Conclusion
p. 233-245
Texte intégral
1Après que nous nous soyons efforcés de reconstruire au plus près des traces archivistiques l’affaire qui, entre nous, avait été familièrement surnommée l’affaire des « petites Anglaises » mais qui, officiellement, fut bel et bien nommée l’affaire de la « traite des Blanches », après que nous ayons essayé également d’en découvrir de plus lointaines conséquences directes ou indirectes, il peut être utile de prendre davantage de recul pour tirer quelques conclusions.
1. La traite des blanches : mythe ou réalité ?
2La traite des blanches n’a pas suscité beaucoup de littérature scientifique en français et le livre pionnier d’Alain Corbin, celui-là même qui donna à Luc Keunings l’impulsion initiale pour s’attaquer aux archives des petites Anglaises, demeure près de trente ans plus tard l’ouvrage de référence en la matière. Bien que la question de la traite des blanches n’y fasse l’objet que d’un chapitre, les principales conclusions de Corbin relatives à la question de l’existence réelle ou non de la traite sortent validées de notre propre enquête. On se souvient que Corbin commençait par prévenir ses lecteurs que
« S’il est un sujet à propos duquel il est malaisé de démêler le mythe de la réalité, c’est bien la traite des blanches ; thème d’ailleurs plus signifiant par la littérature angoissée qui le véhicule que par la réalité qu’il recouvre, carrefour de toutes les obsessions de l’époque ; à son propos, les esprits les plus pondérés s’égarent »1.
3Nous avons pu expérimenter en effet combien il était difficile de départager le vrai du faux dans les multiples versions fournies par les non moins multiples acteurs impliqués, nous avons éprouvé aussi combien certains esprits pouvaient s’égarer et ce, nous y reviendrons, non seulement à l’époque des faits mais également dans la postérité. Ce n’est pas à proprement parler qu’il faille choisir entre le mythe et la réalité : la situation est plus complexe. Il y avait indéniablement une réalité sous-jacente aux versions mythiques mais, ramenée à ses justes proportions, celle-ci est bien plus tristement prosaïque que les récits tragiques sur les victimes -prétexte peut-être des récits héroïques de leurs salvateurs proclamés2 - ne le laissaient présager. Est-ce à dire pour autant que tous « les esprits les plus pondérés » contemporains du scandale perdirent le sens des réalités ? Non point. Même s’il n’était évidemment pas exempt non plus de préjugés et d’arrière-pensées, il était à l’époque un journalisme qui ne jouait pas dans la surenchère et rappelait ses lecteurs à une saine sobriété. Ainsi, au lendemain du verdict des procès de décembre 1880, la « causerie » de Victor de la Hesbaye, rédacteur en chef du quotidien La Chronique :
« Je sais bien que quelques-unes des filles recrutées sur le pavé londonien n’ont pas atteint leur majorité et c’est là ce qui a mis la justice en émoi. Mais ces demoiselles n’en sont pas plus intéressantes pour cela. J’ai habité Londres ; je sais que la prostitution y est effroyablement précoce ; et les filles du genre de celles que racolent Roger et consorts ont déjà, le plus souvent, à dix-huit ou dix-neuf ans, de longs états de service. (...). Car on ne fera croire à personne que les jeunes drôlesses en question -à part une exception peut-être -ne sussent point parfaitement ce qu’elles venaient faire en Belgique. Voyez-vous une jeune fille honnête se laissant accoster dans les rues de Londres par un individu inconnu, et allant tranquillement s’embarquer avec lui pour le continent, sans même prévenir sa famille ? Cela fait hausser les épaules. Il est bien plus facile de concevoir que les malheureuses racolées par les proxénètes londoniens envisagent comme une amélioration de leur sort la vie abjecte des maisons de débauche. Combien en ai-je vu, de ces misérables filles, jeunes et jolies encore, se traîner sur les trottoirs de Londres, demandant à la prostitution un pain souvent rare et un asile toujours incertain ? La perspective d’avoir à manger tous les jours et d’être confortablement logées devaient suffire pour les décider à suivre le proxénète qui s’adressait à elles ; point n’était besoin pour celui-ci de faire des frais de roueries diplomatiques »3.
4Telle est la conclusion récurrente de ceux qui depuis lors observent sans œillères idéologiques le phénomène migratoire chez les prostituées : comme la plupart des autres courants migratoires de l’époque, il n’a d’autre déterminant que la nécessité économique. Ainsi Albert Londres écrirait, en prenant l’exemple des prostituées étrangères à Buenos-Aires un demi-siècle plus tard, en 1927 :
« Je vous ai montré la traite des Blanches. Les hommes qui en vivent, les femmes qui n’en meurent pas. Jusqu’à ce jour, on n’a voulu voir dans cette question que les cas exceptionnels. Le roman. Le roman de la jeune fille trompée. Cela fait une bien belle histoire à faire pleurer les mères. Ce n’est qu’une histoire. La jeune fille non consentante sait où s’adresser. Regardons plus profondément. Ce n’est pas le roman alors que nous trouvons, c’est le drame. Drame des petites Polaks. Drame des petites Franchuchas. Celles-là baissent la tête. Elles savent le chemin qu’elles prennent. Elles suivent l’homme du milieu comme un malade le chirurgien. Le chirurgien va lui faire du mal mais il la sauvera. Peut-être ! Drame de la misère de la femme. Le ruffian ne crée pas. Il ne fait qu’exploiter ce qu’il trouve. S’il ne trouvait pas cette marchandise, il ne la vendrait pas. Seulement il sait qui la fabrique. Il connaît l’usine d’où sort cette matière première, la grande usine : la Misère. Il est toujours plus facile de s’en prendre aux apparences sensibles. Quand on parle de la traite des blanches on dit : Ah ! Ces hommes qui emmènent ces femmes ! Personne ne s’écrie : Ah ! La misère qui conseille à ces femmes de se laisser emmener par ces hommes ! »4.
