Chapitre 6 : La genèse de la recherche en France : deux approches complémentaires
p. 99-114
Texte intégral
1France, début des années 1990 : les difficultés des personnes désignées comme sans domicile fixe sont de plus en plus exposées dans la presse et l’audiovisuel, tout particulièrement durant l’hiver. Leurs témoignages se trouvent pour quelques semaines en bonne place dans les librairies et les journalistes de l’écrit prennent le relais télévisuel1. Les associations multiplient les rapports sur l’accroissement de leur nombre ou sur l’évolution de leurs caractéristiques et publient, elles aussi, des ouvrages de témoignages2. Les administrations s’en préoccupent. Les sans domicile fixe sont devenus l’objet de débats, leur visibilité touche l’opinion publique. Deux représentations sociales opposées se détachent de ces documents : celle de l’homme seul3, croisé sur un quai du métro ou dans la rue, alcoolique, différent, incarnant la figure de l’« exclu radical » ; celle d’une personne ordinaire, soumise à la loi des séries du malheur, « tombée » par malchance, image renforçant la croyance en la destinée et occultant la hiérarchie des places sociales, la force de l’appartenance et des héritages de classe dans les trajectoires sociales.
2Les chercheurs en sciences sociales ne pouvaient faire l’économie de l’examen de ces représentations ordinaires, vecteurs simplificateurs de la communication médiatique, pour aiguillonner tout à la fois l’opinion publique et l’action politique. Selon leur positionnement dans le champ scientifique, ils se sont engagés dans deux voies distinctes afin de questionner, de documenter et d’analyser ces réalités sociales, vécues et représentées. La première chronologiquement, empruntée par les ethnologues et les sociologues, a entretenu des liens distants, parfois même forts critiques, avec les associations. Si certaines enquêtes ont reposé sur la rencontre directe des intéressés dans les lieux publics, la plupart n’a cependant pas négligé les associations d’accueil et d’hébergement, pour autant qu’elles constituaient un terrain ethnographique privilégié de contacts avec les personnes sans domicile.
3La seconde, empruntée par l’approche statistique s’est employée, au départ des investigations, à coopérer avec les grandes associations caritatives et humanitaires. Reconnaissant les savoirs acquis par l’action auprès des personnes sans domicile et portant attention aux questions soulevées par les impasses de l’action, ces enquêtes ont volontairement construit, dans une distance critique, un questionnement de recherche en phase avec les objectifs et les préoccupations de l’action et de l’évaluation, tout en maintenant le cap sur les objectifs heuristiques.
4Le plus souvent conduites en parallèle, ces deux modes d’approches scientifiques n’ont cependant cessé d’être complémentaires, les unes nourrissant les autres4. Ensemble elles ont fait avancer la connaissance des situations et des caractéristiques de la population. C’est l’histoire spécifique de la genèse et de l’organisation de la recherche française confrontée à son environnement – associatif et politique – que nous voudrions ici raconter dans ses grandes lignes.
L’expertise associative face au « problème SDF »: l’antichambre du politique
5Tout au long des années 1990, les grandes associations caritatives5 ou encore la Fédération nationale des associations pour la réinsertion sociale (FNARS) produisent leurs propres rapports, recherches et statistiques. La montée de leur mission d’expertise en font des acteurs incontournables, régulièrement consultés sur les questions de politique sociale6. A titre d’exemple, les rapports annuels du Secours catholique et de la Fondation Abbé Pierre sont largement repris dans les médias et ne peuvent être ignorés des pouvoirs publics, de même que les résultats des différentes enquêtes commanditées par la FNARS7. La spécificité de l’action en direction des personnes défavorisées conduit les grandes associations à promouvoir des travaux sur l’exclusion et la pauvreté, et à médiatiser leurs rapports annuels qui portent essentiellement sur les usagers de leurs services.
6L’impact des associations se lit à travers leur influence sur les orientations politiques. Tout un chacun a pu relever par exemple qu’au moment de l’écriture du texte de la loi contre les exclusions8, le discours que Martine Aubry prononce à l’Assemblée Nationale à l’occasion de la première lecture du projet de loi (5 mai 1998), trouve ses références dans les œuvres associatives, et le mouvement ATD Quart Monde est tout particulièrement cité. Par ailleurs, leur rôle d’expert se met en scène dans des lieux de concertation multiples, où peuvent se rencontrer les membres des administrations publiques et des associations, ainsi que des chercheurs. L’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale est ainsi venu s’ajouter, en 1998, en application de la loi contre l’exclusion, à d’autres instances déjà existantes comme le Plan (lui-même en perte de vitesse), le Conseil National de l’Information Statistique (CNIS), le Conseil Economique et Social (CES) au sein duquel le mouvement ATD Quart Monde a joué un rôle important à travers la figure charismatique du Père Joseph Wresinski et celle de Madame Anthonioz de Gaulle9, et divers autres lieux, tels que le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées (1992) ou le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (1992). De telles structures existent également, sous des formes diverses, au niveau régional, comme la Mission régionale d’information sur l’exclusion (MRIE) en Rhône-Alpes, créée en 1992, les Comités régionaux pour l’Information Economique et Sociale (CRIES), la Mission d’information sur la pauvreté et l’exclusion sociale en Ile-de-France (MIPES), créée en 2001.
