La violence dans les sociétés pré-modernes : sources, méthodes et interprétations. Nivelles, une cité brabançonne à travers cinq siècles1
p. 263-288
Texte intégral
1L’analyse de la violence peut emprunter de multiples chemins. Dans cet exposé, nous avons choisi de replacer la violence à travers les systèmes de régulation variés que les communautés urbaines ont utilisés pour faire face aux conséquences de cette violence dans la vie quotidienne. Une telle approche a été possible en raison d’un double choix méthodologique : une observation micro-historique et une analyse de longue durée. Loin d’être incompatibles, ces deux options se révèlent très utiles, eu égard à la documentation exceptionnelle que nous avons pu accumuler durant vingt années de recherches sur une petite communauté urbaine.
2La cité de Nivelles, actuellement dans la province belge du Brabant wallon nous sert ici de test. Située au sud-ouest de Bruxelles, cette cité connaît une population qui varie entre 4 000 et 6 000 habitants du xve au xviiie siècle. Cette cité d’origine médiévale, relativement stable, est typique de nombre de petites communautés urbaines d’Ancien Régime.
3Elle présente cependant des particularités institutionnelles qui expliquent notamment la richesse de ses archives. Plus ancienne cité du Brabant, Nivelles doit son existence à une fameuse abbaye, celle de Sainte-Gertrude. Née à l’ombre de l’abbaye, la ville est tout d’abord une seigneurie ecclésiastique, dirigée par les abbés de Sainte-Gertrude. Par après, lorsque l’abbaye se transforme en chapitre de chanoines et chanoinesses, sous la direction d’une abbesse séculière, celle-ci fait régner la justice par l’intermédiaire d’un tribunal d’échevins, dirigé par un maire.
4Au xiiie siècle, dans la foulée du mouvement communal, les bourgeois de la ville obtiennent d’être jugés par la cour de justice dominante dans l’espace urbain : l’échevinage de l’abbesse. Bien que seigneuriale, la cour de l’abbesse devient donc la principale cour urbaine. Comme pour de nombreuses autres cités, il n’y a pas de monopole judiciaire à Nivelles et d’autres cours de justices, dirigées par d’autres seigneurs, coexistent intra muros2. Le maire de Nivelles a cependant la position la plus forte : officier seigneurial, il est considéré par le duc de Brabant comme un officier « public » et rend de ce fait ses comptes annuels à la chambre des comptes des ducs de Brabant depuis 1378. Jusqu’à la fin du xviiie siècle, ce maire et les échevins ont laissé une importante documentation en dépit des destructions notamment dans la deuxième moitié du xvie siècle, lors des troubles des Pays-Bas3. Grâce à cette documentation, il est possible de suivre les pratiques judiciaires et pénales de la fin du xive siècle à 1795, date de la conquête par les troupes de la République française.
5Dans ce cadre, l’étude de la violence est d’abord celle des sources sur la violence et des discours que ces sources nous livrent. Il est ensuite possible de poser les jalons d’une histoire de la violence urbaine à travers son contrôle. Restera à tirer quelques enseignements méthodologiques sur les rapports entre monde urbain et violence dans la société préindustrielle.
1. Les sources sur la violence : un discours de régulation
6Premier fait capital : la masse de nos connaissances sur la violence médiévale et moderne dans une communauté donnée provient essentiellement des archives de justice.
7Traitées de manière sérielle sur la longue durée (1378-1795), ces archives présentent deux profils. Pour la période 1378-1550, les comptes de justice nous laissent une évaluation chiffrée, en terme financiers, de l’activité de la régulation sociale des conflits. En revanche, pour la période 1550-1795, le chercheur doit reconstruire les chiffres à partir de données récurrentes mais non chiffrées des dossiers de procédure (acquittements, sentences, lettres de pardon, interrogatoires, etc.). D’emblée le problème méthodologique fondamental est posé : la rupture autour des années 1550 est avant tout pour l’historien une rupture documentaire.
81. Des années 1350 aux années 1550, on dispose d’une documentation présentant les caractéristiques suivantes :
- peu de textes légaux et surtout d’origine locale ;
- peu de traces d’une procédure écrite mais des témoignages indirects d’une procédure orale (fait mandé, chirographe) ;
- de nombreuses séries de comptes d’amende (comptes du maire, etc.)4.
92. En revanche, de 1550 à 1795, la forme matérielle et le contenu des documents change. On rencontre une documentation caractérisée par les traits suivants :
- davantage de textes normatifs (ordonnances urbaines et législation royale) ;
- de nombreux dossiers de procédures et des registres d’audience ;
- quelques sentences écrites mais l’absence de comptes d’amendes.
10Compte-tenu de cette disparité documentaire, on peut cependant chercher un fil conducteur permettant la comparaison des deux périodes. En prenant pour base l’individu objet d’une intervention de justice, on obtient un corpus de base d’individus amendés (9000) entre 1378 et 1550, d’individus poursuivis (1100) entre 1550 et 1795. Ce corpus peut alors être complété par une liste d’individus bénéficiaires d’un acquittement enregistré (900) entre 1378 et 1520 ou d’une sentence de condamnation ou d’acquittement (400) pour la période 1550-1795.
11La différence documentaire entraîne une différence du nombre d’individus enregistrés par les sources écrites.
12Comment interpréter ce changement ? Si l’on est critique, on peut considérer que la nature de la documentation conservée affecte la vision de la violence que nous tentons de reconstruire. Et si l’on est hypercritique, on peut même affirmer que le changement de documentation interdit toute reconstruction sur le long terme. On peut au contraire considérer que la mémoire écrite du crime est importante pour une communauté et que le changement de type d’enregistrement est l’indice d’un changement anthropologique dans la perception des problèmes de violence.
13Cette seconde hypothèse d’interprétation, il faut la vérifier à travers une analyse fine du discours narratif de nos sources. Car ce qui change à Nivelles entre 1500 et 1550, ce n’est pas seulement la structure des archives, mais encore le vocabulaire et la grammaire de la description du crime.
1.1. Le changement de la qualification
14Trois exemples sont révélateurs du changement. L’un concerne la distinction fondamentale entre les amendes, l’autre la description des faits motivant la sanction, le troisième la transformation des peines5.
15Comparons la structure de deux comptes du maire de Nivelles : celui de 1423-1425 et celui de 1538-1543. Tous deux sont divisés en deux parties selon le mode de répartition des amendes et ses bénéficiaires principaux : la ville et les seigneurs. En 1423, la division du compte repose sur la distinction entre « amendes fourfaites » et accords privés6. En revanche, en 1538-43, le compte distingue les cas criminels des amendes civiles7.
16Le vocabulaire comme l’ordre des priorités est changé. Au xve siècle, l’essentiel est constitué par les amendes fourfaites, communes à la ville et aux seigneurs. L’accessoire est constitué des accords privés entre seigneurs et délinquants auxquels la ville n’a pas droit (haute justice). Un siècle plus tard, la priorité est donnée à ce deuxième groupe, rebaptisé « cas criminels » au détriment de amendes civiles.
17Le vocabulaire des sanctions évolue comme le montre l’exemple du pèlerinage judiciaire, peine typiquement urbaine. En 1487, Jehan Flauteit est emprisonné pour avoir voulu battre plusieurs personnes et avoir brisé des pots à l’arbalète. Il est condamné à un pèlerinage à Milan qu’il peut racheter selon les privilèges de la ville. Il choisit de partir8. En 1521, pour avoir grièvement battu son père, Anthoine Bernard est condamné à être fouetté et à partir obligatoirement en pèlerinage à Saint-Nicolas du Barre (Bari). Il est obligé de demeurer sept ans « au-delà des monts » (au delà des Alpes)9. Le pèlerinage est transformé en une peine infamante (fustigation) et un bannissement obligatoire. On assiste donc à un durcissement et une transformation de la réalité des amendes.
