Eric Weil
Violence et démocratie dans un monde globalisé
p. 269-283
Texte intégral
1. Philosophie et politique
1Le problème de la violence est au cœur de la philosophie d’Eric Weil. La violence y est envisagée sous ses différents aspects : violence de la nature, violence sociale et politique, violence de la passion autodestructrice. Mais la question centrale est celle des rapports entre violence et discours. Weil part d’une réflexion sur les conditions de possibilité du dialogue philosophique et, sur le plan politique, d’une discussion rationnelle et raisonnable. C’est dans le cadre de cette réflexion qu’il développe une théorie de la démocratie. Cette théorie s’inscrit dans la perspective d’un monde globalisé – dans les termes de Weil : du développement d’une société mondiale. Cette perspective apparaît d’emblée dans sa définition de la politique. Par opposition à la morale qui est action sur soi-même de l’individu, l’action politique est « action raisonnable et universelle sur le genre humain » (Weil, 2000a : 12).
2Encore faut-il distinguer les conceptions que le philosophe et l’homme politique se font de la politique. La philosophie étant pratique du dialogue, elle assigne à la politique un but moral. Ce but a deux aspects. En premier lieu, il est de contribuer à l’avènement d’un monde où tout être humain ait la possibilité réelle d’accéder à l’autonomie morale, c’est-à-dire, puisse faire ses propres choix sur la base de principes compréhensibles et admissibles par tous. Dans les conditions du monde actuel, c’est loin d’être le cas. Cela est dû à la violence sous toutes ses formes : naturelle, socio-économique, politique. Tant que l’individu n’est pas libéré de la violence, il ne peut pas mener une vie qui soit vraiment la sienne. La violence de la nature fait passer l’impératif de la survie avant tout autre chose. La violence sociale et politique atteint l’individu en tant que membre d’un groupe ou d’une couche sociale, d’une nation ou d’une minorité. Elle lui impose le destin de son groupe ou de sa communauté. Un monde où cette violence serait réduite verrait la fin des luttes sociales et des conflits internationaux. Par le fait même, ce serait un monde où tout individu humain aurait la liberté réelle de mener une existence autonome, non dans l’isolement, mais dans le libre choix de ses appartenances et de ses modalités d’appartenance.
3En second lieu, le but de l’action est l’avènement d’un monde où tout être humain puisse faire valoir ses droits par la parole. Dans le monde actuel, ce n’est pas non plus le cas. L’efficacité du dialogue ou de la discussion dépend des limites dans lesquelles les interlocuteurs sont prêts à se laisser convaincre par le meilleur argument, mais aussi à modifier en conséquence leurs positions et leur manière d’agir. En retour, les limites du recours à la discussion rejettent les individus sur le choix de la violence sous l’une ou l’autre forme : violence de la contrainte ou de la destruction, violence de l’instrumentalisation ou de la manipulation. Dès lors, il ne suffit pas de définir les normes de l’agir communicationnel, il faut préciser les conditions dans lesquelles l’action par la discussion peut être réellement efficace.
4La tâche de la philosophie est de promouvoir le dialogue. C’est à ce titre que le philosophe – et d’une manière générale, l’homme de culture – participe au monde de l’action. Il est, dans la plupart des cas, un enseignant et un éducateur. Il enseigne la pratique du dialogue et contribue à la diffusion d’une culture de la discussion argumentée1. En tant qu’il participe aux débats publics, il doit promouvoir cette pratique dans l’ensemble de la société. Mais en tant qu’elle est politique, la philosophie doit aussi penser les conditions de possibilité de l’efficacité du discours, de la discussion raisonnable. Ce qui veut dire qu’elle doit s’interroger sur les conditions de sa propre réception, sur l’effet de sa propre pratique dans la société telle qu’elle est.
5Idéalement, les conditions d’une action par le seul échange des arguments impliquent l’absence de rapports de force. Elles rejoignent les conditions d’un accès universel à l’autonomie morale, c’est-à-dire, l’avènement d’un monde libéré des conflits sociaux, communautaires et interétatiques. Le monde que ces conditions préfigurent est un monde où l’organisation rationnelle du travail social permettrait le pluralisme des formes de vie éthique et, par là même, la possibilité pour l’individu raisonnable de mener une vie qui fasse sens à ses propres yeux. Concrètement, cela veut dire une société mondiale soumise au contrôle politique des États historiques. Mais cela implique aussi une transformation de l’État. D’institution du pouvoir et de la domination, l’État doit devenir de plus en plus ce qu’il est selon son concept, à savoir une communauté éthique à laquelle l’individu adhère librement afin de mener, avec d’autres, une existence sensée.
