À propos d’un « oubli de sable »
p. 97-113
Texte intégral
1. Art et Mémoire
1Face à l’inhumanité perpétrée, les sociétés élaborent toujours des stratégies d’appropriation ou d’assimilation du passé, qui n’est pas quelque chose d’inerte. Le rapport au passé que supposent ces politiques du passé n’est pas quelque chose que l’on décide arbitrairement d’établir ou non : il s’agit plutôt d’une structure de la subjectivité, que les philosophies existentielles de la première moitié du XXe siècle ont décrite en termes de temporalité, et qui est de nos jours étudiée par les théories modernes de la subjectivité. Loin d’être arbitraire, ce rapport au passé apparaît comme une donnée anthropologique qui, en tant que telle, met en évidence l’absurdité de l’impératif de l’oubli : quelle que soit son intention, ou sa mal-intention, un tel impératif appartient à ce que Paul Ricœur désignait comme des « abus de l’oubli » (Ricœur, 2000 : 579). Le rapport au passé qui permet de resignifier le passé est une condition du développement de la subjectivité, dont l’écoulement acquiert du sens dans la mesure où il entrelace la multiplicité des vécus, y compris ceux qui sont destructeurs de l’humanité propre et de l’humanité d’autrui – et peut-être surtout ces vécus-là. Il ne s’agit pas, évidemment, de s’enfermer dans le passé, ou de tomber dans un quelconque « excès » de la mémoire, comme le prétendent certains chantres de l’oubli qui souhaiteraient imposer l’oubli de l’inhumanité tant à la société-victime qu’aux victimes directes.
2Il ne s’agit pas de refuser l’oubli comme tel, car l’oubli fait partie du travail de la mémoire, lequel implique toujours une sélection de la matière du passé. À l’instar de la mémoire, l’oubli – un certain oubli – est une condition du développement de la subjectivité ; nous avons besoin d’oublier certaines choses pour pouvoir vivre. Ce dont il s’agit, c’est plutôt de conférer une signification à un passé ou, plus précisément, à un événement précis, à un certain état des choses ou à une situation particulière du passé, en lui assignant une place dans la vie subjective et sociale – en sachant que toute vie subjective est sociale. Cette place ou cette signification est tout d’abord celle de l’inhumanité et de l’anti-humanité, comprises comme la négation de l’humanité effective et possible. Or, cette matière du passé que nous appelons « inhumanité » se distingue de tout autre vécu du passé – de tout fait, état de choses ou situation du passé – par une caractéristique fondamentale : son oubli est d’une certaine manière insupportable pour la subjectivité et la société. L’inhumanité perpétrée est en quelque sorte « inoubliable », en ce sens que son oubli tend à rendre impossible la vie sociale ainsi que la personnalisation des subjectivités. Pour vivre, c’est-à-dire pour vivre en société, nous avons besoin de pouvoir compter sur une reconnaissance sociale de l’inhumanité comme telle, aussi bien de celle dont nous avons été les victimes directes que de celle dont nous sommes victimes en tant que membres d’une société qui produit des victimes de l’inhumanité. Cette reconnaissance sociale et publique de l’inhumanité comme telle nous fournit un point d’orientation de base pour la pratique sociale (Honneth, 2000 : 161-170), qui s’articule en reconstruisant sans cesse la distinction entre l’humain et l’inhumain.
3Pour pouvoir atteindre un statut public, la reconnaissance mémorielle de l’inhumanité perpétrée requiert des langages, c’est-à-dire des formes spécifiques d’expression, de représentation et de conceptualisation. Ces langages peuvent revêtir des formes très diverses : narrative, artistique, poétique, théorique, religieuse ; ils peuvent aussi être associés dans des monuments, des mémoriaux, des musées et des pratiques de la mémoire. Parmi ces langages, l’art, compris par-delà l’opposition entre l’art « populaire » et l’art « académique », occupe une place socialement très significative. En Amérique latine, depuis quelques années, le rapport entre l’art et la mémoire fait l’objet de diverses rencontres et publications académiques, en particulier dans les pays du cône sud de l’après dictature militaire, où l’on tente d’esquisser, avec plus ou moins de succès, des politiques de la mémoire1. Dans ces rencontres et ces études, qui sont jusqu’à présent et de manière générale plus riches en témoignages et en descriptions qu’en analyses et en développements théoriques, on a pu faire état d’un certain nombre d’aspects relatifs à la fonction de l’art dans les processus sociaux de construction de la mémoire de l’inhumanité passée. En se référant à l’expérience argentine et à l’art contemporain, Florencia Battiti, productrice artistique du Parc de la mémoire de Buenos Aires, souligne en particulier deux de ces aspects :
