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Rebelles ou brigands ?

Les faits

p. 131-174


Texte intégral

1. Sources et méthode

1Trois limites sont à poser à notre connaissance des faits. Premièrement, tous n’ont pas été portés à la connaissance de la justice. En atteste le chemin hasardeux que ceux-ci empruntent pour parvenir dans le monde et les archives judiciaires437. Deuxièmement, tous les actes connus de la justice ne le sont peut-être pas par nous, étant donné le caractère disparate et sans doute partiel de nos sources438. Troisièmement, lorsque les faits sont parvenus jusqu’à la justice et à nous-mêmes, ceux-ci sont documentés inégalement. Pour certains d’entre eux nous ne disposons que de peu d’informations, soit que les déclarations à leur sujet aient disparu de nos dossiers439, soit que les victimes n’aient pas témoigné440. Ces trois limites circonscrivent notre travail. L’analyse des faits ne peut en aucun cas se prétendre quantitative même si un aperçu global doit permettre d’évaluer l’action de la « bande ». Elle se veut au contraire qualitative.

2De quelles sources disposons-nous pour analyser les faits ? Les pièces de procédure – procès-verbaux de visites domiciliaires, actes d’accusations, jugements ainsi que quelques correspondances – ne permettent pas une étude approfondie. Ces pièces ne reprennent souvent qu’une simple qualification du crime. Ces informations sont précieuses parce qu’elles sont les synthèses des différentes dépositions des témoins et qu’elles qualifient les faits. Néanmoins elles ne permettent pas de disposer de tous les détails mentionnés par les victimes et témoins. Pour ce faire, ce sont donc les déclarations de ceux-ci qui sont le plus adéquates. Nous disposons également de déclarations de « l’autre camp », c’est-à-dire de participants aux actes, et des interrogatoires des prévenus, quand ceux-ci avouent.

3Ne sélectionner que les crimes repris dans les actes d’accusation ou les jugements, par exemple, aurait été restrictif. En effet, seuls quelques-uns sont cités dans ces sources. Nous avons donc aussi pris en compte ceux présents dans les déclarations des témoins et victimes, les interrogatoires des prévenus ainsi que les mandats d’amener et d’arrêt. Si à une seule reprise, l’infraction d’un mandat d’arrêt s’est avérée fausse441, les autres actes repris dans ces pièces sont confirmés par les victimes et témoins, ce qui permet, à notre sens, de les comptabiliser.

4Nous avons ainsi recensé 63 faits auxquels, dans notre analyse, nous avons dû accorder un poids différent en fonction des informations dont nous disposions, des différences d’angle de vue disponibles et de leur prise en compte par le monde judiciaire442.

5À partir des interrogatoires des prévenus ayant avoué avoir participé aux faits et des déclarations des victimes et témoins, nous aborderons quatre premiers points. Nous parlerons dans un premier temps de la bande : le nombre de membres, l’existence d’un chef et son fonctionnement interne. Un second point traitera du mode opératoire utilisé par les « brigands » : le scénario des crimes. Ensuite sera abordé la problématique des victimes et de leur sélection par les coupables. Dans un quatrième point, nous aborderons les motifs qui poussent nos jeunes gens à intégrer la « compagnie ».

6Ensuite, en un cinquième point, une question déterminante pour notre affaire sera posée : brigands seuls ou instigateurs politisés ? Autrement dit, en deux temps, les bandits ont-ils agi de manière isolée ou guidés par des fomenteurs ; et ces derniers avaient-ils des visées politiques ? Pour répondre à cette question, nous utiliserons de nouvelles sources : les révélations des quatre condamnés à mort, les « notes sur les faits », les interrogatoires des prétendus instigateurs et les déclarations des témoins traitant des instigateurs, sources que nous ne prendrons pas en compte dans les autres points, vu les doutes qui pèsent à certains égards sur leur véracité.

2. Une bande ?

2.1. Nombre

7Il est difficile de circonscrire notre « bande » ou « compagnie ». Les chiffres annoncés par les « brigands » sont assez étonnants. Trois d’entre eux s’expriment sur ce point443. Ils disent aux victimes qu’ils peuvent avoir sous leurs ordres autant d’hommes qu’ils veulent. L’un d’eux a reçu une lettre lui promettant des renforts en cas de besoin, allant jusqu’à 600 hussards anglais. Mais ils n’en ont pas besoin, puisque selon eux, ils ont 200, 300 ou même 400 hommes. Il faut préciser que les brigands s’expriment ainsi quand ils sont en position de défense. Les trois fois, ils sont menacés et tentent d’effrayer et impressionner leur interlocuteur en le prévenant qu’au moindre « coup de sifflet » ces centaines d’hommes peuvent quitter les bois et venir les défendre. Plus concrètement, à travers tous nos procès, interrogatoires et déclarations, une petite centaine de noms a pu être répertoriée. Mais il est bien entendu impossible d’affirmer que toutes ces personnes ont fait partie de la même bande, voire ont seulement existé. Au sein de ces procès, nous avons une petite cinquantaine de prévenus. Et même pour certains d’entre eux, il est délicat d’affirmer avec certitude qu’ils ont intégré la « compagnie ». Une chose est certaine : lors des actes, les témoins et victimes ont rarement vu plus de quinze à vingt brigands en même temps. Une seule victime parle d’une soixantaine d’hommes444. Bien entendu, ce n’est pas parce qu’un maximum de vingt individus est comptabilisé en même temps au même endroit que la bande n’en compte pas plus au total. Le chiffre le plus sûr est sans doute obtenu en additionnant toutes les personnes clairement identifiées comme comparses par les prévenus. Une quarantaine d’hommes semblent ainsi avoir fait partie du groupement.

8L’un des prévenus différencie deux bandes parmi tous nos « brigands » : la « bande de Malèves », avec Mouchet, Houchon, et autres et la « bande de Limelette » avec les Demaret, Gilbert et leurs comparses445. Nous avons maintenu tous les prévenus dans notre analyse parce que, pour certains actes, il est avéré que des hommes des deux « bandes » étaient ensemble et parce que la justice parle de tous ces hommes comme de « complices446 ».

2.2. Chefs

9Certains prévenus parlent d’un chef mais ils en évoquent plusieurs et ce ne sont pas toujours les mêmes noms qui reviennent : Vincent Demaret, Jean Baptiste Malaquin, Albert Lebras, Henry Mouchet, Henry Joseph Simon, Berro dit le diable ou encore Jean Baptiste Taquin. Seuls trois de ces hommes sont appréhendés par le monde judiciaire dans nos procès447 mais aucun d’eux ne se revendique en tant que chef dans leurs interrogatoires, préférant probablement citer d’autres noms et ne pas subir les conséquences séant à une telle fonction. Ce n’est qu’en dehors du monde judiciaire qu’ils s’en vantent, comme Vincent Demaret, par exemple, qui aurait dit, en parlant du pillage chez Mascart et selon le juge de paix du canton d’Yssche, que « c’était lui qui y commandait448 ». D’autres que ceux nommés par les prévenus revendiquent même le titre, comme Joseph Corneille Folie qui « armé de pistolets et le ménacant » dit au même juge de paix « que c’était lui le chef des brigands mais non pas Demaret449 ». Certaines victimes évoquent aussi des meneurs. Marie Catherine Masson dépose que les « brigands » appelaient Vincent Demaret « commandant450 », tandis que chez Glibert c’était Gilbert451 qui portait le titre et que chez Everaerts, Berro était « commandant452 » et Valkenberg « caporal453 ». Les titres donnés sont variés tout autant que les noms. Il semble qu’en réalité il n’y ait pas eu un chef mais plutôt des chefs ou pas de chef. Le directeur du jury de l’arrondissement de Louvain, lors de l’interrogatoire de Mouchet, ne se contente pas de savoir qui est à la tête des brigands en général mais s’intéresse à chaque attaque ou pillage et tente de savoir, pour chacun d’eux, qui était le meneur. Pour les actions d’envergure où de nombreux hommes sont présents, il semble effectivement qu’il y ait, si pas un dirigeant permanent, un guide. Le prévenu parle des personnes « qui les commandaient454 ». Par contre, il précise que pour un autre fait, « n’étant qu’à cinq, il n’y avait pas de chef ». Ce sont les circonstances qui amènent à la nécessité ou non d’avoir un meneur qui permette une action plus ou moins cohérente. Le rôle n’est peut-être pas attribuable à tous les « brigands » mais il l’est à plusieurs d’entre eux.

2.3. Le fonctionnement interne

10Nous avons parlé d’une cinquantaine de membres au total. Mais les prévenus qui avouent avoir intégré un jour la « bande », disent n’en avoir fait partie que pour une durée limitée, de quelques jours à cinq décades. Cette information n’est évidemment pas donnée à la légère par les brigands. Ils savent qu’elle aura probablement un poids dans leur avenir judiciaire.

11La même remarque vaut pour l’entrée dans la bande. Non seulement ils n’en n’ont pas fait partie pendant longtemps mais en plus ils ne l’ont pas suivie par choix. C’est du moins ce qu’affirme une grande majorité des prévenus, obligés soi-disant d’intégrer la bande parce qu’ils étaient réquisitionnaires. Souvent, ils ont rencontrés les « brigands » dans un bois et n’ont pas pu faire autre chose que les accompagner. Deux disent avoir été sollicités par des membres de la « compagnie » et avoir accepté d’intégrer cette dernière. Un autre dit les avoir « suivi aveuglement455 ». Au sujet de l’un d’entre eux, un témoin dira qu’« il avoit pris parti dans les brigands pour se soustraire de la réquisition mais qu’il étoit bien au repentir456 ». Et, en effet, leur discours est peu crédible : s’ils disent avoir été forcés d’intégrer la bande, ils invoquent à la fin de leurs interrogatoires des motifs qui les ont poussés à le faire457. Alors choix ou obligation, la question ne peut être résolue. La validité de ces propos, susceptibles d’alléger une éventuelle peine, est difficile à évaluer vu leur enjeu au sein du procès.

12L’entrée dans la bande se marque par l’attribution d’armes à la nouvelle recrue. Elles lui seront reprises s’il abandonne le groupe458. Ces armes ont été acquises lors d’attaques de représentants de l’ordre ou de pillages. Elles sont cachées dans les demeures de certains brigands. Par contre il semble que chacun devait acheter sa poudre, notamment à des négociants qui venaient la vendre dans les forêts fréquentées par nos hommes459. En effet, les bois des alentours sont des lieux de rencontre pour la troupe, voire de vie pour les prévenus sans domicile. C’est là que semblent se prendre certaines décisions. Un témoin raconte que Vincent Demaret a expliqué comment il s’était débarrassé du cheval emporté chez Mascart, ayant servi à emporter les paquets d’objets volés. Étant gêné par ce cheval et ne sachant qu’en faire, il a « mis aux voix, si on le chasserait ou si on l’amenerait et […] il avait été résolu de la chasser ». C’est aussi sous les arbres que se font les partages, quand ils n’ont pas lieu dans la maisonnée de l’un des prévenus. L’un des accusés raconte que le chef, Mouchet, opérait au partage, divisant les biens pillés selon sa volonté460. Quand cela est fait, chacun dissimule les effets reçus dans un coin à l’abri des regards puis ils se rejoignent dans les bois461. Le chef semble revendre certains vêtements volés à l’un de ses brigands462. Antoine Demaret aurait même proposé à son barbier de lui vendre quelques-uns des « beaux gillets463 » qu’il avait dérobés.

13Quitter la bande ne semble pas être facile. Comme nous l’avons dit, les armes sont reprises mais le « déserteur » est parfois poursuivi, les autres essayant même de « lui tirer dessus464 ». Certains sont donc réduits à se cacher de leurs anciens compagnons.

3. Victimes

14L’intégration de nos prévenus dans la société pillée a déjà laissé entendre que, connaissant leurs victimes, ils ne les choisissent pas au hasard. Et si l’un des témoins s’exclame « ils allaient généralement par tout et […] ils n’allaient pas plus dans une maison que dans l’autre465 », il n’empêche que dans le cas du pillage chez Louis Mascart, il est évident que le choix est loin d’être une pure coïncidence. En effet, ce jour-là les pillards commencent à mettre à sac la ferme de Ferdinand Leemans, agressant celui-ci, avant que l’un des leurs fasse irruption dans la maison et les avertisse qu’ils se sont trompés de cense et de victime. Après avoir abandonné Ferdinand Leemans roué de coups et gisant sur le sol, ils sont allés réitérer leur opération dans la demeure voisine466. Régulièrement, dans d’autres faits, les brigands demandent, avant de piller ou d’agresser quelqu’un s’il s’agit effectivement de la personne qu’ils croient467. Il faut dire qu’il leur est déjà arrivé d’agresser deux fermiers, outre Ferdinand Leemans, en les ayant pris pour d’autres personnes468. De même, ils rassurent les jeunes servantes des censiers qu’ils pillent : « il est venu un des brigands prendre la citoyen (sic) Beauwens par la main en disent (sic) quel (sic) ne risquait rien469 ». Même si les agresseurs ne semblent pas toujours connaître leurs victimes et qu’il est difficile de savoir qui a opéré un choix, il est néanmoins clair que ces dernières sont sélectionnées. Comment ?

15Précisons tout d’abord que nos brigands s’attaquent en priorité aux hommes. Lors de pillages, il arrive qu’une épouse soit maltraitée tout autant que son mari. Mais le plus souvent ce sont les hommes qui sont visés, un des brigands précisant à une jeune fille croisée lors d’une rixe dans un cabaret, « tu as du bonheur que tu n’es pas un garçon, car je te brûlerais l’âme470 ».

16Sur les soixante victimes recensées, vint-deux sont des représentants de l’ordre français nouveau : maire, juge de paix, percepteur, garde-forestier, etc. Un des accusés aurait dit à l’un des prévenus qu’ils avaient « juré de ravagé (sic) tous les fonctionnaires471 ». L’une de nos victimes est Louis Mascart, ex-président du canton d’Yssche. L’historien Erik Martens écrit que Mascart, en acceptant de devenir président du canton, a dû dénoncer de nombreux conscrits472. L’un de nos prévenus l’évoque, nous en reparlerons473. Il n’est dès lors pas étonnant qu’un des premiers objectifs de la bande ait été de brûler et lacérer tous les papiers imprimés et écrits de la demeure de Mascart. Les maires sont chargés de former des tableaux de jeunes appelables, ce qui en fait aussi des victimes de choix474. Quant aux juges de paix, ils représentent la justice et doivent faire respecter des lois nouvelles parfois mal acceptées475. Viser ces représentants de l’autorité et tenter de faire disparaître les traces d’un éventuel appel dans les armées de la nouvelle nation est caractéristique des rebelles476, qui vont parfois jusqu’à assassiner des commissaires477. Le but est souvent atteint, les menaces et représailles laissant derrière elles un « fantôme » d’administration devenue incapable de rappeler à l’ordre et de dénoncer les conscrits désobéissants478. Le critère de choix est clair et compréhensible : agresser ces personnes permet de saisir leurs armes, d’effacer toute trace de conscription et de marquer son opposition à un régime dont ils ne perçoivent qu’une attaque, la conscription. Néanmoins, sur les trente-huit victimes restantes479, trente-trois au minimum sont des « Wallons » sans lien apparent avec le régime nouveau. Ces gens sont en majorité des cultivateurs et fermiers ainsi qu’un meunier et un rentier. Quatre cabaretiers, deux veuves et trois journaliers figurent également au palmarès des brigands. Pourquoi ?

17Certaines victimes sont choisies en fonction de critères personnels ou ont simplement eu la malchance de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Un soir d’été, Henry Leblick passe la porte du cabaret de Jean François Rans, à Lasne. Il y a du monde mais Henry remarque assez rapidement un homme. Joseph Jacquet, « brigand » de son état, querelle et insulte les clients. Leblick s’approche de lui et lui demande de « se tenir tranquille ». En guise de réponse, Jacquet « tira un grand couteau de sa poche qu’il ouvrit contre lui déposant en lui disant qu’il lui perceroit le ventre480 ». D’autres deviennent les cibles des bandits parce que ces derniers les suspectent de les avoir dénoncés481. Un autre parce qu’il est « le plus capon des censiers482 », un « coquin » et qu’il doit trois écus à l’un des prévenus483. Un fermier est attaqué par les frères Demaret, selon lui parce qu’« il a défendu à sa fille de leur parler484 ». Certaines victimes décidément malchanceuses cumulent plusieurs de ces critères. Le juge de paix du canton d’Yssche, en plus d’être un juge de paix, aurait traité l’un des prévenus de « scélérat » lors d’une procédure antérieure, ce que celui-ci « avait toujours sur le cœur485 ». Quant à Glibert, autre victime, non content d’être maire, il dit à l’un des hommes qui le pillent que « si les gendarmes le pouvaient, il serait guillotiné486 ». Cette petite phrase est loin de calmer leurs ardeurs.

