Chapitre 1 : Histoire politique de la question itinérante au Québec
p. 25-41
Texte intégral
1Au Québec, le terme itinérant est l’appellation consacrée pour parler globalement des « hommes à la rue ». Il provient, à l’origine, des milieux de pratiques de l’aide aux plus démunis. De fait, dès la fin des années 1970, cette expression désigne une personne seule, dépourvue de logement et d’adresse et qui, toute la journée, suit un itinéraire allant de ressource en ressource pour obtenir satisfaction à ses besoins les plus élémentaires : manger, se vêtir ou se loger. La construction de l’itinérance comme problème social est d’abord et avant tout politique. Des moments charnières, au cours de ces vingt dernières années, la consolideront et contribueront à son inscription publique. Nous avons choisi, ici, non pas de faire l’histoire intellectuelle de cette question à travers la production scientifique, mais bien son histoire politique au sens du repérage et de l’analyse des rapports entre réponses institutionnelles et étatiques mais aussi des contradictions qui traversent celles-ci et des changements auxquels elles sont confrontées (Fecteau, 2004 : 39). Pour autant, au cours de la période contemporaine, la recherche développée a, en quelque sorte, contribué à la consolidation de la question en définissant ses ancrages théoriques : l’itinérance étant, dès lors, une construction sociologique.
2Dans le présent texte, nous indiquerons à grands traits les éléments de cette construction. On insistera sur les moments forts et on cherchera à montrer à la fois les continuités et les discontinuités socio-historiques faites d’initiatives, de politiques, de réactions et d’agitation. La compréhension de la question que nous nommons aujourd’hui itinérance passe par l’analyse des conditions qui ont permis sa mise en place, son développement et son aboutissement actuel. La trame de ce texte est donc de donner à voir, non pas une historiographie de la pauvreté et de l’itinérance, mais la dynamique propre au Québec qui permet de saisir les larités et des constantes qu’ils génèrent, mais aussi des failles qui les traversent (Fecteau, 2004 : 37). Ainsi, au Québec précisément, la régulation des démunis se comprend à travers le jeu des rapports de forces au sein de la sphère politique entre institutions de charité et monde laïque, entre institutions étatiques et communautaires : le sens des réponses sociales, institutionnelles, individuelles et collectives se révèle dans ces rapports sociaux spécifiques. On cherchera donc à situer la dynamique de ces rapports en s’éloignant d’une lecture simpliste qui présenterait la prise en charge des démunis comme une simple stratégie des élites pour assurer leur pouvoir sur des individus victimes de leur situation. Bien évidemment, l’histoire qui suit est beaucoup complexe.
Travail de distinction des pauvres
3Au cours des derniers siècles, le traitement de la pauvreté de masse et la prise en charge des plus démunis d’entre eux ont oscillé entre aide, coercition et accompagnement. La diversité de ces mesures et les choix faits sont tributaires des étapes du développement des sociétés industrialisées et de la particularité historique du Québec. Quelques repères permettront de saisir la dynamique à l’œuvre et informeront sur les moments forts de cette construction.
4Au xixème siècle, comme un peu partout où se développe le capitalisme, la pauvreté constitue une réalité sociale importante et sur laquelle il importe d’agir, mais avec discernement. En 1860, le Canada adopte une loi qui tente de distinguer pauvres, oisifs et vagabonds. A ce moment, le regard sur le vagabondage s’est transformé (Aranguiz et Fecteau, 2000 : 16). Tout d’abord, devant les effets de plus en plus visibles d’une pauvreté urbaine devenue chronique, on assiste à un effritement du discours libéral fondé sur la culpabilisation du « pauvre valide » et au développement de mesures qui permettent d’aider les familles pauvres et les vagabonds. Puis, la disparition de la figure du « vagabond de métier », parallèlement au développement des grandes villes industrielles laisse émerger un nouveau discours sur la responsabilité individuelle conjointement à celle de la société dans le développement de la pauvreté. C’est ainsi qu’on cherchera constamment à isoler les vagabonds, qui endossent symboliquement l’irresponsabilité et la paresse dévolues aux pauvres. Dès lors, on n’aura de cesse de chercher à distinguer les pauvres méritants des non-méritants prodiguant aux premiers une aide importante et aux autres, diverses formes de contraintes ou de répression. Et l’on voit se renforcer la distinction entre « fragilité de la vie des classes populaires et l’existence de quelques irréductibles, [cette] désespérante minorité de dépendants chroniques, gibiers de refuges, moins condamnables que pitoyables » (Aranguiz et Fecteau, 2000 : 18).
5Au tournant du xxème siècle, les prisons débordent et les vagabonds récidivistes y occupent une place importante. Un débat s’ouvre alors entre les notables de la Ville de Montréal qui prônent une implication de celle-ci dans le financement des institutions de prise en charge des vagabonds et l’Église qui prône davantage une charité privée confiée au clergé, aux communautés religieuses féminines et aux associations laïques1. La Ville, qui paie alors pour les prisonniers, souhaite créer un nouveau lieu pour accueillir les vagabonds. Cela permettrait, aux yeux des élites municipales, de leur faire assumer leurs frais de subsistance et de les remettre au travail ; la Ville réduirait ainsi considérablement ses frais d’exploitation. Mais en 1912, la Ville renonce à son projet. Le débat entre les tenants de la « municipalisation » des institutions de prise en charge des vagabonds et ceux de la charité privée se conclura en faveur de ces derniers, au moment où un donateur, Gustave Muerling, lègue à la Ville une somme considérable pour la création d’un refuge municipal2. Comme l’ensemble des grandes villes d’Amérique du Nord au moment de l’industrialisation et de l’urbanisation galopante, Montréal regorge de vagabonds, de « robineux3 » et les offres de refuges et de soupes populaires se multiplient dans le secteur caritatif privé. Il en sera ainsi jusqu’au milieu du siècle.