5Les conclusions de Corbin s’inscrivaient en droite ligne dans cette tradition critique :
« Il importe toutefois de souligner avec Feuilloley et les magistrats ou les officiers du parquet interrogés par Appleton lors de ses recherches, que la vierge enlevée ou la femme violentée et emmenée soit par force, soit par tromperie dans les lupanars lointains est une rare exception ; certes, les commissions d’enquête et les sociétés abolitionnistes ont prouvé l’existence de tels faits, mais la "grande" comme la "petite" traite concernent presque exclusivement des filles et des femmes averties de ce que l’on attend d’elles et qui acceptent, sans contrainte, de s’expatrier »5.
6Corbin ne précise pas s’il compte les commissions d’enquêtes -celle de la ville de Bruxelles et celle de la Chambre des Lords à Londres -au nombre de celles qui ont « prouvé l’existence de tels faits »6 mais cela ne change rien à la pertinence de sa conclusion : la « traite » concerne « presque exclusivement des filles et des femmes averties de ce que l’on attend d’elles et qui acceptent, sans contrainte, de s’expatrier ». C’est exactement ce que nous avons trouvé dans les archives des petites Anglaises et si vraiment cette affaire fut la première qui enclencha la longue série des campagnes organisées contre la traite des blanches7, campagnes qui devaient connaître leur apogée quelques années plus tard8, on est fortement enclin à conclure qu’il n’en a jamais été autrement.
7Ce dernier point mérite d’être particulièrement souligné car la mémoire militante s’est, très tôt, volontiers figurée que deux périodes devaient être distinguées dans le phénomène de la traite : une première période où, de façon ouverte et éhontée, les « trafiquants » auraient utilisé des méthodes criminelles (rapt de mineures innocentes et contrainte de majeures…) et une seconde période où, grâce aux efforts des mêmes militants, les méthodes se seraient « adoucies » ; ainsi écrivaient les experts de la Société des Nations en 1927 :
« Les méthodes que l’on attribuait autrefois aux agents de la traite des blanches, et dont les histoires subsistent encore dans l’imagination populaire sous une forme très pittoresque ont changé. L’emploi de ces méthodes est devenu très difficile, depuis de nombreuses années, par suite de l’intervention plus vigoureuse de la police »9.
8Mais il était bien évidemment sous-entendu que si la vigilance des philanthropes se relâchait un instant, les trafiquants retourneraient de suite à leurs bonnes vieilles méthodes coercitives et que, par conséquent, une constante vigilance restait indispensable … Par exemple, dans l’ouvrage du même nom qui fut longtemps 'le' livre de référence sur la prostitution en Europe, Abraham Flexner attribuait-il la quasi-disparition de la traite des blanches en Europe à l’action énergique des organisations privées10 :
« Beyond question an innocent girl might be entrapped, enticed, and immured in a European brothel ; but if so, the instance would be an isolated crime, like a mysterious murder or robbery. Under existing conditions, there is absolutely no reason to think that such cases occur frequently, though there are those who would be quick to take advantage of any relaxation of vigilance on the part of governments, the police, and the private organizations constantly on the alert. In the cases to which from time to time attention has been sensationally called, the women involved are neither innocent nor deceived. (…). The entire White Slave movement is thus forcible interference with the making of prostitutes. While the traffic in young girls has been thus greatly restricted, there is no question that a trade in already ruined women is still carried on »11.
9Quinze années après Flexner, évoquant en 1927 avec ses collègues experts de la Société des Nations le scandale qui avait agité Bruxelles quand il était adolescent, le belge Isidore Maus y renverra comme à « l’époque véritablement héroïque »12 de la traite des blanches et fera une déclaration semblable à celle de Flexner : jadis nombre de victimes étaient « innocentes » mais désormais les choses ont changé et, ajoute-t-il, pour achever le combat, il convient à présent d’étendre la définition de la « traite » de telle sorte que des prostituées adultes et consentantes soient également considérées comme des victimes du « fléau » : ainsi, disait-il,
« Il ne s'agit plus maintenant, comme autrefois, d'enlèvements dramatiques de jeunes filles innocentes. Le problème se pose aujourd'hui différemment. Nous devons l'envisager dans son intégralité »13.