4a) fonction de transmission entre les générations d’une mémoire spécifique, référée à un fait produit dans un espace et un temps précis : l’art contemporain peut être un outil de « […] transmission de l’expérience de la dernière dictature aux futures générations » (Battiti, 2007 : 319). À l’instar de l’histoire, la littérature et l’analyse théorique, les productions esthétiques peuvent créer un lien entre le passé, le présent et l’avenir, contribuant ainsi à l’intégration de l’expérience humaine, et – pour autant que le fait d’intégrer et de relier signifie production d’intelligibilité – contribuant aussi à la production humaine de sens. En même temps, et dans la mesure où le contenu de la mémoire transmise est l’inhumanité perpétrée, au lieu d’être n’importe quel autre contenu, l’art contribue à la tâche éthique de délimiter l’humain de l’inhumain ou, en d’autres termes, il contribue à la production humaine et (re)mémorative de valeur ;
5b) fonction de critique de la mémoire établie : « certaines productions de l’art contemporain opèrent comme de précieux outils pour la mise en crise de la “mémoire habituelle”, cette mémoire routinière et sans réflexion » (id. : 310) ; « […] certaines élaborations esthétiques peuvent opérer comme des éléments déclenchants (disparadores) d’un acte de mémoire critique » (ibid.). L’art ne transmet pas seulement de la mémoire, c’est-à-dire des mémoires de faits spécifiques ; il « travaille » aussi la mémoire comme telle, en suscitant des doutes et des perplexités, en déployant des distances à l’égard des sens et des significations établis. À l’instar d’une certaine littérature et poésie, d’une certaine philosophie et d’une certaine théorie, l’« expérience esthétique active » fournit « un cadre propice pour saper les certitudes et inaugurer de nouveaux espaces de réflexion » (ibid.). Ce que Battiti nomme mémoire critique est une mémoire pensante, qui intègre la réflexion critique et qui, à travers cet exercice de rationalité, se déconstruit et se reconstruit, se transforme et se recrée sans cesse. Battiti, néanmoins, semble se maintenir dans la dichotomie traditionnelle entre l’aisthesis (sensation, associée à la passivité) et le logos (raisonnement, associé à l’activité) : l’œuvre d’art ou l’expérience esthétique est le « déclencheur » (disparador) d’une pensée, mais elle n’est pas en soi une pensée ; elle est un cadre propice pour la réflexion, mais elle n’est pas réflexion. L’expérience esthétique serait seulement un « instrument de réflexion critique » (id. : 319) en tant que circonstance susceptible de déclencher la pensée, mais elle ne serait pas par elle-même une pensée. Or, pourquoi l’esthétique peut-elle « déclencher » la réflexion ou être un « cadre propice » pour la pensée critique ? Une étude sur les conditions de possibilité de ce « déclenchement » et de ce cadre propice pourrait peut-être nous conduire à « saper » également la dichotomie établie entre l’aisthesis et le logos, en nous invitant à repenser le sens de l’« expérience esthétique » de telle manière que l’esthétique y soit indissociable de la pensée critique, et, par là même, de l’éthique et du politique. Corrélativement, une telle étude pourrait indiquer que la pensée critique est indissociable d’une certaine aisthesis, qui s’exprime comme sentiment d’indignation ou conscience sensible de l’intolérable. Cette réflexion critique se distingue de la réflexion qui prétend ranger le sensible et la singularité dans la généralité établie, à la manière de ce critique d’art que Mikel Dufrenne décrit non sans une certaine ironie : « Tiens, cet objet est construit selon les principes du matérialisme dialectique… Voilà qui illustre bien la psychologie de la forme… Avez-vous vu comment la structure narrative est instaurée ici après avoir été brisée là ? » (Dufrenne, 1974 : 9). Dufrenne distingue ce type de fonction réflexive de la fonction critique, dont l’effet est précisément la mise en crise d’une telle réflexion : la fonction critique « […] dénonce le caractère répressif du discours tout en faisant apparaître ce qu’il réprime » (id. : 10). Dufrenne nomme « énergie d’un processus primaire » ce que la critique laisse apparaître ; nous préférerions le désigner, pour notre part, comme processus de singularisation humaine.
6Dès lors, la réflexion critique à propos du rapport entre l’art et la mémoire de l’inhumanité perpétrée ouvre la voie vers une réappropriation théorique du problème du rapport entre l’art et le politique ou entre l’esthétique et l’éthique, lequel renvoie, à un niveau plus fondamental, à celui du rapport entre aisthesis et logos ou, en termes plus modernes, entre l’imaginaire et la rationalité pratique. Par ailleurs, cette réflexion critique se présente également comme un exercice d’interprétation de créations particulières, fournissant des éléments empiriques de base en vue de la théorisation du rapport entre l’art, la mémoire et le politique.
7En suivant cette dernière perspective herméneutique, nous voudrions proposer ici quelques pistes pour l’exploration d’une œuvre artistique qui aborde de manière explicite le thème de la mémoire. Non pas de la mémoire de tel ou tel fait particulier, mais de la mémoire comme telle. L’œuvre en question ne se centre pas sur un objet spécifique de la mémoire (tel massacre, tels faits), mais plutôt sur l’acte même de (re)mémorer dans un contexte social et politique où la mémoire a été enterrée, ou dans lequel l’on prétend l’enterrer.