6La question de la pauvreté et du vagabondage ainsi que les réponses apportées ont fait l’objet de nombreux débats et ont subi, au cours de la première moitié du xxème siècle, des transformations importantes. Jusqu’à la fin des années 1950, les mesures touchant la pauvreté initiées par le gouvernement central du Canada s’implantent aussi dans certaines provinces dont le Québec ; cela se fait souvent avec plusieurs années de retard et quelques adaptations locales, tels les programmes destinés aux chômeurs, aux mères nécessiteuses (veuves), aux personnes infirmes, etc. (Vaillancourt, 1995). Au Québec, les domaines de l’éducation, de la santé, des services sociaux et de l’aide aux démunis relèvent de la responsabilité de l’Église, longtemps intermédiaire entre le peuple et l’État. Elle assure la sauvegarde de la religion catholique et conséquemment de la langue française ; en contrepartie, elle forme et entretient une main-d’œuvre « docile et travailleuse » (Diotte et Favreau, 1995) et prend en charge les démunis.
7Au tournant des années 1960, la Révolution tranquille4 amènera des changements majeurs notamment dans les politiques de la santé et des services sociaux. Une série de rapports officiels (Boucher, 1963 ; Castonguay-Nepveu, 1970 ; Rochon, 1986) questionne le rôle de l’État en matière de santé et de pauvreté. S’ensuit l’étatisation des services sociaux et de santé et leur intégration dans une structure complètement renouvelée. La critique domine qui ne reconnaît plus la place, faute de compétences, des familles et des organismes caritatifs dans l’aide aux personnes. S’opère alors un glissement d’une prise en charge des réseaux de taires (CSLC) assurant des services de santé et des services sociaux dans chaque quartier, protection de la jeunesse (DPJ), centres d’accueil pour jeunes en difficulté et aussi pour les personnes âgées, coordination et centralisation des politiques de santé publique (DSP), etc. Parce que un bon nombre de responsabilités et de tâches assumées jusque là par la famille et les communautés de base sont transférées dans les institutions de l’État5, un nombre important de ressources existantes disparaît.
8Au cours des années 1970 et 1980, la crise pétrolière et économique provoque une nouvelle inflexion dans le traitement des populations démunies. Même si chacun s’accorde à penser que l’État doit fournir des services accessibles à tous en répondant à l’ensemble des besoins exprimés et qu’il doit traiter les différents groupes avec équité, tous sont confrontés aux limites de l’État. Différentes mesures touchant les populations pauvres sont alors modifiées ou remises en cause.
9Les années 1990 et 2000 constituent des moments forts de l’action en direction de la pauvreté. En particulier, ce qui marquera cette décennie c’est la mobilisation progressive et continue d’un large mouvement national de lutte contre la pauvreté. Devant l’augmentation impressionnante du nombre de personnes considérées comme pauvres au Québec et une fois admis que la mondialisation constitue un potentiel de richesse mais n’assure pas une juste redistribution, un Collectif de lutte prônant l’adoption d’une loi visant l’élimination de la pauvreté et de l’exclusion sociale s’active. Sous le poids de diverses pressions, l’État québécois adoptera, en 2002, une loi-cadre pour un Québec sans pauvreté (Loi 112). Un ensemble de mesures liées au marché du travail, à la fiscalité, à la formation, à l’aide sociale, etc., seront débattues et adoptées. Reste à voir comment celles-ci trouveront à s’appliquer. Difficile aujourd’hui d’évaluer l’impact de cette loi (Ulysse et Lesemann, 2004) faute de recul suffisant. Dans le contexte néo-libéral actuel de restrictions des budgets, l’amélioration de la situation des plus pauvres ne semble raisonnablement pas se dessiner.
La constitution d’un rapport de forces : le mouvement communautaire
10Au cours des cinquante dernières années, on ne peut saisir au Québec les transformations des questions sociales, l’adoption des différentes mesures, les changements d’orientations étatiques qui se voulaient autoritaires et centristes, et la valse d’hésitations entre régulations de contrôle et régulations autonomes (Lamoureux, 1994), sans comprendre l’importance du mouvement communautaire et la place qu’il a occupé dans la gestion des problématiques sociales et, de surcroît, dans la réorganisation des places occupées par les différents acteurs (caritatifs, communautaires, institutionnels, étatiques et sociaux).