10En vérité, cet « autrefois » évoqué par Isidore Maus représente un passé mythique, le mythe fondateur de la tribu des militants anti-traite. Dans ce que l’on a officiellement appelé la traite des blanches jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale14, les proportions ont été les mêmes dès le commencement : une immense majorité de femmes, majeures et mineures confondues, déjà prostituées déterminées -au double sens de « conditionnées » et « résolues » : déterminées par la nécessité matérielle mais donc d’autant plus déterminées à se sortir de la misère par tous les moyens disponibles -et une infime minorité abusée ou contrainte.
2. L’amalgame entre la traite des blanches et la traite des noirs
11Dans le manifeste intitulé De l’organisation de la traite et de l’esclavage des Blanches à Bruxelles, le ou les rédacteurs manifestaient une certaine conscience du fait que le rapprochement entre la traite des Blanches et la traite des Noirs pourrait ne pas convaincre :
« Les personnes qui ne sont pas au courant du triste état de choses que ces pages ont pour but de dévoiler se figurent sans doute que cette expression « Traite des Blanches » est une simple métaphore employée pour stigmatiser un fait qui n’a rien de commun, au fond, avec la vente et l’achat des esclaves »15.
12Mais ils se faisaient fort d’ouvrir les yeux aux ignorants : « Détrompez-vous, âmes candides » poursuivaient-ils avant d’aligner leurs arguments. Je ne reviendrai pas ici sur les contre-arguments qui permettent de déconstruire cet amalgame16 et voudrais plutôt en relever deux effets pervers.
13Tout d’abord, la qualification erronée (« traite ») du phénomène des prostituées migrantes induit depuis le début du xxe siècle des réponses politiques foncièrement inadéquates. S’il s’agissait bien de traite et d’esclavage, la politique à suivre serait paradoxalement plus aisée : une répression musclée serait aussi efficace qu’elle le fut aussitôt que les puissances occidentales décidèrent de combattre vraiment les traites négrières17. Dans le cas des prostituées migrantes, la stratégie répressive se retourne inéluctablement contre elles puisque la dernière chose qu’elles souhaitent est d’être renvoyées dans les pays dont elles ont été chassées par la misère -et par la politique parfois aussi, ainsi dans le cas des Juives de l’empire russe à la fin du xixe siècle. Les obstacles répressifs qui sont mis à leurs déplacements ne font par conséquent que les rendre dépendantes d’intermédiaires capables de leur assurer le passage illégal des frontières et accroître d’autant leur vulnérabilité.
14Un second effet pervers a été de banaliser la traite des Noirs et, dans la foulée de cette banalisation, d’entretenir la croyance selon laquelle l’esclavage aurait massivement survécu à son interdiction légale. Or, à une échelle significative, la réduction en esclavage n’est possible qu’avec la complicité au moins passive des autorités : il est inconcevable qu’une société esclavagiste puisse subsister lorsque la force publique réprime l’esclavage : comment forcer des esclaves à travailler dans les plantations de coton ou à se prostituer en rue ou en maisons closes au vu et au su d’une police efficace ? Même dans les crimes avérés durant l’affaire des petites Anglaises, nous avons vu que la collusion des autorités (policiers, médecins…) avec les abuseurs était une condition nécessaire et elle l’est a fortiori si le phénomène se généralise à grande échelle. C’est en ce point précis que l’absence de mise en cause des autorités lors des procès -et en particulier lors du procès censé rendre justice à Louisa Hennessey -se révèle importante : l’autorité de la chose jugée a préparé les « esprits » à concevoir la possibilité que des particuliers disposent à eux seuls de suffisamment de moyens pour réduire des jeunes femmes en esclavage sexuel. Comme c’est très invraisemblable, il a bien fallu que même « les esprits les plus pondérés » postulent dans le chef des tenanciers et de leurs acolytes des moyens dont le commun des mortels n’avait aucune idée. Ce postulat d’une puissance maléfique inconnue ailleurs est peut-être le terreau des fantasmes entretenus sur les réseaux occultes des « organisations criminelles ». Certes le seul scandale bruxellois n’a évidemment pas suffi à rendre cette représentation plausible car il s’agit là d’un processus forcément très lent : on ne change pas dans les têtes les frontières du vraisemblable et de l’invraisemblable en un seul tour de manivelle.
3. Le juge, l’expert et l’historien, cautions de la réalité
15À cet égard, les juges, les experts et les historiens apparaissent parties-prenantes, à des stades différents du processus, de ce que les sociologues appellent désormais, dans la foulée du classique de Peter Berger et Thomas Luckmann, « la construction sociale de la réalité »18. Ces derniers y analysaient le rôle des « structures de plausibilité »19 indispensables pour qu’un phénomène apparaisse simplement possible ou, à l’inverse, impossible : nos structures de plausibilité sont ainsi faites qu’elles excluent généralement le déplacement physique des individus par l’unique effet de la force psychique. Lors d’un récent séjour au Bénin, j’ai pu personnellement constater maintes fois que cette possibilité y était au contraire socialement incontestable. Tant que prévalait un évolutionnisme désormais désuet, on s’expliquait communément le passage d’une structure de plausibilité à l’autre par l’effet quasi mécanique du « progrès » : « les lumières » affranchissaient les individus des superstitions et d’une vision magique de l’univers. Avec la « traite des blanches » et ses avatars contemporains, on assiste à un mouvement inverse : la « crédibilisation » progressive d’un mythe20, un véritable ré-enchantement du monde, même s’il est imputé au côté obscur de la force, à ces puissances proprement démoniaques que sont censés être les « trafiquants » et leurs réseaux21. Quels sont les agents de cette évolution ? Berger et Luckmann ne se sont pas penchés sur les acteurs dont l’autorité garantit l’efficacité des structures de plausibilité. Or c’est précisément comme de tels agents qu’interviennent juges, experts, historiens et, last but not least, sociologues.
