Ville et environnement : quels espaces de rencontre ?
p. 221-239
Texte intégral
1Dans le cadre du colloque en l’honneur de l’éméritat du professeur Bernard Francq, il nous a été donné d’intervenir à la session intitulée « Espace ». Ceci peut susciter la curiosité en soi, entre une sociologie sensible à la spatialité du social et une sociologie de l’espace. Rappelons, quant à la première formulation, les propos de Henri Lefebvre : posant que le social est irréductible au spatial, il a énoncé que l’espace est « la projection au sol des rapports sociaux ». Certes, cette définition est réductrice, dans la mesure où les relations entre espaces et sociétés sont beaucoup plus dialectiques ou circulaires. Mais elle a l’intérêt de revenir sur l’idée selon laquelle l’urbanisme, ou plus largement la planification, influencerait directement la société en maîtrisant les formes spatiales pour favoriser tel ou tel comportement social – à l’instar de la thèse de Le Corbusier, pour lequel si on aménage bien l’espace résidentiel il y aura une société cohésive. Le social prime sur le spatial, sans nier son influence (Lefebvre, 1968 ; Espaces et sociétés, 2001, p. 17-34).
2Le terme « espace » pose peut-être plus encore question si l’un des objectifs est de réfléchir à l’avenir de la sociologie en tant que discipline. Formellement, le terme d’espace est mobilisé par les aménageurs (et souvent géographes) de la Section 24 du Conseil National des Universités en France, intitulée « Aménagement de l’espace, urbanisme ». Comment est-il dès lors question de l’espace en sociologie ? Difficile d’objectiver des indicateurs fiables. Cela ressort bien de la thèse de Justine Pribetich (2010), qui interroge la place de la sociologie urbaine dans le domaine de la sociologie française, sur le temps long mais aussi la période récente, en revenant par exemple sur les revues censées l’incarner. Significativement, l’auteure écrit : « L’un des points faibles de la sociologie urbaine reste sa dépendance aux revues généralistes de sociologie ou à d’autres organes de diffusion comme la revue Espaces et sociétés. […] Nous ne mènerons pas d’observations sur la revue Espaces et sociétés bien qu’elle constitue un support important de développement du champ et de diffusion de ses résultats de recherche mais d’une manière extradisciplinaire » (p. 516-517). De même, J. Pribetich a tenté de recenser les thèses de sociologie « ayant trait à la ville et à l’urbain » entre 1985 et 2008, et de dégager ainsi les directeurs de recherche les plus structurants de la discipline. Les difficultés de l’exercice apparaissent rapidement. D’une part, la constitution du corpus de thèses semble – forcément – discutable : le titre voire le résumé ne permettent pas complètement de s’assurer de la perspective retenue, sinon même du contenu. La distinction que déploient Jean-Marc Stébé et Hervé Marchal dans leur Traité sur la ville (2009) entre sociologie de et dans la ville en est une illustration. Corrélativement, s’agissant des directeurs de thèse, on peut s’étonner qu’Yves Grafmeyer, par exemple, ne figure pas au tableau de ceux et celles qui ont fait soutenir des doctorants de sociologie urbaine depuis le milieu des années 1980 (p. 499-500).
3De plus, les énoncés mobilisés en sociologie pour qualifier l’espace sont variables, et pas forcément spécifiquement spatiaux. On peut penser à la théorie de l’espace social chez Pierre Bourdieu, notamment dans La distinction (1979), ou encore à ce que peut désigner une sociologie des territoires comme sociologie rurale reconvertie ou élargie aux enjeux d’environnement, notamment, et toujours proche de lectures associant plusieurs disciplinaires – à l’instar d’une revue comme Natures Sciences Sociétés, y compris à l’interface avec des collègues écologues (voir aussi Mathieu et Guermond, 2011).
4En quoi est-on légitime en sociologie à penser l’espace et par l’espace, en somme ? Nous y voyons la possibilité de rencontres, à la fois thématiques et théoriques, c’est-à-dire en termes d’objets et de paradigmes. Dès l’ouvrage fondateur de Jean Remy, Liliane Voyé et Émile Servais, la sociologie de la transaction sociale a proposé de ne pas s’en tenir au clivage Produire ou reproduire ? (1978) et de penser ensemble coopération et conflit (Blanc, 1992, 2009b). Aussi fournit-elle un outillage adéquat pour dépasser un double clivage, qui fait écran : une opposition ville versus environnement, souvent postulée, et une tension entre ouverture et fermeture socio-spatiale – on sait que la ville a traditionnellement été vue comme un lieu privilégié d’échanges ou, inversement, de relégation1. Il s’agit pour nous d’aborder, dans les tensions entre acteurs, institutions et échelles cognitives et pratiques, ce qui fait lien et liant dans ces lieux « curieux » que sont les intersections et les passages, ce que nous nommons les espaces-frontières.