8Cette œuvre, qui s’intitule Olvido de arena (oubli de sable) et fut réalisée en 2005, possède, d’un point de vue analytique, un double intérêt : d’abord, par le fait de se centrer précisément sur la mémoire de l’inhumanité comme telle, c’est-à-dire de mettre en jeu la signification et le sens de la mémoire de l’inhumain ; ensuite, il s’agit d’une œuvre dans laquelle l’expérience esthétique et la pensée critique, s’exprimant dans un langage symbolique, demeurent indissociables.
9Son auteur, Mario Opazo, est un artiste dont l’expérience s’enracine à la fois en Colombie et au Chili : né en 1969 au Chili, exilé avec sa famille en Colombie à l’âge de dix-sept ans pour fuir le terrorisme militaire de son pays d’origine, Opazo fait de la mémoire et du rapport au passé non seulement un « thème », mais une conduite créatrice (conducta creativa) et même un « matériau » de création. Sa première œuvre, Transición, créée à l’âge de vingt-deux ans, est réalisée avec des fragments matériels d’un passé (photos et documents scolaires), qui invitent à partager une commune expérience du passé. Olvido de arena, qui se présente comme une performance filmée en couleur de 6,41 minutes, conçue initialement comme un élément d’une installation, s’inscrit dans la série de créations que l’artiste désigne, selon ses propres termes, comme des « gestes micropolitiques » (gestos micro-políticos), c’est-à-dire des productions où l’auteur exprime et affirme sa position politique critique à l’égard de la société et du monde où il vit (Opazo, 2008 : 3). Les « gestes micropolitiques » d’Opazo, que l’on peut rattacher en un sens à la politique des « micrologies » de Lyotard (Lyotard, 1986 : 115-150) – par leur position critique à l’égard de la « macropolitique » ou des « macrologies » basées sur le principe d’une universalité fictive –, s’accordent avec sa conception générale de l’art, qui ne dissocie pas l’esthétique de l’éthique.
10Dans la perspective d’Opazo, l’art ne se réduit pas à la maîtrise et à l’habilité technique : l’art est avant tout une manière de se conduire dans le monde et à l’égard du monde, définie par la créativité ; l’art est tout d’abord une « conduite créatrice », mue par une « volonté créatrice » qui répond aux exigences posées par l’« état de la planète » (Opazo, 2008 : 4). Le propre de ce rapport créatif avec le monde et la société est la production d’un regard « tendre » sur la vulnérabilité de l’humain et de son monde : un regard qui nous invite à « regarder amoureusement la planète », à la soigner et la protéger de la destruction produite par l’irrationalité du système hégémonique. L’art n’est pas une pratique purement auto-référée, et l’œuvre ne s’épuise pas dans la référence à soi d’un sujet autarcique : d’après Opazo, il n’y a d’œuvre d’art que lorsque l’on passe « […] du domaine privé, d’une expérience close, à une expérience publique » : l’œuvre exige d’« […] amener à terme le cycle du langage, c’est-à-dire d’arriver à la communion avec l’autre, à établir un lien avec l’autre, et doit atteindre une dimension publique dans un espace d’exposition » (ibid.). Opazo appartient à cette génération d’artistes qui, comme le signale María Angélica Melendi, cherche à « s’approcher à nouveau du réel », à remettre en question la fracture entre l’art et la société, à réintroduire le narratif et le témoignage (Melendi, 2007 : 296).
11Notre but, ici, ne saurait être en aucune manière d’offrir la signification « juste » d’une œuvre qui, à l’instar de toute œuvre esthétique, demeure ouverte à une multiplicité d’interprétations. En partant de la reconnaissance de sa valeur non seulement esthétique – que nous ne prétendons pas aborder ici – mais aussi réflexive-critique, il s’agit plutôt d’accueillir l’invitation que l’œuvre nous adresse à réfléchir éthiquement et politiquement, et, suivant la signification de son geste micropolitique, de soumettre cette réflexion à la discussion et à l’échange. Nous organiserons cette réflexion en trois moments, où il sera question des symboliques de l’écoulement et de l’action, de l’enterré et du déterré, ainsi que du (re)mémorer comme humanisation du pur écoulement de la temporalité et de l’advenir historique. Cette réflexion doit être précédée d’un bref rappel du contexte éthique et politique de la création de l’œuvre, ainsi que d’une synopsis.
2. Le contexte éthique et politique de Olvido de arena
12En Colombie, le conflit éthique et politique autour de la mémoire de l’inhumanité acquiert une portée sociale plus large depuis la décennie 2000, à l’occasion notamment du processus de négociation entre le gouvernement et les groupes paramilitaires d’extrême-droite – processus qui débute en août 2003 avec le projet dit d’Alternatividad penal et culmine en juillet 2005 avec la promulgation de la loi de Justice et Paix (loi 975). D’après les associations des victimes, de nombreux organismes nationaux et internationaux de défense des droits de l’homme et divers analystes, cette loi, loin de conduire vers ses objectifs explicites de vérité, justice et réparation, promeut l’occultation, l’impunité et la non réparation, matérielle ou symbolique, des victimes, ou de la plupart d’entre elles. Selon ces acteurs sociaux, l’exigence d’une reconnaissance publique de la mémoire des victimes et de l’inhumanité perpétrée – reconnaissance où réside l’essentiel de la réparation symbolique – reste pratiquement ignorée au niveau des mécanismes d’application de la loi.
