 7,09 % ; en 1910 à 6,17 % et en 1939, à 2,46 %37. En quarante ans, on assiste donc à une importante diminution de la fréquence des naissances illégitimes, lesquelles sont, à cette époque socialement rejetées et individuellement mal acceptées parce qu’elles sont la preuve du non-respect de certaines normes fondamentales de la société. Ce sont donc des « candidates » à l’avortement.
17Confronté à cette chute des naissances, le taux de natalité dégringole naturellement lui aussi, d’année en année. Longtemps, il oscille autour de 30 naissances pour 1000 habitants. La rupture se situe aux alentours de 1880, date à laquelle la natalité, jusqu’ici stable et constante, commence à décliner38. Le mouvement est lent jusqu’en 1892 et se stabilise de 1892 à 1901. À partir de 1902, la chute se précipite : le taux de natalité passe de 28, 29 pour mille à 22, 27 en 1913, soit une diminution de presque 22 % en onze ans39. Il s’agit toutefois d’une mesure grossière du mouvement de la natalité. En effet, ce taux illustre la proportion entre le nombre de naissances pendant une année déterminée et le chiffre de la population au même moment. Or, la population totale d’un pays comprend une série de personnes qui n’ont aucune influence sur la natalité : les enfants, les vieillards et les célibataires en modifient le taux inutilement. On obtient une mesure plus exacte de la natalité en calculant le coefficient de fécondité, c’est-à-dire en établissant le rapport des naissances vivantes d’une année à la population féminine moyenne du groupe 15-49 ans, voire 55 ans40. Si on établit le taux de fécondité générale pour la Belgique vers 1880, on obtient, 146,78 naissances pour 1000 femmes en âge de procréer. Vers 1900, ce rapport est descendu à 127,56 et vers 1910, il a fléchi jusque 101,4641. La diminution est donc de 31 %, presque un tiers42. Notons également que ce coefficient diminue alors même que le taux de nuptialité augmente. Une plus grande proportion de gens se marie, mais le nombre d’enfants par couple se réduit considérablement. C’est donc bien la fécondité des couples qui est atteinte. "C’est le mauvais usage, l’usage vicieux du mariage, qui mine la natalité", affirme le célèbre démographe français, Jacques Bertillon43.
18La Première Guerre mondiale perturbe évidemment le mouvement de la population. Le conflit détruit l’ordre de la vie. Au sein des pays belligérants, toute une génération est perdue. La Belgique 'échappe' à cette hécatombe : les pertes s’estiment à un peu moins de 80 000 disparus. Comparativement à la 'saignée' française, c’est peu. C’est que la Belgique occupe une position particulière dans le conflit : c’est le seul pays du front occidental à être occupé par l’ennemi. Retranchée derrière le front de l’Yser, l’armée belge résiste durant quatre ans. Ailleurs, il est impossible de lever de nouveaux contingents. La mobilisation des hommes en âge de porter les armes est faible : seuls 20 % sont requis44. Au sortir de la guerre, notre pays ne présente donc pratiquement aucun déséquilibre quantitatif entre les sexes, contrairement aux autres acteurs du conflit45. Mais la guerre a provoqué d’autres ravages démographiques : la population, soumise aux réquisitions, aux déportations, aux représailles et à la misère, se marie moins. La nuptialité ralentit. Le taux de natalité recule. Aux 80 000 morts, il faut ajouter les enfants qui ne sont pas nés pendant la guerre. Il faut ainsi prendre en compte une accentuation de la dénatalité pendant le conflit : en 1918, seulement 85 056 bébés auraient vu le jour en Belgique46. C’est deux fois moins que cinq ans auparavant. Lemaire, dans son ouvrage La Wallonie qui meurt, a tenu compte de cette perte invisible, de ce manque d’enfants dans le calcul des conséquences démographiques de la guerre. Il en conclut :
Dans les conditions normales, avec une augmentation moyenne de 71 000 habitants telle que celle d’avant-guerre, la population aurait atteint, en 1918, huit millions environ. La différence entre ce chiffre normal et celui qui est enregistré par la statistique en 1918, est de 444 000 et représente la diminution de la population due à la guerre, du moins la perte apparente en 191847.
19Après l’effondrement consécutif à la Première Guerre mondiale, l’on constate un relèvement rapide du taux de natalité au cours de l’année 1920. Mais celui-ci n’en reste pas moins inférieur à celui de 1913. La diminution de la natalité reprend ensuite au même rythme que pendant les premières années du siècle pour atteindre, en 1937, le taux le plus bas constaté en temps de paix. À cette date, le taux est tombé à 15,01 pour mille48. Pour la période 1919-1921, le taux de fécondité générale s’élève à 82,29 pour 1000. Dix ans plus tard, il n’atteint plus que 76,8949. Pour beaucoup de couples, le modèle familial devient celui de l’enfant unique. Durant l’entre-deux-guerres, le contrôle volontaire des naissances devient la norme au sein du couple. Loin de se relever, la natalité poursuit donc sa chute. La croissance de la population, quant à elle, se ralentit considérablement après 193050.
20La dénatalité touche l’ensemble de la Belgique mais ne frappe pas le pays uniformément. Rapidement, les observateurs constatent que la Wallonie est plus « affectée » que la Flandre. Son taux de natalité est inférieur à la moyenne de l’ensemble du pays. Le démographe belge Camille Jacquart constate même, dès 1865, des premiers fléchissements dans les provinces de Luxembourg et de Namur, tandis qu’aucune régression correspondante ne se produit à la même époque dans les provinces flamandes51. La dénatalité serait donc plus profonde et plus précoce au sud du pays. Au fait, c’est l’ensemble de l’évolution démographique de la Flandre et de la Wallonie qui, à partir de la seconde moitié du xixe siècle, diffère totalement. Les provinces flamandes se caractérisent alors par une nuptialité peu intense alors que la fécondité légitime et la surmortalité des tout-petits restent très élevées. C’est que le nord de la Belgique maintient une organisation familiale particulièrement patriarcale et traditionnelle, contrairement aux régions les plus urbanisées ou industrialisées situées au Sud du pays. Ce type d’organisation familiale n’est donc pas sans lien avec la structure de l’activité économique de la Flandre où l’industrie est encore extrêmement dépendante de l’agriculture. L’intense travail des femmes flamandes, d’abord à domicile, puis au sein d’industries linières, jouerait un rôle dans la surmortalité infantile : les mères ne pouvant plus allaiter elles-mêmes leurs enfants exposent ceux-ci aux nombreux risques d’infection et de malnutrition52. À ce mode de vie « classique », s’ajoute la survivance plus profonde de la foi catholique. Selon un observateur anglais du début du xxe siècle, « la Flandre est la forteresse du catholicisme en Belgique ; libéraux et socialistes soutiennent que c’est là la raison de l’ignorance qu’on y constate, puisque l’influence catholique est ennemie du progrès53. » Cette affirmation se vérifie dans le domaine qui nous intéresse – la limitation des naissances – puisque l’Église catholique s’oppose aux anticonceptionnels. Le Français Joly, auteur de l’enquête La Belgique criminelle, voit dans le Flamand, en 1907, un « homme sobre (...), attaché à ses traditions et, ce qui en est une conséquence, particulièrement religieux par habitude nationale. (...) Il a l’amour de la famille. (...) Les familles de six, dix, douze enfants sont fréquentes dans les Flandres54. »
21Ainsi, la Flandre, moins urbanisée mais plus catholique que la Wallonie, semble compenser, à la fin du xixe siècle, une surmortalité infantile par une surproduction de vies humaines55. À nos yeux, aujourd’hui, elle accuse un retard de développement économique, social, culturel ou même démographique par rapport à la Wallonie. Pour les populationnistes d’hier, ce retard reflète la force morale des Flamands. Les gens du Nord résistent mieux à la corruption des mœurs que propagerait un progrès décadent. Recourt-on pour autant moins à l’avortement en Flandre ? Faisant fi de la surmortalité, les natalistes ne jurent que par la natalité supérieure de la Flandre allant même jusqu’à affirmer que c’est la Wallonie qui précipite la natalité belge. Mais existe-il vraiment dans les provinces du Sud, comme le prétend Lemaire, une ambiance anticonceptionnelle résultant d’une perversion de la mentalité56 ? Celle-ci est-elle le fruit de l’introduction du néo-malthusianisme en Wallonie ou faut-il y voir une influence plus grande de la situation française sur la Wallonie ?
22Si la mise au point d’un bon outil démographique permet de mettre en lumière la progressive dénatalité de la Belgique, l’exploitation de ses résultats ne se fait que sous l’influence de la France. C’est, en effet, elle qui donne, en premier lieu, le signal d’alarme en Europe. Puisque la France a inauguré la « révolution démographique », il est logique qu’elle soit aussi la première à percevoir le péril démographique qui y est lié. Le célèbre démographe et populationniste français, Jacques Bertillon, est le précurseur dans ce domaine. Dès 1873, il consacre des articles à cette question. En France, le souci nataliste se fait jour au lendemain de la guerre franco-prussienne. En 1896, Bertillon fonde l’Alliance nationale pour l’accroissement de la population française57. Trois mois plus tard, Robin, néo-malthusien, crée La ligue de la Régénération humaine. C’est dire comme les deux courants, bien que contemporains, ne s’inspirent pas de la même problématique. En 1897, Bertillon publie Le problème de la dépopulation58. Progressivement, il rallie à sa cause d’autres démographes mais aussi des ecclésiastiques, des médecins et des patriotes : bref, toutes personnes inquiètes du risque grandissant de disparition de la France. Ce risque est d’autant plus préoccupant que l’Allemagne jouit d’une natalité supérieure à la France. Les ouvrages et les bulletins alarmistes se multiplient. En 1902 et en 1912, les politiques français s’emparent du problème en mettant sur pied des commissions extraparlementaires sur la dépopulation59. Bientôt, le message sort des frontières françaises pour trouver un écho favorable dans nos régions. Le cas « dramatique » de la France ouvre les yeux à ceux qui deviendront de fervents opposants à la limitation des naissances en Belgique.
23Les populationnistes belges prennent conscience qu’ils doivent tout mettre en œuvre pour empêcher la Belgique de rejoindre le chemin de la France, en proie à une chute vertigineuse de sa population. La décadence démographique de la France devient le symbole de l’exemple à ne pas suivre. La propagande nataliste belge s’organise. Des ligues et des groupes sont fondés pour susciter le militantisme et entraîner les organisations, les personnalités, les journaux à participer au « combat sacré ». Ainsi naît en 1910, la Ligue nationale contre l’Infécondité intentionnelle, suivie quatre ans plus tard de la Ligue mariale contre l’Immoralité, qui a pour objectif de redresser la moralité publique60. Au sein de pareilles sociétés, le rôle du cardinal Mercier est décisif.
24En 1909, le cardinal Mercier rompt le silence autour de la limitation volontaire des naissances avec la lettre pastorale, Les devoirs de la vie conjugale. Par cette lettre, l’Église catholique belge proclame ouvertement et solennellement, à tous les fidèles, l’obligation de la procréation et la condamnation de la contraception et de l’avortement61. Avant 1909, cette condamnation demeurait un principe de théologie morale enseignée essentiellement dans les manuels62. Une telle prise de position s’inscrit incontestablement dans le contexte angoissant de la dénatalité. La hantise de Mercier est de voir la Belgique suivre la France dans la voie de la déchéance démographique. Pour la génération dont fait partie le cardinal, la patrie et tout ce qu’elle représente revêtent un caractère sacré63. Outre le péril national, Mercier perçoit un péril religieux, un « crime qui progresse. Des conceptions fausses de la vie et de l’éducation, peu à peu, se répandent et tendent à affaiblir le sentiment des obligations strictes du devoir conjugal64 » Sa lettre pastorale stigmatise, dès lors, l’avortement et les contraceptifs comme un problème national qui trouve ses origines dans un affaiblissement moral. Avortement et contraception sont placés sur le même pied. Signe du temps, les droits de la femme et de l’enfant non-né sont les grands absents du discours. Selon Mercier, la seule manière de normaliser la situation passe par le rehaussement de la morale traditionnelle du mariage. La solution au problème résiderait dans la multiplication des familles nombreuses catholiques. Mercier en fait l’apologie :
Si donc, mes frères, Dieu a béni votre union, n’enviez pas le sort des foyers déserts. Plaignez au contraire, les unions naturellement ou librement infécondes. Estimez, louez, encouragez les parents, aisés ou pauvres, qui ont assez de confiance en eux-mêmes et en Dieu pour nous donner des familles nombreuses65.