16S’il fallait résumer schématiquement le processus dans le cas de la « traite des Blanches », l’on dirait que, dans un premier temps, l’incrédulité fut plutôt généralisée : c’est le temps où les abolitionnistes belges la dénonçant passaient pour de doux rêveurs ou des fanatiques religieux auprès de l’opinion réputée « sérieuse ». C’est la période, qui s’étendra sur des décennies, au cours de laquelle ils déplorent l’incrédulité des élites et la considèrent comme un des principaux obstacles à leur combat22. Dans un second temps, premier facteur de « plausibilisation » important, le verdict d’un tribunal atteste qu’en effet il y avait bien matière à dénonciation, qu’une réalité scandaleuse a été sanctionnée, c'est-à-dire à la fois avérée et condamnée. Dans notre cas, c’est presque simultanément que, dans un troisième temps, un rapport d’expert cautionne lui aussi la véridicité des faits dénoncés : je pense au rapport d’enquête de Thomas Snagge auprès de la commission spéciale instituée par la Chambre des Lords. À visée informative et non strictement judiciaire, donc allégé de la technicité des procédures légales, son rapport demeure pour la postérité la pièce à conviction majeure. Ensuite viennent les « agents de plausibilité » qui valident rétrospectivement la réalité d’un passé dont l’exploration n’appartient pas encore aux seuls historiens : militants dans l’âme mais pourvus désormais du titre beaucoup plus imposant d’experts internationaux et adoptant le sobre style convenant à ce respectable statut, les membres du Comité Spécial d’Experts de la Société des Nations écrivent en introduction de leurs propres recherches qu’
« en 1880, il avait couru des bruits selon lesquels il se pratiquait une traite de jeunes filles entre l’Angleterre et des maisons de tolérance du continent. Le Gouvernement britannique ayant chargé un avocat hautement qualifié de procéder à une enquête, les recherches établirent la vérité de ces allégations »23.
17En 5e et dernier lieu, vient le temps des historiens, les ultimes garants d’une réalité désormais devenue pour de bon du ressort (presque) exclusif de l’histoire. Ainsi, dans notre cas toujours, dans ce qui fut longtemps le seul texte d'historien publié sur l'affaire des petites Anglaises, Hugh Boudin entérinait-il en bloc les allégations les plus fantaisistes des militants. Le récit mythique se trouvait ainsi confirmé et le combat abolitionniste s'en voyait a posteriori pleinement justifié : « La nécessité de s'unir pour combattre un état de choses qui tient de la barbarie, était patente »24.
18On voit bien qu’il y a là un jugement posthume qui donne rétrospectivement raison à certains acteurs et, ce qui est bien plus important à un moment où les acteurs sont tous décédés depuis longtemps, à leur version de la réalité. On a dit parfois que l’histoire ne retenait que le point de vue des vainqueurs. Mais l’historien n’est pas seulement le greffier du tribunal de l’histoire : il y siège et apporte, avec le désintéressement que procure l’éloignement temporel, un verdict quant à ce qui fut réellement25. C’est en ce sens précis qu’une continuité peut être tracée entre son rôle et celui des magistrats contemporains de l’affaire. C’est en ce sens également que les historiens sont également impliqués dans le processus de construction sociale de la réalité et, en l’occurrence, dans la construction de la plausibilité de l’existence de cette « forme moderne d’esclavage » que serait la « traite » des femmes. Tandis que la corporation sociologique a autorité pour dire ce qui est, la corporation historienne détient le pouvoir de dire ce qui fut et ce faisant l’une et l’autre corporations participent ensemble à une construction « socio-historique » de la réalité où vision du présent et vision du passé se renforcent mutuellement : les manifestations contemporaines de « traite des êtres humains » apparaissent d’autant plus vraisemblables que des phénomènes similaires sont historiquement attestées dans un passé récent et vice versa.
4. Les déplacements de l’utopie
19Présentée par la mémoire militante comme le long et difficile cheminement d’une vérité dérangeante, l’accession de la traite des blanches au statut d’une réalité incontestable s’est naturellement accompagnée d’une perte du crédit accordé aux acteurs qui en démentaient l’existence. Sur ce point aussi l’évolution est frappante car à relire aujourd’hui la polémique entamée en 1881 entre le docteur Thiry et Émile de Laveleye dans différents journaux belges, on ne peut qu’être frappé par la condescendance avec laquelle le médecin réglementariste traitait l’éminent intellectuel abolitionniste :
« M. de Laveleye est un savant d’un mérite incontestable ; mais qu’il me permette de le dire, dans la question dont il s’agit, il ne tient pas suffisamment compte des faits et de notre état social ; il se place plutôt à un point de vue théorique dans un monde autre que celui dans lequel nous vivons, exempt des vices et des passions qui agitent l’humanité. (…).