13On voit dès lors s’esquisser, dans le domaine public, un conflit éthico-politique et un débat théorique dans lesquels se délimitent au fur et à mesure deux positions : d’un côté, le point de vue de ceux qui tendent à justifier, de manière implicite ou explicite, les éléments d’une politique de l’oubli ou du « pardon », décrite comme la condition fondamentale pour parvenir à une prétendue « réconciliation »2; d’un autre, la position des associations des victimes et des milieux de la société civile qui œuvrent pour une « éthique citoyenne » (civilista) et promeuvent une politique de la mémoire, en partant du principe que la paix et le lien social ne peuvent être reconstruits que sur la base d’une mémoire partagée de l’inhumain ; ainsi, la IIe Rencontre nationale des victimes de crimes de lèse-humanité se réunit en juin 2005, et fonde le Mouvement des victimes de crimes d’État (MOVICE), qui exige la « récupération de la mémoire historique » et propose une série d’initiatives visant à sauvegarder la mémoire des victimes ainsi que la mémoire de l’inhumanité perpétrée (des galeries de la mémoire, des monuments, des ouvrages, des vidéos, etc.). Le caractère nettement duel de cette opposition renvoie sans doute au fait que, en matière de mémoire, il ne peut pas exister de positions intermédiaires pas plus qu’une quantification de quotas admissibles de mémoire.
14Ce conflit éthique et politique entre les politiques de l’oubli et les politiques de la mémoire se produit par ailleurs dans un contexte marqué par une extrême fragilisation du politique qui suppose le dialogue avec l’adversaire et l’effectivité d’un espace public. Cette condition de base du politique semble ne pas pouvoir être satisfaite à partir du présupposé de non-dialogue avec les groupes insurgés et de la modalité de « sécurité démocratique » promue depuis 2002 par le gouvernement colombien. La politique de « sécurité démocratique » tend, dans sa mise en œuvre effective, à configurer le politique en général selon un schéma binaire ami du gouvernement/ennemi du gouvernement, lequel est assimilé par la propagande officielle à l’antinomie démocratie/terrorisme3. Cette extrême simplification de la politique, qui correspond à ce qu’on a pu nommer le « degré zéro de la politique4 », tend à exclure de l’espace public toute dissidence ou manifestation critique, qui est associée au « terrorisme ».
15Ainsi, depuis 2002, de nombreux journalistes, universitaires, membres de l’opposition politique et des représentants d’organismes humanitaires et de divers mouvements sociaux ont fait l’objet d’accusations publiques – nous pouvons rappeler, par exemple, les accusations officielles contre la plate-forme colombienne des droits de l’homme, Démocratie et Développement, à l’issue de la publication par ce regroupement d’ONG du rapport El Embrujo autoritario, en septembre 2003. Dans ce contexte d’effondrement de l’espace public, dans lequel la menace et l’incrimination sont des formes discursives de la violence, la violence dite physique continue de se développer : durant la période que nous évoquons ici, qui correspond au premier mandat d’Uribe Vélez (2002-2006), 11 292 personnes sont exécutées en dehors des combats ou détenues-disparues, ce qui donne une moyenne annuelle de 2 823 victimes (Comision Colombiana de Juristas, 2006 : 2). Le pourcentage de ces cas attribuable aux agents de l’État augmente de 73 % par rapport à la période 1996-2002, tandis que les cas attribuables à la guérilla et aux paramilitaires diminuent (ibid.). Au cours des trois premières années de la même période, le nombre de personnes déplacées par la violence correspond à 289 813 individus, pour atteindre à la fin de l’année 2007 un chiffre proche des quatre millions de réfugiés5. Olvido de arena est réalisé en 2005, la même année que la promulgation de la loi de Justice et Paix et de la création du Mouvement des victimes des crimes d’État.
3. Synopsis
16Sur une plage déserte, au bord d’une rivière, apparaît un homme qui porte une caisse de bois sans couvercle, et une pelle. On entend le murmure de l’eau qui coule. L’homme dépose la caisse par terre et se met à creuser, à genoux sur le sable. Quand le trou est assez profond, l’homme y introduit la caisse de bois, à la manière d’un cercueil ; à ce moment-là, le bruit de l’écoulement de l’eau cesse et l’on n’entend plus que le silence. La caisse que l’homme enterre semble ne rien contenir. Le son revient lorsque l’homme commence à remplir la caisse de sable et à la recouvrir ; puis, il cesse à nouveau au moment où la caisse est totalement enfouie sous le sable, dont la surface est soigneusement lissée par l’homme, avec le dos de la pelle. Le murmure de l’eau réapparaît encore au moment où, sur la surface de sable lissé, l’homme trace un rectangle et y écrit le mot « OUBLI » en lettres majuscules.