25Sur le plan de la théologie morale, la prise de position de Mercier a un caractère capital : elle ouvre la voie qui va mener à l’encyclique de Pie XI, Casti Connubii, laquelle étend en 1930 l’annonce de Mercier à toute la chrétienté. En Belgique, cette lettre est le point de départ d’une véritable campagne catholique contre le néo-malthusianisme et la limitation volontaire des naissances. En effet, faisant suite au mandement de Mercier, l’ensemble de l’épiscopat belge diffuse des instructions aux curés et aux confesseurs pour qu’ils luttent, à leur échelle, contre le « crime anticonceptionnel »66 Des théologiens jésuites comme Lemaire et Vermeersch ou un démographe comme Camille Jacquart67 publient des ouvrages sur la natalité en Belgique.
26Après la morale, c’est à la justice d’intervenir pour contrer le malheur qui s’annonce. En 1924, le vicomte Terlinden, procureur général à la cour de Cassation estime comme « l’accomplissement d’un devoir sacré » de traiter du problème de la dépopulation et de l’avortement à l’occasion du discours prononcé à l’audience solennelle de rentrée du 1er octobre 192468. Trois ans plus tard, Dembour, avocat général près la cour d’appel de Liège envisage, dans un discours prononcé à la séance solennelle de rentrée de la Conférence du Jeune Barreau de Liège, la politique de natalité à suivre par la Belgique. De toute évidence, le problème démographique devient une question récurrente. Des personnalités de tous horizons et de sensibilités différentes, des laïcs comme des ecclésiastiques se rejoignent sur la question. La dénatalité hante la société belge, sa sphère dirigeante, du moins. Déjà, en 1911, soit deux ans après Les devoirs de la vie conjugale de Mercier, deux figures de proue du parti catholique, Woeste69 et Carton de Wiart, alors ministre de la Justice, déposent une proposition de loi visant à réprimer les provocations à l’avortement. Ce projet de loi est jugé incomplet, car il ne s’étend pas aux moyens anticonceptionnels70. En 1913, le même Carton de Wiart dépose un projet de loi sur la répression des outrages publics aux bonnes mœurs. Par celui-ci, il entend consacrer la répression de la propagande abortive et anticonceptionnelle en l’insérant dans les articles 383 et 384 du Code pénal71. Ce projet n’aboutira qu’en juin 1923. Il est la preuve qu’au-delà de la limitation des naissances – par avortement ou contraception –, c’est l’immoralité qui est alors désignée comme la source de tous les maux et par conséquent de la dénatalité.
27Dès ses origines, le mouvement populationniste a pour principale ennemie la limitation volontaire des naissances. Les pratiques néo-malthusiennes et abortives deviennent les cibles de tous ceux qui veulent voir se repeupler les foyers de la nation. Dans les années 1900, la multiplication des annonces vantant les moyens et les procédés abortifs dans les journaux contribue à donner l’impression d’une multiplication des avortements. De même, la chute des naissances illégitimes qui s’amorce à partir de 1900 laisse supposer un recours plus fréquent à l’interruption de grossesse, plus répandue en milieu populaire que la contraception. Or, jusque là, peu de démographes avaient songé à expliquer la baisse de la natalité par la fréquence des avortements72. La commission extraparlementaire française sur la dépopulation en 1902 n’avait d’ailleurs pas placé l’avortement au premier rang des causes de la dénatalité. Ce n’est que fin des années 1900 que l’avortement est plus vivement dénoncé comme facteur de dépopulation. Même s’il est malaisé de déterminer l’incidence de l’avortement sur la dénatalité par rapport à celle des pratiques anticonceptionnelles, il s’agit, en tout cas, au début du xxe siècle, d’un facteur qui compte. Et qui compte sans doute lourdement car, à l’époque, le « grand moyen de se débarrasser des enfants reste l’avortement »73.
28L’avortement est alors perçu comme un véritable fléau social contre lequel il faut agir pour sauver le pays. Face à une nation qui se meurt, recourir à l’avortement devient quasiment un acte révolutionnaire. La question du droit à l’avortement, timidement défendue par quelques néo-malthusiens, n’a plus lieu d’être. Pour les repopulateurs, l’avortement n’est ni plus ni moins qu’un crime. Un crime qui, en outre, fait quatre victimes : l’innocent fœtus que l’on sacrifie – là où la contraception ne supprime que la fécondabilité –, la femme qui risque sa vie et qui ruine son instinct maternel74, la morale aussi qui est bafouée dans ses droits les plus élémentaires, la patrie et la race enfin que l’avortement prive de ses forces et qu’il condamne à la disparition. Dans une atmosphère de dépopulation, les repopulateurs n’auront de cesse de dénoncer le danger social des pratiques abortives. Leur leitmotiv consiste à présenter l’avortement comme un péril national. Pour beaucoup, il devient le premier responsable de la dépopulation. Pour d’autres, il se dispute la première place avec la contraception : « Deux courbes, celle de la prophylaxie et celle des avortements, font fléchir par leurs ascensions concurrentes celles de la natalité ; et l’on se demande laquelle des deux monte le plus rapidement. »75 En 1909, en France, est fondée la Ligue contre le crime d’avortement, qui fusionne un an plus tard avec l’Association contre la mortalité infantile76 De plus en plus, l’État manifeste une attention particulière à la petite enfance. La fin du xixe siècle est l’époque du développement de la protection de l’enfance. À travers elle, c’est surtout son capital humain et donc son propre avenir que l’État nation entend préserver.
29Si l’accroissement des pratiques abortives est perceptible, sa quantification reste incertaine. Cette question hante les spécialistes, des médecins aux historiens. De toutes les statistiques démographiques, celles concernant l’avortement sont les moins fiables. Il est, en effet, quasi-impossible d’établir une statistique des pratiques abortives puisqu’elles échappent pour la plupart à toute observation. Un débat sur l’ampleur du fléau s’amorce, des chiffres fantastiques sont lancés. Ils sont à envisager avec la plus sérieuse précaution. Ainsi, Lemaire, en 1920, dans La Wallonie qui meurt, tente de quantifier l’avortement en Wallonie de la manière suivante :
Il y a actuellement, selon une appréciation basée sur une large expérience, trois avortements pour un accouchement. (...) Ces chiffres représentent la moyenne effrayante de 43 avortements par an pour 1000 habitants. En les prenant pour moyenne de toute la Wallonie, on obtient, pour 3 500 000 habitants, 150 000 avortements par an77.
30En 1924, Terlinden, s’inspirant d’un professeur de gynécologie de l’ULB, avance le chiffre de 150 000 à 200 000 avortements pour l’ensemble de la Belgique78 Or, la même année, la Belgique ne comptabilise que 153 139 naissances, ce qui revient à dire qu’une grossesse sur deux se serait alors soldée par un avortement79. Pareils chiffres, peu approfondis et servant à l’époque de propagande, s’éloignent de ceux avancés en 1983 par Shorter dans Le corps des femmes. L’historien estime, pour la période 1900-1940, le lien entre avortement et grossesse à terme à un avortement pour quatre grossesses80. Quoiqu’il en soit, devant de tels chiffres, les natalistes ne peuvent que constater combien l’avortement est devenu une pratique courante, normale, populaire. Les contraintes médicales et pénales ne font plus vraiment barrage. Mais, pour les adversaires de la restriction des naissances, « le grand, l’immense malheur, c’est qu’on ne considère plus l’avortement comme un acte immoral »81. À leurs yeux, sa multiplication n’est rien d’autre que la « manifestation la plus évidente de la crise de la moralité à laquelle est confrontée leur époque »82
31Les repopulateurs fustigent la décadence morale de leur époque. Depuis 1880, le niveau de la moralité est, d’après eux, descendu bien bas. Ce phénomène inquiète parce qu’il est collectif : toutes les couches de la population paraissent touchées. À l’instar de Dumont, les populationnistes estiment que comme « le fruit montre ce que vaut l’arbre, l’état démographique montre ce que valent les mœurs »83 Accaparés par les chiffres de la natalité, les populationnistes accusent le « fléchissement des mœurs, le progrès de l’immoralité et la fièvre du plaisir » comme étant à l’origine de tous les maux qui les tourmentent. La dénatalité illustre parfaitement la baisse de la moralité et prouve que cette dernière est devenue une menace pour l’ordre social. Le procureur général près la cour d’appel de Liège, Armand Meyers84, en est certain :
Qui ne voit en effet qu’entre (...) l’immoralité et la dépopulation, il y a relation étroite et que l’obscénité de l’écrit et du spectacle, la prostitution, la syphilis, la propagande anticonceptionnelle, la pratique du néo-malthusianisme, l’avortement, la criminalité en général ne sont que des anneaux d’une même chaîne par laquelle la famille et la patrie sont traînées de déchéance en déchéance jusqu’à la ruine complète85 ?
32Conservateurs et en majorité catholiques, les natalistes avancent la perte des repères religieux comme principale raison de la dénatalité et de l’émancipation de l’individu. Depuis le mouvement des Lumières et la fin du xviiie siècle, la liberté est devenue une valeur essentielle à l’homme. À travers elle, l’être humain veut pouvoir trouver en lui-même les préceptes de sa propre morale86. De ce fait, le sentiment religieux se refroidit, provoquant une distanciation entre la morale conjugale et la morale chrétienne. Dans leurs observations, les natalistes constatent avec effroi le développement de l’amour libre, le relâchement des liens matrimoniaux et l’instabilité de la vie conjugale qui en résulte. Pire, les femmes perdraient leur instinct maternel et les familles essayeraient de se soustraire aux devoirs que la nature et la société leur imposent87. Des « considérations égoïstes et utilitaires » prennent donc le pas sur la foi religieuse : les hommes recherchent désormais le bien-être personnel.
33Le modèle familial bourgeois devient la norme. Celui-ci exalte la famille en tant qu’idéal qualitatif et non plus quantitatif : ce qui compte, c’est la dignité de la famille et non plus son côté prolifique88 Ainsi, la grande révolution démographique du xixe siècle apparaît liée à la modification d’un état de conscience : l’idée que l’on se fait de la famille et de l’enfant89. Pour beaucoup de couples, la famille nombreuse est synonyme de privations excessives, surtout elle risque de leur faire perdre un degré dans l’échelle sociale au moment même où des innovations et mesures sociales les aident à transgresser les clivages sociaux90. La cause primordiale de la dénatalité est bel et bien la restriction volontaire des naissances que fait triompher le développement d’une nouvelle mentalité dont est issu le néo-malthusianisme. La multiplication de l’avortement n’est qu’une expression de cette mentalité. Certes, l’interruption de grossesse est un facteur qui favorise la dépopulation, mais sa suppression ne parviendra pas à éradiquer les nouvelles idées qui se propagent et s’affirment dès la fin du xixe siècle. Dans le déclin de la fertilité, le facteur explicatif est avant tout d’ordre culturel91. Peu d’auteurs de l’époque recherchent toutefois l’origine de cette mentalité. Seuls quelques-uns s’y hasardent et avancent, tel le démographe Jacquart, le rôle joué par les conditions économiques et sociales de la société d’alors. Pour le docteur Raoul De Guchteneeere, adjoint à la maternité Fondation Lambert de Bruxelles, c’est l’urbanisation qu’il faut pointer du doigt. La grande ville aurait sur la femme une influence « débilitante », provoquant chez elle une « mutation biologique » la rendant incapable de supporter des maternités répétées92.
