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Introduction

p. 1-17


Texte intégral

1 Aux xvie et xviie siècles, les établissements pédagogiques ont été les centres d’une intense production emblématique. Les collèges jésuites, en particulier, publièrent à l’occasion de la visite d’un dignitaire religieux ou politique de nombreux livrets, dans lesquels figuraient souvent des emblèmes24. Ils nous ont également laissé plusieurs manuscrits emblématiques, œuvres de leurs élèves, comme à Verdun à la fin du xvie siècle ou à Munich au cours de l’année scolaire 1627-162825. Parfois, ces compositions d’élèves furent publiées, comme à Anvers en 1627 avec le Typus Mundi26. La pratique de faire produire des emblèmes par les élèves n’est pas propre à la Compagnie de Jésus : en 1647, les rhétoriciens du collège des augustins bruxellois publièrent un recueil emblématique sous le titre de Symboles et éloges des sérénissimes et très pieux princes autrichiens27. Les collégiens jésuites toutefois semblent avoir été particulièrement prolifiques et les témoignages qu’ils nous ont laissés sont plus nombreux et les corpus mieux conservés. La collection la plus riche et la plus importante au monde est d’ailleurs formée de 2 356 emblèmes réalisés par les élèves des classes de poésie et de rhétorique aux collèges jésuites de Bruxelles et de Courtrai au cours du xviie siècle28. Ces compositions étaient destinées à être exposées publiquement dans la rue lors d’une importante festivité religieuse : à Bruxelles, trente-sept expositions furent organisées entre 1630 et 1685, qui ensemble comptent 2 222 emblèmes. Ceux-ci furent reproduits au lendemain de la fête dans des volumes manuscrits destinés à la grande bibliothèque du collège (la major bibliotheca), dont le catalogue dresse d’ailleurs l’inventaire29. Dans les années qui suivirent la dissolution de la Compagnie de Jésus en 1773, ces « volumes commémoratifs » (K. Porteman) furent inventoriés avec les autres manuscrits et imprimés des bibliothèques jésuites et furent transférés dans l’ancienne Bibliothèque royale, où ils connurent une histoire mouvementée mais facile à retracer, car bien documentée30.

2Ce n’est qu’au milieu des années 1990 que Karel Porteman a mis au jour les recueils emblématiques bruxellois et courtraisiens, leur consacrant une exposition et un catalogue31, suivis de plusieurs publications qui révèlent les perspectives de recherche particulièrement fécondes et diversifiées qu’offre ce corpus, dans des domaines aussi variés que l’histoire, l’histoire des idées, l’histoire de l’art, la pédagogie, la littérature, etc. Ainsi, outre les mentions ponctuelles des affixiones jésuites dans différentes études, sur l’art, la musique, l’emblématique ou encore le théâtre32, outre les travaux de fin d’études33, il faut encore aussi et surtout mentionner les différents articles proposant un bref panorama de quelques emblèmes34, l’analyse codicologique des recueils35, l’examen des qualités pédagogiques de l’emblématique36 ou encore l’étude d’une série particulière d’emblèmes dans l’optique d’en comprendre la cohérence37. Ces études ont participé à la valorisation des manuscrits emblématiques des élèves des jésuites pointant l’intérêt de ces corpus, qui restent encore à défricher.

3Notre projet s’inscrit pleinement dans cette entreprise, qui vise à mieux faire connaître les affixiones et à leur consacrer une véritable étude de fond, pour mettre en évidence la place et le rôle au sein de la culture et de la société du xviie siècle de ces compositions, qui ont participé à la constitution d’un mode de pensée caractéristique de leur époque. Plus précisément, la présente étude s’intéresse à une problématique bien spécifique, à savoir les enjeux et les modalités de la mise en représentation du pouvoir politique, à l’intérieur des manuscrits emblématiques bruxellois. Le corpus se prête d’autant mieux à cette approche singulière qu’au cœur de la collection se trouvent des expositions formant un ensemble cohérent. Au cours des années 1647 à 1652, pour la première et unique fois dans l’histoire des affixiones bruxelloises, les élèves consacrent ou dédicacent leurs compositions à un personnage contemporain, l’archiduc d’Autriche Léopold-Guillaume de Habsbourg, qui occupe le poste de gouverneur des Pays-Bas espagnols d’avril 1647 à mai 1656, et qui figure de manière répétée dans les emblèmes38. Ceux-ci constituent donc un terrain privilégié pour examiner la manière dont les collégiens ont mis en scène le pouvoir politique. Porteman avait pressenti l’intérêt de cette approche : dans son catalogue, interrompant l’exposé qu’il consacre linéairement à chaque année d’exposition, il insère deux pages présentant brièvement le gouvernorat de Léopold-Guillaume39, auquel il fait encore régulièrement référence40. L’objet de notre recherche toutefois n’est pas tant historique que culturel et littéraire : si nous avons choisi d’étudier la représentation de la figure de Léopold-Guillaume telle qu’elle se dessine au sein des expositions, et en tenant compte de la manière dont elle évolue au fil du temps, c’est afin de déterminer dans quelle mesure le choix du genre emblématique s’avère judicieux et de quelle façon les élèves (et avec eux les jésuites) ont su en tirer profit dans la mise en scène d’un spectacle de plus grande envergure. Autrement dit, il s’agit pour nous de procéder à une analyse minutieuse des caractéristiques et des qualités de l’emblématique dans un contexte historique particulier.

1. Le collège jésuite de Bruxelles au service de Léopold-Guillaume

4Les échanges entre les jésuites et Léopold-Guillaume sont nombreux durant le séjour de ce dernier dans les Pays-Bas espagnols et, d’après une estimation de Jozef Mertens, sur l’ensemble de la production consacrée à l’archiduc, « un tiers des initiatives - sans compter les manifestations et les solennités publiques - incombent aux jésuites ou à leurs sympathisants »41. C’est qu’il existe entre le gouverneur et la Compagnie de Jésus une relation intime et familière. Léopold-Guillaume est un ancien élève et un fervent protecteur des jésuites42. Les « lettres annuelles » - ces rapports envoyés annuellement par chaque résidence pour dresser un bilan de sa situation et de son action - en témoignent assez. En 1647, l’arrivée de Léopold-Guillaume est qualifiée d’« inespérée » et le texte rappelle que le gouverneur a recruté plusieurs jésuites pour lui servir de confesseur et de prédicateurs43. À son départ, en 1656, les litterae annuae ne manquent pas de rappeler l’action bienfaisante de l’archiduc en faveur de la Compagnie de Jésus :

Au mois de mai, après avoir remis dans les mains royales44 le sérénissime gouvernorat, le très pieux et très valeureux archiduc Léopold-Guillaume a quitté les Pays-Bas ; il mérite un souvenir étemel en raison de ce qu’il a accompli neuf années durant pour l’Église, pour la Patrie, pour la Compagnie. Il a laissé pour notre église comme gage et pour ainsi dire comme dépôt de son affection pour nous les reliques de son saint patron Léopold45.