11La Révolution tranquille, associée à l’idée de rattrapage et de modernisation, crée les conditions du changement social. Il y a de la place pour tous ceux (individus et groupes) qui veulent participer à ces changements. Les syndicats occupent le champ du travail et les autres – les acteurs institutionnels et le mouvement communautaire – investissent le champ du social. Ainsi, au tournant des années 1960, une première période de ce mouvement s’amorce dans un milieu urbain dégradé (Montréal et Québec), mais aussi dans un milieu rural déserté par les jeunes. Parallèlement, un syndicalisme de consommation collective ou de cadre de vie, partie prenante de la mobilisation pour l’instauration d’un État-providence, se développe. Cette mouvance sociale est largement tributaire d’alliances entre la gauche catholique, la gauche laïque et différentes associations et mouvements autonomes. On entre dans une deuxième période, au tournant des années 1970, avec la radicalisation du discours et des luttes autour de la thématique du citoyen face au pouvoir. Le discours social et politique vise alors les travailleuses au foyer, les chômeurs, les assistés sociaux, les travailleurs des services publics, etc. ; il cherche à fédérer le plus largement possible ces cibles disparates (Lamoureux, 1994). Le mouvement communautaire ainsi que les grandes centrales syndicales6 (qui parlent alors de syndicalisme de combat, Piotte, 1977) tout en étant proches et en réclamant une plus grande justice sociale, l’aide aux travailleurs les moins bien nantis, l’éducation pour tous, etc., développent des actions communes mais aussi des pratiques spécifiques, comme l’empowermen7.
12À la fin des années 1970 et au début des années 1980, les lieux de revendications se diversifient. Le regroupement en associations (groupes communautaires ou politiques, groupes de pairs, ONG, regroupements de travailleurs autonomes, mouvement d’éducation populaire, etc.), touche toutes les sphères de la vie sociale. On demande plus d’État et de meilleurs services en même temps qu’une démocratisation des dits services et un développement autonome et auto-contrôlé (Lamoureux, 1994). Au tournant des années 1980, sur l’échiquier politique, des divergences d’analyses politiques et de perspectives d’actions apparaissent à l’intérieur même du mouvement syndical et communautaire : d’une part, ceux qui veulent davantage s’engager dans le développement des politiques sociales et des alternatives économiques pour construire un monde différent et, d’autre part, ceux qui adoptent une posture de contestation tous azimuts contre un État taxé d’avoir abandonné nombre de ses responsabilités sur le plan social ; d’un côté, ceux qui accordent la priorité à la lutte des travailleurs et cherchent à élargir la base des luttes ; de l’autre, ceux qui prônent une centralisation des forces et qui visent une autonomisation des acteurs incités à s’intégrer dans une structure de coordination.
13Dans les années 1990, la thématique de la décentralisation, déjà abordée dans la décennie précédente, s’actualise au niveau de l’État. Elle est présentée comme une manière de sortir de la crise des finances publiques et une poursuite de la réorganisation de l’État-providence déjà amorcée. Cela permet, du coup, d’actualiser les formes de solidarité de proximité, conduisant à une revitalisation et un renouvellement de la société civile (Groulx, 1993). Le mouvement communautaire occupe déjà au Québec une bonne partie de cet espace ; il consolide alors sa place. La modification des politiques, la transformation des structures de l’État et plus spécifiquement du secteur de la santé et des services sociaux iront dans ce sens en redistribuant les rôles et en prônant une complémentarité des services et des réponses sociales à travers leur mise en réseau. Dans ce contexte, le secteur communautaire augmentera son importance et son influence.
14Bien sûr l’action collective, les mouvements sociaux ne sont pas une création québécoise. Ils se situent dans une mouvance plus large qui s’est développée à la même période dans l’ensemble des pays industrialisés. Mais en territoire québécois, le mouvement communautaire adoptera une posture spécifique : « il relèvera le défi difficile et complexe de la concertation et du partenariat » (Bélanger et Lévesque 1992 : 728). En effet, tout en ayant des pratiques contestataires et novatrices, il s’inscrit dans des rapports de conflictualité permanente avec l’État, bénéficiant des changements structurels qui vont dans le sens non pas tant d’un retrait de celui-ci que d’une réorganisation. Le mouvement communautaire et l’État québécois se font en quelque sorte écho : influence majeure du mouvement communautaire dans les décisions de l’État sur le plan social et, intégration des décisions de celui-ci dans la lutte à poursuivre sur le plan collectif. Le mouvement communautaire n’est ni soumis, ni inféodé à l’État ; il occupe une place originale et unique entre autonomie et dépendance, entre marges de manœuvre réelles et encadrement (Lamoureux, 1994 : 207).
15Le mouvement communautaire s’est historiquement défini autour de trois pôles principaux : la promotion et la défense des droits ; la socialisation à travers l’entraide, l’éducation populaire et les activités ludiques ; enfin, la mise sur pied d’un ensemble de services à travers la création de ressources autonomes de toutes sortes (Lamoureux, 1994 : 44). Sur fond de transformations et de réaménagements de l’État-providence, et en raison de la grande efficacité du secteur communautaire dans les services offerts aux différentes populations en difficulté, ce mouvement est, de fait, devenu un allié de taille de l’État. Il est apparu comme une forme plus collective, décentralisée et adaptée aux changements rapides ou aux nouveaux besoins des personnes. Il s’est aussi révélé moins coûteux et moins bureaucratique que le système étatique. En concédant une place importante aux ressources communautaires dans la prise en charge des démunis, l’État a ainsi répondu à la nécessité d’offrir des services adaptés et efficaces à ces populations en se délestant d’une partie de ses responsabilités en matière d’action sociale. Ces luttes d’acteurs dans une période de changements sociaux et étatiques ont, d’une certaine manière, favorisé le secteur communautaire tout en réalisant des économies substantielles.