6Toutefois, ces buts que la philosophie assigne à la politique n’ont une chance de se réaliser que dans la mesure où ils recoupent les objectifs que poursuivent les hommes politiques et les groupes, nations, États au nom desquels ils agissent. Pour que les droits fondamentaux soient garantis à tout être humain, pour que l’action par le dialogue et la discussion soit efficace, il faut que l’intérêt des gouvernants soit de contribuer à l’édification d’un monde d’où la violence soit progressivement exclue. Il faut qu’il y ait recoupement entre le discours que le philosophe, d’une part, et les politiques, d’autre part, tiennent sur l’action politique. Il faut une sorte de consensus par recouvrement entre la raison, que promeut le discours philosophique, et la rationalité calculatrice qui prévaut dans la société moderne, entre l’idéalisme moral et l’utilitarisme. Il faut, pour le dire encore autrement, dépasser l’opposition entre la critique morale du pouvoir et l’exercice des responsabilités politiques.
2. Communauté et société
7La première chose à faire est ainsi de saisir pour elle-même la réalité politique. C’est pourquoi Weil prend le contre-pied de la formule de Marx dans sa onzième thèse sur Feuerbach. Marx affirme : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe est de le transformer ». En réponse à cette formule, Weil écrit : « La première tâche de qui veut changer le monde est de le comprendre dans ce qu’il a de sensé » (Weil, 2000a : 57). Plus précisément, il s’agit de le comprendre en tant que mixte de sens et de non-sens, de violence et de raison. En l’occurrence, le problème fondamental de notre époque, c’est pour Weil le conflit entre la société et l’État, entre la société en cours de mondialisation et l’État particulier. C’est dans ce contexte que se développe la forme moderne de la démocratie. C’est aussi dans ce contexte qu’apparaissent les formes spécifiques de violence auxquelles cette démocratie doit faire face.
8Pour le comprendre, il faut partir des interrelations complexes entre État, communauté et société. Réinterprétant à sa manière le couple société/communauté hérité de Tönnies et de Max Weber, Weil fait la distinction entre la communauté unifiée par ses traditions historiques – traditions éthiques, religieuses, linguistiques, esthétiques, politiques – et la société définie comme système de production et d’échange des biens. Communauté et société ne sont pas deux réalités séparées, mais deux aspects d’une même réalité. Toute communauté historique est en même temps une société. À tel point que l’un des traits des sociétés/communautés prémodernes, c’est que les valeurs de la communauté sont aussi celles de la société. La « morale concrète » de la communauté valorise certains biens, certaines activités plutôt que d’autres. Elle légitime ainsi la hiérarchie sociale caractéristique de cette société, elle fournit le concept de justice qui s’applique à la structure sociale.
9L’un des traits de la modernité, en revanche, est une sorte de découplage entre société et communauté. La société tend à devenir mondiale, la communauté reste particulière. La société moderne est fondée sur le calcul rationnel. Elle vise l’efficacité et la performance. Or, seule une société mondiale permettrait d’atteindre l’efficacité maximale en évitant les crises économiques, c’est-à-dire les cycles de croissance, de stagnation ou récession, caractéristiques des sociétés « capitalistes ». Ces crises sont des crises de sous-consommation plutôt que de surproduction. Au sens strict, il ne peut y avoir surproduction, car il n’y a pas de limite à la consommation humaine, surtout si son augmentation se mesure en termes qualitatifs et non seulement quantitatifs. Une organisation du travail social à l’échelle mondiale permettrait d’éviter ces crises de sous-consommation en régulant le système économique et en favorisant la réduction des écarts de développement. De ce fait, la résolution du problème des crises passe par une relative égalisation des niveaux de vie entre les sociétés particulières, qui ont vocation à devenir des secteurs différenciés, mais de plus en plus interdépendants, d’une seule et même société mondiale.
10Naturellement, ce n’est pas ainsi que s’effectue, dans les faits, la « mondialisation ». Celle-ci progresse de manière chaotique, par la rivalité entre les sociétés/communautés particulières. Le moteur de la mondialisation n’est pas l’organisation planifiée, à l’échelle mondiale, d’une société soucieuse d’éliminer les contradictions internes qui l’empêchent d’être pleinement rationnelle. Le moteur de la mondialisation est la rivalité entre les communautés historiques, entre les sociétés et les États particuliers. Il en a d’ailleurs toujours été ainsi. C’est la défense de leurs traditions religieuses, politiques, culturelles et la poursuite de buts traditionnels, tel le prestige ou la puissance, qui a conduit les États à favoriser le développement des techniques et la rationalisation du travail social. C’est la défense de leurs particularismes historiques qui, paradoxalement, a poussé les États et les sociétés à se moderniser.
11D’où le conflit entre modernité et tradition qui s’est développé à l’intérieur de chaque société/communauté, de chaque État particulier. C’est en vue de buts traditionnels et pour défendre leurs particularités historiques que les sociétés/communautés se modernisent. Mais en entrant dans le processus de la modernité, elles sont amenées à développer des normes et des valeurs – celles du progrès, du calcul rationnel, du confort matériel, de la compétition individuelle – qui entrent en contradiction avec leurs valeurs traditionnelles. Le conflit est aigu au début de l’industrialisation, d’autant qu’il va de pair avec le déracinement des paysans et la concentration de masses urbaines paupérisées. Dans les sociétés avancées, industrielles ou postindustrielles, il laisse place à une sorte d’équilibre2. En gros, le conflit se stabilise sous la forme d’un partage entre vie professionnelle et vie privée. D’une part, la compétition sociale et l’exercice de plus en plus rationalisé des différentes fonctions sociales ; de l’autre, la vie privée où se réalisent et se transmettent les valeurs d’une tradition : amitié, solidarités familiales, auto réalisation personnelle, pratiques religieuses ou culturelles, etc.