34Certains travaux récents sur la dénatalité ont tendance à voir dans l’industrialisation et le mouvement de concentration dans les villes l’origine du phénomène93. Selon ces auteurs, la généralisation du salariat et la hausse des salaires auraient provoqué une amélioration du niveau de vie et la création d’une nouvelle mentalité : celle de la prévision. Cette société naissante prône et valorise un idéal d’ascension qui transcende les classes sociales. On prend peu à peu conscience que l’on peut vivre autrement et que l’avenir des enfants peut être plus prestigieux. De là vient l’idée bien arrêtée qu’il ne faut pas dépasser un certain nombre d’enfants, si l’on veut leur assurer un avenir choisi94. Pour les tranches de la population plus aisées, c’est la préservation et l’amélioration de ce progrès social qui est le moteur de la transition. Pour les couches plus pauvres de la société, c’est l’accès à ce développement socio-économique qui est visé. Mais cette explication résiste-t-elle aux faits ? Ce sont la France et les USA qui ont amorcé le mouvement de déclin de la natalité fin du xviiie siècle, soit avant leur industrialisation. Ces deux nations venaient alors de vivre une révolution politique95. Si aujourd’hui, les origines de cette révolution démographique restent controversées, les chercheurs ont néanmoins coutume de présenter la transition démographique comme un facteur de tout un monde qui bascule et se transforme radicalement. On est loin de l’explication des natalistes de l’époque, laquelle peut se résumer en deux mots : décadence morale. Pour les repopulateurs, le combat suprême consiste à lutter contre les tares qui mènent peu à peu le pays à l’abîme et à la décadence : l’égoïsme, l’esprit de jouissance, l’immoralité, tous trois descendant d’un athéisme croissant. Il leur faut opposer « à toutes les doctrines destructives des doctrines créatrices, à tous les courants de défaite des courants de régénération salutaire »96
35Dans les années qui précèdent la Première Guerre mondiale, les natalistes préconisent essentiellement des mesures morales capables d’« endiguer la vague insensée de jouissance »97. À aucun moment, ils n’envisagent des mesures pour pallier les difficultés financières des familles. Le mal n’est nullement économique, il est moral. La croisade pour la repopulation passe par une autre croisade, celle de la rechristianisation du pays, condition nécessaire à la restauration de la famille. Il faut raviver le sentiment religieux au sein de la population et la notion de sainteté du mariage au sein des couples. Des principes tels que l’amour du devoir et de la patrie, le respect de l’autorité et le sens familial doivent être inculqués. De plus, les professions médicales – notamment les sages-femmes –, soupçonnées de pratiquer ou du moins de prêter main forte aux avortements, doivent être plus rigoureusement contrôlées. Une polémique, née dans les années 1880, éclate à propos du secret médical : le médecin peut-il ou doit-il dénoncer les avortements98 ? Cette question engendrera un long débat après la guerre. La solution pour endiguer la dénatalité réside donc dans la moralisation de la vie publique et privée : il s’agit alors essentiellement de régénérer pour mieux repeupler. La Première Guerre mondiale et son terrible bilan final vont quelque peu changer la donne.
36Avec la montée du péril allemand et le danger de guerre imminente, la chute de la natalité devient tragique puisqu’elle contribue à affaiblir le pays face à l’ennemi. En limitant ses naissances, la nation réduit aussi ses propres chances de victoire face au colosse allemand et se condamne elle-même à la défaite. La menace allemande grandissante précipite l’avortement au rang de crime antipatriotique. La peur démographique, désormais associée au nationalisme, atteint son paroxysme à la veille du déclenchement du premier conflit mondial. Elle gagne les milieux politiques et militaires. À partir de 1911, l’angoisse de la disparition du pays, absorbé par une Allemagne à la démographie dynamique, devient plus concrète. Ce phénomène est surtout perceptible en France, un pays qui a la redoutable impression de devoir lutter sur deux fronts : le front militaire et le front intérieur. La dépopulation fait alors peser sur la survie de la nation un danger tout aussi redoutable que l’ennemi allemand. Dans ce contexte, le néo-malthusianisme et l’avortement clandestin sont stigmatisés comme les agents de l’ennemi. Les discours alarmistes des populationnistes les présentent comme des traîtres au service de l’Allemagne, conspirant avec elle pour faciliter la ruine du pays99. Le néo-malthusianisme ne se relèvera pas de la Première Guerre mondiale. Le conflit met à l’honneur les populationnistes qui associent la défense de la famille nombreuse à celle de la patrie.
37L’avortement clandestin devient une question brûlante dans un pays occupé par l’ennemi. Recourir à des manœuvres abortives au moment où meurent des centaines de milliers de soldats alliés, c’est contribuer à réduire l’énergie de la nation. C’est surtout donner une chance en plus à l’occupant de s’imposer définitivement et de corrompre la race. Si l’avortement est véritablement diabolisé comme profitant à l’ennemi, il n’en reste pas moins largement pratiqué. C’est que la trop longue séparation des couples facilite l’adultère, et donc, à terme, la nécessité d’effacer la preuve de la faute. Mais ce n’est pas l’avortement de l’enfant illégitime ou adultérin qui va provoquer une polémique au début de l’occupation, cet avortement-là existe déjà en temps de paix. Le débat porte sur l’enfant de l’ennemi. Peut-on tolérer l’avortement de femmes violées par des soldats allemands ? Fin de l’année 1914, un prêtre belge encourage les femmes de son auditoire, violées par l’envahisseur, à avorter100. L’avortement est ainsi recommandé en chaire par un homme d’Église. Au-delà de la controverse provoquée par ce curé, se cachent une multitude d’interrogations, dont la première concerne le sort à réserver aux enfants du viol :
38faut-il les supprimer, les abandonner ou les conserver ? Chaque solution comprend son lot de soucis. Ainsi, dans la mesure où on légalise l’avortement pour les femmes violées par l’ennemi, comment empêcher que ne s’ouvre définitivement la voie à l’avortement libre ? Si, toutefois, on se refuse à suspendre la répression pour ces femmes, quel sera le destin de ces mères condamnées à élever un enfant imposé par un ennemi détesté ? Comment sera maintenu l’équilibre au sein de leur famille ? Et question cruciale : quel sera l’avenir de cet enfant mi-germain, mi-belge ? Quel sera le poids de son hérédité paternelle ? Car la crainte fondamentale est la germanisation, la « barbarisation » de la « race » belge ou française. Là s’exprime avec force la culture de guerre et ses hantises. Le pays occupé redoute d’être intoxiqué par des enfants ayant des gènes allemands.
39Cette question de la suppression de l’enfant de l’ennemi provoque une vive polémique en France. En 1915, le gouvernement rejette la solution abortive ; il préfère faciliter l’abandon. Les valeurs maternelles, l’éducation et la morale l’emportent sur la logique de haine à l’égard de l’Allemand101. La maternité n’abdiquera pas102. La menace de la légalisation de l’avortement est plus forte que celle de la germanisation du pays. Les défenseurs de la morale traditionnelle refusent que les conditions de guerre renversent les valeurs d’avant-guerre. Accepter l’avortement confirmerait, selon eux, l’état de dégénérescence morale dont souffrait déjà le pays avant-guerre. Or, la guerre doit permettre à la Belgique, comme à la France, de vaincre ses laideurs morales, car la victoire appartiendra à la nation et aux individus possédant la morale la plus pure, celle qui leur permettra de résister jusqu’au bout. Propulsé au cœur d’une guerre totale, le peuple, soutenu par les moralistes, aspire à un monde meilleur. Au lendemain du conflit, le pays doit renaître. Cette régénération s’accompagne d’une épuration : la nation doit se débarrasser de ses ennemis intérieurs et redonner un dynamisme à sa démographie103. Le conflit est un tournant idéologique qui réhabilite la famille et qui impose une exigeante morale sexuelle et familiale. En 1918, l’Allemagne est vaincue. L’ennemi de l’intérieur est, quant à lui, toujours bien présent. La guerre à la dépopulation se poursuit. L’entre-deux-guerres exacerbe, dans un conflit devenu très inégal, l’affrontement natalistes-malthusiens. Des mesures pour mettre un terme à « la peur de l’enfant »104 doivent être prises.
40Au sortir de la guerre, le problème de la repopulation s’impose aux autorités publiques. La France se dote rapidement d’un Conseil Supérieur de la Natalité afin d’ériger une véritable politique nataliste105. Pareil conseil ne verra jamais le jour dans notre pays, pas plus qu’une politique systématique et coordonnée pour relever la natalité ne sera mise sur pied. L’influence française est pourtant très présente. La France sert à la fois de contre-modèle et d’exemple : de contre-modèle pour sa dénatalité effrayante que la Belgique espère ne jamais atteindre, d’exemple pour son dynamisme à l’enrayer et sa volonté de purifier le pays. Après 1918, les tentatives pour endiguer le fléau de la dénatalité se déploient sur de nombreux tableaux : moraux, financiers, économiques, politiques et sociaux. La lutte morale, credo des natalistes d’avant-guerre, reprend de plus belle après le conflit. Elle a pour principal objectif de redonner le goût de la procréation au peuple. La Ligue mariale contre l’Immoralité, fondée en 1914, se développe en 1920 avec l’appui du cardinal Mercier. La Société médicale belge de Saint-Luc mène, quant à elle, une véritable offensive en faveur de la maternité et de la famille nombreuse. À ses yeux, on ne devient vraiment femme qu’en étant mère... de plusieurs enfants : « Pour bien des femmes, il faut deux ou trois naissances avant que le développement physique et même psychique ne soit complètement achevé. »106 Dès 1921, la Ligue des Familles nombreuses prête main forte à cette campagne populationniste107. Le procureur Terlinden en appelle à la formation d’une « véritable croisade » qui grouperait « les hommes de cœur pour la défense de la famille et l’amour de la patrie »108. En 1925, des ‘Ligues pour le Relèvement de la Moralité Publique’ éclosent dans de nombreuses régions du pays. Elles entendent travailler au « bonheur des individus comme à la prospérité des familles et à la grandeur de la Patrie ». 109 Elles s’attèlent donc à mettre en place une « entreprise de purification (...) contre une immoralité génératrice de dénatalité et d’avortement ». Face à ces pressions univoques, le mouvement néo-malthusien ne peut faire contrepoids.