18Mais le « critère français » et le choix personnel n’expliquent pas la sélection de toutes les victimes. Le directeur du jury d’accusation de l’arrondissement de Louvain ne comprend pas lui non plus comment et pourquoi ces pillards qui semblent vouloir s’opposer à la conscription vont dépouiller des censiers wallons. À Henry Mouchet qui a avoué avoir fait partie de la bande, il pose la question. Celui-ci fournit une réponse claire :

[...] parce qu’on désignait ces fermiers comme partisans du système français et n’ayant point voulu nourrir les conscrits fugitifs […] on disait que ces fermiers étaient des carmagnoles qui n’avaient pas voulu donner à manger aux conscrits réfractaires487.

19Mais dans les faits, cette théorie cohérente n’est pas toujours visible. Mouchet, dans le même interrogatoire, raconte qu’ils ont été

[…] dans la nuit du 6 au 7 thermidor dernier, chez le fermier Bos à Malaise sous Boussut, qu’il y ont enfoncé la porte de la basse court, après avoir frappé sur la fenêtre en se qualifiant de brigands et demandé à boire et à manger, disant, que si on ne le donnoit pas de bonne volonté, ils l’auraient pris par force, que le fermier leur ayant ouvert la porte, et leur ayant donné à manger et à boire, ils lui ont demandé de l’argent, sur quoi celui-ci leur a donné 4 escalins, que sur cela, ils ont dit qu’il fallait 500 couronnes, et que le fermier ayant répondu qu’il n’avait jamais vu tant d’argent, a été couché en joue et bourré de coups de crosse, qu’après cela ils se sont rendus dans les chambres et y ont brisé une armoire, et emporté l’argent qui s’y trouvait, qu’en suite le fermier a ouvert les coffres et qu’ils ont emporté une grande quantité d’habillemens (sic), de linge et autres objets, qu’il a eu pour sa part sept escalins.

20Quel motif guide les coupables dans ce cas ? L’appât du gain ? Dans un cabaret l’un des prévenus s’adresse à un fermier en ces termes :

[…] vous êtes des nés-de-con488 (sic) de censiers, vous êtes trop riches, un jour ou l’autre nous vous iront (sic) voir, car vous avez trop d’argent, en déboutonnant la veste, il leur fit voir sa chemise, en leur disant tenez, voilà de la toile qui a été volée489.

21Malheureusement cette altercation n’est pas datée par le témoin. L’information est révélée tardivement, en ventôse an XI mais nous n’en savons pas plus. Pour autant, pourrions-nous penser qu’à un moment donné les actes commis aient perdu leur forte portée idéologique, laissant le champ libre à des motivations purement matérielles ? La suite de notre analyse permettra peut-être de suivre cette première intuition.

4. Mode opératoire

4.1. Chronologie des faits

22Pour toutes les limites que nous avons évoquées en début de ce point, il est délicat de dessiner une chronologie des faits. Il faut en effet mentionner, outre les actes qui ne sont pas parvenus sur la scène judiciaire, une quinzaine de faits que nous avons répertoriés qui sont non datés dans nos sources ou situés dans le cours de l’été 1799 sans autre précision. Sur les autres épisodes répertoriés et datés, le tiers ont eu lieu pendant le mois de juillet 1799, mois apparemment le plus actif. La grande majorité des actes recensés dans nos procès ont lieu cet été-là. S’ajoutent d’une part trois faits plus anciens, l’un en juillet 1797 et les deux autres en décembre 1798 et d’autre part trois crimes en automne 1799. La fin des activités coïncide tout simplement avec l’entrée en justice d’un nombre croissant de protagonistes. La première arrestation a lieu le 7 août et donne le coup d’envoi d’une longue procédure, ce qui explique pourquoi le mois de juillet constitue l’apothéose de la bande. Par contre, les débuts sont plus flous. Certains de nos prévenus étaient bien connus de la justice avant nos procès. En l’an VI, les frères Demaret et un autre homme sont prévenus de sévices et mauvais traitements à coups de bâton dans le bois d’Ohain vers 22 heures. Renvoyés devant le tribunal correctionnel, ils sont tous trois condamnés le 29 thermidor an VI selon la loi du 19 juillet 1791 à 6 mois de prison, 100 francs d’amende et à 5 francs, 2 sols et 10 deniers de frais de procès. Antoine Demaret est fugitif. Mais nous ne sommes pas face à une « simple affaire de coups et blessures ». En fin d’enquête en effet, le directeur du jury d’accusation de Bruxelles communique au directeur du jury de Jodoigne des renseignements sur d’autres délits à charge des frères Demaret. Nous avons la date de cette lettre : le 22 messidor an VI490. Néanmoins, nous n’avons pu la consulter, étant donné que la correspondance du directeur du jury se trouve probablement dans une partie du fonds du tribunal correctionnel de Jodoigne, non inventoriée à ce jour491. Quoiqu’il en soit, les faits les plus anciens recensés dans nos procès et cette dernière information nous permettent de penser qu’avant l’été 1799, une activité avait déjà eu lieu, même si peut-être moins intensive. Il n’est ainsi pas exclu que nos prévenus aient participé activement à la Guerre des paysans, dont les crimes de nos procès seraient des prolongements.

4.2. Scénarios

23Les actes des brigands répertoriés dans nos procès pourraient être schématiquement séparés en trois types : les attaques visant une personne, qualifiées d’assassinat non consommé, les pillages visant la personne et ses biens, qualifiés de vols avec circonstances aggravantes et les actes relevant plutôt de la rébellion comme les coupes d’arbres de la liberté et autres rassemblements séditieux. Le type le plus présent dans nos procès est sans conteste le pillage.

24Dans les faits connus de la justice et figurant dans notre corpus de procès, des prévenus avouent avoir coupé des arbres de la liberté à deux reprises, à Nil-Saint-Martin et à Tourinnes-les-Ourdons même si d’autres cas leur sont imputés. Ces arbres, habituellement habillés de rubans et de cocardes nationales et coiffés d’un bonnet phrygien, sont des symboles de la liberté : ils incarnent les valeurs révolutionnaires, ce qui fait d’eux une cible sans défense appréciée des rebelles492. Nos prévenus ne coupent pas eux-mêmes les arbres de la liberté mais se vengent, les deux fois, de gardes champêtres qui n’ont pas voulu leur donner leurs armes en les obligeant à abattre l’arbre et à crier « Vive l’empereur ». Aucune mention claire de rassemblement séditieux n’est rapportée dans nos procès. Certains de nos prévenus en sont accusés mais malheureusement leurs procès sont incomplets et ne permettent pas d’aborder ce type d’acte. Tout en gardant conscience des limites qui entravent notre connaissance des crimes, ces actes de « pure rébellion », à portée quelque peu politique, bien que présents, sont peu nombreux et se situent parmi les faits les plus anciens. Néanmoins, d’autres méfaits peuvent eux aussi avoir une certaine portée idéologique, notamment dans le choix des victimes.

25Les attaques et pillages ont plusieurs caractéristiques en commun, notamment en ce qui concerne la violence et les armes utilisées. La grande différence est l’absence de butin dans les attaques, exception faite de l’attaque d’un gendarme et un garnisaire ; dans ce cas, le « butin » était le conscrit emmené par les deux représentants de l’ordre, qu’il fallait libérer. Celui-ci ne restera que quelques jours avec la bande, avant de la fuir. Une seconde différence est celle du lieu : les attaques se font sur les chemins publics et dans les cabarets, endroits où il est fréquent que des querelles s’étalent aux yeux de la communauté493, tandis que les pillages ont évidemment lieu dans les demeures des victimes, ce qui nécessite certains moyens. Nous décrirons uniquement le scénario du pillage qui, en dehors de ces quelques divergences, ressemble en de nombreux points aux attaques plus ciblées.

26Les brigands se déplacent et opèrent en petit nombre, entre cinq et une quinzaine voire une vingtaine de personnes, rarement plus494. Sur la trentaine de cas pour lesquels nous avons l’heure du crime, une petite dizaine se passe la journée tandis que tous les autres se passent en début de nuit. Vu leur intégration dans la société qu’ils « mettent à contribution », il semblerait évident que nos hommes cachent leurs visages pour ne pas être reconnus. Or peu de victimes mentionnent cette caractéristique. Pour quatre pillages les témoins parlent de visages noircis alors qu’un autre évoque « des grosses cravates qui leur cachaient le menton et […] de grands chapeaux ronds495 ». Il s’agit peut-être d’un hasard dû à notre documentation, mais tous ces faits ont lieu au mois de septembre 1799 soit vers la fin des actes recensés, après l’entrée en justice de quelques membres de la bande. S’agit-il d’une protection face au danger d’être dénoncé, peu pris en compte auparavant ?

27Après l’avoir choisie et localisée, pénétrer dans l’intérieur d’une maison nécessite un certain outillage et une certaine technique496. Souvent, après s’être présentés par des cris et avoir réclamé quelques denrées et breuvages497, tandis que les futures victimes n’ouvrent pas ou pas assez vite, les brigands entrent par effraction. Certaines portes se montrent récalcitrantes et cela nous permet de « tester » les ressources de nos brigands :

[…] le déclarant ayant répondu qu’il ne pouvoit pas ouvrir la porte, qu’il n’étoit pas le maître, ils l’ont également conduit près de la porte de la maison en frappant et demandant qu’on ouvre et si (sic) sont à l’instant saisis d’un gros morceau de bois, l’ont chargé à deux sur leurs épaules et frappaient en avançant et reculant et ne pouvant parvenir à enfoncer cette porte, ils ont mis le canon de leurs fusils sur la serrure et ont tiré pour le faire sauter, par ce moyen, n’y pouvant encore parvenir, ont été chercher deux coudes de charrue avec les quels (sic) il ont enfoncés la porte498.

28Tous les moyens employés lors d’autres actes sont repris dans ce petit passage, hormis le coup de pierre sur la serrure499. Une fois également, l’un des coupables casse une fenêtre et entre dans la maison pour ouvrir la porte à ses comparses500. Si ce n’est leurs armes, les brigands ont donc un outillage presque inexistant. Ils utilisent le matériel trouvé sur place. La porte passée, les hommes entrent et ont pour habitude de tirer quelques coups de fusil en l’air. Quelques brigands restent au dehors pour guetter les autorités mais aussi empêcher les victimes de fuir. À l’intérieur aussi on demande à plusieurs reprises s’il n’y a pas de gendarmes dans les parages. Deux actions occupent ensuite nos hommes : piller et brutaliser si nécessaire les habitants.

29Y compris dans les attaques sans butin, la violence est souvent au rendez-vous, bien que selon nos informations aucune personne n’ait perdu la vie sous les coups des prévenus. Ceux-ci semblent toujours s’arrêter « à temps » pour ne pas entraîner la mort tout en obtenant ce qu’ils désirent501. Grands couteaux, fourches, pistolets, fusils, sabres, pierres, bâtons, tout est bon pour effrayer les infortunés. Et les bandits n’hésitent pas à utiliser ces armes, blessant parfois grièvement leurs victimes, et les laissant « baignant dans leur sang502 », avec le crâne fracturé503, le pied perforé d’un coup de pistolet504 ou la main percée par une fourche505. Les paroles mêmes des brigands sont peu rassurantes. L’une des victimes raconte qu’un pillard « redoubla ses efforts pour lui arracher son habit et voyant que les bras de lui déposant étaient tout gonflés des coups qu’il venoit de recevoir de ses complices, cria derechef qu’on lui apporteroit (sic) un couteau pour couper les manches de son habit et un poignard pour lui couper la gueule506 ». Une autre entendit l’un d’eux dire qu’« ils mettraient le feu aux quatre coins pour les brûler et les rotir507 ». Un malheureux raconte avoir été roué des coups d’un « grodissime (sic) bâton de chêne ferré508 », tandis que son agresseur prétend qu’il n’avait pour toute arme qu’un « petit bâton de noyer509 ». Mais le plus souvent, les brigands se limitent aux menaces et obtiennent la clé d’un coffre ou l’arme convoitée. Notons qu’il est évident que la version des prévenus sur le sujet est toujours plus mesurée que celle des victimes.

30Cette violence en faits ou en paroles s’en ressent dans les représentations et réactions des victimes et témoins. La plupart se disent tellement effrayés qu’ils n’ont pas compris ce qui arrivait ou n’ont pas pu reconnaître les hommes. D’autres, avec raison, hésitent à entrer dans un cabaret où sont attablés les « brigands »510. Les victimes parlent de « désastre » et même les autorités se mettent à couvert, le juge de paix du canton d’Yssche écrivant au directeur du jury « Je vous prie, citoyen juge, de tenir ma lettre secrète pour ne point m’exposér (sic) de nouveau a la rage du restant de ces brigands, car depuis qu’on a fait la dernière levée et surtout depuis que nous avons venus deposér (sic) à Bruxelles, je suis encore accusé par eux d’être la cause de ces expéditions511 ». La première réaction des témoins est de fuir, même quand la personne attaquée ou pillée est leur sœur et leur beau-frère512. Par contre, les victimes ou domestiques de celles-ci fuient rarement. Soit ils restent dans leur demeure, surveillés par l’un des brigands, soit ils tentent d’aller chercher de l’aide auprès des agents, lesquels ne sont pas toujours des plus disponibles et volontaires513. La peur peut aussi être anticipative. L’adage « prévenir vaut mieux que guérir » est alors de mise : certains, par prévention, cachent leurs meubles voire même toute leur famille514 : une victime, ayant appris qu’elle serait pillée, « s’était caché avec son épouse, Marie Delain sa servante et Rosalie Rauscent sa petite fille au grenier dans un trou destiné à mettre de la menue paille515 ». D’autres dorment auprès de leur bien le plus cher, veillant par exemple « au dessus de l’écurie de ses vaches […] à ce qu’on ne lui prenne pas ses ruches à mielle (sic)516 ».

31Outre la violence parfois ciblée sur certaines victimes sélectionnées, le pillage a pour objectif l’obtention d’un butin. Parfois les brigands réclament dès leur arrivée l’objet de leur convoitise. Il s’agit le plus souvent de nourriture, d’armes ou d’argent pour acheter de la poudre, surtout lors des faits les plus anciens. Leurs récoltes sont également constituées d’une quantité incroyable d’objets de toutes sortes : horloges, bijoux, habillements, couverts, assiettes, draps mais aussi une vache, une jument et une pouline. Parfois la quasi-totalité des biens de la victime peuvent être saisis et enlevés dans de grands sacs. Lors d’un pillage, les brigands s’étant déjà attelés à vider le rez-de-chaussée de la demeure d’un meunier, demandent à celui-ci une torche pour qu’ils puissent s’assurer qu’il n’y a plus rien à prélever dans le grenier. Le meunier se voit obligé de leur répondre qu’il n’a plus une seule torche : ils les ont toutes dérobées517. S’il est difficile de l’évaluer, les armes, l’argent et les vêtements semblent être quantitativement les objets les plus ciblés.

32Un pillage peut avoir un autre enjeu que le butin. À deux reprises, lors de l’attaque du juge de paix de Nil-Saint-Martin et de l’ex-président du canton d’Yssche, une grande quantité de papiers, dont la nature n’est malheureusement pas précisée, sont brûlés et lacérés, comme nous l’avons déjà dit.

33Au bout de quelques heures, soit parce que tous les objets ont été emportés, soit parce que les gendarmes sont annoncés, les brigands quittent leurs victimes.

34Notons qu’à une seule reprise, le pillage ne se déroule pas comme nous l’avons décrit. Il s’agit plutôt d’une sommation. Les brigands apportent une lettre réclamant de l’argent à l’épouse d’un fermier qui se voit obligée de le leur donner518.

