4. Étude archéo-anthropologique de la nécropole (Zone 1)
p. 57-94
Texte intégral
1. Introduction : l’anthropologie de terrain
1.1. Préambule : quelques définitions
Sépulture : ce qui fait une sépulture, « c’est l’intentionnalité du dépôt, la volonté d’accomplir un geste funéraire […] le désir d’assurer une certaine permanence à ce dépôt (Leclerc 1990) ». Une sépulture est un lieu de gestes funéraires (traitement du corps, pratique mettant en forme l’impact affectif des décès sur l’idéologie du groupe), c’est également un dépôt définitif. La seule présence de squelettes humains n’autorise en aucun cas à présumer qu’on est en présence d’une sépulture. Certains dépôts volontaires de restes humains n’ont rien à voir avec des tombes : corps dissimulés après un meurtre, corps outragés, corps sacrifiés ou mort d’accompagnement (Thomas 1980).
Sépulture primaire : apport d’un cadavre frais dans le lieu de dépôt définitif, où va se dérouler la décomposition du corps.
Dépôt secondaire : dans ces dépôts, ce sont les os secs qui sont apportés dans le lieu de dépôt définitif. Ce geste est donc précédé par une phase de décomposition dont la durée est variable et qui se déroule dans un autre lieu. Ces dépôts ne sont pas nécessairement des sépultures. En effet, il peut s’agir d’une évacuation des ossements des sépultures collectives dont la place est limitée, ce qui contraint les utilisateurs à les « vidanger ».
Sépulture secondaire (sépulture en deux ou plusieurs temps) : son diagnostic est complexe. Il s’agit d’un dépôt en deux temps programmé dans le rituel funéraire. Le dépôt des restes humains dans la sépulture est précédé par une phase de décharnement qui se déroule nécessairement dans un autre lieu (Duday et al. 1990). L’utilisation du terme sépulture secondaire renvoie à la notion de funérailles en deux temps. Il ne faut pas confondre ce geste funéraire avec une simple vidange d’ossements. Or, la distinction est parfois délicate.
Sépulture collective : les individus sont déposés successivement dans la même sépulture. Ces successions peuvent être mises en évidence si plusieurs semaines séparent les inhumations et que chaque dépôt occasionne la perturbation des cadavres déposés antérieurement à moins qu’ils ne soient séparés par une couche de sédiment permettant de les individualiser.
Sépulture multiple : les individus sont déposés simultanément dans la sépulture. Elle peut être affirmée lorsque les squelettes sont en contact les uns avec les autres et que, malgré cela, leur connexions articulaires les plus labiles ne sont pas déplacées. Cette notion de simultanéité n’a néanmoins pas une valeur absolue, les inhumations pouvant être séparées par un intervalle de temps bref durant lequel la décomposition est à peine amorcée (Duday et al. 1990).
1.2. L’archéothanatologie
1L’intervention de l’anthropologue ne se limite pas à l’étude biologique des restes humains en laboratoire, mais également à l’analyse de la sépulture dès la phase de terrain. En effet, les connaissances en anatomie humaine et en taphonomie du cadavre sont nécessaires à l’interprétation d’une sépulture (Duday 1981), l’objectif étant de restituer la structuration originelle de l’espace sépulcral de façon à mettre en évidence les pratiques funéraires. Pour cela, il faut procéder à une analyse taphonomique. Il s’agit d’étudier l’ensemble des phénomènes dont la sépulture est le siège entre le moment du dépôt du cadavre et celui où le squelette est mis au jour par la fouille. Il faut distinguer les gestes funéraires de l’intervention des facteurs extérieurs et du résultat de la décomposition des éléments périssables de la tombe (cadavre, contenant, structure) (Duday et al. 1990 ; Castex et al. 1996). Dans le cas d’une sépulture primaire, par exemple, la modalité et l’ampleur des mouvements dans la tombe servent à définir l’espace sépulcral dans lequel le cadavre s’est décomposé. En effet, les articulations ne réagissent pas de la même façon si la décomposition a lieu dans un espace vide ou colmaté, dans un contenant souple ou rigide, périssable ou résistant (Duday 1995, 2005 ; Rocksandic 2002).
2La mise en évidence de ces espaces de décomposition passe par une étude fine de la position de chaque os et de sa relation avec les os voisins. Le classement est souvent délicat et le simple clivage vide/colmaté peut être réducteur (Bonnabel 1998 ; Guillon 2004,), il faut tenir compte de la dimension de la fosse, du comblement, par exemple.
3Cette approche permet donc de discriminer les sépultures primaires des dépôts secondaires, les sépultures collectives des sépultures multiples, la position du corps dans les sépultures primaires, la présence initiale d’un contenant en matériau périssable dont toute trace a disparu etc. Une telle analyse n’est complète que si elle commence sur le terrain (Duday 1981, 1995 ; Duday et al. 1990), ce qui a été le cas à Sissi.
1.3. L’identification biologique
1.3.1. Diagnose sexuelle
4La majorité des chercheurs s’accorde actuellement pour considérer que l’os coxal est l’élément du squelette le plus performant pour déterminer le sexe (Bone 1993). En effet, la morphologie de celui-ci répond à des exigences adaptatives et fonctionnelles, liées à la locomotion et, surtout, à la reproduction (gestation et parturition) et communes à toute l’espèce humaine. La fiabilité est plus aléatoire si l’on s’intéresse à d’autres pièces osseuses. En effet, dans ce cas, le dimorphisme sexuel pris en compte n’est pas basé sur la fonction mais sur le format de cet os. Or, cette donnée est extrêmement variable entre populations. Si d’une manière générale, les os des hommes sont plus grands, plus lourds et plus robustes que ceux des femmes, ces caractères ne suffisent pas à déterminer le sexe d’un individu avec précision. Il en est de même pour les caractères de robustesse relevés sur la tête osseuse. La robustesse ne garantie pas le sexe masculin. Il n’existe aucune méthode qui permette d’estimer le sexe des enfants. En effet, le dimorphisme sexuel du bassin apparaît à la puberté.
5Le sexe des individus adultes a été déterminé par la méthode visuelle élaborée par Bruzek (2002). Elle repose sur l’observation simultanée de la morphologie de 5 caractères, répartis sur trois régions anatomiques de l’os coxal : (1) la région préauriculaire, (2) la grande incisure ischiatique, (3) l’arc composé, (4) la margo inferior ossis coxae, (5) la longueur pubis / ischion.
6Pour trois des régions (n° 1, 2 et 4), c’est l’observation de plusieurs caractères qui permet de déterminer la forme sexuelle. En revanche, en ce qui concerne l’arc composé (simple ou double) et la longueur relative du pubis comparée à l’ischium, la diagnose est établie à partir d’un seul caractère. Les tests de fiabilité, effectués sur des échantillons de sexe connu, ont atteint 95 %, si l’ensemble des critères est pris en compte.
1.3.2. Estimation de l’âge au décès
7En ce qui concerne l’estimation de l’âge au décès des sujets immatures à partir des dents, nous avons privilégié la méthode Moorrees et al. (1963a, 1963b). En effet, les auteurs donnent l’écart type de leurs estimations ce qui permet d’inclure le résultat dans un intervalle de confiance à 95 %.