12Mais cet équilibre n’est pas suffisant. Le cloisonnement entre vie sociale et vie privée ne suffit pas à réconcilier les valeurs de la société moderne et celles de la communauté historique. Car, dans la société moderne, l’individu est considéré et se considère lui-même comme un rouage du mécanisme social. Il doit se soumettre à la compétition pour accéder aux fonctions qu’il espère remplir. Il doit acquérir les savoirs et les compétences qui lui donnent un prix et lui permettent de se placer sur le marché du travail. Cette « chosification »3 n’est pas sans effets positifs. Elle réalise une première éducation en amenant l’individu à discipliner son impulsivité et sa violence naturelles, à respecter les règles qui gouvernent l’exercice d’une fonction sociale, à se prendre en charge en faisant des choix rationnels. La chosification est l’envers d’un processus de socialisation et d’accès à l’indépendance matérielle. Mais elle n’en est pas moins chosification. La société moderne est par principe matérialiste, elle ne vise qu’à l’accroissement des performances économiques et technologiques. Ces objectifs impliquent l’accès à l’éducation, à la santé, au loisir, à l’élévation générale du niveau de vie, du moins dans les sociétés avancées qui sont fondées sur la consommation de masse et l’augmentation de la productivité. De sorte que seule une minorité, dans ces sociétés, remet sérieusement en cause la modernité et les avantages du progrès. Il reste que la société moderne, sur son propre plan, ne donne aucun sens à l’existence. Tout au moins, elle ne lui donne aucun autre sens que de participer au processus indéfini du progrès.
13C’est pourquoi les valeurs de la communauté ne sont pas seulement des valeurs refuges, des valeurs qui donnent un sens à la vie privée. Elles inspirent aussi la volonté politique de subordonner le mécanisme social au respect de normes éthiques, c’est-à-dire, aux valeurs d’une « morale concrète ». En certains cas, par exemple, la politique doit faire prévaloir les valeurs de la solidarité sur les principes de la compétition. Dans cette vue, l’action politique est le processus par lequel une communauté historique soumet à un contrôle politique sa propre infrastructure sociale, se réalise comme forme de vie éthique par la maîtrise collective des processus économiques. Mais si ces processus doivent être encadrés par des règles éthico-juridiques, la morale concrète de la communauté doit en retour s’adapter aux conditions de la modernité. De ce fait, la subordination de l’économique à l’éthique, du social au politique, s’accompagne d’une réinterprétation des valeurs constitutives de la morale concrète. Tout en soumettant l’infrastructure socio-économique à des principes de justice, la communauté politique doit réinterpréter l’idée qu’elle se fait de la justice. Si elle puise ses valeurs directrices dans ses traditions, elle ne peut pas se contenter de les perpétuer telles quelles. Elle doit consentir à leur évolution. Elle doit accepter l’abandon de celles qui sont incompatibles avec la rationalisation de la société. Bien plus, elle doit prendre la responsabilité de cette évolution en repensant ses propres traditions, en les soumettant à la réflexion critique.
14Elle le doit d’autant plus que si l’unité d’une communauté politique repose sur l’adhésion à des valeurs fondamentales (sur ce que Weil appelle son « sacré »), cela n’implique pas que cette communauté soit moralement et culturellement homogène. Car les traditions culturelles, religieuses, politiques donnent lieu au conflit des interprétations. De ce point de vue, la caractéristique des communautés politiques est l’existence d’un débat public permanent sur l’interprétation des valeurs communes, en particulier le débat sur la justice – de cette vertu qui, Aristote l’a montré, résume toutes les autres vertus en tant qu’aspects du rapport à autrui4. C’est d’un même mouvement que la communauté politique tente de soumettre sa propre structure sociale (son infrastructure socio-économique) au respect des valeurs constitutives d’une éthique commune, et qu’elle mène un débat sur le véritable sens de ces valeurs. D’où le double aspect de la discussion politique : elle rend possible l’analyse de la situation et la prise de décision, mais elle est en même temps une herméneutique des valeurs communes.
3. Le conflit entre l’État et la société
15C’est dans ce contexte qu’apparaissent le rôle de l’État et les traits caractéristiques, mais aussi les limites de la démocratie contemporaine. L’État est l’organisation institutionnelle qui permet à une communauté historique d’agir, c’est-à-dire d’identifier les problèmes et de prendre les décisions destinées à les résoudre. En même temps, il est l’État d’une société particulière, d’un secteur de la société mondiale en cours de formation. En tant qu’État d’une communauté historique, il vise la perpétuation de cette communauté. Ses buts sont la préservation de l’unité et de l’indépendance de la nation. En tant qu’État d’une société particulière, il en assure le fonctionnement par son administration. Dans ses relations avec les autres États, il représente les intérêts économiques de cette société.