La question spécifique de l’itinérance : entre l’action et la recherche
16Dans le mouvement communautaire québécois, la question de l’itinérance apparaîtra comme une question sociale spécifique. Déjà composé d’un nombre sensible de soupes populaires, de centres de jour et de refuges, un réseau autonome de ressources verra le jour au milieu des années 1970 ; il s’inspirera des avancées dans le champ de la santé mentale où on été menées des luttes importantes et marquantes8. On y retrouve les mêmes objectifs que ceux du mouvement communautaire, notamment la défense des droits, la socialisation et une offre diversifiée de services ; également les mêmes débats et les mêmes tensions. Les différents acteurs de ce réseau construiront, au cours des décennies qui suivront, des alliances avec l’État dans la mise en œuvre de ses politiques : seront discutées des manières d’agir, des stratégies à adopter, des collaborations ou des contestations à développer. Des mésalliances apparaîtront parfois. On peut qualifier ce rapport entre tous ces acteurs de constant, renouvelé et variable. En surgira le canevas sur lequel se tissera l’action en direction des populations itinérantes. On verra apparaître, dans les débats et les revendications, alternativement ou parallèlement, la tendance universaliste prônant une inclusion des personnes itinérantes dans les programmes et les mesures qui visent toute la population, comme des revendications de mesures dédiées, de services spécialisés dans un réseau de ressources consacrées à ces populations9. De fait, ce réseau formé des différentes ressources, dont le leader principal est le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), s’imposera comme un acteur incontournable en raison de la qualité de son expertise, de l’efficacité et de la diversité de ses services en direction des personnes itinérantes.
17Ainsi, depuis les années 1970, plusieurs éléments ont contribué à faire de l’itinérance une question sociale sensible. Nous en retiendrons deux. Le premier concerne l’action. Le réseau des ressources communautaires en itinérance a mené diverses actions publiques, développé un ensemble de revendications, lutté pour sa reconnaissance. Il a ainsi obtenu des fonds récurrents de l’État conduisant à sa consolidation (bâtiments, personnels). Le second élément ayant contribué à la construction de la question de l’itinérance comme problème social est le développement d’un champ spécifique de recherche, la publication de nombreux textes, livres, rapports, etc., et la formation de chercheurs spécialisés sur cette question. Le développement de connaissances spécifiques a permis de saisir la complexité du phénomène tout en construisant des ancrages théoriques qui lui ont donné visibilité et pérennité.
Des moments charnières dans l’action
18Il est évidemment impossible de recenser l’ensemble des actions et des réactions qui ont permis de construire la question itinérante comme question sociale. Les actions du réseau communautaire en itinérance, celles des acteurs institutionnels (principalement de la santé et des services sociaux) et celles de l’État se conjuguent dans une même dynamique. Nous repérerons ici les éléments les plus significatifs et les plus marquants qui permettent de saisir les étapes de la consolidation de la question de l’itinérance au Québec1020. Malgré les débats vifs, les oppositions fortes, les moments de rupture, on peut constater une certaine continuité dans le dialogue et la prise en compte par l’État – celle-ci fut-elle inégale – des revendications du mouvement communautaire ; comme nous l’avons vu, elles s’inscrivent dans le mouvement plus large de l’action communautaire au Québec.
191974 : Le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM)11 est mis sur pied et, au fil des ans, il gagnera en importance et en nombre d’adhérents. Il cherchera à réunir des représentants des différentes ressources dédiées à ces populations. On voit alors se dégager trois tendances ou trois approches de l’action communautaire suscitant des débats animés et des tensions certaines. Les acteurs du secteur caritatif revendiquent une place complémentaire aux institutions de l’État : une frange des militants politisés revendiquent une reconnaissance étatique et un financement qui permettent de répondre aux besoins des personnes démunies afin de faire évoluer leur situation (Charest, 2003) ; une autre frange, plus radicale, revendique une autonomie complète par rapport à l’État et le développement de modèles alternatifs indépendants des approches prônées dans les institutions étatiques.
201987 : L’année internationale du logement et des sans-abri propulse la question de l’itinérance sur la place publique. Cette publicité accélère la prise de conscience du phénomène par la population montréalaise et mobilise de nouveaux acteurs. D’une part, de concert avec la Ville de Montréal, se crée un comité de travail réunissant des représentants de la municipalité, du gouvernement du Québec, principalement du secteur de la santé et des services sociaux, et du RAPSIM. L’objectif de ce comité est de faire des recommandations en vue d’intervenir plus efficacement sur la question de l’itinérance. D’autre part, la Fédération des organismes sans but lucratif (OSBL) d’habitation de Montréal (FOHM)12 développe et revendique une politique de logement social et des mesures spécifiques pour les populations itinérantes qui ont généralement besoin d’un accompagnement soutenu (Charest, 2004).
211988 : un centre de référence pour les personnes itinérantes à Montréal, Dernier Recours Montréal (DRM) naît. Il vise à combler un manque criant de coordination de l’offre de services et d’orientation. Trois ans plus tard, le centre ferme ses portes, suite à des difficultés majeures de fonctionnement et à des conflits internes entraînant une forte mobilisation de tous les acteurs, médias et politiques y compris. Cette courte expérience constitue néanmoins un événement majeur dans la construction de l’itinérance en tant que problème social. Il s’agit aussi d’un moment clef dans l’organisation des services de prise en charge des personnes itinérantes à Montréal (Charest, 2003 ; Charest et Lamarre, 2000).