5C’est à Bruxelles, sans aucun doute, que les contacts entre Léopold-Guillaume et les jésuites furent les plus aisés et probablement les plus intenses46. En effet, situé à proximité du palais du Coudenberg, lieu de résidence du gouverneur, le collegium Bruxellense accueillait - en plus de l’effectif habituel (professeurs qui servent au collège, prédicateurs, confesseurs, chapelains, etc., qui se consacraient à l’apostolat ou à l’aumônerie militaire) - les religieux qui travaillaient à la cour ainsi que les fils des bonnes familles européennes qui composaient celle-ci et qui étaient désignés au collège comme les perillustres adolescentes47. Plusieurs jésuites mirent en outre leur plume au service de Léopold-Guillaume48. C’est le cas d’Othon van Zijl (Zylius, 1588-1656), préfet de bibliothèque du collège, qui remit au gouverneur le 6 janvier 1650 à l’occasion de son anniversaire un long poème épique de 403 hexamètres dactyliques célébrant « la libération du siège de Cambrai par le sérénissime archiduc Léopold-Guillaume»49. De même, Jacques van de Walle (Jacobus Wallius, 1599- 1690), au collège de 1648 à 1650, écrivit pour Léopold-Guillaume un Epinicion de 580 hexamètres dactyliques, commémorant les succès récents remportés par les Habsbourg - dont la prise de Dunkerque par Léopold-Guillaume en 165250. Enfin, Sidoine de Hossche (Sidronius Hosschius, 1596-1653), qui occupait la fonction de précepteur des pages de la cour et séjournait au collège en 1648-1649, fut particulièrement productif51. Il est probablement l’auteur des vœux de Nouvel An adressés à Léopold-Guillaume en janvier 164852 et peut-être déclamés par les élèves53. En 1649, Hosschius dédia à Léopold-Guillaume douze élégies sur la passion du Christ et, après son départ de Bruxelles, le poète rédigea en 1650 trois élégies en l’honneur de deux soldats de l’armée espagnole morts à La Capelle54.

6Ce bref panorama fait apparaître le gouvernorat de Léopold-Guillaume comme une période d’effervescence et d’épanouissement pour le collège bruxellois. Soumis à l’influence de la cour toute proche, cet établissement est un lieu privilégié où étudier les liens entretenus entre la Compagnie de Jésus et le pouvoir politique, incarné par l’archiduc d’Autriche.

2. Les expositions emblématiques sous Léopold-Guillaume

7Les affixiones forment un corpus particulièrement pertinent pour analyser la représentation d’un prince habsbourgeois, en raison d’une part de la célébration à laquelle elles furent rattachées et d’autre part de l’intrication étroite entre les thématiques développées dans les emblèmes et le contexte politico-militaire55.

8À Bruxelles, les compositions emblématiques des élèves étaient exposées à l’occasion de la célébration du Très-Saint-Sacrement de Miracle, dont la procession passait au mois de juillet dans une rue longeant le collège jésuite56. Cette fête religieuse, qui commémorait le saignement de trois hosties consacrées après leur profanation par un juif, fut investie politiquement et dynastiquement par les Habsbourg pour rendre plus manifeste et plus spectaculaire leur profonde piété. Tout aurait débuté avec le comte de Habsbourg Rodolphe qui aurait cédé sa monture à un prêtre portant le viatique ; un événement révélateur de la pietas Austriaca singulière à la famille habsbourgeoise et qui, d’après la légende dynastique, aurait été à l’origine des succès et de la félicité des Habsbourg57. Les archiducs d’Autriche qui servirent aux Pays-Bas, comme Albert et Léopold-Guillaume, n’hésitèrent jamais tout au long de leur règne ou gouvernorat à faire montre de cette piété eucharistique, conscients du rôle prégnant qu’elle jouait pour établir et consolider leur légitimité et leur autorité58. Pour ne rappeler qu’un seul événement révélateur, peu après son arrivée dans les anciens Pays-Bas, Léopold-Guillaume fut confronté - si l’on en croit les archives jésuites - à la même situation que son aïeul et il répéta à l’identique le comportement de celui-ci : rencontrant un prêtre portant le viatique, l’archiduc mit pied à terre et accompagna le prêtre auprès du malade59.

Une action admirable de l’archiduc Léopold-Guillaume d’Autriche est digne de mémoire : elle se présente comme le témoignage manifeste à la fois de la piété autrichienne envers l’Eucharistie (avec en retour l’aide providentielle de Dieu à la famille habsbourgeoise), et de la bienveillance et de la bonté habsbourgeoise envers la Compagnie. Léopold-Guillaume était conduit en carrosse vers le collège, quand il fit fortuitement la rencontre d’un prêtre portant le saint viatique. Sa vue suffit à l’Habsbourgeois. Sans délai, il saute du carrosse et accompagne à pied le prêtre avec le viatique [...]. Lorsqu’il est déjà tout près de quitter la demeure du malade, le médecin (ou si tu préfères reconnaître dans le médecin la voix de quelque ange protecteur) l’avertit qu’il avait suffisamment manifesté sa piété [...]60.

9Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que Léopold-Guillaume ait pris l’habitude de venir à Bruxelles pour assister à la procession annuelle du Très-Saint-Sacrement bruxellois, qui lui permettait de rendre sa dévotion plus manifeste61. Les expositions emblématiques du collège jésuite prenait donc place à un moment particulièrement propice pour mettre en représentation le pouvoir habsbourgeois. D’ailleurs, les affixiones bruxelloises semblent épouser parfaitement l’évolution de la fortune de Léopold-Guillaume62. Jozef Mertens a en effet montré l’influence des événements historiques concomitants sur la production littéraire et artistique destinée, dédicacée ou consacrée à Léopold-Guillaume, ainsi que sur les éloges qui lui ont été dédiés - soulignant que cette production « a eu lieu essentiellement au cours des six premières années de [s]on gouvernorat », période faste qui culmina en 1652 avec plusieurs succès militaires importants mais qui fut immédiatement suivie en 1653 de plusieurs difficultés et défaites qui compromirent sensiblement l’engagement et la carrière du gouverneur63.

10De fait, la présence de la figure princière dans les expositions n’est pas constante. Concrètement, sur les neuf expositions jésuites qui furent organisées durant le gouvernorat de Léopold-Guillaume64, quatre lui furent dédiées : celles de 1647, 1649, 1650 et 165165, sans compter l’exposition des rhétoriciens de 1652 dont la page de titre fait également mention du gouverneur66. Par ailleurs, seuls les emblèmes des expositions de 1647, 1648 et 1651 et quelques représentations symboliques des volumes commémoratifs de 1652 convoquent régulièrement et explicitement la figure du prince.