1. Une problématique socio-spatiale, ou de quel espace parle-t-on ?
5Les notions d’espace et de territoire méritent d’être d’emblée précisées. Il existe une première forme de spatialité, « indifférenciée, indéfinie, que l’on pourrait appeler étendue. L’étendue n’est pas constituée de lieux assignables par définition à un village, à une forêt, mais de points, tous semblables et reproductibles à l’infini, sans corps, sans dimensions, et dont chacun est le centre d’une infinité de directions », écrit Daniel Nordman (1998, p. 512-514). Parler d’espace suppose que se dégagent des lieux et une certaine hiérarchie de ces lieux, un centre, sachant que « historiquement et géographiquement, l’espace s’affirme quand l’extrémité importe autant que le tout, les confins autant que le centre, la limite autant que la masse. » Quant au territoire :
« [il] se définit par [des] propriétés absentes de l’entité espace : alors que celui-ci est encore un contenant indifférencié (parcouru, traversé, occupé par des flux, des réseaux, des configurations quelconques, économiques ou sociales par exemple), le territoire est directement l’objet d’une appropriation, de l’exercice d’un pouvoir sous quelque forme que ce soit […] ; alors que l’espace est illimité – ou non encore délimité –, le territoire est borné par des limites » (Nordman, 1998, p. 516-517).
6En d’autres termes, le territoire se lit comme un espace social vécu, marqué par des relations de pouvoir, un espace d’identité et d’appartenance, c’est-à-dire un espace investi par des acteurs et des groupes qui se l’approprient et l’organisent (Cherqui et Hamman, 2009). Avec ses mots, Yves Barel propose une définition suggestive du territoire et de ses rapports aux identifications :
« Que désigne-t-on quand on parle du territoire d’un individu, d’un groupe humain, d’une classe sociale, d’une institution ? Pour l’essentiel trois choses : 1) le lieu pertinent à l’intérieur duquel leur action fait sentir ses effets. 2) La spécificité de ce lieu. Un territoire se perçoit dans la différence. La territorialisation est un principe de découpage et de traçage de limites ou frontières. 3) Le fait que le social entre en rapport avec la substance, le “corps” du social : un corps protéiforme, […] fait de climat, de sol, de montagnes, de biologie, de béton, de pétrole, de langues, d’histoire, de cultures, de représentation, de mémoire, bref, tout ce qui fait la substance d’une socialité » (Barel, 1984).
7En même temps, « le territoire, plus que l’appareil d’État, constitue désormais le lieu de définition des problèmes publics » (Duran et Thoenig, 1996, p. 582), et aussi celui des actions collectives que ce processus suscite. C’est autant la construction sociale des problèmes que la production des problèmes politiques et leur mise sur agenda qui s’inscrivent dans un rapport – mouvant – entre espaces et sociétés et qui réinventent leurs relations, faisant que le territoire est aujourd’hui « le lieu d’inscription des conséquences de toute action […]. Le territoire définit en fait l’espace des conséquences d’une politique » (Duran, 1999, p. 50). En effet, le principe même de la territorialisation (entendue au sens générique, qu’elle soit organisée ensuite localement, nationalement, etc.) consiste à traiter des lieux à problèmes, c’est-à-dire qu’elle est « normative » (Béhar, 2000) et, à travers les institutions qui l’incarnent, rencontre à ce titre l’action collective (sur un mode institutionnel ou protestataire).
2. À l’intersection entre ville et environnement : analyser le développement durable urbain par les transactions sociales
8Précisons à présent d’où nous parlons, c’est-à-dire à partir de quelles recherches. À l’exemple du « Grenelle de l’environnement » lancé en France en 2007 ou de la conférence des Nations Unies « Rio+20 » en juin 20122, l’actualité ne cesse de mobiliser le répertoire du développement durable (DD). Cette notion s’est d’abord construite sur la scène internationale, à partir d’institutions telles que les Nations Unies (Zaccaï, 2002). Le Que-sais-je ? que Sylvie Brunel consacre au DD porte la trace de cette genèse, fournissant surtout une lecture des défis planétaires – ce que l’auteure appelle les « 3M » : « les menaces qui pèsent sur la planète », « les misères de l’humanité » et « les manques de la gouvernance mondiale » (2004, p. 6-7). C’est aussi de là que s’est diffusée la définition désormais classique, tirée du rapport dit « Brundtland » de 19873, énonçant que le DD consiste à « s’efforcer de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité de satisfaire ceux des générations futures ». La problématique du DD ne saurait pourtant être uniquement identifiée à un « grand objet » pour un « grand espace », de niveau mondial ou européen. Le cadre « local » constitue un espace premier des enjeux concrets du DD dans les politiques publiques, à commencer par les aires urbaines (Hamman, 2008a, 2009a, 2011a ; Hamman et Blanc, 2009 ; Hamman, Blanc et Frank, 2011).
9Une autre généalogie s’ouvre alors, celle des injonctions adressées à la ville au fil des siècles : point de pensée de l’espace sans attention à la temporalité ! La ville classique devait être « belle » (en respectant les notions de convenance et de bienséance), la ville moderne devait être « radieuse » (suivant Le Corbusier), la ville contemporaine doit être « durable » (Monin, Descat et Siret, 2002). En cela, le registre actuel du DD peut être rapporté à des questionnements déjà anciens, de dysfonctionnements sinon de malaises : « Le monde est malade. Un réajustement s’impose », lançait Le Corbusier en 1935 déjà (rééd., 1964, p. 92).