221990 : considérant les critiques à l’endroit de Dernier Recours Montréal, l’État, par l’intermédiaire des services de santé et des services sociaux, confie à une équipe d’intervenants du CLSC des Faubourgs (déjà mobilisée pour supporter DRM en crise) un mandat spécial d’intervention dédié aux personnes itinérantes13. Cette équipe14 œuvrera à l’intérieur même des services publics de santé et de services sociaux (McKeown, Plante, 2000) et mobilisera des membres du personnel (médecin, psychiatre, infirmière, travailleur social) et les ressources physiques (locaux spéciaux tels douche, salle de repos, procédure accélérée de rendez-vous, etc.). Son travail s’effectue en complémentarité avec les services déjà offerts par le réseau communautaire. Ainsi, un premier service public dédié à cette population est créé : l’Équipe Itinérance-outreach. Son premier mandat consiste à faciliter l’accessibilité aux soins et aux services sociaux des personnes itinérantes dans une approche (inspirée de l’expérience américaine) où la clientèle est contactée là où elle se trouve : dans la rue (Denoncourt, Bouchard et Keays, 2007).
231992 : Le Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS) du Québec adopte un énoncé de politique dans le cadre de la Politique santé et bien-être (PSBE). Celle-ci identifie un ensemble de problèmes sociaux considérés comme les plus préoccupants au Québec15 et pour lesquels le gouvernement s’engage à « faire quelque chose ». Parmi ces priorités d’action se trouve la question de l’itinérance16. On y affirme l’importance de mieux coordonner les services, notamment les services de désintoxication, de logement et de santé mentale reconnaissant ainsi certaines des conditions qui expliquent l’itinérance. Cette politique sera accompagnée l’année suivante, d’un protocole interministériel17 portant sur la question de l’itinérance et définissant un plan d’action qui réunit une diversité d’acteurs gouvernementaux auxquels s’ajoutent les représentants des corps policiers confrontés quotidiennement à cette population. Le protocole privilégie la conjugaison d’approches différentes (préventive, globale, multisectorielle), en réaffirmant une volonté de mettre en réseau les différentes ressources (Gouvernement du Québec, 1993).
241998 : Après une sorte de bilan des initiatives d’actions mises en place depuis la Politique de santé et bien-être (1992), la Régie Régionale de santé de Montréal (RRSSSMC)18 propose un nouveau plan19 d’amélioration des services dédiés aux personnes itinérantes dans la perspective d’une intégration des services communautaires et étatiques, au fonctionnement cloisonné jusqu’alors20. On propose un ensemble de mesures facilitant le passage d’un service à un autre, d’un organisme communautaire à un organisme public, d’un service spécialisé à un hôpital général, par exemple, et on implante des services à proximité des lieux où circulent les personnes itinérantes. Parallèlement, les programmes de la Société d’habitation du Québec (SHQ) sont revus et certaines mesures, dont Accès Logis Québec21, visent, pour partie, les personnes ayant connu l’itinérance (Roy et al., 2003). Ces mesures rencontrent un ensemble de difficultés et leur mise en place ne se fait que très lentement ; le besoin de logement demeure alors toujours aussi important22. Du côté des milieux communautaires, un nouvel acteur s’ajoute. Alors que la question de l’itinérance a toujours été associée à la métropole, Montréal, le Réseau Solidarité Itinérance du Québec (RSIQ) cherche à donner une visibilité à l’itinérance qui apparaît aussi dans les grandes villes des régions du Québec. Celui-ci développe une plate-forme large de revendications dans la perspective du développement qu’il nomme « politique en itinérance »23. Ces revendications touchent principalement les droits des personnes : droit de cité, droit à un revenu décent, à un logement abordable, adéquat, stable et sécuritaire, droit à la santé à travers l’accès facilité aux soins et services et enfin droit à l’éducation.
251999 : Au niveau du Gouvernement du Canada, un important programme de financement – Initiative de partenariats en action communautaire pour les sans-abri (IPAC) – est lancé. Cette vaste initiative n’est pas sans lien avec la publication d’un rapport (novembre 1998) de l’ONU24 qui pointe du doigt le Canada, pays riche et prospère, pour sa piètre performance au regard des plus démunis et, notamment, des sans-abri. Le programme mis sur pied s’adresse principalement aux grandes villes du Canada25 et vise une action globale et coordonnée face au problème de l’itinérance. On insistera sur le développement ou la consolidation d’un réseau et de pratiques de collaboration. On cherchera à développer, dans toutes les régions du Canada, des « comités de partenaires » qui décideront des priorités. Au Québec (contrairement aux autres provinces et en raison des champs de compétences dans le domaine social), l’organisation passe par l’État québécois, ce qui retarde la mise en place du programme26. Dans chacune des régions du Québec un programme spécifique sera développé en tenant compte des particularités de la question itinérante. Soulignons que ce programme signe le réinvestissement du gouvernement fédéral dans le logement social, après son retrait progressif entre 1988-1999. Toutefois, les fonds IPAC n’étant pas récurrents, les besoins de services de soutien communautaire associés au logement comme condition de sortie de la grande précarité et d’atteinte d’une plus grande stabilité pour les populations itinérantes n’ont pas été reconnus ; depuis, le programme sera cependant renouvelé chaque année.