16Sur le plan politique, l’opposition société/communauté donne lieu à un conflit entre l’État et la société, entre l’État comme réalité historique et la société comme organisation du travail social. À l’intérieur de l’État, ce conflit se manifeste par les luttes sociales pour la justice et la révolte à l’égard de la « chosification », de la réification des individus par la société moderne. Sur le plan international, le conflit est lié au fait que l’État est particulier, tandis que la société tend à devenir universelle. La société en cours de mondialisation tend donc à mettre l’État particulier sous sa dépendance. En conséquence, la subordination des processus socio-économiques à des principes éthico-juridiques n’est possible que par une action concertée des États.
17Tel est le contexte dans lequel se pose la question de la démocratie. La démocratie, chez Weil, se définit comme État constitutionnel et comme méthode de gouvernement fondée sur la discussion universelle. Dans toutes les formes d’État moderne, le gouvernement est au centre de l’action politique. Dans l’État autocratique, il agit seul et sans contrôle. Dans l’État constitutionnel, il ne peut agir sans la participation d’autres instances : le parlement qui donne force de loi à ses décisions et les tribunaux qui sanctionnent les abus du pouvoir. Le principe de l’État constitutionnel est donc l’interdépendance des pouvoirs – et non leur séparation, comme le veut la formule consacrée. Cette interdépendance ne doit pas être comprise comme un simple système de checks and balances, c’est-à-dire de contrôle et d’empêchement réciproques, mais comme la règle d’une interaction et d’une coaction des institutions. Cette coaction associe les citoyens à la prise des décisions tout en garantissant leurs droits fondamentaux. Les tribunaux protègent les droits individuels, les citoyens en corps participent au choix d’une ligne d’action. En conséquence, le régime est fondé sur la discussion universelle, c’est-à-dire sur une discussion publique où tous ont droit à la parole. Comme ils participent directement ou indirectement à la prise des décisions politiques, les citoyens ne sont pas seulement « gouvernés », ils sont aussi « gouvernants en puissance » (Weil, 2000a : 203). La démocratie implique le suffrage universel, mais aussi l’éligibilité des citoyens aux fonctions politiques.
18Cependant, tous ces traits définissent un type idéal. Sur bien des points, on peut prendre en défaut les démocraties existantes. L’indépendance de la justice et le contrôle parlementaire peuvent être plus apparents que réels. La discussion peut être limitée au cercle fermé d’une classe politique. L’accès aux médias et la participation à la vie publique sont limités par le rôle de l’argent, des réseaux d’influence, etc. De ce fait, la démocratie dégénère souvent, non pas tant en tyrannie, comme le veut une tradition qui va de Platon à Tocqueville, mais de telle manière qu’elle promeut le pouvoir des médiocres (Weil, 2000a : 217) – alors qu’une démocratie qui fonctionne correctement assure à la fois la participation politique des citoyens et l’accès des plus capables aux responsabilités gouvernementales. D’une manière générale, aucun État n’est purement constitutionnel. Toutes les démocraties existantes sont des régimes mixtes qui combinent les traits du gouvernement constitutionnel et des survivances de l’autocratie.
19Il reste que la démocratie est fondée par principe sur la discussion universelle. À cet égard, l’une des caractéristiques de Weil est qu’il ne s’intéresse pas seulement à l’extension et aux normes de la discussion. Dans les conditions actuelles de l’action politique, la discussion ne peut pas obéir à une méthode rigoureuse (Weil, 2000a : 206), elle ne peut pas être conforme aux normes d’une discussion désintéressée (ce que Weil appelle dialogue par contraste avec la discussion politique5). Plus importants sont les problèmes qui donnent à la discussion politique son objet et ses caractères propres. Pour saisir la spécificité de cette discussion dans les démocraties modernes, il faut disposer d’une théorie des problèmes qui en sont l’objet. En mot, la structure de la discussion est définie par une « problématique ».
20D’un point de vue théorique, le problème est posé par le conflit entre État et société. Dans le cadre de la discussion politique, il apparaît comme une nécessité pratique, celle de concilier le juste et l’efficace. Il faut sans doute donner à cette formule de Weil un sens général. Elle pourrait, par exemple, s’appliquer au problème du rapport entre sécurité et liberté, entre les mesures efficaces de protection contre la violence (criminalité, terrorisme) et la garantie des droits individuels. Mais, dans la perspective de Weil, la formule s’applique spécialement à la conciliation de la justice sociale et de l’efficacité économique. Sur le fond, il s’agit de soumettre la division du travail social et les processus économiques à des principes de justice, tout en donnant de ces principes une interprétation compatible avec les caractéristiques d’une société moderne. Dans une démocratie, cette problématique définit l’enjeu des débats publics. La démocratie repose sur l’éducation réciproque des gouvernés et des gouvernants, des gouvernants « en puissance » et des gouvernants actuels. La discussion est le médium de cette éducation qui doit faire apparaître les contraintes de la réalité et dégager un consensus sur ce qui est moralement souhaitable.