10Avec pour objectif de conjuguer les dimensions économique, environnementale et sociale, sinon culturelle, le DD s’apparente à un « mot-valise ». Une idée de passages se dégage corrélativement, selon laquelle le DD urbain n’est pas compartimenté et se joue dans sa capacité à être intégré au niveau des intersections, c’est-à-dire dans des espaces-frontières. Ceci renvoie à un changement de sens depuis les années 1990, afin de retrouver des totalités, par rapport aux représentations plus « opérationnelles » forgées au cours des décennies 1960-1970 : les dimensions sociales et symboliques apparaissaient assez peu dans les approches en termes d’écosystème ou de métabolisme urbain. Au milieu des années 1980, portée par l’écologie politique dans sa diversité du moment, il y eut une tentative de mettre en œuvre une écologie urbaine. Mais la ville continuait d’apparaître comme un objet rétif à l’« écologiquement correct » ; il a fallu un certain temps pour qu’on commence à parler de « ville durable »4. Désormais, le DD s’apparente à un levier de transformations des politiques locales, à travers un effort de cohérence entre différents services, niveaux d’action et de compétences territoriales. La production de transversalité passe par une inscription socio-spatiale, mobilisant des espaces intermédiaires.
11Plusieurs entrées sont possibles ; elles emportent un certain nombre de conséquences. Tout d’abord, il y a les trois domaines usuels du DD urbain : ce dernier est défini à la jonction entre le développement économique, le développement social et la protection de l’environnement. Un référentiel « culturel » est également mis en avant parmi les acteurs locaux. Il est même présenté comme un « quatrième pilier » à part entière du DD par certains, à la fois au sens de l’offre culturelle et de l’accès à des équipements, de l’interculturalité comme partage d’espaces urbains et d’une acculturation aux enjeux de la « ville durable ». D’autres identifient la démocratie comme un quatrième pan possible, ce qui traduit une élasticité notionnelle dont les acteurs et praticiens font usage. Le DD urbain relève d’une mise en rapport d’impératifs a priori éloignés, qui rejoint celle de la gouvernance locale (Blanc, 2009a) : dans un contexte de pluralisation des systèmes d’acteurs, comment peut se constituer et se maintenir une capacité politique à l’échelle d’une ville ou d’une agglomération, ce qui ne passe pas uniquement par le contrôle des positions électives (Dormois, 2006).
12À un deuxième niveau, le DD apparaît souvent clivé autour d’un rapport global/local tenant à la définition de principes généreux et généraux confrontés ensuite à leur applicabilité pratique. L’enjeu est double. D’une part, il s’agit de qualifier les voies et les filtres de la territorialisation d’une notion « fourre-tout », en rapport à la production de traductions concrètes et acceptables, à la fois techniquement, politiquement et socialement. D’autre part, cette dissonance correspond à des niveaux de définition et d’appréhension des cadres de pensée et d’action qui ne coïncident pas pleinement, notamment en fonction des échelles (Grossetti, 2006). De fait, les acteurs publics se positionnent d’emblée par rapport à leurs compétences d’action dans les politiques urbaines. Pour autant, la définition du DD reste suffisamment « ouverte » pour permettre aux différentes collectivités de s’y inscrire, même si leur domaine de compétences est a priori limité. Par ailleurs, nombre de politiques relèvent de plusieurs collectivités, comme les domaines de l’eau, de l’énergie, etc. Travailler ensemble passe par des apprentissages et des expérimentations pour que se dégagent des compromis de coexistence. Idéalement, le meilleur DD est celui dont on ne parlerait pas parce qu’il irait de soi et ne nécessiterait aucune intervention spécifiquement dénommée : si le répertoire du DD urbain est mobilisé (comme avant lui celui du développement local, du travail social, etc.), c’est bien en réponse à une situation problématique.
13De la sorte, l’entrée par la transaction approfondit l’analyse des problématiques du DD urbain, et, réciproquement, ces dernières renouvellent l’approche des transactions sociales qui, dès l’origine, se sont intéressées à la ville. Il y a là un espace de rencontre, à la fois scientifique et matériel Les questions de DD, comme de développement urbain et social auparavant, traduisent une inertie de l’espace par rapport aux transformations que l’homme veut lui imposer, ce qui lie la dimension socio-spatiale à une dimension temporelle. Ceci conduit à différencier transactions de croissance et de continuité, d’une part, et transactions de rupture, de l’autre. Cette distinction est particulièrement visible dans le domaine du DD urbain, entre ce qui a trait à des innovations de continuité, par exemple pour réduire les gênes ou les impacts de la circulation automobile sans remettre en question le principe (l’aménagement d’un boulevard périphérique, d’une « zone 30 » limitant la vitesse en centre-ville, etc.), et des innovations de rupture, qui proposent un changement de modèle (par exemple, développer les modes de déplacements alternatifs à la voiture, comme les transports en commun en site propre, l’usage du vélo, etc.).
14À partir de cette interface ville-DD, les apports de la démarche transactionnelle pour repenser l’espace se situent à la croisée de plusieurs plans et objets. Ceci permet de spécifier la conceptualisation d’espace-frontière et les transactions qui s’y opèrent, afin de penser ensemble l’action publique institutionnelle et les pratiques quotidiennes. On revient ainsi sur certains découpages de la sociologie comme discipline.
