Chapitre 1. Tours et détours du nouveau traité
p. 69-78
Texte intégral
1Il fallut près de huit ans après la Déclaration de Laeken pour que les ambitions qu’elle contenait se concrétisent. Les nouveaux « leaders » que la Convention avaient créés en 2003 ne purent être mis en place qu’à la fin de 2009.
2Le Traité constitutionnel, en effet, ne résista pas aux premiers référendums organisés pour sa ratification en France et en Allemagne au printemps 2005. Il fallait tout recommencer ! Après une période de réflexion plutôt sombre mais qui suffit à confirmer qu’un nouveau traité était indispensable, on commença discrètement à détricoter le Traité constitutionnel pour lui donner les apparences d’une simple modification des traités actuels.
3L’exercice, entamé à Bruxelles par le service juridique du Conseil, fut « transformé » par la présidence allemande au premier semestre 2007. Elle obtint le mandat de convoquer une Conférence intergouvernementale sur un « traité modificatif »- aux apparences suffisamment modestes pour que des référendums ne soient pas nécessaires, mais qui reprenait l’essentiel de la substance du Traité constitutionnel.
4Quelques mois plus tard, en décembre 2007, le Traité de Lisbonne était signé. On commença aussitôt à identifier le profil du président permanent idéal - et c’est le nom de Tony Blair qui domina le débat. On se mit aussi discrètement à préparer la mise en place du SEAE, qui d’emblée suscita une homérique bataille bureaucratique entre institutions. Mais tout ce travail préparatoire fut brutalement interrompu lorsqu’en Irlande, le seul pays à avoir organisé un référendum, le non l’emporta.
5Il fallut donc plus d’un an encore pour qu’un nouveau référendum en Irlande, positif cette fois, permette de reprendre les travaux préparatoires. Après d’ultimes péripéties, le processus de ratification du Traité de Lisbonne s’acheva enfin début novembre 2009. Le traité devait donc entrer en vigueur le premier décembre, ce qui laissait moins d’un mois pour choisir les nouveaux leaders.
2.1.1. L’échec du Traité constitutionnel et le « petit traité »
6On s’attendait à des moments difficiles en 2005 avec le référendum sur le Traité constitutionnel annoncé en Grande-Bretagne ; mais la mauvaise surprise vint dès le mois de mai, avec le résultat négatif tout à fait inattendu de deux référendums en France et aux Pays-Bas. Aussitôt, le processus de ratification fut interrompu et commença une « période de réflexion » qui devait durer jusqu’en juin 2006.
7D’où allait venir le leadership nécessaire pour sortir l’Union de l’impasse où elle s’était enfoncée ?
8La réaction vint en quatre temps : d’abord la recherche de solutions pragmatiques à traité constant ; ensuite des efforts pour conclure de petits traités thématiques ; puis un discret travail juridique visant à intégrer les innovations du traité dans les traités existants ; enfin, le leadership déterminant d’Angela Merkel, pendant la présidence allemande du premier semestre 2007, qui transforma en accord politique un détricotage opéré par le service juridique du Conseil.
9Le désarroi provoqué par les référendums en France et aux Pays-Bas incita la plupart des États qui avaient aussi programmé une consultation populaire à y renoncer. Le traité était mort et l’Union en pleine crise. Quel spectacle donné aux dix nouveaux États-Membres ! Mais surtout quelle démonstration du fossé qui sépare les « maîtres de l’Europe » du citoyen. Y avait-il une alternative pour relancer l’Union « à traité constant » ?
10Tony Blair, dont la présidence du Conseil européen commençait le 1er juillet 2005, fit un grand discours au Parlement européen sur la nécessité de réconcilier l’Union avec ses citoyens ; il programma un sommet extraordinaire à Hampton Court en octobre au cours duquel fut lancé le projet d’un « fonds d’ajustement à la globalisation ». Mais si l’objectif des efforts britanniques était de faire oublier le Traité constitutionnel par des débats sur des sujets comme la globalisation et l’immigration, il échoua : l’Union avait besoin des innovations du traité.
11Il ne fallut pas longtemps en effet pour qu’on réalise que le président permanent du Conseil européen, le ministre des Affaires étrangères et d’autres innovations essentielles du Traité constitutionnel, soutenues par de larges majorités au sein de l’Union, ne pouvaient être mises en place que via un nouveau traité63.