11En 1647, peu de temps après l’arrivée du nouveau gouverneur dans les Pays-Bas espagnols, c’est sa devise (timore Domini) qui fournit le sujet des emblèmes de la classe de rhétorique tandis que, dans la série consacrée la fiducia in Deo, la classe de poésie multiplie les références à Léopold-Guillaume. L’année suivante, à la suite de la signature des traités de Westphalie et peut-être également suite aux troubles liés à la Fronde en France, ce sont la concorde et la discorde qui furent choisies comme thématiques de l’exposition mais, comme l’indique Jozef Andriessen, cette dernière vise clairement à faire l’éloge des Habsbourg67. En 1651, la participation et la victoire de Léopold-Guillaume au tir à l’arbalète de la gilde bruxelloise de Saint-Georges décidèrent du choix du sujet de l’exposition, où systématiquement tous les titres des emblèmes commencent par le syntagme serenissimus Leopoldus (en général au datif pour indiquer que chaque emblème lui est offert et/ou consacré). En 1652, si les sujets des deux séries emblématiques ont peu à voir avec l’archiduc autrichien - l’emblématisation de l’Art poétique d’Horace par la classe de poésie et celle de l’existence humaine au travers d’une métaphore nautique et maritime par les rhétoriciens -, ces derniers conçurent une épopée d’un peu plus de 600 vers relatant un combat entre deux essaims d’abeilles - allusion au conflit franco-espagnole68 -, tandis que les deux volumes manuscrits rassemblent plusieurs peintures qui reproduisent divers éléments de l’appareil décoratif de l’exposition et où de nombreuses références sont faites à l’actualité et à Léopold-Guillaume. Parallèlement, le nombre d’emblèmes produits cette année-là est particulièrement élevé et pourrait être lié à l’apogée du gouvernorat de l’archiduc. En effet, alors que les expositions de 1647 et 1648 comprennent respectivement 69 et 60 emblèmes, en 1651 (KBR, ms. 20.309) et en 1652 (KBR, ms. 20.310 et 20.311), ce ne sont pas moins de 79 et 196 emblèmes que contiennent les manuscrits69. En raison du nombre particulièrement élevé d’emblèmes en 1652, il fallut pour les rassembler non pas un volume commémoratif mais deux, chaque classe disposant du sien70.

12Contrairement aux expositions de 1647, 1648, 1651 et 1652, celles de 1649 et 1650 ne font aucune mention explicite du gouverneur, bien qu’elles lui soient dédiées. C’est que, quelques jours seulement après l’exposition de 1648, l’archiduc connaît un important revers près de Lens71, qui explique probablement pourquoi les élèves se contentent en 1649 de dédier leur exposition à Léopold-Guillaume sans toutefois faire directement mention de lui dans leurs emblèmes72. Les dédicaces créent d’ailleurs un éloge assez flou : pour les rhétoriciens, l’archiduc est « infatigable dans les labeurs » tandis que pour les poètes il « n’est pas oisif durant son temps de loisir »73. Les emblèmes dispensent divers enseignements qui, s’ils ne sont pas inutiles au prince, sont trop génériques pour être explicitement rattachés à Léopold-Guillaume.

13L’exposition de 1650 est tout aussi complexe à interpréter, dont les sujets sont la charité d’Ignace de Loyola pour les rhétoriciens et la constance de François-Xavier pour la classe de poésie74. Bien que Porteman signale que la caritas et la constantia sont deux vertus importantes dont doit être pourvu « un bon prince et un vaillant général » et bien que les deux séries soient dédiées à Léopold-Guillaume - qui se verait magnifié du fait des vertus qu’il partage avec les deux saints et qui ont fait leur sainteté -, aucune mention explicite n’est faite du gouverneur, rendant l’éloge particulièrement évanescent et incertain75. Les reprises formelles et les similitudes iconographiques avec les expositions consacrées à Léopold-Guillaume indiquent que l’éloge de ce dernier entrait en parfaite résonnance avec celui des deux saints, mais ces parallélismes sont trop superficiels pour être significatifs, et sont davantage le reflet de réminiscences des élèves ou du succès de certains motifs dans les littératures épidictiques et emblématiques. Tous les points de contact relevés sont d’ailleurs en grande partie liée à notre lecture panoramique de toutes les séries, que ne pouvaient pas partager les lecteurs-spectateurs de l’époque qui assistaient à une seule exposition, éphémère qui plus est.

14À partir de l’exposition de 1653 - année qui marque le début de tous les revers pour le gouverneur -, celui-ci disparaît brutalement des expositions, qui ne lui sont plus dédicacées et où il n’est plus mentionné76. Ce silence éloquent n’est ni un oubli, ni une négligence, mais reflète au contraire la rupture entre les deux périodes qui ont marqué le gouvernorat de Léopold-Guillaume. En effet, à l’inverse des séries de 1653 et de 1655, dont les thématiques se prêtaient assez peu à un éloge du prince - le repentir et l’hymne Landa Sion Salvatorem en 1653, l’éducation des enfants et les louanges de la vieillesse en 165577 -, les sujets de l’exposition de 1654 formaient deux thématiques propices à faire l’éloge de Léopold-Guillaume : les rhétoriciens furent chargés d’emblématiser les beneficia, où il eût été facile d’évoquer les nombreux bienfaits dont le gouverneur fut l’auteur, tandis que la classe de poésie s’occupa du consilium, pour lequel Jean Baptiste van Elshaut célèbre l’archiduc dans l’exposition de 1651 (KBR, ms. 20.309, fol. 88r, v. 5-6 : vim consilio | princeps sodas). Il apparaît dès lors que l’absence de toute référence à Léopold-Guillaume fut intentionnelle. Les jésuites, dont les contacts avec l’archiduc étaient réguliers, perçurent très certainement sa déception, qui se traduisait par un désinvestissement progressif dans sa charge.

3. Plan de l’étude

15Le rapide aperçu des différentes affixiones organisées durant le gouvernorat de Léopold-Guillaume révèle que les expositions bruxelloises sont pleinement des « œuvres de circonstances », dont le sens et l’interprétation sont fortement influencés par le contexte événementiel dans lequel elles furent produites et lues. Aussi, avant d’entrer plus avant dans l’étude de la représentation du pouvoir au sein de ce corpus, il nous a semblé nécessaire de fournir dans un chapitre liminaire une biographie succincte de Léopold-Guillaume et un rapide panorama des événements marquants de son gouvernorat, afin de mieux cerner le contexte général où furent élaborées les expositions. Viennent ensuite trois chapitres, dont la structure et l’enchaînement s’expliquent par deux particularités que présente la problématique qui sous-tend notre réflexion.

