Analyses
p. 49-319
Texte intégral
1. Introduction
1Ce chapitre est dédié à l’application des méthodes d’analyse précédemment évoquées. Il consiste essentiellement en un catalogue d’édifices et intègre les données spatiales et visuelles qui y sont associées. Les bâtiments qui ont été retenus dans le cadre de la recherche présentent un certain nombre de caractéristiques qui ont motivé leur sélection. La plus importante d’entre elles étant l’état de leur conservation. L’application de l’analyse de la configuration et les considérations plus sensorielles nécessitent effectivement qu’on puisse disposer d’une image relativement complète de l’édifice étudié. Architecturalement parlant, cela signifie que les exemples retenus présentent un plan relativement clair tant en ce qui concerne la disposition interne des cellules que de leurs connexions1. Évidemment, l’architecture minoenne reste essentiellement perceptible à travers des vestiges et non des entités construites complètes. Dans la majorité des cas, seul le rez-de-chaussée est analysé car nous avons perdu tout écho précis des étages. Néanmoins, si l’existence de ces derniers est documentée (que ce soit le fruit de découvertes archéologiques ou de reconstitutions théoriques des fouilleurs) elle est également passée au crible des différentes méthodes d’étude. Outre la conservation des ruines, les informations dont nous disposons à leur sujet jouent aussi un rôle prépondérant dans le choix des bâtiments. En effet, sans les appréciations des fouilleurs, un plan seul peut induire en erreur et donner une image biaisée de la réalité architecturale. Aussi, les considérations en matière de positionnement des trouvailles et des ouvertures, au sujet d’éventuelles modifications et de la chronologie sont envisagées en étroite relation avec les données inférées de l’examen du plan2. De manière générale, il est important d’attirer l’attention sur le fait que la recherche concerne plus les vestiges d’un corpus architectural, l’écho que nous en conservons, que l’étude du bâti au sens strict. Il est important de ne pas perdre cette réalité de vue mais il ne faut pas pour autant dévaloriser l’apport potentiellement considérable de ce type d’analyse (Thaler 2005)3.
2La démarche employée dans le cadre de l’analyse spatiale est systématiquement répétée d’un édifice à l’autre. Dans un premier temps, le bâtiment et le site qui l’accueille sont brièvement décrits. Les cadres topographique et chronologique sont également abordés. Ensuite, sur base du plan justifié et des données quantitatives, l’étude de la syntaxe spatiale est menée à bien. En ce qui concerne cette dernière, le concept de facteur de fiabilité est intégré à l’examen. Son utilisation est rendue nécessaire par le fait que, parfois, au sein même de l’étude du plan du rez-de-chaussée, certaines cellules ne peuvent être intégrées4. Le facteur de fiabilité est exprimé pourcentage et équivaut au rapport entre le nombre de cellules intégrées dans le plan justifié et le nombre de cellules total du plan. Il a une valeur essentiellement indicative et, même s’il peut être élevé, il ne faut pas perdre de vue le fait que l’analyse porte sur les traces conservées d’une réalité architecturale et non sur son expression pure et simple. Sur base de l’analyse de la syntaxe spatiale, chaque édifice est doté d’une fiche signalétique synthétisant ses caractéristiques. Conjointement à l’étude de la configuration, la caractérisation fonctionnelle des cellules d’un plan par les différents chercheurs s’y étant intéressés est évoquée à titre informatif. Suite à l’analyse de la syntaxe spatiale, l’approche sensorielle est entreprise. Elle comporte d’abord les différents plans produits grâce à Depthmap. Ces derniers sont évidemment à considérer en étroite relation avec les résultats de l’étude de la configuration5. L’architecture en tant que domaine passif, c'est-à-dire l’examen proxémique visuel sur base des théories de Cousin et Higuchi constitue la seconde étape. Pour finir avec l’examen individuel des édifices, l’architecture est évaluée en tant que domaine actif, ses potentialités et caractéristiques en tant que théâtre d’éventuelles représentations étant envisagées. L’étude du caractère passif et actif de l’architecture n’a pas la même importance au sein des différents bâtiments. En effet, les structures les plus simples ne requièrent pas toujours un examen très poussé à ce niveau.