12On songea donc à isoler les éléments essentiels et à préparer des traités « thématiques » séparés les uns des autres. Mais comment établir le poste de ministre des Affaires étrangères à double casquette sans redéfinir le rôle du président du Conseil européen dans les affaires extérieures ? Comment arbitrer entre les priorités des uns et des autres ?
13L’essentiel était évidemment de trouver le moyen de neutraliser les réticences de certains États-Membres particulièrement sensibles - la France et les Pays-Bas bien sûr, le Royaume-Uni et le Danemark encore plus, mais aussi la Pologne et la République tchèque, devenues eurosceptiques. Il fallait par ailleurs satisfaire aussi les dix-huit États qui avaient ratifié le Traité constitutionnel.
14La « réflexion » entamée en juin 2005 se poursuivit jusqu’à la mi-2006. Le Conseil européen de juin 2006, à la fin de la présidence autrichienne, adopta des conclusions assez volontaristes appelant la présidence allemande du premier semestre 2007 à adopter une déclaration politique le 25 mars 2007 - cinquantième anniversaire de la signature du Traité de Rome - et à préparer un rapport qui devrait indiquer la voie à suivre, une décision devant intervenir au plus tard au deuxième semestre 2008 (présidence française !)
15Cette roadmap volontariste donnait à la nouvelle chancelière allemande un mandat. Elle allait l’assumer avec brio. Angela Merkel confia d’abord à son conseiller Uwe Corsepius la responsabilité de sonder les uns et les autres : pour rassurer les uns, il fallait renoncer à tout ce qui faisait penser à une « constitution » et supprimer les mots « drapeau », « hymne », « ministre », « loi », etc., qui donnaient l’impression que l’Union devenait un « État » ; pour les autres, ceux qui avaient ratifié le Traité constitutionnel, il fallait que, dans sa substance, le nouveau traité ressemble le plus possible à l’ancien. Très vite, il fut décidé que l’on renoncerait à un « nouveau » traité et qu’on se contenterait, comme on l’avait toujours fait jusque-là, d’amender les traités existants. Tant pis pour la simplification dont certains étaient si fiers ; l’essentiel était de ne pas faire peur.
16Angela Merkel eut la chance de bénéficier de l’assistance subtile et efficace du chef du service juridique du Conseil de l’Union, Jean-Claude Piris, et de sa collaboratrice Thérèse Blanchet. Sur la base des paramètres définis ci-dessus, les deux juristes s’attachèrent patiemment et discrètement à introduire dans le Traité d’Union et dans le Traité de Rome modifié le maximum possible de la substance du Traité constitutionnel. Ainsi, quand la volonté politique de sortir de la crise se manifesterait clairement, des textes complets seraient déjà sur la table comme base de la négociation64.
17Corsepius s’entoura également d’un groupe de « sherpas » pour préparer la « déclaration de Berlin ». Celle-ci fut, comme prévu, approuvée dans le contexte des festivités entourant le cinquantième anniversaire du Traité de Rome. On y lit : « Aujourd’hui, cinquante ans après la signature des Traités de Rome, nous partageons l’objectif d’asseoir l’Union européenne sur des bases communes rénovées, d’ici les élections au Parlement européen de 2009 ».
18Cette échéance se révéla trop prudente : en effet, entretemps, le « petit traité » avait fait son chemin beaucoup plus rapidement qu’on ne l’espérait. Le sujet pénétra même la campagne présidentielle française - le petit traité recueillant le soutien de Nicolas Sarkozy tandis que Ségolène Royal s’obstinait à dire que tout nouveau traité, quel qu’il soit, devrait, en France, être soumis à référendum !
2.1.2. La conclusion du Traité de Lisbonne et les opt out britanniques
19Au Conseil européen de juin 2007, Angela Merkel fut ainsi en mesure de présenter un mandat très substantiel pour une conférence intergouvernementale. Celle-ci fut brève : elle se termina le 21 octobre par l’accord sur le texte d’un traité « modificatif » à deux composantes, le « TUE », traité d’Union européenne et le « TFUE », traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne, assortis de nombreux protocoles et déclarations.
20Pour ce qui concerne le président du Conseil européen, personne n’osa modifier le laborieux compromis figurant dans le Traité constitutionnel. Quant au ministre des Affaires étrangères, il perdit son titre, jugé trop « fédéraliste » par les négociateurs britanniques : on revint à l’appellation de « haut représentant » mais tout le reste - son statut, ses trois casquettes, son service diplomatique demeurèrent tels quels.