8L’estimation de l’âge au décès des adultes est une limite majeure de l’anthropologie. La variabilité de la sénescence du squelette humain entre individus d’une même population et entre populations due à une interaction entre le patrimoine génétique et le milieu environnant induit un manque de précision et de fiabilité des méthodes (Bruzek et al. 2005). Si de nombreux indicateurs dentaires et osseux ont été utilisés pour élaborer des méthodes pour estimer l’âge au décès des adultes, aucun d’entre eux ne subit des modifications régulières avec l’âge. De plus, les méthodes sont entachées de biais presque systématiques. Si on doit abandonner l’idée de donner un âge précis, il est tout à fait possible de créer des méthodes fiables en évitant les erreurs méthodologiques classiques. C’est le cas de la méthode basée sur la surface sacro-pelvienne iliaque (Schmitt 2005). Cette méthode a été élaborée à partir de l’observation des changements morphologiques de cette surface articulaire. Elle tient compte de la variabilité intra et inter-populationnelle européenne. La cotation de 4 caractères permet de calculer la probabilité de l’individu d’appartenir à un intervalle chronologique. Cette méthode privilégie la fiabilité à la précision.
1.3.3. NMI (Nombre Minimum d’Individu ; Poplin 1976)
9Cette approche a été nécessaire notamment pour l’étude anthropologique de la structure 1.9. Dans ce genre de cas, le nombre initial d’individu n’est jamais connu. En effet, la mauvaise conservation des ossements ou le prélèvement volontaire de certains os implique une sous-estimation de l’effectif. En revanche, l’anthropologue peut calculer le nombre minimal d’individu encore représentés. Le décompte de chaque os permet d’obtenir une première estimation du nombre d’individu présent. A partir de celui-ci, on choisit le NMI de fréquence du type d’os le plus abondant. Dans le cas d’os pairs, le côté présentant le nombre d’os le plus élevé sera pris en compte.
10Ce NMI de fréquence peut être ensuite affiné par associations et exclusions. L’exclusion par appariements consiste à reconstituer les paires qui appartiennent au même individu et à exclure les éléments gauches ou droits qui ne peuvent s’apparier. On peut également ajouter des individus qui n’ont pas déjà été comptés, mais seulement s’ils sont exclusifs. Cette étape se fait à partir du degré de maturation des ossements immatures.
1.3.4. La biométrie
11La caractérisation biométrique des ossements a été réalisée en fonction des mesures de Martin (Braüer 1989) pour les restes crâniens et infra-crâniens. Les données des différentes zones de fouille sont comparées entre elles au moyen d’analyses statistiques univariées. Ces données vont nous permettre de décrire les particularités métriques intra et inter-zones de cet échantillon.
1.3.5. Les variations anatomiques non-métriques
12Les variations anatomiques non-métriques (ou caractères discrets) sont des variations phénotypiques mineures, osseuses ou dentaires, non pathologiques (e.g. Berry & Berry 1967). Ces caractères ont un mode de transmission en partie génétique ce qui en fait un atout pour la recherche de regroupement familiaux dans un sous-ensemble archéologique bien défini (Crubézy & Sellier 1990) ou pour les études plus larges sur l’évolution humaine et le peuplement à travers la comparaison de fréquences entre différentes populations (e.g. Irish & Guatelli-Steinberg 2003 ; Hanihara et al. 2003). Cependant, le déterminisme exact de la grande majorité de ces caractères est mal connu. Tous ne sont pas héréditaires et des facteurs mésologiques ont parfois une responsabilité importante dans leur transmission. L’héritabilité des variations non-métriques est cependant toujours considérée comme étant supérieure à l’héritabilité des caractères métriques (Scott & Turner 1997 ; Crubézy et al. 1999). Nous avons utilisé les critères de Scott & Turner (1997) pour coter les caractères discrets dentaires.
2. Structure 1.6 (Campagne 2007)
13La fouille de la structure 1.6 a été réalisée durant la première semaine de la campagne de 2007 (cf. fig. 3.2). Le dépôt était délimité par deux murs à double rangées de pierres formant un angle de 90° et orientés SE-NO et SONE (fig. 4.1). Le mur SO-NE est directement posé sur le bedrock tandis que le deuxième est flottant. Les restes humains étaient localisé dans le coin NO de la structure. Ils étaient très fragmentaires et très abîmés. Les surfaces corticales des os longs ont subi une forte altération de même que l’émail de toutes les dents retrouvées. Le remplissage sédimentaire était formé de terre très indurée contenant de nombreux galets roulés et quelques tessons de céramique. Deux tasses, l’une fragmentaire et l’autre complète (fig. 3.8), ont été trouvées au sein du dépôt. Elles apparaissaient par leur surface inférieure et reposaient à la même altitude que les restes humains. Malgré l’état fragmentaire des ossements, il est possible de suggérer un dépôt primaire individuel. Les différents ossements s’agencent suivant une certaine intégrité anatomique (membre inférieur vers le SE, membre supérieure ainsi que restes crâniens et dentaires vers le NO du dépôt). En outre, certaines connexions anatomiques strictes ont été conservées notamment au niveau de la surface talo-calcanéenne (#24 & #25). Ces observations n’excluent pas une perturbation ultérieure du dépôt vu la forte fracturation des ossements in situ. La base du dépôt se caractérise au niveau du membre inférieur par une couche de galets qui s’estompe et disparaît au niveau des membres supérieurs et de la tête. A cet endroit le sédiment est traversé de racines et peu de galets ou tessons sont encore présents.
3. Structures 1.7-1.8
3.1. Progression de la fouille 2007-2008
14La fouille de la structure 1.7 avait débuté durant la campagne 2007 par le démontage de plusieurs ossements affleurant, deux fémurs et des os des pieds. Ces derniers se trouvaient à proximité d’un mur orienté SE-NO, à une seule rangée de pierres, reposant directement sur le bedrock. L’extension de la zone de fouille (0.60 x 0.80 m) vers le SO à ensuite permis de mettre au jour un mur, perpendiculaire au premier, et composé de deux rangées de pierres. La fouille s’est ensuite concentrée sur les ossements apparaissant dans cette extension. Cette partie SO du dépôt osseux (Y < 0.20 m) était couverte d’une couche de sédiments tandis que la partie NE (Y > 0.20 m) était affleurante. A la fin de la campagne 2007, la fouille de la structure 1.7 avait livré les restes de deux individus, au minimum, dont un possédait la moitié supérieure du corps en connexion anatomique.
15Lors de la campagne 2008, la zone de fouille de la structure 1.7 à été étendue afin de trouver les limites de la structure. Le décapage d’une grande surface de 3 x 3 m vers le Sud a permis de dégager les murs délimitant cette tombe à maison. La fouille de la chambre principale durant les trois premières semaines de la campagne a livré les restes de quatre individus, au minimum, dont deux enfants. Les restes humains étaient en bon état de conservation par rapport aux individus sus-jacents retrouvés en 2007. Accolée à cette chambre principale, se trouve une petite annexe (1.8) située juste avant la structure 1.7. Les dépôts de cette chambre nord ont été fouillés par Anne Gilon, lors de la quatrième et cinquième semaine de terrain. Ils ont livrés deux individus dont un enfant en très mauvais état de conservation.
3.2. Description de la structure et de son remplissage
16Il s’agit d’une structure rectangulaire composée de deux pièces, une chambre principale (1.7) et une petite annexe (1.8) située au NO de cette première (fig. 4.2). Le plus long côté (~4 m) est formé d’un mur à double rangée de pierres orienté NO-SE. Il s’étend vers le nord, jusqu’au mur SO-NE de la structure 1.6.
17Deux murs perpendiculaires à ce mur principal délimitent la chambre (1.7). Ils sont parallèles entre eux, orientés SO-NE et font un peu plus de 2 m de longueur. Le mur Est est composé d’une double rangée de pierres. La largeur du mur semble avoir été doublée à son extrémité NE sur 0.70 cm environ. Le mur Ouest ne comprend qu’une seule rangée de pierres et se termine par une dalle assez longue dont la surface supérieure est plane. Les pierres constituant l’extrémité NE de ces deux murs parallèles sont en contact direct avec le bedrock. Le reste de la structure repose sur du sédiment.