3Une fois l’ensemble du corpus étudié, l’étape suivante consiste à comparer les données produites afin d’en dégager les récurrences et les diverses modalités. C’est notamment dans le cadre de cette approche que les données chiffrées sont plus particulièrement comparées6. Il s’agit d’isoler un éventuel génotype et de le confronter aux manifestations individuelles phénotypiques qui ne s’y conforment pas. Cette démarche trouve son expression dans la création de tableaux récapitulatifs. Ces derniers intègrent les traits les plus évocateurs de la configuration spatiale minoenne ainsi que leurs variations au sein du corpus.
2. Études des édifices néopalatiaux
4L’évocation des différentes manifestations du bâti néopalatial suit ici un ordre géographique7. Pour ce faire, l’île sera artificiellement divisée en quatre parties : l’Ouest, le centre nord, le centre sud et l’Est. Cette façon d’aborder les édifices offre l’avantage d’une certaine neutralité interprétative. En effet, comme nous l’avons évoqué, les catégorisations du bâti sont évitées autant que faire se peut et ne sont envisagées qu’à la lumière des données produites par l’analyse. Évidemment, a priori, ces régions n’évoquent nullement une réalité antique et ne sont qu’une vue de l’esprit, totalement arbitraire, ayant pour vocation de faciliter l’articulation pratique du catalogue. Avant d’aborder ce dernier, quelques remarques préliminaires sont nécessaires. Tout d’abord, il convient de signaler que certains édifices importants n’ont pu être intégrés à cette étude. Cet état de fait découle de leurs lacunes en matière de connexions spatiales, de leur mauvais état de conservation ou encore, pour certains, de l’inextricable complexité - tant spatiale que chronologique - de leur agencement. La liste en est donnée ici, avec une brève évocation des raisons ayant motivé le fait qu’ils n’aient pas été pris en compte ainsi qu’une courte bibliographie les concernant : Nerokorou8, Zominthos9, Amnissos10, palais de Knossos11, Gypsadhes A12, Archanes-Tourkoyeitonia13, Agia Triada14, Myrtos-Pyrgos15, Profitis Helias Praisou et Zou16, palais de Petras17, Epano Zakros18. Il faut également préciser que, dans le cadre de l’analyse de la syntaxe spatiale, comme dans l’approche visuelle, l’existence des portes sera traitée de manière particulière. Si leur existence est documentée, leur emplacement et leurs caractéristiques seront sommairement évoqués. Il est évident que les portes contribuent à la gestion du contrôle des accès et des circulations tout comme elles peuvent influencer la perception visuelle à l’intérieur d’un édifice. Néanmoins, il faut garder à l’esprit qu’une « porte fermée n’est pas très différente d’une porte ouverte ou entrouverte. Une porte fermée est en effet ressentie comme une ouverture potentielle et non comme un mur plein » (Cousin 1980 : 187).
2. 1. La Crète de l’Ouest
Chania
5Dans la ville moderne de La Canée (Chania), des fouilles gréco-suédoises mirent au jour, sur la place Agia Aikaterini, un quartier d’habitation minoen organisé autour d’une place (Hallager et Tzedakis 1978, Hallager et Tzedakis 1982-1986 ; Hallager et Tzedakis 1988 ; Hallager 1990 ; Troubled Island : 121-123). La House 1 (Fig. 16) est l’édifice le mieux fouillé du secteur. Elle fut construite dans le courant du MRIA (Hallager et Tzedakis 1988 : 15) et détruite par le feu durant le MRIB (Troubled Island : 121). Ce bâtiment couvre environ 212m2 et contient, au MRIB19, 17 cellules au rez-de-chaussée et 6 dans la reconstitution hypothétique de l’étage (Fig. 17) (Hallager 1990 : 282-286, Fig. 1 et 2). Parmi les pièces de ce bâtiment, on retrouve certaines des cellules récurrentes évoquées dans le chapitre précédent : 1 (vestibule), 4-5-6 (salle minoenne - Hallager et Tzedakis 1985 :), 9 (escalier et sottoscala), 11 (pièce à foyer central fixe - Hallager et Tzedakis 1984 : 5-6, Fig. 3), toit terrasse dans la reconstitution (au dessus des pièces 1, 2, 4, 7 et 8). Les fouilleurs émirent l’hypothèse que les cellules 7 et 8 formaient une zone plus privée, la pièce 15 une salle de bain potentielle (présence d’un dallage et d’un drain) et 14 une éventuelle zone rituelle (Hallager et Tzedakis 1982 : 25 ; Hallager et Tzedakis 1985 : 11-12, Fig. 2). De manière générale, on constate que l’édifice présente deux ailes articulées autour d’une zone de transition (cellules 1, 3, 9 et 10). Cette même