7Le paysage de ce début des années 1990 serait incomplet si on ne mentionnait, dans le domaine du logement, des associations plus fermement contestataires et spécialisées comme le Droit au Logement (DAL) créé en 1990 et le Comité des sans-logis (CDSL) qui voit le jour en 1993. Celles-ci renouvellent les formes de la vigilance citoyenne et de la mobilisation et, en cela, s’opposent aux associations généralistes, souvent confessionnelles, implantées de longue date et occupant quant à elles une posture de « dialogue critique » avec les gouvernements successifs. Mais il arrive que plusieurs associations, d’obédiences et d’origines diverses, se regroupent dans une stratégie de communication qui leur donne un poids plus important. Ainsi, en février 1994, le premier Ministre Edouard Balladur accorde le label « Grande cause Nationale » à une trentaine d’associations appartenant à l’Union nationale inter-fédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS), qui prennent le nom de « réseau Alerte » et rédigent un « Pacte contre l’exclusion ». Selon les termes mêmes de la présentation faite lors de la célébration des dix ans d’Alerte par le directeur de l’action institutionnelle au Secours Catholique10, « la démarche d’Alerte va d’abord et essentiellement s’appuyer sur une logique de communication. Il s’est agi au démarrage moins d’élaborer un programme que de mettre en œuvre une stratégie de communication pour mobiliser l’ensemble de la société ». Le développement de l’expertise associative fait partie de cette stratégie de communication, même si ce n’est pas son seul but. Pour communiquer et convaincre, d’autres associations à but militant, dont le Réseau d’alerte sur les inégalités (RAI) est un bon exemple, s’appuient sur des données portant sur l’ensemble de la société et sur les indicateurs d’inégalités. En particulier, le RAI produit un baromètre (le BIP40) visant à mesurer l’évolution des inégalités à partir de la combinaison d’une soixantaine de séries statistiques11.
8Selon Maud Simonet-Cusset (Lochard et Simonet-Cusset, 2003), deux figures principales de l’expertise associative se dessinent. Chacune articule le rapport entre savoir et action de manière différente. La première figure est illustrée par les grandes associations caritatives. En ce cas, les savoirs associatif et académique viennent en complément de l’action associative et permettent de mieux connaître les publics accueillis et d’appuyer l’action de l’institution. Le RAI est au contraire emblématique de la deuxième figure. Là, le savoir est à l’origine du projet : il s’agit d’élaborer une contre-expertise dans un rapport de contestation.
9L’ensemble de ces expertises fondent les orientations politiques à l’échelle nationale et constituent un contexte marqué par la mise en vue et le pouvoir des grandes associations, devenues incontournables dans le diagnostic, la mobilisation collective, comme dans le développement d’initiatives sur le terrain de l’action sociale12 et juridique. On ne peut ainsi passer sous silence les derniers débats publics en France, à la suite de la distribution de tentes par Médecins du Monde aux personnes sans domicile à Paris au cours de l’hiver 2005-2006 afin de sensibiliser l’opinion et les pouvoirs publics aux conditions de survie dans la rue et aux impasses en matière de droit au logement, ni la polémique de l’été 2006 à propos de la présence toujours plus visible et conflictuelle de ces mêmes tentes qui a conduit la Ministre déléguée à la Cohésion sociale et à la Parité à demander en urgence un rapport d’expertise à propos de l’hébergement des personnes sans-abri à Paris et en Ile-de-France (de Fleurieu, Chambaud, 2006). Dans cette actualité, l’influence médiatique d’une nouvelle association – « Les enfants de Don Quichotte » – a sans aucun doute permis de relayer et de faire aboutir la revendication principale du droit au logement opposable13, réclamée de longue date par toutes les associations.
10L’expertise associative est indissociablement liée aux moyens de lutte et au travail de conviction déployés aujourd’hui par le champ associatif dans l’espace public de l’opinion. Particulièrement marquée par ces modes publicisés d’actualisation du problème des sans domicile fixe, des sans logement ou des mal logés, l’action politique se distingue par le mode de réponse apportée : le plus souvent dans l’urgence. Or, si l’influence de la recherche en sciences sociales sur les décisions politiques apparaît aujourd’hui bien peu visible, c’est parce que le travail de recherche ne se livre pas dans la même temporalité que l’expertise associative, articulée directement quant à elle à l’action poursuivie. Parce que l’action n’est pas sa finalité directe, la recherche semble moins en phase avec les préoccupations du terrain. Distincte de l’expertise, plus encline à remettre en cause les présupposés idéologiques et théoriques de l’action, elle contient pourtant sa part de militantisme au service de la construction d’un savoir permettant d’une part, de reposer les termes du débat public et, d’autre part, d’éclairer l’action politique.
Premières approches scientifiques. Questionnements problématiques et éthiques à propos des représentations communes et des réalités vécues
11Les sociologues et ethnologues ont été parmi les premiers à bâtir des problématiques de recherche fondées sur l’expérience vécue des individus sans domicile, enquêtant auprès de ces « nouveaux » pauvres et renouant ainsi avec l’une des origines de la première sociologie, (Leclerc, 1979, Rodriguez, 2007) tout en revisitant les avancées de la sociologie de la pauvreté et de la déviance. La figure du sans domicile fixe a trouvé naturellement place dans la continuité des figures traditionnelles et modernes de la pauvreté – mendiant, clochard, chômeur, homme des cités de transit par exemple – mais également dans la continuité des figures urbaines de la mobilité sociale, celles du vagabond, du migrant, du déviant ou du hobo de l’autre côté de l’Atlantique (Anderson [1923]1993). Au regard du contexte d’observation qui était le leur, la référence au travail pionnier d’Alexandre Vexliard sur « le clochard » dans les années 195014 a été bien souvent revisitée, plus sans doute que les études plus proches dans le temps qui s’étaient pourtant intéressées, au cours des années 1980, aux clochards du métro parisien (Declerck, 1983), ainsi qu’aux bénéficiaires des aides caritatives15. Ainsi, en investiguant les mondes de la rue et de la place publique, de l’hébergement et de l’accueil, en questionnant l’hospitalité de la ville, si certains chercheurs ont été parfois jusqu’à percevoir les traits d’une culture de la rue, tous ont su rendre raison à l’expérience non seulement individuelle mais collective des personnes rencontrées. Ils ont mis l’accent sur un ensemble de situations critiques dans les lieux publics ou privés afin d’en retirer des éléments précis d’analyse. L’ensemble de leurs sources n’a jamais négligé le point de vue de ceux qui adaptent avec plus ou moins de réussite leurs comportements et leurs croyances aux épreuves qu’ils traversent.