17Le plan suivant offre une perspective générale, où l’on aperçoit le coin de plage où la caisse a été enterrée – avec le mot « OUBLI » –, la rivière, et, au fond, la végétation de la rive opposée. L’homme qui a enterré la caisse n’apparaît pas sur ce plan. Au plan suivant, qui est séparé du précédent par un fondu au noir, l’homme revient, se met à genoux devant le rectangle portant l’inscription « OUBLI », et, délicatement et soigneusement, commence à déterrer la caisse. Au moment où celle-ci est complètement déterrée, le murmure de l’eau s’interrompt une nouvelle fois, et, dans un silence général, l’homme extrait la caisse du trou, la charge sur son épaule avec son contenu de sable, quitte le lieu et disparaît. À la fin, il reste l’image du coin de plage, avec le sable retourné et la pelle plantée dans le sable ; au fond, on voit la rivière qui continue de couler, et la végétation de ses deux rives.
4. Symboliques de l’écoulement et de l’action
18D’entrée de jeu, l’œuvre nous situe sur un plan autre que celui de la banalité quotidienne. Dans la perspective de l’affairement quotidien, l’action d’enterrer une caisse vide pour ensuite la déterrer remplie de sable semble immédiatement absurde : pour extraire du sable, nous utiliserions sans doute des procédés plus pratiques. Les séquences de l’œuvre ne prétendent pas décrire une action de la vie quotidienne, bien qu’elles présentent une série limitée d’éléments, lieux, actes et objets susceptibles d’être courants dans le quotidien : sable, eau, plages, rivières, creuser, enterrer, déterrer, caisses, pelles. Si nous acceptons que l’enchaînement des séquences exprime quelque chose, c’est-à-dire qu’il a un sens, les éléments, lieux, actes et objets qui y apparaissent devront avoir une signification qui transcende les significations généralement établies dans le quotidien. Ils devront être des éléments d’un langage autre, par-delà l’utilitaire et le pragmatique. L’initial de l’œuvre, qui comprend ce qui l’introduit ou la rend présente, ainsi que l’ouverture de la présence même de l’œuvre, suggère d’entrée de jeu le genre et le contenu de ce langage.
19Le titre de l’œuvre, qui fait partie des éléments qui la rendent présente et correspondent à ce que Gérard Genette6 nomme, en se référant à l’œuvre écrite, le paratexte (Genette, 1987 : 7), est « Oubli de sable ». Le titre dit que l’œuvre traite de l’oubli, c’est-à-dire d’une réalité mentale qui est indissociable de la mémoire. Par ailleurs, le plan initial qui ouvre la série des séquences montre une rivière en train de couler, tandis que, sur le plan sonore, on entend le murmure continu de l’écoulement de l’eau entre les pierres. L’ouverture de l’œuvre montre l’écoulement, tandis que son titre signale l’oubli, c’est-à-dire l’indissociable unité oubli-mémoire. Entre ce que l’ouverture du film montre (l’écoulement) et ce que le « parafilm » signale (l’oubli qui est toujours référé à la mémoire), il existe un rapport symbolique. Évoquant l’analogie entre l’écoulement de l’élément liquide et l’écoulement des souvenirs, on a pu dire que la rivière symbolise la mémoire : ainsi, par exemple, le sculpteur Horst Hoheisel, auteur de diverses œuvres ayant un contenu mémorial dans plusieurs pays, a soutenu qu’en Argentine le « Río de la Plata est le monument aux disparus » : dans la rivière, dit-il, « […] j’ai vu la mémoire en train de s’écouler. Elle est la rivière et nous tentons sans cesse d’y pêcher du passé. […] La mémoire est la propre rivière avec son mouvement incessant », dont nous faisons partie « nous tous » (Hoheisel, 2007 : 123)7. En se servant de la symbolique de l’écoulement au début de la performance, Opazo signale d’entrée de jeu que le langage de ce « geste micropolitique », fait d’images en mouvement et de sons, est symbolique. S’agissant d’un langage non conventionnel, qui peut même excéder le conventionalisme de la symbolique établie et créer non seulement de nouvelles expressions symboliques, mais aussi de nouvelles relations entre le symbole et ce qui est symbolisé, la possibilité de le comprendre suppose la recherche de clés d’interprétation.
20Pour mener une telle recherche, nous écartons une méthodologie purement analytique (démembrer chaque élément de la performance, pour ensuite examiner sa signification « symbolique ») : une méthodologie de ce type suppose en effet une conception statique et aprioristique des contenus symboliques – à l’instar de celle qui sous-tend bon nombre de soi-disant « dictionnaires de symboles ».
21Depuis Kant au moins, nous savons que, dans toute recherche véritable, la méthode pour accéder à ce qu’on recherche doit, d’une certaine manière, partir de la nature même de ce qui est recherché. La première démarche pour établir les clés d’interprétation que nous recherchons nous indique que nous devons partir des « choses elles-mêmes », selon le mot d’ordre de la phénoménologie moderne. Dans notre cas, la chose elle-même est la performance, c’est-à-dire un modèle de création artistique dont le nom d’origine anglaise signifie, en français, la réalisation ou l’accomplissement d’une action. C’est donc à partir de l’action, et non pas du notionnel abstrait, que nous devons chercher les possibles clés interprétatives de cette série de séquences qui, du point de vue de l’affairement quotidien, peuvent apparaître comme absurdes.