3. Dynamiques des espaces-frontières et des espaces transactionnels
15Dans le cadre de nos recherches5, nous avons construit une conceptualisation en trois mouvements (dont le premier est notre point de départ) :
- les espaces frontaliers, matériels, c’est-à-dire les régions qui jouxtent ou sont traversées par une frontière nationale ou régionale, et sont de ce fait caractérisées par des circulations et des relations sociales denses et en partie spécifiques. Nous avons en particulier étudié les coopérations urbaines transfrontalières et les mouvements pendulaires de travailleurs et résidents frontaliers (Hamman, 2005a-b, 2006a-b, 2008b-c) ;
- les espaces-frontières, inscrits de façon plus générale dans les interactions du social et du spatial, entre continuité et contiguïté (et dont les frontières étatiques sont un déterminant possible parmi d’autres, à l’instar des frontières intra-urbaines) ;
- et les espaces transactionnels, qui se déploient (y compris physiquement) dans ces espaces-frontières et en caractérisent le fonctionnement.
16La définition des espaces-frontières et des espaces transactionnels se rencontre alors autour de ce que l’on peut nommer des projets-frontières.
3.1. La double dynamique des espaces-frontières
17Le concept d’espace-frontière tient compte de la matérialité de l’espace, tout en se plaçant dans une dialectique du spatial et du social, où la question des usages est de première importance. Il existe plusieurs niveaux d’accord et de désaccord, entre acteurs, groupes et institutions, et donc différents espaces (en tant que cadres et échelles) de production de lien social, où se jouent et se rejouent les principes de légitimation de l’action publique et des mobilisations. Ces dynamiques n’affectent pas mécaniquement ni similairement les univers d’origine (mondes sociaux et espaces géographiques). Mais elles ouvrent un champ des possibles dans et à travers la matérialité des espaces de rencontre, qui sont en même temps des espaces de conflits, car on part de traditions, de visions du social et de l’économie, qui divergent, tout en interagissant. Ceci implique une reconnaissance mutuelle des acteurs en présence, qui ne gomme pas le conflit et les tensions, mais amène une prise en compte de l’autre – fût-ce par la mise à distance dans la proximité, ce qui constitue une définition souvent avancée de l’effet-frontière. Cette distanciation peut être d’abord sociale, mais aussi spatiale : l’émergence de nouvelles frontières urbaines, à l’exemple des éco-quartiers, etc. (Béal, 2011 ; Béal, Charvolin et Morel-Journel, 2011). Le rapport au « proche » s’entend lui aussi au sens spatial, mais également social : les mises en relation « horizontales » entre des groupes d’acteurs et au sein de ceux-ci le dénotent, qu’il s’agisse de décideurs, de métiers de l’urbain redistribués ou réassurés, ou encore de profils associatifs à l’origine militante et qui s’hybrident au fil de dynamiques de professionnalisation : des salariés d’associations d’environnement lorsque le DD urbain devient un créneau porteur pour obtenir des subventions, à l’exemple des Centres Point Info Énergie, etc. (Hamman et Blanc, 2009, p. 171-174).
18À ce titre, l’espace-frontière se définit par une double dynamique :
- interne, correspondant aux propriétés d’intermondes6 : par une distinction des cadres, motifs et ressources d’action par rapport à un certain nombre de « routines » des mondes sociaux davantage institués, on dépasse un point de départ initial (et ses contradictions), en nouant conflit et coopération dans des séquences transactionnelles mieux définies, dans le rapport à l’espace et au temps. Ceci se réalise via des pratiques expérimentales, dans différentes situations d’incertitude. De tels processus débouchent sur des compromis pratiques susceptibles de porter une part d’innovation, donnée à voir ensuite de façon plus large, comme exemplaire (notamment en matière de DD urbain, à l’exemple du traitement « zéro phytos » des espaces verts, ou des « bus à haut niveau de service » qui reprennent le principe du tramway en site propre avec du matériel bus, etc.) ou, au contraire, tue, sous la forme de transactions demeurant tacites dans le cadre de coalitions de pouvoir locales (par exemple entre les formations politiques d’une même majorité municipale, ou entre des décideurs et des associatifs, etc.).
- et externe, lorsque les chaînages d’acteurs induisent des transformations (même limitées) dans les univers d’origine. Par exemple, la redéfinition du DD urbain dans certaines métropoles comme Lyon sous un triptyque air-mobilité-santé réinjecte des références transversales dans des secteurs d’activités classiques (la santé publique, les déplacements).
19Il est alors clairement question d’usages car, dans ces espaces-frontières, des transactions peuvent prendre l’aspect de la réussite (un accord, vu de l’extérieur, ou du moins l’absence de marques de conflit ouvert), mais en fait ne pas (ou peu) fonctionner si un principe de légitimité extérieur unique est imposé dans l’espace intermédiaire par l’un des groupes en présence. En particulier, si le DD urbain et le répertoire de la participation citoyenne montent en puissance dans les villes à travers différents dispositifs pour favoriser l’acceptation des projets, ils peuvent n’être, dans les faits, que des modes renouvelés de communication locale, d’information et non de concertation (dans le cas des projets de tramway : Hamman, Blanc et Frank, 2011).