12Même s’il peut apparaître à première vue une dispersion de la recherche en France, au regard de l’origine géographique et des attachements institutionnels des chercheurs, celle-ci n’est qu’illusion. Le développement d’une succession de programmes de recherche impulsés par un organisme a, au contraire, opéré une orientation problématique des travaux. C’est en effet en 1991 que le Plan Urbain16 s’ouvre à ce domaine de recherche en lançant le programme : « les sans domicile fixe dans l’espace public, quelques orientations de recherche ». Les grands axes de ce programme s’appuyaient explicitement sur les éléments ethnographiques les plus récents d’une étude intitulée « la carrière la manche, l’asile » (Pichon, 1991) qui considérait la totalité de l’expérience de la rue et dans les services d’accueil et d’hébergement comme une carrière de survie. Désignant sans faux semblant la population concernée par l’investigation scientifique, ce programme initial s’insérait dans un programme plus vaste sur les espaces publics, intégrant le souci politique du vivre ensemble aux conditions nouvelles de l’urbanité et aux mutations de la ville contemporaine17. Les chercheurs étaient ainsi invités à ne pas occulter la crise urbaine à l’origine des ruptures dans les mobilités sociales et résidentielles. Leur travaux ne pouvaient non plus s’affranchir totalement de l’empreinte pragmatiste assumée par les promoteurs : par exemple ne pas dissocier analytiquement la place qui, dans l’expérience de la co-présence avec le mendiant, institue le quidam témoin, de la lutte collective contre le mal logement qui ouvre à la constitution d’un public élargi (Dewey, 2003) et à l’action politique.
13C’est donc au tout début des années 1990 et le plus souvent dans le cadre de travaux de doctorat, que se dessine un faisceau d’observations et d’analyses du phénomène SDF tel qu’il se manifeste alors et se livre au regard de ces « nouveaux observateurs »18 qui échangent leurs interprétations dans le cadre de séminaires initiés par le Plan Urbain19. Mais ces échanges ne se limitent pas à la scène nationale et le dialogue s’amorce également avec des praticiens et chercheurs européens et nord-américains20. Complémentairement, d’autres professionnels et chercheurs tout à la fois, insérés dans des institutions d’aide, de soins ou d’action sociale et culturelle21 investissent ce terrain de recherche. Quelques chercheurs établis s’y intéressent22 également mais il est remarquable d’observer que la plupart des sociologues de la pauvreté et à la précarité délaissent quant à eux ce terrain plus extrême de recherche.
14L’ensemble de ces travaux initiaux proposent une approche assez complète du phénomène et de son actualité, en s’attachant prioritairement aux points de vue des personnes concernées (entretiens, récits de vie, observations participantes) et aux situations quotidiennes qu’elles sont amenées à vivre. Sans entrer dans le cadre problématique et théorique de chacune d’entre elles, on peut retenir quelques grandes lignes de questionnement et d’analyse23 : d’une part les questions identitaires et les formes du maintien de soi, les compétences que les personnes mobilisent face aux épreuves, les liens d’interactions et d’interdépendances, les formes de l’expérience commune partagée (Pichon,1994a, Laé, 1993) ; d’autre part les rapports de domination et les déterminations sociales, les modes de sociabilité et les sous-cultures de l’entre-soi, les représentations ordinaires et les adaptations ou dépendances institutionnelles (Gaboriau,1993 ; Amistani, 1993 ; Guillou, 1994 ; Teissonnières,1993 ; Terrolle,1993) ; enfin les constructions des catégories, les processus de stigmatisation opérés tant par les dispositifs sociaux que par l’exposition médiatique et les aléas des politiques publiques (Lanzarini, 1993 ; Damon, 1995 ; Bresson-Boyer, 1994). L’espace urbain est le théâtre le plus fréquemment investi par la recherche parce que là se trouvent les ressources de la dérive. Il se redessine en une géographie charitable avec ses hauts-lieux et ses interstices où se mettent en scène les enjeux de l’urbanité. L’espace rural et de la tradition d’hospitalité où circulent les « routards » fera aussi l’objet, quoique dans une moindre mesure, d’investigations (Jouenne, 1997).