21La diplomatie britannique ne pouvait toutefois pas se contenter de modifications optiques. Il était essentiel en effet que le traité « modificatif » ne contienne rien qui puisse obliger le gouvernement de Gordon Brown à recourir à un référendum. Pour cela, le premier ministre demanda que le Royaume-Uni puisse formellement choisir de ne pas participer à certaines politiques, non directement liées à la réalisation du marché intérieur, tout en se réservant le droit d’adhérer à certains éléments lorsque Londres les jugerait acceptables.
22Une subtile négociation juridique fut menée sous la présidence du jurisconsulte Jean-Claude Piris qui avait élaboré, comme on l’a vu, l’essentiel des textes du nouveau traité65. Elle aboutit à un opt out général pour le Royaume-Uni des matières de l’ancien troisième pilier, l’acquis de Schengen et le domaine de la justice et des affaires intérieures, que le Traité de Lisbonne faisait passer dans le domaine communautaire ; Londres pourrait renoncer à l’ensemble du secteur quitte à négocier sa participation (opt in) aux domaines qui l’intéressaient.
23Le traité fut signé le 13 décembre 2007 à Lisbonne, capitale de la présidence en exercice, qui n’avait pourtant pas joué un rôle important dans la négociation. La cérémonie fut relativement discrète et les discours prudents car il fallait continuer à prétendre qu’il s’agissait d’un petit traité « modificatif » qui ne méritait pas la sanction populaire d’un référendum.
24Gordon Brown toutefois, prétextant des problèmes d’agenda intérieur, esquiva la cérémonie de signature et vint, en catimini, signer seul le traité, échappant ainsi à une photo de famille qui aurait pu être utilisée contre lui at home.
25Le sauvetage de la substance du Traité constitutionnel était essentiel pour la poursuite de l’action de l’Union ; on s’en rendit rapidement compte lorsque l’année suivante éclata la crise financière mondiale.
26Bien que la chancelière allemande et son équipe européenne aient joué un rôle-clé, le leadership qui a permis le succès de cette opération difficile a, comme on l’a vu, été partagé entre elle et d’autres leaders politiques - comme Nicolas Sarkozy - mais aussi un grand nombre de fonctionnaires, juristes et professeurs qui ont su agir, parfois contre leurs convictions personnelles, pour sauver l’essentiel : l’approfondissement de la démarche communautaire.
2.1.3. La candidature de Tony Blair
27Dès qu’on entrevit le succès du petit traité, et donc la nomination prochaine - croyait-on - d’un président du Conseil européen et d’un haut représentant, on commença à évoquer de possibles candidats.
28En ce qui concerne le haut représentant, la solution était facile : comme déjà convenu lors de la signature du Traité constitutionnel en 2004, l’intention était de maintenir Javier Solana jusqu’au terme de son deuxième mandat de 5 ans fin 2009, qui coïncidait avec la fin de la première commission Barroso, en l’« insérant » dans la Commission jusqu’au terme de celle-ci66.
29Quant au président du Conseil européen, un nom fut mentionné dès sa réunion du 19 octobre, celle au cours de laquelle le traité fut conclu : celui de l’ancien premier ministre britannique Tony Blair. Par qui ? Par le nouveau président français Nicolas Sarkozy !
30Blair avait cédé son poste de premier ministre à son ami/ennemi Gordon Brown le 27 juin 2007 et avait aussitôt été nommé envoyé spécial du « Quartet » pour le Moyen-Orient. Mais on le soupçonnait de ne pas vouloir en rester là ; interrogé à la fin du Conseil européen sur son choix pour le poste de président, Sarkozy mentionna aussitôt le nom de Tony Blair notant qu’il était « le plus européen de tous les Britanniques ».
31Le nouveau président français, qui, comme on l’a vu, avait pris très tôt parti pour l’idée du « petit traité » qu’il voyait justement comme la seule solution possible, voulait, à sa manière, compenser la modestie du mandat par une ambition dans le choix de la personne. Le 12 janvier 2008, il invita Tony Blair à une réunion des leaders de son parti l’UMP à Paris, lui offrant ainsi une tribune pour exprimer (en français) ses vues sur l’avenir de l’Europe.
32Cette invitation eut toutefois son revers : elle vexa les socialistes français et les sociaux-démocrates d’autres pays, qui se rappelaient surtout la décision de Tony Blair de participer aux côtés de Georges W. Bush à la guerre en Irak. Ainsi François Hollande, alors premier secrétaire du parti socialiste, déclara que Blair ne convenait pas pour le premier poste européen, celui-ci impliquant « l’indépendance de l’Europe vis-à-vis des États-Unis ».