20Cet exemple traduit la combinaison d’une dimension interne et externe structurant les espaces intermédiaires : les dispositifs participatifs sont généralement énoncés comme étant à la fois des supports pédagogiques et des cadres ouverts à l’émergence de propositions venant des habitants. Or, la figure de l’élève qu’il faut « éduquer » au DD ne coïncide guère avec celle d’une citoyenneté active reconnue pour son expertise d’usage. Il y a là une tension interne. Le fait que l’animation de ces forums et d’autres réunions de concertation soit fréquemment « externalisée » par les décideurs locaux, c’est-à-dire confiée à des structures associatives d’environnement (qui ont été sélectionnées), le traduit.
21Une dimension parfois insuffisamment mentionnée de l’analyse de la frontière chez Georg Simmel (1999 [1908]) se retrouve ici : celui-ci aborde les rapports des sociétés avec leur milieu, en avançant le fait que la société accorde une importance davantage symbolique que physique au territoire. À ce titre, il voit dans la frontière non pas un fait géographique avec des conséquences sociales, mais un fait social emportant des conséquences géographiques. Autrement dit, c’est à travers la construction de l’espace de la société que nous pouvons analyser des phénomènes sociaux, y compris l’importance symbolique accordée au territoire. Il est donc possible d’exprimer une forme sociale par rapport à l’espace et, réciproquement, de rendre compte d’une configuration spatiale par sa construction sociale.
3.2. La formation d’espaces transactionnels
22Dans ces espaces-frontières concrets, s’organisent des espaces transactionnels, qui ne se réduisent pas à des espaces métaphoriques, à l’instar de l’espace public dans la traduction française de Jürgen Habermas (1986). L’espace transactionnel ne se confond pas davantage avec l’espace social tel que construit par Pierre Bourdieu (1979), même s’il est question d’acteurs maîtrisant des principes de classement, et acquérant des codes (en DD, etc.) via des processus de socialisation et des luttes de définition sur ce qui est légitime ou pas. Ces processus se saisissent dans des cadres spatialisés : univers professionnels, collectivités territoriales, etc., et plus précisément à leur intersection, s’agissant de dynamiques obliques par rapport à des découpages et des périmètres institués. L’espace transactionnel se différencie alors du champ bourdieusien, dans la mesure où les mobilisations sont instables au fil du temps, et ne sont donc pas pareillement objectivées. Il en est ainsi des motifs aux priorisations d’intervention en DD urbain (entre ses grands pans et en leur sein). L’« inter » est l’enjeu de la réalité de l’action en même temps que le produit de la transaction lorsqu’elle fait émerger de l’hybridation.
23En cela, les espaces transactionnels ont d’autant plus de portée – en termes pratiques et d’analyse scientifique – qu’ils permettent des mises en relation élargies : horizontalement, entre des espaces et des domaines voisins et, verticalement, entre différentes problématiques, qu’ils contribuent à décloisonner. Le concept de transaction sociale s’en trouve également enrichi. Les transactions sont liées à l’espace et au temps sous le rapport à des configurations territorialisées d’espaces-temps. Parmi d’autres, la diffusion des préoccupations du DD d’une aire urbaine à une autre le confirme. Elle passe par des filtres qui donnent à voir des arènes et des acteurs aux intérêts et aux valeurs multiples : élus, techniciens, urbanistes, militants, habitants, « nouveaux professionnels » du DD, etc. (Hamman, 2011d). Les espaces transactionnels se révèlent dans les combinaisons entre des espaces de référence localisés et des échelles de compétence et d’action. De façon générale, ces inscriptions socio-spatiales du lien et du conflit social invitent à spécifier quels espaces ont des relations privilégiées avec quelles transactions.
24L’introduction du concept de transaction seconde se comprend en ce sens, puisqu’il désigne la possibilité d’accords entre partenaires sur des principes territorialisés pouvant être distincts de ceux valant dans des cadres plus larges, mais sans les ignorer, et en les retraduisant par l’intermédiaire d’espaces-frontières (Hamman, 2009b ; Hamman, Blanc et Frank, 2011). Le développement des éco-quartiers à l’heure actuelle permet de le montrer. Par exemple, dans l’agglomération nantaise, un apprentissage collectif passe par des transactions secondes, centrées sur certaines composantes des positions et des représentations des acteurs et instances impliqués, mais se référant toujours à un cadre premier, élargi et national (le principe du « quartier durable » dans la ville, et son contenu le plus courant7), pour mieux se l’approprier tout en l’adaptant. Le responsable du Renouvellement urbain à Nantes Métropole explique le cheminement :
« On a commencé des opérations pilotes en matière d’habitat avec des villes qui étaient d’accord pour développer des formes urbaines, des densités qui soient le plus efficace possible, donc éco-quartier. […] On est allé voir […] sur des grilles de lecture, mais non pas comme une norme, c’est-à-dire en disant “quand on a tant de densité, c’est très bien”, mais plutôt comme des repères, plutôt l’image du tableau de bord. On a identifié une dizaine de critères qui nous semblent correspondre à des valeurs du DD, la capacité de produire de l’habitat notamment » (Nantes, 20/06/2007).