15Les situations vécues des personnes observées sont analysées au regard des rapports sociaux construits au sein des institutions et des multiples lieux de la vie ou survie quotidienne. Ces rapports aux gens et aux lieux mettent en évidence la dynamique des parcours biographiques face aux impasses structurelles, institutionnelles et interactionnelles et face aux ressources matérielles et symboliques que chacun se doit de trouver pour vivre. Ils donnent à voir les ancrages biographiques et historiques, là où s’entrelacent les histoires des gens, des institutions et des territoires, et l’histoire collective, celle de l’immigration et du déclin du monde ouvrier. Ils pointent les contraintes auxquelles chacun doit faire face (en terme de domination ou d’enfermement dans le circuit de l’aide et de l’hébergement, mais aussi d’un point de vue éthique en terme de dignité de la personne), les routines de la vie quotidienne (manche, quête auprès des services, activités déviantes, sociabilités entre pairs, participation à la vie associative) et les tentatives incertaines pour en sortir. C’est également dans une mise en rapport aux droits et aux normes sociales – par exemple la norme logement et la norme travail, (Bresson-Boyer, 1994) – que les analyses se déploient et mettent en évidence la contiguïté des situations de pauvreté.
16L’ensemble de ces recherches a donné à percevoir ce qui rassemble des situations d’une grande diversité : clochards s’appropriant des espaces urbains, sortants de prison en dérive, jeunes habitués aux foyers d’hébergement, hommes issus des cités de transit en décrochage familial, femmes en institutions d’urgence, anciens ouvriers et chômeurs, etc. Elles ont, de fait, contribué à un éclatement de la catégorie et permis de sortir d’une vision substantialiste de la population des sans domicile fixe. Néanmoins, l’apport essentiel de ces premières recherches ne pouvait remplacer le manque de données chiffrées concernant précisément cette « population », au sens statistique du terme. Elles ne permettaient pas de répondre non plus à certaines questions, comme celles concernant l’origine sociale des personnes vivant une période sans domicile ou celles qui portent sur les récurrences des événements biographiques passés. Les seules données statistiques disponibles depuis 1982 étaient celles publiées par le service statistique du Ministère des affaires sociales sur les personnes hébergées dans les centres financés par l’État. C’est au cours de l’année 1993, marquée par divers événements – une campagne à Paris, l’hiver, dénonçant les nombreux morts dans la rue, la création du Samu social, la fondation du Comité des Sans Logis, l’apparition des journaux de rue, la première enquête du Credoc pour la FNARS concernant l’accueil d’urgence, la réunion européenne des ministres du logement et ses conséquences sur l’agenda politique – que la recherche statistique est alors venue compléter les travaux déjà engagés.
Les enquêtes statistiques. Dialogue avec les associations, construction d’un langage commun : quels résultats ?
17Suite aux divers rapports sur la pauvreté et le logement des plus démunis élaborés en particulier au sein du Conseil Economique et Social (CES) et du Conseil national de l’Information Statistique (CNIS), c’est au sein du CNIS que s’est exprimée précisément la demande de prise en compte de la question des sans-abri et des mal logés, à l’occasion de la séance du 11 mai 1993 de la formation « Démographie, Conditions de Vie »24. Un groupe temporaire sur les sans domicile fut créé en septembre 1993, afin « que la population des sans-abri et sans logis fasse l’objet, sous l’égide du CNIS, d’une investigation méthodologique pour préparer les voies d’une meilleure connaissance de ces populations. »25
18Cette note replace la question dans le débat de l’époque sur les chiffres26, propose que divers organismes collaborent pour réaliser rapidement une étude préalable à petite échelle, afin qu’une enquête nationale confiée à l’INSEE soit par la suite réalisée. Les objectifs des différents participants, perceptibles à la lecture des comptes rendus des réunions du « groupe sans-abri », peuvent être regroupés et classés ainsi : 1- un objectif de lobbying et d’alerte des médias et de l’opinion correspondant plutôt à la position des associations ; 2- un objectif de gestion et d’évaluation des politiques prenant plutôt en compte la position des représentants de l’administration, mais aussi des fractions les plus administratives des grandes associations et des fédérations d’associations ; 3- un objectif de connaissance, traduisant plutôt le souci des chercheurs et des statisticiens, avec une préoccupation de méthode, particulièrement ardue sur ce thème.
19Les extraits des comptes rendus de réunions illustrent ces objectifs. Dans une visée de lobbying et d’action, le représentant du Secours Populaire « souligne la nécessité de disposer de données chiffrées sur la population des exclus du logement au moins pour trois raisons : alerter efficacement l’opinion publique, interpeller les autorités publiques et faire ainsi bouger la législation ; fournir les moyens d’une action d’envergure nationale aux associations qui ont en charge ces questions ». Dans un but de conduite de l’action et d’évaluation, la représentante de la Direction de l’habitat et de la construction au Ministère du logement « souligne l’intérêt de son administration pour cette investigation sur les personnes sans domicile pour mieux adapter les circulaires, les lois, les procédures visant à l’amélioration des conditions de logement ». Cet intérêt est partagé par la Fédération Nationale des associations pour la réinsertion sociale : « observer et étudier le phénomène, oui, mais pour agir et mettre en place des dispositifs efficaces ». Enfin, dans une optique de recherche, le représentant de l’Association internationale des techniciens et des chercheurs « se réjouit de ce projet statistique et souhaiterait qu’il puisse éclairer un certain nombre de questions : quelle proximité entre les sans-abri et les mal logés ? L’exclusion par le logement est-elle vraiment liée à la pauvreté ? Y a-t-il ou non discontinuité entre le logement et l’abri ? ».