18Cette transformation des représentations affecte également la description du crime au cours du temps. En 1423-1425, Gérard le Mesureur est jugé sur accusation de « trèves brisées » en la haute salle de Madame de Nivelles. Il continue à exercer des violences contre une famille adverse malgré la conclusion d’une trève, garantie par la justice. Il est condamné à une composition de 150 couronnes de France10. Le fait est grave, mais la description ne comporte aucune stigmatisation, pas même une description du délinquant ou de ses intentions. Un siècle plus tard, les préventions retenues contre Jean Dufour dessinent le portrait chargé, à la limite de la caricature, de ce nouveau criminel dans le collimateur de la justice. Il est accusé de « plusieurs mourdres, de trahison contre nostre seigneur, de sacrilège, d´avoir bouté le feuz et de beaucoup de larcins ». La collection de crimes dont il est chargé (meurtres, crime de lèse-majesté, incendie et vol) lui vaudra d´être « bruslé viff » par le bourreau nivellois11. C’est davantage le profil criminel que les faits précis qui contribuent à la description du crime.
19Ainsi la rupture dans les sources n’est pas uniquement significative du point de vue quantitatif ; elle l’est aussi du point de vue qualitatif. La méthodologie doit donc s’adapter à la nature et au potentiel de la documentation. Les sources révèlent à l’historien, moins un changement dans le nombre de violences commises que la transformation des représentations de gravité de la violence pour les autorités.
1.2. Quelle(s) image(s) de la violence ?
20L’image de la violence qui se dégage sera fortement conditionnée par la nature des sources conservées : comptabilités ou procès.
21Du point de vue qualitatif, les notices comptables de 1378 à 1550 nous livrent une information récurrente et à la variabilité réduite. Les dossiers de procédure après 1550 contiennent bien plus d’information sur le contexte des violences. Dans le premier cas, c’est la répétition des « cas » qui permet de dessiner un tableau plausible et « dense » de la place de la violence dans la société urbaine médiévale. Dans le second, l’analyse précise de récits de crimes plus circonstanciés peut être utilisée pour une description précise des usages de la violence, des relations sociales dont elle témoigne et des rituels auxquels elle donne lieu. Ainsi la qualité des informations sera différente pour les deux périodes. D’où l’importance de traiter les données sur base chronologique et non comme un corpus structurel.
22La micro-histoire peut offrir une image plus limitée mais plus approfondie de la violence. Ainsi, dans une communauté locale, le cas exceptionnel révèle le dessous des cartes, les supposés connus par les acteurs du passé, que les sources bureaucratiques – listes d’amendes ou pièces de procès – laissent dans l’ombre12.
23L’étape suivante est la réalisation d’une véritable typologie des comportements violents souvent absente des réflexions sur la violence.
1.3. Une typologie de la violence
24Parmi les chercheurs d’importants débats ont eu lieu autour des définitions de la violence. Dans les années 1980, la discussion entre L. Stone et J. Sharpe avaient balisé les principaux problèmes autour des courbes d’homicide et du sens de la violence13. Dans les années 2000, le débat a été repris par P. Spierenburg et G. Schwerhoff, dans le contexte du processus de civilisation d’Élias14. Enfin à partir des recherches sur les villes allemandes, G. Schwerhoff a replacé la question de la violence dans celles des modes de communication et des rituels d’honneur caractéristiques des sociétés médiévales et modernes15. Formes de violence, motivations, significations et place dans les rituels sociaux ont nourri un riche débat sur l’histoire de la violence.
25Dans le cadre de cette contribution, nous nous en tenons à une description analytique.
26On peut globalement discerner trois formes principales de violence : la violence physique, la violence verbale et la violence sexuelle.
27La violence physique est souvent plus clairement définie. Homicide, blessures, coups et querelles sont souvent suivis de conséquences collectives. Il n’empêche, certains comportements ne sont pas immédiatement qualifiables de violence. Ainsi le suicide, la mort accidentelle sont-elles des formes de violence ? La tentative d’homicide ou d’agression fait-elle partie des courbes de violences16 ?
28La violence verbale recouvre de nombreux comportements qui témoignent du poids des mots dans une société largement orale. Insultes, blasphèmes, menaces et calomnies ne sont pas seulement différents dans leur forme, leurs objets et leurs buts. Le pouvoir des mots réside dans leur capacité d’être utilisés comme une arme réelle dans l’arène sociale.
29Le concept de violence sexuelle est encore plus confus. Toute forme de rapports sexuels déviants n’est pas nécessairement violente. D’autre part la violence entre homme et femme est toujours sexuée, mais elle n’est pas nécessairement sexuellement motivée.
30Une telle typologie est un instrument analytique mais ne prétend pas rendre compte de la totalité de la réalité. Déjà, des observateurs médiévaux nous ont parfois laissé des descriptions pertinentes. Ainsi le juriste Philippe de Beaumanoir, officier de la couronne de France dans le bailliage de Clermont écrit-il au xiiie siècle que l’« homicide est quand quelque un tue un autre dans la chaleur d’un combat, dans laquelle la tension a tourné à l’insulte, et l’insulte aux coups, par lesquels, souvent l’un décède17 ». Il indique par là que la violence ne se comprend que dans le contexte social qui l’a engendré. Elle est expressive. Beaumanoir relève également que la violence est d’abord un processus : une tension (entre individus ou groupes) s’exprimant en échange d’injures, puis de coups et parfois d’homicide. Violence physique, verbale et parfois sexuelle sont au cœur d’un unique événement violent.
31Cette conception processuelle de la violence est capitale pour l’élaboration d’une histoire de la violence.
2. Fragments d’une histoire de la violence urbaine
32Le caractère « imprévisible », mutant et explosif de la violence conditionne la manière dont les autorités vont tenter d’endiguer les conséquences brutales des rapports sociaux quotidiens. Dans l’histoire occidentale, le contrôle de la violence est un enjeu dans les villes, espaces de concentration démographique et de densité sociale. L’histoire de la violence doit d’abord être celle de son endiguement par les pouvoirs.
2.1. La ville médiévale : un modèle de régulation sociale
33Partout en Europe, les cités manifestent une créativité certaine en matière de régulation de la violence. Dans une des régions les plus précoces en matière de développement urbain, les Pays-Bas, les autorités urbaines développent un système de contrôle de la violence fondé sur la restauration de la paix entre égaux par le biais de l’amende.
34Endiguer la violence endémique est un facteur clé dans l’autonomie communale justifiant des mesures protectrices et un renforcement de la sécurité :
- le contrôle du droit de porter des armes dans la cité ;
- le développement d’une police urbaine ;
- l’enregistrement des négociations et des arbitrages entre familles devant les autorités communales comme moyen de contrôler le déchaînement de la violence ;
- dans certaines régions urbaines, le développement de juridictions spécialisées (apaiseurs) et de nouvelles sanctions pour les contrevenants : des amendes destinées à l’entretien des remparts de la cité ou des pèlerinages judiciaires (souvent rachetables).
35Ainsi une série de techniques sont développées par les autorités urbaines dans le but, non de supprimer les réactions sociales à la violence mais de les contraindre dans un cadre mental et juridique déterminé.
36La technique du serment et du traité de paix – instrumentum pacis – fut développée dans l’Europe méridionale, dominée par la tradition juridique romaine. Dans une communauté qui revendique l’égalité et repose sur l’interconnaissance, le traité est un moyen pragmatique d’assurer la paix entre les individus et les groupes sociaux sans moralisation et sans initiative excessive des autorités18. Comme d’autres contrats privés, ces pactes sont enregistrés devant les autorités publiques. De telles pratiques sont pleines de succès dans les sociétés médiévales et modernes jusqu’au milieu du xixe siècle, où les notaires et les curés continuent non seulement d’agir comme médiateurs informels mais également d’enregistrer formellement les accords privés19.
37Ces procédures sont alors courantes en matière d’homicide. Ainsi en 1453, Jehan Germain a commis un homicide sur la personne d’Antoine Jackelart. Accompagnés de leurs proches et amis, l’auteur et le père de la victime négocient un traité de paix par l’intermédiaire d’arbitres et « d’amiables appaisiteurs ». Ensuite, ils comparaissent devant les échevins pour entériner le traité. Aux termes de celui-ci, Jehan Germain est tenu d’effectuer les quatre pèlerinages prévus en matière d’homicide, « en nom d’amende et réparacion » : Outremer (Terre Sainte), Saint-Jacques de Compostelle, Notre-Dame de Rocamadour, Sainte-Larme en Vendôme. Le premier est rachetable au père de la victime pour 20 « pieters » d’or. Les trois autres doivent être réalisés endéans quatre mois. Les arbitres surveillent le respect des conditions et garantissent « la bonne paix » entre les familles20.