Laissons de côté ces belles théories, qui trouveraient admirablement leur place, j’en conviens, dans un traité de morale et de philosophie, et revenons à la vraie, à la seule question qui fait l’objet du débat : étant donné l’état de nos mœurs, faut-il réglementer la prostitution ou faut-il la laisser s’exercer librement et sans entraves ?
Ma réponse à cette question est nette et catégorique ; j’ose affirmer, et ma longue expérience de chirurgien des hôpitaux de Bruxelles me donne le droit de parler ainsi, que l’absence de toute réglementation, la suppression notamment des visites médicales auxquelles sont astreintes les filles soumises auraient pour conséquences inévitables, d’ici à un petit nombre d’années, de compromettre, d’altérer, de ruiner la santé publique »26.
20Un peu plus d’un an plus tard, dans l’article qui clôt leurs débats épistolaires, Thiry demeure inflexible et hautain. Comme il l’écrit encore à son adversaire, « l’évidence ne se discute pas » :
« Il ne suffit pas, dans la question qui nous occupe, de posséder toutes les délicatesses et toutes les illusions de la vertu, de croire à un monde idéal qui ne peut exister ; il faut voir, observer les faits tels qu’ils sont dans leur déplorable réalité. Que M. de Laveleye descende un instant des hauteurs où il plane, qu’il nous suive dans nos hôpitaux, dans nos consultations gratuites, etc. Et nous nous faisons fort de lui faire comprendre que la réglementation de la débauche et la surveillance sanitaire des filles publiques s’imposent comme une nécessité inéluctable »27.
21À ce moment Thiry se prononce avec toute l’autorité que lui confèrent à la fois sa longue expérience et son titre de président de l’Académie Royale de Médecine de Belgique. Pour prestigieux qu’il puisse être dans sa propre sphère, manifestement considérée par Thiry comme une tour d’ivoire, Émile de Laveleye ne se voit pas reconnaître le statut d’un interlocuteur valable dans la nécessaire et difficile gestion d’une réalité à propos de laquelle Thiry estime que seuls les acteurs responsables – par opposition aux utopistes – ont droit de cité. À ce moment les abolitionnistes n’auront souvent d’autres choix que d’assumer cette position d’utopistes : ainsi Jules Pagny face à Thiry dans le débat susmentionné à la société de médecine publique en avril 1881 :
« Je suis un des membres de cette association que M. Petithan a indiqué comme étant composée de partisans de la prostitution clandestine, de philosophes de cabinet. Philosophes de cabinet, c’est peut-être vrai (…). Mais cette expression n’a rien qui puisse nous blesser car c’est, en effet, dans le cabinet des philosophes que s’élaborent toutes les réformes : c’est du cabinet de philosophes que sont sorties l’abolition de la torture, l’abolition de l’esclavage des noirs ; c’est de là aussi que sortira l’abolition de l’esclavage des blanches »28.
22L’espace me manque pour illustrer les efforts incessants consentis durant des décennies par les abolitionnistes afin de se défaire de cette encombrante étiquette et de passer pour des individus aussi bien informés des réalités de la vie que leurs adversaires réglementaristes. Je ne vais pas non plus m’attacher à la décrédibilisation opérée au sein même du milieu médical de l’assurance satisfaite du docteur Thiry dont, en Belgique, le docteur Adrien Bayet serait dès le début du xxe siècle le principal artisan29. Dans le prolongement de la discussion précédente, je ne m’arrête ici qu’au verdict rétrospectif des historiens à ce sujet parce qu’il va nous permettre de rebondir sur un autre point.
23En conclusion de leur étude sur la prostitution à Bruxelles au xixe siècle, Colette Huberty et Luc Keunings écrivent en effet de la réglementation que
« La mise en œuvre de ce beau modèle théorique se soldera très vite par un échec. Fondé sur une utopie, le système porte en lui-même les contradictions qui vont précipiter sa perte »30.