20Il nous faut bien sûr nuancer ces propos : la correspondance entre type d’objectif et organisme n’est pas aussi mécanique, d’autant que les organismes sont représentés par des personnes qui ont souvent eu des trajectoires complexes, les ayant placées successivement (ou simultanément) dans des positions diverses et leur conférant un certain recul par rapport à leur pratique : un représentant d’un syndicat enseignant peut être aussi un spécialiste reconnu de la recherche sur le logement, un chercheur peut être membre d’une association caritative ou militante, etc.27 Par ailleurs, ces objectifs, s’ils ne sont pas nécessairement contradictoires, ne sont pas non plus, au regard des enjeux politiques, nécessairement associés : ainsi, pour alerter l’opinion et les médias, il n’est pas certain que les résultats d’une enquête rigoureuse sur le plan méthodologique soit plus efficace que ceux, biaisés, d’une enquête approximative.
21Ce groupe temporaire avait une originalité : il impulsait des enquêtes pilotes (visant à mettre au point des méthodes généralisables), qui se déroulaient pendant la période de réunions du groupe et étaient commentées en temps réel.
22Ainsi a pu se constituer un langage commun et s’établir une meilleure compréhension des préoccupations de chacun. Ce dialogue permanent explique en grande partie que la réalisation et les résultats de l’enquête nationale de l’INSEE sur les personnes sans domicile, héritière de ces travaux, aient été bien accueillis, contrairement aux conflits rencontrés à de nombreuses reprises aux États-Unis.
23Parmi les enquêtes pilotes impulsées par le CNIS sur les sans domicile et les mal logés, l’INED28, fortement impliqué, s’est consacré à la mise au point de méthodes d’enquêtes auprès de sans domicile « au sens restreint »29, reposant sur un échantillon représentatif. L’objectif méthodologique était d’aller au-delà des enquêtes statistiques reposant sur un échantillon raisonné ou un échantillon de clientèle d’associations. L’hypothèse de départ postulait la construction d’un échantillon représentatif des populations sans domicile afin de les étudier avec des outils semblables à ceux utilisés pour d’autres objets de recherche en population générale. D’une certaine façon, il s’agissait de ne pas « exclure les exclus » de la statistique et des analyses statistiques. Le problème de la définition s’est avéré incontournable et il a fallu se positionner par rapport aux méthodes de sondage, en particulier aux méthodologies appliquées aux populations rares et élusives – y compris les méthodes empruntées à l’éthologie qui, on le sait, ont servi de modèle aux sociologues de l’Ecole de Chicago pour comprendre les processus migratoires et la morphologie urbaine –, aux protocoles de tirage aléatoire, aux modes de collecte, etc. La réflexion s’est aussi portée sur les modes d’analyses comme sur la nécessité de parvenir à prendre en compte les effets d’exclusion à la fois au niveau individuel et au niveau structurel, avec cette difficulté fréquemment rencontrée de distinguer la part prise par les uns ou les autres. Il s’agissait donc de contextualiser les observations singulières. C’est avec précaution qu’ont été maniées les notions de facteur de causalité, d’indicateur de risque, de facteur de protection, tout en faisant le deuil d’une causalité simple, d’une monocausalité. De même, il fallait s’affranchir d’une explication en terme d’événement fondateur de la vie à la rue, ou de la perte de logement. Cela a conduit également les chercheurs responsables de ces travaux à avoir recours à des modes d’approche complémentaires et à rechercher l’interdisciplinarité.
24La première enquête (Marpsat, Firdion, 2000), s’est déroulée en 1995 à Paris intra-muros. Elle avait autant pour vocation de servir d’enquête pilote à l’enquête nationale que de produire des résultats sur la capitale. Elaborée en lien avec les associations et les autres organismes d’aide aux personnes sans domicile, l’enquête nécessitait d’aboutir à un consensus minimum sur les objectifs poursuivis – par exemple, ne pas se limiter à dénombrer des sans domicile mais étudier qui ils sont et d’où ils viennent –, et s’entendre sur les définitions – par exemple, ne pas se limiter aux personnes dormant dans la rue. Se comprendre, avoir un langage commun minimum, étaient les deux préalables indispensables qui nécessitaient plus concrètement, dans la mise en œuvre du travail avec les associations caritatives et humanitaires, de surmonter quelques différends comme celui perceptible dans la démarche d’auto-analyse des chercheurs très éloignée de celle des travailleurs sociaux : alors que les chercheurs examinent les conditions sociales de production de leur pratique, les travailleurs sociaux font plus fréquemment l’analyse de leur pratique au seul regard de leurs objectifs d’action. D’autres difficultés pouvaient surgir face aux décideurs politiques locaux ou nationaux, face aux praticiens également et marquaient des différences au regard des horizons temporels (les prochaines échéances électorales versus le prochain rapport d’activité annuel), des préoccupations immédiates (l’action d’un côté, les choix scientifiques de l’autre), des précautions à mettre en œuvre (la déontologie souvent partagée mais parfois la volonté de protéger « ses pauvres » ou, plus rarement, de masquer son action réelle), de la rigidité des protocoles (l’imposition aux travailleurs sociaux d’un protocole uniforme pour assurer l’homogénéité de la collecte sans possibilité de modification pour convenance personnelle ou locale). Cependant, c’est dans le dialogue entre partenaires que les aspects méthodologiques et éthiques sont apparus particulièrement indissociables. Comment prendre contact avec les personnes sans domicile, en respectant leur espace privé et en leur laissant toute liberté de refuser l’entretien, alors qu’il se déroule généralement au sein de l’association où les personnes se rendent pour obtenir une prestation ? Comment les remercier à la fin de l’enquête, en leur faisant un cadeau qui ne soit pas stigmatisant comme pourrait l’être, par exemple, le don d’argent ou de tickets restaurants, qui rappellent par trop la manche ? Quel domaine de questions aborder, et comment les formuler pour ne pas blesser ou embarrasser les personnes, ou encore mettre en péril leur relation avec les associations qui constituent le site de l’enquête ?