zone donne également accès à l’étage. Parmi les trouvailles les plus significatives, le sottoscala contenait environ 60 vases (Troubled Island : 121) ; la pièce 12, qualifiée de réserve, révéla quatre pithoi et 50 vases, certains contenant des pois (Hallager et Tzedakis 1984 : 5). On y découvrit également 38 poids de tisserand (Hallager et Tzedakis 1978 : 39)20 et des traces de documents en linéaire A (Hallager et Tzedakis 1978 : 39 ; Hallager 1985b : 142-143). Des poids de tisserand furent également trouvés dans la cellule 11 (Hallager et Tzedakis 1978 : 39 ; Hallager et Tzedakis 1984 : 5) ainsi que quelques coupelles en style alterné, typique du MRIB, en 14 (Hallager et Tzedakis 1978 : 42-43). Un drain vertical fut également repéré dans le mur ouest de la pièce 7 et mis en relation avec l’existence présumée d’un toit terrasse (Hallager et Tzedakis 1982 : 24-25 ; Hallager 1990 : 287). Le sol des pièces 1 et 4 présente également un dallage assez soigné (Hallager et Tzedakis 1982 : 26, Fig. 5 ; Hallager et Tzedakis 1984 : 5, Fig. 2).
6Le plan justifié (Fig. 18) est de nature non distribuée et asymétrique. En d’autres termes, il ne présente aucun point de type c ou d (et donc pas d’anneau). De plus, on constate la présence massive de points de type b (environ 60 %). Ces points ont un potentiel de contrôle fort et jalonnent les diverses progressions vers les cellules qui ont essentiellement une vocation d’occupation (type a - 40 %). Le vestibule (1) est le véritable pivot des circulations internes, il canalise le mouvement vers les deux ailes du bâtiment. La cellule 2 présente une disposition particulière. Il s’agit d’un espace cul-de-sac extrêmement proche de l’extérieur du bâti qui devait être étroitement associé au vestibule21. L’aile sud du bâtiment se déploie à partir de la cellule 4 qui forme la salle principale de l’agencement tripartite susmentionné. Cette dernière se trouve à une profondeur faible22. En effet, elle n’est séparée de l’extérieur que par le vestibule. Assujetties spatialement à la cellule 4, les pièces 7 et 8 tenaient probablement plus de l’occupation que du mouvement malgré le fait que la première contrôle l’accès à la seconde. La taille et la disposition de 5 et 6 plaident également pour une subordination à la pièce principale. Accessible depuis le vestibule, la cellule 3 exerce un contrôle sur les mouvements en direction de l’étage (via 9) et de l’aile nord (via 10). Il s’agit en quelque sorte d’une zone tampon, de nature centrifuge. Le contrôle d’accès à l’aile nord est également renforcé par la cellule 10. Accessoirement, cette dernière ouvre également sur le sottoscala. La pièce à foyer (11), de profondeur moyenne au sein du plan justifié, forme le noyau de l’aile nord. Toutes les cellules qui la composent y sont associées. Soit directement pour 12 et 16, soit par le biais d’un espace de transition pur, le couloir 13. Si l’on se fie à la reconstitution, une fois l’étage atteint, les cellules s’articulent en une séquence linéaire évoluant vers plus de profondeur. Le faîte de cette arborescence est à une profondeur presque deux fois supérieure à la moyenne du plan justifié. Le plan justifié et tout particulièrement la partie concernant l’étage découlent d’un processus d’augmentation de la profondeur23. Ce type de configuration n’offre généralement pas une grande flexibilité fonctionnelle. Les données d’asymétrie relatives et les valeurs d’intégration (Fig. 19) demeurent assez constantes que l’on envisage ou non l’extérieur. Comme évoqué précédemment, cela trahit généralement un programme structurant avant tout les relations entre résidents. Plus particulièrement, les vestibules (3) et (1) ainsi que l’escalier (9) présentent une intégration relativement forte24. Ces données soulignent l’importance de la zone 1-3-9-10 comme pôle liminal entre l’intérieur et l’extérieur de l’édifice. Malgré une profondeur différente, la salle minoenne (4) et la pièce à foyer central (11) ont une intégration relativement similaire, la dernière étant même sensiblement mieux intégrée au complexe architectural global25. La plus forte ségrégation spatiale se retrouve à l’étage et culmine à une valeur presque deux fois supérieure à celles des pièces principales du rez-de-chaussée (4 et 11). Les cellules dont la valeur de contrôle est la plus élevée sont le vestibule (1) et la salle à foyer fixe (11) (Fig. 20).