24On imagine le docteur Thiry se retourner dans sa tombe de se voir ainsi ranger par le jugement savant de la postérité au nombre de tenants d’une mauvaise utopie, lui qui parvenait si aisément à convaincre l’élite de son époque que son système avait fait de Bruxelles « la capitale la plus saine de l’Europe » …31
25Luc Keunings comptait à juste titre le projet réglementariste en général et la maison close en particulier au nombre des avatars de cette société « disciplinaire » dont le panoptique de Bentham offrait selon Foucault la meilleure métaphore. Nous avons déjà vu que bientôt une nouvelle génération de médecins dénoncerait la faillite médicale du système de Thiry. L’affaire des petites Anglaises nous démontre également combien il était vain de penser que, confinée dans les murs des maisons closes, la prostitution serait étroitement policée dans l’intérêt général. Certes, il y a fort à parier que Lenaers, Schröder et quelques autres n’ignoraient pas grand chose de ce qui se passait dans les bordels patentés de la ville de Bruxelles mais leur savoir n’était pas mis au service de l’intérêt général pour autant (et évidemment moins encore au service de l’intérêt des prostituées) : il servait bien plutôt des objectifs inavouables privés (ainsi l’enrichissement personnel dans le cas de Lenaers) ou publics (ainsi les renseignements fournis par Lenaers au parquet de Bruxelles dans le cadre de la lutte contre l’internationale socialiste). Il y a près de trente ans un débat opposait Michel Foucault à Marcel Gauchet sur le statut heuristique exact de l’image du panoptique. Foucault n’avait pas tort de soutenir que l’idéal d’une surveillance totale rendait compte de l’étonnante ressemblance entre des lieux censés être aussi différents que les prisons, les écoles, les usines, les hôpitaux ou les casernes32 mais le scandale bruxellois de la traite des blanches conforte l’opinion de Gauchet selon laquelle, pour le meilleur et pour le pire, l’idéal de la surveillance absolue n’a jamais été qu’un vain fantasme33. Que tant d’individus membres de l’élite sociale de leur époque aient pu faire croire à sa réalité, que tant d’individus surtout aient pu organiser leur pratique professionnelle quotidienne sur base du postulat de sa réalité, que des politiques publiques aient pu s’en revendiquer et vanter l’excellence des résultats obtenus, ne laisse pas de surprendre et nous interroge en retour : quelles sont les évidences demain balayées en lesquelles nous pensons trouver des balises sûres pour nous orienter dans le monde ou en gouverner le cours ?
5. Des salles capitonnées
26D’aucuns trouveront peut-être abusif de ranger les bordels dans la panoplie des outils de la société disciplinaire. On n’imagine pas par contre que l’on objecte à le faire s’agissant des institutions pour jeunes filles « indisciplinées » du genre de celles dont Veerle Massin nous dépeint le fonctionnement après la Première Guerre mondiale. Chef de file incontesté de la fronde anti-réglementariste en Belgique, Isidore Maus était aussi, en tant que le premier directeur de l’Office de Protection de l’enfance au ministère de la Justice, le responsable administratif ultime du réseau de maisons de redressement gérées par l’État. Lors d’une mission d’étude de la Société des Nations venue visiter la Belgique, il présenta fièrement l’œuvre réalisée et notamment « les 20 établissements pour anormaux de toutes les catégories »34. Parmi ceux-ci, disait-il,
« L’office de la protection de l’enfance a créé, à Bruges, un asile-clinique pour les jeunes filles placées par l’autorité judiciaire et gravement atteintes de maladies vénériennes. (…). Certaines filles sont sujettes à des crises d’érotisme qui provoquent des extériorisations d’indiscipline avec symptômes pathologiques. On a installé pour elles un quartier d’isolement médical, avec bains, douches, chambres matelassées à lumière bleue, occasions de travail physique… »35.
27Je ne sais si Maus croyait au possible « relèvement » des filles perdues et placées à Bruges. Il y a lieu de penser qu’il ne se faisait pas beaucoup d’illusions sur l’efficacité du travail réalisé et pensait, comme de nombreux intervenants de première ligne, « le relèvement des prostituées difficile et ingrat »36. Ces femmes ne manifestaient apparemment aucun souhait d’être relevées par des âmes charitables et, notait-il avec dépit,
« Le plus grand nombre des prostituées refuseraient ou seraient incapables de faire l’effort nécessaire pour changer de vie. Lorsque les maisons de prostitution autorisées ont été fermées à Gand le 1er janvier 1932, un Comité de Dames aidé de l’infirmière du dispensaire communal a offert aux 32 femmes sortant des maisons supprimées de les relever en leur procurant un emploi honnête. Toutes ont refusé, préférant continuer leur triste métier comme prostituées éparses »37.
28Dans le cas des mineures, il n’était heureusement pas nécessaire de s’embarrasser de leur consentement : de même qu’on ignorait leur « oui » éventuel à la prostitution et à la « traite », on ignorait leur « non » au relèvement et elles pouvaient donc se retrouver placées malgré elles dans les sympathiques institutions administrées par l’Office de Protection de l’enfance. On n’a jamais trouvé la salle de torture capitonnée dénoncée par Josephine Butler dans un bordel bruxellois. Par contre, quelques années plus tard, pour leur bien, des mineures prostituées (ou manifestant d’autres penchants à la « débauche ») seraient enfermées en salle capitonnée à Bruges. Et l’on trouverait cela si bien que l’on s’en vanterait auprès des missions d’étude de la Société des Nations… Amère ironie, l’autorité publique elle-même réaliserait donc, au moins en partie, le fantasme que l’on avait cru pouvoir imputer aux criminels. Les années de guerre verraient bien pire encore se produire et des États -allemand et japonais à coup sûr -organiseraient pour de bon la réduction en esclavage sexuel.