38Conformément aux édits urbains, l’auteur d’une agression sanglante va se dénoncer devant deux bourgeois ou deux échevins. Cette procédure de « fait mandé » lui permet d’échapper à une accusation de crime et d’éviter d’être passible de la peine de mort. Ensuite, une négociation s’engage entre amis et parents de l’auteur et de la victime. Ceux-ci décident de placer cette négociation sous l’égide d’arbitres. Une fois choisis les arbitres et acceptées leurs propositions, les parties se soumettent à la décision des arbitres. La négociation aboutit à quatre pèlerinages judiciaires symbolisant deux formes d’amende et réparation. Le premier est rachetable au père de la victime pour une somme importante. Il s’agit d’un dédommagement. Les trois autres sont à effectuer « de paine de corps » par l’auteur. Le voyage permet ainsi à l’auteur de méditer sur son acte, mais aussi d’introduire la distance, et de calmer les esprits dans la cité.
39Les arbitres sont chargés de vérifier l’exécution des clauses du contrat mais aussi d’empêcher sous menace de procédure criminelle l’expression de la vengeance. C’est pourquoi la décision arbitrale est enregistrée devant les échevins, juges des bourgeois.
40En matière de violence non mortelle, ces procédures sont également appliquées. La fréquence des querelles entre bourgeois justifie même la création d’une juridiction spéciale : les apaiseurs. Ceux-ci aux xve et xvie siècles, institutionnalisent la régulation des querelles sanglantes. Les parties comparaissent devant eux, s’accordent sur les dommages et intérêts (frais de chirurgien, incapacité de travail, etc.) et se jurent bonne paix. Au xviie siècle, la cour des apaiseurs fonctionne comme une juridiction civile et « morale », limitée à la réparation du dommage. Ainsi, le 2 octobre 1562, Jan Le Soile accompagné de son père Guillaume demande de Jehan Croquette fils Hanno « réparation de certaine blessure qu'il luy at fait au bras senestre [...] de laquelle blessure donée il demoriat a tousiours affolet sans en pouvoir faire oeuvre ne service ». Ainsi, le 16 novembre 1562, les témoins confirment que Croquette a bel et bien blessé Lesoil21. La sentence présente les trois composantes de la rançon du sang répandu : les honoraires du chirurgien, les dépenses de soin et les dommages et intérêts proprement dits22. Les honoraires du chirurgien consistent en une somme forfaitaire de 24 livres artois. Les frais de médications couvrent essentiellement les pansements. La garde du blessé est rémunérée selon un tarif journalier de 2 sous, soit 12 livres au total. Les dommages et intérêts se distinguent en dommages causés par l'incapacité temporaire estimés à 12 livres, ainsi qu'en dommages pour l'incapacité définitive qu'entraîne la mutilation. C'est de loin la somme la plus forte puisque le condamné doit payer à sa victime une pension viagère de 30 livres par an.
41En matière de violence verbale, avec la croissance économique et démographique de la cité au xve siècle, de nouvelles procédures, inspirées du même modèle de base sont appliquées. Dès 1438, le duc Philippe le Bon, saisi probablement du problème par les bourgeois, introduit la sanction du pèlerinage rachetable en matière d’injures. Détail significatif, le tarif est sexué… Voyage à St Jacques pour les hommes (14 oboles), à Rocamadour pour les femmes (7 oboles). En 1438-1440, Katelline, femme de Pirart de Resves, et Ysabiaux de Meligne sont condamnées chacune à un voyage à Notre-Dame de Rocamadour, pour s’être injuriées l’une l’autre, sans avoir fait la preuve de la réalité des injures23. La procédure s’accompagne d’une révocation des injures devant les autorités publiques.
42Enfin l’ensemble de ces procédures qui participent d’une même philosophie de restauration de la paix entre bourgeois s’accompagne de gestes de réconciliation : serment de garder la paix, échange de baiser, partage d’une coupe de vin entre protagonistes, etc.
43On ne peut comprendre la place de la violence dans la société moderne, sans mesurer la place centrale de la violence dans la sociabilité urbaine médiévale. Orientée sur la sécurité des citoyens et les conséquences matérielles de l’agression brutale, cette société médiévale accorde peu d’attention à la stigmatisation des comportements perçus comme normaux mais privilégie la réconciliation entre citadins. Seuls les étrangers ne bénéficiaient pas de ce modèle pacificateur24.
2.2. Le xvie siècle : la criminalisation des comportements violents
44Au xvie siècle, la pression de l’État monarchique sur les villes autonomes se fait plus pressante. L’intégration progressive des cités à l’État affecte la place de la violence dans la réalité sociale comme dans les représentations populaires. Ce changement affecte non seulement la définition de l’acte lui-même mais aussi les moyens du contrôle social et les sanctions qu’il inflige. Il oriente clairement le changement vers une criminalisation croissante des comportements de violence.
45Cette criminalisation se manifeste par le changement des définitions et de leur origine, par le changement des procédures et le changement des sanctions.
Changement de définition de la violence
46De nouvelles sources de définition de la violence apparaissent. Ainsi les humanistes et réformateurs développent un nouveau discours sur le crime. Théoriciens du droit (Tiraqueau, Jean de Mille, de Damhouder) ou réformateurs religieux (Martin Luther et Iñigo de Loyola) accentuent le caractère moral du comportement violent.
47Par exemple le criminaliste brugeois Josse de Damhouder construit un discours moralisateur sur la violence mortelle : « L’homicide est le deuxième crime qui naquit sur la terre, après la prévarication et la désobéissance d’Adam et Eve, qui fut la première prévarication et crime ». Il en déduit que les accords privés entre protagonistes devront être intégrés dans une procédure publique en matière de violence, car la violence est une rupture de l’ordre public, un crime. Dans les Pays-Bas ces conceptions sont mises en application par la nouvelle législation royale de Charles Quint en matière d’hérésie25. Diverses formes de violence font l’objet d’une moralisation croissante. L’homicide par exemple, décrit comme le crime le plus infamant, depuis la chute du Paradis terrestre avec la référence à Caïn et Abel26. L’usage de la violence physique devient l’indice d’un comportement moralement dépravé.
48Quant à la violence verbale, elle subit les mêmes suspicions. Les paroles injurieuses ne sont plus une simple violence interpersonnelle. Dans le contexte de la crise religieuse, elles sont perçues comme une menace à l’ordre social tout entier. L’injure devient très vite un blasphème pour des juges soucieux de réprimer les manifestations de protestantisme. En 1559, des rumeurs circulent à Nivelles. Étienne Gilles se plaint à son curé de l’inaction de la justice dans la poursuite des hérétiques qu’il a dénoncé à l’Inquisiteur. L’officier de Nivelles commence une enquête. Bientôt Franchoys Delhaye est arrêté pour avoir prononcé des paroles méprisantes contre l’Église et possédé un recueil de psaumes et d’épitres imprimé interdit par le mandement de l’Empereur Charles Quint. Mis à la torture, il est condamné à une peine exemplaire : « porter un cierge de deux livres, à genous fléchi et tête nue, pryer à Dieu merchy, a la glorieuse Vierge Marie, la Justice, Madame l’Abbesse et au peuple ». Enfin il doit comparaître le jour de Noël à la l’heure de la grand’messe au pied de la maison échevinale puis effectuer un rituel qui l’amène à travers le marché dans la grande église et d’y assister à genoux au Sacrifice divin... Il est en outre menacé en cas de récidive d’être obligé « au voyage de Rome » sur requête de l’abbesse ou de la justice27.
Changement de la procédure
49Les données des lettres de pardon, les cours de justice locales et les juridictions supérieures ne démontrent pas seulement une augmentation dans les homicides poursuivis mais aussi un raffinement dans l’analyse de la complexité de la violence mortelle. Les chiffres soutiennent l’idée d’évolutions variées des attitudes publiques face à l’homicide entre 1550 et 1750.