7En ce qui concerne la visibilité, l’examen des plans générés grâce à Depthmap permet de prendre conscience d’un certain nombre d’éléments ou d’étayer certaines considérations. L’intégration visuelle met notamment en évidence le caractère particulier de la zone 1-3-9-10, précédemment évoquée (Fig. 21a). Cette dernière constitue globalement la zone dont l’intégration visuelle est la plus forte. Les cellules 4 et 11 présentent également une intégration visuelle élevée par rapport au reste de l’édifice. Au contraire, les espaces 8, 12, 13, 14, 15 et 16 (majoritairement de type a) sont dans une situation de ségrégation plus prononcée. Mises en relation avec le plan justifié, les étapes de profondeur visuelle permettent une saisie plus intuitive de la réalité spatiale et de l’échelonnement des cellules (Fig. 21b). Les zones orangées qui apparaissent sur le plan du contrôle visuel soulignent le rôle d’articulation mis en évidence pour les cellules 1, 3, 4 et 11 (Fig. 21c). À d’autres endroits, comme aux jonctions entre 13, 14, 15, entre 11 et 16 ainsi qu’entre 7 et 8, le potentiel de contrôle visuel est aussi relativement conséquent. La contrôlabilité souligne quant à elle le fait que les cellules 4 et 11 peuvent être très largement dominées visuellement (Fig. 21d). Cela signifie, par exemple, que leur disposition pouvait favoriser une éventuelle surveillance.
8Si l’on se penche sur l’architecture en tant que domaine passif, certaines remarques peuvent être formulées au sujet de ce bâtiment. Tout d’abord, on constate que la forme même du vestibule (1), plus long que large, favorise l’axe arrière-avant. L’attention d’une personne pénétrant dans l’édifice est donc consécutivement focalisée sur la cellule 4. De plus, l’étrange élargissement du vestibule au-delà de la cellule 2 présente une disposition qui renforce encore l’attraction vers la salle minoenne : une porte cachée (Cousin 1980 : 193). Il s’agit en fait d’une ‘porte à recouvrement’, une manifestation spatiale qui utilise directement une des données perceptives créant la profondeur. En effet, un plan en cache un autre et l’on voit qu’il est possible de passer entre les deux, mais il n’est pas permis de voir le prolongement du plan caché26. Une telle disposition spatiale provoque généralement un désir d’anticipation qui viendrait, dans le cas présent, augmenter la focalisation de l’attention vers la pièce 4. Au sein de l’aile sud, les cellules composant la salle minoenne forment un tout cohérent d’un point de vue perceptif. En effet, en théorie, on considère que la relation entre espaces est fonction de la distance qui les sépare, du degré d’ouverture de leur surface frontière et de leur continuité27.
« La continuité, visuelle ou sensible, est fonction des dimensions relatives de la surface frontière et de la distance entre cette surface frontière et le mur du fond qui lui est opposé, en rapport avec les dimensions de l’espace témoin. Autrement dit, si vous êtes dans un local court et que l’ouverture est très large, vous êtes en continuité avec l’espace adjacent » (Cousin 1980 : 168).