16La première est que célébrer Léopold-Guillaume fut une tâche complexe et périlleuse. Membre éminent de la dynastie habsbourgeoise, en raison de sa parenté avec les rois d’Espagne et les empereurs du Saint-Empire, Léopold-Guillaume n’était pas le souverain légitime des Pays-Bas. Il n’y occupait que le poste de gouverneur, c’est-à-dire de représentant du roi78. Dans ce contexte, l’éloge adressé à Léopold-Guillaume est toujours un éloge pluriel, qui célèbre à la fois le gouverneur pour ses qualités et ses succès, mais aussi le roi d’Espagne qu’il représente ainsi que la dynastie à laquelle l’un et l’autre appartiennent. L’exercice s’avère dès lors difficile puisque dans l’éloge se joue une énorme tension : il s’agit de mettre à l’honneur Léopold-Guillaume pour son double statut de gouverneur et de prince habsbourgeois, tout en évitant de négliger le souverain légitime qu’est le roi d’Espagne. La tâche est d’autant plus ardue pour les jésuites qu’ils affectionnent particulièrement Léopold-Guillaume, qui est leur disciple et dans lequel ils voient une incarnation de leurs idéaux politiques. Les affixiones bruxelloises le font clairement apparaître.

17La singularité de notre approche tient encore à la nature spécifique des auteurs et de leurs œuvres. L’éloge est en effet composé par des élèves, dans le cadre d’un exercice scolaire organisé par leur collège, et exprimé sous la forme d’emblèmes destinés à être diffusés lors d’un événement de grande ampleur : une exposition publique dans la rue. Ces particularités sont au cœur de notre réflexion et ont guidé notre recherche. On peut en effet s’interroger sur les raisons qui ont conduit les jésuites à choisir les élèves et l’emblématique pour formuler un éloge, à travers lequel la Compagnie diffusait - comme nous le verrons - les valeurs et les idéaux qui étaient les siens. Eu égard aux spécificités du corpus, liées à ses auteurs, à sa forme d’expression, ainsi qu’à son contexte de production et de diffusion, nous avons choisi de mener notre analyse autour de trois axes.

18Le premier chapitre se concentre sur le processus de création des emblèmes, avec de nombreuses questions corollaires : quelles prescriptions réglementaient l’emploi de l’emblématique au collège et les modalités de l’exposition d’emblèmes ? Quels étaient les différents acteurs impliqués dans l’événement et quels étaient leurs rôles précis ? D’où les élèves tiraient-ils les idées qu’ils développaient dans leurs productions ? En examinant la manière dont l’emblématique a été intégrée dans le cursus scolaire des élèves des jésuites et les enjeux de sa pratique, nous constaterons combien l’exercice emblématique était bien ancré dans la pratique pédagogique au xviie siècle et comme il est malaisé d’attribuer la paternité des emblèmes aux seuls collégiens. Si ceux-ci ont en effet composé et signé les emblèmes, il n’est pas interdit de penser qu’ils ont pu être assistés dans leur tâche par les jésuites présents au collège, sans compter qu’ils sont sous la tutelle des pères qui organisent l’exercice, le supervisent et en sont les responsables. Se posent alors les questions du rôle joué par chacun dans la production de l’éloge et des effets de cette autorité multiple sur la nature de ce dernier.

19Après avoir réfléchi au contexte d’élaboration de l’éloge emblématique, nous étudierons en détail dans le deuxième chapitre son mode d’expression particulier, c’est-à-dire sa forme. Utiliser l’emblématique pour mettre en représentation le pouvoir est un choix qui n’a rien d’évident et on peut s’interroger sur la manière dont l’éloge fonctionne au travers de ce mode de pensée particulier et réfléchir aux avantages qu’il offre. C’est en effet un processus discursif singulier et complexe qui se déploie dans l’emblème et qui permet à celui-ci de signifier toujours plus que ce qu’il semble formuler explicitement79. Cette « ambiguïté » de l’emblème, qui en est l’une des principales qualités, permet à celui-ci de jouer sans cesse sur l’implicite et sur l’allusif, et le genre se révèle être de facto un instrument privilégié pour exprimer un éloge dense et nuancé.

20Prendre en compte les seuls emblèmes estudiantins ne fait pas sens dans l’étude d’expositions qui donnaient lieu à des décors éphémères particuliers, pour lesquels nous disposons de renseignements plus ou moins précis. Nous savons en effet que les emblèmes n’étaient pas présentés sous la forme d’affiches en papier placardées sur les murs du collège. Il s’agissait de véritables tableaux insérés dans un « appareil décoratif » de grande dimension, comprenant tantôt des arcs de triomphe de plusieurs mètres de haut dressés à l’entrée de la rue, tantôt des panneaux peints en relief et en dégradé, tantôt des dispositifs décoratifs en métal qui servaient de cadres aux emblèmes. Cette structure ornementale particulièrement riche et soignée, directement pensée et conçue en lien avec le sujet et la matière des emblèmes, interagissait avec ces derniers et en complétait les messages, conférant à l’ensemble davantage de sens et participant à la mise en scène générale de l’exposition. Le dernier chapitre est consacré à cette dimension particulière des affixiones et se focalise sur le moment précis de la diffusion et de la réception des emblèmes, en envisageant la manière dont ceux-ci prenaient forme et étaient mis en valeur au cours de la célébration pour laquelle ils avaient été conçus. Il s’agit, in fine, d’examiner comment les jésuites ont élaboré un espace privilégié pour mettre en représentation Léopold-Guillaume.

21Ces trois chapitres complémentaires ont pour point commun d’essayer de déterminer en quoi les expositions emblématiques des élèves sont apparues comme des activités appropriées pour formuler un éloge. Une traduction inédite accompagne cette étude. Sa préparation s’est révélée périlleuse, en ce que le style emblématique implique un usage particulier du grec ancien et du latin, et soulève des problèmes d’interprétation importants80. Néanmoins, cette traduction permet au lecteur de découvrir les emblèmes et la cohérence des séries en parallèle de notre analyse, et l’aide à se faire sa propre idée sur le corpus et à éprouver la valeur de notre argumentation. Cette traduction toutefois n’englobe pas l’ensemble des manuscrits conservés pour le gouvernorat de Léopold-Guillaume (les affixiones de 1647 à 1655). En effet, par souci de proposer une anthologie pertinente, sans pour autant rompre l’unité de chaque exposition, nous avons délimité le corpus d’édition, non pas en fonction des dédicaces, qui se révèlent être un critère inopérant, mais sur la base du fait qu’au moins un emblème (et un seul suffit) mentionne explicitement Léopold-Guillaume. Comme nous l’avons signalé, trois expositions répondent à ces exigences - celles de 1647, 1648 et 1651 (KBR, ms. 20.306, 20.307 et 20.309) -, dont les trois recueils constituent un corpus de base mais qui n’a rien d’exclusif. C’est à partir d’eux que nous mènerons notre réflexion et c’est à eux que nous reviendrons sans cesse, sans toutefois nous interdire de puiser des exemples dans d’autres recueils lorsque cela nous semble pertinent.