262003 : Au Québec, une importante réforme des services de santé et des services sociaux27 est engagée. On y réaffirme l’idée de « réseau » dans la gestion du social. Mais, changement important, l’itinérance n’y est pas mentionnée comme étant une priorité nationale (contrairement à la PSBE de 1992). Cependant, les populations itinérantes sont intégrées dans d’autres filières ou catégories plus larges28. A Montréal, considérant l’importance de la question et peut-être la sensibilité à cette question depuis quelques décennies, l’itinérance demeure néanmoins une priorité d’action29. On mise sur le partenariat pour assurer une réponse permanente et continue aux besoins des personnes itinérantes en termes de santé, de services sociaux, d’insertion sociale et d’hébergement. Le logement social devient un point d’ancrage important et fait l’objet d’ententes officielles entres les partenaires impliqués30. Depuis, un protocole a été adopté par l’Agence de Montréal31 et le réseau communautaire dont le RAPSIM, cherchant à définir clairement la place des ressources communautaires, et des différents établissements du réseau public, afin de « réduire les inégalités sociales et d’améliorer les conditions de vie des personnes démunies »32.
272005 : Le Ministère de la santé et des services sociaux du Québec, dans la foulée des positions déjà adoptées et aussi sous la pression des divers regroupements, développe « un cadre de référence sur la question de l’itinérance ». C’est en quelque sorte une réponse à la demande des milieux de développer une « politique large portant sur l’itinérance » (RSIQ). Ce cadre se veut cependant une politique « interne au Gouvernement » qui s’adresse transversalement aux différents secteurs et instances contrôlés par l’État, et qui indiquera comment chacun doit prendre en compte la question de l’itinérance. Le Ministère organise un groupe de travail réunissant des acteurs de son ministère, des partenaires communautaires et institutionnels, des représentants de la Ville de Montréal et des chercheurs du CRI. Le document produit par le MSSS et qui définit le choix du Gouvernement du Québec (et non de la communauté) propose la mise en œuvre de pratiques qui renforceront la prévention, agiront sur les situations d’urgence, intensifieront la réinsertion sociale et amélioreront les connaissances, la formation et la recherche en matière d’itinérance33. Ce document est actuellement (hiver 2008) en consultation dans les divers milieux concernés par cette question.
Des moments charnières dans la recherche
28Jusqu’au début des années 1990, peu d’écrits québécois existent sur la question de l’itinérance, ou sur les clochards, comme on disait dans les années 1960. Cela se limite à une littérature grise composée de documents renéotypés, de brochures internes à des institutions religieuses, à quelques articles publiés dans les grands quotidiens ou encore à des documents internes aux ressources communautaires et utilisés pour faire la promotion de leurs objectifs, justifier les demandes de financement ou raconter l’histoire de certaines institutions ou ressources caritatives ou communautaires (Laurin, Tremblay, 1974, 1976 ; Fournier, 1984). Même dans les ouvrages traitant plus largement de la pauvreté, rares sont ceux qui abordent cette question. Cependant, on trouve dans quelques publications historiques portant sur certaines institutions caritatives ou sur des personnages ayant marqué l’histoire sociale du Québec, des auteurs qui évoquent la question des vagabonds, des miséreux. La littérature sur cette thématique vient principalement d’Europe et des États-Unis. Dès la fin des années 1950, les auteurs américains qui s’intéressent à la question du vagabondage ou Homelessness centrent leurs travaux sur l’alcoolisme. Au milieu des années 1960, certains travaux poursuivent encore sur cette voie, mais on voit apparaître d’autres thématiques dont celle de la psychiatrisation, puis celle des mouvements revendicatifs. A la fin des années 1970 au Québec, quelques documents sont produits, principalement des mémoires de maîtrise34. L’un des premiers livres sur la question est intitulé : Seuls dans la rue (Roy, 1988).
29Ce qui donne un envol certain au développement des travaux de recherche sur l’itinérance est la mise sur pied, dans la foulée de la PSBE de 1992, d’équipes de recherche partenariale, dont une spécialisée sur l’itinérance. Le Collectif de recherche sur l’itinérance (CRI)35 naît à ce moment-là. Un programme de subventions de recherche permettant le développement d’infrastructures de recherche et alliant chercheurs académiques et praticiens verra le jour36. C’est ainsi que la notion d’itinérance, posant le problème social des personnes à la rue, utilisée tout d’abord par les services communautaires et formant consensus au niveau politique et dans l’opinion publique, sera reprise et problématisée dans les termes de la recherche en sciences humaines et sociales au Québec. L’alliance entre milieu d’intervention et recherche consolidera la question de l’itinérance et la fera apparaître comme question incontournable. Tout en ayant contribué à en faire un objet socialement mieux compris, elle aura également permis son développement comme construction sociologique non sans en percevoir, de ce point de vue, les limites.