25Ces transactions relèvent bien d’un double rapport à la règle : à la fois assouplissement et reformulation des principes de premier ordre, et souci de fixer des règles secondes ; il n’y a donc pas un simple effet de filtre. Des réflexions sont conduites au niveau des services chargés des éco-quartiers à Nantes Métropole, visant justement à préciser ce que recouvre un « éco-quartier à la nantaise », afin de s’en prévaloir davantage territorialement – entre prise de distance par rapport à la diversité des usages du terme repérables sur le territoire national, et établissement d’une codification locale renforcée et harmonisée (Devisme, Barthel et Dumont, 2009). La transaction de deuxième rang se définit ainsi sur trois plans :
- organisationnel : par exemple, entre deux services d’une collectivité, Espaces verts et services techniques, s’il s’agit de renoncer à l’entretien des squares avec des produits phytosanitaires. Du reste, Michel Crozier et Erhard Friedberg évoquaient explicitement dans L’acteur et le système l’enjeu des transactions, en les situant non pas au centre (ou dans le système d’action « interne ») mais aux frontières des organisations, d’où leur intérêt pour questionner des enjeux transversaux comme le DD urbain8 ;
- territorial : en liaison à des principes valant sur des cadres d’action plus larges ;
- et temporel : le processus d’accord transactionnel est facilité si on se situe dans une logique expérimentale qui n’entrave pas directement les routines des uns et des autres (donc l’accord de premier rang).
3.3. De l’espace-frontière au projet-frontière
26Ces connexions revisitent le concept d’« objet-frontière ». Susan L. Star et James R. Griesemer (1989) ont avancé la notion de boundary object à partir d’une étude ethnographique des mécanismes de coordination du travail scientifique. Les auteurs ont reconsidéré la théorie de l’acteur-réseau (actor-network theory) dans une perspective écologique de l’action collective et de l’innovation. Ils ont interrogé un certain nombre d’artefacts – en particulier des classifications, des représentations matérialisées (notamment sous la forme de cartes) et des méthodes standardisées – intervenant comme opérateurs de coordination entre des acteurs qui appartiennent à des mondes hétérogènes. L’objet-frontière soutient des processus communicationnels entre des espaces culturels distincts, du fait de sa flexibilité et de sa cohérence à la fois. Cette ambiguïté/ambivalence en fait un marqueur d’identité et de médiation entre des mondes distincts.
27De là, le concept s’est progressivement diffusé en sociologie, mais aussi en gestion et en sciences de l’éducation. Certaines propriétés ont été plus particulièrement investies ; ainsi de l’objet-frontière comme support de traductions hétérogènes, comme dispositif d’intégration de savoirs, et comme médiation dans les processus de coordination d’experts et de non-experts. Ces déclinaisons s’emboîtent dans des espaces transactionnels (de la ville, de l’environnement, du développement territorial et de ses porteurs, etc.).
28D’autres aspects ont, par contre, été moins vus, comme l’incorporation d’une « infrastructure invisible » (notamment incarnée par des figures de médiateurs : Bowker and Star, 2000), par laquelle l’objet-frontière transporte un ensemble de conventions et de normes correspondant à une communauté de pratiques (Trompette et Vinck, 2009). Les espaces-frontières intègrent et étendent cette propriété. Autour des priorités d’action en DD urbain et de leur mesure, se jouent des effets de classification et de catégorisation (qualité de l’air, performance énergétique du bâti, mais aussi « qualité environnementale »), voire de standardisation matérielle (à l’exemple de la « bonne » gestion des espaces verts en ville). Ce sont là autant de révélateurs des principes de légitimité et d’action confirmés, reconstruits ou hybridés dans les univers dans lesquels ils sont utilisés, et dans les interfaces entre ceux-ci.
29Dans les espaces transactionnels, l’objet-frontière est en partie redéfini comme un projet frontière, c’est-à-dire non pas un objet durci et bien délimité, mais une dynamique matérielle et idéelle sujette à des usages et des modes d’identifications variés et concurrents (y compris compte tenu d’une ambivalence d’entre-deux, de laquelle les uns et les autres peuvent jouer), sur tout ou partie des enjeux (comme le révèlent les transactions secondes).
30Les transactions territoriales se conçoivent dans un tel cadre, à travers la détermination d’un espace-frontière pouvant être appréhendé comme un objet – et un projet-frontière. Les enjeux du développement urbain l’explicitent : recomposer des périmètres d’action qui sont immanquablement aussi des lieux de vie inscrits dans des histoires locales amène à réaffilier des représentations du territoire, afin de dépasser des visions binaires opposant des centres et des périphéries, le développement et la ruralité, la modernité et la tradition. Cette reconstruction s’apparente à l’invention d’un espace intermédiaire (Casteigts, 2009, p. 183).
31Il y a là un objet cognitif nouveau, issu d’une coproduction réagençant des perceptions du territoire, à travers une dynamique interculturelle. C’est la situation d’interdépendance entre des acteurs issus d’univers hétérogènes qui conduit à la production d’objets-frontières et de projets-frontières. Par rapport à une situation initialement structurée par des dualités, ce processus correspond à une séquence davantage ternaire, dans laquelle peuvent se développer des transactions. L’espace-frontière comme objet transitionnel peut alors aussi être tenu pour un acteur transactionnel, dans une reconfiguration qui s’apparente à de la médiation in situ. Ceci pose la question de l’échange et de la réciprocité dans l’échange, au niveau d’un territoire (un quartier, une ville, etc.), où la proximité physique n’est pas mécaniquement cohésive. Au contraire, des effets-frontières marquent la juxtaposition de périmètres et de groupes à la fois proches (spatialement et même parfois socialement) mais enserrés dans des oppositions (diverses en fonction des contextes, des querelles de clocher aux différentiels d’attractivité économique, en passant par un environnement et des conditions de vie plus ou moins favorables). Dans les espaces-frontières, les transactions sociales sont aussi des transactions interculturelles. Ces dernières, qu’elles soient affirmées ou tacites, supposent de s’inscrire dans un cadre matériel et symbolique, celui de la négociation (Thuderoz, 2010). Il conjugue la part d’explicite et d’implicite à la définition de ce sur quoi on échange – du négocié car négociable, en d’autres termes (écartant le domaine de l’inacceptable pour chaque partie). L’espace intermédiaire est également un objet – et un projet-frontière justement parce qu’il détermine le lieu de la transaction autorisée, que les acteurs vont accepter pour s’y investir ensemble (et en dégager des produits), malgré leurs dissensus. Le territoire s’analyse comme le cadre, l’objet, le produit et l’acteur collectif de cet espace transactionnel.