33Dans les six premiers mois de 2008, tandis que le processus de ratification se poursuivait, la candidature - non déclarée - de Tony Blair resta au centre des conversations. Elle était soutenue par les grands – le fameux groupe ABC - mais elle suscita aussi beaucoup d’hostilité. L’entourage de la chancelière Merkel laissa entendre que celle-ci y était opposée du fait de la faible contribution de Blair à la construction européenne ; les pays du Benelux, qui s’étaient battus pour que le profil du président soit celui d’un président de séance et non pas d’un leader de l’Europe, profitèrent des premiers travaux du Coreper sur le règlement intérieur du Conseil européen - devenu une « institution »- pour rappeler leur vision minimaliste de la fonction.
34Mais tous ces travaux préparatoires, de même que la spéculation sur le futur président permanent, connurent un coup d’arrêt brutal le 13 juin 2008 lorsque le peuple irlandais rejeta le Traité de Lisbonne par 53,4 % des voix.
2.1.4. Exigences irlandaises
35L’Irlande en effet était le seul pays où le Traité de Lisbonne, malgré son caractère simplement « modificatif », devait être approuvé par référendum. Les trois principaux partis, y compris Fine Gaël qui était dans l’opposition, avaient soutenu le traité mais on reprocha au premier ministre Brian Cowen d’avoir mené une campagne trop molle face à un mouvement financé de l’extérieur qui exploita sans vergogne les inhibitions irlandaises sur la taxation des entreprises, les questions de défense et les valeurs « éthiques ».
36Tout le processus était donc une nouvelle fois suspendu, bien que cette fois il s’agissait davantage d’un retard que d’une remise en question : tout le monde comptait sur l’Irlande pour organiser, comme elle l’avait déjà fait précédemment, un nouveau référendum qui donnerait un résultat positif. La principale victime fut en réalité l’ancien premier ministre britannique : lancée trop tôt et aussitôt controversée, sa candidature s’éroda progressivement et, quand le moment de vérité arriva, comme on le verra ci-dessous, elle avait perdu toute crédibilité.
37Comme on l’espérait, les Irlandais, devenus entretemps l’une des principales victimes de la crise financière mondiale, changèrent radicalement d’avis dans l’année qui suivit, et c’est avec une majorité de 67,1 % que le Traité de Lisbonne fut finalement approuvé en Irlande le 4 octobre 2009.
38Mais dans l’intervalle, tous les travaux préparatoires à la mise en œuvre du traité avaient été bloqués ; ils le restèrent pendant plus de quinze mois. La première préoccupation en effet était de ne pas risquer d’influencer négativement le résultat du deuxième référendum en anticipant la mise en place des innovations que le traité introduisait dans le système institutionnel.
39Une seule décision à caractère institutionnel, importante mais malheureuse, fut prise pendant cette période intermédiaire : celle de ne pas appliquer les dispositions du traité qui appelaient le Conseil européen à limiter, dès 2014, le nombre des membres de la Commission à un nombre correspondant aux deux tiers du nombre des États-Membres67.
40Les Irlandais, en effet, comme beaucoup de citoyens européens, avaient du mal à distinguer, parmi les institutions de Bruxelles, celles dans lesquelles les États sont représentés - le Conseil et le Conseil européen - et celles dont les membres sont supposés défendre l’intérêt supérieur de l’Europe, la Commission et le Parlement européen ; ils s’étaient émus de la perspective de ne plus avoir de commissaire irlandais, comme si, de ce fait, ils n’étaient plus « représentés » dans l’exécutif européen.
41En plus d’un certain nombre de déclarations largement optiques, destinées à répondre aux préoccupations exprimées dans la campagne, le Conseil européen de décembre 2008 décida donc de leur donner cette satisfaction en s’engageant à ne pas adopter la décision du Conseil européen qui devait mettre en œuvre l’article 17, par. 5 du Traité de l’Union européenne.
2.1.5. le second terme de José Manuel Barroso
42Devait-on ou ne devait-on pas attendre le deuxième référendum irlandais pour procéder à la nomination (ou à l’élection) du président de la Commission ?
43En principe, la première étape de sa nomination (quand il est nommé seul, avant les autres commissaires) devait être discutée au premier Conseil européen suivant les élections du Parlement européen, qui avaient lieu entre le 4 et le 7 juin. Les chefs de gouvernement, soucieux de ne pas donner l’impression de faire pression sur le vote irlandais, procédèrent à la nomination selon la procédure existante, celle du Traité de Nice.