50Au niveau des cités, la diffusion du recours au pardon royal est accompagnée par l’extension de la procédure judiciaire pour vérifier les circonstances de l’homicide. En conséquence, les poursuites pour homicide devant les justices locales augmentent et la distinction entre homicide simple et homicide aggravé (meurtre ou assassinat) s’accentue. Néanmoins, dans la pratique, cette distinction juridique masque fréquemment la polarisation sociale entre citoyens et « hors-la-loi ». Pour le citoyen, le pardon est largement ouvert, pour le hors-la-loi, il est difficile. Ainsi par exemple, une lettre de rémission pour homicide de 1541 qui sans l’existence d’un problème administratif n’aurait jamais permis de comprendre la place de l’homicide dans la ville28.
51La description varie en fonction des pièces du dossier. La supplique présente naturellement le point de vue de l’auteur, mais les enquêtes locales révèlent l’insertion de la violence dans un contexte particulier. Auteur et victimes travaillent ensemble, boivent, vivent dans le même quartier. L’histoire du conflit est celle d’un long continuum entre ressentiments, injures, rixes et blessure mortelle…
52La responsabilité réelle compte peu, à partir du moment où les familles se sont accordées sur le prix du sang. L’intervention des autorités témoigne alors de l’enjeu du pardon de l’homicide comme révélateur des conflits de pouvoir : conflits entre le seigneur local (l’abbesse de Sainte-Gertrude) et le prince (le duc de Brabant). En 1541, ce dernier est Charles Quint, roi d’Espagne, empereur d’Allemagne, qui s’impose comme davantage apte que l’abbesse à pacifier les relations sociales. Ce pardon a un double prix : symbolique et financier. Le suppliant devient un loyal sujet du prince, la victime est décrite comme un être mauvais. L’administration princière s’enrichit à plusieurs étapes de la procédure.
53L’exemple de cette lettre n’est pas un événement unique : il s’inscrit dans un processus d’intervention systématique des institutions royales dans la régulation de l’homicide29. La procédure de rémission et le contrôle de la violence comme instrument de centralisation sont renforcées précisément en 1541 par une ordonnance de l’empereur Charles Quint qui en fait un quasi monopole du souverain. Cette tendance s’affirmera sous son règne avant de connaître un repli sous celui de son fils Philippe II en raison de la révolte des Pays-Bas.
54Cette pression d’en haut se manifeste également dans d’autres formes de violence. La violence physique est ainsi soumise à un contrôle de plus en plus strict. De même, les amendes pour injures se multiplient dans la cité. Jusqu’aux années 1520, le système urbain résiste à Nivelles comme à Arras, Amsterdam ou Bruges30.
55Ainsi l’autorégulation fondée sur le mandement du fait disparaît quasi totalement au profit de l’intervention croissante de l’officier. Ce changement cache sans doute le passage de l’autodénonciation de l’acte de violence par l’auteur devant deux bourgeois ou échevins à la plainte de la victime devant l’officier qui entreprend l’action. Entre 1450 et 1650, à Nivelles, l’initiative de la procédure passe des victimes à l’officier public, d’abord soutien des plaignants puis porte-parole de ceux-ci avant de se substituer totalement à eux en matière de violence physique. On voit même l’officier agir contre l’avis de la victime.
56À cette époque se développe également une procédure écrite en matière criminelle. Certaines formes de violence verbales demeurent jusqu’au xviie siècle considérées comme des litiges privés et sont enregistrées dans les « rôles aux causes ordinaires ». Mais les violences physiques et sexuelles passent clairement du côté « public » du système judiciaire. Enregistrées dans les « registres aux causes d’office », elles font l’objet d’information judiciaire, de témoignages, de mise à la torture, et de punition corporelle31.
57Quant aux apaiseurs, ils sont réduits à gérer les conséquences civiles des blessures, excluant tout pouvoir de réconciliation, encore moins de sanction des protagonistes, ils tendent à fonctionner comme une cour civile.
Changement des peines
58Le changement se manifeste également dans une triple transformation de la sanction qui affecte la représentation sociale de l’amende :
- Le déclin quantitatif des peines urbaines traditionnelles : amendes et pèlerinage rachetables deviennent moins fréquents ;
- La transformation des sanctions existantes. Ainsi on observe à Nivelles un glissement subtil du pélerinage judiciaire. De rachetable il devient obligatoire et de mesure d’éloignement, il se transforme peu à peu en peine d’exclusion : le bannissement ;
- La moralisation et la confessionnalisation des sanctions. À partir des années 1520, les peines publiques et infamantes et les peines à finalité religieuse (amende honorable lors d’une procession, contribution financières aux églises et aux couvents) se multiplient ;
- L’extension aux citadins des peines corporelles, jusqu’alors destinées aux étrangers.
59Apparaissent dans les registres des échevins des comportements jusqu’alors jamais enregistrés qui confirment le changement dans la perception du crime, de son contrôle et de sa sanction. En 1609 Marcille Protteau, un jeune garçon a tué un compagnon de jeu à coups de cailloux. Le maire conclut à l’exécution capitale. Tenant compte du jeune âge du prisonnier, les échevins le condamnent à rester en prison au pain sec et à l’eau jusqu’à la prochaine procession générale. Il devra suivre la messe en vêtement blanc et pieds nus, une chandelle à la main, puis suivre la procession entre deux sergents jusqu’à l’église. En outre, il devra payer 12 florins pour réaliser un vitrail dans l’église32. De telles évolutions démontrent que dans cette période 1550-1650, marquée par la reconquête catholique, l’agression interpersonnelle cesse d’être un conflit privé pour devenir un crime public.
2.3. Les xviie et xviiie siècles, la domestication progressive des comportements violents
60L’analyse des procès d’office menés devant l’échevinage de Nivelles pour la période 1600-1795 confirme l’existence de ce processus de domestication progressive des comportements violents. Ce processus rend compte de plusieurs phénomènes :
- une description plus précise des formes de violence ou de mort suspecte ;
- l’apparition d’un discours moralisateur contre toute expression brutale de la violence et l’intérêt croissant de la justice pour la responsabilité de l’agresseur ;
- la dénonciation progressive de la violence comme expression légitime des bourgeois au profit d’une stigmatisation des récidivistes violents ;
- une répression dure des violences « excessives » : celles qui menacent l’ordre social de l’intérieur ou de l’extérieur, quelque soit le statut de l’agresseur.
61La violence prend un aspect plus banal mais cependant très inséré dans la vie locale.
62En ville, en règle générale, de nombreuses violences sont constatées par les échevins le soir ou la nuit, le dimanche et naturellement les jours de fête, quand le travail est suspendu, que la bière ou le brandevin s'écoulent rapidement et les jeux divers passionnent les Nivellois. Les temps de fête sont particulièrement propices aux débordements accidentels, le temps de la fête peut aussi être celui de la vengeance. Lors d'une assemblée de compagnons à la Blanche-Croix sur le marché aux bêtes, Noël Lehoye, manant de Grambais, est blessé d'un coup de fusil par Jean Gailly qui vide à sa façon une vieille querelle. Le jour de la Saint-Thomas 1658, à la fin d'une après-midi passée à boire et à jouer aux cartes, une obscure querelle éclate entre François Préseau et Antoine Delporte, habituels compagnons de sortie, et Delporte reçoit un coup de couteau à la poitrine33.
63Des groupes bien particuliers sont surveillés par les autorités. Les jeunes et les compagnies bourgeoises ou serments, deux groupes qui s'interpénètrent, sont en fréquent conflit avec l'autorité judiciaire. Les jeunes citadins, obligés de fournir des prestations peu agréables, sont munis d’armes mais privés de réel pouvoir dans la cité. Leur violence collective, au-delà de la conjoncture, exprime aussi leur frustration politique et sociale. Ces désordres que provoquent les jeunes ne plaisent guère à la justice même si de temps à autre, la « Jeunesse » permet de mettre la main sur des délinquants que les sergents du maire n'ont pu appréhender. La nuit du 2 au 3 octobre 1695, dans une taverne, une querelle oppose un soldat ivre, bientôt assisté de quatre jeunes originaires de Braine l'Alleud à quelques bourgeois de Nivelles. Bientôt la rixe dégénère, et un prêtre qui s'interposait est blessé. Les Brainois et le soldat
« bandèrent leurs fusils contre les bourgeois avec menace de les chasser hors de la maison, lier et garotter et les mener à Waterloo [...] ce qui obligea les bourgeois à aller chercher de l'assistance, comme l'un d'eux fit, sautant par la fenestre et allant chercher ceux de la Jeunesse [...]. Plusieurs de la Jeunesse sont survenus avec un sergent et en ont saisi deux des Brainois34 ».
