Chapitre 2. De mars 1987 à décembre 1988 : de Genève II à la rencontre de Paris
p. 35-51
Texte intégral
Accueil de l’accord de Genève par l’épiscopat polonais
1L’accord signé le 22 février 1987 précisait que la délégation catholique s’engageait à effectuer le transfert du carmel dans un délai de 24 mois, soit avant le 22 février 1989. Il avait été convenu entre les parties catholiques que le cardinal Macharski exposerait au pape les résultats de la négociation. Les cardinaux européens cosignataires décidèrent de laisser l’archevêque de Cracovie entreprendre seul les démarches d’information de son épiscopat et du gouvernement polonais pour ne pas interférer dans les affaires purement polonaises1
2Assez rapidement après l’accord, la situation se gâta et prit un tournant inadéquat. Quelques mois après Genève II, le père Musial écrivait dans l’hebdomadaire catholique polonais Tygodnik Powszechny (25/11/1987) : « On s’est trompé dans l’opinion publique quand on a répandu le bruit que la rencontre de Genève II avait eu pour but de résoudre le débat sur l’implantation du carmel d’Auschwitz. Genève II n’avait pas cet objet, mais de créer un centre européen ». Cette affirmation, pour le moins étonnante, fut interprétée par les négociateurs catholiques français comme reflétant les difficultés auxquelles F. Macharski faisait face à ce moment pour faire comprendre à l’opinion polonaise la portée de l’accord2
3Le cardinal Macharski avait pour mission d’informer l’épiscopat polonais de l’accord ; or celui-ci ne fut approuvé que deux ans plus tard par les évêques (en mars 1989) alors que le transfert du carmel devait – suivant les accords – être effectué pour le 22 février 1989. Comment expliquer ce retard ? Il est aujourd’hui clair que lors de son retour au pays, l’archevêque de Cracovie se heurta à des opinions largement opposées non seulement dans le milieu catholique polonais mais au sein même de la hiérarchie du pays. Il subit de fortes pressions et critiques de la part des autres évêques polonais. L’un d’eux dit à Krzysztof Sliwinski, le ministre chargé des relations avec la diaspora juive : « Quatre cardinaux se déplacent pour ces quelques juifs ! C’est tout de même exagéré ! »
4Dans l’entourage de l’archevêque se trouvait Mgr Kazimierz Gorny (qui avait été présent à Genève mais n’avait pas signé la déclaration). K. Gorny – ordonné prêtre par le cardinal Wojtyła – avait travaillé à l’archevêché de Cracovie et il connaissait bien l’archevêque Karol Wojtyła qui devint pape en 1978. Avant d’être nommé évêque auxiliaire de Cracovie en 1984, il avait été curé dans la ville d’Oświęcim. Il était connu pour son énergie, son sens de l’organisation et sa facilité de contact, notamment avec les autorités municipales. Il avait été responsable de la rénovation de l’ancienne Kommandantur (bureau des chefs allemands) à Birkenau, où fut érigée une chapelle3. Il s’était engagé dans la construction d’une des églises d’Oświęcim, St-Maximilien Kolbe, une nouvelle église située dans un quartier moderne. L’histoire de cette église est intéressante. Le 16 octobre 1971, veille de la béatification du père Maximilien Kolbe4, le cardinal Wojtyła avait fait part aux conférences des épiscopats de nombreux pays de son intention de construire une église à la mémoire des victimes des camps de concentration d’Auschwitz-Birkenau dans la ville d’Oświęcim. Il avait demandé aux cardinaux de le soutenir moralement et il leur avait fait don d’une petite urne contenant un peu de terre provenant de ce lieu de martyre des nations. La construction de cette église ne débuta que dix ans après l’appel de l’archevêque de Cracovie, soit après que K. Wojtyła eut accédé au trône de sat Pierre5
5Le père M. Głownia se souvient qu’au début des années 1980, K. Gorny lui parla d’un projet de création d’un carmel à Auschwitz. Il lui montra le bâtiment vide de l’ancien théâtre. À ce moment-là, il était communément admis parmi tous les prêtres du diocèse que des carmélites allaient venir s’installer et prier dans ce lieu à proximité du camp. C’était d’autant plus évident que le lieu était vide et qu’il était sépare du camp par un mur. Le cardinal Macharski était certainement au courant de ce projet, affirme M. Głownia. Cette idée, dit-il, n’avait rien d’extraordinaire pour les Polonais qui étaient loin d’imaginer les problèmes que cela pourrait créer par la suite avec la communauté juive. Le projet du carmel était une idée pastorale largement encouragée par l’abbé Gorny. Le père Głownia va même jusqu’à affirmer que le carmel était « l’idée de sa vie ». Au moment où ce dernier se rendit compte des protestations que ce lieu de prière suscitait chez les juifs, il ne comprit pas leurs revendications. Ces explications aident à comprendre le refus de Mgr Gorny de signer les accords de Genève de 1987. Il y était fermement opposé et il affirmait que le pape n’aurait jamais accepté une chose pareille ! Mgr Gorny resta sur sa position jusqu’au bout même s’il ne manifesta plus son opposition ouvertement6
6L’archevêque de Cracovie, le cardinal Macharski, se trouvait donc dans une position particulièrement délicate car même son évêque auxiliaire – qui avait participé aux négociations de Genève – ne le soutenait pas. Il vit non seulement sa position vis-a-vis du chapitre cathédral de Cracovie considérablement affaiblie mais de plus, il fut critiqué dans le milieu catholique polonais pour avoir « cédé aux revendications juives ». Les évêques polonais ne discutèrent donc pas immédiatement de la question du carmel7