25Cette forme de partenariat avec les associations a ainsi été décisive. L’organisation concrète des enquêtes est passée par exemple par l’organisation matérielle de la collecte ou l’élaboration des feuilles d’adresses lors de l’enquête de 1998 sur les jeunes sans domicile. Dans le premier cas, il s’agissait d’organiser les conditions matérielles de la collecte. Cette étape est très importante, en particulier parce qu’elle est l’une des conditions qui permet d’assurer le respect de la confidentialité : accès à des pièces séparées où les entretiens pouvaient se dérouler discrètement. Les membres des associations (travailleurs sociaux, intervenants, bénévoles) ont également, dans certains cas, contribué à présenter l’enquête aux personnes concernées, ce qui pouvait les rassurer sur nos intentions. Dans le second cas, l’objectif du dénombrement des moins de 25 ans sur les sites où ils se mêlent à des personnes plus âgées, comme les points-soupes s’est appuyé sur la distribution des feuilles d’informations30, différentes selon l’âge (ce qui se justifiait, par exemple, par le seuil d’accès au RMI).
26L’expérience de recherche avec les associations peut être qualifiée de partage des savoirs ou d’établissement d’un compromis tenant compte des préoccupations de chacun. Cette démarche commune de connaissance a eu pour enjeu de dépasser la simple question du nombre – combien sont-ils ? – souvent exprimée par les décideurs, alors que ce mode de questionnement suppose une solution connue d’avance : augmenter le nombre de lits en hébergement temporaire pour l’ajuster à la demande. Parce que la question des personnes sans domicile ne se réduit pas au nombre de places dans les hébergements d’urgence, les différents partenaires de ces enquêtes se sont intéressés aux caractéristiques des personnes et les travaux d’outre-Atlantique ont servi de balises pour cerner les questions pertinentes, notamment celles portant sur les événements significatifs de la période de la jeunesse31, questions reprises ensuite dans de nombreuses enquêtes auprès de populations en situations précaires. L’investigation a également porté sur les tendances qui pouvaient être estimées à condition de répéter de telles enquêtes dans le temps.
27Toutefois il ne semble pas, avec le recul, que les associations aient fait usage des résultats des enquêtes statistiques conduites pourtant en étroite collaboration avec elles (tant dans la conception que dans l’appui sur le terrain). Il est vrai que la réfutation de certaines hypothèses contrarient parfois des idées reçues ou des croyances, par exemple, la sur-représentation des jeunes ayant été placés ou l’emploi exercé par un tiers des personnes sans domicile. La description souvent entendue de la « voie royale » de la « sortie qui, partant de la rue et passant par l’hébergement transitoire, aboutirait au logement ordinaire a été également invalidée. A contrario les enquêtes ont mis en évidence l’univers hiérarchisé de l’assistance dans lequel les moins dotés en capital social et culturel se voyaient invités à recommencer sans cesse le parcours de l’insertion sociale sans en voir l’aboutissement. La précision des résultats des enquêtes, pointant par exemple la très faible qualification des jeunes sans domicile et leur échec scolaire ainsi que les effets du déracinement géographique écartait définitivement la croyance commune comprise dans la formule « tout le monde peut devenir sans domicile ». Les réalités sociales s’avèrent plus complexes et c’est cette complexité qui, dans le processus même de construction des savoirs partagés, semble faire obstacle à l’étape de leur diffusion. Les prises de position des hommes politiques32 s’appuyant essentiellement sur des conseillers en communication ont fortement interrogé l’efficacité des notes de synthèse de quatre pages diffusées dans les bureaux des ministères et dans les grandes administrations.
28A ce point stratégique de la diffusion des savoirs, si les décideurs demeurent dans une sorte de « cécité totale » (Sayad 1996 : 43), la réussite des enquêtes conduites, tant du point de vue de la recherche méthodologique que du point de vue de son influence sur le monde social n’est pourtant pas négligeable. C’est sans doute plus dans les démarches de recherche que cette influence se manifeste. La question « à quoi et à qui servent les chiffres ? » demeure étroitement liée aux enjeux politiques et aux jeux d’acteurs dans le champ de la pauvreté. Les méthodes fines qui, quant à elles, ont été développées au cours de ces années ont permis que les personnes sans domicile soient enfin prises en compte comme n’importe quels autres membres de notre société. Ainsi, la méthode d’échantillonnage et de collecte mise en œuvre lors des travaux du CNIS a été reprise et perfectionnée en 2001 par l’INSEE pour son enquête nationale. Cette généralisation, prévue dès la constitution du groupe du CNIS, a été décidée au moment du recensement de 1999 afin de pallier les limites du recensement concernant les personnes sans domicile. A cette occasion, la méthode d’échantillonnage mise au point par l’INED est devenue une référence. Elle a été utilisée en 1996 par une équipe de psychiatres, pour une enquête sur la santé mentale et l’accès aux soins des sans domicile parisiens (Kovess, Mangin-Lazarus, 1998), ainsi que lors de diverses enquêtes en France et en Espagne, sur les populations sans domicile ou d’autres populations difficiles à toucher, comme les usagers de drogue (enquête Coquelicot de l’INVS).