22La méthode que nous recherchons correspond pour l’essentiel à la pratique de ce que Sartre appelait « philosophie dramatique », c’est-à-dire une philosophie qui considère l’être humain comme agent et acteur qui « produit et joue son drame » (Sartre, 1987 : 12). À distance de la signification actuelle et courante en français, le terme drama signifie, en grec classique, « action ». S’appuyant sur son objet spécifique, l’action qui se déploie dans le temps – l’exister concret de la subjectivité –, la « philosophie dramatique » est nécessairement narrative. Plus précisément, en elle se rassemblent le conceptuel et le narratif – comme chez Kierkegaard, en qui Sartre voit l’initiateur de ce modèle de philosophie existentielle8. Appliquée à notre objet, la performance Olvido de arena, cette méthode nous mène à considérer et intégrer ses éléments constitutifs dans l’unité narrative d’une action.
23Considéré dans son aspect le plus général, le récit de l’action ou de la performance semble de prime abord plutôt simple : un homme portant une caisse arrive sur une plage, enterre la caisse, s’en va, revient, déterre la caisse pleine de sable, et s’en va de nouveau. Or, un examen un peu plus attentif de la manière dont sont représentés les divers éléments constitutifs de cette action, racontée par des moyens audio-visuels, révèle l’extrême densité de l’action, et, par là même, la secrète complexité de ce récit apparemment simple. En considérant les actes d’enterrer et de déterrer, qui constituent l’action centrale de la performance, l’analyse peut se structurer à partir de la question directrice : qu’est-ce qui est enterré et déterré, et quelle signification ont ici les actes d’enterrer et de déterrer ?
5. Enterrer l’oubli, déterrer la mémoire
24En écrivant le mot « OUBLI » sur la surface du sable où il vient d’enterrer la caisse, l’homme protagoniste de l’action (qui est l’artiste lui-même) indique de manière assez explicite ce qui a été enterré. Or, quel oubli a été enterré ? De quel oubli s’agit-il ?
25Pour figurer cet oubli, l’artiste a choisi un registre d’actes et une série d’éléments qui renvoient analogiquement à l’acte de l’inhumation du cadavre humain : l’oubli est inhumé dans une caisse de bois qui suggère l’idée du cercueil ; on creuse un trou où, à la manière d’une tombe, on va déposer la caisse ; on écrit sur une surface lisse, à la manière d’une dalle de sépulture, le nom de ce qui a été inhumé. Cette référence analogique à la mort humaine suggère que l’oubli qui est enterré se réfère précisément à la mort humaine, et qu’il possède un caractère douloureux – comme l’indique par ailleurs l’attitude et l’expression grave de l’homme. Ce qu’il y a de douloureux dans cet oubli lié au fait de la mort humaine, c’est qu’il est justement oubli de la mort humaine ou, plus exactement, d’une mort humaine qui est chassée du souvenir et condamnée au néant. Le douloureux de cet oubli tient à son caractère purement négatif ou privatif : à l’instar du néant des métaphysiciens médiévaux, qui est simplement non-être, l’oubli représenté ici est simplement négation de mémoire. C’est pourquoi la caisse où l’on enterre cet oubli apparaît vide : il n’y a « rien » dedans, il n’y a que de l’oubli, il n’y a pas de souvenirs. L’oubli que l’on enterre a réduit à néant ce qui est advenu ; il a effacé un passé qui se rapporte à la mort humaine.
26Dans le contexte colombien et latino-américain, un tel oubli correspond à celui des politiques de l’oubli promues par les responsables des actes d’inhumanité : le trait commun à toutes ces politiques, quel que soit le pays où elles sont mises en œuvre, est l’intention d’annuler le passé de mort et de violence perpétrée, de faire comme si rien ne s’était passé, d’effacer le temps de l’inhumanité. Ce que l’homme enterre, c’est l’oubli qui annule ou prétend annuler la mémoire sociale et publique. Enterrer ce type d’oubli est un geste social, éthique et politique, qui équivaut à déterrer la mémoire.
27L’acte de déterrer occupe une partie considérable du temps de la performance, qui est de 6,41 minutes. De cette durée, la séquence du déterrement, qui est introduite visuellement par un fondu d’ouverture et narrativement par le retour de l’homme, prend 2,19 minutes et se compose du même nombre de plans (11) que la séquence de l’enterrement, dont la durée est de 3,35 minutes – en considérant que cette dernière se distingue de la brève séquence d’écriture, qui se trouve séparée de l’enterrement par un fondu au noir qui se transforme en fondu d’ouverture. La distinction entre les séquences « enterrer » et « déterrer », qui s’articulent entre elles au moyen de la séquence « écrire », est une ressource esthétique permettant de signifier la relation entre l’oubli (de l’inhumain) et la mémoire (de l’inhumain). Enterrer l’oubli, c’est déterrer la mémoire : remémorer, raconter ce qui est advenu, c’est toujours déterrer, sortir de la sépulture de l’oubli, comme l’on dit en castillan depuis le Siècle d’or au moins, par exemple dans le célèbre prologue du Lazarillo de Tormes9. La mémoire est déterrement, tandis que l’oubli-néant est enterrement de la mémoire.