5. Motifs

35Nos hommes n’ont pas tous choisi d’appartenir à la « bande ». Néanmoins, même parmi ceux qui disent y avoir été contraints, certaines motivations apparaissent clairement. Aucun de nos prévenus ne dit avoir reçu de l’argent pour rester dans la bande. Dans notre affaire, il ne semble donc pas y avoir eu de solde payée aux effectifs, comme Erik Martens l’a découvert pour certains hommes de Charles de Loupoigne519. Des commandants nommés par ce dernier donnaient en effet à leurs hommes le double du salaire moyen d’un journalier. Par contre, si nos prévenus ne recevaient pas de gages pour rester dans la bande, le fait d’en faire partie leur permettait d’obtenir de quoi se nourrir. Aux conscrits réfractaires qui ne peuvent plus regagner leur domicile, la bande offre des moyens de survie. Tous parcourent les fermes et y demandent à boire et à manger, avec plus ou moins d’insistance comme nous l’avons vu. Les butins qui sont partagés entre les membres et sont parfois revendus permettent de survivre et même probablement de vivre. Mais en réalité, l’argent ou le profit n’est jamais invoqué comme raison de l’appartenance à la bande, si ce n’est une fois. Dans un interrogatoire un prévenu explique qu’« on » a fait croire aux brigands que les Français étaient sur le point de quitter le pays et qu’« on » leur a promis une récompense lors du retour des Autrichiens520. Il fallait donc intégrer la bande et œuvrer au départ des Français pour obtenir cette « rétribution » sur laquelle aucune précision ne nous est donnée et n’a peut-être pas plus été fournie aux jeunes hommes.

36Viennent alors des motivations plus contextuelles. Quatre prévenus invoquent la conscription comme motif d’appartenance à la bande521. En même temps que l’enrôlement obligatoire, la religion est évoquée une seule fois dans tous nos procès : « si les français avaient laissé la religion et les garçons tranquilles, il aurait aimé autant les français que les autres522 ». Le prévenu ajoute que « s’il avait besoin de six cent hussards anglais, il n’avait qu’à parler, qu’on les lui anverrait (sic) de suite pour chasser les français ». La simple opposition aux armées françaises sans autre motif est quant à elle citée une fois, permettant au prévenu de donner le nom de l’armée que son chef prétendait former : « l’armée patriote catholique et chrétienne523 », qui est dans une certaine mesure, une nouvelle évocation de la religion. Mais l’appellation n’est pas neuve, elle était déjà utilisée par les insurgés de Vendée : dans le début du mois d’avril 1793, ceux-ci se baptisent « Armée catholique et royale524 ».

6. « Ceux qui les conduisaient aveuglement dans le sentier du crime ». Brigands isolés ou instigateurs politisés ?

37Nous avons tenté de redécouvrir nos prévenus et leur histoire, leur association et leurs actes. Mais cet ensemble de suspects – cette « bande » – constitue-t-il une entité en soi, entière et complète ? Ramifications, liaisons, le mythe du réseau n’est pas loin. S’agit-il de brigands ? Dans cette hypothèse, doit-on parler de petites bandes isolées qui profitent du désordre politique pour rapiner, ou d’un réseau plus large ? S’agit-il de rebelles ? Le cas échéant, font-ils partie d’une véritable « contrerévolution525 » ou n’est-ce qu’un mécontentement finalement très réduit ?

38Les révélations des quatre condamnés à mort sont principales pour comprendre en quels termes se pose cette question dans le cadre de notre affaire. Un peu moins d’un mois après avoir appris leur condamnation, les quatre prévenus se décident à avouer leurs crimes. Mais s’ils admettent, c’est en accusant quatre personnes d’avoir été les instigateurs des pillages et attaques qu’ils ont commis. Ces dernières auraient, selon les condamnés, commandité les faits, fournissant armes, instructions et boissons. Nous avons décrits ces hommes, en précisant que les avis à leur sujet étaient nuancés, mais il est temps de réellement poser la question de leur rôle et de leurs responsabilités. Par chance, nos sources ne sont pas avares d’informations à ce sujet. Certains liens sont évoqués, confirmés par les uns, niés par les autres. Outre nos sources, l’historiographie pourra dans une certaine mesure compléter notre recherche, tissant des liens entre nos procès et leur contexte ou éclairant la part de mythe et de réalité dans l’imaginaire du réseau et du complot lié à la Guerre des paysans.

39Nous ne pouvons pas, aujourd’hui, faire mieux que ne l’a fait la justice à l’époque. Les acteurs judiciaires présents dans le procès ont vécu un contexte troublé que nous ne pouvons que décrire. Ils ont de plus, traité nombre d’autres affaires et leur correspondance sur le sujet, malheureusement peu conservée, semble avoir été abondante. Nous ne voulons donc pas ici refaire un procès qui a déjà eu lieu. Le rôle de l’historien, comme le fait remarquer Jean-Clément Martin, n’est ni le devoir ni même la possibilité de dévoiler « ce qui s’est réellement passé ». L’historien, avec les sources et les discours qui sont à sa disposition, peut par contre comprendre avec certitude, non pas ce qu’il s’est passé avant l’entrée en justice, mais plutôt ce qu’il s’est passé entre ses acteurs526. Nous pouvons ainsi présenter les informations dont nous disposons et surtout dont disposait la justice, à savoir des discours, à la lumière de l’historiographie et en tant que prolongement d’une longue procédure. Nous n’oublions bien sûr pas, et encore plus au sujet des révélations, que nous ne disposons que de sources judiciaires et qu’il serait simpliste de croire que nous avons accès aux pensées réelles de nos prévenus527.

40Nous présenterons premièrement le « discours fondateur des condamnés », constitué des révélations des quatre condamnés à mort et des « notes sur les faits ». Celui-ci marque le début des suspicions à l’égard des instigateurs. Nous exposerons ensuite le « discours des témoins », accusant tantôt les « instigateurs », tantôt les « brigands ». Ce n’est que dans un troisième temps que nous dévoilerons le « plaidoyer des instigateurs » car il tente principalement de se positionner par rapport aux deux discours précédemment évoqués. Enfin, nous parcourrons la procédure antérieure aux révélations des quatre condamnés à mort, afin d’y chercher d’éventuelles racines à l’une des versions présentées. Ce sont alors un procès extérieur à notre corpus de base, le procès du baron de Frentz, ainsi que l’historiographie qui apporteront un éclairage neuf sur la problématique528.

6.1. Le discours fondateur des condamnés

41Les révélations dessinent un réseau de liens étroits entre des instigateurs et des brigands529. Nicolas Joseph Gilbert, Vincent Joseph Demaret et les frères François donnent enfin leur version des faits, vieux de plus de quatre ans. Les informations qu’ils donnent sont quelques peu décousues, probablement en raison des aléas de leur mémoire mais aussi de leur connaissance limitée de ces informations dès le moment des faits. Outre d’autres jeunes hommes ayant participé avec eux à de nombreux pillages et attaques, ils citent quelques noms, déjà apparus dans le dossier précédemment mais sous un jour tout à fait différent…

42Jean Antoine Ghion, âgé de soixante-treize à soixante-quatorze ans est natif de Chapelle-Saint-Lambert et y demeure, propriétaire et maire de sa commune. Il est marié à Marie Thérèse Dechamps530. Selon les condamnés à mort, c’est lui qui a ordonné certains pillages, notamment celui commis chez Louis Mascart. Les jeunes gens étaient dans un cabaret quand il est venu leur parler et leur donner « à boire copieusement. Il falloit piller et massacrer le fermier Mascard à Ohain, […] c’étoit un scélérat, […] il avoit dénoncé les réquisitionnaires ». Il prononça également d’« autres propos semblables pour convaincre le déclarant et les autres gens de sa compagnie ». Il leur procurera les armes. Ils n’ont qu’à se rendre dans le champ indiqué, auprès duquel ils trouveront d’autres jeunes gens, couchés dans le foin, qui se joindraient à eux. Ensuite ils doivent siffler et un homme, posté par Ghion, viendra les assurer que les gendarmes ne sont pas chez Mascart. Le maire aurait ainsi profité d’un moment de détresse des jeunes hommes, poursuivis par la gendarmerie, « pour les faire servir à exécuter les vengeances particuliers (sic) qu’il avoit a exercer sur quelques personnes qui lui déplaisaient ». S’ils ont besoin de munitions, Antoine Ghion leur recommande d’aller chez Pierre Renard. Celui-ci est natif d’Ottignies, âgé de quarante-sept ans, fermier et demeure à Mousty531. Il aide les « brigands » dans leurs missions, leur indique également les personnes à piller et à poursuivre. Lorsqu’ils désarment des garnisaires, c’est chez Renard qu’il faut porter les armes. Un jour, Pierre Renard vient rejoindre les jeunes gens dans un cabaret. Il est accompagné d’Antoine Libouton, natif de Court-Saint-Étienne, âgé de soixante ans, meunier au moulin à eau sur la Dyle, près de l’église, et demeurant à Ottignies532. Tous deux parlent des garnisaires installés chez le frère de Libouton. Il faut les chasser. Libouton leur donne à boire et les emmène chez lui, en leur disant qu’ils n’avaient rien à craindre, qu’« il avoit rempli d’eau les fusils des garnissaires (sic) ». Après avoir reçu le signal, les jeunes hommes vont effectivement traquer ces quatre soldats. La mission confiée par le fermier et le meunier est accomplie. Les armes se trouvent et se déposent également chez Lambert Dechamp, natif d’Ohain, âgé de trente-trois ans, particulier, maire de la commune de Limal, y demeurant et marié à Marie Thérèse Lambermont. Celui-ci a servi trente-six mois dans un régiment autrichien et « a eu son congé » le 10 mai 1792533.

43Antoine Ghion, Pierre Renard, Antoine Libouton et Lambert Dechamps donnent aux jeunes gens l’espérance de pouvoir s’affranchir de la conscription. « D’après ces fausses espérances ils exécutaient aveuglement tout ce que Ghion, Renard et autres leurs commandaient534 ». Mais ces quatre instigateurs ne sont pas seuls. Ils collaborent avec un nommé baron de Frentz qui se dit hussard autrichien. Il est à la tête d’une autre bande, mais si les jeunes hommes ont besoin de renfort, en armes ou en hommes, c’est à lui qu’il faut s’adresser. L’argent, fruit des pillages des jeunes hommes, est régulièrement remis entre ses mains. Quatre instigateurs principaux et un homme aux traits flous. Tel est le récit confié par les condamnés à Jean Charles Everaerts, juge du tribunal criminel du département de la Dyle.

44Une autre pièce importante, celle intitulée « notes sur les faits » décrit le même tableau, avec quelques compléments et précisions535. La plus importante est l’ajout d’un personnage : Dujardin. Le déclarant, très probablement le condamné Nicolas Joseph Gilbert, donne très peu de renseignements à son sujet. Compagnon de Frentz, Dujardin disait avoir un corps de 3000 hommes armés de carabines à deux coups dans la Campine liégeoise et être le neveu du curé de Nethen536. Lieutenant ou capitaine autrichien, il parlait régulièrement des Anglais, qui procureraient aux jeunes hommes armes et munitions. Il a d’ailleurs dévoilé à plusieurs reprises ses « papiers, certificats et congés signés du prince Charles ». Les « notes sur les faits » précisent également le rôle de Renard :

Renard donna des munitions et indiqua les personnes à piller, avait la liste des hommes, 350, les enregistrait, lisait la loi et règlement pour les bandes en disant en présence du baron Frentz qui le disait aussi : celui qui n’obéira pas aux loix (sic) ou qui désertera sera fusillé, que même Frentz leur fit croire que pour cette cause il en avait déjà fusillé ».

45Liboutton aurait déclaré aux brigands

[…] que la pendule serait après le départ des François pour celui d’entre eux qui aurait rendu la plus grand (sic). Une besasse (sic) avec de la toile et une veste rouge de plus a été porté chez Libotton qui donna la veste à François pour son frère et qui promit de faire faire des chemises pour eux avec cette toille (sic).

46Ces deux pièces, révélations et « notes sur les faits », fixent la base sur laquelle vont se greffer des avis convergents ou non. Cette base, production des condamnés, prend évidemment et clairement le parti des « brigands », les présentant comme les hommes de main de quatre instigateurs qui apparaissent comme les vrais coupables de tous les méfaits répertoriés au sein de nos procès. Certains de ces fomenteurs ont – ou auraient – fait partie des armées autrichiennes. Ils parlent de l’aide des Anglais et de la Campine liégeoise537. Dans les choix et ordres des instigateurs rapportés par les condamnés, apparaissent aussi des données politiques : il faut attaquer les garnisaires, les fermiers qui n’aident pas les conscrits, le but est de libérer les jeunes hommes de la conscription et le départ des Français est attendu. Ce discours ressemble aux motifs que nous avions découverts dans le point précédent. On voit donc poindre des données « idéologiques » ou « politiques » derrière ce discours. Ainsi, un lien est clairement établi entre les deux « camps », brigands et instigateurs. Même si Ghion et consorts n’ont pas été instigateurs, une chose semble sûre : nos prévenus sont bien conscients des enjeux de leurs crimes.

6.2. Le discours quelque peu divisé des témoins

47Suite à ces révélations, une nouvelle instruction commence. Une cinquantaine de déclarations sont recueillies. Des témoins viennent déclarer pour un camp ou pour l’autre, pour les « brigands » ou pour les « instigateurs ». Sur les quarante-six déclarations, seize ne prennent parti pour aucun des deux camps. Certains « témoins » semblent réellement ne rien savoir et se contentent de décrire quelques faits ou considérations déjà connus depuis longtemps. D’autres savent mais ne disent rien. Ceux-là sont renvoyés devant le directeur du jury de l’arrondissement de Bruxelles qui les interroge538.

48Quant aux 30 déclarations restantes, seules deux sont favorables aux fomenteurs et encore, à un seul d’entre eux seulement, à savoir Lambert Dechamps. Huit témoignages jouent en défaveur de Ghion, treize en défaveur de Renard, quatre en défaveur de Libouton et trois en défaveur de Dechamps. Il s’agit essentiellement de liaisons rapportées par les témoins, entre « instigateurs » et « brigands ».

49Ghion aurait payé des pots de bière à un cabaretier de la région en lui demandant de les donner aux « brigands quand ils viendront539 ». Il a également fréquenté le cabaret en compagnie des jeunes hommes accusés de brigandage le lendemain ou la veille de certains pillages540. Mais sa servante, quant à elle, expose que des hommes sont venus réclamer à plusieurs reprises, avec armes et menaces, de quoi se nourrir. Une fois, d’ailleurs, ils ont bu un verre en présence de son maître, puis elle ne sait où ils ont été mais elle sait qu’alors « monsieur Ghion a été se promener dans son jardin et quelque tems (sic) après, il est rentré et s’est couché541 ». La tenancière d’un cabaret, Marie Antoinette Englebert vient également témoigner. Antoine Demaret, prévenu, lui a dit que c’était « Ghion de Chapelle-Saint-Lambert qui leur avait payé à boire dans un jardin et leur avait ordonné d’aller piller Masquart542 ». Quant à Marie Antoinette Demaret, la sœur des prévenus, elle raconte qu’avant le pillage chez Mascart, ses frères sont venus dire à leur mère :

Ghion est là qui nous attend, il veut que nous allions piller Masquart et il nous a promit (sic) que, si nous faisions cela, nous n’aurions plus besoin de travailler, que les français ne resteraient plus longtems (sic) dans le pays et qu’alors nous aurons la dîme du champ de mont et qu’il ferait bâtir une maison sur son bien pour Antoine.

50Elle ajoute que Ghion et Renard ont donné de l’argent aux juges pour « avoir la liberté » de ses frères et qu’ils lui ont assuré que tout se passerait bien543. Ils ont insisté pour qu’elle n’aille chez eux que tôt le matin ou tard le soir. Ils lui ont donné des vivres emballés dans des linges et de l’argent à remettre à ses frères lors de ses visites en prison. Elle rapporte aussi des lettres de ses frères à Ghion et des lettres de Pierson à Renard, son oncle.

51Renard est également très proche d’Antoine Demaret et ses comparses. Il les rencontre à son domicile544 et dans les cabarets, notamment chez Mathieu Maret où ils s’enferment dans une chambre qui leur est réservée et que l’on nomme « la chambre de l’abbé545 ». Antoine loge régulièrement chez Renard. Il y a sa propre chambre selon la servante, tandis que les autres dorment dans la grange, « entrant par un trou fait au mur ». Tous y mangent souvent546. Une victime les y a même surpris547. Un autre témoin rapporte qu’il a reproché à Renard de nourrir ces « scélérats » et que celui-ci lui a répondu que

[…] les brigands étaient assez malheureux, qu’il fallait les nourrir (sic) dans les bois et au surplus [qu’il avait] un de [ses] neveux de qui [il est] tuteur qui en est du nombre et sur ce que le déclarant observait audit Pierre Renard qu’il ferait mieux de donner l’aumône aux pauvres de la paroisse que de nourir (sic) les brigands, ledit Renard lui répondit que les brigands allaient avant les pauvres548.