21Mais pour comprendre la dynamique et les difficultés du débat démocratique, il ne suffit pas d’en identifier l’enjeu et le problème central. Il faut aussi identifier les formes de violence que la discussion a pour but de surmonter et de sublimer, mais dans lesquelles la démocratie peut toujours rechuter. Ces formes de violence sont liées au conflit entre l’État et la société. Il s’agit de la lutte entre les couches sociales, de la révolte individuelle contre la société et de la concentration étatique du pouvoir dans un contexte de rivalités internationales. La nécessité de concilier le juste et l’efficace est la manière dont le conflit entre État et société apparaît comme objet de débat public. Les luttes sociales, la révolte individuelle et la concentration du pouvoir sont les formes de violence sous lesquelles ce conflit se manifeste.
22La lutte entre les couches sociales est une lutte entre couches inférieures et supérieures de la société. Elle a pour objet la répartition du produit du travail social. Cette lutte est inévitable parce qu’il n’y a pas de modèle objectif de la justice qui permettrait d’appliquer, pour ainsi dire de l’extérieur, des principes de répartition des avantages et des charges à l’ensemble de la société. La définition d’un modèle de justice est précisément l’enjeu de la lutte. Pour être complet, il faudrait faire ici la distinction entre la lutte des classes au sens marxiste et la lutte des couches sociales au sens où l’entend Weil. Entre les deux, il y a une différence conceptuelle liée au fait que Weil distingue groupes sociaux et couches sociales, les uns étant des groupes socioprofessionnels définis par leur secteur d’activité, les autres rassemblant ces mêmes groupes en couches polarisées par le sentiment de l’injustice. Chez Weil, une société sans lutte entre les couches sociales n’en serait pas moins fondée sur un double principe de hiérarchie et de mobilité, ascendante ou descendante, des groupes socioprofessionnels. Mais la différence entre le concept marxiste de lutte des classes et le concept weilien de la lutte des couches sociales est également historique : le premier s’applique aux sociétés des débuts de l’industrialisation ; le second aux sociétés avancées, industrielles ou postindustrielles. Dans « Masses et individus historiques »6, Weil analyse les raisons pour lesquelles les luttes sociales se poursuivent, dans les sociétés avancées, par des moyens non-violents. Schématiquement, la lutte n’est plus lutte contre la société capitaliste (au sens marxiste) et contre l’État (bourgeois). Elle est lutte dans le cadre de la société moderne (capitaliste au sens de Weber) et elle est lutte « pour l’État ».
23La raison principale est l’interdépendance des groupes qui va de pair avec leur polarisation sous forme de couches opposées. L’interdépendance croissante des groupes sociaux rend de plus en plus improbable le recours à la violence parce que tous ont un intérêt objectif à la stabilité du système. Parce que les luttes sociales s’effectuent dans le cadre de la société moderne, leurs méthodes sont celles du calcul rationnel. Les organisations professionnelles sont comparables à des entreprises. Comme les entreprises, elles disposent du travail de leurs membres, non pour l’investir dans le processus de production, mais pour l’en retirer (par l’arrêt ou le ralentissement du travail) et exercer ainsi une force de pression. Elles ont leurs buts et leurs stratégies, elles visent l’optimisation des résultats. La lutte n’utilise plus de méthodes violentes, mais a recours aux moyens légaux de la grève, de la manifestation, de la mobilisation électorale. Plus exactement, elle n’a pas recours à la violence active qui détruit les institutions existantes, mais à la violence passive qui en empêche le fonctionnement normal. Dans le meilleur des cas, le comportement des acteurs de la négociation est prévisible, précisément parce que leurs buts et leurs stratégies sont connus. Mais le système est fragile. Car tout dépend de la croissance et du progrès. En cas de crise économique, la perspective de la régression et de la paupérisation peut engendrer un sentiment massif d’exclusion de la société. Dans ce cas, la lutte redevient lutte contre la société et ses modalités violentes – au sens de la violence active – peuvent retrouver une forme de légitimité dans certains secteurs de la société.
24Dans la société moderne, la lutte entre les couches sociales se double d’un conflit entre l’individu et la société. Les luttes sociales sont liées au sentiment de l’injustice. L’opposition de l’individu à la société est liée au sentiment du non-sens. D’un côté, les valeurs de la société moderne ne donnent pas sens à l’existence. La société ignore l’individu en tant que tel. Elle ne reconnaît pas l’individu comme sujet irremplaçable, elle ne reconnaît que des performances objectives. Tous les individus sont à ses yeux substituables, la question étant de savoir à quel coût. En même temps, la société moderne fait apparaître les valeurs morales traditionnelles comme de simples préférences sans fondement rationnel. Elle les relativise et les dévalue pour les remplacer par les valeurs de la compétition, du progrès, du calcul rationnel. Dans ces conditions, l’individu ne peut adhérer sans réserve à l’idéal de rationalité que promeut la société moderne. D’autant que sous l’effet du conflit entre couches inférieures et supérieures de la société, le fonctionnement du mécanisme social est constamment biaisé par les rapports de pouvoir. Ces rapports de pouvoir finissent par apparaître comme la vérité du langage de la rationalité objective. Pour l’individu, ce n’est pas seulement la division du travail social qui lui impose la chosification, c’est le langage même de la science et de la technique modernes. À ses yeux, le pouvoir est l’essence même de la rationalité positive. Les normes d’une société moderne sont les formes sous lesquelles s’exerce un pouvoir omniprésent.