29Dans Le journal d’une femme perdue, le réalisateur allemand Georg Wilhelm Pabst a donné en 1929 une vision radicalement différente de celle de Maus des institutions de relèvement : on y voyait une jeune fille mère placée par décision familiale dans un foyer privé et livrée comme ses compagnes d’infortune au sadisme d’une « éducatrice ». Contemporain des discours auto-satisfaits et auto-référentiels des élites (Maus à l’Office de Protection de l’enfance, Wets au tribunal des enfants, etc.), ce film, comme d’autres voix dans le désert, nous rappelle opportunément qu’un autre regard, non suspect d’anachronisme mais resté complètement minoritaire (malheureusement pour les jeunes filles concernées), était possible, un regard qui ne se laissait abuser par les belles paroles des prétendus philanthropes et leur renvoyait une toute autre image que celle qu’ils entretenaient d’eux-mêmes. Il y a là encore des leçons à tirer pour le présent38.
Notes de bas de page
1 Corbin, Les filles de noce..., p. 405 (de la réédition Champs-Flammarion, 1982).
2 Cf. par exemple Butler, Personal Reminiscences of a Great Crusade..., p. 210 : « I cannot and need not here undertake to give at length the story of the noble and self-denying enterprise of Alfred Dyer and his friend George Gillett. (…). The two men who undertook this difficult and heroic research were members of the Society of Friends, men of the highest character ; and it may be imagined what such men had to suffer for their boldness in entering personally the Belgian prison houses of cruelty and shame, with the design of rescuing young English girls who had been betrayed by the merchants of vice, and sold to these institutions. They not only risked their lives through the violence and rage of the keepers of these slave dens, but bore to be ridiculed, traduced and slandered on account of their action, by persons in high position whose own lives and theories of life were a constant denial of the possibility of virtue in man. »
3 Victor De La Hesbaye, "Causerie", La Chronique, dimanche 19 décembre 1880.
4 Albert Londres, Le Chemin de Buenos Aires (ou la traite des blanches), Paris, Albin-Michel, 1927, p. 254.
5 Corbin, Les filles de noce..., p. 418.
6 L’introduction de son développement sur « la genèse du mythe et les premiers combats » incite à le penser : il écrit en effet que « simple argument donc sous la plume des premiers abolitionnistes qui englobent dans leur condamnation toute forme de traite des blanches, la dénonciation du fléau se fonde alors sur des événements reconnus par les parlementaires anglais et par les juges belges » (Corbin, Les filles de noce..., p. 407).
7 À cet égard, tant les propos de J. Butler que l’activité abolitionniste intense en Belgique durant l’été 1879 (rapportés ici même par Christine Machiels) suggèrent l’hypothèse d’une certaine préméditation dans le déclenchement du scandale bruxellois.
8 À partir de 1885 en Grande-Bretagne, à partir de 1902 en France, à partir de 1907 aux États-Unis, etc.
9 Comité Spécial d’Experts, Rapport du Comité Spécial d’Experts sur la question de la traite des femmes et des enfants (1ère partie), Genève, Publications de la Société des Nations, 1927, p. 20.
10 Abraham Flexner, Prostitution in Europe, New York, Publications of the Bureau of Social Hygiene, 1914. Notons que Flexner était financé par le Bureau d’Hygiène Sociale de New York fondé par le milliardaire philanthrope J. D. Rockefeller Jr. en 1910.
11 Flexner, Prostitution in Europe..., p. 94.
12 Isidore Maus, "Procès Verbal de la 7e séance de la 6e session du Comité Spécial d’Experts en février 1927", p. 58a (Archives de la Société des Nations, Genève, dossier S. 170).
13 Isidore Maus, "Procès verbal de la 5e séance de la 5e session du Comité Spécial d’Experts en novembre 1926", Archives de la Société des Nations, dossier S. 169.
14 C’est en 1921 lors de la conférence convoquée à Genève par la S.D.N. que l’appellation « Traite des femmes et des enfants » lui a été préférée et conservée jusqu’à ce qu’en 1949 l’expression encore usitée « Traite des êtres humains » la remplace.
15 De l’organisation de la traite…, p. 25. De fait, les avocats du réglementarisme ne se faisaient pas prier pour affirmer l’« incommensurabilité » entre les deux phénomènes. Ainsi, lors d’un débat organisé par la Société royale de médecine publique le 29 avril 1881, le docteur Thiry, responsable du service des « vénériennes de la police » à l’hôpital St. Pierre de Bruxelles, lui-même mis en cause dans le cas d’Adeline Tanner (qu’il aurait personnellement opérée sans pitié pour la rendre apte à la prostitution…) : « Il ne faut pas se laisser prendre aux doléances faussement humanitaires de ceux qui nous parlent de la traite des blanches avec tant de fracas. Il y a traite et traite. Les noirs étaient vendus, les blanches se vendent ou plutôt se louent librement et ce n’est pas la même chose » (Intervention orale, Bulletin de la Société Royale de Médecine Publique du Royaume de Belgique, 2e année, 6e fascicule, décembre 1881, p. 715).
16 À la différence des traites négrières, ni la « traite des blanches » ni leur réduction en esclavage n’ont jamais été légales d’une part et la contrainte physique, omniprésente dans la traite et la réduction en esclavage des Noirs, n’a jamais été utilisée qu’à titre marginal (Cf. à ce sujet Jean-Michel Chaumont et Anne-Laure Wibrin, "Traite des Noirs, traite des Blanches : même combat ?", Cahiers de Recherche sociologique, automne 2006, n°43, p. 125-136).