Notes de bas de page

24 Voir Peter M. Daly, « Emblematic Publications by the Jesuits of the Flanders Belgium Province...», dans John Manning, Marc VAN Vaeck (ed.), The Jesuits and the Emblem Tradition..., Turnhout : Brepols, 1999, p. 249-278, en particulier aux pages 259-262 et 265-272, et The Emblem in Early Modem Europe..., Farnham : Ashgate, 2014, p. 199-200 ; Marcus de SCHEPPER, « ‘Amblemata voor de uldinge’... », dans Marc VAN Vaeck e.a. (ed.), De steen van Alciato. Literatuur en visuele cultuur in de Nederlanden..., Louvain : Peeters, 2003, p. 1085-1131 ; Anna E.C. Simoni, « Laurels for the Bishop... », dans Koninklijk Museum voor Schone Kunsten-Antwerpen, 1985, p. 289-308. Pour une synthèse sur l’emblématique jésuite, consulter Anne-Élisabeth Spica, « Les jésuites et l’emblématique », dans Dix-septième siècle, 237/4 (2007), p. 633- 651.

25 Voir Paulette Choné, « Domus optima. Un manuscrit emblématique au collège des jésuites de Verdun [1585] », dans The Jesuits and the Emblem Tradition..., 1999, p. 35-68 ; Claudia Wiener, « Jesuitische Bildungsreform... », dans Julius Oswald e.a. (ed.), Serenissimi Gymnasium..., Ratisbonne : Schnell und Steiner, 2010, p. 9-41 (essentiellement aux pages 26-41 ) ; Christus und Cupido. Embleme aus Jacob Baldes Poetenklasse von 1628..., Ratisbonne : Schnell und Steiner, 2013.

26 Typus Mundi in quo ejus calamitates et pericula nec non divini humanique amoris antipathia emblematiceproponuntur a RR.C.S.I.A., Antverpiae : apud Joan. Cnobbaert, 1627.

27 Serenissimorum pientissimorumque principum Austriacorum symbola et elogia, Bruxellis : typis Joannis Mommartii, M.DC.XLVII. Sur la production emblématique des augustins, voir de Schepper, « ‘Amblemata voor de uldinge’... », 2003, p. 1085-1131.

28 Karel Porteman écrit qu’il s’agit de « la plus importante et la plus large collection d’affixiones au monde » (« The Use of the Visual in Classical Jesuit Teaching and Education », dans Paedagogica Historica, 36/1 [2000], p. 179-196, à la page 179 [nous traduisons de l’anglais]). Voir aussi Karel Porteman, Emblematic Exhibitions (affixiones) al the Brussels Jesuit College (1630-1685). A Study of the Commémorative Manuscripts (Royal Library, Brussels), with contributions by Elly Cockx-Indestege, Dirk Sacré, Marcus de Schepper, Turnhout : Brepols, 1996, p. 6-7.

29 Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 32-33. Consulter KBR, ms. 4685, Pars prima catalogi bibliothecae, Societatis Jesu Bruxellae, section emblematici [abrégée AM], fol. 305-315, avec aux folios 306-307 la liste des affixiones classées par année. Sur ce catalogue et la bibliothèque du collège jésuite de Bruxelles, voir Bart Op de Beeck, « De bibliotheek van het Brusselse jezuïetencollege tijdens het Ancien Régime », dans Alain Deneef, Xavier Rousseaux (dir.), Quatre siècles de présence jésuite à Bruxelles..., Bruxelles : Prosopon, 2012, p. 49-89 (lire en particulier, au sujet des affixiones, les pages 54-55, 68 et 75, et à la note 99 de la page 88).

30 Sur l’histoire des volumes commémoratifs, outre l’étude de Bart Op de Beeck (en particulier p. 61- 71), on consultera Marcus de Schepper, « The Brussels Collection. Provenance », dans Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 56. Voir également J. Deschamps, H. Mulder, Inventaris van de Middelnederlandse handschriften van de Koninklijke Bibliotheek van België, t. I (1998), Bruxelles : Koninklijke Bibliotheek van België, p. IX-XXVII ; J. Deschamps, « De veiling van de bibliotheek van de Brusselaar Anton Jozef Nuewens in 1811 », dans Cultuurgeschiedenis in de Nederlanden van de Renaissance naar de Romantiek, Louvain : Acco, 1986, p. 133-149 ; François Joseph Ferdinand Marchal, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque Royale des ducs de Bourgogne, t. I, Bruxelles/Leipzig : C. Muquardt, 1842, avec un « résumé historique » du fonds de la Bibliothèque royale de Belgique.

31 Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996. Notre dette vis-à-vis de cette étude, d’une grande qualité, est immense comme en témoignent nos nombreux renvois à ce travail.

32 Voir Luc Dequeker, « The Brussels Miraculous Sacrement... », dans The Jesuits and the Emblem Tradition..., 1999, p. 69-86 ; G. Richard Dimler, « Emblematic Structures in Celebrations of Francis Borgia’s Canonization », dans Wolfgang Harms, Dietmar Peil (ed.), Polyvalenz und Multifunktionalitât der Emblematik..., Francfort-sur-le-Main : Peter Lang, 2002, vol. 2,p. 521-546, en particulier aux pages 527, 530, 532-533, 535 et 543-544 ; Dimler, « Octiduum S. Francisco Borgiae (Munich. 1671)... », dans Peter M. Daly e.a. (ed.), Emblematik undKunst der Jesuiten in Bayern..., Turnhout : Brepols, 2000, p. 107-131, notamment aux pages 110-111 ; Jeffrey Muller, « Jesuit Uses of Art in the Province of Flanders », dans John W. O’Malley e.a. (ed.), The Jesuits II. Cultures, Sciences, and the Arts 1540-1773, Toronto : University of Toronto Press, 2006, p. 113-156, aux pages 121-125 ; Karel Porteman, « 9 september 1616. De heilige Jan Berchmans speelt te Mechelen de rol van de H. Nathalia... », dans R. L. Erenstein (dir.), Een theatergeschiedenis der Nederlanden..., Amsterdam : Amsterdam University Press, 1996, p. 170-177, aux pages 173-175 ; Paulus Petrus Maria Raasveld, Pictura, poesis, musica. Een onderzoek naar de rol van de muziek in embleemliteratuur..., thèse de doctorat, Université d’Utrecht, 1995, p. 220-223 ; Raasveld, « Omne trinum perfectum... », dans P. M. Daly, J. Manning (dir.), Aspects of Renaissance and Baroque Symbol Theory, 1500-1700, New York : AMS, 1999, p. 143-154, en particulier aux pages 147-150 ; Alison Saunders, The Seventeenth-Century French Emblem. A Study in Diversity, Genève : Droz, 2000, p. 147-151.

33 M. Denis, « Arsperartem »..., mémoire inédit, Louvain-la-Neuve : UCL, 2011 ; G. Ems, Nimium sumpsisse, perisse est..., mémoire inédit, Louvain : KUL, 2008.