7La situation polonaise au lendemain des accords de Genève explique très probablement les réticences qu’avaient exprimées les membres de la délégation polonaise lors des négociations. En effet, après la signature des accords, les signataires polonais, le père Musial comme le cardinal Macharski, avaient bien conscience de la difficulté devant laquelle ils allaient se trouver en Pologne. En revanche, les autres signataires ne mesurèrent pas la situation délicate dans laquelle se trouvaient leurs confrères signataires polonais. Ainsi, au cours des journées qui suivirent Genève II, les participants catholiques ne remarquèrent pas que l’archevêque de Cracovie tenait un double langage : lorsqu’il s’exprimait en polonais, il détournait le sens de l’accord et tenait des propos différents de ceux qu’il disait en français. Trois jours après la rencontre de Genève, alors qu’en France le cardinal Decourtray publiait un texte dans lequel il expliquait l’accord de Genève et donnait les trois raisons pour lesquelles le carmel devait être déplacé8, le cardinal Macharski faisait une déclaration sur Radio Vatican dans laquelle il annonçait l’ouverture à Oświęcim d’un centre de prière, de rencontres et d’études, projet qui – précisait-il – tenait à cœur au pape qui en avait déjà parlé en 1971. Il spécifiait que le peuple juif, la victime principale du camp de la mort9, serait associé à cette démarche. À aucun moment il ne parla du transfert du carmel. La partie catholique n’eut connaissance que très tardivement du contenu de ces déclarations énoncées en polonais et visiblement les juifs ne s’en aperçurent pas non plus immédiatement10
8Le cardinal Macharski – connu pour être un homme bon et ouvert au dialogue avec les juifs, ce qui n’est pas évident dans le contexte polonais – avait un caractère faible, craignant les affrontements. Dès lors, il ne fit pas beaucoup d’efforts pour informer l’opinion publique polonaise, ni les carmélites, des décisions prises à Genève11. De plus, les pressions subies par l’archevêque de Cracovie à son retour de Genève eurent également pour conséquence que rien ne fut entrepris pour rendre possible le déménagement des sœurs. De plus, on poursuivit les travaux d’aménagement du carmel à Auschwitz12. Les religieuses étaient persuadées qu’elles ne quitteraient pas ce lieu et affirmaient que la volonté de transférer le carmel était « l’œuvre de Satan », preuve de la désinformation dont elles faisaient l’objet13
Accueil de l’Accord de Genève par le gouvernement polonais
9L’archevêque de Cracovie avait aussi pour mission d’informer le gouvernement polonais de la décision prise à Genève. Étant donné que tant l’Église de Pologne que le gouvernement polonais avaient donné leur accord pour la construction du carmel, il était normal qu’au retour de Genève, le cardinal Macharski les informe du prochain déménagement du lieu de culte. Dans un régime communiste, tout choix de terrain et toute construction devaient en effet passer par une décision politique. Le gouvernement communiste avait ainsi joué un rôle dans l’attribution du lieu aux carmélites, puisqu’en juin 1984, Adam Lopatka, ministre polonais des cultes, avait autorisé les carmélites à occuper l’ancien théâtre municipal d’Auschwitz. Or cela ne pouvait se faire car le théâtre appartenait au camp d’Auschwitz-Birkenau tel que répertorié au patrimoine mondial de l’UNESCO14
10Au lendemain de Genève II, le Dr Gerhart Riegner*, ancien secrétaire général du CJM, était entré en relation avec le ministère des cultes polonais par l’intermédiaire du représentant de la Pologne aux Nations unies à Genève. Le ministre A. Lopatka, avait charge son envoyé a Genève, M. Mekler, de rencontrer G. Riegner dès le 23 février. M. Mekler avait déclaré que le gouvernement polonais envisageait favorablement la situation après l’accord de Genève15. Plusieurs semaines plus tard, G. Riegner entreprit une démarche auprès du nouveau ministre des cultes, M. Lorenz. Il assura le représentant du CJM de l’accord du gouvernement mais ajouta qu’il fallait, pour obtenir une réponse favorable, qu’il reçoive une demande écrite de la part de l’archevêque de Cracovie16. Le cardinal Macharski avait bien envoyé une lettre au gouvernement polonais mi-juin 1987, stipulant qu’il allait faire une demande aux autorités locales (la voivodie17 d’Oświęcim) et abordant la question du centre. L’archevêque ne faisait donc aucune demande au gouvernement pour le transfert du carmel. De plus il n’évoquait pas le déplacement du lieu de culte mais bien la construction du centre. Dans la lettre envoyée à la voïvodie le 10 juin 1987, il ne parlait pas non plus d’un quelconque transfert du carmel, mais évoquait la maison de prière qui serait construite « en face de l’actuel bâtiment des sœurs ». Il ne faisait aucune référence à l’accord de Genève et sa demande portait sur un élargissement du terrain actuel par concession d’une zone extérieure au camp lui-même18
11Le 10 novembre 1987, le Dr Riegner – poursuivant ses démarches – rencontra le ministre chef du département des affaires religieuses, le Dr. Wladyslaw Loranc19. Le 31 décembre 1987, le ministre des cultes fit savoir qu’il ne s’opposait pas à la réalisation des accords et que trois sites étaient possibles pour l’érection du bâtiment20. Suite à l’entrevue de G. Riegner avec W. Loranc, les autorités polonaises firent finalement savoir en janvier 1988 qu’elles approuvaient « officiellement l’accord intervenu à Genève le 22 février 1987 entre les représentants de l’Église catholique et les organisations juives, visant à transférer en dehors des limites des camps d’Auschwitz-Birkenau le couvent des carmélites et à créer en dehors des camps un centre d’information, d’étude, de rencontre et de prière ». Cette prise de position officielle du gouvernement polonais fut accueillie avec une vive satisfaction par le Dr Riegner qui espérait que cette déclaration accélérerait considérablement le processus du transfert du couvent21. Si pendant presque un an le gouvernement polonais n’avait pas donné d’avis sur l’accord survenu à Genève, c’était parce que le cardinal Macharski n’avait pas constitué de véritable dossier et n’avait fait aucune demande ni de transfert, ni de construction d’un centre.