28La performance ne montre pas l’enterrement de la mémoire, mais plutôt l’enterrement de l’oubli qui a enterré la mémoire, ce qui équivaut au déterrement de la mémoire. L’action effectuée suppose dès lors le fait, non montré dans la performance, que la mémoire a été enterrée. Par voie de conséquence, ce que l’on enterre et déterre dans la performance n’est pas en un sens la même chose : on enterre l’oubli et on déterre la mémoire. Dans le langage symbolique de l’œuvre, cette différence d’objet est exprimée par la représentation de ce qui est enterré et déterré : dans l’enterrement, la caisse est vide, elle ne contient rien, c’est-à-dire elle ne contient pas de souvenirs (c’est pourquoi ce qui est enterré est l’oubli) ; dans le déterrement, la caisse est remplie de sable, qui symboliserait la mémoire. Dès lors, à la différence de l’oubli-néant de la première séquence, l’oubli de sable n’est pas à proprement parler oubli, mais mémoire. Cette identité entre l’oubli de sable et la mémoire peut exprimer, visuellement et « dramatiquement », l’identité des actes d’enterrer l’oubli et de déterrer la mémoire, lesquels peuvent être considérés comme des aspects distincts d’une seule et unique action où l’oubli-néant se transforme en sable, c’est-à-dire en mémoire.
6. Le (re)mémorer comme humanisation du pur écoulement
29La mémoire peut en effet être symbolisée non seulement par la rivière, comme dans la symbolique établie que reprend Hoheisel, mais également par le sable. Entre la rivière-symbole et le sable-symbole, référés à la mémoire, il n’y a pas de rupture de signification : il y a aussi un écoulement du sable, comme dans l’horloge à sable qui mesure l’écoulement du temps, à l’instar de la clepsydre. Or, d’un autre côté, le sable-symbole apporte une idée de consistance, de relative permanence et de « fixation » qui expriment, plus adéquatement que la rivière-symbole, l’expérience subjective et sociale de la mémoire.
30Remémorer, en effet, n’est pas simplement s’insérer dans l’écoulement du temps. C’est aussi, et plus précisément, s’arracher au pur écoulement des vécus : remémorer, c’est d’une certaine manière fixer, retenir, suspendre l’écoulement de quelque chose. C’est ce qu’exprime Hoheisel en évoquant l’image de la pêche dans la rivière : la mémoire, dit-il,
[…] est la rivière, et nous tentons perpétuellement d’y attraper du passé. Or, aucun poisson que […] nous attrapons n’est la mémoire. La mémoire est la rivière elle-même, avec son incessant mouvement.
31L’image d’Hoheisel est sans doute problématique, car elle semble confondre l’historicité (l’advenir et l’« écoulement » des faits dans le temps) et la mémoire (la rétention des faits dans le temps). Il se peut qu’Hoheisel ait voulu dire qu’aucune mémoire n’exprime la totalité de l’histoire, ou qu’il n’existe pas de mémoire susceptible d’exprimer la Vérité absolue de l’histoire ; or, cette confusion empêche d’accéder au propre de l’acte de mémoire, qui est précisément de « pêcher » dans le temps passé, ou de pêcher du passé, d’arracher quelque chose au pur écoulement du temps et de l’histoire – lequel, pour nous, pourrait être figuré par la « rivière ». En réalité, nous devons évoquer quelque chose qui n’est pas liquide – le poisson qui a été pêché, le sable – pour pouvoir exprimer l’aspect relativement « fixe » et la relative « permanence » du souvenir, qui ne s’égare pas dans l’indéfinition du pur écoulement.
32Cet aspect essentiel de la mémoire et du (re)mémorer est suggéré, dans l’œuvre d’Opazo, au moyen du langage sonore. Le contenu de la bande son se structure par l’alternance de deux éléments principaux : d’une part, le son de l’écoulement de l’eau, le murmure incessant de la rivière, auquel se superposent de manière irrégulière et épisodique le son produit par la pelle qui creuse dans le sable, et, de manière éphémère et à peine perceptible, un son qui suggère le vent ; d’autre part, le silence. Le silence suspend le son de l’écoulement, ce qui équivaut, dans le registre du symbolique, à suspendre l’écoulement comme tel, qui est caractéristique de l’histoire et du temps. Et tandis que le pur écoulement est un « ne-pas-retenir » (« retenir » signifie en français conserver quelque chose physiquement et conserver quelque chose dans la mémoire), le silence, en tant que suspension de l’écoulement, est un « fixer ». Dans la performance, il y a quatre instants de silence qui correspondent, sur le plan visuel, à des moments d’une particulière intensité dramatique ou à des moments culminants de l’action :
- le premier silence, qui est une extinction du murmure de l’eau et du son, perçu à distance, de la pelle qui creuse dans le sable, surgit à l’instant où la caméra offre un premier plan du trou ou de la « tombe » creusée, révélant sa profondeur et son obscurité ; ce premier silence est brièvement interrompu par le son amplifié que produit un coup de pelle dans le sable, et qui résonne comme une explosion. Le fait de la mort de quelqu’un, et plus précisément de sa mort violente, est arraché par ce silence à l’écoulement du temps et de l’histoire ;
- le deuxième silence, qui correspond, sur le plan visuel, à l’introduction de la caisse dans la « tombe » creusée, et le troisième, qui accompagne le colmatage total du trou et le nivellement de la surface de la sépulture, signalent les instants à plus haute intensité dramatique de l’acte d’enterrer, et son point culminant. L’enterrement de l’oubli se réfère toujours à l’oubli de quelqu’un ou, plus précisément, à l’oubli de la mort, peut-être violente, de quelqu’un dont le cadavre a été enterré ou a disparu et doit être enterré ;
- le quatrième silence, avec lequel s’achève la performance, correspond à la culmination du déterrement de la caisse chargée de sable (déterrement de la mémoire), à l’acte d’emporter la caisse chargée, et au plan final qui laisse voir une perspective générale sur la plage et la rivière.