52La sœur de Pierson, le neveu dont parle Renard, confirme tous ces éléments549. Elle demeure d’ailleurs chez son oncle. La jeune belle-fille de Pierre Renard réside également chez le fermier. Elle se nomme Justine et Antoine Demaret, régulièrement vu en sa compagnie, confie à un témoin, qu’« il espérait la marier550 ».

53Un soir d’automne 1799, la veille de l’attaque des garnisaires à la Franche Taverne, chez Joseph Libouton, une grande réunion s’est tenue chez Mathieu Maret, cabaretier. Y étaient présents les « brigands », Renard et Antoine Libouton, meunier, frère de Joseph551. Le jour même, un domestique d’Antoine Libouton avait vu son maître, Renard et les garnisaires se disputer552. Chez Antoine Libouton, les brigands reçoivent souvent de quoi se nourrir553. Un témoin, chargé de l’arrestation de deux domestiques de Libouton prévenus de brigandage, rapporte que la femme du meunier lui a demandé de trouver un « avocat » pour les deux hommes, ce qu’il ne tarde pas à faire. Quand il se tracasse de son défraiement auprès de la sœur de l’un des prévenus, celle-ci lui répond « qu’il devait s’adresser au meunier Libouton pour être payé, qu’il était la cause de tout cela554 ».

54Pour le dernier instigateur, Lambert Dechamps, maire de Limal, les déclarations sont moins unanimes. L’adjoint maire du même village dit que les brigands sont souvent allés chez le maire, sans préciser si celui-ci les invitait ou était obligé de les recevoir555. Une cabaretière rapporte que Dechamps a offert huit canettes de bière à l’un des prévenus556. Cependant, deux témoins déposent en faveur de Lambert Dechamps. En tant que maire, celui-ci est à la tête d’une patrouille villageoise. Un dimanche soir d’été, Lambert, accompagné de dix-sept à dix-huit personnes, est venu au cabaret dit le Pèlerin, à Limal. Ils y sont entrés et Dechamps a demandé au cabaretier s’il n’y avait pas de brigands chez lui. Sur la réponse négative de celui-ci, Dechamps a ajouté « s’ils viennent encore, vous n’aurez qu’à m’en prévenir557 ». Cette version qui décrit un opposant farouche aux brigands est contrebalancée par l’ajout qu’y apporte un autre témoin : « Dechamps a entré le premier chez Martin Lacroix et […] il en est sorti aussitot pour lui dire que Vincent Demaret était là et qu’il ne fallait lui rien faire558 ».

55Quant à Dujardin et le baron de Frentz, aucune information ne vient approfondir les révélations si ce n’est un témoignage sur Dujardin. Un témoin a en effet bien connu le curé de Nethen, Lambert Joseph Dujardin, ainsi que deux membres de sa famille dont l’un reste dans le pays de Liège et l’autre a servi dans les troupes françaises et autrichiennes, à ce qu’il croit559.

56Si les révélations et les « notes sur les faits » jouaient en faveur des « brigands », les déclarations vont, en grande majorité, dans la même direction. Nous ne notons pas d’ajout particulier sur une idéologie politique ayant guidé les faits et gestes des instigateurs et donc, en dernier recours, des brigands. Néanmoins une question importante se pose. Nous sommes dans un procès chargé d’enjeux, la mort étant la peine prononcée pour certains prévenus. Nous sommes également dans un procès marqué par de nombreux liens familiaux et géographiques, vu l’intégration des « brigands » dans une société. Un procès avec un tel enjeu et un tel entrelacs de liens sociaux mène à la question du statut des témoins, par rapport aux « brigands » et par rapport aux « instigateurs ». Qui sont ces individus qui prennent parti en faveur d’hommes prévenus de brigandage au sein même de leur société ? Tous les noms des déclarants ont été repris dans les révélations et les « notes sur les faits » et avaient donc été cités par les condamnés à mort. Seuls quelques noms n’y apparaissent pas560. La justice a donc interrogé les personnes renseignées par les brigands. Ne faudrait-il pas y voir une manipulation du choix des déclarants et donc une manipulation du discours même des témoins ? Autrement dit, le discours des témoins peut-il s’en trouver biaisé ? Nous ne le pensons pas, et ce pour une raison principale. Les condamnés donnent effectivement à interroger des membres de leurs familles pour que celles-ci apportent les preuves qu’ils ont effectivement été manipulés par des instigateurs. Mais ils fournissent également des noms de victimes et les habitants de certains villages en général. Or, les discours de ces victimes et habitants ne peuvent être contrôlés par les condamnés comme aurait pu l’être celui d’un de leurs frères ou sœurs. Il n’est même pas du tout assuré que ces victimes désirent déposer en faveur des condamnés, contre les instigateurs.

57Douze déclarants sur trente sont de simples habitants, majoritairement des cabaretiers. Nous n’avons pu établir aucun lien entre ces douze personnes et les « brigands » ou « instigateurs ». Quatre témoins ont un lien familial avec des prévenus : la sœur d’un condamné à mort, l’oncle d’un prévenu décédé, le beau-père d’un prévenu libéré et une jeune fille qui est à la fois la sœur d’un « brigand » et la nièce d’un « instigateur ». Trois témoins sont des victimes. Quatre sont des anciens employés des « instigateurs », servantes ou domestiques. Reste enfin quatre futurs prévenus et un personnage un peu particulier, Philippe Hautfenne qui est à la fois victime et futur prévenu. Qu’en conclure ? Effectivement, certains témoins, comme la sœur d’un condamné par exemple, peuvent tenir un discours tronqué, peut-être même inconsciemment. Effectivement, dans la majorité des cas, des liens existent entre prévenus et témoins. Néanmoins, ces déclarations sont en nombre et leurs messages sont dans une écrasante majorité semblables, même dans les cas où l’on ne s’y attendrait pas. Des individus, victimes des « brigands » et anciens employés des « instigateurs » qui devraient a priori déposer contre les premiers et en faveur des seconds, accusent pourtant leurs employeurs. La crédibilité que leur ont accordé le substitut du commissaire et le directeur du jury, qui ont décidé de renvoyer les instigateurs devant le jury d’accusation, n’est donc pas mise en cause par l’analyse des statuts des témoins.

58Les certifications de connaissance de l’un des instigateurs, Jean Antoine Ghion, et de sa probité sont également à mentionner. Il s’agit, en quelque sorte, d’un équivalent du discours que nous venons d’étudier, même si cette fois, les témoins n’ont pas été entendus par un acteur du monde judiciaire. Au nombre de sept mais avec quinze signataires au total, ces certificats sont de deux types. Trois personnes sont des voisins de Ghion : un cultivateur, un journalier et un garde-forestier561. Ils témoignent de deux éléments. D’une part, ils savent que Ghion est resté chez lui le jour du pillage chez Mascart parce qu’ils l’ont vu plusieurs fois. D’autre part, celui-ci craignait les brigands et a demandé à quelques reprises aux trois déclarants de passer la nuit chez lui pour le protéger. À chaque fois, il est précisé que la déclaration a été faite « sans induction ni persuasion aucune ». Tel est le premier type de déclaration. Le second rassemble trois juges de paix, un homme de loi, cinq maires, un adjoint maire, un secrétaire de la municipalité et l’ex-commissaire du gouvernement près l’administration centrale. Ces hommes connaissent Ghion, celui-ci étant maire et ancien assesseur du juge de paix de Chapelle-Saint-Lambert. Tous attestent de la probité et de la conduite irréprochable d’Antoine Ghion qui, bien que menacé par les brigands, aurait contribué à la lutte contre le brigandage lors des troubles survenus dans son canton. Dans l’une des déclarations, on peut lire :

[…] il est impossible aux soussignés de pouvoir croire que ledit citoyen Ghion ait seulement pû avoir l’idée de vouloir protéger volontairement les brigands, d’autant moins qu’il a confié par différentes reprises aux soussignés qu’il n’expirait qu’au moment de voir arrêter tous ces brigands tant pour la sûreté publique que pour la sienne personnelle562.

59Antoine Ghion est également qualifié de « bon et loyal républicain ». Nous ne disposons que de peu d’informations au sujet des signataires de ces certificats. L’un d’eux, le juge de paix du canton de La Hulpe à l’époque, Corneille Jacques Crabeels, bénéficie néanmoins d’un commentaire de Devals, commissaire du gouvernement près le tribunal criminel du département de la Dyle : « son attachement au gouvernement est très équivoque563 ». Par contre, le juge de paix du canton d’Yssche, Jean Dery, semble plutôt être d’opinion républicaine et, comme nous avons pu le constater dans la partie précédente, fort actif dans la répression des troubles du pays564.

60Ces certificats viennent contrebalancer le discours des témoins entendus par le monde judiciaire. Le discours des nouveaux protagonistes, c’est-à-dire ceux accusés par les condamnés à mort, s’inscrit, on s’en doute, dans la même lignée.

6.3. Le discours contradictoire des nouveaux protagonistes

61Les personnes visées par les révélations et les « notes sur les faits » sont accusées par les condamnés soit de complicité de brigandage, soit d’en être les instigateurs. Comment ces personnes vont-elles répondre aux questions posées par le substitut du commissaire du gouvernement du tribunal criminel du département de la Dyle et par le directeur du jury d’accusation de l’arrondissement de Bruxelles ?

62Les hommes soupçonnés de complicité de brigandage sont dix. Lors de leurs interrogatoires, huit d’entre eux nient avoir participé à de quelconques actes de brigandage. Ils connaissent les brigands certes mais ne les fréquentent jamais. Ils les ont, tout au plus, croisés dans un cabaret. Chacun y va de son complément pour justifier ses propos. L’un explique qu’il a fait partie de « bandes de jeunesses mais qu’elles étoient honnêtes565 » alors qu’un autre prévenu raconte comment les brigands l’ont poursuivi et menacé au cas où il ne participerait pas à leurs méfaits. Mais fort heureusement, il a réussi à s’échapper à chaque fois566. Un autre ajoute qu’il était regardé par eux, comme « l’espion des gendarmes567 ». Un troisième certifie qu’il n’a jamais fait « quelque chose de contraire aux lois568 ». L’un d’entre eux conclut qu’« il ne s’embarasse (sic) pas de cela, s’ils sont assez malheureux de faire périr tout le monde en accusant le village entier, qu’il n’a rien à dire569 ». Les deux prévenus restant avouent avoir participé à certains faits, mais en y ayant été contraints. Gilles Schoonjans a été saisi dans son lit par les brigands, qui l’ont emmené à Chapelle-Saint-Lambert, pour y commettre un pillage. Charles Joseph Duquesne a vécu la même situation. Tous deux sont donc partis avec les brigands mais ont réussi à s’échapper avant d’avoir vu ou dû commettre le moindre méfait.

63Les hommes accusés d’être les instigateurs des faits par les condamnés nient également tout en bloc. Les brigands sont effectivement allés chez eux, mais ils ne les recevaient pas volontairement. Renard et Liboutton n’en disent pas plus. Ghion rectifie les unes après les autres toutes les accusations portées contre lui. Il a été obligé d’offrir à boire deux fois aux brigands parce que l’un d’eux, Joseph Corneille Folie, lui a dit que la bande menaçait de le piller et qu’il ferait bien de leur payer un verre. À deux reprises donc, le maire a laissé de l’argent au cabaretier Piersoul en lui demandant de servir les brigands la prochaine fois qu’ils viendraient. Le jour du pillage chez Mascart, dont il est accusé d’être l’instigateur, des hommes sont venus chez lui réclamer de quoi boire puis sont partis. Ghion est resté chez lui et est allé dans son jardin. Le même jour, le juge de paix lui a demandé d’envoyer le garde-forestier de Chapelle-Saint-Laurent pour aider à attraper les brigands pillant chez Mascart, à quoi Ghion a répondu qu’il avait lui-même besoin du garde-forestier, parce que lui aussi était menacé de pillage. Enfin, la sœur des Demaret est venue chez lui, comme elle l’a raconté. Elle a demandé l’aumône et Ghion lui a donné un escalin. Puis elle est revenue. Elle voulait que le maire lui donne quatre louis d’or pour délivrer ses frères et payer le défenseur. Ghion a refusé et Marie Antoinette est partie, le menaçant de représailles. C’est ensuite qu’il a reçu des lettres, datées des mois de mai et juin 1801. Antoine Ghion avoue avoir peur des brigands et réitère son innocence. Quant à Dechamps, les « scélérats » sont allés deux fois chez lui, une fois pour rapporter une horloge pillée chez Mascart et une seconde fois pour rédiger une liste des maisons pillées. Et s’il dispose des armes de la patrouille villageoise chez lui, il les utilise à bon escient. Il a poursuivi les voleurs, notamment dans les cabarets avec sa patrouille et avait même des espions à sa disposition. Et si sa mère a effectivement dû offrir un verre aux pillards chez le cabaretier Lacroix, c’est parce qu’elle était menacée. Elle n’a pas eu le choix.

64Dans une large majorité, les nouveaux protagonistes accusés par les condamnés, brigands ou instigateurs, nient ainsi formellement les accusations portées contre eux. D’autres ne nient pas les faits qui leur sont reprochés mais en donnent leur propre version : ils ont offert un verre, certes, mais ils avaient leurs raisons ; ils ont été vu avec les « scélérats », certes, mais ils avaient été obligés de les suivre.

6.4. La procédure antérieure aux révélations : les racines de l’un des discours ?

65Nous avons présenté trois discours. Mais est-il possible que ceux-ci ne soient apparus qu’à partir des révélations des quatre condamnés à mort ? S’agit-il dès lors de discours construits sur base d’une condamnation à mort et visant à modifier la peine ? N’y a-t-il pas, dans les quatre cents pièces précédant les révélations, des indices permettant de valider ou invalider l’un des discours ? Précisons à nouveau que nous ne prétendons pas refaire ici le procès ou trouver les failles que les juges d’époque n’auraient pas perçues. Si ce point peut sembler être une nouvelle enquête à travers le corpus, il ne s’agit que d’une succession d’indices relevés et ayant des coïncidences parfois troublantes avec les discours présentés. Si nous ne voulons pas en tirer de grandes conclusions qui modifieraient la donne du procès et les peines attribuées, nous avons cependant pensé que ces « indices » ne pouvaient pas être passés sous silence dans le cadre de notre analyse. C’est aussi l’occasion de saisir les différentes versions données d’un fait et d’en comparer les tenants et aboutissants.

66Commençons par l’instigateur au profil le plus nuancé, forgé d’accusations et de défenses. Le nom d’Antoine Ghion apparaît plusieurs fois dans la procédure avant les révélations du 20 nivôse an XI. La première fois, c’est le directeur du jury d’accusation de l’arrondissement de Louvain qui le cite, dans un interrogatoire du 20 fructidor an VII. Il demande à Henry Mouchet, l’un de nos prévenus570, pourquoi il a « empêché le pillage de la ferme d’Antoine Ghion », à quoi celui-ci répond « Antoine Ghion était un honnête homme, qui n’a fait du mal à personne571 ». La seconde fois, Ghion vient au secours de l’un des prévenus, Delmarcelle572, en certifiant que, « quant aux vols faits par les brigands a la cense de Bieraux, ledit Delmarcelle n’étoit pas du nombre vu qu’il était à Lerinnes bien tranquille le jour que cela eut lieu573 ». Il fournit également un procès-verbal de remise des armes de Delmarcelle et de sa vie irréprochable574. Il apparaît une nouvelle fois quand il confie à Louis Bouthor, lieutenant de la gendarmerie nationale à Wavre, les lettres qu’il a reçues de la part des frères Demaret dont nous avons déjà parlé. Insistons sur le fait qu’il confie ces lettres à Bouthor avant les révélations. Néanmoins, lors de l’interrogatoire de Ghion, le directeur du jury d’accusation du jury de Bruxelles,

[…] voulant [s’] assurer d’une pièce de comparaison pour établir s’il y a identité entre l’écriture de la lettre du 28 may (sic) 1801 et celle de Ghion [l’a] interpellé d’écrire sous [sa] dictée ces mots les Demarets m’accusent a faux de leur avoir donné des conseils, ce qu’il a fait a l’instant.