Jean-Paul II et l’accord de Genève : explication de la présence du carmel à Auschwitz pour lutter contre le pouvoir communiste athée
12Le cardinal Macharski devait aussi présenter l’accord de Genève au pape. Selon le père Dujardin, sur ce point, la délégation catholique fit une erreur. L’archevêque de Cracovie avait dit qu’il transmettrait lui-même le document au pape, ce qu’il semble bien avoir fait. Mais, ajoute le père Dujardin, on ignore ce qu’il dit au pape. Lui a-t-il transmis le document de l’accord et lui en a-t-il parlé ? Les membres de la délégation catholique ne le savent pas exactement. Mais ce qui apparut, c’est que le pape fut visiblement mal informé des accords de Genève. Ce fait fut confirmé en 1988 par les Wilkanovicz, un couple ami du pape polonais. Le cardinal Lustiger regretta quelque peu par la suite cette mission confiée au cardinal Macharski22
13Pourquoi cette possible « désinformation » volontaire du pape de la part de l’archevêque de Cracovie ? La conférence épiscopale polonaise était persuadée qu’à l’origine du carmel d’Auschwitz existait un ordre du pape23. Cette conviction n’était pas fausse. En effet, l’abbé Gorny avait été très proche du cardinal Wojtyła au moment où ce dernier était archevêque de Cracovie et il était persuadé après Genève II que l’accord ne correspondait pas au souhait du pape. Celui-ci s’était déjà distingué en tant qu’archevêque de Cracovie par son souhait de construction d’une église à Oświęcim pour faire mémoire des victimes des camps, projet porté par l’abbé Gorny et qui devint l’église St-Maximilien en l’honneur du père Kolbe. On peut penser que l’initiative du cardinal Macharski en 1984 de fonder un carmel à Auschwitz était une réponse à un vœu exprimé par le pape lui-même. Selon l’ambassadeur Krzysztof Sliwinski, il est certain que le cardinal Wojtyła, alors archevêque de Cracovie, souhaitait établir un couvent à Auschwitz, mais que le régime ne le permettait pas à l’époque24. Pour le pape, il était inconcevable qu’un lieu ayant connu un drame aussi immense soit laissé au pouvoir séculier, voire athée. Il fallait qu’il soit marqué par une présence religieuse et devienne un lieu de prière et d’expiation. Les carmélites devaient ainsi concrétiser cette volonté et rendre compte de la signification spirituelle du drame d’Auschwitz25. Tout en poursuivant un but très noble, cette volonté du pape de créer un lieu de repentir et de prière à Auschwitz était inacceptable pour les juifs, qui y voyaient un non-sens et n’acceptaient pas qu’on veuille donner une signification chrétienne à la souffrance vécue en ce lieu.
14Le cardinal Wojtyła n’ayant pu réaliser son souhait d’établir un lieu de prière à Auschwitz, c’est son successeur, le cardinal Macharski qui entreprit de répondre au vœu exprimé par le pape lui-même. Dans un document inédit transmis au père Michel de Goedt en 1991, il est écrit :
15« Fundatio in Oświęcim / desiderata ab ipso Joanne-Paulo II, olim Archiepiscopo Cracoviensi / habebit specialem significationem propter affinitatem loci, in quo martyrium compleverunt S. Maximilianus et Serva Dei S. Benedicta a Cruce E. Stein. Nunc iam a gubernio civili, cura Emin. Card. Macharski, condonatum est aedificium cum sufficiente terreno, monasterio adaptandum. Adiungo documentum Archiepiscopi, suscipientis Moniales ex monasterio posnaniensi. Actum vero Capituli posnaniensis, M. Priorissa immediate mittet ad Curiam Generalem »26
16Persuadé que le pape souhaitait la présence d’un carmel, le cardinal Macharski résista donc pendant tout un temps non seulement à faire appliquer les accords de Genève mais aussi à les faire connaître. Pour débloquer la situation, une parole explicite du pape semblait nécessaire27
17Le pape était-il au courant de l’accord de Genève et y était-il favorable ? S’il ne fut pas directement bien informé de celui-ci, on sait avec certitude qu’en octobre 1988 Jean-Paul II en avait eu connaissance et y était favorable. En effet, lors de sa venue en France, il avait rencontré le cardinal Decourtray à Strasbourg et il lui avait dit : « pacta sunt… » – « les accords doivent être respectés ». Ainsi, malgré l’ambiguïté régnant autour de l’accord, le pape considérait bien la déclaration de Genève II comme un engagement de l’Église catholique, alors que les Polonais et notamment l’épiscopat polonais ne le voyaient que comme un accord de principe28
18L’affaire du carmel d’Auschwitz permit au pape Jean-Paul II d’évoluer considérablement par rapport à sa conception d’Auschwitz, de la Shoah et de la repentance. S’étant mis à l’écoute de la souffrance juive, il comprit les raisons qui rendaient ce lieu inapte à accueillir un lieu de prière de quelque religion que ce soit.
Questions que se pose le monde juif
19Au cours des années 1987 et 1988, les négociateurs catholiques de Belgique et de France étaient loin de se douter des nombreuses difficultés rencontrées en Pologne et de la position inconfortable dans laquelle se trouvait l’archevêque de Cracovie. Loin d’eux la pensée que le cardinal Macharski pouvait tenir un double langage et que les choses n’avançaient pas sur le terrain. Lors d’une rencontre entre le Dr Riegner et l’évêque responsable de la commission polonaise pour les relations avec le judaïsme, Mgr Henryk Muszyński*, le représentant du CJM apprit que la version polonaise de l’accord de Genève n’évoquait aucun déplacement du carmel. L’expression « trouvera sa place » était traduite d’une façon qui ne laissait aucun doute là-dessus. Cela soulevait un grave problème d’interprétation car les versions de l’accord de Genève n’avaient pas la même signification selon qu’elles étaient écrites en français ou en polonais. La question était alors de savoir quelle version de l’accord servait de référence en Pologne pour les évêques, pour le gouvernement et pour l’opinion publique29. On commençait à douter de la véracité des dires de F. Macharski sur les accords de Genève à ses collègues de l’épiscopat30
20Le monde juif finit par se poser des questions. Dans une lettre de l’été 1987 à l’archevêque de Paris, Théo Klein, qui – selon les accords de Genève – devait être tenu au courant de l’avancement des projets par le cardinal polonais, s’inquiétait de ne pas recevoir de nouvelles de Pologne31. Quelques mois plus tard, en novembre 1987, le Dr Riegner – comprenant l’imbroglio – déplorait auprès du père Dupuy :
21« Quand on s’apercevra qu’on nous a tout caché et qu’on s’est moqué de nous, ce sera terrible. Il y aura un scandale. Je me suis attaché à éteindre les remous de la visite de Waldheim au Vatican et maintenant on va se rendre compte que tout le frein est venu non pas du gouvernement polonais, comme on nous et vous le dit, mais bien de l’Église elle-même ; c’est trop »32
22Pendant de nombreux mois en effet, le cardinal Macharski avait expliqué le retard pris dans la mise en application de l’accord par le silence du gouvernement polonais. Or, il n’en était rien.