9Ainsi, quand deux pièces sont proches, largement ouvertes l’une sur l’autre et dans un état de continuité, on peut considérer qu’elles forment une seule entité d’un point de vue perceptif. Outre la salle minoenne, le pan de mur largement ajouré de deux portes entre 4 et 7 plaide également en faveur d’une certaine continuité spatiale. Évidemment, dans un cas comme dans l’autre, la fermeture des différentes portes peut modifier la donne et rend possible une certaine flexibilité perceptive28. Depuis l’extérieur, de par la nature du vestibule, la progression vers l’aile nord est moins intuitive. Couplé au dédoublement des zones de contrôle (les espaces de types b 3 et 10) cet état de fait pourrait contribuer à singulariser fonctionnellement l’aile nord. Malgré leurs évidentes connexions, les cellules de cette zone sont clairement distinctes, leurs ouvertures se limitant au strict minimum.
10Sans entrer dans le détail, en tant que domaine actif, les dimensions des espaces internes du rez-de-chaussée de la House 1 correspondent au cadre privilégié d’une communication intime/personnelle (gris anthracite) ou sociale (gris foncé) (Fig. 22)29. Seul le toit terrasse sort de ce schéma mais on imagine mal qu’il ait pu accueillir une manifestation publique30.
Sklavokambos
11Cet édifice s’implante dans une vallée relativement close, au sein de terres fertiles et bien arrosées, à une dizaine de kilomètres à l’Ouest de Tylissos et à environ trois kilomètres du sanctuaire de sommet de Gonies, à l’Ouest (Marinatos 1948 ; BCH 54 (1930) : 516 ; Graham 1962 : 70 ; Cadogan 1976 : 148-149 ; Preziosi 1983 : 64 ; Fotou 1997 : 46-47 et 44, Fig. 7). L’implantation topographique de l’édifice est particulièrement digne d’intérêt. En effet, il se situe à proximité de la principale voie de communication entre la partie nord de la Crète centrale et de la Crète occidentale mais également non loin d’une rivière (Fotou 1997 : 47)31. Au néopalatial, au moins deux autres établissements auraient existé dans la région. Le bâtiment de Sklavokambos aurait fait partie d’une de ces agglomérations (Fouski-Sakarina) même s’il occupait « une position extrême, voir marginale » (Fotou 1997 : 47 ; Troubled Island : 127). Il en constituait probablement l’extrémité orientale. On ne connaît pas la date exacte de la construction de l’édifice32 mais il fut détruit par le feu durant le MRIB (BCH 54 (1930) : 517 ; Troubled Island : 127). Les ruines furent fouillées dans les années 30 lors de la construction d’une route (Marinatos 1948 : 69-96 ; Graham 1962 : 70 ; Troubled Island : 127). Leur état fut dégradé avant même que les archéologues puissent intervenir et la seconde guerre mondiale les affecta tout autant (Graham 1962 : 70 ; Preziosi 1983 : 64). Néanmoins, on peut repérer deux ailes distinctes, au Nord et au Sud (Fig. 23) (Graham 1962 : 70 ; Preziosi 1983 : 64 ; Fotou 1997 : 48)33. Le bâtiment s’étendait probablement vers le Sud-est et le Sud-ouest mais les vestiges y sont trop lacunaires pour que l’on puisse être plus précis (Fotou 1997 : 47, n. 73). Malgré tout, une image assez cohérente se dégage des ruines34. En l’état, l’édifice mesure 18m sur 24 et contient 20 cellules au rez-de-chaussée35 pour une superficie approximative de 396m ². On y retrouve, entre autres, un vestibule (1), un polythyron (4), deux escaliers (en 6-7 et à l’ouest de 14), un sottoscala en 7, une ‘véranda’ (13) et une pièce centrale dotée de trois colonnes (15)36. De manière générale, la qualité de la construction des murs est assez basse (Cadogan 1976 : 149 ; Troubled Island : 127) mais certaines bases de jambage en bloc de taille furent malgré tout découvertes. Directement après l’entrée, on retrouva 39 scellés d’argile, tombés de l’étage (Marinatos 1948 : 87-93 ; Cadogan 1976 : 149 ; Troubled Island : 127 ; Fotou 1997 : 48)37. La pièce 4 révéla un matériel assez remarquable par sa qualité : un rhyton de pierre, une tête de bœuf en argile et une jarre à bec ponté finement décorée en style palatial MRIB38. La pièce 8 contenait une couche de charbon et de nombreuses petites tasses (BCH 54 (1930) : 517 ; Troubled Island : 127)39, elle garde également les traces d’une fosse et d’un conduit40. Le rôle de stockage des pièces 11 et 12 est démontré par l’abondance des pithoi qui y furent découverts (Marinatos 1948 : 74-75 et 78 ; Begg 1975 : 210 ; Fotou 1997 : 48). Au Sud, les traces d’un chemin pavé furent repérées.