29Il reste que le milieu associatif et les décideurs ne s’approprient que lentement ces résultats. Quand bien même elle a su faire alliance avec le monde associatif, la recherche scientifique se trouve de fait en concurrence avec l’expertise associative qui, quant à elle, possède les clefs stratégiques de la communication en direction du grand public comme en direction de la sphère politique. En France, le paradoxe demeure : alors que la recherche scientifique peine à consolider les connaissances acquises, l’expertise en demeurant exclusivement entre les mains des grandes associations, ne peut remplir l’une de ses missions pourtant nécessaire à l’action politique : celle de l’évaluation de l’action. Or l’action qui aiguillonne l’expertise est également un horizon d’attente. Elle ne se donne pas seulement comme cause ou conséquence immédiate des malheurs et des inégalités mais comme réflexion, traduction, corrections des politiques publiques. Ce n’est qu’en considérant les connaissances disponibles, en promouvant les débats et les controverses que se dessinent des choix politiques.
Notes de bas de page
1 Citons pour mémoire les témoignages de Jean-Louis de Degaudenzi (1987) ou Lydia Perréal (1995) et, par exemple, du côté de l’investigation journalistique : Jean-Luc Porquet (1987) ; Hubert Prolongeau (1993) ; Antoine Silber et Rhamadou Keita (1993).
2 Par exemple Denise Brigou (Opus cit.) ou des témoignages photographiques : Olivier Pasquier, Michel Séonnet, Perdu qui comme Ulysse, Le bar Floréal, Emmaüs, 1998.
3 Mais qui peut parfois être une femme à l’image de ces « bag ladies » de l’autre côté de l’Alantique.
4 On peut toutefois nuancer le propos. La complémentarité est avancée ici dans une vision rétrospective et dans le cadre même du récit de synthèse proposé. En effet, à bien y regarder, les enquêtes qualitatives ne discutent généralement pas directement les résultats des enquêtes statistiques, parfois même s’en désintéressent. Au contraire, ces dernières ont bien souvent pris en compte les analyses qualitatives dans la construction même des questions soumises aux enquêtés et dans le choix des critères significatifs à considérer dans le recueil de données.
5 Le Secours catholique, la Fondation Abbé Pierre, ATD Quart Monde fondée en 1957 par le père Joseph Wresinski ; le Secours populaire, association laïque, proche du Parti communiste.
6 C’est également dans un contexte international et européen que les grandes associations développent leur expertise. Après l’année internationale des sans-abri décrétée par l’ONU en 1987 (International Year of Shelter for the Homeless), le thème des sans-abri émerge dans les organismes internationaux européens au début des années 1990 : la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri (FEANTSA), fondée en 1989, est financée par la Commission européenne qui la charge d’un rapport annuel sur les sans-abri ; le Conseil de l’Europe publie en 1993 un rapport sur Les sans logis ; l’enquête Eurobaromètre (enquête d’opinion réalisée pour la Commission Européenne) comprend dès 1993 des questions sur d’éventuelles périodes antérieures sans logement.
7 Comme celle, renouvelée annuellement entre 1993 et 1998, et réalisée par le Crédoc, sur l’opinion d’experts à propos de l’adéquation des structures d’aide à la demande perçue, et celle de 2001 sur la clientèle des associations adhérentes à la FNARS, pilotée par Serge Paugam à l’Observatoire sociologique du changement.
8 Loi d’orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions.
9 Décédés pour l’un en 1988 et pour l’autre en 2002.
10 Il s’agissait de Gilbert Lagouanelle, membre de l’UNIOPSS.
11 Le RAI est issu du réseau d’alerte sociale (RAS), constitué en 1995 après l’occupation du squat de la rue du Dragon (1994) à Paris par l’association Droit Au Logement. Les échanges entre militants associatifs, chercheurs et syndicalistes initiés lors de cette occupation se sont prolongés au sein du RAS puis du RAI. Le RAI continue donc à associer militants associatifs, syndicalistes et chercheurs, beaucoup ayant d’ailleurs une double appartenance (chercheur et militant, par exemple).
12 Notons par exemple les initiatives associatives proposées en matière d’hébergement : maisons relais, résidences hôtelières à vocation sociale, « séjours ruptures » permettant à des personnes sans domicile, non originaires de la région parisienne, de quitter la capitale et la dépendance que procure l’ensemble des services de la grande ville. Cette capacité d’innovation n’est pourtant pas sans paradoxe. Ainsi les réponses proposées en matière d’hébergement, comblent les espaces entre les paliers successifs de l’abri au logement précaire, renforçant l’offre de logement précaire au détriment du logement de droit commun.
13 Loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable.
14 Voir par exemple, Introduction à la sociologie du vagabondage (1956) ; Le clochard, étude de psychologie sociale (1957).
15 Cf l’enquête du service statistique du Ministère des Affaires Sociales (à l’époque le SESI, maintenant la DREES) conduite par Dan Ferrand-Bechmann (1990) sur les personnes aidées par les associations caritatives.
16 Service de recherche du Ministère de l’Equipement, créé en 1984, aujourd’hui PUCA : Plan urbanisme construction et architecture.
17 On doit à Isaac Joseph, qui avait par ailleurs dirigé l’étude précitée de Pascale Pichon -ceci expliquant cela-, d’avoir porté cette impulsion dans ce cadre scientifique et aux coordonnatrices des programmes, Jeanne Levasseur, Danielle Ballet puis Claire Gillio, de l’avoir orchestrée pendant plus d’une dizaine d’années.