23Ce qui accrut l’inquiétude de la communauté juive fut le silence de Rome, silence qui s’accompagna pendant cette période de deux événements qui semèrent le doute dans l’esprit des juifs : la béatification d’Édith Stein33 le 1er mai 1987 et la réception de Kurt Waldheim34 au Vatican le 25 juin 1987.
24Un an après les accords, les choses n’avaient pas changé de manière tangible. L’accord de Genève restait interprété de manière différente par l’Église polonaise d’un côté et par les organisations juives et les Églises française et belge de l’autre côté. Alors que l’épiscopat polonais continuait à manifester son opposition à l’application de la décision de Genève, on voyait en France le cardinal Decourtray réaffirmer avec force qu’il fallait que « cet accord soit respecté coûte que coûte35 ».
25En Pologne, les religieuses du carmel maintenaient fermement qu’elles n’avaient pas été informées d’une quelconque décision de l’épiscopat polonais en vue de leur réinstallation, de sorte que non seulement elles étaient loin de se préparer à quitter Auschwitz mais de plus elles poursuivaient les travaux entrepris pour aménager leur carmel. Plusieurs personnes eurent l’occasion de remarquer la poursuite des travaux lors de voyages à Auschwitz, comme ce fut le cas du rabbin Daniel Farhi36 lors d’un pèlerinage organisé en avril 198837. Théo Klein, mis au courant de cette situation, écrivit aux quatre cardinaux expliquant qu’il attendait « avec urgence » les raisons du silence prolongé, « sans quoi nous serions obligés de considérer que les engagements pris ne seront pas tenus ». L’absence d’informations se faisait cruellement sentir pour le président du CRIF : « trop nombreux sont ceux qui, dans la communauté juive, n’ont pas eu foi dans nos accords », écrivait-il aux cardinaux38. Il est vrai qu’au sein de la communauté juive, les membres de la délégation menée par T. Klein ne furent pas toujours compris, loin de là. Beaucoup parmi elle lui reprochaient d’avoir fait confiance aux catholiques. Le grand rabbin Sirat affirme qu’il fut le seul rabbin à participer aux rencontres de Genève, car aucun autre rabbin n’avait voulu y participer ou même l’accompagner39. Seul le rabbin Farhi, qui avait prévenu T. Klein de la poursuite des travaux au carmel40, manifesta sa confiance dans les démarches accomplies par les délégations juive et catholique.
Interrogations naissant dans le monde catholique en France et en Belgique
26Environ un an après les accords de Genève, les membres de la délégation catholique de France et de Belgique commencèrent aussi à se poser des questions sur le silence de l’évêque polonais et sur la situation en Pologne. En avril 1988, le père Dupuy – prenant conscience de la situation véritable – écrivait que pendant 18 mois, « nous avons cru que les difficultés rencontrées par le cardinal Macharski étaient de nature politique ». Or « il semble que le cardinal Macharski ait délibérément entretenu à l’égard des juifs l’illusion d’un conflit avec les autorités administratives polonaises41 ». Le père Dujardin comprit lui aussi que les concessions faites à la demande de la délégation polonaise lors de Genève II n’étaient pas anodines et pouvaient avoir des conséquences pour l’application des accords. La signification différente du mot « place » qui – alors qu’il revêtait pour les juifs et les membres catholiques français et belges un sens de « déplacement » – était interprétée dans un sens figuré par les Polonais. Le cardinal Andrzej Maria Deskur, évêque polonais de la curie romaine, avait d’ailleurs dit à B. Dupuy et J. Dujardin, lors d’un entretien le 23 avril 1988, que le « centre engloberait le carmel » ajoutant que « seul un char peut déplacer un lieu de culte en Pologne ». Suite au refus du cardinal Macharski de faire référence à l’inscription de l’UNESCO, on avait inséré au second paragraphe du no 3, une phrase qui, pour les signataires, levait toute ambigüité : « il n’y aura pas de lieu de culte catholique permanent sur les territoires d’Auschwitz et de Birkenau ». Mais les négociateurs occidentaux découvraient avec stupéfaction en 1988 que l’accord de Genève laissait le débat ouvert sur les limites géographiques du camp. Pour les Polonais, le carmel n’était pas situé dans le camp d’Auschwitz I42
27Petit à petit, la délégation catholique occidentale prit conscience que derrière ce problème du carmel se cachait un enjeu théologique beaucoup plus important. En effet, on se trouvait face au problème fondamental de la reconnaissance d’Auschwitz par les chrétiens comme symbole de la Shoah. Pour sortir de cette situation d’incompréhension et de stagnation, les participants catholiques de Genève comprirent qu’une parole claire du cardinal Macharski sur le déménagement du carmel était nécessaire avant février 1989. De même, ils estimèrent qu’il fallait aider l’archevêque polonais qui subissait des pressions empêchant le transfert du carmel. Un soutien des trois autres cardinaux signataires de Genève était vivement souhaité ainsi que l’appui du Saint-Siège.
Efforts pour tenter de changer les mentalités en Pologne
28La situation polonaise a rendu complexe la mise en application des accords de Genève. Ainsi, les relations entre juifs et catholiques n’ont pas suivi les avancées que l’on connaissait en France ou en Belgique.