67Il est vrai que c’est un auteur inconnu qui a rédigé la première correspondance :

[…] je vous previens que si vous ne meté pa quatre Louys d’ors en main de Pierre Demaret pour assister ses frere ils on dit que pour gaigner du ten qu’il diroit que vous leur avié donné des concielle quoi que tret faut (sic)575.

68La seconde, cette fois signée par les frères Demaret est moins affirmative quant à l’innocence de Ghion :

Monsieurs Guions, vous savez dans quel enbaras que nous som par les concielle que vous nous avez donné. Je vous prie de mettre quatre Louys d’ors entres le mains de mon freres Pierre pour nous tirer d’embaras notre jeugement ce doit faire au premie jour. San ce la ils nous faut perier puis nous declarons tout se consielles (sic)576.

69L’écriture est tout aussi hésitante, les formes des lettres sont parfois différentes, ainsi que les fautes d’orthographe, mais malheureusement nous n’avons pas l’avis d’un des acteurs judiciaires de l’époque.

70Quant au nom de Lambert Dechamps, il apparaît dans la déclaration de Guillaume Demaret. Témoin avant les révélations, ce dernier endosse, suite aux accusations des condamnés à mort, le rôle de prévenu de brigandage. Dans sa première intervention, en tant que témoin, Guillaume déclare qu’il a été « envoyé par le citoyen Lambert Dechamps, pour épier les dites bandes, qu’à cet effet il a été dans différents cabarets, où elles se rassemblaient ordinairement577 ». Le maire de Limal laisse également son nom dans les papiers qu’Antoine Demaret avait sur lui, au nom de Jean Joseph Mathy578. L’extrait du registre des naissances, de la commune de Limal, est signé de sa main : est-ce un hasard ? Sont-ce des faux papiers utilisés comme couverture, ou Jean Joseph Mathy a-t-il réellement existé et vécu à Limal ? Lambert Dechamps déclare également en tant que témoin, dans un de nos procès, antérieurement aux révélations579. L’agent de Genval lui a demandé de faire des recherches au sein de sa commune pour retrouver l’horloge volée chez Louis Mascart. Il a chargé Sébastien Jauquart, « lequel avait le nom d’être de la bande des brigands580 », de lui rapporter l’horloge, avec récompense à la clé. Quelques jours plus tard, les « brigands » lui ont effectivement rapporté la pendule et Dechamps en témoigne. La version donnée dans les « notes sur les faits » est bien différente.

Dechamps a rapporté la pendule pour se blanchir et les noircir. […] Dechamps a été fâché de ce qu’ils n’avaient pas attaqué les grenadiers et gendarmes qui avaient été faire la visite du château de Limal pour y prendre les armes581.

71Quelques jours plus tard les « brigands » sont à nouveau chez le maire de Limal, même si les déclarations de celui-ci sont plus que lacunaires sur le sujet582. Selon Sébastien Jauquart, à nouveau présent,

Gilbert y a formé la liste et […] a écrit une lettre de sommation signée Gilbert capitaine de l’armée chrétienne, par laquelle il somma Philippe Letange percepteur de Wavre, de lui compter seize couronnnes (sic), que ledit instituteur [Dechamps] a envoyé sa servante Marie Corbisier pour la porter audit Letange, avec injonction de la déchirer en chemin et de venir faire rapport de son message à Gilbert, comme si la lettre eût été portée à son addresse (sic), que ladite servante a effectué cette commission583.

72Dechamps confirme la version. Gilbert, dans les « notes sur les faits » nie cette participation : « il est faux qu’il a écrit et signé une lettre sommatoire dressé (sic) au percepteur de Wavre, comme le dit Dechamps, puisqu’il ne sait écrire584 ».

73Un dénommé Jean Baptiste Libouton est cité dans une de nos sources annexes : un procès du conseil de guerre de la 24e division militaire585. Il est âgé de 42 à 43 ans, est un ancien cirier et demeure à Court-Saint-Étienne à la Franche taverne. Il est le frère de Joseph et le fils de Baudouin, également mentionné dans ce procès. Il y a donc beaucoup de points communs avec Antoine Libouton si ce n’est l’âge, la profession et le prénom bien sûr. Certes, ces éléments ne sont pas négligeables. Mais pour le prénom, ce n’est pas la première fois que nous trouvons des versions différentes. Quant à la profession, elle peut changer. Par contre, la différence d’âge pose plus de problèmes. Néanmoins il y a des similitudes entre le récit des condamnés à mort et ce procès qui laissent penser que nous sommes face au même homme. À moins qu’il s’agisse d’un troisième frère Libouton également impliqué dans l’attaque des garnisaires. Mais il serait étonnant que l’on ne fasse plus mention à la fin de l’affaire de ce Jean Baptiste qui pourtant a été renvoyé devant le conseil de guerre par Maloigne, directeur du jury d’accusation de Nivelles, le 10 brumaire an VIII. Dans une lettre, Wasselaer, le porteur de contraintes attaqué avec les garnisaires, écrit même que Jean Baptiste était « à la tête de ces mal intentionnés, qu’il avoit sans doute rassemblés, puisqu’il sortoit souvent de la maison et que ledit Joseph et gens de ladite maison ont dit la veille au soir qu’il se tramoit quelque chose à notre désavantage586 ». Et ce dernier est aussi identifié par les garnisaires comme ayant été « à la tête et commandant les brigands587 ». Il est pourtant acquitté par le conseil de guerre. Au stade auquel nous sommes arrivés, il est malheureusement impossible d’assurer qu’Antoine et Jean Baptiste ne sont qu’une seule et même personne, malgré les coïncidences qui existent.

74Un fait rapporté dans les procès mérite également notre attention. Il s’agit d’une dispute dans un cabaret, rassemblant une grande partie des prévenus de nos dossiers, se battant entre eux. Ces informations permettront de s’intéresser aux personnes considérées au début de l’affaire comme des victimes et accusées par les « brigands » d’être leurs complices, ce qui sera à nouveau une tentative de valider ou d’invalider le discours des condamnés à mort. Dechamps, nous l’avons dit, est à la tête d’une patrouille villageoise dont fait partie Philippe Hautfenne, à la fois victime des assauts des brigands et futur prévenu de brigandage, accusé par les condamnés à mort. Dechamps dispose également, selon ses dires, d’espions parmi les pillards dont notamment Sébastien Jauquart, prévenu de brigandage. Un dimanche soir, à Limal, dans le cabaret de Nicolas Dehaen, sont attablés devant une « canette de bierre (sic)588 ». Pierre Catlain, le beau-frère du cabaretier, Philippe Hautfenne, Charles Philippe Pierret et Jean Baptiste Demaret589. Nicolas Joseph Gilbert surnommé le chasseur, Sébastien Jauquart et Guillaume Catlain, neveu du cabaretier boivent également une « pinte de bière ». Précisons que parmi ces trois derniers, prévenus de brigandage dès le début de nos dossiers, deux ont avoué avoir commis des actes de brigandage et été identifiés à plusieurs reprises par leurs victimes. Ces trois noms reviennent régulièrement tout au long de l’enquête. Six personnes entrent alors. Il s’agit des frères François, Antoine Demaret, Jean Joseph Marsil, Nicolas Delhaise et Barthelemy Delcord, tous six prévenus de brigandage dans nos procès, également dès le début de l’affaire. Armés et porteurs de « bâtons de chêne ferrés590 », ces six hommes « se sont mis à frapper sur Guillaume Cattelain en jurant, tempestant et frappant également sur Sébastien Jauquart et sur Philippe Hautfenne, suivirent ce dernier qui se sauvait jusques dans la rue en frappant sans cesse sur lui591 », les autres ayant réussi à se soustraire de leurs mains. Un moment après, la femme du cabaretier fut obligée de mener les six hommes jusqu’à son grenier, ceux-ci disant « qu’il y avait encore le chasseur [Gilbert] de cacher dans son grenier592 ».

75S’agit-il d’un affrontement entre « brigands » et « hommes honnêtes », d’un règlement de compte entre « brigands » ou d’une agression sans cible précise ? Une chose est certaine, dans les deux « clans » se trouvent des « brigands », pour ne prendre que les plus célèbres, Gilbert le chasseur et Antoine Demaret. Au vu de ce fait, il n’est plus si étonnant que cela qu’une victime, Philippe Hautfenne, soit présentée comme un complice des brigands dans les révélations des quatre condamnés à mort. Après tout, Gilbert, lui aussi aurait pu se faire passer pour une victime. Quant aux prétendus espions de Dechamps, prenons l’exemple de Sébastien Jauquart. Le discours à son sujet évolue. Dès le début de la procédure, il est prévenu de brigandage. Interrogé comme témoin au départ, il avoue avoir participé à certains faits et donne aux autorités de nombreuses informations. Dans les déclarations des témoins et victimes, il est accusé de brigandage également. Dechamps lui-même déclare que Jauquart « avait le nom d’être de la bande des brigands593 » et que pour cette raison, il l’a chargé de retrouver l’horloge pillée chez Mascart. Mais quand, bien plus tard, le maire de Limal est interrogé sur sa patrouille villageoise et ses liens avec les prévenus, Sébastien Jauquart devient celui qui « lui servait d’espion594 ». Alors y a-t-il eu une rupture entre des personnes au départ unies ? Dechamps, Jauquart faisaient-ils partie d’une bande dans laquelle étaient aussi les Demaret et autres ? Y aurait-il eu une cassure ? Une chose est sûre, des liens étroits unissent ces personnes. La preuve en est qu’au début de l’an VII, deux cultivateurs ont été attaqués sur le chemin de Limelette par Antoine Demaret, qui avait pris l’un des deux pour Philippe Hautfenne595. Se rendant compte de son erreur, il les a laissés « passer leur chemin596 ».

76D’autres faits plus ponctuels peuvent également être éclairants. Nous avons déjà parlé de l’attaque malencontreuse du fermier Leemans, que les brigands avaient pris pour Mascart, l’ex-président du canton d’Yssche. Un chef, semble-t-il, était venu leur dire qu’ils se trompaient de personne. Quant à Jean Dery, juge de paix du même canton, s’inquiétant auprès d’un brigand de savoir si son pillage était toujours à l’ordre du jour, celui-ci lui répondit que non, qu’une quantité d’honnêtes hommes s’étaient chargés de le défendre597.

77Il est délicat de trouver les racines d’un discours prédominant dans la procédure précédant les révélations. Néanmoins, le discours des condamnés semble moins fantaisiste au vu de ces quelques indices. En creusant certains faits, en situant les enjeux présents et les profils des acteurs, la version de Gilbert selon laquelle Dechamps, fâché que certains « brigands » ne lui obéissent plus, aurait ramené la pendule des Mascart et ainsi dénoncé certains noms, devient moins irréaliste. Mais si le discours des condamnés a des racines dans la procédure, chaque discours préexiste en réalité. Et il aurait été possible, en ne présentant que les données en accord avec le discours des nouveaux protagonistes, les instigateurs Ghion, Libouton, Dechamps et Renard, d’invalider totalement aux yeux du lecteur la version des condamnés à mort.

6.5. Un procès révélateur : le procès du baron de Frentz598

78Les révélations des quatre condamnés à mort citaient un certain baron de Frentz. Peu d’informations dans nos procès, pas de mention dans l’historiographie si ce n’est chez Verhaegen mais qui n’avait que les mêmes sources que les nôtres. L’un des tout premiers prévenus de l’affaire, Mouchet, parle dans son interrogatoire d’un « homme de petite taille vêtu d’un habit bleu, portant des bottes, monté sur un cheval noir, et se disant capitaine d’Hussards autrichiens, [arborant] une médaille portant d’un côté le nom de l’empereur, et de l’autre côté une espèce de couronne de la reine599 ». Cet homme accompagnait le recruteur de Mouchet. Faut-il lui donner les traits du baron de Frentz ? Rien ne permet de l’assurer600 mais les points communs sont troublants… Un inventaire du tribunal criminel du département de la Dyle répertoriait un dossier sous ce nom601.

79Une première partie du procès est constituée de nombreuses pièces à conviction dont la majeure part est rédigée en allemand : lettres de change, reçus et correspondance. La seconde partie est le procès en lui-même. S’il mériterait d’être étudié plus longuement, le procès en soi nous intéresse peu étant donné que l’accusation ne concerne pas du brigandage mais un simple vol de linge et de l’escroquerie et usage de faux. Par contre, les interrogatoires, déclarations et correspondances des acteurs judiciaires sont particulièrement intéressants. Le plus parlant est une lettre écrite par Devals, commissaire du gouvernement près le tribunal criminel, au tribunal de cassation. En voici la teneur.

Il est important avant tout de faire connaître cet aventurier qui a eu l’adresse de jouer dans ces pays l’honneur de la plus haute importance, qui a débuté par faire un nombre incroyable de dupes et qui a fini par se livrer à toutes sortes de crimes au point qu’il a été un véritable fléau pour le pays [...] il s’est annoncé comme l’ami, le confident intime, le parent du prince Charles et chargé par la cour de Vienne d’organiser la contre révolution dans les départements réunis. Ce fut à l’ombre d’une mission aussi importante qu’il est parvenu à faire un nombre inconcevable de dupes, c’est à l’ombre d’une pareille mission qu’il est fortement soupçonné d’avoir coopéré aux troubles qui ont dévasté il y a trois ans ce beau pays, c’est à l’ombre d’une telle mission qu’encore quelques imbéciles s’intérressent (sic) à lui parce qu’il leur a distribué des prétendus brévets, sauvegardes, pancartes etc. Mais lorsque l’on a commencé a former des doutes sur ses titres, ses liaisons, ses qualités, et sur la prétendue mission alors les bourses se sont reffermées (sic) et notre aventurier auquel le métier d’escrot (sic) ne produisait plus rien, s’est livré à toute sorte de crimes, tels que le vol, le faux, et autres de cette nature à la recherche desquels on est occupé dans les différents points du département qu’il a parcourus. Tel est l’homme sur la conduite duquel la justice a eu malheureusement pendant trop longtemps les yeux fermés.

80L’homme qui vient d’être décrit vit du côté de Bruxelles. Étant lui-même « capitaine du régiment impérial et royal des hussards », il parcourt les maisons et y quémande de l’argent en contrepartie de petits billets en langue allemande garantissant un remboursement au retour des Autrichiens ou la dispense d’accueillir les troupes autrichiennes à leur retour dans le pays. Au bout d’un moment, l’homme est accusé par de nombreuses victimes réclamant leurs biens. Il est arrêté. Il affirme être l’auteur des lettres et billets puis se rétracte : il ne s’est jamais nommé le baron de Frentz mais Frédéric Charles Scheuer. Il n’a que 30 ans, est natif de Francfort, particulier, vivant de ses biens en Allemagne. Ses parents vivent également de leurs nombreux biens et n’ont jamais travaillé. Il ne les côtoie plus depuis qu’il a rencontré son épouse. Ils acceptent mal le mariage de leur fils avec une femme qui a déjà des enfants, d’autant plus qu’avant ce mariage, il était très proche de la princesse Amélie de Salm, de religion luthérienne, comme lui. Son épouse est veuve d’un homme noble, de son vivant attaché à l’office de la gouvernante Marie Christine et décédé en mer, emporté par le vaisseau qui transportait les meubles de la princesse, lors de l’avant dernière retraite des Autrichiens. Le baron de Frentz a fait sa rencontre lors du couronnement de l’empereur Léopold et c’est pour la retrouver qu’il est venu à Bruxelles, alors qu’il dessinait les plans des appartements du prince Charles, frère aîné de Léopold, en Allemagne. Le prince régnant de Hesse-Hombourg est le parrain du baron, sans doute parce que son père est un de ses proches.

81Quelques temps après l’arrestation de Charles Scheuer, un jeune homme provenant également de Francfort demande à témoigner. Il a vu, du temps où il vivait dans sa ville natale, l’homme arrêté. Ce dernier n’est ni baron ni particulier. Il était employé en tant qu’apprenti tapissier. Confronté à ce témoin, Charles Scheuer dit le reconnaître : il l’a croisé lors du couronnement de l’empereur Léopold. Une correspondance venue d’Allemagne confond définitivement le « pseudo-baron ». Frédéric Charles Scheuer est le fils d’un pauvre homme et n’a pu être apprenti tapissier que grâce à la bonté d’une certaine « femme de Printz », qui a accepté de payer son apprentissage. L’homme est démasqué. Il est finalement condamné à douze ans de fers pour les vols de linge qu’il avait commis.