18 Citons ici ces « jeunes » chercheurs impliqués dans ces programmes : Carole Amistani, Maryse Bresson-Boyer, Julien Damon, Jacques Guillou, Noël Jouenne, Corinne Lanzarini, Patrick Bruneteaux, Pascale Pichon, Gilles Teissonnières … Notons également le travail préliminaire de Claudia Girola commandité par la DDASS des Hauts de Seine, 1992. Pour une exhaustivité, voir les actes des séminaires du Plan Urbain publiés au cours de ces années.
19 En retrait de ce réseau, quelques rares chercheurs s’intéressent à des situations spécifiques qu’ils ne relient pas directement dans leur analyse au phénomène lui-même : par exemple Bertrand Bergier qui publie une thèse portant sur les compagnons d’Emmaüs (1992) ou encore Anne-Marie Waser et Pierre Louapre dont deux entretiens avec des personnes vivant dans la rue seront publiés dans l’ouvrage dirigé par Pierre Bourdieu, La misère du monde, (1993).
20 Dans le cadre d’un programme européen portant sur la santé mentale des personnes sans-abri et d’un séminaire de comparaison avec la situation américaine en 1992 avec Anne Lovell, Jean-Samuel Bordreuil, Kim Hopper.
21 Patrick Declerck, alors psychanalyste à la Maison de Nanterre, est emblématique de cette posture. Ce sera parfois au cours d’expérimentations ou de « recherche-actions » comme celle plus tardive de François Chobeaux (2006), responsable du secteur « jeunesse » des CEMEA que des populations spécifiques seront ciblées, comme ici celle des jeunes « errants » de festival en festival..
22 Par exemple Patrick Gaboriau, Daniel Terrolle, Jean-François Laé, Jean Samuel Bordreuil.
23 Nous rapportons chacune de ces grandes lignes problématiques aux travaux les plus significatifs des chercheurs au cours de cette période. Il va de soi que leurs travaux ne se réduisent pas à ces seules lignes, croisent les unes ou les autres exposées ici et pour certains développeront d’autres approches par la suite.
24 Lors de cette réunion, Françoise Euvrard, représentante du groupe « connaître et évaluer » de la fondation Abbé Pierre, demanda que soit prise en compte cette question. Elle s’appuyait en particulier sur une note de Michel Mouillart, chercheur spécialiste du logement qui représentait la FEN et était associé à une opération d’évaluation du logement social conduite par le Conseil Economique et Social.
25 Avis sur les programmes statistiques 1994-1998, adopté par le CNIS au cours de son assemblée plénière du 29 juin 1993. CNIS, n°13, juillet 1993.
26 Suite à l’étude réalisée par le Bureau d’Informations et de Prévisions Economiques (BIPE) pour la Société Centrale Immobilière de la Caisse des Dépôts, Michel Mouillart pose des questions de méthode dans une optique critique de cette étude (définition et couverture du champ d’étude par exemple).
27 Par exemple, Françoise Euvrard, représentante de la Fondation Abbé Pierre, était aussi chercheuse, habituée au maniement des statistiques et appartenait à plusieurs groupes de réflexion sur la pauvreté à un niveau international et en particulier européen.
28 Dans le cadre de l’INED, une petite équipe de chercheurs (Jean-Marie Firdion, Maryse Marpsat, ainsi que des doctorantes rattachées à l’INED comme Denise Arbonville, Isabelle Frechon), a collaboré avec le service des enquêtes de l’INED pour l’aspect méthodologique (Benoît Riandey, Pascal Arduin, Martine Quaglia, Nicolas Razafindratsima, Efi Markou). Plus occasionnellement, l’équipe a collaboré avec d’autres chercheurs : Julien Damon (CNAF), Pascale Pichon (CRESAL), Corinne Lanzarini, Pierre Chauvin (INSERM) et Serge Paugam (CNRSEHESS), etc..
29 C’est-à-dire, dormant dans un centre d’hébergement pour sans domicile, un abri précaire ou un lieu non prévu pour l’habitation (parc, gare...).
30 Ces feuilles changeaient environ toutes les semaines, et donnaient les principales adresses utiles : soins médicaux, loisirs gratuits, lieux où trouver de l’aide pour effectuer des démarches administratives, etc.. Ces listes ont été établies avec l’aide des associations participant au comité de pilotage.
31 Ce qui ne signifie pas une explication des phénomènes en terme individuel. Ce sont bien le contexte économique et les politiques sociales qui sont alors systématiquement croisés.
32 Ainsi la déclaration de Lionel Jospin, candidat aux élections présidentielles de 2002 qui promettait « zéro sans domicile » en 2005, réitérée en 2006, sans plus de précaution, par Nicolas Sarkozy, ou encore les mesures prises par les gouvernements sous la présidence de Jacques Chirac pour contrôler les personnes bénéficiaires d’allocations chômage ou du RMI.
Auteurs
Maryse Marpsat, statisticienne et sociologue, chercheuse associée au centre Maurice-Halbwachs et à l’INED, administratrice de l’INSEE.
Pascale Pichon, sociologue, maître de conférences à l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne, chercheure au sein du laboratoire MODYS-CNRS, UMR 5264. Elle a dirigé cet ouvrage.
Jean-Marie Firdion, sociologue, chercheur associé au centre Maurice-Halbwachs du CNRS.
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Les Musulmans en prison
en Grande-Bretagne et en France
James A. Beckford, Danièle Joly et Farhad Khosrokhavar
2005