29Dans la première République de Pologne (1569-fin 18ème siècle), le pays constituait un asile de tolérance religieuse pour les juifs. Suite aux partages de la Pologne à la fin du 18ème siècle, la situation changea radicalement. Polonais et juifs vécurent sous domination étrangère, prussienne, russe et autrichienne. Cette période de partition vit le développement d’un nationalisme polonais intense. Le catholicisme occupa une place très importante dans ce processus et l’Église devint le chef de file de la défense de l’identité nationale. L’idée que tout bon Polonais était catholique émergea à cette époque. La recherche de l’unité du peuple polonais et l’effort de la nation pour recouvrer son indépendance se firent par le biais d’un nationalisme doté d’une forte composante religieuse. De son côté, la communauté juive changea en profondeur et évolua de deux manières différentes par rapport à son environnement. Ce double mouvement était le résultat de l’influence de deux courants opposés : le hassidisme (renouveau religieux du 18e siècle, caractérisé par une recherche joyeuse de la présence de Dieu dans la fidélité à la tradition) qui poussa la communauté à se replier sur elle-même et la Haskhala (ou Lumières, apparues au 18ème siècle) qui encouragea l’adaptation et l’assimilation des juifs à la culture ambiante. Tout comme ce fut le cas pour les Polonais, des aspirations nationales virent le jour. Le sionisme qui apparut au 19ème siècle rencontra un succès important parmi les juifs des territoires polonais et ce courant contribua à augmenter la conscience nationale de la population juive.
30Après la Première Guerre mondiale, la Pologne retrouva son indépendance. Dans ce pays formé de plusieurs peuples, les juifs représentaient la plus importante minorité du pays (10 % de la population). Ce nouvel État s’écartait sensiblement de l’idéal de tolérance qui avait prévalu lors de la première République polonaise. Privée de son indépendance pendant un siècle et demi, la deuxième République cherchait à affirmer le caractère polonais de l’État au détriment des minorités. Des violences à l’encontre de la population juive et des pogroms furent commis dès les lendemains de l’indépendance de la nation43
31Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Polonais furent, comme nation, les premières victimes de l’idéologie raciale du national-socialisme. Avant que ne soit décidé à Wannsee la mise en œuvre de la « Solution finale », il existait déjà un plan analogue de destruction de l’intelligentsia polonaise44. Les Polonais se retrouvaient ainsi à nouveau menacés de perdre leur indépendance et leur identité. En ce qui concerne les juifs, la Shoah fut en Pologne plus tragique que dans n’importe quel autre pays européen. En moins d’un an, de 1942 à 1943, l’essentiel de la communauté juive de Pologne fut détruit, soit plus de 3.000.000 de juifs45 Pendant la guerre, l’attitude de l’Église polonaise à l’égard des juifs connut des divergences, allant de l’aide concrète à apporter aux juifs, aux sermons de certains prêtres déconseillant de soutenir ces derniers, en passant par le silence de l’épiscopat.
32La Pologne de l’après-guerre concédée par les puissances occidentales aux communistes (lors des conférences de Yalta et de Potsdam) jouissait d’une plus grande homogénéité de population : 97 % des citoyens étaient de nationalité polonaise suite à l’extermination massive des juifs, à leur départ de Pologne après la guerre46, ainsi qu’au brassage des populations47. Les juifs n’y avaient plus de place. Le régime renforça la tendance nationaliste et l’Église s’érigea en bastion contre le régime socialiste, exploitant l’idée que tout bon Polonais était catholique. Après la guerre, l’attitude de l’Église envers les juifs fut contrastée. Face à la petite communauté juive qui avait survécu48, elle adopta une position oscillant entre indifférence, hostilité et une sorte de compassion. Face au discours historique du régime sur la Seconde Guerre mondiale, l’Église restait silencieuse sur cette période et s’accommodait d’une histoire strictement polonaise49
33Pendant près de quarante ans, de 1945 à 1983, aucune relation n’exista entre les juifs et l’Église catholique. Il fallut attendre 1983 – sous le pontificat de Jean-Paul II – pour que l’Église polonaise participe officiellement aux commémorations de l’insurrection du ghetto de Varsovie, qui avaient lieu régulièrement depuis 1948. En mai 1986 – indépendamment de l’affaire du carmel – la conférence des évêques polonais créa une sous-commission pour les relations avec le judaïsme, sous la présidence de Mgr Henryk Muszyński, évêque de Włocławek, ayant pour secrétaire le père Stanisław Musial50
34Jusqu’à la fin des années 1980, deux tendances cohabitaient dans l’Église polonaise : une aile libérale, ouverte (notamment autour du mensuel catholique polonais Znak et de Tadeusz Mazowiecki51) et, face à celle-ci, un petit et moyen clergé qui semblait avoir retrouvé les idées rétrogrades et racistes du parti chrétien-populaire et se caractérisait par de l’antisémitisme et une opposition aux juifs52. Il était donc fondamental d’œuvrer à une meilleure connaissance des juifs pour lutter contre ces préjugés, tâche que s’était donnée la sous-commission polonaise pour les relations avec le judaïsme (par le biais d’organisation de rencontres avec des juifs, de publications sur l’histoire des juifs en Pologne, de l’enseignement dans les séminaires, etc.). Un tournant était donc en train de s’amorcer en Pologne à la fin des années 1980. Ce réveil de l’Église polonaise par rapport aux juifs eut lieu parallèlement aux débats entamés sur cette question par les cercles de catholiques laïcs comme Znak, Tygodnik Powszechny et KIK (Klub Inteligencji Katolickiej ou Club de l’Intelligentsia Catholique53). La mutation des mentalités prit du temps. C’est ce qui explique en partie le retard constaté dans l’application de la solution de Genève. Fin 1988, Mgr Muszyński assurait le père Dujardin que les accords seraient respectés mais que les délais ne pourraient pas être tenus. En revanche, ajoutait-il, l’Église de Pologne s’engageait à éduquer ses prêtres et ses fidèles, car ni les évêques, ni les prêtres, ni la communauté chrétienne polonaise ne pouvaient comprendre le déplacement du carmel54
35Des initiatives se mirent en place pour tenter d’éclairer les mentalités polonaises et notamment pour informer les religieuses. Elles ne portèrent pas toujours les fruits espérés, comme le montre l’exemple suivant. En décembre 1988, deux carmélites françaises (sœur Anne-Pascale de Fourvière et sœur Marie-Chantal, sous-prieure du Reposoir) séjournèrent – avec l’accord du cardinal Macharski (sous réserve de garder le secret) – chez leurs consœurs polonaises pendant une semaine afin de leur expliquer le problème et de les inviter à accepter un transfert de leur couvent. Revenues en France, elles expliquèrent que les arguments avancés pour le déplacement du carmel avaient été accueillis très froidement par les religieuses d’Auschwitz55. Le père Dujardin – conseillé par le père M. Głownia – se rendit aussi chez les carmélites, bien que le cardinal Macharski ait cherché à l’en dissuader : « non n’allez pas les voir, elles vont vous considérer comme le diable ». Lorsqu’il aborda le problème du carmel à Auschwitz, il se heurta à une incompréhension totale de la part des religieuses56. Cette attitude des religieuses n’évoluera pas au fil du temps.