41La femme fait alors l’objet de toutes les attentions et de toutes les sollicitudes de la part des dirigeants. Son corps doit se réadapter à la fonction reproductrice. La maternité doit redevenir un devoir, une obligation sociale et non pas un droit. L’« intermède » de la guerre, qui a permis à la femme de participer au monde du travail et d’acquérir une place plus importante dans la vie sociale, est terminé : elle doit retourner au foyer et à la vie privée. À la faveur de la crise des années trente, les milieux chrétiens espèrent même obtenir l’interdiction légale du travail salarié des femmes mariées110. Les discours natalistes n’auront de cesse de convaincre la femme qu’être mère est l’objectif principal, sinon unique de sa vie. L’enfantement permanent, voilà la vocation de la femme selon les populationnistes. Des organisations sociales apparaissent pour encadrer et guider les futures mères et les jeunes mamans. Tel est le cas de l’Œuvre Nationale de l’Enfance, fondée en 1919. Surtout le regard sur l’enfant évolue : il n’est plus perçu comme un petit être contribuant à accroître le budget familial, il devient l’enfant qu’il faut élever, éduquer et aimer. Dès la fin du XIXe, il est au centre des premières législations protectrices. L’enfant est à la fois un enjeu familial, social et patriotique. Il est à la base de la restauration de la race. Durant l’entre-deux-guerres, pour inciter les couples à « produire » des enfants, la maternité devient une fonction sociale protégée et même rémunérée111. Des aides économiques sont prévues pour soutenir les familles : la période inaugure le système d’allocations familiales et celui du congé de maternité112. Le but : faire prévaloir le principe de l’importance primordiale de la famille. Dans les années vingt, on avance même l’idée de rétablir les tours, qui au xixe siècle facilitaient l’abandon des nouveaux-nés. Ces tours étaient des sortes de guichets installés dans la façade des hospices qui permettaient de déposer anonymement les enfants que l'on souhaitait abandonner à la charité publique. Ce dispositif venait donc en aide à la femme et à l’enfant, que l’on sauvait du « spéculum meurtrier »113.
42Si ces mesures de persuasion atteignent leur objectif sanitaire et éducatif, elles ratent leur but procréateur. La fonction reproductrice recule au profit de la fonction éducative. Le goût de l’enfance n’est pas le goût des familles nombreuses. Les sollicitations ne font pas remonter la natalité : les femmes résistent et continuent à contrôler leur maternité. Le législateur décide d’intervenir et de mettre fin à ce que l’on considère depuis longtemps comme la cause principale du manque de naissances : la propagande anticonceptionnelle et abortive.
2. Analyse de la révision de l’article 383 du Code pénal : la propagande anticonceptionnelle et abortive sur la sellette114
43La révision de l’article 383 du Code pénal belge s’inscrit parfaitement dans l’atmosphère angoissante de dénatalité et de corruption des mœurs propagée par les repopulateurs et autres moralistes. Elle est le reflet d’une réaction sociale contre le mouvement antinataliste. Elle s’inspire largement de la loi française du 31 juillet 1920, laquelle lutte aussi contre la provocation à l’avortement et la propagande anticonceptionnelle. L’examen des débats parlementaires qui ont précédé l’adoption de la loi, en Belgique, prouve que cette question de la dépopulation hante sinon tous les dirigeants politiques belges, du moins la tendance catholique de ceux-ci. En effet, au lendemain de la prise de position du cardinal Mercier, une campagne catholique s’organise pour combattre la restriction de la procréation. Une volonté de réforme pénale, censée enrayer ce fléau, couve depuis ces années d’avant-guerre. Elle entend faire de toute propagande en faveur de la limitation des naissances un outrage public aux bonnes mœurs. Toutefois, de nombreuses péripéties empêchent le projet déposé initialement en 1913 par le catholique Carton de Wiart de se concrétiser. Le 2 février 1922, le projet est de nouveau envisagé. Il aboutit le 20 juin 1923. En dix ans, Carton de Wiart n’a donc jamais renoncé à cette réforme. À ses yeux, il s’agit « d’un problème délicat, grave et urgent » que le législateur doit prendre en compte. L’intervention du droit dans ce domaine est perçue comme indispensable pour « adapter la défense sociale aux nécessités que révèle l’évolution des mœurs »115. En d’autres termes, l’État se sent menacé par l’évolution des mœurs. Comment le législateur envisage-t-il de le protéger ?
2.1 Les modifications
44À l’origine, l’article 383 du Code pénal punit la diffusion de l’immoralité par « la vente, l’exposition ou la distribution des chansons, pamphlets ou autres écrits imprimés ou non, des figures et des images contraires aux bonnes mœurs »116. La loi de 1923 réorganise quelque peu ces paragraphes : d’une part, elle renforce, par l’alinéa 4, la répression de la diffusion de l’obscénité en condamnant désormais la fabrication, l’importation, le transport, la remise à un agent de transport ou de distribution et l’annonce d’objets contraires aux bonnes mœurs en vue de leur commerce ou de leur distribution ; d’autre part, et là se trouve la principale réforme, elle introduit les alinéas 5 à 9 relatifs à la diffusion des moyens abortifs et procédés anticonceptionnels. Leur addition rompt l’homogénéité de l’article 383 puisque ce dernier, dorénavant, ne réprime plus seulement la lubricité, mais également ce qui empêche la conception. Les peines consistent en un emprisonnement de huit jours à six mois et/ ou en une amende de 26 à 500 francs.
45L’assimilation avortement-contraception est dénoncée dans les milieux de gauche. Selon le député socialiste Eeckelers, « il est bien connu que là où on utilise des anticonceptionnels il n’y a pas d’avortement et là où il y a avortement, il n’y a pas eu d’anticonceptionnels utilisés »117. Si l’avortement est unanimement condamné pour son danger, certains socialistes ne voient rien d’immoral dans le recours à la contraception. C’est sur elle que se concentre donc l’essentiel des débats. Il est vrai que dans ce domaine le projet va résolument à l’encontre des pratiques. Pourtant, à bien en lire les débats parlementaires, la vente des anticonceptionnels reste légale. Ce qui est interdit, c’est leur exposition, leur distribution, et leur réclame via un moyen de publicité. Ce que la loi veut empêcher, c’est la tentation permanente, attirant le regard du passant et constituant une espèce de propagande par le fait. La fabrication ou la détention pour un usage personnel ou privé ne tombera donc pas sous le coup de la loi nouvelle. Le législateur a conscience qu’il ne peut prohiber la vente de contraceptifs car certains servent aussi de précautions hygiéniques contre les maladies vénériennes. Ce n’est pas le cas de l’avortement.
46En matière d’avortement, la loi de 1923 radicalise et élargit la répression. Jusqu’ici, la loi se bornait à poursuivre les femmes qui avortaient et les tiers qui y contribuaient. Dorénavant, elle s’étend à ceux qui suggèrent l’infraction. Les alinéas 5 et 6 du nouvel article 383 visent non seulement la publicité et la réclame en faveur des moyens abortifs et des personnes qui les appliquent (alinéa 5), mais aussi directement la vente – et cela le distingue de la contraception – des « drogues ou engins spécialement destinés à faire avorter une femme ou annoncés comme tels ». L’auteur de la proposition de loi, Carton de Wiart, explique que
ce que le texte prétend avant tout atteindre, c’est la licence absolue aujourd’hui laissée à des trafiquants sans vergogne de fabriquer, d’étaler, de vendre, d’annoncer des engins ou des drogues dont la destination spéciale est de provoquer l’avortement. Les chiffres et les autorités qui ont été invoqués dans notre premier débat démontrent combien il est urgent de remédier à ce mal, ainsi qu’on l’a fait dans d’autres pays118.
47Tous les parlementaires sont unanimes à condamner l’avortement comme un crime, contre la vie, d’abord, mais aussi contre la femme, qui s’expose à de longues et pénibles maladies et dans le pire des cas à la mort. C’est pourquoi, ils jugent nécessaire d’étendre la répression à ceux qui encouragent les femmes, voire même les incitent à l’avortement car, si recourir à l’avortement est criminel, en vivre est encore pire119. Par ces deux nouveaux alinéas, Carton de Wiart souhaite « remonter [...] de l’effet à la cause et de la victime, même volontaire, d’un délit de plus en plus fréquent à l’entrepreneur de ce délit. La logique, la justice distributive recommandent cette réforme »120. L’ancien ministre de la justice pense-t-il atteindre la racine du mal en interdisant toute propagande et même la vente de moyens abortifs ? Dans le cadre de la lutte contre l’avortement, le Code pénal est certes amélioré, mais ces nouvelles dispositions n’atteignent pas les manœuvres abortives elles-mêmes. Elles n’envisagent le moyen abortif qu’en fonction de l’outrage aux mœurs. Pourquoi ne pas avoir placé ces mesures au sein des articles 348 à 353, comme le suggère le socialiste Piérard ? En faisant de la propagande abortive un outrage à la pudeur publique, le législateur a, semble-t-il, voulu protéger deux valeurs : l’ordre social et la moralité publique, et non spécifiquement l’ordre des familles121. C’est ainsi que la loi de 1923 peut être présentée à la fois comme une loi nataliste et moraliste.
2.2 L’expression d’un souci nataliste
48L’introduction des alinéas 5 à 9 est le résultat d’une constatation : la multiplication de la publicité en faveur de la limitation des naissances. Celle-ci est le signe tangible que la pratique contraceptive et abortive est non seulement entrée dans les mœurs mais qu’elle s’organise au sein d’un véritable marché. Les tabous s’effondrent. Pour Carton de Wiart, ce « négoce [...] s’étale avec une véritable impudence »122. Pareil commerce est scandaleux. Déjà en 1913, dans le rapport faisant suite au projet initial de Carton de Wiart, le catholique Woeste avait souligné cette « conspiration » dont le but était « par tous les moyens de stériliser les mariages »123 En 1923, on retrouve les mêmes conceptions religieuses de la sexualité. La commission du Sénat affirme la nécessité de condamner « une propagande intéressée, dont le résultat et (peut-être) le but est de discréditer, sinon même d’avilir, l’idée de paternité ou de maternité chez les hommes et chez les femmes dont dépend l’avenir de la race »124. Et là se situe le véritable enjeu, car si la contraception et l’avortement sont des menaces pour la conception chrétienne du mariage et de la famille, elles le sont surtout pour la nation. Pour la majorité des parlementaires qui assistent aux débats, l’enseignement de ces pratiques menace l’existence même de la race et constitue donc un péril pour la société entière. « Un peuple atteint du fléau de la dépopulation 'roule inconsciemment vers le néant' 125 ». Dans la logique du temps, les parlementaires y voient une des conséquences principales de l’abaissement de la natalité en Belgique. Ce mal qui ronge la société belge est même jugé plus meurtrier que la guerre qui vient de se terminer126. « Le problème visé est l’un des plus graves et des plus urgents qui puissent se poser à l’attention du législateur puisqu’il touche aux intérêts vitaux du pays et que, de sa solution, peut dépendre l’existence même du peuple belge »127
49Bien évidemment, les défenseurs de la proposition de loi s’appuient sur les chiffres de la démographie belge pour mettre en avant le danger d’effondrement du pays. Le socialiste Piérard, véritablement opposé au projet, insiste sur le « fait que, malgré la baisse de la natalité, la Belgique conserve la plus forte densité de population du monde au point de vue relatif », élément passé sous silence par ses collègues et qui risque pourtant de conduire à une situation angoissante si les Belges ne s’expatrient pas ou ne réduisent pas leurs naissances128. Piérard veut ainsi démontrer que les chiffres statistiques sont aléatoires et peuvent être orientés pour répondre à un souci précis. Quoiqu’il en soit, cette remarque socialiste n’empêche pas les défenseurs de la loi de la présenter comme une « arme » apte à défendre la société contre un double danger. Surtout, les parlementaires doivent supprimer « l’idée qui a fait son chemin chez beaucoup de personnes selon laquelle 'avoir moins d’enfants' n’est pas immorale mais plutôt une vertu familiale et sociale »129. Leur véritable ennemie est la déchéance morale. Le remède s’impose. Députés et sénateurs agissent comme de véritables populationnistes : ils sont patriotes et moralistes.