18Le fond de la chambre (↑ 5.55 m à 5.57 m) est marqué par un sol compact formé de petits galets qui s’étend dans toute la chambre principale (fig. 4.3). La hauteur préservée des murs de cette chambre principale varie entre 0.30 m pour le mur NO-SE (avec jusqu’à trois rangées verticales de pierres) et 0.10-0.15 m pour les extrémités NE des murs SO-NE où seul la rangée basale de pierres est conservée.
19La pièce annexe (1.8) est délimitée par deux des murs de la chambre principale. Deux pierres rectangulaires, placées perpendiculairement, se situent en son milieu. Le fond de la chambre nord est formé par le bedrock. Ce dernier a été travaillé de part et d’autre de la pierre rectangulaire parallèle au mur NO-SE de la chambre principale. Le bedrock a été entaillé de façon à formé une marche d’environ 0.17 m de profondeur sur une longueur de 0.70 m vers le SO et de 0.50 m vers le NE (fig. 4.4). En outre, il existe des empreintes dans le bedrock au NO de l’extrémité Est du mur à une rangée de pierres qui laissent supposer qu’un mur existait à cet endroit, perpendiculaire à ce dernier, et orienté SO-NE. Les marques s’arrêtent à la hauteur du mur SO-NE de la structure 1.6.
20La chambre principale (1.7) n’était que partiellement comblée de sédiments. Seule la moitié SO de la pièce, le long du mur NE-SO possédait un remplissage de 0.20 à 0.30 m. Le sol en galet du reste de la chambre était affleurant.
21Une fois le topsoil retiré, les sédiments étaient totalement homogène sur toute la hauteur du dépôt. Ils se caractérisaient par une terre de couleur brun-jaune très sèche et compacte se décomposant en grosses mottes. Elle était composée de nombreux galets, de coquille d’escargot de toutes tailles – dont la fréquence augmentait nettement à proximité des restes humains – de fragments de céramique très altérée et de cailloux plus ou moins météorisés. Dans la partie supérieure du dépôt (↑ 5.70 m) le sédiment contenait également de nombreuses petites racines dont certaines traversaient les ossements humains.
22Plusieurs grosses pierres se trouvaient au sein du dépôt dans la chambre principale. Les plus volumineuses ont été enregistrées et après vérification, il semble que la plupart ne soient pas en place. Seul deux pierres (reprises dans la figure 4.2 en gris clair) pourraient avoir été placées parmi les pièces osseuses volontairement (cf. infra). Dans la chambre 1.8, le sédiment était un peu plus meuble et la proportion de galet plus importante.
3.3. Les restes humains - Positions sépulcrales
23Les restes humains issus de la campagne de fouille de 2007 témoignaient d’un nombre minimal de trois individus dont deux plus ou moins bien représentés. L’examen anthropologique de ces restes nous a permis d’associer la plupart des ossements à deux individus (fig. 4.5). Ce travail de réattribution se base sur des critères de symétrie, de robustesse et de connexions anatomiques in situ.
24Le premier spécimen (Adult A) n’est pas en place. Ses membres supérieurs, assez graciles, reposent sur le deuxième individu (Adult B). Sa mandibule (# 2 & # 4) se trouvait à quelques centimètres du topsoil, juste dans la pente des dépôts et les membres inférieurs représentés par les deux fémurs (#8 & #9) étaient affleurant. Son emplacement à proximité de la surface pourrait expliquer certains déplacements osseux observés (comme par exemple la dent #21 par rapport à la mandibule) ainsi que l’absence de nombreux ossements (Crâne, Tibias, etc.) lessivés par l’érosion.
25L’Adult B est plus complet. La partie supérieur de son corps est en décubitus dorsal et présente des connexions strictes (ex. #47 & #61) ou lâches (ex. #60 & #61). Les os des avant-bras sont hyperfléchis en supination. La main droite reposait sur l’épaule, comme en témoignent l’os du carpe #57 et les métacarpiens #65 & #66. La main gauche était posée sur la cage thoracique et plusieurs os des mains (gauche et droite) sont répartis au sein de cette cage thoracique. La position de la mandibule ou de la clavicule droite (#64) ainsi que le déplacement de certaines dents et os de la main suggèrent une décomposition en espace vide. Les tibias et une fibula (#32, # 37, #44) ont été déplacés. Leur position in situ, de part et d’autre du tronc, en connexion anatomique, suggère un déplacement volontaire des jambes de l’individu alors que la décomposition du corps n’était pas encore complètement finie. Ce mouvement aurait précédé le dépôt de l’individu A. Enfin, la position des coxaux (#7, #10, #11 & #25) et du fémur (#24) par rapport au reste du corps pourrait s’expliquer par un phénomène d’érosion, identique à celui subit par les restes de l’individu A, vu la faible épaisseur des dépôts à cet endroit. Au niveau biométrique, la robustesse des os long et l’aspect plutôt fermé de la grande incisure ischiatique suggèreraient un individu de sexe masculin.
26Les ossements représentés en noir sur le schéma synthétique (fig. 4.5) n’ont pas pu être attribués avec précision à l’un ou l’autre des deux individus. Parmi ces restes, un fragment distal d’humérus gauche (# 5) et un radius gauche (# 3), assez graciles, témoignent de la présence d’un troisième individu. Ces ossements étaient situés juste en-dessous du topsoil et peuvent provenir d’un individu sus-jacent ou du lessivage de la partie SO, externe à la tombe et contenant également des restes humains.
27La fouille de la chambre principale 1.7 durant la campagne de 2008 a livré les restes de deux enfants et un adulte (fig. 4.6). Les deux enfants se situent en dessous des restes fouillés en 2007 et juste au contact avec le niveau de galet délimitant le sol de la structure 1.7. L’attribution des ossements à chacun des deux enfants est basée sur le degré de maturation dentaire et osseuse de ces derniers. D’après les stades de développement dentaire (Moorees et al., 1963b), les deux enfants ont un âge au décès respectivement de 3-4 ans pour le premier (Child A, fig. 4.6) et de 4-5 ans pour le deuxième (Child B ; fig. 4.6). Plus au sud de ce dépôt, se trouve les restes d’une femme (Adult C).
28L’enfant A est le moins perturbé. La partie supérieure de corps évoque une position en décubitus dorsal. Les deux humérus (#45b & #48b) sont le long de la cage thoracique et les os de l’avant-bras conservés (#9b & #34b) sont repliés à la base de celle-ci. Entre la scapula et l’humérus gauche se trouve un coquillage marin bien conservé (0801-0148-OB001 ; figs. 4.7 & 4.10). Juste au dessus de la partie supérieur de la cage thoracique, se trouvaient deux grandes pierres. Elles couvraient la partie droite de la ceinture scapulaire (#103 & #104), un fragment de vertèbre cervicale (#105), la mandibule #106 – cassée in situ – et un fragment d’os pétreux gauche (#119). Les autres restes du crâne ont quant à eux été dispersés dans l’ensemble de la chambre (#1b, 4b, 10b, 16b, 99, 101, 115) et se situent toujours au contact avec le sol en galet de la tombe. La conservation du rocher gauche au-dessus de la mandibule traduit le fait que le crâne a été déplacé volontairement avant le dépôt des pierres. Les membres inférieurs ont été perturbés, mais ils se placent dans l’allongement du corps pour la plupart.