20 décembre 1988 : rencontre de Paris
36À l’automne 1988, malgré la bonne volonté des signataires français et belges et celle de plusieurs personnalités polonaises comme Mgr Muszyński ou le père Musial, la situation semblait bloquée et le cardinal Macharski encerclé. On ne voyait pas comment la situation pourrait se débloquer sans une parole explicite du pape57. Pourtant, les négociateurs catholiques savaient depuis longtemps que le pape ne souhaitait pas intervenir sur cette question, car il avait été lui-même archevêque de Cracovie (raison officielle) et avait souhaité la construction de ce carmel (raison officieuse) avant de comprendre le refus des juifs d’établir un lieu de prière catholique sur le site de la Shoah. Le pape avait toujours souhaité que ce soit le cardinal Macharski, soutenu par l’ensemble des évêques polonais, qui prenne la décision du transfert58
37Dans ce contexte, une réunion fut organisée le 20 décembre 1988 à Paris. Cette rencontre représentait un enjeu important car, en Pologne, de nombreux évêques estimaient que le Saint-Siège avait demandé au cardinal Macharski de résister. On le pensait également du côté juif. Seuls les signataires de l’accord, catholiques et juifs, voyaient les choses autrement. La rencontre de Paris devait donc lever le soupçon sur le fait que les retards survenus dans l’application de l’accord devaient être attribués à une volonté de résistance des évêques polonais, résistance appuyée selon ces derniers par le pape59. On avait envisagé que le cardinal Willebrands participe à cette rencontre, ce qui aurait eu une portée significative puisqu’il était considéré comme le représentant du pape en matière de relation avec le judaïsme. Finalement, il ne put se rendre à Paris, une situation qui fut interprétée comme une décision venant d’en haut60. Avant la réunion, on constata qu’il y avait une divergence à l’intérieur même de la délégation catholique sur l’interprétation à donner à l’accord de Genève II61. Pour les Polonais, le transfert du carmel n’entrait plus en ligne de compte et on s’attachait uniquement à la construction du centre. Il fallut du temps pour que les conceptions évoluent. La réunion fut retardée pour laisser le temps à la délégation catholique d’expliquer au cardinal Macharski les raisons théologiques du déplacement du carmel et les conséquences que cela aurait sur le dialogue avec les juifs (notamment en matière de crédibilité des paroles du pape sur le judaïsme)62
38La rencontre entre les deux délégations eut finalement lieu le 20 décembre 198863. À côté de Français, de Belges et de Polonais, on note la présence du rabbin Léon Feldman des États-Unis, représentant de l’IJCIC (International Jewish Committee on Interreligious Consultations64). Sa présence montre que le problème dépassait désormais le débat européen et que la question devenait un enjeu mondial. On constata le retard pris dans le respect des accords de Genève mais le cardinal Decourtray affirma qu’en dépit des difficultés rencontrées dans l’exécution des accords de Genève, l’Église tiendrait ses engagements. Dans son intervention, le professeur Steg dénonça quant à lui le mépris qu’affichaient les sœurs à l’égard des visiteurs juifs. Il tint un discours assez vigoureux et désespéré car les juifs craignaient un retour des évêques sur leur parole. Le grand rabbin Sirat proposa d’organiser un pèlerinage à Auschwitz le 22 février 1989 pourvu que cela coïncide avec un geste significatif concernant l’accord. Le cardinal Macharski se rallia immédiatement à cette proposition65. Un communiqué commun devenait donc possible et celui-ci réaffirmait les volontés des uns et des autres de respecter les engagements de Genève :
Les délégations catholiques et juives, réunies ce jour à Paris, ont décidé de poursuivre leurs travaux. Les deux coprésidents, Monsieur le cardinal Decourtray et Maître Théo Klein, se rencontreront de nouveau avant la fin janvier 1989 pour en tirer les conclusions. Chacune des deux délégations a souligné sa détermination d’exécuter ou de voir exécuter intégralement les accords de Genève I et II66
Notes de bas de page
1 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, document écrit parB. Dupuy, 21/11/1987.
2 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, document écrit par B. Dupuy, 21/11/1987.
3 Entretien avec J. Dujardin, 16/06/2010.
4 Maximilien Kolbe (1894-1941) : franciscain polonais ordonné prêtre en avril 1918. Il fut arrêté en février 1941 par la Gestapo et offrit sa vie quelques mois plus tard pour un père de famille condamné à mourir dans le bloc des condamnés à Auschwitz 1. Il fut canonisé par Jean-Paul II le 10 octobre 1982. On lui reprocha d’avoir tenu et écrit des propos à caractère antisémite et d’avoir accorde du crédit aux « Protocoles des Sages de Sion », mais il faut tenir compte du contexte de l’époque qui encourageait de pareilles attitudes.
5 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, lettre de F. Macharski à J.-M. Lustiger, 27/04/1987.
6 Entretien avec M. Głownia, 11/11/2010 et entretien avec J. Dujardin, 16/06/2010.
7 Conversations avec M. Krzysztof Sliwinski à Chevetogne, les 24, 25, 26 et 27/07/1987 ; conversation téléphonique avec Bernard Dupuy, 15/06/1987 (documents mis à disposition par T. Barnas).
8 Albert Decoutray, Trois raisons de l’accord de Genève sur Auschwitz, dans La Documentation catholique, 84, 1944 (19/07/1987), p. 774-775.
9 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, déclaration de F. Macharski sur Radio Vatican, 25/02/1987.
10 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, notes de B. Dupuy, 23-24/04/1988.
11 Entretien avec J. Dujardin, 16/06/2010.
12 Het Karmelietessenklooster te Auschwitz. De controverse, haar implicaties, de huidige toestand, de Thaddée Barnas, 27/03/1995 (document mis à disposition par T. Barnas).