2.3 Une loi de moralité publique
50Au lendemain d’une guerre qui fut totale, la Belgique, comme sa voisine française, est en quête de renaissance, de régénération, de résurrection, ce qui induit une lutte contre les ennemis du dedans. Bien évidemment, les inciviques, qui ont trahi leur patrie en se fourvoyant avec l’ennemi, sont traqués. Mais « l’œuvre de restauration nationale » suppose également un assainissement de la morale. Aussi en matière de mœurs, « le pays attend l’épuration nécessaire »130. Pour Carton de Wiart, c’est un devoir du législateur que d’agir dans pareil domaine. Une affaire aussi privée que la contraception devient ainsi une affaire publique. Mais la loi peut-elle s’immiscer de la sorte dans ce qui relève de la morale privée ? N’atteint-elle pas à la liberté individuelle de l’homme ainsi qu’à sa liberté d’opinion ?
51Les partisans de la réforme estiment que la liberté de conscience n’est pas arrêtée puisqu’il s’agit uniquement de protéger la pudeur publique et l’ordre des familles, sur lesquels repose en définitive tout l’édifice social et national. D’emblée, Carton de Wiart souligne que « la loi ne peut pas se substituer à la morale [...] mais elle doit faciliter la tâche de la morale »131. En 1913, Woeste déjà, pressentant sans doute cette question, stipule que « toute la morale ne peut [certes] pas passer dans le droit ; mais le droit doit consacrer toutes les obligations morales dont le respect constitue une condition de vie et de force, ou si l’on veut d’existence pour la société »132. En d’autres termes, la loi de 1913 entend protéger la dignité morale pour le bien de la nation. Elle n’est pas, comme tient à le préciser son auteur, « l’expression d’un puritanisme ou d’un rigorisme qui prétendrait transformer le Code Pénal en une sorte de programme moral ou confessionnel »133. Pourtant, les socialistes ne partagent pas ce point de vue. Piérard, surtout y voit « une immixtion intolérable de la loi dans un problème moral ». La proposition serait, selon lui, inspirée d’un « credo religieux »134. Son collègue Ernest la qualifie, quant à lui, « d’offensive confessionnelle »135. Vandervelde, figure importante du Parti Ouvrier Belge et ancien ministre de la justice, va dans le même sens. La gauche craint une confessionnalisation du Code pénal. C’est à ce sujet que les protestations sont les plus nombreuses. Subtilement, un amendement est introduit en mai 1922 par la commission de la Chambre, il vise à substituer le mobile de lucre à celui de la perversité en matière de diffusion d’écrits de propagande anticonceptionnelle. L’alinéa 8 de l’article réprime donc la propagande intéressée, celle guidée par l’amour du gain. Pour ce qui est du mobile des autres alinéas introduits en 1923, il n’est rien précisé dans le texte. On peut supposer qu’il s’agit de la perversité ou de la volonté de contribuer à la limitation des naissances, ce qui est du pareil au même pour les défenseurs de la réforme. En aucun cas, la proposition ne tient à inquiéter le monde scientifique ou médical. La différence entre une propagande immorale favorisant la débauche et un enseignement universitaire inculquant l’art de guérir saura être faite par les juges. C’est du moins ce que l’on affirme en théorie.
2.4 Une révision critiquée ?
52Ce que la loi de 1923 souhaite voir, au fond, disparaître, ce n’est rien d’autre que la limitation des naissances. Ce qui heurte le plus ses auteurs moralistes, c’est la liberté sexuelle qui se développe. Or, tous les parlementaires ne sont pas opposés aux théories de restriction des naissances, certains – des socialistes surtout – y sont même plutôt favorables. Ces derniers sont surtout conscients que, contrairement à ce que prétend le catholique Carton de Wiart, la continence est impossible à pratiquer pour des couples cohabitant136. Toutefois, ces « pro-contraception » ne prônent pas le recours aux anticonceptionnels en vertu du droit de l’individu à disposer de son corps mais plutôt pour consacrer l’amélioration de la race ou enrayer l’avortement. Ainsi, ils défendent certaines formes de propagande anticonceptionnelle mais récusent l’avortement.
53Vandervelde, leader écouté des socialistes, en est le meilleur exemple. Se déclarant favorable aux familles nombreuses – pour autant qu’elles soient capables d’élever leurs enfants – et hostile à la propagande néo-malthusienne, il préconise le recours à la contraception pour, d’une part, préserver la santé de la mère qu’une nouvelle grossesse viendrait mettre en danger et, pour, d’autre part, empêcher la naissance d’êtres « indésirables », c’est à dire des enfants « d’alcooliques, d’avariés, de tuberculeux, d’anormaux, de dégénérés de toute espèce »137. En somme, il préconise une restriction dans une perspective d’eugénisme « positive » et cela pour la qualité de la nation. De plus, il respecte les partisans du néo-malthusianisme car tous ne « peuvent être soupçonnés de vouloir en quoi que ce soit outrager les mœurs ». Ainsi, il rappelle que parallèlement aux théories natalistes, « un grand nombre de médecins, d’économistes, des sociologues [...], pour combattre le paupérisme, expriment l’avis qu’il faut limiter le nombre des conceptions »138. En filigrane, il reconnaît donc que le néo-malthusianisme n’est pas foncièrement nuisible à la société. Ce qui est subrepticement admis par Vandervelde, est vivement défendu par son collègue socialiste, Victor Ernest. Figure marquante de l’histoire du mouvement néo-malthusien belge139, le député socialiste déclare ainsi, à contre-courant de l’idéologie dominante de son temps, que la théorie anticonceptionnelle, « qui doit avoir comme toute autre la liberté entière d’expression et de propagande, est essentiellement morale et favorable au maintien des bonnes mœurs »140. Quel est son argument pour affirmer aussi clairement son adhésion à la contraception ? Chez lui, c’est moins le souci eugénique qui prime, que la volonté d’enrayer l’avortement. Or, la loi en assimilant contraception et avortement et en interdisant de fournir aux couples des renseignements sur les moyens d’éviter préventivement des grossesses risque, paradoxalement, de provoquer une augmentation des avortements. Là est, selon le député, le danger de la loi : elle n’atteindra pas le but poursuivi dans le domaine de la répression de l’avortement. Contrairement aux initiateurs de la réforme pénale, Ernest, soutenu par son collègue Eekelers, voit dans le néo-malthusianisme une action « qui tend (...) à empêcher l’avortement puisqu’elle tend à rendre la procréation consciente (...) Le néo-malthusianisme tend ainsi à éviter les naissances au hasard, les naissances non-désirées »141.
54L’avortement reste un crime, tout comme d’ailleurs, la mise au monde d’enfants dont l’on sait d’avance qu’ils seront malheureux. Seul le recours aux anticonceptionnels peut éviter ces deux ordres de choses. Le socialiste Piérard est sans aucun doute le plus progressiste en matière de maîtrise de la fécondité. Il n’hésite pas à clamer « le droit à la limitation consciente des naissances »142. Il va jusqu’à prendre des accents féministes face à une réforme qui fait de la maternité une obligation pour la femme. Aux moralistes natalistes, ils adressent les mots suivants :
Permettez-moi d’ajouter, messieurs, qu’il y a une chose dont vous ne paraissez guère vous soucier. Vous n’avez pas encore parlé des souffrances de la mère qui doit enfanter, de cette chose douloureuse et sublime qu’est la grossesse d’une femme, que sont les douleurs de l’enfantement. (...) Après la naissance commence encore l’esclavage de la mère qui doit élever l’enfant et le veiller quand il est malade. Je vous reproche de ne pas tenir compte de ce sacrifice qui, à vos yeux, a quelque chose de sacré (...)143.
55Lui aussi, pourtant, appelle une répression plus accrue de l’avortement. Si la contraception est admise par certains, aucun parlementaire ne se prononce donc en faveur d’une dépénalisation de l’avortement clandestin. Personne ne discute le caractère criminel de cette pratique. Au contraire, tous, à leur manière, souhaitent éradiquer ce mal et veulent obtenir qu’il soit enfin effectivement poursuivi. Les parlementaires cristallisent donc sur l’avortement leur désir de répression. Peu de débats concernent directement l’interruption volontaire de grossesse puisque tous les intervenants partagent en substance les mêmes opinions à ce sujet. La contraception, par contre, est loin de faire l’unanimité.
56Quoique peu nombreux, les débats n’en sont pas moins houleux. Les opposants à la réforme ont conscience que la loi va à contre-courant des pratiques. Ils reprochent à ses instigateurs l’intransigeance d’une position en décalage avec leur époque, dictée par des références bibliques. L’examen des débats parlementaires nous montrent donc que l’angoissante dénatalité ne condamne pas pour autant tout contrôle de la fécondité. La brèche ouverte par le néo-malthusianisme en faveur d’une maternité consciente n’est pas complètement étouffée par la propagande des moralistes et des patriotes. Sur les treize parlementaires intervenant aux débats, sept – socialistes – ont un avis mitigé sur la nécessité et l’efficacité d’une telle loi144. Mais seuls deux d’entre eux – Ernest et Wittemans – défendront ouvertement et courageusement les bienfaits de la doctrine néo-malthusienne. Ils plaideront également pour la légalisation des méthodes contraceptives. Quant à Piérard, il appelle tout bonnement à ne pas sanctionner le projet. Il est vrai qu’on pourrait se demander à quoi servira une loi qui, sans en interdire la vente, réprime la propagande des anticonceptionnels. Qu’espère-t-on changer avec une loi qui condamne la diffusion mais pas l’utilisation ? Si on peut supposer que ses auteurs souhaitent mettre fin aux atteintes à la moralité, on doute toutefois qu’ils aient la prétention de changer des comportements aussi intimes que ceux relevant de la pratique sexuelle des couples. Au fond, leur « tactique » pour lutter contre la limitation des naissances consiste à priver le peuple d’informations en la matière. Le réformateur de 1923 souhaite revenir à cette douce période où la population ignorait tout des procédés de restriction des naissances. Officiellement toutefois, il se dit uniquement guidé par le souci de la préservation morale de la jeunesse. La pudeur publique est protégée et la femme condamnée à remplir son devoir de maternité. Pour Eekelers, cette loi est « un palliatif qui ne résoudra rien ». L’accent doit être mis sur l’amélioration des conditions d’existence de la classe ouvrière145. Vandervelde partage cette opinion et demande, ironiquement que la bourgeoisie donne l’exemple en matière de restriction. Ainsi, les récalcitrants à la réforme insistent sur le fait qu’il faut lutter sur un autre front que celui de la morale. Piérard préconise une éducation sexuelle du peuple. Son collègue socialiste, le sénateur Wittemans, est convaincu que seule une amélioration pourra être obtenue par la combinaison de changements tant des facteurs économiques et moraux que philosophiques et économiques146. Remmortel appelle à une révision du Code civil pour améliorer le sort des femmes ainsi que celui des enfants illégitimes147. Les esprits foisonnent pour trouver un remède à la dénatalité.
57Après quelques amendements qui en atténuent la portée mais sans en changer le fond, la loi est finalement votée. Même Emile Vandervelde et Jules Destrée en adoptent le texte. Les quelques voix socialistes dissidentes et progressistes qui se sont exprimées lors des discussions parlementaires ne représentent, en fait, qu’une minorité au sein des parlementaires socialistes. La plupart, influencés par l’air du temps, approuvent l’initiative catholique. La loi de 1923 fait l’objet d’un consensus mou, chacun s’accordant sur les dangers de l’avortement et les conséquences déplorables d’une dépopulation croissante tandis que d’autres s’opposent sur le caractère religieux d’une telle loi et sur la volonté d’entraver la restriction des naissances. Que change concrètement l’application de cette loi ?