64Ce cas souligne le rôle ambivalent des jeunes dans la société urbaine, à la fois garants du contrôle et possible source de troubles.
65À la campagne, les querelles éclatent facilement au détour d'un chemin ou d'une prairie. Au retour des bois de Nivelles, Michel Lermineau et sa femme se querellent avec Michel de Haynault et son beau-frère Pierre Dury. Ce dernier lâche un coup de fusil sur Lermineau. Le soir du 11 avril 1669, deux groupes d'habitants du fief de Rognon de Nivelles en viennent aux mains sur le grand chemin de Nivelles, « vers le bois de Nivelles, vis-à-vis de la barrière mise en la prairie de Roland Guiot ». Antoine Baillot junior et Nicolas Hennau sont tués35. La généralisation des armes à feu parmi les paysans entre 1580 et 1650 explique la gravité nouvelle des homicides et blessures.
66Cet armement des paysans, conjugué avec l'insécurité qu'entretiennent à la fois les passages de troupes et l'inexistence d'une police rurale conduisent à un taux d'homicides assez élevé en milieu rural36. Les agressions se font par des bandes de jeunes ruraux, et c'est dans les justices rurales que l'on trouve mention de nouvelles formes d’agression : le vol avec violence commis en groupe. C'est ainsi qu'un religieux dominicain allemand et un déserteur français des troupes du Maréchal de Montmorency sont dépouillés de leurs biens sur un chemin de campagne. Dans les deux cas, les responsables sont de jeunes paysans et meuniers en bande qu'unissent habitudes de travail et liens familiaux37.
67Les violences et les exactions des militaires excèdent les Nivellois, déjà fréquemment obligés de loger et nourrir les gens de troupe38. Celles-ci sont particulièrement sensibles lors des guerres entre la France et l’Espagne dans la seconde moitié du xviie siècle et en 1748 lors de l’occupation française. À la campagne, tout est prétexte pour les militaires à exiger une somme d’argent « pour boire39 ». On comprend alors que les réactions des paysans soient souvent méfiantes, voire brutales. En 1655, deux nobles s'égarent dans la campagne nivelloise. Ils arrêtent un paysan de Monstreux, et, sous la menace d'un pistolet, exigent un guide. Le paysan refuse, hausse son fusil et blesse l'un des aristocrates d'une décharge. En 1667, les Français sont aux alentours de la ville. Quatre soldats du Prince de Ligne rencontrent une dizaine de paysans de Monstreux, porteurs d'argent et de hardes saisis sur un capitaine français, prisonnier des Espagnols. Les soldats réclament ces valeurs, mais les paysans refusent et une véritable bataille rangée se déclare. De la fusillade on relève deux morts parmi les gens de Monstreux40.
68Au xviiie siècle, la violence prend des visages différents. Globalement, après la fin de la Guerre de Succession d’Autriche (1713-1714), les Pays-Bas catholiques connaissent une période de paix, brièvement interrompue par l’occupation française de 1748. Les conséquences de la Révolution française et la guerre entre la France et l’Autriche dès 1792-1793 marquent la fin de l’Ancien Régime pour les Pays-Bas autrichiens, intégrés en novembre 1794 à la République française.
69À partir de cette époque, les autorités décriminalisent une série de morts « suspectes ». Les morts accidentelles, les noyades sont mieux documentées. Les attitudes face au suicide se modifient. En 1647, un sergent de la cour qui s’est pendu dans sa cellule fait l’objet d’une procédure spectaculaire : son cadavre est placé sur une roue et démembré en public41. Au xviiie siècle, l’action judiciaire contre deux suicidés en 1754 et en 1792 n’aboutit à aucune condamnation42.
70Durant cette période de paix relative, les coups et blessures représentent près du tiers des affaires arrivées à la connaissance de la justice et 76 % des infractions contre les personnes43. Les injures sont rarement poursuivies en dehors des coups et blessures. Homicide, suicides et violences sexuelles sont peu représentés dans les procédures. Et la plupart des homicides sont des querelles qui tournent mal, le plus souvent au cabaret. La justice s’efforce de repérer les tempéraments violents. D’autre part, les seuls cas d’homicide qualifié sont des crimes passionnels comme le meurtre de la femme d’Alexandre Dehon en 1748 ou celui d’André Deligne en 176644. Les autorités sont dorénavant attentives au mobile du crime : présence d’un amant, jalousie morbide, etc., plus qu’à ses conséquences matérielles. Ici encore le vocabulaire témoigne du changement d’attitude de la justice. Ces changements judiciaires accréditent l’idée d’une diminution de gravité des conséquences de la violence accompagnée par un sentiment croissant de rejet de la violence mortelle comme insurmontable fatalité.
71La régulation des injures témoigne du danger de la parole pour l’équilibre de la communauté. On a vu que dès le moyen âge, la parole des femmes est plus fréquemment poursuivie que celle des hommes. Aux xviie et xviiie siècles, tous les milieux s’affrontent en injures sur la place publique. Mais l’injure et son corollaire, la révocation des injures, deviennent une infraction publique et non plus un litige privé. Les formes du dénigrement sont plus subtiles : calomnie, libelle séditieux, « harcèlement moral », s’ajoutent aux traditionnelles injures prononcées sous le coup de la colère ou de la boisson.
72Ici, l’analyse d’affaires particulières révèle la complexité des fonctions de la violence (expressive, instrumentale) et la sophistication croissante de l’usage de la force. Un bon exemple en est le procès de Jean Grosseau qui terrorise un petit village non loin de Nivelles, aux confins de deux provinces : le Brabant et le Hainaut. L’intervention de la cour supérieure révèle vingt ans d’un pouvoir de fait d’un « coq de village ». La violence qu’exerce cet homme sous toutes ses formes (injures, coups, harcèlement sexuel, calomnies, guet-apens, homicide, etc.) sert à la fois à maintenir ce pouvoir mais aussi à justifier la mise en route tardive de la machine judiciaire qui conduira au gibet le violent45.
73La fin de l’Ancien Régime est marquée par des troubles politiques importants. Lors des troubles engendrés par l’autoritarisme modernisateur de l’empereur Joseph II en 1787-89, on sent émerger des formes nouvelles de violence politique entre élites anciennes et modernes. Commencées entre partisans et adversaires de Joseph II ou de la Révolution brabançonne, elles se poursuivent dans les conflits entre partisans de l’Ancien Régime et de la Révolution. La violence se politise progressivement, en s’inscrivant dans les conflits entre élites dirigeantes… Dans les bourgs et campagnes du Brabant wallon, de nouvelles formes apparaissent : chansons séditieuses, charivaris politiques, destruction des symboles de l’Ancien Régime (la chaise à porteur) ou de la modernité (la fabrique nouvelle). Les usages de la violence témoignent alors des mutations d’une région en voie de protoindustrialisation46.
74L’histoire de la violence ne s’arrête pas avec la Révolution française. Néanmoins les rapports nouveaux entre l’État et les citoyens et l’exercice de plus en plus réel du monopole de la violence légitime par le premier introduisent une transformation radicale de la signification de la violence dans la société des xixe et xxe siècles47. Les comportements violents deviennent ceux que le pouvoir central – l’État – désigne comme tel.
3. Violence et ville : quelques enseignements d’une micro-histoire
75La prise en compte de la longue durée permet de mieux cerner les aspects structurels de la violence et ses évolutions dans la société occidentale. L’analyse micro-historique ou le suivi d’une communauté sur cinq siècles nous a permis de comprendre la place variable de la violence dans l’exercice de la vie sociale et les mutations dans les perceptions de la dangerosité d’un comportement agressif. On peut en tirer quelques acquis de la recherche.
3.1. Du contrôle social à la violence
76La majorité des informations structurelles sur la violence proviennent des sources du contrôle social. La démarche la plus pertinente pour étudier la violence est donc de partir du contrôle et d’en étudier les caractéristiques et les variations.