29L’enfant B possède le crâne le plus complet et le mieux préservé. Ses membres supérieurs, une partie du tronc et sa mandibule ont été placés le long de la paroi du mur SO-NE à la manière d’une réduction de corps. L’ensemble #39 contient des dents déciduales supérieures qui, vu leur stade de maturation et leur remontage pertinent avec les alvéoles du crâne #2, appartiendraient plutôt à l’enfant B. Cet ensemble de dents contient également une incisive déciduale centrale supérieure, symétrique de la dent #24. Toutes ces données témoignent d’un mouvement du crâne de l’enfant B, réalisé après décomposition du corps. Parmi le groupe de dents #39 se trouve également une incisive déciduale latérale (di2) supérieur droite qui appartiendrait plutôt à l’enfant A vu la différence de maturation avec l’autre di2 retrouvé à proximité.
30Ces dispositions suggèrent que l’enfant le plus jeune (A) ait été déposé après l’enfant B, lequel aurait été poussé sur le côté pour ménager de la place. Ultérieurement, les deux corps auraient encore été perturbés ce qui explique l’imbrication des membres inférieurs des deux individus dans la partie nord du dépôt ainsi que la position des crânes par rapport aux mandibules et aux dents déciduales. La partie supérieur du corps de l’enfant A aurait quant à elle été partiellement protégée par les pierres qui la recouvraient (fig. 4.7).
31Enfin, ces deux enfants possèdent des caractères non-métriques dentaires (comme un tubercule de Carabelli ou les incisives en pelle) et infra-crâniens qui suggèreraient un lien de parenté entre eux.
32Au sud de ces restes immatures, se trouve le squelette d’un individu mature (Adult C ; fig. 4.6) probablement de sexe féminin vu la forme de l’échancrure ischiatique du coxal #57b. Ce squelette bien que très perturbé s’agence selon une certaine logique anatomique. Les restes crâniens (#74 & #90) et dentaires sont situés à l’extrémité sud du dépôt, suivi des ossements de la ceinture scapulaire (ex. #96, #88), du membre supérieur (ex. #58b & #84b), du membre inférieur (ex. tibias #62 & #63) et des ossements des pieds (#78, 79 & 80). La seule connexion observée concerne le membre supérieur droit (#84, 82 & 83) dont l’avant bras est fléchi vers la cage thoracique.
33Les schémas de conservation des adultes et des enfants sont repris dans les figures 4.8 et 4.9.
34La position de l’ensemble des individus dans la structure 1.7 témoigne de dépôts primaires en espace libre ayant subi des perturbations ultérieures dont certaines seraient liées à la réduction de corps lors de l’apport de nouveaux individus. On ne peut pas non plus exclure le prélèvement de certains ossements ou même d’individus antérieurs en plus du phénomène de réduction. Cette hypothèse est confortée par la présence d’une pièce osseuse très altérée (08-01-0167-SA009), identifiée comme un fémur immature, incompatible avec les deux enfants recensés dans cette sépulture collective. Cette pièce était placée sous une pierre qui reposait à même le sol de galets dans le coin SO de la chambre principale. Elle témoigne de la présence d’un individu immature supplémentaire qui n’est plus représenté que par cette pièce osseuse.
3.4. Mobilier associé aux restes osseux
35Outre les restes humains, plusieurs objets ou pièces de céramiques ont été trouvées dans le dépôt. Un quartz percé (08-01-0161-OB001) a été découvert à l’extrémité sud du remplissage (fig. 4.10), à proximité d’un col d’amphore (08-01-0165-OB008). Ces derniers étaient situés au même niveau (↑5.70 m) que le premier ossement de l’Adulte C. Il en est de même pour la tasse (08-01-0161-OB002) cassé dans le sédiment. Une petite cruche (chamaizi goblet) très fragile reposait dix centimètres plus bas (↑5.60 m). Elle est complète et possède une anse. Enfin, un tripode cassé sur place était posé sur une des pierres recouvrant le corps de l’enfant A, à une altitude de
365.59 m. Ces objets permettent de dater la tombe au Minoen Moyen II1. Enfin, un coquillage de bivalve marin était placé sous l’aisselle gauche de l’enfant A (figs. 4.7 & 4.10).
3.5. Structure 1.8
37Les dépôts de la chambre 1.8, adjacente à la chambre principale, ont livrés deux individus, un adulte (D) et un enfant (C) dont l’âge au décès se situe entre 2-3 ans (fig. 4.6). Ces restes sont très perturbés, fragmentaires et météorisés ce qui limite l’interprétation de leur mode de déposition. Ils étaient situés à la même profondeur que les restes de la structure 1.7 fouillés en 2007 et se trouvaient dans la partie de l’annexe dont le bedrock a été entaillé en profondeur. Une lame d’obsidienne était associée aux restes humains.
4. La chambre funéraire 1.2
4.1. Description de la chambre et de son remplissage
38Il s’agit d’une structure carrée constitué de quatre murs, arasés. Les pierres constituant la maçonnerie ne sont pas taillées et reposent directement sur le sol sans fondation. La surface intérieure de la pièce est d’environ 4,4 m².
39Deux couches constituent le remplissage de la chambre. Le premier aménagement est un sol constitué de petits galets (1 cm de diamètre ou moins) dans lesquels sont imbriqués des coquillages (fig. 4.11). Ce sol est probablement d’origine anthropique, sa fonction était peut être liée à la création d’un niveau horizontal sur le bedrock dont la topographie est irrégulière. Aucun dépôt de matériel n’a été mis au jour sur ce sol. L’utilisation originelle de la chambre n’est donc pas connue et la période chronologique durant laquelle il a fonctionné non plus.
40Ce sol a été recouvert d’une couche de 0,07 m constituée de sédiment compact brun clair incluant des pierres de 0,05 m de diamètre. Cet aménagement anthropique a livré des restes humains et des tessons de céramique datant du Minoen Ancien. Deux ensembles osseux se distinguent : l’un se situe le long du mur ouest l’autre le long du mur est dans la moitié sud de la chambre (fig. 4.12).
41Par la suite, une fosse a été creusée le long du mur sud. Elle mesure 0.80 m de long sur 0.54 m de large. Sa profondeur est de 0.37 m. Un pithos, reposant sur sa panse, orienté le col à l’est, le fond à l’ouest a été déposé dans la fosse. L’ouverture du pithos a été fermée par un vase à l’envers col contre col sur lequel reposait le couvercle du pithos (fig. 4.13). De nombreuses pierres ont été disposées autour du pithos contre les parois de la fosse qui n’est pas aussi profonde que le pithos. Était-ce volontaire ou la présence du bedrock a-t-il empêché un creusement plus profond ? Le pithos a été recouvert de part et d’autre du col par deux pierres massives posées à plat (fig. 4.13).
42La fouille du pithos a mis en évidence les vestiges osseux d’une femme décédée après 40 ans. L’analyse typologique du pithos situe cette sépulture au Minoen Moyen II.
4.2. Les restes humains de la couche datée du Minoen Ancien
4.2.1. Les restes humains le long du mur est de la structure 1.2 (fig. 4.12)
43Il s’agit d’ossements appartenant à au moins un individu adulte. Il s’agit majoritairement d’os longs du membre supérieur et inférieur. Leur état de conservation est médiocre, les épiphyses sont absentes et la surface osseuse est érodée. Deux des ossements sont en connexion : il s’agit d’une scapula et d’un humérus gauche. Un ulna reposait également sur un radius. Ces deux pièces osseuses ne sont pas en connexion stricte mais leur proximité, la similarité de leur orientation, leurs positions anatomiques réciproques (croisés) indiquent qu’ils appartiennent probablement au même individu et que l’absence de connexion est liée à la décomposition à l’air libre à l’intérieur de la chambre. Au sud de ces ossements, reposait une clavicule. Entre les membres supérieurs, deux diaphyses de fémur reposaient l’une sur la face postérieure, l’autre sur la face antérieure. La disposition des pièces osseuses les uns par rapport aux autres, leur orientation commune (NNO/SSE), la connexion préservée de l’épaule gauche indique qu’il s’agit d’une inhumation primaire ayant été perturbée par la suite. L’origine de ces perturbations est anthropique. En effet, la conservation du parallélisme entre les os longs n’est pas fortuite. Les os ont probablement été rassemblés dans l’espace de décomposition originelle en préservant leur orientation. Ces déplacements sont peut être à mettre en relation avec le creusement de la fosse pour installer le pithos.