2.5 Au lendemain du 20 juin 1923…
58Sous l’effet de la loi, le redressement tant attendu de la morale et de la natalité va-t-il se produire ? Les pratiques anticonceptionnelles et abortives vont-elles s’estomper ? La nouvelle législation complique certes la formation de ligues néo-malthusiennes, toutefois, en matière d’avortement, la réaction pénale semble venir trop tard : la pratique s’est répandue et échappe à tout contrôle. C’est ce que constate le procureur général Terlinden en 1924, soit un an après l’entrée en vigueur de la réforme de Carton de Wiart. Il en veut pour preuve la quasi-absence de condamnations en vertu des alinéas 5 et 6 de l’article 383. Entre 1923 et 1924, Terlinden en relève tout au plus deux148. Pareil résultat pourrait laisser supposer que la loi a un puissant effet dissuasif. Les annonces dans les journaux disparaissent d’ailleurs rapidement 149. Cependant, cela ne signifie nullement que la propagande abortive a pris fin. Elle a certainement pris des formes plus discrètes. Elle est désormais faite dans des termes qui lui assurent l’impunité, mais dont les initiés parviennent à découvrir la portée.
59Rapidement donc, la révision de 1923 livre ses lacunes. En ne s’attaquant pas aux racines de l’avortement, elle le laisse proliférer. Elle oublie surtout que l’information orale prime entre les femmes. Elles n’ont point besoin d’écrits pour connaître les pratiques abortives : voisines, cousines, amies, sœurs leur transmettent aisément leur savoir. Ainsi donc, l’avortement est indifférent à la lutte qu’on lui mène. Dans les années vingt et trente, une ville comme Bruxelles acquiert même une certaine réputation internationale pour ses « avortariums », cliniques spécialisées dans l’avortement150. C’est pourquoi Terlinden axe ses mesures sur les maisons d’accouchements, lesquelles se multiplient alors que paradoxalement moins d’enfants naissent. La conclusion est évidente : ces maisons procurent des avortements. La profession des sages-femmes est mise sur la sellette. Le seul moyen de les atteindre passe, d’après le procureur général, par la suppression du secret médical en matière d’avortement151. Le médecin pourrait devenir dénonciateur. Cette réforme reste lettre morte. L’observance du serment d’Hippocrate est maintenue.
60En 1927, l’avocat général Dembour préconise l’instauration à l’instar de la France d’un Conseil Supérieur de la Natalité152. Il n’est jamais créé. En 1930, nouvelle offensive catholique avec l’encyclique de Pie XI Casti Connubii, qui veut promouvoir la doctrine du mariage chrétien. Le pape y redéfinit le mariage chrétien comme exclusivement « destiné à la génération » et condamne explicitement toute pratique contraceptive comme un péché. En matière d’avortement, Casti Connubii réaffirme le « Tu ne tueras point ». Les médecins ont le devoir de s’appliquer à sauver les deux vies, dont le prix est égal devant Dieu : celle de la mère et celle de l’enfant153. L’encyclique s’inspire fortement de la lettre pastorale du cardinal Mercier154. Animés d’une ardeur nouvelle, les catholiques belges reprennent la lutte. La société 'Saint-Luc' consacre, en novembre 1931, un congrès à la question de la dénatalité. Mais bientôt se profilent en Belgique les théories anglo-saxonnes du Birth Control.
61Dans les années trente, le droit de refuser la maternité s’affirme peu à peu dans les milieux féministes155. Surtout, une légalisation limitée de l’avortement est ouvertement réclamée par quelques progressistes156. Leur combat ne fait alors que commencer. En France, il doit faire face au durcissement de la répression sous Vichy. Le régime de Pétain, qui repose sur la formule « Travail, Famille, Patrie », impute à la dénatalité – et donc en partie à l’avortement – les causes de la débâcle française de mai 1940. L’avortement devient un crime d’État. Avec le maréchal, la lutte nataliste atteint son apogée. Le 30 juillet 1943, Marie-Louise Giraud, avorteuse, est guillotinée... pour l’exemple157.
62Dans les années cinquante, les mentalités évoluent : l’avortement s’inscrit progressivement comme un droit de la femme à disposer de son corps. Il est vrai aussi que de 1946 à 1975, la population française connaît un « baby boom ». Son niveau est très supérieur à celui de l’entre-deux-guerres158. Le contexte a changé. L’avortement clandestin est désormais un fléau parce qu’il tue et mutile des femmes. L’accusation se retourne : c’est la loi qui crée le crime. Si l’avortement est criminel, c’est justement parce qu’il est clandestin. Les mouvements féministes s’emparent avec ardeur de la question en prônant la maternité consciente. En 1975, la France franchit le pas avec la loi Veil : l’avortement est partiellement dépénalisé.
63Dans cette mesure « positive », la Belgique, pourtant souvent influencée par la France, n’emboîte pas le pas de sa voisine. Les incontournables clivages politiques de la société belge rendent l’adoption d’une telle loi difficile. La Belgique est l’un des derniers pays occidentaux à modifier sa législation sur l’IVG. Il faut attendre le 29 mars 1990 et pas moins de trente-trois propositions pour que la loi belge s’adapte enfin aux mœurs et reconnaisse un droit à l’avortement sous certaines conditions. Par la loi Lallemand-Herman-Michielsens, l’avortement devient un acte de la vie privée, relevant des seules conscience et morale personnelles de tout individu. Les articles 348, 349 et 352 sont maintenus. L’avortement sans le consentement de la femme, celui provoqué involontairement à la suite de violences volontaires et celui qui a entraîné la mort de la femme restent inscrits dans le Code pénal. L’article 353 est abrogé. Les médecins et sages-femmes ne seront dorénavant plus condamnés à des peines d’un degré supérieur. Les articles 350 et 351 sont modifiés : l’avortement ne constitue plus une infraction s’il est pratiqué par un médecin, dans un établissement de soins, dans les douze premières semaines de la grossesse. L’article 383, quant à lui, ne fait l’objet d’aucune réforme. Il est toujours inscrit dans notre Code pénal. Comme l’avait prédit le député socialiste Ernest, la loi de 1923 n’a jamais atteint son but, la natalité ne retrouvera jamais son niveau d’antan.
Conclusion
64Longtemps cantonnée à l’étroite sphère des sociétés savantes, la question de l’avortement devient une réelle question sociale et politique au début du xixe siècle. L’avortement s’inscrit alors incontestablement dans un contexte d’angoisse suscité par une natalité sans cesse décroissante. Il n’est plus seulement un problème exclusivement féminin allant à l’encontre de la morale et menaçant la famille. Il devient un danger pour l’État car il s’attaque à la vitalité même de celui-ci. La première moitié du xxe siècle est, sans nul doute, la période au cours de laquelle l’avortement est le plus stigmatisé tout en étant, paradoxalement, une pratique largement répandue. Sous l’influence du nationalisme, il apparaît comme un ennemi de la patrie qui affaiblit la race de l’intérieur. Les réformes législatives nous permettent de saisir les variations de perception de l’avortement.
65De 1791 à 1923, il est perçu comme un crime toujours plus grave. Jusqu’en 1867, il n’atteint « que » les personnes : femmes ou fœtus, la loi ne le précise pas. À compter du nouveau Code pénal, sa principale victime devient la famille. En 1923, un cran est encore franchi, l’avortement touche désormais la nation entière. C’est qu’entre-temps, la statistique démographique fait surgir le spectre de la dénatalité. Si les démographes éclairent le problème, ce sont principalement les moralistes et les ecclésiastiques qui vont l’expliquer, le commenter, l’interpréter surtout. Sans doute y perçoivent-ils l’opportunité de condamner ouvertement la « stérilisation » volontaire des mariages et de l’étendre aux non-catholiques. Ils font d’ailleurs l’impasse sur la baisse de la mortalité, notamment infantile, et l’apport des immigrés qui préservent le pays du déclin tant redouté. Le souci n’est plus seulement de nature dogmatique ou confessionnelle, il prend des allures nationales. La science démographique permet aux repopulateurs de défendre leur morale pour la sauvegarde d’une noble cause : la survie de la patrie. Les théories catholiques vont pouvoir s’appliquer à tous les Belges. Morale et patriotisme se liguent pour faire de l’avortement un crime contre la patrie. Menacé dans sa chair, l’État entend réagir.
66Jusqu’en 1867, le législateur estime qu’en matière de répression de l’avortement, c’est la loi qui est inefficace. C’est pourquoi, il la précise et l’étoffe lors de la révision du Code pénal. À partir des années 1900, les parlementaires se rendent compte que ce sont les principes mêmes de la répression qui sont inadéquats. D’après la logique nataliste, la recrudescence de l’avortement est la conséquence d’une morale douteuse. C’est donc sur le versant des mœurs qu’il convient de travailler. Pour relever celles-ci, les populationnistes envisagent d’abord la persuasion. Les discours se multiplient. Au lendemain de la Grande Guerre, la Belgique change de tactique : elle combine persuasion, mesures pénales et politiques d’encouragement à la natalité. Le caractère immoral et criminel de l’avortement est affirmé avec force. Toutefois, notre pays ne se dote pas, à l’inverse de la France, d’une véritable politique nataliste.
67Dans ce contexte, la loi de 1923 ne met pas fin à la contraception ou à l’avortement, même si telle n’est pas, à proprement parler, son but. Elle n’améliore pas non plus le sort des familles ouvrières chargées d’enfants. Elle apparaît comme une loi permettant à la morale de revêtir une belle façade. L’apparence est préservée : la propagande vantant la limitation des naissances ne s’étale plus aux yeux de tous. Elle n’en disparaît pas pour autant. Mais, tant qu’elle se cache, la morale est sauve. Telle semble être la logique du législateur. Cette révision de l'article 383 est véritablement l’expression de partisans des thèses populationnistes. On y retrouve les termes qui leur sont chers « natalité, moralité et patriotisme ». Il faut lutter contre l’immoralité pour relever la natalité et sauver la nation.
68Concrètement, la loi ne change rien. Le climat répressif, moralisateur et populationniste n’enraye pas la chute de la natalité. Toutefois, là où les contemporains de l’époque ne voient qu’une cause morale, n’aurions-nous pas tendance actuellement à y percevoir la naissance de notre société capitaliste et individualiste et donc à faire intervenir de manière plus importante le rôle joué parles difficultés économiques ? Économie, politique et morale doivent certainement être liés pour comprendre le changement de mentalité qui s’opère autour de la conception. Dans une société hantée par l’hécatombe et l’horreur qu’elle vient de vivre, le désir de mettre des enfants au monde sans véritables garanties quant à leur éducation et à leur avenir a dû être sérieusement ébranlé. Car, il ne faut pas oublier que la dénatalité voit le jour et grandit dans une Europe où ne cesse de planer une menace de guerre. Ainsi, la morale joue peut-être le premier rôle mais elle s’inscrit indéniablement dans un contexte, que l’on pourrait qualifier de peu favorable aux naissances. Les raisons profondes qui ont modifié le comportement des couples sont multiples et varient sans doute d’importance selon les régions et les époques.
69Enfin, il convient de souligner combien la contraception et l’avortement sont encore fortement liés dans les premières décennies du siècle passé. Certains les assimilent comme un même mal. D’autres, plus progressistes tentent de faire triompher l’idée que la contraception est le seul remède à l’avortement. Ainsi, tous les parlementaires s’accordent sur un point : l’avortement est un crime qu’il convient de réprimer plus sévèrement. C’est pourquoi peu de débats concernent directement le problème de l’interruption volontaire de grossesse : l’enjeu de la loi de 1923 est véritablement la contraception. Il faudra quelques années pour que ce combat devienne celui des femmes et non plus celui de la loi. Et encore quelques années pour que l’avortement devienne une liberté et un droit.