32De processus transitionnels en séquences transactionnelles, les espaces-frontières associent ainsi des objets, de l’ordre de la cognition et de la pratique (à dimension technique, sociale, identitaire) et incarnant de l’échange et du compromis interculturel, des mises en énoncé qui caractérisent les dynamiques collectives et les produits de la transaction (ce qui doit/peut être dit, comment le dire ou le taire). En cela, les transactions territoriales correspondent à des espaces-frontières : avant ou en même temps que de susciter des dispositifs d’opérationnalisation ou de s’inscrire dans des pratiques sociales, la transaction est de l’ordre du discours, de l’énonciation, et parfois de l’événementialisation9.
4. Penser ensemble l’action publique institutionnelle et les pratiques quotidiennes
33En travaillant sur les espaces-frontières, nous abordons les dynamiques du changement social et institutionnel, pensées ensemble. Autour de la ville et du DD, l’examen de l’action publique au sens politique et de l’intervention des institutions est couplé en permanence avec celui de l’action publique au sens des mobilisations, des médiations et des pratiques ordinaires, incluant des dimensions innovantes et inventives. On revient ainsi sur le choix des objets d’étude. Certains ont en apparence une faible légitimité : par exemple, le traitement écologique des parcs et jardins publics qui fait croire (à tort) aux habitants à un mauvais entretien, etc. Loin de la chronique locale, c’est la dialectique du particulier et de l’universel, chère à l’École de Francfort, qui nous intéresse. La ville s’expose en même temps comme le lieu d’une redéfinition transactionnelle privé-public, correspondant à un brouillage des interactions (la gouvernance) et au pilotage des systèmes de décision (la gouvernementalité), entre institué et instituant ; l’espace-frontière est l’espace d’un travail de légitimation.
34Deux niveaux de portée de la conceptualisation des espaces-frontières se révèlent ainsi. Sur un premier plan, il s’agit d’un outil pertinent pour intégrer les deux dimensions de l’action publique que sont l’institutionnel et l’ordinaire des pratiques et des mondes sociaux. De plus, le raisonnement par les espaces-frontières analyse spécifiquement ce qui se joue dans ces moments – a priori singuliers mais qui ont une fonction-miroir plus large – où les limites usuelles entre les politiques publiques instituées et les pratiques ordinaires s’interpénètrent autour d’enjeux qui se sont imposés sur l’agenda mais ne sont pas durcis. La politique de la ville ou le DD recèlent d’exemples en ce sens. Dans différentes situations, des groupes instituant (des associations militantes, environnementales, de quartier, etc.) sont placés en première ligne pour agir, avant qu’une première stabilisation des schèmes, cadres et principes légitimes, via des dynamiques transactionnelles, ne conduise l’État et les collectivités à intervenir directement avec une démarche normalisatrice. Il y a là des superpositions de notions, d’énoncés et d’actions que le concept d’espace-frontière éclaire. À ce titre, c’est aussi un certain regard sur ces objets qui est proposé, revisitant la rencontre des deux mouvements de « cristallisation » et de « politisation » des pratiques10, notamment lorsqu’il s’agit de faire face à la nouveauté, à l’imprévu et à la territorialisation pluri-scalaire des activités (ce qui passe justement par l’invention de dispositifs adaptés aux pratiques et de formats différents).
35Les acteurs et les groupes, en regard des institutions et organisations (contre elles, avec elles, sans elles), configurent des actions, contournent des contraintes (matérielles, symboliques, discursives), dans un travail qui est à la fois individuel (identifications, épreuve de soi) et collectif (cadres d’initiation et d’innovation, opportunités d’expression et d’action co-construites), faisant que les circulations peuvent devenir des mutualisations partielles (toujours recommencées, de séquence en séquence), à la rencontre de l’identité et de la reconnaissance11. Car, rappelons-le, le régime de la modernité amène les acteurs à négocier tant sur le plan collectif qu’individuel, et donc à réaliser un travail sur eux-mêmes, comme l’a précisément montré Bernard Francq dans le cas des urbanités. La ville moderne apparaît traversée par un mouvement de construction du sujet personnel pris entre la poursuite d’une altérité et un isolement recherché. Elle est « incertaine », écrit-il (Francq, 2003), au sens où elle déborde des frontières précises, pour devenir étalée autant qu’éclatée, ce qui questionne fortement le « vivre ensemble », dans ses incarnations tant spatiales que sociales, et renforce la portée des espaces frontières.