4.2.2. Les restes humains de long du mur ouest de la structure 1.2 (fig. 4.12)
44Il s’agit de pièces osseuses représentant un individu adulte. L’ensemble est composé d’une demi-voûte crânienne, d’un fragment de diaphyse d’humérus gauche et d’ulna gauche, d’un fémur gauche, de phalanges des mains, de métacarpiens et d’une mandibule.
45Les os longs sont disposés parallèlement. Il n’y a ni connexion, ni logique anatomique puisque les os longs sont concentrés au même endroit et que la mandibule et la voûte crânienne sont de part et d’autres de ces pièces osseuses. Toutefois, le rangement « en fagot » des os longs permet d’envisager une intervention anthropique : une volonté de les regrouper. La présence de phalanges des mains, petits éléments rarement ramassés lors de déplacement de corps à l’état de squelette (le choix s’oriente plutôt vers les os les plus volumineux) permet d’émettre l’hypothèse d’une inhumation primaire qui aurait été perturbée après le décharnement du corps. La disposition des os longs indique une intervention anthropique, à mettre peut être en relation avec le creusement de la fosse pour l’inhumation en pithos.
4.2.3. L’inhumation en pithos (figs. 4.14 & 4.15)
▪ Depot osseux
46Il s’agit d’un individu de sexe féminin qui est décédé après 40 ans. Le squelette est incomplet. L’état de conservation dépend des parties anatomiques. En effet, les épiphyses des os longs, les corps vertébraux, les scapulas, les os coxaux et la plupart des côtes sont mal ou pas conservés ainsi que la majorité des os des mains et des pieds. L’individu est donc moyennement représenté (fig. 4.16).
▪ Analyse taphonomique
47Bien que les inhumations en pithos soient connues au Minoen Moyen, lors de ces découvertes, aucune analyse taphonomique n’a été mise en œuvre pour savoir si les ossements étaient en position secondaire ou primaire et dans ce cas comment le cadavre était glissé à l’intérieur.
48La fouille minutieuse d’un pithos nécessite sa destruction. Celui de la structure 1.2 était déjà fragmenté. Les tessons de la partie supérieure ont donc été prélevés pour avoir accès à la terre de remplissage du pithos qui a été fouillé par décapages successifs.
49Le pithos contenait un seul individu. Le caractère primaire du dépôt ne fait aucun doute : préservation de la logique anatomique du corps et de certaines connexions articulaires. Le défunt a donc été placé dans le contenant à l’état de cadavre. A partir de la disposition des ossements les uns par rapport aux autres, on peut reconstituer la position définitive du cadavre dans le pithos, déduire comment il a été glissé à l’intérieur et s’il était contraint par des matériaux périssables (type linceul ou liens). Bien entendu, il est nécessaire de tenir compte de la forme, de la taille du pithos et de l’étroitesse de son ouverture.
50Le bloc cranio-facial, la mandibule et l’atlas se présentent sur leur face latérale droite. Ces pièces osseuses sont en connexion stricte. En revanche, l’axis situé à proximité de l’atlas est en vue antérieure, les autres vertèbres cervicales, bien que groupées sont disloquées. Le cou épousait la pente allant du col du pithos vers sa panse. Lors de la décomposition des contentions articulaires, les vertèbres cervicales, en position instable, se sont disloquées. L’atlas et l’axis reposait sur le col du pithos. La dislocation entre les deux premières vertèbres cervicales indiquent que le bloc cranio-facial et la mandibule sont en position secondaire, ils ont pivoté vers la gauche lorsque les contentions entre l’atlas et l’axis ont lâché. L’humérus gauche est en vue antérieure, les os de l’avant bras forment un angle ouvert avec l’humérus, leur extrémité distale orientée vers l’os coxal gauche. L’ulna et le radius gauche sont parallèles, en supination, la connexion du coude gauche est préservée. La scapula droite est en vue postérieure et repose sur l’humérus droit qui apparaît également en vue postérieure. L’avant-bras droit est hyperfléchi en supination. Le coude droit est disloqué, l’extrémité distale de l’humérus droit a légèrement glissé vers le sud-ouest lorsque la disparition des chaires a créé un espace vide secondaire. Les vertèbres thoraciques sont en vue postéro-latérale gauche. Bien qu’inscrite dans le volume initial du cadavre, les côtes sont en position secondaire. Ces mouvements sont liés à la création d’un espace vide après la décomposition des parties molles et à la position originelle du thorax. Celui-ci était contraint par l’exigüité du pithos, l’hémi-thorax gauche en vue médiale, le droit en vue postérieure. Le tronc était contraint et « tordu », l’épaule droite à 0,20 m à l’ouest de l’épaule gauche. Il reposait sur le membre supérieur gauche, l’avant bras sous le ventre. L’avant bras droit reposait sous la grille costale droite la main droite au niveau de l’épaule droite et passait au dessus du coude gauche.
51Le fémur gauche apparaît en vue postérieure et est en connexion lâche avec l’os coxal gauche, le tibia et la fibula gauches. Le fémur droit est en vue antéro-médiale. La connexion de la hanche droite n’est pas préservée. Le fémur a pivoté sur sa face postérieure disloquant également l’articulation du genou droit. De nombreux os des pieds ont glissé vers le sud. Les dislocations des articulations et les mouvements des pièces osseuses indiquent une décomposition en espace vide. Les déplacements limités au volume initial du cadavre sont à mettre en relation avec l’étroitesse et la forme du pithos (notamment la concavité de sa panse).
52L’un des paramètres difficile à résoudre est la position du pithos au moment où le défunt a été positionné à l’intérieur. Au premier abord, il semble plus facile d’effectuer cette opération lorsque le vase est couché. En effet, mettre un corps dans un pithos debout nécessite de soulever le cadavre. Toutefois, cette option permet de mettre à profit la pesanteur pour facilité la mise en place du défunt dans un contenant de petit volume. Les deux scénarios sont donc possibles. Notre réflexion sur la manière dont le corps a été placé dans le pithos doit tenir compte des deux hypothèses.
53L’hyperfléchissement des jambes et la situation du bassin contre la paroi nord et des genoux contre la paroi opposée indiquent que lors du positionnement du défunt dans le vase, les membres inférieurs sont restés bloqués dans la partie la plus large du pithos. L’absence de pièces osseuses dans le quart inférieur du pithos permet d’émettre l’hypothèse que les jambes étaient maintenues aux cuisses par un moyen de contention (liens en cuir par exemple). Dans le cas contraire, lorsque le défunt a été glissé dans le pithos, les jambes auraient atteint le fond du contenant, que le pithos ait été couché ou debout. Donc, il semble que l’individu ait été positionné dans le pithos comme suit : les genoux en premier, puis le bassin et enfin le tronc qui a épousé le volume intérieur du pithos. La tête a été disposée pour être face vers le plafond de la tombe, même si au final, elle a été recouverte par un vase. Pour le positionnement des membres supérieurs, deux hypothèses sont possibles. (1) Ils ont été bloqués contre le thorax, avant bras fléchis contre les bras, au moment de glisser la partie supérieure du corps dans le contenant, ensuite, cette disposition initiale, n’étant pas contrainte par des liens, l’avant bras gauche a glissé vers les cuisses alors que l’avant bras droit est resté proche de sa position initiale de part l’étroitesse du contenant. (2) Les épaules ont été placées en premier dans le pithos et les bras « poussés » à l’intérieur sans qu’il y ait une volonté particulière de les disposer d’une manière précise.