34 Dirk Sacré, « Inedita emblemata Bruxellis olim affixa saec(idi) XVII », dans Melissa, 71(1996), p. 8-9.

35 Elly Cockx-Indestege, « L’atelier de reliure du collège des Jésuites à Bruxelles, 1630-1680 », dans Claude Sorgeloos (éd.), Mélanges d’histoire de la reliure offerts à Georges Colin, Bruxelles : Librairie Fl. Tulkens, 1998, p. 165-176. Consulter également Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 32-33 et p. 54-55.

36 Ralph Dekoninck, « ‘La chose elle-même aide bien mieux que ne le font les mots’...», dans Deneef, Rousseaux (dir.), Quatre siècles de présence jésuite à Bruxelles..., 2012, p. 139- 151 ; Porteman, « The Use of the Visual... », dans Paedagogica Historica, 2000, p. 179-196.

37 Sur le manuscrit bruxellois de 1631, voir John Manning, « Tres potentiae animae... », dans The Jesuits and the Emblem Tradition..., 1999, p. 323-339 et Luca Ragazzini, « Rappresentare la memoria... », dans Rivista di storia e letteratura religiosa, 43/1 (2007), p. 31-67. Sur le manuscrit de 1682, consulter Toon Van Houdt, Marc van Vaeck, « In het licht van de eeuwigheid... », dans M. VAN Vaeck e.a. (ed.), De steen van Alciato..., Louvain : Peeters, 2003, p. 861-899. Sur le manuscrit de 1683, lire K. Porteman, Symbolische boekwetenschap of twee vliegen in één klap..., Amsterdam : De Buitenkant, 1998.

38 D’autres personnages contemporains – tels Philippe IV et Ferdinand III – sont mentionnés dans les emblèmes, mais de manière plus ponctuelle et occasionnelle que dans le cas de Léopold-Guillaume qui, à l’inverse du roi d’Espagne et de l’empereur, a assisté personnellement aux expositions.

39 Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 104-105.

40 Une simple consultation de l’index (Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 196) révèle que Léopold-Guillaume compte parmi les personnages les plus régulièrement mentionnés par Karel Porteman. Signalons qu’en 1957 déjà, Jozef Andriessen insistait sur les « composantes dynastiques » qui « apparaissent à plusieurs reprises » dans les expositions emblématiques bruxelloises (De Jezuïeten en het samenhorigheidsbesef der Nederlanden 1585-1648, Anvers : De Nederlandsche boekhandel, 1957, p. 207 [nous traduisons du néerlandais] ; lire aussi p. 208).

41 Mertens, « De gehuldigde krijgsheer », dans Krijg en kunst..., 2003, p. 84 (nous traduisons du néerlandais ; voir aussi p. 85).

42 Voir Dirk Sacré, « Hosschius ( Sidronius) », dans Colette Nativel (éd.), Centuriae Latinae. Cent une figures humanistes de la Renaissance aux Lumières, vol. 2, Genève : Droz, 2006, p. 403-408, à la page 404.

43 Antwerpen Rijksarchief Antwerpen, Archief van de Nederduitse provincie der jezuïeten (Flandro-Belgica Jezuïeten) [abrégé dorénavant ; Antwerpen RA, SJ, FB], 6, litterae annuae 1647, fol. 139.

44 À son départ, Léopold-Guillaume est remplacé par Juan José d’Autriche, un fils illégitime de Philippe IV.

45 Archivum Romanum Societatis lesu [abrégé dorénavant ARS1], FB [=Flandro-Belgica] 59 (Hist. 1655-1661), cahier 13, supplementum historiae collegii Bruxellensis anno 1656, fol. 58r : Mense Maio Belgio abiit deposita in manus regias gubernatione serenissima etpientissimus et strenuissimus archidux Leopoldus Guilielmus rerum toto novennio gestation pro Ecclesia, pro Patria, pro Societate immortali memoria dignus. Pigmis et quasi deposition affectus in nos sui templo nostro reliquit reliquias sancti Leopoldi patroni sui.

46 Concernant les liens étroits tissés entre le collège jésuite bruxellois et la cour sous Léopold-Guillaume, lire de Porteman : Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 28 et « Emblematische voorstellingen door leerlingen tentoongesteld », dans Krijg en kunst..., 2003, p. 183-184 (cat. II.1.24).

47 Voir Michel Hermans, « De la fondation à la suppression », dans Bernard STenuit (dir.), Les collèges jésuites de Bruxelles..., Bruxelles : Lessius, 2005, p. 53-83, aux pages 58-59, 71-73 et 76- 77; Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 24-25, 27-28 et 114 ; Porteman, « Emblematische voorstellingen... », dans Krijg en kunst..., 2003, p. 183 ; Dirk Sacré (ed.), Sidronius Hosschius (Merkem 1596-Tongeren 1653)..., Courtrai : Stedelijke Openbare Bibliotheek, 1996, p. 59. Sur l’origine sociale des élèves bruxellois durant l’Ancien Régime, lire Claude Bruneel, «De viris illustribus... », dans Quatre siècles de présence jésuite à Bruxelles..., 2012, p. 235-249.

48 Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 28 et 115 ; Krijg en kunst..., passim, en particulier p. 235-251 (« Jezuïeten rond de landvoogd »).

49 Othonis Zylii e Societate Jesu Cameracum obsidione liberatum a serenissima archiduce Leopoldo Guilielmo Belgii Burgundiaeque gubernatore, Antverpiae : ex officina Plantiniana Balthasaris Moreti, M.DC.L. Plusieurs informations de notre exposé sont reprises à Noël Golvers, « Otto Zylius, Cameracum obsidione liberatum a [...] Leopoldo Guilielmo [...] », dans Krijg en kunst..., 2003, p. 213-214 (cat. 11.2.28). Sur Zylius et son œuvre, lire essentiellement : Nieuw Nederlandsch Biografisch Woordenboek, t. 5 (1921), col. 1184-1185, s.v. Zijl (Otto van) ; Sommervogel e.a., Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, t. 8 (1898), col. 1549-1550. Voir aussi dans Krijg en kunst..., 2003 : Mertens, « De gehuldigde krijgsheer », p. 80; Franz Aumann, « Aartshertog Leopold Willem, een connaisseur, verzamelaar van kunst en antiquiteiten », p. 89-100, à la page 96.

50 Jacobi Wallii e Societate Jesu Poematum libri novem, Antverpiae : ex officina Plantiniana Balthasaris Moreti, 1656, Heroicorum liber I, p. 19-39. Concernant Wallius et son œuvre, voir essentiellement Biographie nationale, publiée par l’Académie Royale... de Belgique, t. 37 (1938), col. 79-80, s.v. Wallius (Jacques) ; MERTENS, « De gehuldigde krijgsheer », dans Krijg en kunst..., 2003, p. 82 ; Dirk Sacré, « Jacobus Wallius, Poematum libri novem », dans Krijg en kunst..., 2003, p. 222-223 (cat. II.2.37). Voir aussi Aline Smeesters, Aux rives de la lumière..., Louvain : Leuven University Press, 2011, p. 462 (où nous puisons les dates de séjour du jésuite à Bruxelles).