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Notes de bas de page
1 « L’air de la ville rend libre », écrivait Max Weber ; il est fréquemment posé que la ville serait indissociable de la démocratie, et elle est le lieu associé à la multiplication de formules de participation citoyenne. Elle est alors aussi, plus largement, le lieu de l’échange, celui de la « maximisation des interactions sociales », pour reprendre une expression de Paul Claval (1981). En même temps, la thématique de l’exclusion sociale et spatiale dans la ville a aussi été largement étudiée, en particulier à propos des « quartiers » dans la « politique de la ville » en France (Blanc, 2006, 2007 ; Tissot, 2007).
2 Tenue vingt ans après le Sommet de la Terre de Rio, événement marquant de la consécration du développement durable sur la scène internationale. La conférence de 2012 n’a, elle, pas débouché sur des conclusions fortes, dans un contexte mondial de crise économique (États-Unis, zone Euro…) et de tensions politiques (notamment par rapport à la Syrie). Pour un bilan, Scarwell, 2012.
3 Gro Harlem Brundtland a présidé de 1983 à 1986 la Commission de l’ONU sur l’environnement et le développement ; elle a également été Premier ministre de la Norvège à la fin des travaux de la commission.
4 On peut comparer en ce sens les dossiers « Développement durable : l’enjeu urbain » (1992) et « La ville durable en question(s) » (2008) de la revue Urbanisme. Pour un point sur la diffusion de cette déclinaison du DD, Hamman, 2011c-d.
5 Synthétisées dans notre mémoire d’HDR : Hamman, 2009b. Voir aussi Hamman, 2011e.
6 Le cadre d’intermondes sociaux caractérisés par la malléabilité et l’élasticité s’inspire de Martuccelli (2005). Il correspond à une ouverture au contradictoire, selon laquelle les acteurs et les instances parviennent à interagir même sur la base d’interprétations différentes : c’est vrai par exemple des applications urbaines des principes du DD, qui correspondent à des priorisations locales. En même temps, l’intermonde renvoie aussi à des limites à intégrer, du fait de la réalité que prennent les espaces-frontières. Dans ce rapport permanent entre « textures » et « coercitions » (Martuccelli, 2005), les premières marquent un « supplément irrépressible de significations » – ce qui se joue en propre dans les intersections instauratrices de liens –, et les deuxièmes « pas tant une structure matérielle objective et univoque fonctionnant durablement et régulièrement, mais plus simplement des raideurs contre lesquelles bute l’action, imposant en quelque sorte des limites qui doivent être conçues comme mouvantes, intermittentes, médiates… » (Soulet, 2008, p. 224). La question davantage laissée en instance, et qui nous intéresse, est celle des méthodologies de saisie concrète de l’intermonde.
7 Les principaux traits qui se retrouvent dans les projets et réalisations d’éco-quartiers en France sont la densité de l’habitat, les transports alternatifs à la voiture, les normes de haute qualité environnementale (HQE), la végétalisation urbaine et la participation citoyenne (Hamman et Blanc, 2009).
8 Crozier et Friedberg, 1977, chap. 5 : « Le rapport à l’environnement comme processus de pouvoir et d’échange : les transactions à la frontière », p. 163 sq.
9 « Événementialiser » comme un « polyèdre d’intelligibilité » pour faire surgir les singularités, ressortir les connexions, les passages (Foucault, 2001, p. 842 sq.).
10 Suivant l’analyse de Jean-Yves Trépos (2002, p. 14), qui distingue le processus de politisation, défini comme « processus d’équipement de la société civile en dispositifs d’expression réglée des pratiques sociales (besoins, aspirations, différends, interprétations de la vie collective, initiatives, etc.) », du mouvement inverse, la cristallisation, c’est-à-dire « le passage [de l’informulé] à un état explicite (par thématisation ou valorisation et dé-singularisation) d’une pratique sociale. Cette explicitation peut s’opérer en référence à un dispositif de politisation, ou l’ignorer, ou encore procéder par hybridation ».
11 Pour dépasser la mise en opposition des deux notions, qu’on lit par exemple chez Paul Ricœur : « Dans la notion d’identité, il y a seulement l’idée du même ; tandis que la reconnaissance est un concept qui intègre directement l’altérité, qui permet une dialectique du même et de l’autre » (1995, p. 96).
Auteur
Professeur des Universités en sociologie à l’Institut d’urbanisme et d’aménagement régional, Faculté des sciences sociales, Université de Strasbourg (UdS). Directeur du Centre de recherche et d’étude en sciences sociales (CRESS, EA 1334). Analyses de sociologie urbaine et de l’environnement couplées aux transformations des territoires et des espaces sociaux à travers les interactions entre échelles d’action publique, en retenant comme focale principale la ville et la frontière, dans des perspectives comparatives régionales, nationales, franco-allemandes et européennes. Dernier ouvrage paru : Sociologie du développement durable urbain. Projets et stratégies métropolitaines françaises (avec Christine Blanc), Bruxelles, Presses interuniversitaires européennes PIE - Peter Lang, 2009, coll. EcoPolis.
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Les Musulmans en prison
en Grande-Bretagne et en France
James A. Beckford, Danièle Joly et Farhad Khosrokhavar
2005