13 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, document écrit par B. Dupuy, 21/11/1987.
14 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, carton 50, lettre de J.-M. Lustiger à F. Macharski, 8/09/1989 ; Malgré l’opposition des organisations juives. L’archevêque de Cracovie est favorable à l’installation d’un carmel à Auschwitz, dans Le Monde, 22/02/1986, p. 3. ; Stanisław Gądecki, Conclusion, dans Vérités des uns et celles des autres…, p. 218.
15 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, état de la situation fait par B. Dupuy, 15/11/1987.
16 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, état de la situation fait par B. Dupuy, 15/11/1987.
17 La voïvodie est une division administrative de la Pologne, qui correspond à une région.
18 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, état de la situation fait par B. Dupuy, 15/11/1987.
19 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, lettre de W. Loranc à G. Riegner, 31/12/1987.
20 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, note de J. Dujardin, 23-24/04/1988.
21 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, communiqué de presse du CJM : les autorités polonaises approuvent l’accord sur le couvent à Auschwitz, 15/01/1988.
22 Entretien avec J. Dujardin, 16/06/2010.
23 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, notes de B. Dupuy en vue de la rencontre du 20/12/1988, 8/12/1988.
24 Conversations avec M. Krzysztof Sliwinski à Chevetogne, les 24, 25, 26 et 27/07/1987 (documents mis à disposition par T. Barnas).
25 Jonathan Huener, Mémoire catholique et commémoration à Auschwitz, dans Jean-Charles Szurek et Annette Wieviorka (éd.), Juifs et Polonais, 1939-2008 (Bibliothèque Histoire), Paris, Albin Michel, 2009, p.435-460.
26 Traduction : La fondation à Auschwitz, très attendue par Jean-Paul II lui-même, jadis archevêque de Cracovie, aura un sens particulier à cause de son voisinage avec le lieu (littéralement : « à cause du voisinage du lieu »), où saint Maximilien et la servante de Dieu, sainte Bénédicte de la Croix, Édith Stein, accomplirent leur martyre. Maintenant, un édifice a été donné par le gouvernement civil, sous la responsabilité de son éminence le cardinal Macharski, avec un terrain adéquat, pour que le monastère l’adapte. Je joins un (ou « le ») document de l’archevêque qui accueille les moniales du monastère de Poznan. Quant à l’acte du chapitre de Poznan, la grande (M. = magna) prieure l’enverra immédiatement à la Curie générale. Source : Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, carton 51, documents envoyés par le père Philippe Hugelé à Michel de Goedt concernant la fondation du carmel et sa juridiction, 8/08/1991 : lettre du provincial de Pologne au P. général, Philippe Sainz de Baranda concernant les nouvelles fondations d’Oświęcim, Katowice et Wloclawek, 25/05/1984.
27 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, notes de B. Dupuy en vue de la rencontre du 20/12/1988, 8/12/1988.
28 Entretien avec J. Dujardin, 16/06/2010.
29 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, état de la situation fait par B. Dupuy, 15/11/1987.
30 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, état de la situation fait par B. Dupuy, 15/11/1987.
31 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, note de J. Dujardin, 23-24/04/1988.
32 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, état de la situation fait par B. Dupuy, 15/11/1987.
33 Édith Stein (1891-1942) : carmélite d’origine juive, elle fut élève du philosophe Husserl. Arrêtée dans le carmel d’Echt aux Pays-Bas par la Gestapo le 2 août 1942 avec sa sœur, toutes deux furent déportées et gazées à Auschwitz-Birkenau. Elle fut béatifiée par Jean-Paul II le 1er mai 1987 et canonisée le 11 octobre 1998.
34 Kurt Waldheim (1918-2007) : ancien secrétaire général de l’ONU, il fut le président de l’Autriche de 1986 à 1992. Convaincu d’avoir été un officier de la Wehrmacht pendant la Seconde Guerre mondiale, il fut mis à l’écart par presque tous les États démocratiques. Le 25 juin 1987, il fut reçu en audience par le pape Jean-Paul II, ce qui suscita un tollé général de la communauté juive mondiale et des organisations chrétiennes de dialogue avec le monde juif.
35 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, état de la situation fait par G. Riegner pour Mgr Duprey, vice-président de la commission pour les relations religieuses avec le judaïsme au Vatican, 7/04/1988.
36 Daniel Farhi (1941) : rabbin français qui, après avoir été rabbin de l’Union libérale israélite de France de 1967 à 1977, fut l’un des fondateurs du Mouvement juif libéral de France (MJLF).
37 Paris, Saulchoir, Dupuy, carton « carmel d’Auschwitz », lettre de D. Farhi à T. Klein, 19/04/1988 ; Robert Dreyfus, Pèlerinage à Auschwitz, dans Sens, 6 (1988), p. 201-203.
38 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, lettre de T. Klein aux quatre cardinaux, 20/04/1988.
39 Entretien avec R.-S. Sirat, 2/03/2009.
40 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, lettre de T. Klein aux quatre cardinaux, 20/04/1988.
41 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, notes de B. Dupuy, 23-24/04/1988.
42 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, notes de J. Dujardin, document non daté mais visiblement écrit le 9/01/1989.
43 Thaddée Barnas, Een historische verkenning van de relaties tussen Joden et Polen, dans Ter Herkenning, 18 (1990/2), p.87-102 (article publié également sous le titre : Un survol des relations entre les juifs et les chrétiens vivant en Pologne, dans La Foi et le Temps, 20 (1990/4), p. 340-358.). Cet article est un résumé de l’histoire des relations entre les juifs et les Polonais depuis le 10e siècle jusqu’à 1990 et présente les grandes étapes des relations entre ces deux communautés. Pour plus de détails, voir Daniel Beauvois, La Pologne. Histoire, société, culture, Paris, La Martinière, 2004, p. 113-350.
44 Les Polonais – étant de race slave – étaient considérés par les nazis comme appartenant à une race sous-humaine et les nazis prévoyaient que celle-ci cède la place à la race germanique. Il fallait éliminer l’intelligentsia polonaise dans le but de mieux réduire le peuple polonais en esclavage.