77Ainsi pour les Pays-Bas, on a pu dégager les grandes lignes d’un modèle urbain de contrôle de la violence, structurant la manière dont les autorités urbaines gèrent la violence aux temps modernes. Ce modèle est mis en place au moyen âge. Il transparaît à travers une abondante production documentaire issue des institutions de contrôle. Une analyse en termes d’anthropologie de la régulation des conflits, habituellement limitée aux sociétés non occidentales48, apporte deux résultats importants :
- l’originalité urbaine du modèle de régulation de la violence médiévale. Ce modèle porte les caractéristiques du système de valeurs des cités médiévales et révèle également le type de violence jugée dangereuse pour l’équilibre de la cité ;
- le caractère évolutif de ce modèle en fonction des structures économiques et démographiques de la cité, des groupes au pouvoir et des menaces intérieures et extérieures.
78Loin de se limiter à la stricte étude du contrôle, ce modèle porte en creux les représentations communes partagées sur la gravité de la violence. Autonomie des parties dans la gestion du conflit, importance de l’Amicitia et rétablissement de la concorde, fiscalisation des conséquences de la violence renvoient aux valeurs d’une communauté urbaine et d’une société d’autoconnaissance dominée par l’oralité. Lorsqu’à la fin du xve siècle, l’écrit devient une expression dominante des rapports sociaux, la violence cesse d’être une conséquence inévitable des tensions sociales, pour devenir une ressource dangereuse à manipuler. Ses formes deviennent plus subtiles et ses expressions plus symboliques. On rejoint ici l’hypothèse de P. Spierenburg du passage d’une violence expressive à une violence instrumentale49. Ici encore analyse de la régulation et de formes de la violence sont indissociables.
79En valorisant le point de vue du contrôle pour une meilleure approche de la violence, nous nous distançons ici à la fois de certains historiens sociaux qui rejettent l’étude des formes de régulation comme étrangères à la réalité sociale et qui ne veulent voir dans la documentation que l’expression des conflits entre les individus50, et de certains historiens du droit qui, au contraire, se limitent à un discours sur l’évolution des techniques de régulation, en oubliant les transformations des conflits qu’il s’agit de réguler.
3.2. Tendances lourdes et description dense : longue durée et micro-histoire
80Notre recherche nous invite aussi à revoir l’opposition entre histoire sérielle et histoire culturelle. Faut-il privilégier une analyse quantitative lourde ou au contraire une histoire des représentations exemplatives ? Le poids des chiffres sert de cadre nécessaire d’interprétation à la singularité des discours. Ainsi le schéma qui suit fondé sur plus de 9 000 poursuites individuelles permet de baliser de manière plus précise le champ social de la violence.
81La période 1378-1550 est marquée par une présence croissante des infractions contre les personnes, c’est-à-dire essentiellement la violence. Si la représentation graphique de la rupture 1551-1599 est largement suspecte en raison de la destruction de la majorité des archives, la période de 1600 à 1795, plus homogène du point de vue de la documentation, manifeste une croissance de la poursuite de la violence. Mais les chiffres globaux ne disent pas tout. Les formes de violence, la gravité des conséquences et les sanctions prononcées ne sont pas les mêmes.
82En outre, le caractère violent d’une société ne se limite pas à la répression plus ou moins forte de la violence commise. Elle peut également s’inscrire dans le type de sanction dominant l’espace social.
83Malgré les problèmes de sources déjà évoqués, la tendance à la transformation de peines financières (amende et pèlerinage rachetable) en peines corporelles (pèlerinage obligatoire, bannissement, mutilation et peine de mort) est manifeste à partir du xvie siècle. D’autre part, alternative au bannissement et à la peine de mort, la prison pénale apparaît timidement à la fin de l’Ancien Régime. L’analyse sérielle valide la théorie sociologique du lien entre mode de production dominant et mode de répression de G. Rusche et O. Kirchheimer51. L‘amende domine à la fin du moyen âge, les peines corporelles et le bannissement aux xvie-xviie siècles, la prison fait une timide apparition à la fin du siècle des Lumières.
84Une telle correspondance entre une poursuite plus nette des violences (cf. graphique 4) et une répression plus violente des infractions (cf. graphique 5) n’aurait pas été perceptible sans une analyse quantitative sur la longue durée. Cela dit, ces données chiffrées posent davantage de questions destinées à nourrir l’analyse qualitative. C’est ici qu’intervient l’analyse fine des discours. Une ethnographie des récits de crime rend seule compte de la complexité du problème social engendré par l’acte violent mais aussi des représentations révélées par ce dernier.
85Dans le débat souvent peu scientifique et essentiellement académique entre tenants de l’histoire quantitative, macro-historique et structurelle, et partisans de l’histoire qualitative, micro-historique, culturelle, nous plaidons pour le croisement des méthodes. L’analyse précise des chiffres, des ordres de grandeur, des tendances, offre le cadre nécessaire à l’interprétation des récits : les structures et les transformations de la vie quotidienne de la cité.
3.3. D’une analyse de la violence à une histoire de la violence
86Jusqu’à présent la plupart des recherches analysent la violence dans une perspective structurelle mais rarement historique. Il s’agit ici de se distancier de ceux qui postulent la violence comme un phénomène autonome s’expliquant de lui-même sans référence à d’autres menaces sociales, comme de ceux qui ont tendance à considérer toute forme de conflit (autour des biens, de l’autorité, de la religion ou des moeurs) comme de la violence.
87Pour cela, il faut étudier les transformations de la violence. Ce qui n’est possible que sur le long terme. Une analyse structurelle menée sur la longue durée permet de déterminer des paradigmes dominants dans la régulation des conflits et préciser une chronologie propre à la violence : bref de faire une histoire de la violence comme phénomène socialement pertinent.
88À travers l’exemple nivellois, nous avons relevé trois éléments contribuant à cette histoire : la transformation des modes de régulation de la violence, le changement de la hiérarchie de dangerosité des formes de violences et les transformations de la place de la violence parmi les priorités du contrôle social.
89Les modes de régulation changent aux temps modernes. Ainsi, le modèle de la restauration de la paix à Nivelles disparaît pratiquement entre 1520 et 1550. Comme dans d’autres villes de l’Europe du Nord-Ouest, il est remplacé par un processus de criminalisation des comportements, qui affecte tant les comportements d’agression que des nouveaux comportements : opinions religieuses, comportements sexuels, pratiques occultes. Aux xviie et xviiie siècles, la violence reste endémique dans la société, mais ne représente plus aux yeux des autorités le problème social majeur qu’elle était au moyen âge. Elle se déplace vers les campagnes et prend des formes moins immédiates.
90Sur la longue durée, on perçoit mieux l’évolution des formes de violence menaçant l’ordre social. Si l’homicide est un problème majeur du xive au xviie siècle, il tend à céder le pas à la violence physique non mortelle, et surtout aux formes de « violence verbale » dans l’expression des conflits. En ville, la violence devient plus difficile à détecter car elle est plus contrôlée, davantage clandestine et plus sournoisement manipulée. En revanche dans les campagnes sa brutalité est renforcée par la modernisation de l’armement. Le résultat est la construction d’une nouvelle image de l’homme urbain : retenu dans l’expression physique, ordonné sexuellement, policé verbalement52.
91Enfin, la violence est un aspect de la conflictualité. Mais il en est d’autres. Une étude micro-historique menée sur la longue durée permet de rendre sa place réelle aux formes d’agressions violentes dans l’ensemble des conflits traités par les autorités publiques. Au plan local, les atteintes aux biens (le vol) ne deviennent pas partout une préoccupation majeure au xviiie siècle. Jusqu’au milieu du xixe siècle, la violence demeure un stigmate des rapports sociaux53.
92Ainsi la tendance longue révélée par l’évolution du système judiciaire local comme de la justice royale est la transformation de la place de la violence dans l’appareil judiciaire mais non sa disparition. Cette transformation se mesure d’une part dans la diminution des actes de violence graves (homicides et violence sanglante) au profit d’une violence limitée aux coups, aux injures et aux calomnies ; d’autre part dans la transformation de l’expression de la violence, avec le développement de l’écrit. On observe dans les récits, moins de violence physique et d’injure immédiate dans les villes, mais une certaine diversification où la rumeur, la calomnie, l’écrit séditieux conduisent à une certaine clandestinité de la violence exprimée. Cette clandestinité ou l’anonymat croissant des relations se manifeste dans l’ensemble, et s’accompagne d’un déplacement de la violence. Au xviiie siècle, en dehors des émeutes54, les villes sont plus sûres. Les querelles à coups de couteau sur le marché entre compagnons cèdent le pas aux agressions nocturnes des bandits dans les campagnes. L’enjeu majeur de la régulation de la violence après 1750 est la pacification des campagnes, largement réalisée au xixe siècle55.