Notes de bas de page
1 Henry Carton de Wiart (Bruxelles, 1869-1951) : l’un des leaders du parti catholique, pionnier de la démocratie chrétienne. Il occupa, entre autres, comme fonctions ministérielles les postes de ministre de la justice de 1911 à 1918 et de Premier ministre et ministre de l’intérieur de 1920 à 1921. Yves-William Delzenne et Jean Houyoux (dir.), Le nouveau dictionnaire des Belges, T.1 (A-H), Bruxelles, 1998, p. 81.
2 Annales Parlementaires, Chambre des Représentants, 1921-1922, Discussions, 22 mars 1922, p. 458.
3 Chez les femmes de la bourgeoisie française, ce désir de limiter le nombre de leurs grossesses émerge toutefois à partir du xviie siècle, comme en témoigne la littérature de l’époque. Jeanne Pagès, Le contrôle des naissances en France et à l’étranger, Paris, 971 (Coll. « Bibliothèque de Sciences criminelles »), p. 72.
4 Expression employée par Oris, "La révolution au lit...", p. 41.
5 Francis Ronsin, La grève des ventres. Propagande néo-malthusienne et baisse de la natalité en France, xixe-xxe, Paris, 1980 (Coll. « Historique »), p. 15 et Le naour et Valenti, Histoire de l’avortement... ,p. 38.
6 Anne-Marie Sohn, Chrysalides. Femmes dans la vie privée (xixème-xxème siècles), Paris, 1996, t. II, p. 827.
7 Pagès, Le contrôle des naissances..., p. 55.
8 Roger-Henri Guerrand et Francis Ronsin, Le sexe apprivoisé : Jeanne Humbert et la lutte pour le contrôle des naissances, Paris, 1990, p. 37.
9 Paul Servais, Histoire de la famille et de la sexualité occidentale (xvième-xxème siècle), Louvain-la-Neuve, 1993 (Coll. « Pédasup »), p. 134
10 Philippe Ariès et George Duby (dir.), Histoire de la vie privée. t. 5 : Sophie Body-Gendrot, Rémi Leveau, Kristina Orfali, e. a., De la Première Guerre Mondiale à nos jours, Paris, 1987 (Coll. « L’Univers Historique »), p. 251.
11 Christiaan Vandenbroeke, Seksualiteit en vruchtbaarheidscontrole rond 1900. Een terreinverkenning, dans Tijdschrift voor Sociale Geschiedenis, 1978, p. 212.
12 Karen Celis, "Abortus in België....", p. 203.
13 Yvonne Kniebiehler, "Le pouvoir des mères", dans Luc Courtois, Françoise Rosart et Jean Pirotte (dir.), Femmes et pouvoirs. Flux et reflux de l’émancipation féminine depuis un siècle, Louvain-la-Neuve – Bruxelles, 1992 (Coll. « Recueil de travaux d’histoire et de philologie de l’UCL », 6ème série, fascicule 43), p. 48.
14 Annik Tillier, Des criminelles au village : femmes infanticides en Bretagne (1825-1865), Rennes, 2001 (Coll. « Histoire »)., p. 330.
15 Sohn, Chrysalides..., t. II, p. 887.
16 Karen Celis, "Abortus in België...", p. 207.
17 Cette méthode de continence périodique est découverte en 1930. Elle préconise l’abstinence pendant les quelques jours de fécondité féminine. Elle est admise par l’Église romaine car elle respecte les lois naturelles et divines du mariage. L’Église considère, en effet, que s’il existe des moments où la femme n’est pas fécondable, c’est parce que la Providence a voulu qu’il en soit ainsi. Les médecins populationnistes tolèrent cette méthode, mais ils la présentent surtout comme une solution pour espacer les naissances bien plus que pour les limiter. Fernand Boverat, La Résurrection par la natalité, Paris, 1943, p. 123.
18 Jean Du Jardin, Pourquoi encore réprimer la propagande anticonceptionnelle ?, dans Revue de Droit pénal et de Criminologie, 1961-1962, p. 744.
19 Jean Stengers, "Les pratiques anticonceptionnelles dans le mariage au xixème et au xxème siècles : problèmes humains et attitudes religieuses", dans Revue Belge de Philologie et d’Histoire, t. XLIX, 1971, p. 1129. S’ils exposent des images contraires aux bonnes mœurs - tel un schéma des appareils génitaux –, les néo-malthusiens tombent sous l’article 383 du Code pénal réprimant la propagande en faveur de la contraception et de l’avortement. Quelques années avant le docteur Mascaux, une femme a joué un rôle important dans la promotion d’idées malthusiennes – et non néo-malthusiennes – en Belgique : Emilie Claeys. Dès 1894, cette ouvrière flamande a publié dans le bimensuel De Vrouw un article de fond sur la limitation des naissances. La seule méthode qu’elle propose pour limiter la taille des familles est la continence périodique. Elle ne lie pas contrôle des naissances et libération sexuelle. À terme, selon elle, la sexualité devrait se réduire aux strictes nécessités de la reproduction. Hedwige Peemans-Poullet, "Féminisme et contrôle des naissances", dans Marie-Thérèse Coenen (dir.), Corps de femme. Sexualité et contrôle social, Bruxelles, 002 (Coll. « Politique et Histoire »), p. 133-136.
20 Denise Keymolen, La prise de conscience féminine de la domination sexuelle masculine (fin 19ème-début 20ème siècle) dans Courtois, Rosart et Pirotte (dir.), Femmes et pouvoirs..., p. 34.
21 Karen Celis, "Abortus in België...", p. 202.
22 Le naour et Valenti, Histoire de l’avortement.., p. 37.
23 Ibidem, p. 56-60.
24 A. Lemaire, Le suicide de la Belgique, Bruxelles, 1921, p. 6.
25 Désiré Mercier, Les devoirs de la vie conjugale, Louvain, 1910, p. 2.
26 Émile Dembour, Pour une politique de natalité. Discours prononcé à la séance solennelle de rentrée de la Conférence du Jeune Barreau de Liège, le 10 décembre 1927, Bruxelles, 1928 (Coll. « Études morales, sociales et juridiques »), p. 47.
27 Arthur Vermeersch, Le problème de la natalité en Belgique, Bruxelles, 1910, p. 5.
28 Lemaire, Le suicide..., p. 17-19.
29 Raiter, Avortement criminel..., p. 11.
30 Lemaire, Le suicide...., p. 21.
31 Dembour, Pour une politique de natalité..., p. 64.
32 Jacques et Michel Dupâquier, Histoire de la démographie. La statistique de la population des origines à 1914, Paris, 1985 (Coll. « Pour l’Histoire »), p. 13.
33 Camille Jacquart, Le problème de la natalité en Belgique. Rapport présenté au congrès de la ligue des familles nombreuses, Bruxelles, 1921, p. 1.
34 Vermeersch Arthur (Ertvelde, 1858-Louvain, 1936). Jésuite, moraliste, canoniste, sociologue, auteur spirituel. E. Berghien, "Vermeersch Arthur", dans Biographie nationale, t. XXXVIII, Bruxelles, 1973, col. 803.
35 Vermeersch, Le problème de la natalité..., p. 11.
36 Voir tableau et graphique en annexe B.
37 Ces chiffres sont fournis à titre personnel par Godelieve Masuy-Stroobant, chercheur qualifié honoraire du FNRS et professeur à l’Institut de démographie de l’UCL. De nos jours, le terme « naissances hors mariage » est préféré à celui de « naissances illégitimes », preuve de la banalisation de la procréation hors union légalement reconnue. Cette banalisation s’exprime par les chiffres également : depuis 1980, le pourcentage des naissances « hors mariage » par rapport au total des naissances vivantes augmente considérablement. En 1996, il s’élève à 19 %, soit près d’une naissance sur cinq. Godelieve Masuy-Stroobant, "Inégalités sociales et santé : le cas des enfants nés hors mariage", dans Reflets et perspectives de la vie économique, t. XLI, 2002, n° 3, p. 51-52.
38 Pour une meilleure vision de cette évolution, voir le graphique et le tableau en annexe B.
39 Comité d’Etude des problèmes de la dénatalité en Belgique, Le vieillissement de la population belge et le péril de la dénatalité, Bruxelles, 1952, p. 5
40 Roland Pressat, L’analyse démographique, Concepts-méthodes-résultats, Paris, 1983, p. 154.
41 André Dufrasne, Démographie de la Belgique de 1921 à 1939, Office central de Statistique, Bruxelles, 1943, p. 119.
42 Jacquart, Le problème de la natalité..., p. 1.
43 Cité dans Jean Stengers, "Les pratiques anticonceptionnelles...", p. 1172.
44 De plus, le service militaire généralisé n’est entré en vigueur qu’en 1913.
45 Valérie Piette et Éliane Gubin, "La politique nataliste de l’entre-deux-guerres", dans Coenen (dir.), Corps de femmes..., p. 115-116.
46 Ernest Mahain (dir.), La Belgique restaurée, Bruxelles, 1926, p. 20. Chiffre confirmé par les données de Mme Godelieve Masuy-Stroobant.
47 A. Lemaire, La Wallonie qui meurt. Étude sur la natalité en Wallonie, Bruxelles, 1920, p. 21
48 Comité d’Etude des problèmes de la dénatalité en Belgique, Le vieillissement de la population..., p. 5.
49 Dufrasne, Démographie de la Belgique..., p. 119.
50 La croissance de la population totale s’explique par l’introduction des deux autres facteurs de la démographie : la mortalité et les migrations. Ainsi, pendant que les naissances régressent, la mortalité décrit également une courbe descendante à partir de 1901. C’est surtout la baisse de la mortalité infantile qui est responsable de ce changement de structure de la mortalité. Au xxe siècle, la mortalité infantile a, en effet, baissé spectaculairement : en Belgique, elle passe de 179 pour mille en 1900 à 5,3 en 1996. Le déficit des naissances est donc compensé par une meilleure « survie » à la petite enfance, par une longévité plus grande des habitants et dans une mesure beaucoup plus restreindre par le solde des mouvements migratoires extérieurs. Masuy-Stroobant, "Inégalités sociales... ", p. 52.
51 Camille Jacquart, "La crise de la natalité en Belgique depuis 1901", dans Revue Sociale Catholique, 1913, p. 163-164.
52 Godelieve Masuy-Stroobant, Les déterminants individuels et régionaux de la mortalité infantile. La Belgique d’hier et d’aujourd’hui, Louvain-la-Neuve, 1983, p. 162-178.
53 B. Seebohm-Rowntree, Comment diminuer la misère ?, cité dans Ibidem, p. 163.
54 Henri Joly, La Belgique criminelle, Paris, 1907, p. 96.
55 Oris, "La révolution au lit...", p. 58.
56 Lemaire, La Wallonie qui meurt..., p. 71.
57 Elle sera reconnue d’utilité publique en 1913. Françoise Thébaud, Donner la vie : histoire de la maternité en France entre les deux guerres, Lyon, 1986, p. 14.
58 Jacques Bertillon, La dépopulation de la France. Ses conséquences. Ses causes. Mesures à prendre pour la combattre, Paris, 1911, p. 11.
59 Le Naour et Valenti, Histoire de l’avortement..., p. 143.
60 Piette et Gubin, "La politique nataliste...", p. 118-120.
61 Paul Servais, "The Church and the family in Belgium, 1850-1914", dans Revue Belge d’Histoire Contemporaine, t. XXXI, 2001, 3-4, p. 625.