17 Cf. Serge Daget, La répression de la traite des Noirs au 19ème siècle, Paris, Karthala, 1997.
18 Peter Berger et Thomas Luckmann, La construction sociale de la réalité, Paris, Meridiens-Kliencksieck, 1986.
19 Ibidem, p. 211.
20 J’étudie le détail des opérations intellectuelles par lesquelles les experts de la Société des Nations ont « scientifiquement » cautionné le mythe dans mon livre Le mythe de la traite des blanches. Enquête sur la fabrication d’un fléau...
21 L’association systématique entre juifs et trafiquants réalisée en 1892 à l’occasion du procès de Lemberg (Lviv en Ukraine aujourd’hui) autorisa en particulier le recyclage des fantasmes antisémites sur une conspiration juive mondiale à la fois mystérieuse et puissante. Cf. à ce propos l’article éclairant de Kelly Stauter-Halsted, "‘A Generation of Monsters’ : Jews, Prostitution, and Racial Purity in the 1892 Lviv White Slavery Trial", Austrian History Yearbook, 38, 2007, p. 25-35.
22 Ainsi en 1933 encore, J.D. Reefs y fait écho dans son ouvrage La traite des femmes et des enfants et la maison de tolérance, Payot, Lausanne, 1933, p. 6 : « Ceux qui luttent contre la Traite des Femmes et des Enfants n’ont d’autres adversaires que les trafiquants : personne en effet ne prend la défense de ce commerce. Mais il existe des gens qui en nient l’existence, et sont de ce fait plus dangereux que les trafiquants eux-mêmes, car ils ont essayé pendant des années de rendre ridicule la lutte contre la traite et d’en détourner l’attention du public ».
23 Rapport du Comité Spécial d’Experts sur la Question de la Traite des Femmes et des Enfants, 1ère partie, 1927, p. 7. Dans l'un de ses derniers textes, intitulé La réglementation officielle de la prostitution et le problème social (Bruxelles, Comité National Belge de défense contre la Traite des Femmes et des Enfants, 1938, p. 4), Isidore Maus écrit de même : « En 1880, il fut révélé que des jeunes filles anglaises, la plupart mineures, étaient transportées sur le continent pour être livrées aux maisons de débauche. Une enquête ordonnée par le Gouvernement britannique confirma ce fait. (...). Au cours de plusieurs procès, les faits signalés dans l’enquête anglaise furent confirmés ; il fut révélé que la violence était employée pour contraindre les jeunes filles à se livrer à la prostitution dans les maisons de tolérance. Des fillettes de treize, douze et même dix ans étaient utilisées dans ces maisons ».
24 Boudin, "La participation des protestants...", p. 159.
25 Verdict toujours susceptible d’appel par les pairs : c’est ce l’on nomme la révision historique et c’est précisément à un tel exercice que nous nous sommes livrés dans cet ouvrage.
26 Jean-Hubert Thiry, Lettre publiée dans La Flandre libérale du 28 février 1881.
27 Jean-Hubert Thiry, Lettre du 17 mars 1882 publiée dans L’Art médical.
28 Intervention de Pagny (Bulletin de la Société Royale de Médecine Publique du Royaume de Belgique, 2e année, 6e fascicule, décembre 1881, p. 716).
29 Cf. Adrien Bayet, "L’endémie vénérienne en Belgique. Ce que doit être sa prophylaxie", communication du 27 décembre 1919, Bulletin de l’Académie Royale de Médecine de Belgique, 1920, p. 1517 : « La réglementation de la prostitution est bien l’œuvre la plus inepte que l’on ait imaginée pour combattre les maladies vénériennes. Elle porte le cachet odieux de la combinaison de la morale et de l’administration policière ; de cette association contre-nature est sorti une sorte de monstre hybride, impuissant, dont la seule existence a entravé tous les progrès ».
30 Huberty, Keunings, "La prostitution à Bruxelles...", p. 20.
31 Jean-Hubert Thiry, Lettre publiée le 28 février 1881 dans La Flandre libérale.
32 Cf. Michel Foucault, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975, p. 229.
33 Cf. Marcel Gauchet et Gladys Swain, La pratique de l’esprit humain, Paris, Gallimard, 1980, p. 150 et suivantes.
34 Maus, "L’office belge de la protection de l’enfance...", p. 24.
35 Ibidem.
36 Maus, La réglementation officielle de la prostitution, p. 40.
37 Ibidem, p. 36.
38 Pour s’en convaincre, Cf. l’excellent livre de Laura Maria Agustin, Sex at the Margins. Migration, Labour Markets and the Rescue Industry, Londres, Zed Books, 2007.
Auteur
Chercheur qualifié du Fonds national de la recherche scientifique belge (F.R.SF. N.R.S.), professeur à l'Université catholique de Louvain (UCL) où il est membre permanent de la Chaire Hoover d'éthique économique et sociale. Il a publié récemment Le mythe de la traite des blanches. Enquête sur la fabrication d'un fléau (Paris, La Découverte, 2009)
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