82Est-il possible que cet homme ait un quelconque lien avec notre affaire ? Les acteurs judiciaires de l’époque ne semblent pas avoir de preuves mais plutôt de grandes suspicions sur la participation de Frédéric Charles Scheuer aux troubles qui ont eu lieu dans le pays. Les témoins n’ont pas plus de preuves mais le suspectent d’être un rebelle. L’un d’entre eux précise même « que lors de brigandages en l’an sept son frère a été pillé et a même soupçonné ledit individu [Scheuer] pour avoir instigué les brigands à cet effet puisque la rumeur publique le désigne comme un des chefs qui ont séduit et entraîné les crédules et paisibles habitans (sic) de la campagne ». Un autre témoin raconte qu’il a vu Scheuer « travesti en sarreau bleu ». Il précise que dans le même temps, avait eu lieu un rassemblement de Charles de Loupoigne, auquel était présent un ami du baron. Dans une de ses lettres le « pseudo-baron de Frentz » se plaint de cette réputation de rebelle. Dans une autre, il réclame à une ancienne hôte « les carte (sic) de géorgafie (sic) et des livre (sic) de guerre qui [lui] sont fort utile dans ce moment ». Coïncidences troublantes pour le commissaire du gouvernement près le tribunal criminel dont nous avons cité la lettre, qui ne dispose pas de réelles preuves mais le suspecte d’avoir participé aux troubles. Les révélations découvertes dans notre dossier, face à ces quelques coïncidences, semblent à nouveau un peu plus réalistes. Nos prévenus ont probablement croisé la route de cet individu, sans savoir qui il était réellement. D’autres archives encore ont peut-être sauvegardé des traces de Frédéric Charles Scheuer, mais dans nos connaissances actuelles de la biographie de cet homme, il est difficile de savoir si des préoccupations idéologiques ou purement économiques guidaient ses pas. Certes, le « baron » était un escroc, mais il a aussi la réputation de rebelle. Commanditait-il des pillages pour en récolter l’argent et en faire profit ou pour les investir dans l’espoir d’un retour imminent des Autrichiens ? Rebelle ou brigand, la question reste posée.

6.6. L’historiographie

83Deux ouvrages principaux établissent des liens entre nos prévenus et la bande de Charles de Loupoigne. Outre l’appui de la culpabilité de nos prévenus, ils permettent d’aller encore plus loin dans la réflexion, au-delà des sources. Que disent nos sources sur cet « au-delà » ? À vrai dire peu de choses. Jean Joseph Doyen, l’un de nos prévenus, a entendu dire que Berro, son chef602, était allé chercher un fusil chez Constant, ex-notaire à Roux-Miroir. Or ce notaire Constant, pourtant agent municipal, est un ancien officier de l’armée des États-Belgiques-Unis et l’un des meneurs des rebelles de la Guerre des paysans, associé à Loupoigne603. En outre, au début de l’affaire, en l’an VII, les directeurs du jury posent la question d’un éventuel lien avec Charles de Loupoigne à deux prévenus. L’un d’eux répond par la négative, qu’il était ivre lorsqu’il l’a dit604. Le second nie également mais ajoute qu’il a appartenu à sa bande en l’an IV pendant quelques heures avant d’être arrêté, traduit devant le juge de paix et remis en liberté605. Trois auteurs vont plus loin.

84Paul Verhaegen, dans son œuvre monumentale, cite parmi bien d’autres, certains des faits repris dans nos procès606. Selon lui, derrière les principaux de ces actes, on repère l’action de Charles de Loupoigne. Paul Verhaegen a consulté les révélations et nomme ainsi comme « associés à l’insurrection », le baron de Frentz, l’agent municipal de Limal, des officiers et déserteurs autrichiens607. L’auteur précise que Jacqumin « groupait des collaborateurs indignes dont il comprit trop tard le rôle désastreux ». Et au nombre de ceux-là, il nomme les Demaret, « réduits à défaut de moyens d’existence à vivre de vols, et déshonorant par leurs méfaits la cause nationale ». Pour Verhaegen, la « bande Demaret » dont les membres sont accusés de faits de brigandage, « semble avoir agi plutôt dans des vues politiques et […] formait le dernier débris des compagnies d’insurgés organisées par Jacqumin608 ».

85Erik Martens a quant à lui étudié Charles de Loupoigne. Il répertorie certains des faits instruits dans nos procès dans sa liste des « interventions de rebelles609 », comme les pillages chez Mascart et chez Glibert. Il tisse ensuite des liens entre nos instigateurs et Jacqumin. Charles de Loupoigne n’agissait pas seul. Il quadrillait le territoire. Dans chaque village visité, flamand ou wallon, il choisissait un lieutenant qu’il plaçait à la tête des partisans locaux. Cette hiérarchisation permettait une communication efficace et une mobilisation rapide des « troupes ». Parlant de ces lieutenants, l’auteur écrit « les noms de quelques-uns d’entre eux sont parvenus jusqu’à nous, tels Deschamps à Limal, Ghion à Chapelle-Saint-Lambert ». Il reparle de ces deux noms à la fin de son ouvrage, pour préciser que ceux-ci sont devenus maires sous le Consulat610.

86Louis Delvaux évoque également quelques-uns de nos prévenus. Il parle d’une bande dont un certain Mouchet serait le chef et les qualifie de « réfractaires maraudeurs611 ».

6.7. Conclusion

87Tels sont les éléments dont nous disposons pour répondre à notre question de départ : rebelles ou brigands ? Prenons les quatre premiers points de notre analyse.

88La « compagnie » ne ressemble pas à la bande classique au nombre de membres plus ou moins défini, avec un noyau présent dans tous les actes, structurée et dirigée par un chef. Le tableau ressemble plutôt à celui brossé par Marie-Sylvie Dupont-Bouchat des bandes de rebelles : « des bandes plus ou moins nombreuses, à peu près inorganisées, sans vrais chefs […], sans objectifs précis : pas de stratégie, pas de projets à long terme mais préoccupées de survivre dans l’immédiat, de se procurer de la nourriture, des chevaux et des armes612 ». Ce portait correspond parfaitement à notre affaire : nombre de membres non défini, flexible à souhait et absence de dirigeant permanent. Un certain ordre transparaît cependant, dans le sens où tout le monde n’entre pas et ne quitte la « bande » comme il veut. Mais c’est néanmoins le désordre de celle-ci qui parait au premier abord. Tandis que le discours des autorités judiciaires, venu « d’en haut », dessinait une grande bande, un prévenu parlait de deux petites « compagnies ». Il est en effet peut-être plus adéquat de parler d’un réseau de petites bandes regroupant tous nos prévenus613 ; à l’exemple de Florike Egmont614, être conscient des concepts utilisés par la justice, mais parler de réseaux, constitués de bandes de taille réduite tissant entre-elles des liens de connaissance et collaborant à certains méfaits, sans pour autant que tous soient présents à chaque fois. Cela semble mieux correspondre au discours venu « d’en bas », de nos prévenus.

89Les victimes sont ciblées. Arbres de la liberté dans les actes de rébellion mais aussi représentants de l’ordre français ou censiers carmagnoles615 qui ont laissé tomber les conscrits, dans les attaques et pillages. Chaque acte serait guidé par ce critère de l’attache au « système français616 », comme le dit l’un des prévenus. Néanmoins ce critère ne fonctionne pas toujours, les fermiers acceptant d’aider les conscrits étant également pillés. La violence est souvent présente même s’il n’y a pas mort d’homme. Nous sommes plutôt face à un « brigandage d’occasion » vu l’emploi d’outils trouvés sur le terrain. Quant au butin, il évolue. Dans la première dizaine des faits recensés, celui-ci est constitué de nourriture, armes et argent. Il semble alors répondre aux besoins « normaux » des rebelles. Puis le pillage chez Glibert, maire de Glabais, a lieu. Les « brigands » emportent « une petite boîte dans laquelle il y avoit des pièces d’or, une croix d’or à diamant et une bague d’or avec beaucoup d’habillement617 ». Or ce fait est le premier signalé à la justice puisque la toute première pièce, dont nous ne disposons malheureusement pas, mais qui est évoquée dans l’un de nos procès est la visite domiciliaire effectuée chez le maire.

90Venons-en aux mobiles. Clairement, si tous les prévenus ne s’expriment pas sur le sujet, c’est la conscription qui semble avoir été le déclencheur d’un mécontentement déjà présent. Mais quand un prévenu agresse un censier en lui disant qu’ils iront le voir parce qu’il est trop riche, le motif de la conscription semble bien loin.

91Vol de bijoux, opposition aux fermiers « trop riches618 », de là à conclure que les rebelles se sont transformés en brigands, il n’y a qu’un pas, que nous ne franchirons pas. D’abord, parce que nous n’avons pas la certitude d’avoir connaissance de tous les actes commis, loin de là ; ensuite, parce que les dires et colères d’un prévenu ne doivent pas guider toute notre analyse. Néanmoins, une chose semble sûre. Les débuts de la bande que nous connaissons semblent avoir été guidés par un mécontentement contre tout ce qui s’apparentait aux Français, avec cependant une touche de brigandage, les conscrits réfractaires ayant besoin de se nourrir et de survivre. La fin semble effectivement moins cohérente dans le choix des victimes et dans le butin visé, la part d’opposition « politique » laissant le champ libre à des motivations d’ordre plutôt économique, visant non plus à survivre mais à vivre.

92La question de départ s’est élargie dans le dernier point : brigands isolés ou instigateurs politisés. En réalité, deux questions se mêlent dans celle-ci. La première est celle des ramifications : des liens se sont-ils tissés entre nos prévenus de départ et les personnes accusées par les condamnés ? La seconde est celle de la nature de ce lien et des éventuelles idéologies des instigateurs, des motifs qui auraient pu les guider. À travers celle-ci, c’est à nouveau la question « rebelle ou brigand ? » que nous rencontrons. Il ne s’agit pas de trouver des bases à un discours des autorités républicaines ourdi d’instigateurs cachés et de complots619. Les administrateurs départementaux, par exemple, étaient à l’époque certains que la conscription n’avait été qu’un moteur permettant de donner libre cours à un « fanatisme royal et sacerdotal », dont les meneurs auraient été en première ligne les prêtres mais aussi les nobles et des agents de l’Angleterre et de l’Autriche620. Ces instigateurs n’ont jamais été réellement trouvés et aucune preuve réelle n’a été découverte à ce jour pour démontrer la thèse d’une véritable organisation contre-révolutionnaire étrangère621. La communauté historienne s’accorde aujourd’hui à dire que l’exaspération ayant mené à la Guerre des paysans n’était pas une pure machination de certains mais plutôt le fruit d’un mécontentement qui aurait de toute façon existé622. Mais si notre but n’est pas de vouloir donner raison aux autorités, cette question des instigateurs était au cœur de notre dossier ; nous nous devions de l’analyser.

93Vu la variété des arguments et partis pris, il est difficile de parvenir à une conclusion claire quant à la responsabilité effective de ces quatre instigateurs. S’agit-il de discours construits ? Les condamnés à mort ont reçu une copie de toutes les pièces de procédure avant leur jugement. Ils auraient pu décider de se venger et dénoncer les espions et maires, par exemple, qui les auraient eux-mêmes dénoncés auparavant. D’un autre côté, Dechamps aurait pu lui aussi préparer son discours. Il était au courant des révélations : « je vous préviens qu’il est de notoriété publique que Lambert Dechamps a été prévenu des révélations de Gilbert et Dechamps me l’avoue lui-même623 ». Les autres instigateurs, Ghion, Renard et Libouton ont peut-être aussi été prévenus de la teneur des révélations. Le procès du baron de Frentz et la littérature sur le sujet égratignent aussi la version de ces hommes.

94Les brigands étaient-ils seuls ? Nous ne le pensons pas. Nous n’avons pas affaire à une bande aux contours clairs et fixes. Pas plus qu’il n’y a de chef, il ne semble y avoir eu de bande en soi. Bien d’autres visages que ceux qui ont été prévenus dans nos procès ont probablement participé à certains méfaits. En atteste la quantité de noms apparaissant dans les interrogatoires et déclarations, qui ne figurent pas au rang des prévenus. Globalement, le discours des condamnés à mort épouse le discours des témoins et s’inscrit dans la lignée de la procédure antérieure. Le procès du baron de Frentz, ou devrions-nous dire, le procès de Frédéric Charles Scheuer, ainsi que l’historiographie, confirment eux aussi les révélations des quatre condamnés à mort. L’« armée chrétienne et catholique » évoquée par un prévenu, les règlements auxquels seraient soumis les membres, s’intègrent dans le contexte de l’époque. Ainsi, si tous les éléments y repris ne sont peut-être pas « vrais », il est difficile de croire que le discours des condamnés soit monté de toute pièce, mis en scène, destiné à une quelconque vengeance contre des personnes qu’ils suspecteraient de les avoir accusés. Il est certain que l’action des « brigands » n’a pas été guidée totalement par les instigateurs et que leur mécontentement était réel, né des empreintes du régime nouveau sur leur vie de tous les jours, notamment de la conscription. Quant à savoir quelles sont les responsabilités de chacun et où placer la ligne entre vérité et exagération, les doutes subsistent.

7. Conclusion : brigands ou rebelles ?

95Si les informations biographiques avaient amené quelques éléments de réponse, ce sont les faits qui se sont révélés être les plus porteurs dans notre analyse.

96À notre sens, de nombreux éléments – âge des prévenus, choix des victimes, motivations, etc. – pèsent clairement en faveur des rebelles. D’autres – butin, mode opératoire, statut professionnel – tendent plutôt vers les brigands.

97La question doit peut-être se poser sous un autre angle : quand sont-ils rebelles et quand sont-ils brigands ? Sommes-nous face à de la révolte qui glisse dans le brigandage, perdant tout appui de la population624 ? Sommes-nous face à des conscrits réfractaires qui doivent commettre des rapines pour se nourrir et que les autorités françaises « ont alors beau jeu de […] faire passer pour des brigands625 » ? À quels moments sont-ils plus l’un que l’autre ? L’aspect « brigandage » ou « économique » est nécessaire pour des conscrits rebelles qui sont détachés de leurs familles626. Ce même aspect semble néanmoins petit à petit prendre le pas sur les motivations « rebelles » des débuts. Est-ce une évolution naturelle ? Ou l’aspect idéologique était-il porté par les instigateurs tandis que les brigands portaient le côté économique, avant qu’un désaccord entre les deux camps ne permette au plan matériel de prendre toute son ampleur ? La procédure intentée en justice aurait-elle accentué la violence et les pillages, comme l’aurait dit Antoine Demaret à un témoin, « il ne leur coûtait plus rien de faire des ravages, attendu qu’ils avaient prise de corps à leur charge627 » ? Les dénonciations de certaines victimes ont-elles mis le feu aux poudres comme l’aurait dit Salade, « on nous trahissait de toute part, mais […] on s’en repentirait628 » ?

98Le moment de l’entrée des faits en justice, qui coïncide avec une modification des butins et des victimes, coïncide aussi avec une évolution du discours parisien. Dès le 18 brumaire an VIII, et les débuts du Consulat, une littérature sur la répression du brigandage par l’armée et la gendarmerie se diffuse dans la presse et les librairies. Ces récits justifient le recours aux tribunaux d’exception et le développement de la police secrète. La propagande gouvernementale ainsi diffusée induit une modification dans les conceptions des habitants des départements réunis. La figure du révolté, rendant possible un retour à l’Ancien Régime tant attendu fait place au « mythe de la sécurisation par la gendarmerie et l’armée629 ». Ainsi, une couche de la population, soucieuse de la protection de ses biens, devient réceptive et partisane des politiques consulaires. Le danger que représente le brigand, puisque tel est le nouveau nom du rebelle, est effectivement à éliminer. Ce discours a pu mener la population à dénoncer les conscrits, qui, il faut le dire, modifiaient aussi à ce moment leurs manières d’agir. Mais à nouveau, il est difficile de déterminer le poids de l’argument.

99La certitude est l’entre-deux. Et le contexte du département de la Dyle, troublé, implique probablement cette dialectique entre rebelles et brigands.