51 Voir la synthèse opérée par Dirk Sacré : « Sidronius Hosschius, Elegiarum libri sex... », dans Krijg en kunst..., 2003, p. 237. Consulter également Sacré (ed.), Sidronius Hosschius..., 1996 ; Dirk Sacré, « Hosschius (Sidronius) », dans Centuriae Latinae..., 2 (2006), p. 403-408. Pour la période bruxelloise d’Hosschius, lire en particulier J. Levaux, « Notice historique sur le Révérend Père Sidronius de Hossche de la Compagnie de Jésus », dans Annales de la Société d’émulation pour l’étude de l’histoire et des antiquités de la Flandre, 4ème série, 1886, p. 1-93, aux pages 31-38 et Sacré, Sidronius Hosschius..., 1996, p. 57-66.

52 Ces Vota publiés au nom du collège sous la forme d’un poème de 191 distiques élégiaques furent insérés (dans une version remaniée et augmentée, comptant 1120 vers) dans l’édition posthume de l’œuvre intégrale d’Hosschius : voir Serenissimo Leopoldo Wilhelmo, archiduci Austriae.... Vota Kalendarum Januarii M.DC.XLVIII, Bruxellae : apud Guilielmum Scheybels, [1648] et Sidronii Hosschii e Societate Jesu Elegiarum libri sex..., Antverpiae : ex officina Plantiniana Balthasaris Moreti, M.DC.LVI.

53 Les lettres annuelles nous apprennent qu’à l’occasion de la nouvelle année 1648, Léopold-Guillaume vint au collège pour assister à l’office et y prendre le repas en compagnie des jésuites. À la fin du dîner, des vœux furent prononcés en vers par les jeunes élèves (Antwerpen RA, SJ, FB, 6, Litterae annuae 1648, fol. 200 : sub prandii finem vota a juventute nostra versu dicta).

54 Voir dans Krijg en kunst..., 2003 : Aumann, « Aartshertog Leopold Willem, een connaisseur,... », p. 93 ; Mertens, « De vrome prins », p. 57-64, aux pages 58-59 ; Mertens, « De gehuldigde krijgsheer », p. 81 ; Dirk Sacré, « Sidronius Hosschius, Elegiarum libri sex », p. 237 (cat. II.3.11). Lire également Sacré, « Hosschius (Sidronius) », dans Centuriae Latinae..., 2 (2006), p. 406 et Audrey Henin, Les Elegiae in mortem duorum militum Hispanorum..., mémoire inédit, Louvain-la-Neuve : UCL, 2011.

55 Comme l’a indiqué Porteman, les événements concomitants des expositions décident régulièrement du choix de leurs sujets (Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 32 et 34-35). Dans son catalogue, Porteman pointe ainsi régulièrement les événements historiques qui ont sans doute influencé le choix des sujets des expositions (voir en particulier les années 1633, 1644 et 1659 : p. 86-87,98-99 et 136).

56 Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 30-32. Concernant l’histoire (et l’importance politique) du Très-Saint-Sacrement de Miracle bruxellois, consulter Dequeker, « The Brussels Miraculous Sacrement... », dans The Jesuits and the Emblem Tradition..., 1999, p. 69-86 ; Luc Duerloo, « Le Très Saint Sacrement des Miracles », dans Werner Thomas, Luc Duerloo (ed.), Albert & Isabelle (1598-1621). Catalogue, Turnhout : Brepols, 1998, p. 236-237 (cat. 324) ; Bart op de Beeck, « Historie van het H. Sacrement van Mirakelen », ibidem, p. 237-238 (cat. 326).

57 Pour un résumé de cette légende, lire Luc Duerloo, « Archiducal Piety and Habsburg Power », dans Werner Thomas, Luc Duerloo (ed.), Albert & Isabelle (1598-1621). Essays, Turnhout : Brepols, 1998, p. 267-283, en particulier p. 267. Anna Coreth est la première à avoir pointé l’importance de la pietas Austriaca, dont les principales manifestations sont la Pietas eucharistica, la Fiducia in Crucem Christi, la Pietas Mariana et la dévotion envers les saints (Pietas Austriaca, West Lafayette : Purdue University Press, 2004). Sur cette piété, consulter également : Jean BÉRENGER, « Pietas austriaca... », dans J.-P. Bardet e.a. (éd.), La vie, la mort, la foi, le temps..., Paris : PUF, 1993, p. 403-421 ; Luc Duerloo, « Pietas Albertina... », dans Bijdragen en mededelingen betreffende de geschiedenis der Nederlanden, 112 ( 1997), p. 1-18 ; Claude Michaud, compte-rendu de : Anna Coreth, Pietas Austriaca..., dans Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 43/1 (1988), p. 208-210 ; Marie Tanner, The Last Descendant of Aeneas..., New Haven : Yale University Press, 1993, p. 207-222 ; Emmy Toonen, Timoré Domini. Zuidnederlandse religieuze historieschilderkunst in het bezitvan aartshertog Leopold-JVilhelm (1647-1656), mémoire inédit, Louvain : KUL, 1990.

58 Voir Duerloo, « Pietas Albertina. Dynastieke vroomheid... », 1997, p. 1-18 (Albert) ; MERTENS, « De vrome prins », dans Krijg en kunst..., 2003, p. 57-64 (Léopold-Guillaume). Dans l’introduction de l’édition anglaise du livre d’Anna Coreth (Pietas Austriaca, 2004, p. xi-xviii), William D. Bowman insiste sur le fait que les Habsbourg croyaient réellement dans l’efficacité de la Pietas Austriaca (voir p. xii-xiii).

59 Léopold-Guillaume ne fut pas le seul Habsbourgeois à manifester une piété aussi visible et spectaculaire à l’égard du Saint-Sacrement : voir Jean BÉRENGER, « L’historiographie à la cour de Vienne (xve et xviie siècles) », dans Chantal Grell (dir.), Les historiographes en Europe de la fin du Moyen Âge à la Révolution, Paris : Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2006, p. 109-126, à la page 120.

60 ARSI, GB35 (Gallobelgicae historiae 1640-1649), fol. 147r-148r, supplementum historiae collegii Duacensis ab anno 1647, fol. 147r : Merito vero hic sibi memoriam aliquam vindicat egregium archiducis Leopoldi Guilielmi Austriaci facinus, in quo una simul Austriacae pietatis in sacram hostiam et e conversa Dei in Austriacum genus providae manus, simul Austriacae in Societatem benevolentiae atque humanitatis evidens sese profert argumentum. Advehebatur ille rheda in hoc collegium dum fit obvius forte sacerdos cum sacra viatico. Austriaca sat fidt vidisse. Nulla mora, e curroprosilit etpede [...] comitaturjamqueprope aberat ab aegroti limine, cum medicus (seu mavis in medico genii alicujus tutelaris vocem agnoscere) admonet, sat esse pietati datum [...]. Le même événement est encore relaté ailleurs dans le même dossier des archives aux folios 181v-182r (ARSI, GB35, fol. 174r-187r, annuae litterae provinciae Gallo-Belgicae 1647, lettres signées à la dernière page par Hubertus Wiltheim).