30Résumons : depuis près de cinquante ans au Québec, l’activité sociale et politique autour de la question de l’itinérance a traversé différentes périodes marquées par la rareté d’événements décisifs ou, au contraire, saturées par l’intensité des initiatives. Ce qui caractérise cette activité c’est globalement le passage, au niveau de la prise en charge des personnes, du secteur caritatif privé au secteur communautaire supporté ici et là par d’importantes mesures étatiques. Mais ce qui caractérise l’action c’est le chassé-croisé entre milieux communautaires, institutionnels et l’État dans la mobilisation, le développement de revendications et de solutions concernant les populations itinérantes ; c’est aussi l’ajout d’une diversité de nouveaux acteurs dans l’appréhension comme dans les modes de résolution du problème. Au cours de ces vingt dernières années, l’État a donné suite à plusieurs demandes et revendications provenant du secteur communautaire, mais il a surtout centré ses actions sur le remaniement de structures et de programmes, cherchant ainsi à combler les failles d’un système précaire. Tout en refusant de prendre en charge directement les personnes ou populations itinérantes, l’État a développé une politique par à coup faite de mesures ponctuelles ou à moyen terme, faisant émerger un réseau d’actions qui en a fait sa priorité. On ne peut qu’observer, avec le recul du temps, que les ressources accordées se sont avérées insuffisantes pour faire régresser le problème de manière sensible. Le secteur communautaire s’est, pour sa part, intégré, volontairement ou non, dans la chaîne des réponses sociales à l’itinérance ; il en est même devenu la pierre angulaire, même si son sous-financement (en termes de subventions, de programmes, de personnels, de bâtiments, etc.) constitue encore et toujours un handicap au déploiement de son action. Le monde de la recherche, quant à lui, a contribué à une meilleure compréhension de la complexité du phénomène, de même qu’au développement, à la modification et à l’affinement de l’argumentaire et des positions. Tous ont contribué, à leur manière, à en faire une question sociale, politique et sociologique : en se rendant visible, l’itinérance a mobilisé le déploiement des politiques et un important investissement financier ; le développement des ressources, les mécanismes de professionnalisation de l’action, ont peut-être, paradoxalement, contribué à son ancrage et sa pérennisation.
Notes de bas de page
1 Dont la Société St-Vincent de Paul et les dames de la Charité. Pour plus d’informations voir Huguette Lapointe-Roy, 1987.
2 Aranguiz et Fecteau racontent que Gustave Muerling était une riche philanthrope belge qui vécut à Montréal pendant longtemps. Il légua à la ville 72 000$ qui devaient être utilisés à des fins charitables. On utilisa cette somme pour créer un refuge municipal. Le responsable de ce centre - M. Chevalier -, fervent admirateur des idées réformistes, développa ce centre en s’inspirant de ceux de New-York et Chicago. Voir aussi P.A. Linteau (1992) sur le développement de Montréal et le courant réformiste qui se manifesta sous une double forme : la réforme sociale et le mouvement politique.
3 La robine est un alcool frelaté et fait d’un mélange de différents produits. Ceux qui boivent ce liquide sont appelés des robineux.
4 Le terme Révolution tranquille désigne globalement la période des années 1960-1966 où on assiste à la mise en place accélérée de réformes qui modifient en profondeur les institutions du Québec. C’est l’idée de rattrapage et de modernisation qui est amorcée dès après la guerre et qui, au Québec, avait été largement freinée par le gouvernement conservateur de M. Duplessis. C’est particulièrement dans le secteur de la santé, de l’éducation et des affaires sociales que l’on voit apparaître les changements les plus profonds. Les structures de l’État seront aussi chamboulées. Il s’agit de la période de réformisme social et politique et de l’interventionnisme de l’État, de la prospérité économique et de l’arrivée du baby boom à l’âge de l’adolescence et à l’âge adulte. Voir Linteau, Durocher, Robert et Ricard, 1989, Histoire du Québec contemporain, Tome II, Boréal, Montréal
5 Jusqu’aux années 1960, les secteurs de la santé, des hôpitaux généraux et des asiles, de l’éducation, des orphelinats, des crèches, sont sous la responsabilité des communautés religieuses. Les syndicats sont sinon interdits, du moins fortement combattus par l’État (Vaillancourt, 1995).
6 Au tournant des années 1970, les trois grandes centrales syndicales québécoises publient des documents importants. La Confédération des syndicats nationaux (CSN) publie un document intitulé : « Ne comptons que sur nos propres moyens », la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) : « L’État rouage de notre exploitation » et la Centrale de l’enseignement du Québec (CEQ) : « L’école au service de la classe ouvrière ».
7 Par exemple, certaines ressources du mouvement communautaire proposaient déjà des pratiques de conscientisation populaire. Le mouvement communautaire autour des groupes marxistes cherche à penser sur plusieurs fronts l’aide aux personnes, dans une perspective renouvelée : comptoirs alimentaires de quartier, garderies, coopération d’habitation, mais aussi refuges de nuit, soupes populaires, etc.
8 Le regroupement des ressources alternatives en santé mentale (RRASMQ) a marqué les pratiques communautaires auprès de populations démunies. Il est autonome par rapport au réseau de l’itinérance mais les débats suscités en son sein ont inspiré les intervenants des autres groupements. Notons que plusieurs acteurs circulent entre ces différents groupements. Le RRAMSQ se fait entendre de manière importante à propos de la désinstitutionalisation des hôpitaux psychiatriques, mouvement enclenché aux États-Unis dans les années 1960 et que le Québec a suivi. La fermeture de certains asiles et le renvoi dans la communauté d’une partie importante des personnes internées depuis longtemps en institution ont rendu visible un phénomène qui, jusque-là, était circonscrit. Ces personnes, faute de mesures d’accompagnement dans leur nouvelle vie, se sont retrouvées, en raison de leur désorganisation, à circuler dans les rues des grandes villes et principalement Montréal. Les hôpitaux généraux et les urgences psychiatriques recevant les personnes en crise ainsi que les regroupements communautaires somment l’État d’agir. Les groupes communautaires alternatifs en santé mentale articulent un discours et développent une diversité de pratiques. Un ensemble de mesures seront alors déployées et la politique de santé mentale revue à plusieurs reprises. Voir à ce propos Lamoureux, 1994.
9 Ces ressources sont ouvertes à d’autres types de ressources (étatiques ou situées dans d’autres réseaux, notamment de la toxicomanie, du logement social, etc.) ; elles répondent à une diversité de besoins.