54Il est impossible de déterminer si la situation de la tête en dehors du pithos est volontaire ou si elle est liée au blocage des hanches et des genoux au milieu du contenant qui a limité la disposition supérieure du corps dans celui-ci. Le fait est qu’elle n’a pas été laissée à l’air libre mais recouverte d’un vase dont le col s’emboitait dans le pithos (fig. 4.13).
55La découverte d’autres inhumations en pithos permettra de définir si la manière de glisser et de disposer le défunt à l’intérieur suit des règles fixes, auquel cas nous pourrons les qualifier de gestes funéraires, ce qui signifie qu’ils font partie d’un rituel spécifique au traitement du corps du défunt allant au-delà d’une simple gestion de l’espace dans un contenant de petit volume.
4.3. Mobilier associé aux restes osseux
56Aucun mobilier n’était associé aux vestiges humains.
5. La structure 1.9-1.10
57Cette structure est constituée de deux compartiments en pierre. Au cours de la mission 2008, seul le compartiment Est, 1.9, a été fouillé exhaustivement et étudié. La fouille du second se poursuivra lors de la prochaine campagne.
5.1. Description de la structure 1.9
58Il s’agit d’une structure en pierres d’1.90 m de long sur 0.55 m de large (figs 4.17 & 4.18). Les pierres ont été posées directement sur le bedrock. La partie extérieure des murets est constituée de pierres de grande taille (50 cm/ 30 cm en moyenne) alors que la partie interne a été élaborée par l’apposition de pierres de petits calibres (10 cm / 10 cm en moyenne). Les pièces osseuses ont été déposées directement sur le bedrock dont la topographie est très irrégulière avec un dénivelé d’environ 25 cm du Sud au Nord et d’Est en Ouest (figs. 4.19 & 4.20). Aucune pierre n’a été mise à jour dans la partie ouest du mur sud, ce hiatus est lié à l’altitude du bedrock qui est identique, à cet endroit, à celle du sommet des pierres de la partie est du muret. Le comblement est composé d’un sédiment fin brun clair.
5.2. Le dépôt osseux
59Il s’agit d’un dépôt d’ossements dissociés dont l’étude va permette de discuter la fonction.
5.2.1. Le nombre minimum d’individu
60Le NMI de fréquence des blocs cranio-faciaux s’élève à 11 individus (Tableau 4.1). C’est la partie anatomique qui donne la plus haute valeur. Parmi ces blocs cranio-faciaux, un sujet périnatal2 et un enfant ont pu être individualisé avec certitude. Les dents associées au crâne de l’enfant permettent d’estimer un âge compris entre 3 ans et 6 ans et demi. L’état de conservation des crânes est extrêmement médiocre. De plus, le nombre de dents est très déficitaire par rapport à leur effectif, il est donc difficile de les attribuer à de grands enfants, à des adolescents ou à des adultes.
61Les dents maxillaires isolées, probablement tombées et dispersées lors du dépôt des blocs cranio-faciaux dans la structure, donnent des informations complémentaires. Une molaire permanente gauche permet d’attester la présence d’un individu décédé entre 2 ans et demi et 4 ans et 7 mois. Son stade de maturation n’est pas compatible avec celui de l’autre enfant. On peut envisager que l’un des crânes appartenait à cet individu.
62Le NMI obtenu par le comptage des fémurs s’élève à 10 dont un sujet périnatal, un adolescent et un enfant.
5.2.2. Identité biologique des défunts
63A qui appartiennent les restes osseux et dentaires déposés dans cette structure ? Ont-ils été sélectionnés en fonction du sexe ou en fonction de leur âge ? La conservation des os coxaux et des blocs cranio-faciaux étant très médiocre, il a été possible de déterminer le sexe sur seulement un os coxal qui s’est avéré féminin. Nous ne savons donc pas si les deux genres sont représentés dans cette structure. En revanche, la maturation dentaire et le format des os longs nous ont permis d’observer qu’il n’y avait pas de discrimination particulière en fonction de l’âge. Plusieurs pièces osseuses appartenant à au moins un individu périnatal ont été mises au jour, ainsi que deux blocs cranio-faciaux d’immatures décédés entre deux et six ans, une mandibule ayant appartenu à un enfant dont l’âge dentaire est compris entre 5 ans et 9 ans et 4 mois, un fémur, un ulna et un radius représentant un adolescent et de nombreux os longs de sujets adultes. Il semble que cette structure, quelle que soit sa fonction, ait accueilli les restes d’individus de tout âge. Ce paramètre n’était donc pas un critère de sélection.
5.2.3. Représentation des différentes parties anatomiques (figs 4.21, 4.22 & 4.23, Tableau 2) et analyse taphonomique
64Le calcul du NMI permet également de savoir quels sont les ossements qui ont été collectés et transférés dans cette structure. Pour les adultes et l’adolescent, il s’agit en majorité des os les plus volumineux du squelette : os longs, os coxaux, blocs cranio-faciaux, scapulas (figd 4.21, 4.22 et 4.23). Les os longs privilégiés dans le ramassage sont le fémur, l’ulna et l’humérus. On décompte également 6 mandibules et 6 clavicules et quelques vertèbres. Des éléments de petites tailles tels que les os du carpe, les métacarpiens et les phalanges sont également présents, mais en petite quantité (Tableau 4.2). Ont-ils été ramassés ou leur présence est-elle à mettre en relation avec le ramassage de région anatomique (par exemple, un membre supérieur complet) dont la décomposition n’est pas achevée ? Un atlas, un axis et un bloc cranio-facial étaient en connexion lâche, ce qui implique un déplacement de la tête alors que le décharnement avec le cou n’était pas totalement achevé. Un fémur et un os coxal droit était en connexion stricte indiquant un déplacement des deux pièces osseuses alors que les ligaments n’étaient pas décomposés.
65Des pièces osseuses ayant appartenu à un individu périnatal ont été mises au jour, il s’agit d’un bloc cranio-facial, d’un humérus, d’un fémur et de métacarpiens ou métatarsiens. La faible taille de certains de ces éléments permet d’émettre un doute sur la nature secondaire du dépôt d’autant qu’ils sont concentrés le long du mur est. On ne peut exclure dans ce cas, une inhumation primaire de nouveau-né qui aurait été bouleversé d’une part par le pendage du bedrock dans cette partie de la structure et d’autre part par l’apport d’ossements volumineux pardessus, ce qui expliquerait l’absence de logique anatomique entre les ossements.
66Les ossements d’enfants sont rares, on note la présence d’un fémur droit et d’un fragment de tibia dont la latéralisation n’a pas été possible. Ces pièces se situaient parmi des ossements adultes. L’observation des appariements et l’estimation des âges (même s’il s’agit de catégorie) pour les sujets immatures montrent que les individus sont représentés par plusieurs pièces. Par exemple, plusieurs os dont l’épiphysation n’est pas terminée, peuvent d’après leur format appartenir au même adolescent. Il en est de même pour le sujet périnatal et les os longs d’enfants qui ne sont pas incompatibles avec les stades de maturation dentaire observés. Toutefois, il est clair que la collecte des ossements n’était pas exhaustive. Seulement une partie des corps décomposés ou en cours de décharnement ont été transportés dans la structure 1.9.