93Replacer la violence dans la question de la sociabilité et du vivre ensemble56, croiser à la fois analyse sérielle, analyse événementielle et perspective culturelle, inscrire la violence dans une perspective chronologique et évolutive sont les trois enseignements majeurs livrés par cet ensemble de travaux menés sur un espace concret observé pendant cinq siècles.
Notes de bas de page
1 Ce texte est une version actualisée d’une contribution parue en castillan sous le titre ; La violencia en las sociedades premodernas : Nivelles, une ciudad de Brabante a lo large de cinco siglos, in J. I. Fortea, J. E. Gelabert et T. Mantecon, Furor et rabies. Violencia, conflicto y marginació en la Edad Moderna, Santander, Universitad de Cantabria, 2002, p. 129-156. La bibliographie et les graphiques ont été révisés.
2 X. Rousseaux, Taxer ou châtier ? L’émergence du pénal. Enquête sur la justice nivelloise (1400-1650), 2 vol., Louvain-la-Neuve, 1990 (Université catholique de Louvain, thèse de doctorat inédite).
3 G. Parker, The Dutch Revolt, Harmondsworth, 1977.
4 Sur les sources nivelloises et leur exploitation, cf. X. Rousseaux, De la criminalité à la pénalité. Les comptes du maire de Nivelles (1378-1550), sources d’histoire judiciaire, in J. Ockeley et a., Recht in Geschiedenis. Een bundel bijdragen over rechtsgeschiedenis van de middeleeuwen tot de Hedendaagse Tijd, aangeboden aan Fernand Vanhemelryck, Leuven, 2005, p. 297-322 ; ID., La ville et le crime : Nivelles (1350-1550), in Actes des VIIe Congrès de l’association des Cercles francophones d’histoire et d’archéologie de Belgique (AFCHAB° et LIVe Congrès de la Fédération des cercles d’archéologie et d’histoire de Belgique. Congrès d’Ottignies-26,27 et 28 août 2007, Bruxelles, 2007, p. 909-922.
5 X. Rousseaux, Partir ou payer ? Le pèlerinage judiciaire à Nivelles (xve-xviie siècles), in S. Dauchy et Ph. Sueur (dir.), La route. Actes des Journées d'histoire du droit d'Enghien, Lille, 1995, p. 105-140.
6 « Primiers des amendes fourfaitez par le temps de ces presens comptez. -rechepte faite par le maieur dedens le terme de ches present comptes des privez adcors ou le ville na point de part […] » Bruxelles, Archives Générales du Royaume, (A.G.R.), Chambre des Comptes (CC) 12878, compte de Jehan del Neufrue, 14 septembre 1423-16 mai 1425.
7 « Premiers des cas criminelz dont lempereur comme duc de Brabant prent la tierche part, madamme de nivelle les deux pars du remanant et monsieur le prevost dudict nivelle le remanant et pour ce que la ville de nivelle ny a que cougnoistre recepte, se fera desdites amendes criminelles a part icy apres folio […] Aultre recepte des amendes civiles desquelles le duc de Brabant a la tierche part de la moictie […] et la ville de nivelle en a franchement lautre moictié selon les coustumes danchienette entretenues et observees et lesdictes amendes se jugent par les eschevins dudict nivelle dont pour le terme de ce compte […] ». A.G.R., CC 12883, compte de Philippe de Namur 1537-1540.
8 A.G.R., CC 12979, 1478-1479, Jehan Flauteit.
9 A.G.R., CC 12881, 1521-1522, Antoine Bernard
10 A.G.R., CC 12878, 1423-1424, Gérard le Mesureur
11 A.G.R., CC 12883, 1541-1548, Jan Dufour.
12 Sur la microhistoire, E. Grendi, Micro-analisi e storia sociale, in Quaderni Storici, t. XXXV, 1977, p. 506-520 ; G. Levi, On micro history, in P. Burke (dir.), New perspectives of historical writing, Cambridge, 1991, p. 93-113 ; W. Schulze (dir.) Socialgeschichte, Alltagsgeschichte, Mikro-Historie, Göttingen, 1994 ; J. Schlumbohm (dir.), Mikrogeschichte-Makrogeschichte. Komplementär oder inkommensurabel ?, Göttingen, 1999.
13 L. Stone, Interpersonal Violence in English Society, 1300–1983, in Past and Present, n° 102, 1983, p. 22–33 ; J. A. Sharpe, The History of Violence in England : Some Observations, in Past and Present, n° 108, 1985, p. 206–15 ; and L. Stone, A Rejoinder, in Past and Present, n° 108, 1985, p. 216–24.
14 P. Spierenburg, Violence and the civilizing process. Does it work ?, in Crime, histoire et sociétés, n° 5-2, 2001, p. 87-105 ; G. Schwerhoff, Criminalized violence and the process of civilisation -a reappraisal, in Crime, histoire et sociétés, n° 6-2, 2002, p. 103-126 ; P. Spierenburg, Theorizing in Jurassic Park, in Ibid., p. 127-128.
15 G. Schwerhoff, Justice et honneur. Interpréter la violence à Cologne (xve-xviiie siècles), in Annales. Histoire, sciences sociales, 62e année, n° 5, sept-oct 2007, p. 1031-1061.
16 P. Spierenburg, Long-Term Trends in Homicide : Theoretical Reflections and Dutch Evidence, Fifteenth to Twentieth Centuries, in E. A. Johnson et E. H. Monkonnen (dir.), The Civilization of Crime. Violence in Town and Country since the Middle Ages, Urbana-Chicago, 1996, p. 63-105.
17 Ph. de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, A. Salmon (ed.), t. I, chap. CXXX, n° 828, p. 430.
18 J.-P. Barraque, Le contrôle des conflits à Saragosse (xive-début du xve siècle), in Revue Historique, t. CCLXXIX, p. 41-50.
19 Y. et N. Castan, Une économie de la justice à l’âge moderne : composition et dissension, in Histoire, économie et société, t. I, 1982, p. 361-366 ; A. Soman, L’infra-justice à Paris d’après les archives notariales, in Ibid., p. 369-376 ; B. Garnot (dir.), L’infrajudiciaire du moyen âge à l’époque contemporaine, Dijon, 1996 ; F. Ploux, L’arrangement dans les campagnes du Haut-Quercy (1815-1850), in Histoire de la Justice, t. V, 1992, p. 95-115 ; G. Leclercq, Sexual Violence and Social Reactions : the Survival of the Practices of Arrangement in Nineteenth Century Rural Society, in M. Ågren, Å. Karlsson et X. Rousseaux (dir.), Guises of Power. Integration of society and legitimation of power in Sweden and the Southern Low Countries, ca. 1500-ca. 1900, Uppsala, 2001, p. 177-193.
20 A.G.R., Archives de la ville de Nivelles (AVN), 4439, 16 mai 1453, quittance chirographiée à Nicaise Jacquelart.
21 Ces témoins sont-ils ceux devant qui l'agresseur doit mander le fait ? Rien ne le certifie, mais on peut logiquement le penser, puisqu'à cette occasion, un billet était rédigé qui pouvait servir de preuve en justice. Ces papiers sont conservés dans les archives des échevins, A.G.R., AVN 3376, procès criminels.
22 A.G.R., AVN 1951, p.177-178, 23 novembre 1562.
23 A.G.R., CC 12878, 1438-1440, Katelline femme de Pirart de Resves et Ysabiaux de Meligne.
24 Nous ne partageons pas la vision quelque peu monolithique de N. Gonthier de la violence et de la répression dans la société médiévale (N. Gonthier, Le châtiment du crime au moyen âge, xiie-xvie siècle, Rennes, 1998). Cette image est démentie par les recherches récentes sur Amsterdam ou Constance : J. E. A. Boomgaard, Misdaad en Straf in Amsterdam : een onderzoek naar de strafrechtspleging van de Amsterdamse schepenbank, 1490-1552, Zwolle, 1992 ; P. Schuster, Eine Stadt vor Gericht. Recht und Alltag im spätmittelalterlichen Konstanz, Paderborn, 2000.