Notes de bas de page

437 Bouthor, commandant de la gendarmerie nationale écrit au directeur du jury de l’arrondissement extérieur de Bruxelles : « je fus hier à Limelette commune du canton de Wavre à l’effet de prendre des renseignemens (sic) sur des voyes (sic) de fait qu’on put (sic) commettre les individus dénommés dans votre lettre du 28 messidor dernier, il m’a été renseigné que le nommé Jean Louis Delhaisse habitant de cette commune avait été maltraité par une bande des brigands dans le mois de messidor an 7 ». La lettre est datée du 9 thermidor VIII, le monde judiciaire découvre ainsi les faits un peu plus d’un an après qu’ils aient été commis (AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièce 56-87).

438 Nous avons essayé de retrouver tous les procès existants concernant notre affaire dans le département de la Dyle. Mais, comme nous l’avons déjà dit, nous ne pouvons être assurée de les avoir tous retrouvés. Nous nous sommes limités au département de la Dyle alors que certains prévenus ont peut-être été jugés dans d’autres départements ou renvoyés devant un conseil de guerre.

439 Les déclarations des époux Detry, victimes, sont manquantes. Elles sont citées dans nos dossiers (AÉLLN, TCN, n° 317, Dossier judiciaire, du 10 prairial VIII au 10 thermidor VIII, Premier procès Gilbert, pièce 4-1) mais ont peut-être rejoint des dossiers que nous n’avons pas traités ou ont été perdues. Or celles-ci sont capitales puisque Madame Detry y cite et identifie quelques prévenus et que ce document est évoqué dans les interrogatoires comme preuve de la culpabilité des prévenus cités.

440 Les époux Collin ont été victimes d’un pillage mais aucun d’eux ne vient témoigner. Le mari décède avant d’avoir pu comparaître (AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièce 119-131) et le médecin de l’épouse écrit : « en voyant des objets qui deplaisent tombe dans ses accès et sa respiration luy (sic) est si difficile à ne pouvoir vaquer a aucune affaire et ainsi de toutes ces insérenités (sic) on peu (sic) juger que la citoyene (sic) Marie Antoinette est incapable de supporter la moindre fatigue par consequent le voyage de Bruxelles tant a cheval qu’en voiture » (Ibid., pièce 28-22). Nous n’avons donc pour ce fait que ce que les prévenus ont bien voulu en dire mais pas de déclaration des victimes.

441 Il s’agit d’un prétendu vol d’argent chez le juge de paix du canton d’Yssche, qui figure au rang des accusations qui pèsent contre Joseph Corneille Folie, dans son mandat d’arrêt (Ibid., pièce 49-68). Le juge de paix écrit peu de temps après au directeur du jury de l’arrondissement de Bruxelles, « On m’a rapporté que vous etié (sic) informé que Folie m’avoit demandé de l’argent, cela est tres faux, il ne m’a jamais rien demandé ni a moi ni a aucun de ma famille, ainsi donc il seroit inutil (sic) de nous faire citer pour cette cause » (Ibid., pièce 51-30). Bien sûr, le juge de paix pourrait agir par peur car il est vrai qu’il est une des cibles des prévenus qui sont toujours en liberté à ce moment. Mais il continue à s’occuper de l’affaire et comparait de toute façon pour d’autres faits. Il est donc très peu probable que la peur l’ait guidé dans cette lettre et très probable qu’effectivement Joseph Corneille ne lui ait jamais extorqué le moindre sou. Dans son interrogatoire devant le juge du tribunal criminel du département de la Dyle, des questions sur ce vol d’argent sont à nouveau posées à Folie, qui continue à nier les faits (Ibid., pièce 136-137).

442 La liste des faits reprochés à nos prévenus, pris en compte dans ce chapitre, est disponible en annexe (Annexe III : Liste des faits recensés dans les procès).

443 AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièces 24-24 et 25-28 ; AÉLLN, TCN, n° 351, Dossier judiciaire, du 27 messidor VII au 25 brumaire VIII, Procès Jacquet, pièces 8-3 et 9-1.

444 AÉA, TCB, n° 94-3758, Dossier judiciaire, du 25 prairial IX au 27 prairial XII, Procès Dechamps, Ghion, Libouton, Renard et Marsil, pièce 57-58.

445 AÉLLN, TCN, n° 498, Dossier judiciaire, du 21 thermidor VII au 10 vendémiaire IX, Procès Doyen, Robert, Houchon, Mouchet et Simon, pièce 1-18.

446 AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièce 115-125.

447 Demaret, Mouchet et Simon figurent en tant que prévenus dans nos dossiers. Les autres « chefs » ne sont pas appréhendés dans nos dossiers. Berro, dit le Diable, aurait été tué par des grenadiers le 17 thermidor an VII à Bonlez. L’information est donnée par plusieurs prévenus (AÉLLN, TCN, n° 498, Dossier judiciaire, du 21 thermidor VII au 10 vendémiaire IX, Procès Doyen, Robert, Houchon, Mouchet et Simon, pièces 1-18 et 9-14).

448 AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièce 24-24.

449 Ibid., pièce 93-34.

450 Ibid., pièce 24-24.

451 Le prévenu se nomme Gilbert et la victime Glibert, la justice elle-même mêlera parfois les deux noms.

452 AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièce 25-28.

453 AÉLLN, TCN, n° 497, Dossier judiciaire, du 26 thermidor VII au 27 vendémiaire IX, Procès Salade, Gilson, Corvilain et Delmouzée, pièce 47-48.

454 AÉLLN, TCN, n° 498, Dossier judiciaire, du 21 thermidor VII au 10 vendémiaire IX, Procès Doyen, Robert, Houchon, Mouchet et Simon, pièce 9-14.

455 AÉLLN, TCN, n° 351, Dossier judiciaire, du 27 messidor VII au 25 brumaire VIII, Procès Jacquet, pièce 6-13.

456 AÉLLN, TCN, n° 498, Dossier judiciaire, du 21 thermidor VII au 10 vendémiaire IX, Procès Doyen, Robert, Houchon, Mouchet et Simon, pièce 27-7.

457 Voir dans la Deuxième partie, « Rebelles ou brigands ? Les faits », Point 5 « Motifs ».

458 AÉLLN, TCN, n° 498, Dossier judiciaire, du 21 thermidor VII au 10 vendémiaire IX, Procès Doyen, Robert, Houchon, Mouchet et Simon, pièce 1-18.

459 Ibid., pièce 2-16.

460 Ibid.

461 Ibid., pièce 9-14.

462 Ibid., pièce 1-18.

463 AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièces 87-35.

464 AÉLLN, TCN, n° 498, Dossier judiciaire, du 21 thermidor VII au 10 vendémiaire IX, Procès Doyen, Robert, Houchon, Mouchet et Simon, pièce 28-5.

465 AÉA, TCB, n° 94-3758, Dossier judiciaire, du 25 prairial IX au 27 prairial XII, Procès Dechamps, Ghion, Libouton, Renard et Marsil, pièce 51-56.

466 AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièces 4-13 et 5-14.

467 « N’est-ce pas toi qui est Proust, il y a long tems que nous te cherchons » (AÉLLN, TCN, n° 350, Dossier judiciaire, du 14 vendémiaire IV au 1er jour complémentaire VIII, Procès Valkenberg, pièce 58-57) ; « Ledit Lebras, le manda s’il ne s’appeloit pas Dargent et menaça de le tuer » (AÉLLN, TCN, n° 498, Dossier judiciaire, du 21 thermidor VII au 10 vendémiaire IX, Procès Doyen, Robert, Houchon, Mouchet et Simon, pièce 5-17).

468 AÉLLN, TCN, n° 497, Dossier judiciaire, du 26 thermidor VII au 27 vendémiaire IX, Procès Salade, Gilson, Corvilain et Delmouzée, pièce 2-70.

469 AÉLLN, TCN, n° 498, Dossier judiciaire, du 21 thermidor VII au 10 vendémiaire IX, Procès Doyen, Robert, Houchon, Mouchet et Simon, pièce 20-26.

470 AÉLLN, TCN, n° 497, Dossier judiciaire, du 26 thermidor VII au 27 vendémiaire IX, Procès Salade, Gilson, Corvilain et Delmouzée, pièce 55-69.

471 AÉA, TCB, n° 94-3758, Dossier judiciaire, du 25 prairial IX au 27 prairial XII, Procès Dechamps, Ghion, Libouton, Renard et Marsil, pièce 68-70.

472 Martens, Cousin Charles de Loupoigne…, p. 68.

473 Voir dans la Deuxième partie, « Rebelles ou brigands ? Les faits », Point 6.4 « Le discours fondateur des condamnés ».

474 Lentz, « Conscription », p. 150.

475 Logie, « Les juges de paix du département de la Dyle. An IV-1814… », p. 31 et 45-46.

476 Dupont-Bouchat, « Les résistances à la Révolution… », p. 128.

477 C’est notamment le cas dans le département de l’Escaut (Crepin, « Les communautés villageoises et la grande nation… », p. 87).

478 Ibid.

479 Pour les cinq derniers, nous ne disposons que de très peu d’informations et ne pourrons donc pas les analyser.

480 AÉLLN, TCN, n° 351, Dossier judiciaire, du 27 messidor VII au 25 brumaire VIII, Procès Jacquet, pièce 9-1.

481 AÉLLN, TCN, n° 497, Dossier judiciaire, du 26 thermidor VII au 27 vendémiaire IX, Procès Salade, Gilson, Corvilain et Delmouzée, pièce 61-58.

482 AÉLLN, TCN, n° 498, Dossier judiciaire, du 21 thermidor VII au 10 vendémiaire IX, Procès Doyen, Robert, Houchon, Mouchet et Simon, pièce 25-22.

483 Ibid., pièce 19-25.

484 AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièce 32-27.

485 Ibid., pièce 24-24.

486 Ibid., pièce 25-28.

487 AÉLLN, TCN, n° 498, Dossier judiciaire, du 21 thermidor VII au 10 vendémiaire IX, Procès Doyen, Robert, Houchon, Mouchet et Simon, pièce 9-14.

488 Il est difficile de percevoir le sens de cette insulte. Peut-être est-ce une attaque contre les parents de l’insulté ? Peut-être l’avons-nous mal déchiffrée ?

489 AÉA, TCB, n° 94-3758, Dossier judiciaire, du 25 prairial IX au 27 prairial XII, Procès Dechamps, Ghion, Libouton, Renard et Marsil, pièce 51-56.

490 Toutes ces informations nous ont été fournies par Emmanuel Berger, qui a étudié le registre d’entrée au greffe du directeur du jury de l’arrondissement extérieur de Bruxelles. Le numéro de notre information est le 1176.

491 Information communiquée par Madame Catherine Hénin. Nous avons consulté le mémoire réalisé sur le tribunal correctionnel de Nivelles par Nicolas Delvax (Nicolas Delvax, L’activité pénale dans l’arrondissement de Jodoigne sous le Directoire : société rurale et justice nouvelle, Louvain-la-Neuve, 1996 [UCL, mémoire de licence inédit]) mais n’avons pas trouvé de mention de cette lettre.

492 Sur la symbolique des arbres de la liberté, voir Philippe Raxhon, La mémoire de la Révolution française. Entre Liège et Wallonie, Bruxelles, Labor, 1996, p. 70-79 (Archives du futur. Histoire).

493 Tixhon, « L’activité du tribunal correctionnel de Namur… », p. 321.

494 Les groupes « se font et se défont au gré des occasions et des rencontres dans les auberges » (Castan, Les criminels de Languedoc…, p. 298).

495 AÉA, CAB, n° 287-867, Dossier judiciaire, du 9 fructidor VIII au 30 nivôse XI, Procès Tonneau, pièce 13-10. Voir aussi Ibid., pièce 24-25 (Annexe VI : Pièces justificatives).

496 Sur le choix des victimes, voir dans la Deuxième partie, « Rebelles ou brigands ? Les faits », Point 3 « Victimes ».

497 Des dires mêmes des prévenus, ils frappent à une fenêtre, par exemple, et se présentent en tant que brigands ou en tant que conscrits, venus pour avoir de quoi se nourrir (AÉLLN, TCN, n° 498, Dossier judiciaire, du 21 thermidor VII au 10 vendémiaire IX, Procès Doyen, Robert, Houchon, Mouchet et Simon, pièce 9-14).

498 AÉLLN, TCN, n° 497, Dossier judiciaire, du 26 thermidor VII au 27 vendémiaire IX, Procès Salade, Gilson, Corvilain et Delmouzée, pièce 58-74.

499 AÉA, CAB, n° 287-867, Dossier judiciaire, du 9 fructidor VIII au 30 nivôse XI, Procès Tonneau, pièce 13-10.

500 AÉA, TCB, n° 94-3758, Dossier judiciaire, du 25 prairial IX au 27 prairial XII, Procès Dechamps, Ghion, Libouton, Renard et Marsil, pièce 52-57.

501 Avant la promulgation de la loi du 26 floréal an V, c’était par cette technique que souvent les brigands échappaient à la peine de mort, profitant de l’« indulgence » du Code pénal de 1791 (Lejeune, « L’application des lois d’exception de l’an V et de l’an VI… », p. 141).

502 AÉLLN, TCN, n° 497, Dossier judiciaire, du 26 thermidor VII au 27 vendémiaire IX, Procès Salade, Gilson, Corvilain et Delmouzée, pièce 57-53.

503 Ibid., pièce 2-70.

504 AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièce 25-28.

505 Alors que l’une des victimes tentait de s’enfuir, l’un des brigands a lancé en sa direction une fourche qui l’a atteint et lui a percé la main (AÉA, CAB, n° 287-867, Dossier judiciaire, du 9 fructidor VIII au 30 nivôse XI, Procès Tonneau, pièce 3-4).

506 AÉLLN, TCN, n° 497, Dossier judiciaire, du 26 thermidor VII au 27 vendémiaire IX, Procès Salade, Gilson, Corvilain et Delmouzée, pièce 2-70.

507 AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièce 91-32.

508 AÉLLN, TCN, n° 497, Dossier judiciaire, du 26 thermidor VII au 27 vendémiaire IX, Procès Salade, Gilson, Corvilain et Delmouzée, pièce 2-70.

509 AÉLLN, TCN, n° 351, Dossier judiciaire, du 27 messidor VII au 25 brumaire VIII, Procès Jacquet, pièce 16-8.

510 AÉLLN, TCN, n° 350, Dossier judiciaire, du 14 vendémiaire IV au 1er jour complémentaire VIII, Procès Valkenberg, pièce 58-57.

511 AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièce 51-30.

512 Voyant que les brigands maltraitent toutes les personnes présentes, le frère et la sœur d’une cabaretière quittent le cabaret et rentrent chez eux (AÉLLN, TCN, n° 497, Dossier judiciaire, du 26 thermidor VII au 27 vendémiaire IX, Procès Salade, Gilson, Corvilain et Delmouzée, pièce 55-69).

513 « Ledit Nicolas Dehans à prit (sic) le parti d’abandonner sa maison pour aller chercher du secours auprès de l’agent, que ce dernier lui avait répondu, qu’est ce que j’irais faire, c’est trop tard, vu quoi ledit Dehans est retourné chez lui » (Ibid.).

514 AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièce 24-24.

515 AÉLLN, TCN, n° 497, Dossier judiciaire, du 26 thermidor VII au 27 vendémiaire IX, Procès Salade, Gilson, Corvilain et Delmouzée, pièce 58-74.

516 AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièce 94-37.

517 AÉA, CAB, n° 287-867, Dossier judiciaire, du 9 fructidor VIII au 30 nivôse XI, Procès Tonneau, pièce 3-4.

518 AÉLLN, TCN, n° 350, Dossier judiciaire, du 14 vendémiaire IV au 1er jour complémentaire VIII, Procès Valkenberg, pièces 84-87 et 86-85.

519 Martens, Cousin Charles de Loupoigne…, p. 68.

520 AÉLLN, TCN, n° 498, Dossier judiciaire, du 21 thermidor VII au 10 vendémiaire IX, Procès Doyen, Robert, Houchon, Mouchet et Simon, pièce 9-14.

521 Ibid., pièces 2-16, 5-17 et 10-15 ; AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièce 24-24 (Les propos sont dans ce cas rapportés par un témoin).

522 AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièce 24-24 (Propos rapportés par un témoin).

523 AÉLLN, TCN, n° 498, Dossier judiciaire, du 21 thermidor VII au 10 vendémiaire IX, Procès Doyen, Robert, Houchon, Mouchet et Simon, pièce 1-18.