62 Stengers, "Les pratiques anticonceptionnelles...", p. 1172.
63 A. Simon, "Mercier Désiré", dans Biographie nationale, t. XXX, col. 583.
64 Stengers, "Les pratiques anticonceptionnelles... ", p. 1166.
65 Mercier, Les devoirs de la vie..., p. 24.
66 Stengers, "Les pratiques anticonceptionnelles...", p. 1168.
67 Camille Jacquart (Saint-Vaast, 1867–Woluwé-Saint-Pierre, 1931). Secrétaire général du ministère de l’Intérieur, professeur de statistique et de droit commercial à l’École Supérieure commerciale et consulaire de Mons. Il acquiert sa notoriété au sein de l’Administration de la Statistique Générale et des Affaires électorales du ministère de l’Intérieur. André Dufrasne, "Jacquart Camille", dans Biographie nationale, t. XXXIX, col. 471-478.
68 Charles Terlinden, La lutte contre l’avortement, le secret médical. Discours prononcé à l’audience solennelle de rentrée du 1er octobre 1924 et dont la Cour a ordonné l’impression (Cour de cassation de Belgique), Bruxelles, 1924, p. 2
69 Woeste Charles (Bruxelles, 1837-1922). Homme politique catholique, avocat. (...) Conservateur. Yves-William Delzenne et Jean Houyoux (dir.), Le nouveau dictionnaire des Belges, I-Z, op.cit. p. 344.
70 Proposition de Woeste complétant les articles 348 à 353 du Code Pénal relatifs à l’avortement. Annales Parlementaires, Chambre des Représentants, 1910-1911, Documents, n° 83, p. 445-446.
71 Proposition de loi sur la répression des outrages publics aux bonnes mœurs, déposée par le ministre de la Justice, Carton de Wiart…, n° 62, p. 241.
72 Jacques Dupâquier, "Combien d’avortements en France avant 1914 ?", dans Communications, n° 44, 1986, p. 93.
73 Lemaire, La Wallonie qui meurt.., p. 28.
74 Bernolet, L’avortement criminel…, p. 93.
75 Vermeersch, Le problème de la natalité..., p. 33.
76 Le Naour et Valenti, Histoire de l’avortement..., p. 79.
77 Lemaire, La Wallonie qui meurt...., p. 30.
78 Terlinden, La lutte contre l’avortement..., p. 6.
79 Karen Celis, "Abortus in België...", p. 224.
80 Edward Shorter, Le corps des femmes, Paris, 1984, p. 185. Shorter admet comme raisonnable l’estimation de Max Hirsh, auteur de Fruchtabtreibung paru en 1921.
81 Lemaire, La Wallonie qui meurt..., p. 31.
82 Claude Detrait, La répression de l’avortement, p. 1.
83 Arsène Dumont, La morale basée sur la démographie, Paris, 1901, p. 83.
84 Armand Meyers (1862, Tongres-1951, Liège). Magistrat. Avocat général près la Cour d’appel de Liège. En 1919, il accède aux fonctions de procureur général, fonctions qu’il n’abandonnera qu’en 1934, à l’âge de la retraite. Joseph Hanquet le décrit comme animé d’un constant souci de patriotisme. Joseph Hanquet, Meyers Armand, dans Biographie nationale, t. XXXII, col. 518-522.
85 Armand Meyers, Quelques aspects de la lutte contre l’immoralité, dans Revue de Droit pénal et de Criminologie, 1926, p. 413.
86 Pagès, Le contrôle des naissances..., p. 44.
87 Jacquart, Le problème de la natalité..., p. 7.
88 Oris, "La révolution au lit...", p. 48.
89 Philippe Ariès, Histoire des populations françaises et de leurs attitudes devant la vie depuis le xviiième siècle, Paris, 1971 (Coll. « Points. Histoire »), p. 343.
90 Dembour, Pour une politique de natalité..., p. 43.
91 Oris, "La révolution au lit...", p. 43.
92 Raoul De Guchteneere, "Les fins du mariage. Sa fécondité. Son aspect médical", dans Saint-Luc Médical, t. IV, n°1, 1937, p. 21-29.
93 Claude Desama, L’expansion démographique du xixème siècle, dans Hervé Hasquin (dir.), La Wallonie, le pays et les hommes. Histoire-Economie-Société, t. II : De 1830 à nos jours, Bruxelles, 1980, p. 146.
94 Ariès, Histoire des populations françaises..., p. 332.
95 Yvonne Kniebiehler, "Corps et cœurs", dans Françoise Thebaud (dir.), Histoire des femmes en Occident, t. V : Le xxème siècle, Paris, 1992, p. 367.
96 Raiter, Avortement criminel..., p. 89.
97 Lemaire, La Wallonie qui meurt.., p. 24.
98 Le Naour et Valenti, Histoire de l’avortement..., p. 156.
99 Le Naour et Valenti, Histoire de l’avortement...., p. 105-106.
100 Stéphane Audoin-Rouzeau, L’enfant de l’ennemi, viol, avortement, infanticide pendant la Grande guerre, Paris, 1995 (Coll. « Historique »), p. 99.
101 Stéphane Audoin-Rouzeau, L’enfant de l’ennemi., p. 99-128.
102 Françoise Thébaud, La femme au temps de la guerre de 14, Paris, 1994, p. 59.
103 Audoin-Rouzeau, L’enfant de l’ennemi..., p. 14-31.
104 Formule employée par Françoise Thébaud dans La femme au temps ...., p. 278.
105 Créé en 1920 au sein du Ministère de l’hygiène, de l’assistance et de la prévoyance sociale. Thébaud, Donner la vie...., p. 14.
106 De Guchteneere, "Les fins du mariage... ", p. 21-29.
107 Piette et Gubin, "La politique nataliste...", p. 118-121.
108 Terlinden, La lutte contre l’avortement..., p. 5.
109 Bulletin des ligues pour le Relèvement de la Moralité Publique, janviers-mars 1927, p.1-2.
110 Dans le même temps pourtant, l’éducation des filles se transforme profondément et, avec elle, émerge un droit des femmes à la vie professionnelle ainsi qu’à l’enseignement universitaire. Pour la première fois, des femmes accèdent à des fonctions politiques en tant que bourgmestre ou en tant que sénatrice comme Marie Spaak-Janson. Elles peuvent également prêter le serment d’avocate depuis 1922. Georges-Henri Dumont et John Walgrave, La femme belge et le travail (1830-1980), dans Vies de femmes 1830-1980 (catalogue de l’exposition organisée à Bruxelles par la banque Bruxelles-Lambert, 16 octobre-30 novembre 1980 dans le cadre des manifestations Europalia-Belgique 150), Bruxelles, 1980, p. 67.
111 Thébaud, La femme au temps..., p. 282.
112 Le système des allocations familiales, amorcé en 1921, s’étend à tous les salariés en 1928 et aux indépendants en 1937. En 1922, le contrat d’emploi accorde aux jeunes mères un mois de salaire pendant le congé post-natal. Piette et Gubin, "La politique nataliste...", p. 118 et p. 122.
113 Raiter, Avortement criminel..., p. 111.
114 L’énoncé de cet article se trouve en annexe C.
115 Annales Parlementaires, Chambre des Représentants, 1921-1922, Discussions, 22 mars 1922, p. 457-458.
116 Nypels, Le code pénal belge interprété.., p. 186.
117 Annales Parlementaires, op.cit., 23 mars 1922, p. 474.
118 Annales Parlementaires, Chambre des Représentants, 1921-1922, Discussions, 12 juillet 1922, p. 1688.
119 Ibidem, 23 mars 1922, p. 474.
120 Ibidem, 22 mars 1922, p. 459.
121 Jean-Marie Blanpain, L’outrage public aux mœurs, Louvain-la-Neuve, 1978 (UCL, Mémoire de licence en Criminologie, inédit), p. 21.
122 Annales Parlementaires, Chambre des Représentants, 1921-1922, Discussions, 22 mars 1922, p. 458.
123 Rapport fait au nom de la section centrale par M. Woeste en 1913 et repris en 1920. Annales Parlementaires, Chambre des Représentants, 1920-1921, Documents, n° 62, p. 243.
124 Rapport de la Commission de la Justice, n° 140, 17 mai 1923, dans Pasinomie. Collection complète des lois, arrêtés et règlements généraux qui peuvent être invoqués en Belgique et des lois, décrets et arrêtés de la Colonie du Congo belge, mise en ordre et annotée par J. Servais, 1923, n° 255, p. 360.
125 Rapport fait au nom de la section centrale par M. Brifaut. Annales parlementaires, Chambre des Représentants, 1920-1921, Documents, n° 453, p. 1393-1394.
126 Rapport fait au nom de la section centrale par M. Brifaut. Annales parlementaires...
127 Rapport de la commission spéciale de la Chambre, 1er mars 1922, dans Pasinomie...., 1923, n° 255, p. 356.
128 Annales Parlementaires, Chambre des Représentants, 1921-1922, Discussions, 29 mars 1922, p. 495.
129 Ibidem, 22 mars 1922, p. 457.
130 Annales Parlementaires, Sénat, 1922-1923, Discussions, 30 mai 1923, p. 962.
131 Annales Parlementaires, Chambre des Représentants, 1921-1922, Discussions, 22 mars 1922, p. 460.
132 Rapport fait au nom de la section centrale par M. Woeste en 1913 et repris en 1920, Annales Parlementaires, Chambre des Représentants, Documents, n° 62, p. 246.
133 Annales Parlementaires, Chambre des Représentants, 1921-1922, Discussions, 22 mars 1922, p. 457.
134 Ibidem, 29 mars 1922, p. 492.
135 Ibidem, p. 1683.
136 Annales Parlementaires, Chambre des Représentants, 1921-1922, Discussions, 23 mars 1922, p. 474.
137 Ibidem, p. 472.
138 Ibidem, p. 471.
139 Karen Celis, "Socialisme en seksuele fraude. De houding van de Belgische socialisten tegenover abortus en anticonceptie (1880-1990)", dans Denise De Weerdt (dir.), Begeerte heeft ons aangeraakt. Socialisten, sekse en seksualiteit, Gand, 1999, p. 192.
140 Annales Parlementaires, Chambre des Représentants, 1921-1922, Discussions, 12 juillet 1922, p. 1683.
141 Ibidem, p. 1686.
142 Ibidem, 29 mars 1922, p. 494.
143 Ibidem, p. 495.
144 Il s’agit de Vandervelde, Eekelers, Piérard, Destrée, Ernest, Witteman et Remmortel.
145 Annales Parlementaires, Chambre des Représentants, Discussions, 23 mars 1922, p. 472.
146 Annales Parlementaires, Sénat, 1922-1923, Discussions, 29 mai 1923, p. 960.
147 Annales Parlementaires, Chambre des Représentants, 1921-1922, Discussions, 12 juillet 1922, p. 1690.
148 Terlinden, La lutte contre l’avortement..., p. 11.
149 Karen Celis, "Abortus in België... ", p. 229.
150 Piette et Gubin, "La politique nataliste...", p. 124.
151 Terlinden, La lutte contre l’avortement..., p. 30-35.
152 Dembour, Pour une politique de natalité...., p. 84 .
153 Arthur Vermeersch, Catéchisme du mariage chrétien d’après l’encyclique “Casti Connubii », Bruges-Paris, 1934, p. 44 et p. 58.
154 La « touche » belge est d’autant plus présente que le père Vermeersch, professeur à l’université de Louvain, puis à l’université grégorienne de Rome, en aurait été le principal inspirateur, comme il le fut, en son temps, pour Les devoirs de la vie conjugale. Stengers, "Les pratiques anticonceptionnelles...", p. 1172.
155 Peemans-Poullet, "Féminisme et contrôle des naissances...", p. 151.
156 Karen Celis, "Abortus in België...", p. 230.
157 Le Naour et Valenti, Histoire de l’avortement..., p. 192-197.
158 Yvonne Knibielher et Catherine Fouquet, Histoire des mères du Moyen-Age à nos jours, Paris, 1980, p. 321.
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