5.2.4. L’organisation spatiale (fig. 4.24)
67Le mode de dépôt des ossements est étroitement lié à la topographie du bedrock sur lequel ils reposent. En effet, dans la partie ouest, les os longs sont orientés est-ouest car le bedrock forme une zone relativement plane. C’est aussi la raison pour laquelle les os coxaux, volumineux et irréguliers ont été placés dans cette partie de la structure. Dans la partie est, outre les restes de l’individu périnatal, ce sont surtout des os longs orientés nord-sud à cause du pendage du bedrock qui ne permettait pas de les disposer autrement. Les blocs cranio-faciaux semblent réunis dans la même aire, mais si l’on observe la figure 4.19, on s’aperçoit qu’ils sont surtout situés aux endroits où le bedrock est plus ou moins plat. Leur face d’apparition est très variable ainsi que l’orientation de la face. En revanche, le parallélisme des os longs traduit une volonté d’agencement précis. Ils n’ont pas été jetés dans la structure mais déposés avec précaution.
68La recherche d’appariements entre os pairs permet également d’étudier la répartition spatiale des os au sein de la structure. Nous observons que, dans certains cas, des os appariés ont été déposés les uns à proximité des autres mais ce fonctionnement est loin d’être systématique et semble plutôt anecdotique. En effet, lors de leur collecte, les restes osseux d’un même sujet étaient sans doute bien individualisés et donc ramassés ensemble, ce qui augmente la probabilité d’être déposé secondairement les uns à proximité des autres. La préservation de l’individualité n’était peut être pas volontaire.
69Il est, en outre, impossible de savoir si les ossements ont déposés en une fois ou en plusieurs temps.
5.3. Fonction de la structure funéraire 1.9
70Cette structure renferme les pièces osseuses ayant appartenu à au moins 11 individus. Ces os transportés à l’état sec pour la plupart, proviennent d’un autre lieu, probablement celui où s’est déroulée la décomposition. Il s’agit donc d’un dépôt secondaire d’ossements dissociés. Pourquoi ces restes humains ont-ils été déplacés ? Étant donné le faible nombre de tombes fouillées et étudiées dans la zone 1, nous n’avons pas encore une idée précise de la gestion de l’espace des tombes à proprement parlé (celles qui ont reçu les dépôts primaires d’individu). Nous savons toutefois que plusieurs constructions servaient de sépultures collectives et que d’autres ne recevaient qu’un seul défunt. Plusieurs hypothèses peuvent donc être émises : (1) les sépultures collectives n’offraient plus assez d’espace pour installer de nouveaux défunts, certains corps ont donc été déplacés dans une autre structure de la nécropole pour gérer le manque de place, la plupart du temps à l’état d’os sec mais il n’est pas exclue que le manque de place se faisait sentir alors que la décomposition n’était pas terminée ; (2) certaines constructions étaient dévolues à un seul individu ce qui impliquait le déplacement des corps décomposés au fur et à mesure des décès, dans ce cas dans ces sépultures nous devrions retrouver des pièces osseuses non compatibles avec le dernier inhumé (celui que nous avons mis au jour), ce qui n’est pour l’instant pas le cas. A ce stade de l’étude et des découvertes, nous privilégions la première théorie qui devra être étayée par la répétition de découverte, dans les sépultures collectives, de pièces osseuses incompatibles avec les derniers sujets déposés.
71Il est donc certain que la structure 1.9 n’est pas une sépulture. Le cas de l’individu périnatal est problématique. Le caractère primaire du dépôt ne garantie pas que la structure ait été utilisée comme un sépulcre. En effet, n’oublions pas que le corps du bébé n’a pas été déposé dans un lieu d’inhumation. Il ne reposait pas directement sur le bedrock mais sur les ossements d’autres individus. Encore une fois, les données récoltées pendant deux campagnes sur la nécropole ne nous permettent pas d’aller plus avant dans la discussion. Si nous ne trouvons pas d’individu périnatal dans les autres sépultures, nous pourrons conclure que la structure 1.9-est a été utilisée pour déposer le corps ce qui n’implique pas nécessairement des funérailles. Si des inhumations de bébé sont attestées, alors il faudra peut être envisager un autre scénario.
72L’ensemble des os n’ont pas été jetés dans la structure, ils ont été déposés soigneusement, de nombreux os longs sont parallèles les uns aux autres. Ces vestiges étaient donc respectés et ont été traités avec égard. Ils ont bénéficié d’une construction (probablement fermée) au sein de la nécropole parmi les autres défunts. Toutefois, le ramassage de chaque individu n’était pas exhaustif, le crâne et les os les plus volumineux ont été privilégiés car ils étaient les plus encombrants dans les sépultures primaires et gênaient l’apport de nouveaux défunts.
73Cette structure appartient donc à la sphère funéraire, la construction délimite un espace bien circonscrit dans lequel ont été déposés les restes de corps décomposés pour gagner de l’espace dans les tombes à proprement parlé. Mais il n’est pas du tout évident que cette translation de corps ait été prétexte à une cérémonie. De plus, ce déplacement n’était peut être pas programmé au moment des premières funérailles, mais a plutôt répondu à une obligation de vidanger certaines tombes pour laissé place à de nouveaux défunts. Il est donc tout à fait exclu qu’il s’agisse d’une sépulture secondaire.
5.4. Mobilier associé
74Aucun mobilier n’était associé au dépôt secondaire. Seulement quelques tessons épars ont été mis au jour, résultant probablement du remplissage.
6. Structure 1.11-1.12
75Durant les deux dernières semaines de la campagne 2008, nous avons également entrepris de dégager un ensemble de restes situé plus haut sur la colline (la terrasse supérieure, fig. 4.25). Un premier ossement d’avant-bras (radius) avait été déterré durant la fouille de cette zone et après découverte du sommet d’une calotte crânienne, la fouille de la zone 1.11-1.12 s’est poursuivie dans la partie adjacente du sondage afin de permettre un dégagement minutieux des restes humains dans la zone ouest. Une jarre couchée était présente à proximité de ces ossements. Elle a été conservée in situ pour l’année prochaine. Dans la zone 1.12, adjacentes à cet ensemble d’ossements et cette jarre, et probablement séparées de ces derniers par un mur à une seule rangée de pierres, se trouvaient quatre jarres dont deux au moins ont livrés des restes humains de fœtus ou d’enfant mort entre 0-1 ans. Le contenu de deux de ces jarres a été sorti en bloc et serra fouillé l’année prochaine en laboratoire pour comprendre le mode de déposition des corps. Des restes humains matures ont aussi été découverts dans la structure 1.12. Ils devront être fouillés lors de la prochaine campagne.
76La fouille de l’espace 1.11 a livré une série d’ossements sans connexion anatomique clair. Le dénombrement des restes fait état de quatre individus au minimum. Trois crânes étaient regroupés au NO de la zone. Ils reposaient sur le côté, la face vers l’Est. L’analyse anthropologique a permis d’associer certaines paires d’os longs sur base de critères métriques et morphologique. Un individu robuste et de grande taille semble le mieux représenté, mais dispersé dans tout le dépôt. Parmi les autres restes, certains pourraient appartenir à un adolescent vu leur dimension. En outre, un des trois crânes (le plus à l’Est) présentait une synchondrose sphéno-occipitale non fusionnée, ce qui indique un âge au décès antérieur à la 20e année. Toutes les parties anatomiques sont représentées jusqu’aux ossements les plus petits, comme les os des pieds ou des mains.
77Mélangées à ces restes, se trouvaient de grandes pièces de céramique épaisses de près de 2 cm (possibles témoins d’un larnax). Trois d’entre elle remontent ensemble (#8, #9 & #17 ; fig. 4.26). Ces observations suggèreraient un dépôt primaire de plusieurs individus dans un contenant en matériau solide qui aurait été par la suite détruit et fortement perturbé. L’extension de la fouille l’année prochaine permettra peut-être d’éclaircir le fonctionnement de cet ensemble.