25D’un autre côté, cependant, les références éthiques, religieuses, culturelles traditionnelles n’en sont pas moins dévaluées par la modernité. Ces références apparaissent comme relatives, particulières, résultant d’orientations ou de choix arbitraires. En conséquence, l’individu est pris dans un conflit entre deux ordres de valeurs dont aucun n’est susceptible de faire l’objet d’une adhésion sans réserve. Certes, il est possible de trancher le conflit en considérant comme nul l’un ou l’autre de ces deux ordres de valeur. Deux options radicales se présentent alors. D’une part, celle de l’identification complète de l’individu à sa fonction, de la dévotion au travail, à la compétition et à la performance. D’autre part, le fondamentalisme sous toutes ses formes, la tentative de revenir à la tradition dans toute sa pureté. D’autres options se présentent, comme l’idée que les choix existentiels doivent résulter d’une autodétermination absolue, sans norme ni critère – notamment, sans référence à un impératif moral de type kantien. Dans nombre de cas, le conflit donne lieu à des pathologies sociales sous la forme de violences que l’individu inflige aux autres et à soi-même. Ces pathologies ne sont pas seulement liées à un déni de reconnaissance. Elles sont aussi liées à l’expérience du non-sens et sont des formes de révolte à l’encontre de la rationalité sociale. C’est le cas la violence gratuite, exercée sans raison ni profit à l’égard d’autrui, ou encore de la violence autodestructrice : suicide, drogue, addictions sexuelles, etc.7.
26La violence des luttes sociales peut être réduite ou sublimée dans la mesure où ces luttes sont menées sur la base du calcul rationnel dans un cadre institutionnel stable. En revanche, la violence de la révolte contre la société et l’État ne peut être surmontée par un simple appel au calcul de l’intérêt. Dans la mesure où elle est consciemment choisie, cette violence ignore délibérément l’intérêt objectif de l’individu. Qu’elle prenne la forme de la criminalité ou de l’autodestruction, c’est une violence qui rejette le principe même du choix rationnel. Les luttes sociales et politiques sont des luttes pour l’État, pour le contrôle du gouvernement et de l’administration. Historiquement, elles ont contribué à réduire les inégalités et les rapports traditionnels de sujétion. Pour les individus qui sont pris dans ces luttes, elles sont un facteur de désorganisation. Vues de l’extérieur, en revanche, elles ont participé à la rationalisation et à l’avènement d’une société fondée sur la consommation de masse et l’augmentation de la productivité. Quant au conflit de l’individu et de la société, il peut se fixer sous la forme d’une révolte contre toute forme d’institution sociale ou politique. Pour ceux qui ne renoncent pas aux avantages de la collaboration sociale, le conflit se traduit pour partie par un repli sur la vie privée, pour une autre partie par la volonté politique de subordonner le mécanisme social aux normes éthico-juridiques qui lui donnent sens.
27Dans les débats politiques contemporains, on l’a vu, cette problématique apparaît comme le problème de la conciliation du juste et de l’efficace. Ce problème est le problème central de tout État et de toute démocratie modernes. Il est au cœur des débats entre les citoyens et les partis de gouvernement, dont la tâche est de proposer des lignes d’action et de former des équipes gouvernementales. C’est dans la discussion politique que s’affrontent les différentes représentations de la justice et les projets visant à concilier le juste et l’efficace. De ce fait, la discussion politique exprime à la fois les intérêts socio-économiques et les convictions morales des différentes composantes de la société/communauté. Elle reproduit les tensions et les orientations induites par les luttes sociales et l’insatisfaction de l’individu dans la société. La lutte des couches sociales remet en cause les représentations de la justice qui justifient les inégalités et les rapports traditionnels de domination. L’insatisfaction de l’individu à l’égard de la société met en avant les valeurs de justice qui doivent soumettre le mécanisme social à des principes éthico-juridiques. Quoique Weil ne l’exprime pas ainsi, on pourrait dire que les luttes sociales et le conflit individu/société ont un effet conjugué sur la discussion politique : elles provoquent cette discussion à faire le partage entre ce qui relève de l’idéologie et ce qui relève de l’éthique dans les représentations de la justice que se fait une communauté politique.