524 Martin, La Vendée et la France…, p. 21.

525 L’expression est employée dans AÉA, CAB, n° 1638, Dossier judiciaire, du 15 ventôse IX au 10 fructidor IX, Procès du baron de Frentz.

526 « Conclusion », in Frédéric Chauvaud, Jacques-Guy Petit (ed.), L’histoire contemporaine et les usages des archives judiciaires (1800-1939), Paris, Champion, 1998, p. 481-482 (Histoire et archives, 2).

527 Egmont, Underworlds. Organized Crime in the Netherlands…, p. 19.

528 Une liste des prévenus, scindée selon les instigateurs, les prévenus, les condamnés, etc. est disponible en annexe (Annexe II : Liste des individus interrogés au cours de la procédure ou mentionnés dans les actes d’accusation).

529 AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièce 175-177. Pour plus de cohérence, certaines informations biographiques, venant d’autres pièces de procédures, seront utilisées pour présenter les instigateurs. Nous le signalerons le cas échéant.

530 AÉA, TCB, n° 94-3758, Dossier judiciaire, du 25 prairial IX au 27 prairial XII, Procès Dechamps, Ghion, Libouton, Renard et Marsil, pièce 68-70.

531 Ibid., pièce 19-23.

532 Ibid., pièce 20-24.

533 Ibid., pièce 18-22.

534 AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièce 175-177.

535 AÉA, TCB, n° 94-3758, Dossier judiciaire, du 25 prairial IX au 27 prairial XII, Procès Dechamps, Ghion, Libouton, Renard et Marsil, pièce 7-11. Ni datée ni identifiée, cette pièce est probablement une seconde déclaration de Gilbert, voir dans la Première partie, « La chronologie du procès : du Directoire à l’Empire ».

536 Louis Delvaux note qu’un arrêté de l’administration du département de la Dyle, du 22 thermidor an VII, a alloué la somme de douze francs à une femme pour avoir livré à la police les curés de Limal et de Nethen, qui se cachaient. La piste pourrait peut-être être creusée de ce côté (Louis Delvaux, « Au temps de la Guerre des paysans sous la domination française (1792-1799) », in Folklore brabançon, n° 182-183, 1969, p. 155).

537 La Campine était un endroit-clé de la Guerre des paysans (Dhondt, « La guerre des paysans… », p. 161).

538 Nous les retrouverons donc dans le point concernant le discours des nouveaux protagonistes.

539 AÉA, TCB, n° 94-3758, Dossier judiciaire, du 25 prairial IX au 27 prairial XII, Procès Dechamps, Ghion, Libouton, Renard et Marsil, pièce 36-39.

540 « Ils y mangeaient de la viande de cochons (sic) fricassée avec des œufs et y buvaient de la bièrre » (Ibid. ; ainsi que pièce 52-57).

541 Ibid., pièce 56-59.

542 Ibid., pièce 52-57.

543 Cette version est corroborée par le déclarant, probablement Gilbert, dans les notes sur les faits (Ibid., pièce 7-11). Nous avons voulu pousser le raisonnement jusqu’au bout. Qui aurait pu être payé ? Ce qui peut avoir « sauvé » les frères de Marie Antoinette, c’est d’abord d’avoir été détenus pendant une longue période et d’avoir finalement été jugés dans un contexte d’apaisement. C’est Devals qui aurait demandé qu’ils soient détenus aussi longtemps. Or il croyait en la culpabilité des instigateurs, il n’aurait donc pas pu être « de mèche » avec ceux-ci. Ce qui peut avoir « sauvé » les Demaret, ce sont aussi les révélations. Or celles-ci dénoncent les instigateurs ; donc, à nouveau, ils ne peuvent pas les avoir commanditées. Ces propos, s’ils ont peut-être été tenus par les instigateurs, sont donc faux.

544 Plusieurs déclarations dans Ibid., pièces 57-58 et 52-57.

545 Ibid., pièce 51-56.

546 Ibid., pièce 56-59.

547 Ibid., pièce 57-58.

548 Ibid., pièce 51-56.

549 Ibid., pièce 57-58.

550 Ibid., pièce 51-56.

551 Ibid. ; Ibid., pièce 52-57.

552 Ibid., pièce 57-58.

553 Ibid., pièce 52-57.

554 Ibid., pièce 57-58.

555 Ibid., pièce 56-59.

556 Ibid., pièce 36-39.

557 Ibid.

558 Ibid., pièce 24-26.

559 Ibid., pièce 56-59.

560 Car le déclarant des « notes sur les faits » a donné comme témoins les « habitans (sic) de Mousty et les habitans de Court-Saint-Étienne ». Leurs noms n’apparaissent donc pas en tant que tels dans le discours des brigands.

561 AÉA, TCB, n° 94-3758, Dossier judiciaire, du 25 prairial IX au 27 prairial XII, Procès Dechamps, Ghion, Libouton, Renard et Marsil, pièces 53-53, 54-54 et 55-55.

562 Ibid., pièce 48-50.

563 Lettre de Devals citée dans Logie, « Les juges de paix du département de la Dyle. An IV-1814… », p. 81.

564 Ibid., p. 86-87.

565 AÉA, TCB, n° 94-3758, Dossier judiciaire, du 25 prairial IX au 27 prairial XII, Procès Dechamps, Ghion, Libouton, Renard et Marsil, pièce 32-34.

566 Ibid., pièce 46-48.

567 Ibid., pièce 44-46.

568 Ibid., pièce 45-47.

569 Ibid., pièce 33-35.

570 Condamné à mort par le conseil de guerre.

571 AÉLLN, TCN, n° 498, Dossier judiciaire, du 21 thermidor VII au 10 vendémiaire IX, Procès Doyen, Robert, Houchon, Mouchet et Simon, pièce 9-14.

572 Il est arrêté et interrogé dans le procès 498 (Ibid., pièce 13-12). Ayant avoué avoir commis des méfaits mais en ayant été obligé de les commettre par les brigands, il est remis en liberté. Bénéficiant d’un non-lieu dans le procès 277 (AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièces 115-125 et 119-131), il est renvoyé devant le directeur du jury de l’arrondissement de Nivelles. Il ne semble pas avoir été jugé à Nivelles. Un mandat d’amener est décerné contre lui dans le procès 94 (AÉA, TCB, n° 94-3758, Dossier judiciaire, du 25 prairial IX au 27 prairial XII, Procès Dechamps, Ghion, Libouton, Renard et Marsil, pièce 59-61) mais il n’est jamais appréhendé.

573 AÉLLN, TCN, n° 498, Dossier judiciaire, du 21 thermidor VII au 10 vendémiaire IX, Procès Doyen, Robert, Houchon, Mouchet et Simon, pièce 28-5.

574 AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièce 95-102.

575 AÉA, TCB, n° 94-3758, Dossier judiciaire, du 25 prairial IX au 27 prairial XII, Procès Dechamps, Ghion, Libouton, Renard et Marsil, pièce 2-7.

576 Ibid., pièce 3-6.

577 AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièce 54-29.

578 Ibid., pièces 112-141, 8-140 et 113-142. Le dernier document n’est pas daté.

579 Ibid., pièce 26-26.

580 Ibid.

581 AÉA, TCB, n° 94-3758, Dossier judiciaire, du 25 prairial IX au 27 prairial XII, Procès Dechamps, Ghion, Libouton, Renard et Marsil, pièce 7-11.

582 Ibid., pièce 18-22.

583 AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièce 54-29.

584 AÉA, TCB, n° 94-3758, Dossier judiciaire, du 25 prairial IX au 27 prairial XII, Procès Dechamps, Ghion, Libouton, Renard et Marsil, pièce 7-11.

585 SHD-DAT, 2J 299, n° 23662, Procès de Jean Baptiste Liboutton, Gilhain Louis Cravillon, Joachim Baudouin, Pierre Joseph Mottet et Pierre Étienne Delaize. Grâce au mémoire de Nicolas Delpierre, paru très récemment, nous avons retrouvé des bribes de l’instruction de ce procès dans le fonds du tribunal correctionnel de Nivelles (Nicolas Delpierre, Aux origines de l’arrondissement judiciaire de Nivelles. L’activité du tribunal correctionnel et du jury d’accusation de Nivelles sous le Directoire (1795-1800), Louvain-la-Neuve, 2010 [UCL, mémoire de licence inédit]). Malheureusement, ce dossier ne contient que des correspondances et des déclarations. Nous ne l’avons donc pas intégré à notre corpus de base et n’avons pas repris les prévenus mentionnés dans ces seules pièces (AÉLLN, TCN, n° 296, Dossier judiciaire, du 20 vendémiaire VIII au 12 brumaire VIII, Procès Mottet, Baudouin, Delaize, Cravillon et Liboutton).

586 AÉLLN, TCN, n° 296, Dossier judiciaire, du 20 vendémiaire VIII au 12 brumaire VIII, Procès Mottet, Baudouin, Delaize, Cravillon et Liboutton, pièce 2-9.

587 Ibid., pièce 19-17.

588 AÉLLN, TCN, n° 497, Dossier judiciaire, du 26 thermidor VII au 27 vendémiaire IX, Procès Salade, Gilson, Corvilain et Delmouzée, pièce 55-69.

589 Aucun lien de parenté n’a pu être établi entre ce Demaret et les frères Demaret de notre affaire.

590 AÉLLN, TCN, n° 497, Dossier judiciaire, du 26 thermidor VII au 27 vendémiaire IX, Procès Salade, Gilson, Corvilain et Delmouzée, pièce 2-70.

591 Ibid., pièce 55-69.

592 Ibid.

593 AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièce 26-26.

594 AÉA, TCB, n° 94-3758, Dossier judiciaire, du 25 prairial IX au 27 prairial XII, Procès Dechamps, Ghion, Libouton, Renard et Marsil, pièce 18-22.

595 Nous n’avons pas une date précise, le témoin parle seulement du mois de décembre 1798.

596 AÉLLN, TCN, n° 497, Dossier judiciaire, du 26 thermidor VII au 27 vendémiaire IX, Procès Salade, Gilson, Corvilain et Delmouzée, pièce 2-70.

597 AÉA, CAB, n° 277-816, Dossier judiciaire, du 25 messidor VII au 25 messidor XII, Procès Demaret, François et Gilbert, pièce 24-24.

598 AÉA, CAB, n° 1638, Dossier judiciaire, du 15 ventôse IX au 10 fructidor IX, Procès du baron de Frentz. Ce procès ne faisant pas partie du corpus de base, il n’a pas fait l’objet d’un inventaire des pièces. Nous donnerons donc ici les informations significatives que nous avons relevées en lisant les pièces de ce procès, sans cependant attribuer un numéro aux pièces rapportées ou citées.

599 AÉLLN, TCN, n° 498, Dossier judiciaire, du 21 thermidor VII au 10 vendémiaire IX, Procès Doyen, Robert, Houchon, Mouchet et Simon, pièce 9-14.

600 Dans le procès du baron de Frentz que nous utilisons dans le point suivant, il n’est jamais fait mention d’une médaille. Quant à Charles de Loupoigne, il n’avait pas une médaille autour du cou mais une croix de nacre (Martens, Cousin Charles de Loupoigne…, p. 76). Ce qui aurait pu être un indice n’a donc pas pu nous aider dans ce cas.

601 Alexandre Cosemans, Inventaire des archives des tribunaux criminels du Département de la Dyle et de la Cour d’assises du Brabant : dossiers nos 1931-2369 (An III-1923), Bruxelles, Archives générales du Royaume, 1995 (Archives générales du royaume. Instruments de recherche à tirage limité, 295).

602 Celui-ci est décédé avant même le commencement de l’affaire et n’apparaît donc pas dans nos procès.

603 Martens, Cousin Charles de Loupoigne…, p. 9 et 59 ; Paul-Joseph Verhaegen, La Belgique sous la domination française, 1792-1814, t. II : Débuts du Directoire, Bruxelles, Goemaere, 1922-1929, p. 474 ; Delvaux, « Au temps de la Guerre des paysans sous la domination française… », p. 169-172.

604 AÉLLN, TCN, n° 498, Dossier judiciaire, du 21 thermidor VII au 10 vendémiaire IX, Procès Doyen, Robert, Houchon, Mouchet et Simon, pièce 9-14.

605 Ibid., pièce 2-16.

606 Verhaegen, La Belgique sous la domination française, 1792-1814, t. III : La guerre des paysans…, p. 687, 694-699.

607 Dans son interrogatoire postérieur à ces déclarations, Dechamps rectifie cette information. Il n’est pas déserteur autrichien mais « a eu son congé le 10 mai 1792 » (AÉA, TCB, n° 94-3758, Dossier judiciaire, du 25 prairial IX au 27 prairial XII, Procès Dechamps, Ghion, Libouton, Renard et Marsil, pièce 18-22).

608 Verhaegen, La Belgique sous la domination française, 1792-1814, t. IV : L’Empire…, p. 271

609 Martens, Cousin Charles de Loupoigne…, p. 67-69.

610 Ibid., p. 81.

611 Delvaux, « Au temps de la Guerre des paysans sous la domination française… », p. 152.

612 Dupont-Bouchat, « Les résistances à la Révolution… », p. 130-131.

613 Benoît Garnot, Crime et justice aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Imago, 2000, p. 28.

614 Egmont, Underworlds. Organized Crime in the Netherlands…, p. 6-10.

615 La « carmagnole » était une veste courte en usage pendant la Révolution française et une danse révolutionnaire en vogue au cours de l’année 1793 (Louis Delvaux, « Au temps de la Guerre des paysans sous la domination française… », p. 153).

616 AÉLLN, TCN, n° 498, Dossier judiciaire, du 21 thermidor VII au 10 vendémiaire IX, Procès Doyen, Robert, Houchon, Mouchet et Simon, pièce 9-14.

617 AÉA, CAB, n° 287-867, Dossier judiciaire, du 9 fructidor VIII au 30 nivôse XI, Procès Tonneau, pièce 2-3.

618 AÉA, TCB, n° 94-3758, Dossier judiciaire, du 25 prairial IX au 27 prairial XII, Procès Dechamps, Ghion, Libouton, Renard et Marsil, pièce 51-56.

619 Dupont-Bouchat, « Les résistances à la Révolution… », p. 157.

620 Crepin, « Les communautés villageoises et la grande nation… », p. 85 ; Stevens, « La résistance au Directoire dans les départements réunis… », p. 1025.

621 Stevens, « La résistance au Directoire dans les départements réunis… », p. 1036-1037.

622 Crepin, « Les communautés villageoises et la grande nation… », p. 86.

623 AÉA, TCB, n° 94-3758, Dossier judiciaire, du 25 prairial IX au 27 prairial XII, Procès Dechamps, Ghion, Libouton, Renard et Marsil, pièce 59-61.

624 Farcy, L’histoire de la justice française de la Révolution à nos jours…, p. 93.

625 Darquenne, « La conscription dans le département de Jemappes… », p. 66.

626 Ce cas de figure peut être rapproché des errants étudiés par Michel Vovelle : « De la mendicité au brigandage, le passage est logique. Les bandes errantes sont, par leur situation même, hors de toute légalité puisqu’elles sont composées de gens “sans aveu”, mendiant sans passeport et sans autorisation hors de leur canton » (Vovelle, Ville et campagne au 18e siècle…, p. 299). Pour nous l’absence de passeport est parfois évoquée mais c’est surtout le refus de la conscription qui fait de nos prévenus des illégaux avant même qu’ils n’intègrent la bande. Marcel Marion écrivait déjà : « Il se formait des bandes redoutables d’aventuriers qui n’étaient pas toujours, au début, des criminels, mais qui le devenaient presque nécessairement » (Marcel Marion, Le brigandage pendant la Révolution, Paris, 1934, p. 1, cité dans Lejeune, « L’application des lois d’exception de l’an V et de l’an VI… », p. 139-140).

627 AÉA, TCB, n° 94-3758, Dossier judiciaire, du 25 prairial IX au 27 prairial XII, Procès Dechamps, Ghion, Libouton, Renard et Marsil, pièce 52-57.

628 AÉLLN, TCN, n° 497, Dossier judiciaire, du 26 thermidor VII au 27 vendémiaire IX, Procès Salade, Gilson, Corvilain et Delmouzée, pièce 6-39.

629 Rousseaux, « Rebelles ou brigands ?... », p. 126.

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