7. Caractérisation morphométrique
7.1. Restes dentaires
78Les deux campagnes de fouilles ont livrées les restes de 167 dents permanentes et de 28 dents déciduales pour l’ensemble de la zone 1. Les variations anatomiques non-métriques que nous avons relevées sur l’ensemble des dents permanentes sont reprises dans le Tableau 4.3.
79La forme en pelle (I Pelle) des incisives centrales supérieures a une fréquence très élevée dans les deux zones les plus riches en restes (1.7 et 1.9). Il en va de même pour le sillon de l’incisive latérale supérieure (I Groove). Dans le cas de la Tombe 1.7, la plupart des traits observés le sont sur les germes des deux enfants (A & B). Ce sont en outre les seuls de tout l’échantillon à posséder une ride médiale (C Med R) nette sur les canines supérieures. Ces observations supportent l’hypothèse d’un lien de parenté entre ces deux enfants. Les restes de la structure
801.11 semblent se distinguer par un nombre assez faible de variations anatomiques non-métriques (10,3 % ; n=29) par rapport à la structure 1.9 (19 % ; n=84) et la structure 1.7 (28 % ; n=132). Cette différence est probablement en partie liée à la taille de l’échantillon par rapport à celui de la Tombe 1.7 et de la structure 1.9. Il est également intéressant de noter que la fréquence d’apparition du tubercule de Carabelli (M Carab) est significativement plus grande lorsqu’on ne considère que les germes dentaires. La proportion de ce trait chez les enfants est de 71,43 % alors qu’elle n’est que de 9 % chez les adultes.
81De manière plus anecdotique, l’Adulte B de la Tombe 1.7 présente des canines supérieures avec deux racines et une prémolaire retrouvée dans la chambre nord de cette tombe possède une malformation de la cuspide buccale de la couronne.
7.2. Le squelette crânien
82Les restes crâniens des différentes zones (structures 1.6, 1.7, 1.9 et 1.11) sont très fragmentaires, souvent cassés in situ, ce qui limite considérablement leur étude. Seul le crâne retrouvé dans le pithos a pu être reconstruit facilitant la prise de quelques mesures générales.
83Il se caractérise par une faible capacité crânienne (~ 1187 cm³) et ses valeurs de longueur-largeur le situe dans la catégorie des mésocrânes. La hauteur du crâne est particulièrement faible par rapport à ces deux dernières dimensions ce qui le place parmi les tapéinocrânes (crâne bas). Les largeurs pariétales et frontales sont proportionnées entre elles (métriométope). En ce qui concerne la proportion de l’arc frontal (F), pariétal (P) et occipital
84(O) par rapport à l’arc sagittal total, ce crâne se place dans la catégorie frontal dominant : F (37 %) > P (32,9 %) > O (30,1 %). Enfin, en ce qui concerne la forme de la voûte crânienne, le pariétal possède une courbure forte tandis que l’occipital est peu courbe.
85Ce crâne présente également une série de variations anatomiques non-métriques qui sont reprises dans le Tableau
864.4.
7.3. Le squelette infra-crânien
87La plupart de restes infra-crâniens sont fragmentaires et leurs extrémités sont rarement préservées ce qui entraine un problème majeur de détermination. En effet, quelque soit les zones, des ossements robustes sont associés à des restes plus graciles et l’absence des extrémités empêche de dire si cette gracilité est liée à un possible dimorphisme sexuel ou à l’association d’individus immatures (dont les épiphyses ne seraient pas encore soudées).
88Le Graphique 4.1 reprend les périmètres minimaux de la diaphyse fémorale pour l’ensemble des zones. La structure 1.9 qui contient le plus de restes montre une dispersion gaussienne des valeurs de périmètre, mais il n’est pas possible de dire pour autant que les deux sexes soient représentés de façon homogène. Les fémurs de la structure
891.7 appartiennent quant à eux à deux individus dont la diagnose sexuelle a pu être estimée sur le terrain à partir des fragments d’os coxaux retrouvés. Les deux premiers fémurs appartiendraient à un individu masculin tandis que les deux suivant sont associés à l’Adult C (féminin). Le dimorphisme sexuel dans ce cas est clair. Cependant, une comparaison inter-zones montre que ces fémurs « masculins » se situent dans la partie inférieure de la variabilité de l’échantillon de 1.9 alors que les fémurs de la femme inhumée dans le pithos possèdent une grande asymétrie et des valeurs plus élevées. Enfin, les fémurs de la zone 1.11 ont des périmètres forts alors que la présence d’un individu adolescent au sein des restes ait été attestée.
90Malgré ce problème d’identification, certaines particularités morphométriques sont présentes sur les fémurs et les tibias retrouvés à Sissi.
91Les fémurs se caractérisent par un indice pilastrique très faible, quelque soit les zones étudiées. A l’exception de deux fémurs (un de l’inhumation en pithos qui présente une forte asymétrie et l’autre provenant de 1.2, tous les fémurs sont classés dans les catégories « nul » ou « faible » pour le développement du pilastre (Graph. 4.2). Ce rapport témoigne de la forme du contour à mi-diaphyse qui, dans ce cas, à tendance être ovale avec le plus grand axe orienté transversalement.
92Une autre caractéristique des fémurs de Sissi est la présence d’un pilier médiale développé dans la partie proximale de la diaphyse. Ce pilier est accompagné dans les cas les plus extrêmes par la formation d’un sillon sur la face postéro-latérale de la diaphyse. Cette morphologie se traduit par un rapport faible des diamètres sous-trochantériens caractérisant un aplatissement transverse de la diaphyse. Ce trait est présent de façon marquée sur les fémurs de la structure 1.7 et de la structure 1.9 (Graph. 4.3). Il est également présent sur l’individu inhumé en pithos. Seuls les fémurs de la structure 1.11 montrent une plus grande dispersion de valeur. En outre, les fémurs appartenant à l’individu le plus robuste de cet ensemble sont tous les deux eurymèriques.
93La présence d’un pilier médial est assez fréquente chez les individus du Paléolithique supérieur européen (Trinkaus 2006) et parmi certaines populations épipaléolithiques d’Afrique du Nord (e.g. Taforalt). Cette expansion latérale pourrait être une réponse ostéologique aux contraintes biomécaniques de tensions subies par la partie proximale de la diaphyse fémorale lors de la flexion médio-latérale de cette région (e.g. Ruff 1995).
94Enfin, les tibias de Sissi possèdent un aplatissement transverse de la diaphyse assez marqué qui se traduit par un indice cnémique faible. C’est surtout le cas des tibias de la structure 1.7 et de la structure 1.2 (Graph. 4.4).
95De façon générale, les restes matures de la structure 1.7, montrent une homogénéité forte au niveau des caractéristiques morphométriques du squelette infra-crânien. Il en allait de même des variations non-métriques des germes dentaires des deux enfants de cette tombe. L’ensemble 1.9 est quant à lui beaucoup plus homogène, de même que les restes de la structure 1.11.
96La découverte de nouveaux restes humains au cours des prochaines campagnes de fouilles permettra sans doute de pousser plus en avant les premières observations morphométriques effectuées sur les ossements et les dents humaines retrouvées à Sissi.
Bibliographie
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Notes de bas de page
Auteurs
PhD, Research assistant, RBINS – Anthropology & Prehistory, 29 rue Vautier, 1000-Brussels, Belgium
Chargé de Recherche, CNRS, Faculté de Médecine Nord, Boulevard Pierre Dramard, 13916 Marseille Cedex 20, France
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