33La valeur signifiante du silence qui, dans cette resignification symbolique de la mémoire, souligne, par-delà la symbolique établie, la permanence du souvenir et la lutte pour l’arracher du pur écoulement de l’advenir où prétend l’abandonner l’oubli-néant, se manifeste, de manière suffisamment claire, dans la relation entre le plan d’ouverture et le plan final. Visuellement, et au niveau le plus général, ces deux plans présentent le même contenu : le paysage de plage et la rivière, sans la présence du protagoniste de l’action. Pourtant, l’image du plan final se distingue de celle du plan initial par la présence d’un outil humain, la pelle, ainsi que par les traces de l’excavation dans le sable. Par cette présence humaine, la nature apparaît ici comme une nature ou une matérialité humanisée, opposée à la nature brute ou à la matérialité pure du plan initial.
34L’œuvre montre dès lors le passage d’un monde ou d’un milieu inhumain, au sens littéral du terme (non humain), à un monde ou à un milieu humanisé, un monde où l’humain peut habiter.
35Entre ces deux mondes se trouve l’action d’enterrer l’oubli et de déterrer la mémoire. Le monde où la mémoire de l’inhumain – au sens éthique – a été enterrée est un monde inhumain, qui ne redevient humain que par le déterrement de la mémoire ou, ce qui revient au même, l’enterrement de l’oubli de l’inhumain. La symbolisation sonore du monde de l’inhumain est le son du pur écoulement, où se perd le souvenir qui n’a pas été fixé et arraché au flux temporel ; celle du monde humanisé est le silence qui suspend le son du flux incessant.
36Contrairement à l’idée reçue selon laquelle le silence ne dit « rien », et qui associe le silence à la mort, la symbolique originale créée par cette œuvre nous invite à penser un silence essentiel et vital, qui dit la relation agonique de l’humain avec le pur écoulement du temps et de l’histoire – relation où l’humain se constitue comme tel en se réappropriant cet écoulement, c’est-à-dire en signifiant humainement le flux temporel.
Notes de bas de page
1 Parmi elles, la Rencontre internationale « Memorias del horror. Tensiones entre la palabra y la imagen », México, D. F., septembre 2005, ainsi que la Rencontre internationale « El arte como representación de la memoria del terror », Buenos Aires, novembre 2005. Un recueil partiel des contributions présentées dans le cadre de ces deux rencontres se trouve dans : Lorenzano & Buchenhorst, 2007.
2 Nous avons décrit et analysé un certain nombre d’expressions de cette politique de l’oubli en Colombie dans notre livre La reconstrucción de Colombia (2008), en particulier pp. 29-39.
3 Le rapport entre ce schéma binaire et le couple ami-ennemi établi par Carl Schmitt est évoqué par Múnera Ruiz (2006, p. 93).
4 Leopoldo Múnera, « Colombia : el grado cero de la política » (manuscrit inédit).
5 [En ligne] http://www.codhes.org/Info/despl-trimestre.htm, ainsi que l’article cité de L. Munera.
6 D’après Genette, le titre fait partie des productions, verbales ou non, qui présentent le texte, tant au sens habituel de « présenter » qu’au sens fort de « [...] rendre présent, [...] assurer sa présence au monde ».
7 L’œuvre d’Hoheisel comprend des mémoriaux dans les camps d’extermination de Buchenwald et Mauthausen, ainsi que dans divers endroits de l’Amérique du Sud. Au Río de la Plata, Hoheisel a proposé d’installer au milieu de la rivière un poteau de l’éclairage public du Parc de la Mémoire, afin d’orienter la lumière vers le fleuve.
8 Nous avons étudié cet aspect de l’interprétation sartrienne de Kierkegaard dans notre étude « La biografía como género filosófico : Jean-Paul Sartre » (Gomez-Muller, 1998).
9 Dans ce prologue, l’auteur anonyme exprime son intention de raconter des faits du passé, afin qu’ils ne soient pas enterrés dans la sépulture de l’oubli (no se entierren en la sepultura del olvido).
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La vulnérabilité du monde
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