28En principe, le propre de la discussion démocratique est qu’elle permet une éducation réciproque des gouvernés et des gouvernants. Elle doit donc rendre progressivement possible l’action par l’échange d’arguments. Dans l’état actuel des choses, il y a néanmoins des limites à cette éducation. D’une part, le passage des modalités violentes aux modalités non-violentes de la lutte est essentiellement passage de la violence active à la violence passive. D’autre part, l’éducation réciproque des gouvernants et des gouvernés est limitée par le fait que les luttes sociales et politiques stimulent l’agressivité naturelle des individus contre les membres des couches sociales ou partis opposés. Certes, la violence des luttes sociales est plus ou moins surmontée par l’intérêt de tous au bon fonctionnement de l’ensemble. Choix rationnel et calculs stratégiques assignent une limite au recours à l’agressivité naturelle et la contraignent à une forme de sublimation. Mais cette réduction de la violence est liée à la croissance économique et au partage de ses bénéfices. Quant à la révolte individuelle à l’encontre de la société, elle peut prendre la forme du choix délibéré de la violence. Cette violence voulue pour elle-même ne peut pas être traitée par l’appel au choix rationnel. En un sens, elle est le fait d’un individu que son propre intérêt n’intéresse plus. Enfin, la possibilité de concilier le juste et l’efficace dépend des modalités par lesquelles se poursuit la mondialisation. Politique intérieure et politique extérieure sont étroitement liées. Ou plutôt, c’est la frontière même entre politiques intérieure et extérieure qui tend à s’effacer.
29Sur ce dernier point, deux problèmes se posent : d’une part, les effets de la mondialisation sur les sociétés particulières ; d’autre part, le fait que le moteur de la mondialisation reste la compétition entre les États. En premier lieu, la réduction des écarts de développement à l’échelle mondiale peut entraîner l’appauvrissement relatif des sociétés les plus avancées. Dès lors, la question est de savoir quelles sont les couches sociales qui, dans ces sociétés, supporteront le coût de cet appauvrissement relatif – de même que, dans les sociétés qui se développent, se pose la question du partage des bénéfices du progrès. En un mot, l’égalisation des conditions de vie à l’échelle mondiale peut aller de pair avec un accroissement des inégalités au sein des sociétés particulières. Par conséquent, si la formation d’une société mondiale entraîne une élévation globale du niveau de vie, elle peut aussi réactiver la lutte des couches sociales au sein des sociétés particulières, y compris chez les plus avancées. En second lieu, le développement d’une société mondiale a toujours pour moteur la rivalité historique des États particuliers. Dans un contexte de rivalités internationales, l’État s’affirme comme moyen de défense de l’identité et des intérêts d’une communauté historique. Ce contexte favorise la concentration étatique du pouvoir. Cette concentration du pouvoir n’entraîne pas seulement l’accroissement des prérogatives du gouvernement et de l’administration. Elle tient aussi au fait que l’État exige de ses citoyens une loyauté d’autant plus grande que les tensions internationales sont plus vives. L’exigence de loyauté est maximale en temps de guerre, plus relâchée en temps de paix, mais elle se traduit toujours par des effets de censure (ou d’autocensure) qui limitent la possibilité ou la portée des débats démocratiques. Enfin, les rivalités internationales ont des effets contre éducatifs analogues à ceux des luttes sociales et politiques au sein de l’État. Elles stimulent l’agressivité naturelle des individus afin d’obtenir d’eux le maximum de loyauté à l’égard de leur nation ou de leur État d’appartenance.
30La conséquence, c’est que la violence ne disparaît pas à mesure que les sociétés s’intègrent en une société mondiale. Elle ne fait que changer de forme et se déplacer. La raison en est que la mondialisation ne résulte pas d’une rationalisation concertée de l’organisation mondiale du travail social. La modernisation a été l’effet paradoxal des rivalités traditionnelles entre communautés historiques. La mondialisation reproduit la même logique sur un autre plan, elle est l’effet paradoxal de la compétition entre États particuliers. Elle a commencé par être le résultat involontaire des rivalités de puissance entre les États. Elle commence seulement à apparaître comme une évolution inéluctable et nécessaire.
31Au cours de ce processus, l’État court un double risque. En tant qu’administrateur de la société et acteur de la compétition économique, il risque d’être absorbé dans un mécanisme socio-économique universel. En tant qu’institution d’une communauté politique, il risque de se déliter sous l’effet du sentiment de l’injustice et du non-sens. C’est pourquoi Weil prend le contre-pied de la tendance antiétatique qui domine aussi bien chez les penseurs libéraux (ou « libertariens ») que dans la tradition marxiste. Le grand risque est pour Weil la disparition graduelle de l’État, sa dissolution dans une société mondiale. Si l’État privilégie la recherche de l’efficacité par-dessus tout, il ne sera plus qu’une fonction résiduelle et subordonnée de la société mondiale. S’il échoue à réaliser la justice, il disparaîtra en tant que communauté historique fondée sur l’adhésion à une morale concrète. Or, c’est la logique de la compétition interétatique qui engendre le double risque auquel l’État est confronté : celui de sa propre résorption dans le mécanisme socio-économique et celui de la révolte provoquée par le sentiment de l’injustice et du non-sens. Par conséquent, l’intérêt bien compris des États est de changer de logique, de passer de la logique de la compétition interétatique à l’édification en commun d’une société mondiale soumise à leur contrôle politique. C’est ce qu’indique le titre même du paragraphe 40 de la Philosophie politique :
Il est de l’intérêt de l’État particulier de travailler à la réalisation d’une organisation sociale mondiale, en vue de préserver la particularité morale (ou les particularités morales) qu’il incarne (Weil, 2000 : 225).