12Avec 45 % d’espaces de type a, 35 % d’espaces de type b et 20 % d’espaces de type c, le plan justifié présente un aspect buissonneux (Fig. 24). Dotée d’un large anneau extérieur, la partie nord du rez-de-chaussée est essentiellement de nature distribuée. Les points de type c permettent un certain contrôle des circulations tout en offrant plus d’une alternative de mouvement. Ils donnent accès à des espaces d’occupation (type a) soit directement, soit par l’entremise d’un espace supplémentaire à haut potentiel de contrôle (type b). En d’autres termes symétrie et asymétrie coexistent même si la première domine légèrement. La partie sud, quant à elle, est clairement non distribuée. Elle n’est composée que d’espaces de types a et b. Localement, on y retrouve également le même rapport entre symétrie et asymétrie. En général, une fois les principaux espaces de contrôle franchis, au troisième niveau de profondeur, on constate une forte symétrie. Au sud, l’entrée (14) dessert un accès assez direct à l’étage (escalier sud41) et la salle à piliers (15)42. Véritable noyau de l’aile sud, la cellule 15, de nature centripète, s’ouvre malgré tout sur 4 cellules (16, 17, 18 - type a et 19a - type b). La pièce 19b est spatialement subordonnée à 19a qui en contrôle l’accès depuis la salle à piliers. Dans l’aile nord, les circulations potentielles gagnent en complexité. En effet, il existe deux points de pénétration dans l’édifice : les cellules 1 et 13. Par l’entremise du corridor (5) et du magasin (11) elles forment un complexe annulaire. Qu’on pénètre par le vestibule ou la ‘véranda’, le véritable vecteur de contrôle reste le corridor (5) qui articule toutes les circulations, hormis vers le second magasin (12) desservi par 11. Le couloir, espace centrifuge, donne effectivement accès à l’espace 3, à la pièce 4, à l’étage (via l’escalier 6), ainsi qu’au sottoscala (7) et à la cellule 9 qui, respectivement, contrôlent l’accès vers 8 et 10. Le bâtiment possédant plusieurs entrées, il peut être intéressant de les envisager séparément, particulièrement si l’on admet qu’elles pouvaient avoir été dotées d’une fonction différente (Hanson 1998 : 30-31). L’arborescence qui se déploie depuis l’entrée sud (Fig. 25) correspond parfaitement à la partie droite du plan justifié et n’étoffe pas réellement les renseignements que fournit ce dernier. Au contraire, si l’on envisage les graphes depuis 1 et 13 (Fig. 26 et 27), il apparaît évident que le second présente plus de profondeur et qu’il existe, depuis l’extérieur, deux espaces avant le corridor (5) au lieu d’un dans le premier. L’accès au noyau des circulations internes est donc moins aisé depuis l’entrée nord. En ce qui concerne l’asymétrie relative et les valeurs d’intégration, la prise en compte ou la mise à l’écart de l’extérieur dans les calculs révèle certains éléments intéressants (Fig. 28). Premièrement, si l’extérieur n’est pas intégré aux plans justifiés, les deux ailes se trouvent irrémédiablement séparées. Il est donc évident que l’extérieur est, dans le cadre de ce bâtiment, un liant spatial important. Consécutivement, ce sont le corridor (5) et la salle à piliers (15) qui présentent les différences les plus marquées. Cela pourrait contribuer à souligner l’importance que ces espaces devaient jouer dans les relations entre visiteurs et résidents43. Dans une moindre mesure, l’intégration de l’escalier sud est également affectée. Les données quantitatives sans l’extérieur des cellules 1 et 13 illustrent également l’intégration plus importante de la première, ce qui tend à corroborer la constatation précédemment évoquée à leur sujet. La pièce 4, tout comme l’escalier nord (6), présente une intégration assez comparable à celle de la cellule 15 lorsque l’extérieur est pris en compte mais se trouve moins affectée lorsque ce n’est pas le cas. Il est néanmoins important de préciser que la salle à piliers (15) est implantée à une profondeur moindre et donc assujettie au contrôle d’un moins grand nombre d’autres cellules. Cela illustre à nouveau son potentiel d’interface publique. La ségrégation va en augmentant des cellules 16, 17, 18 aux pièces 8 et 10 et culmine au sein de la pièce 19b. Malgré tout, de manière générale, l’édifice est relativement peu profond et est caractérisé, ayant trois points de pénétration, par un potentiel de perméabilité assez fort44. Les cellules dont la valeur de contrôle est la plus élevée sont la salle à piliers (15) et le couloir (5) (Fig. 29).