25 A. Goosens, Les inquisitions modernes dans les Pays-Bas méridionaux, 1520-1633, 2 t., Bruxelles, 1997-1998.
26 J. de Damhouder, Practycke ende handbouck in criminele zaeken..., Louvain, 1555, chap. XCII (J. Dauwe et J. Monballyu (eds.), Roulers, 1981.
27 A.G.R., AVN 2887, Rôle aux causes ordinaires, 23 décembre 1559 Franchoys Delhaye.
28 X. Rousseaux et É. Mertens de Wilmars, Concurrence du pardon et politiques de la répression dans les Pays-Bas espagnols au xvie siècle. Autour de l’affaire Charlet, 1541 in J. Hoareau-Dodineau, X. Rousseaux et P. Texier (eds.), Le Pardon, Limoges, 1999, p. 385 410.
29 Pour le nord de la France et les Pays-Bas voir les travaux de R. Muchembled, La violence au village. Sociabilité et comportements populaires en Artois du xve au xviie siècle, Turnhout, 1989 ; ID., Le Temps des supplices, De l’obéissance sous les rois absolus, xve-xviiie siècle, Paris, 1992 ; I. Paresys, Aux Marges du royaume. Violence, justice et société en Picardie sous François Ier, Paris, 1998 ; et M. Vrolijk, Recht door gratie. Gratie bij doodslagen en andere delicten in Vlaanderen, Holland en Zeeland (1531-1567), Nijmegen, 2001 ; M. Nikichine, La justice et la paix à Douai à la fin du moyen âge : la pratique de la grâce, Paris, 2 vol., 2005-(thèse de l’École des Chartes, inédite) ; M. Van Dijck, De pacificering van de Europese samenleving. Repressie, gedragspatronen en verstedelijking in Brabant tijdens de lange XVIde eeuw, Anvers, 2007 (Université d’Anvers, thèse de doctorat en histoire, inédite) ; A. Musin, Sociabilité urbaine et criminalisation étatique. La justice namuroise face à la violence de 1363 à 1555, Louvain-la-Neuve, 2008 (Université catholique de Louvain, thèse de doctorat en histoire, inédite).
30 R. Muchembled, Le temps des supplices… ; J. E. A. Boomgaard, Misdaad en Straf in Amsterdam…
31 Sur la monopolisation croissante de l’intervention d’office, cf. X. Rousseaux, Initiative particulière et poursuite d'office. L'action pénale en Europe (xiie-xviiie siècles), in IAHCCJ-Bulletin, n° 18, 1993, p. 58-92.
32 A.G.R., AVN 3078, Rôle d’audience de la cour, 11 mai 1608.
33 A.G.R., AVN 3082, 16 octobre 1658, et AVN 3395, 1658, François Préseau.
34 A.G.R., AVN 3400, 1695, Thomas Rigaux et Josse Piret.
35 A.G.R., AVN 4027, Procès de la cour de Rognon, mai 1673, P. Dury ; 1669, information sur l'homicide d'Anthoine Baillot et Nicolas Hennau ; AVN 3931, Rôle d’audience de la cour de Rognon, 14 juillet 1670, sentence envers Antoine Baillot père, Jérôme Baillot et Charles Sainte.
36 On compte environ treize poursuites en cinquante ans pour les juridictions rurales pour une vingtaine dans la ville.
37 A.G.R., AVN 3626, Procès de la cour d’Ardenelle juin 1667, huit accusés ; AVN 3627, Procès de la cour d’Ardenelle, 1677, douze accusés.
38 Par exemple A.G.R., AVN 3305, 1649, Fareau.
39 A.G.R., AVN 3395, 1654, Denis Claus, paysan.
40 A.G.R., AVN 3395, 1655, Jean Amandeau ; 3398, 1667, divers soldats du Prince de Ligne.
41 A.G.R., AVN 3395, août 1647 ; 3081 rôle aux causes d’office, 7 juin 1649 Sergent Paul Massart.
42 A.G.R., AVN 3414, 1754 et 3426, 1792.. M.-S. Dupont-Bouchat, Criminalité et mentalités à Nivelles au xviiie siècle, in L. d’Arras d’Haudrecy, M. Dorban et M.-S. Dupont-Bouchat, La criminalité en Wallonie sous l’Ancien Régime, trois essais, Louvain-Leiden, 1976, p. 116-117.
43 Ibid., p. 115.
44 A.G.R., AVN 3412, 1748 ; et AVN 3417 1766 ; M.-S. Dupont-Bouchat, Criminalité…, p. 117.
45 X. Rousseaux, « Lassés de voir un homme accumulans crimes sur crimes impunis… ». Déviance, délinquance et crime dans une communauté villageoise au xviiie siècle, in B. Garnot (dir.), De la déviance à la délinquance, xve-xxe siècle, Dijon, 1999, p. 55-92.
46 X. Rousseaux, L'activité judiciaire dans la société rurale en Brabant wallon (xviie-xviiie siècle) : indice de tensions sociales ou instrument de pouvoir ?, in Les structures du pouvoir dans les communautés rurales en Belgique et dans les pays limitrophes (xiie-xixe siècle), Actes, Bruxelles, 1988, p. 311-344 (Crédit Communal, collection Histoire, in 8°, 77).
47 Cf. X. Rousseaux, C’est arrivé près de chez vous / Het geweld van België. La violence est-elle un objet d’histoire des Belges ?, in G. Kurgan-Van Hentenrijk (dir.), Un pays si tranquille ? La violence en Belgique au xixe siècle, Bruxelles, 1999, p. 9-40 ; X. Rousseaux, Fr. Vesentini et A Vrints, Violence and War. Measuring Homicide in Belgium (1900-1950), in S. Body-Gendrot et P. Spierenburg (dir.), Violence in Europe, Historical and Contemporary perspectives, Berlin, 2008, p. 177-204.
48 P. H. Gulliver, Disputes and Negotiations. A Cross-Cultural Perspective, New York, 1979 ; K. F Otterbein et C. S. Otterbein, An Eye for an Eye, a Tooth for a Tooth. A Cross Cultural Study of Feuding, in American Anthropologist, t. LXVII, 1985, p. 1470-1482 ; J. Bossy (dir.), Disputes and Settlements : Law and Human Relations in the West, Cambridge, 1983 ; W. Davies et P. Fouracre (dir.), The Settlement of Disputes in Early Medieval Europe, Cambridge, 1986.
49 P. Spierenburg, Long-Term Trends in Homicide…
50 A. Guerreau, L’avenir d’un passé incertain : quelle histoire du moyen âge au xxie siècle ?, Paris, 2001.
51 G. Rusche et O. Kirchheimer, Punishment and social structure, New-York, 1939.
52 R Muchembled, L’invention de l’homme moderne : sensibilités, mœurs et comportements collectifs sous l’Ancien Régime, Paris, 1988.
53 Cela invite à revoir la pertinence de la théorie « De la violence au vol ». Cf. X. Rousseaux, From Medieval Cities to National States. Historiography on Crime and Criminal Justice In Europe 1350-1850 in Europe, in C. Emsley et L. Knafla (dir.), Crime, History and Histories of Crime. Studies in the Historiography of Crime and Criminal Justice in Modern History, Westport (Connecticut), 1996, p. 3-32 ; X. Rousseaux, B. Dauven et A. Musin, Civilisation des mœurs et/ou disciplinarisation sociale ? Les sociétés urbaines face aux violences en Europe (1300-1800), in L. Mucchielli (dir.), Histoire de l’homicide, Paris, la Découverte (sous presse).
54 K. Van Honacker, Lokaal verzet en oproer in de XVIIde en XVIIIde eeuw : collectieve acties tegen het centraal gezag in Brussel, Antwerpen en Leuven, Heule, 1994.
55 F. Egmond, Underworlds. Organized Crime in the Netherlands, 1650-1800, Cambridge, 1993.
56 Y et N. Castan, Vivre ensemble. Ordre et désordre en Languedoc au xviiie siècle, Paris, 1981 ; A. Farge, La vie fragile. Violence, pouvoir et solidarités à Paris au xviiie siècle, Paris, 1986.
Auteur
(FRS-FNRS ; Université catholique de Louvain)
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