44Les élections du Parlement européen avaient donné le plus de voix aux représentants du Parti populaire européen (PPE), qui était en faveur de la reconduction de José Manuel Barroso ; comme de surcroît vingt des vingt-sept États-Membres étaient dirigés par des partis de centre-droite, seuls ou en coalition, Barroso, qui n’avait pas de concurrent sérieux, obtint assez facilement le soutien unanime des membres du Conseil européen. Les deux principaux leaders socialistes, Zapatero et Brown, avaient d’ailleurs confirmé leur soutien à Barroso bien avant le vote, à la grande fureur de certains de leurs camarades.
45Selon la procédure du Traité de Nice, les chefs de gouvernement inscrivirent donc dans les conclusions du Conseil européen qu’il s’étaient entendus sur le nom de José Manuel Barroso « comme étant la personnalité qu’ils envisagent de désigner en tant que président de la Commission européenne pour la période 2009-2014 ». Des consultations avec le Parlement européen devaient être engagées pour que celui-ci « marque son approbation » à sa première session en juillet.
46Mais beaucoup de parlementaires européens étaient en faveur d’un report de la nomination jusqu’après le référendum irlandais, afin de pouvoir, selon la procédure établie dans le nouveau traité, « élire » eux-mêmes le président de la Commission.
47Pris de cours par les chefs de gouvernement, les socialistes, menés par Martin Schulz, et les verts, stimulés par Daniel Cohn-Bendit, utilisèrent cet argument pour manifester leur mauvaise humeur vis-à-vis de la reconduction de Barroso en faisant retarder le vote jusqu’à la session de septembre.
48Le 16 septembre, le Parlement décida d’anticiper l’entrée en vigueur du traité en procédant à « l’élection » de Barroso selon les termes du Traité de Lisbonne. Comme celle-ci fut acquise à une majorité relativement confortable (382 voix pour, 219 contre et 117 abstentions), les chefs de gouvernement approuvèrent aussitôt une déclaration dans laquelle ils se félicitaient de ce que le Parlement européen ait « approuvé la désignation » de M. Barroso pour un deuxième mandat ! Barroso a donc été réélu selon la procédure de Nice pour ce qui est du Conseil, selon celle de Lisbonne pour ce qui est du Parlement68.
49On peut certes comprendre l’impatience du Parlement à voir le traité entrer enfin en vigueur. En effet, même après le référendum positif en Irlande le 4 octobre, le suspense sur la ratification - et l’inhibition quasi superstitieuse quant aux préparatifs de sa mise en œuvre - se prolongèrent jusqu’à la fin du mois d’octobre. Dans deux États-Membres, en effet, le chef de l’État était ouvertement eurosceptique : Lech Kaczynski en Pologne et Vaclav Klaus en République tchèque menaçaient de ne pas signer l’acte de ratification du traité et ne le firent que de mauvaise grâce moyennant des concessions largement optiques destinées à la consommation interne.
50Le dernier instrument de ratification, celui signé par Klaus, parvint finalement le 3 novembre 2009. Le nouveau traité devait donc entrer en vigueur le premier jour du mois qui suivait, c’est-à-dire le 1er décembre 2009 : il restait ainsi moins d’un mois pour choisir le président du Conseil européen et le haut représentant pour la politique étrangère.
Notes de bas de page
63 C’est ce qui ressortit notamment des travaux préparatoires à l’étude dirigée par Giuliano Amato, Hervé Bribosia et Bruno de Witte, Genèse et destinée de la Constitution européenne, Bruylant, 2007.
64 Voir Jean-Claude Piris, The Lisbon Treaty, Cambridge University Press, 2010, pp. 25-46. Voir aussi David Phinnemore, The Treaty of Lisbon, origins and negotiation, Palgrave, 2013, p. 107, 129, 145.
65 Il en rend compte dans son livre The Lisbon Treaty, op. cit., pp. 196 et suivantes.
66 Voir ci-dessus, 1.4.6.
67 Voir à ce sujet ci-dessous, 3.4.1. et 4.1.3.
68 Le Parlement s’était fondé sur son nouveau règlement d’ordre intérieur, qui dans sa version de juillet 2009, anticipait déjà « l’élection » du président par le Parlement ; voir Marianne Dony, Droit de l’Union européenne, Éditions de l’ULB, 4e édition, 2012, p. 154.
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