10 Pour de plus amples informations, voir Roy et al., 2006 ; Charest et Lamarre, 2000 ; McKeown et Plante., 2000.
11 En 1978, le RAPSIM devient un interlocuteur important du Conseil régional de la santé et des services sociaux sur la question de l’itinérance. Se développe alors une pratique plus systématique de débats et de consultations des instances étatiques concernant le communautaire.
12 La FOHM est un organisme sans but lucratif, donc non gouvernemental.
13 Il s’agit là du premier service financé par l’État, les autres relevant du secteur communautaire. A la même période (fin des années 1980), différents acteurs (MSSS, Ville de Montréal, RAPSIM, CLSC Centre-Ville) se rassemblent autour du Plan conjoint dédié à la question de l’itinérance à Montréal. Une Table de liaison voit alors le jour (McKeown et Plante, 2000) : on vise la concertation, la définition des questions prioritaires et des solutions efficaces.
14 Depuis ce temps, des équipes du type de celle des Faubourgs ont été mises sur pied dans différentes villes du Québec : Québec, Laval, Outaouais, Sherbrooke…
15 Parmi celles-ci : la question de violence conjugale, l’inceste, les conditions de vie des personnes âgées, la déficience intellectuelle, etc..
16 L’objectif 5 s’énonce ainsi : « D’ici l’an 2002, prévenir l’itinérance, et particulièrement à Montréal et à Québec, atténuer ses conséquences, et favoriser la réinsertion sociale des itinérants ». (MSSS, 1992 : 57).
17 Ce protocole réunit des représentants des Ministère de la Santé et des Services sociaux(MSSS), de l’Éducation (MEQ), de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du Revenu et de la Formation professionnelle (MMSRFP), de la Sécurité publique (MSP), de la Société d’habitation du Québec (SHQ), du Secrétariat à la jeunesse (SAJ), du Secrétariat à la condition féminine (SCF), du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal (SPCUM) et de l’Association des directeurs de police et pompiers du Québec.
18 Le RRSSS-MC est une instance régionale de coordination des services de santé et des services sociaux intégrée à la structure du Ministère de la santé et des services sociaux du Québec.
19 Le Plan d’amélioration des services 1998-2002 (RRSSS-MC, 1998).
20 Voir les rapports de RRSSS-MC, 1997 et 1998.
21 Financé par la SHQ et la Société canadienne d’hypothèque et de logement.
22 Voir le plan d’action de la Société d’habitation du Québec, 2002-2007.
23 Pour plus d’informations à ce sujet voir leur site internet : http://www.rapsim.org/site/index.ntd?sortcode=1.27.12.
24 Plus précisément le Comité sur les droits économiques et sociaux de l’ONU.
25 Le programme initial de l’IPAC ciblait dix grands centres urbains particulièrement touchés par l’itinérance : Vancouver, Edmonton, Calgary, Winnipeg, Hamilton, Toronto, Ottawa, Montréal, Québec et Halifax. Dans leur cas, le programme réservait 80 % des fonds totaux.
26 Pour le Québec, ces comités impliquent plusieurs instances : MSSS, Agences, municipalités et diverses ressources communautaires.
27 Projet de loi n° 25 (sanctionné le 18 décembre 2003, ch. 21) portant sur les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux.
28 On note dans cette politique différentes catégories : jeunes en difficulté, jeunes femmes enceintes et jeunes mères, « clientèles vulnérables au regard du VIH/sida, du VHC et des ITSS », personnes âgées en perte d’autonomie, jeunes et adultes ayant un trouble mental, personnes présentant une déficience intellectuelle, personnes aux prises avec une dépendance à l’alcoolisme et aux autres toxicomanies, y compris le jeu pathologique, etc. Sur la scène montréalaise, la problématique de l’itinérance est conservée comme priorité.
29 Voir le rapport La santé en action (RRSSS-MC, 2003b).
30 Il y a eu adoption d’un protocole, entre la RRSSS-MC, la SHQ, et le ministère des Affaires municipales et de la Métropole, pour le financement du support communautaire en logement social auprès des sans-abri.
31 Nouvelle appellation de la RRSSSMM. Voir le rapport de l’Agence de Montréal, 2006.
32 Voir le rapport du CSSS J-M, 10 mars 2006, pp.19-20.
33 Voir le document du MSSS, Cadre de référence en itinérance du Québec, décembre 2007.
34 Cf Magnant 1975 ; Gervais, 1978 ; Cabana-Renaud, 1983 ; Coulombe, 1985 ; Roy, 1985 ; La montagne et al., 1987.
35 Le CRI est un collectif de recherche formé de chercheurs académiques, d’assistants de recherche, de « travailleurs terrain ». Il propose une démarche interdisciplinaire et multiple en termes d’approches méthodologique et théorique. Il est subventionné à partir de programmes de recherche reliés à l’État québécois. Il a été mis sur pied en 1994. Au cours des ans il se redéfinira comme un collectif de recherche sur l’itinérance, la pauvreté et l’exclusion sociale.
36 Programme du CQRS, Conseil québécois de la recherche sociale, et qui se poursuit aujourd’hui dans le cadre du Programme de recherche partenariale du FQRSC, Fond Québécois de recherche, société et culture.
Auteur
Shirley Roy, sociologue, professeur titulaire au Département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal (UQUAM), coresponsable scientifique du Collectif de recherche sur l’itinérance, la pauvreté et l’exclusion sociale.
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