45 Thaddée Barnas, Églises et minorités en Europe post-communiste, dans Irénikon, 66, 3 (1993), p.307-334 ; Daniel Beauvois, La Pologne…, p. 367-375.
46 Les survivants juifs quittèrent la Pologne à cause des pogroms et à la suite de la vague d’antisémitisme de 1967.
47 Celui-ci eut pour résultat que les Ukrainiens et les Biélorussiens de Pologne se retrouvèrent dans d’autres régions comme la Silésie et autour de la mer Baltique (régions perdues à Potsdam au profit de l’URSS).
48 Au début de la guerre, les juifs étaient environ 3,5 millions en Pologne. À la fin de la guerre, la communauté juive avait presque cessé d’exister. Elle se trouva réduite à 35.000 juifs, c’est-à-dire 1% de la population juive d’avant-guerre.
49 Théo Klein, L’affaire du carmel…, p. 102-105 ; Jean-Yves Potel, La fin de l’innocence. La Pologne face à son passé juif (Autrement Frontières), Paris, Autrement, 2009, p. 26.
50 Sur la sous-commission, cf. Henryk Muszyński, Polish Bishops’Sub-Commission for Relations with Judaism, traduit du polonais en anglais par Maria Balinska, dans Christian Jewish Relations, 21, 1 (1988), p. 61-65.
51 Tadeusz Mazowiecki (1927) : intellectuel catholique polonais, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Solidarność, membre de l’opposition au gouvernement communiste, il fut élu premier ministre en août 1989, charge qu’il remplit jusqu’en décembre 1990, mois qui vit l’arrivée au pouvoir de Lech Walesa en tant que président de la République.
52 Jean Dujardin, Propos recueillis par Claude-François Jullien. Juifs, catholiques. La déchirure ? Dossier, dans Le Nouvel Observateur, 1293 (17-23/08/1989), p. 46-47 ; Théo Klein, L’affaire du carmel…, p.102105 ; Gerhart M. Riegner, Ne jamais désespérer. Soixante années au service du peuple juif et des droits de l’homme, Paris, Le Cerf, 1998, p. 437.
53 Les étapes-clés de ces changements en Pologne sont : en 1983 la publication d’un numéro de Znak sur le judaïsme et les juifs (première fois que ce sujet était abordé en montrant qu’un jour la mémoire polonaise devra s’affronter à la mémoire juive) ; en 1983 toujours, l’Église de Pologne participa pour la première fois aux commémorations de l’insurrection du ghetto de Varsovie qui avaient lieu tous les ans depuis 1948 ; en 1985, le film « Shoah » de Claude Lanzmannqui – par sa présentation négative des Polonais pendant la guerre – vint bouleverser la réflexion neuve qui avait été introduite par les intellectuels polonais sur le judaïsme ; en 1986, la création d’une sous-commission pour les relations avec le judaïsme sous la direction de Mgr Muszyński, commission qui fut le fruit de l’évolution des mentalités et non la conséquence de l’affaire du carmel ; en 1987, l’article de Jan Blonski, Le regard du pauvre polonais, dans Tygodnik Powszechny, article qui était un commentaire de deux poèmes du prix Nobel C. Milosz et qui donna lieu à une immense controverse en Pologne par sa dénonciation de l’indifférence polonaise face au ghetto de Varsovie en flammes.
54 Maredsous, AM, Passelecq, carton « Correspondance 2 », lettre de J. Dujardin à G. Passelecq, 14/12/1988.
55 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, notes manuscrites de J. Dujardin, décembre 1988 ; résumé d’entretiens avec B. Dupuy à propos du carmel d’Auschwitz au centre Istina à Paris, les 15 et 17 février 1989 (documents mis à disposition par T. Barnas).
56 Entretien avec J. Dujardin, 16/06/2010.
57 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, notes de B. Dupuy en vue de la rencontre du 20/12/1988, 8/12/1988 ; entretien avec J. Dujardin, 16/06/2010.
58 Entretien avec J. Dujardin, 16/06/2010.
59 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, étude de B. Dupuy sur l’éventualité et la signification d’une venue du cardinal Willebrands à la réunion de Paris le 20/12/1988, 14/12/1988.
60 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, carmel d’Auschwitz. Préparation de la conférence du 20/12/1988, téléphone de G. Riegner à B. Dupuy, 16/12/1988.
61 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, note de J. Dujardin, document non daté mais visiblement écrit le 9/01/1989.
62 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, note de J. Dujardin, document non daté mais visiblement écrit le 9/01/1989 ; résumé d’entretiens avec B. Dupuy à propos du carmel d’Auschwitz au centre Istina à Paris, les 15 et 17 février 1989 (document mis à disposition par T. Barnas).
63 Cette réunion avait été prévue le 19 décembre, mais à la suite de mises au point nécessaires du côté catholique, elle fut reportée au 20 décembre.
64 L’International Jewish Committee on Interreligious Consultations (ou Comité juif international pour les consultations religieuses) est l’organe juif de dialogue avec le monde catholique. Il fut l’interlocuteur du Bureau du Vatican pour les relations avec les juifs de 1969 à 1974 et, depuis lors, il est l’interlocuteur de la Commission pour les relations religieuses avec les juifs (du Vatican). Avec cette instance catholique, il forme le Comité de liaison ou ICJLC (International Catholic-Jewish Liaison Committee). L’IJCIC est composé des grandes organisations juives telles le Congrès juif mondial, le B’nai B’rith international, l’American Jewish Committee, etc.
65 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, note de J. Dujardin, document non daté mais visiblement écrit le 9/01/1989 ; Het Karmelietessenklooster te Auschwitz … (document mis à disposition par T. Barnas) ; entretien avec A. Steg, 12/03/2009.
66 Issy-les-Moulineaux, Cnaef, CERJ, farde 49, communiqué commun final, 20/12/1988.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L’affaire du carmel d’Auschwitz (1985-1993)
Implication des Églises belge et française dans la résolution du conflit
Thérèse Hebbelinck
2012
Femmes cloîtrées des temps contemporains
Vies et histoires de carmélites et de clarisses en Namurois, 1837-2000
Anne-Dolorès Marcélis
2012