61 Grâce à diverses lettres échangées entre les cours de Bruxelles et de Madrid, ainsi qu’aux articles de la gazette de l’époque, nous savons que Léopold-Guillaume s’est rendu à Bruxelles pour assister à la procession en 1648, 1650, 1652, 1653 et 1655 (respectivement Correspondance de la Cour d’Espagne sur les affaires des Pays-Bas au xviie siècle, t. 4 [1933], p. 77, doc. 199 ; Relations Véritables [20 juillet 1650], p. 244 ; [13 juillet 1652], p. 332 ; [23 juillet 1653], p. 352 ; [7 juillet 1655], p. 324) ou qu’il avait l’intention de le faire (en 1647 : Correspondance, t. 4 [1933], p. 5, doc. 8).

62 Outre le catalogue de Porteman (Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 28, 34 et 36-38), lire aussi dans Krijg en kunst..., 2003 : Mertens, « De gehuldigde krijgsheer», p. 71-87 (passirn) et Porteman, « Emblematische voorstellingen... », p. 183-184 ; ainsi également que Schreiber, .,Ein galeria nach rneinem Humor"..., 2004, p. 149.

63 Voir Mertens, « De gehuldigde krijgsheer », dans Krijg en kunst..., 2003, p. 71-87 ; les informations et les citations, traduites du néerlandais, sont reprises de la page 75.

64 Il s’agit des expositions de 1647 à 1655 (KBR, ms. 20.306-20.314 ; BnF, ms. lat. 10.171).

65 Pour les volumes commémoratifs de 1647 et 1651, voir notre édition (KBR, ms. 20.306, fol. 1r et 38r ; KBR, ms. 20.309, fol. 1). Pour ceux de 1649 et 1650, voir infra (BnF, ms. lat. 10.171, fol. 2r et 104r ; KBR, ms. 20.308, fol. 2r et 56r).

66 KBR, ms. 20.311, fol. 1 (nous en donnons le texte latin et la traduction française au troisième chapitre).

67 Voir Andriessen, De Jezuïeten en het samenhorigheidsbesef..., 1957, p. 207-208.

68 Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 119-123.

69 Voir notamment Porteman, Emblematic Exhibitions1996, p. 35.

70 La classe de rhétorique (KBR, ms. 20.311) produisit 97 emblèmes et la classe de poésie (KBR, ms. 20.310) 99 emblèmes.

71 Voir Mertens, « De gehuldigde krijgsheer », dans Krijg en kunst..., 2003, p. 77 et 80. Sur cette défaite, voir Lonchay, La rivalité de la France et de l’Espagne aux Pays-Bas 1635-1700, Bruxelles : Hayez, 1896, p. 127-128 ; Alain Lottin, Philippe Guignet, Histoire des provinces françaises du nord de Charles Quint à la Révolution française (1500-1789), Arras : Artois Presses Université, 2006, p. 182-183.

72 Signalons que Porteman s’est déjà étonné de cette absence d’interaction entre les séries emblématiques de 1649 et l’actualité (voir Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 110; lire aussi Mertens, « De gehuldigde krijgsheer », dans Krijg en kunst..., 2003, p. 80). Sur cette exposition, outre Mertens (p. 80) et Porteman (p. 110-111) mentionnés ci-dessus, consulter Mertens, « De vrome prins », dans Krijg en kunst..., 2003, p. 58.

73 BnF, ms. lat. 10.171, fol. 2r : serenissimo Leopoldo in laboribus indefesso laborem emblematis adumbratum dedicant rhetores gymnasii Societatis Jesu Brnxellis anno M.DC.XLIX (« les rhétoriciens dédièrent le labeur, représenté emblématiquement, au sérénissime Léopold infatigable dans les labeurs. Au collège de la Compagnie de Jésus à Bruxelles, en l’an 1649 ») ; fol. 104r : serenissimo Leopoldo in otio minime otioso otium emblematis adumbratum dedicant poetae gymnasii Societatis Jesu Bruxellis anno M.DC.XLIX (« les poètes dédièrent le loisir, représenté emblématiquement, au sérénissime Léopold nullement oisif durant son temps de loisir. Au collège de la Compagnie de Jésus à Bruxelles, en l’an 1649 »). Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 39 et 110.

74 Sur cette exposition, lire Porteman : Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 114-115 et « Ignatius’ liefdadigheid en Franciscus Xaverius’ standvastigheid », dans Krijg en kunst..., 2003, p. 236-237 (cat. II.3.10).

75 La citation provient de Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 114 (nous traduisons de l’anglais). Voir aussi Mertens, « De vrome prins », dans Krijg en kunst..., 2003, p. 58. KBR, ms. 20.308, fol. 2r: DIVI patrIs IgnatII CarItas LeopoLDo aVstrIaCo a rhetorIbVs brVXeLLensIbVs ConseCratVr (chronogramme: 1650) ; KBR, ms. 20.308, fol. 56r : sanCtI XaVerII ConstantIa LeopoLDo aVstrIo a poetIs soCIetatIs IesV brVXeLLae DICAta (chronogramme : 1650).

76 Porteman a opéré ce constat avant nous (Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 124).

77 Voir Porteman, Emblematic Exhibitions..., 1996, p. 124-129.

78 Voir René Vermeir, « Leopold Willem als landvoogd van de Spaanse Nederlanden (1647- 1656) », dans Krijg en kunst..., 2003, p. 39-51, essentiellement aux pages 39-41. Sur la charge de gouverneur-général, consulter Hugo de Schepper, René Vermeir, « Gouverneur-général », dans E. Aeres e.a. (ed.), Les institutions du gouvernement central des Pays-Bas habsbourgeois (1482- 1795), Bruxelles : Archives générales du Royaume, 1995, p. 187-208.

79 Sans détailler toute la bibliographie sur l’emblème comme « mode de pensée » et sur le mode de fonctionnement « discursif » du « processus emblématique », signalons au moins une étude fondatrice sur le sujet : D. S. Russell, The Emblem and Device in France..., 1985, en particulier le chapitre IV (‘The emblematic process’), p. 161-181.

80 Catherine Bousquet-Bressolier fait des affixiones des « images curieuses accompagnées de textes à lectures multiples (ce qui les rend difficiles à traduire), faits pour aiguiser l’attention et exercer la compréhension du lecteur » (« Pédagogie de l’image jésuite. De l’image emblématique spirituelle aux emblemata mathématiques », dans François de Dainville s.j. [1909-1971] pionnier de l’histoire de la cartographie et de l’éducation..., Paris : PRODIG, 2004, p. 143-166, à la page 156).

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