32L’enjeu n’est d’ailleurs pas seulement de soumettre la société mondiale à la communauté politique des États. Il est aussi de créer les conditions d’une transformation de l’État. La thèse de Weil est que seule une mondialisation menée de manière consciente et concertée par les États – et non pas subie par eux sous la pression de la compétition – peut permettre à l’État de devenir ce que Weil appelle État « vrai » : non plus l’État comme institution du pouvoir et de la domination, mais l’État comme communauté éthique, comme polis au sens grec du terme. Il reste que l’intérêt objectif des États est de contribuer à l’édification concertée d’une société mondiale politiquement contrôlable et contrôlée. Car la mondialisation, sous la pression de la compétition internationale, conduit soit à la concentration du pouvoir, soit à la disparition de l’État dans un mécanisme socio-économique universel, et, dans les deux cas, à la violence de la révolte. C’est sur ce point qu’il y a recouvrement entre l’intérêt bien compris des États et le but moral que le philosophe assigne à l’action politique, à savoir : l’édification d’une société universelle qui rende possible le pluralisme des formes de vie éthique, et par là même, la liberté personnelle des individualités morales.
33La Philosophie politique de Weil date de 1956. La plupart de ses textes majeurs sur la politique datent de la même période8. Ces textes développent une anticipation et une analyse remarquables des problèmes les plus actuels. Bien entendu, la pensée politique de Weil appelle une discussion. Il faudrait interroger l’utilisation des concepts de communauté et de société, de lutte entre les couches sociales, d’éducation conçue comme la responsabilité des gouvernants, etc. Au cours des dernières décennies – notamment sous l’influence d’Habermas –, la pensée politique a distingué deux sens de la société : l’organisation du travail social et la société civile considérée comme lieu des activités associatives, des organisations non-gouvernementales, de l’action civique et des échanges communicationnels. En regard, la notion de communauté se définit, d’un côté, par l’intersubjectivité qu’elle rend possible et, d’un autre côté, par la continuité des traditions historiques. Même si l’on peut établir un rapport entre les deux, ce n’est pas la même chose. Il ne s’agit là toutefois que d’exemples pour un dialogue possible. D’une manière générale, il faudrait confronter la pensée de Weil aux avancées conceptuelles et aux débats qui ont marqué les trente dernières années. Il reste que Weil a posé un diagnostic pertinent sur les problèmes de l’époque, en grande partie parce que sa logique conceptuelle a pour fin de saisir les interrelations complexes entre tous ces problèmes. Les problèmes font système et la réalité dont s’occupe la politique, d’une certaine manière, n’est rien d’autre que le système de tous ces problèmes. En saisir l’unité n’est pas seulement une question de pertinence théorique, c’est aussi la condition d’une action effective et consciente d’elle-même.
34Enfin, la démarche de Weil mérite une attention particulière sur deux points. D’une part, la question des transformations de l’État contemporain, de son évolution vers plus ou moins de démocratie, est liée à celles des modalités sous lesquelles se poursuivra la mondialisation. D’autre part, les institutions sociales et politiques sont envisagées dans le cadre d’une théorie de l’argumentation, c’est-à-dire, des conditions de possibilité et des effets pratiques de la discussion rationnelle et raisonnable – de cette discussion qui entretient un rapport complexe et conflictuel à la possibilité toujours présente de la violence.
Notes de bas de page
1 Voir la première partie de la Philosophie politique et l’essai intitulé « Vertu du dialogue », dans Philosophie et Réalité, t. I (Weil, 2003).
2 Sur ces points, voir l’étude intitulée « Masses et individus historiques », dans Essais et conférences, t. II (Weil, 2000c).
3 Voir Philosophie politique, IIe partie (Weil, 2000a).
4 Voir l’essai intitulé « L’anthropologie d’Aristote », dans Essais et conférences, t. I (Weil, 2000b).
5 Voir l’essai intitulé « Vertu du dialogue », dans Philosophie et Réalité, t. I (Weil, 2003).
6 Dans Essais et conférences, t. II (Weil, 2000c).
7 Voir l’essai intitulé « L’éducation en tant que problème de notre temps » dans Philosophie et réalité, t. I (Weil, 2003).
8 Notamment l’étude intitulée « Masses et individus historiques », qui date de 1957.
Auteur
Professeur de philosophie politique et morale à l’Université Lille 3, directeur du département de philosophie, directeur de l’Institut Éric Weil, membre de l’UMR 8163 « Savoir, Textes, Langage » (CNRS).
Mail : patrice.canivez@univ-lille3.fr
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