13En ce qui concerne l’analyse visuelle, le plan d’intégration illustre de manière limpide la prééminence de la salle à piliers (15) sur toutes les autres cellules (Fig. 30a). Cet état de fait vient étoffer les considérations susmentionnées. On constate également qu’en termes d’intégration visuelle, la cellule 16 se fond harmonieusement dans la pièce 15. L’aile nord révèle une intégration visuelle inférieure, seul l’axe est-ouest de la cellule 3 à la cellule 12 se trouve dans un état de ségrégation moins marqué. En ce qui concerne les étapes de profondeur (Fig. 30b), il est important de préciser que le mur qui oblitère la vision au sud de la pièce 15 est un ajout plus tardif (Troubled Island : 128) et qu’à l’origine, on pouvait probablement embrasser les cellules 15 et 16 d’un seul regard. En termes de contrôle (Fig. 30c), c’est la zone du corridor (5) où s’articulent les circulations vers les différentes parties de l’édifice qui dispose du potentiel le plus élevé. Il est important de préciser ici que repérer localement ce fort potentiel n’implique pas systématiquement qu’un contrôle visuel y ait réellement prit place. Dans le cas présent, la disposition architecturale de la cellule 3 aurait pu offrir à une personne un point de surveillance parfait sur le corridor (5) tout en lui permettant de contrôler l’arrivée potentielle de visiteurs par le vestibule (1) vers la pièce 445. Tout comme la salle à piliers (15), cette dernière présente, en termes de contrôlabilité, une situation assez similaire à celle des cellules 4 et 11 de la House 1 à Chania (Fig. 30d). Outre la ‘véranda’, ce sont essentiellement les cellules 8 (en partie) et 10 qui, localement, présentent une prédisposition à la subordination visuelle.
14L’état lacunaire des vestiges dans l’angle sud-est rend délicate toute considération sur l’approche générale du bâtiment. Néanmoins, localement, certaines observations peuvent être faites. En ce qui concerne l’entrée sud-ouest (14), la présence d’un pavement longeant le mur sud pose la question de l’angle d’approche. Si la progression s’effectuait parallèlement à ce mur comme on pourrait le penser, l’ouverture vers 14 aurait créé une rupture de l’axe de la marche. Si l’approche était plus directe, face au mur sud, la disposition même de l’entrée au sein de ce dernier n’aurait pas davantage favorisé une pénétration intuitive. En effet, le mur sud constitue ce que Cousin appelle un plan vertical allongé (Cousin 1980 : 96-98)46. À proximité d’un tel espace, l’être humain aurait naturellement tendance à emprunter une direction parallèle afin de le contourner. On remarque donc que quelle qu’ait été l’orientation de l’approche, l’accent n’était pas nécessairement mis sur cette entrée. Plusieurs remarques peuvent être formulées à ce sujet. Tout d’abord, couplé à la présence du dallage, cela pourrait signifier que les circulations étaient idéalement canalisées en direction du vestibule (1). Néanmoins, une fois encore, le piteux état des ruines à cet endroit rend toute constatation plus qu’hypothétique. D’un autre côté, le caractère peu attractif de l’entrée 14 n’était peut-être qu’une mesure de ségrégation minimale étant donné que cet espace desservait directement et l’étage et la salle piliers (15)47. Selon le principe de Periainen, cette dernière forme, d’un point de vue perceptif, un tout cohérent avec la cellule 16. Les ouvertures étroites et bien marquées des autres pièces avoisinantes affirment leur singularité même si elles demeurent spatialement inféodées à la salle à piliers (15). Dans l’aile nord, la ‘véranda’ (13) forme bel et bien un espace semi externe dans la mesure où elle en parfaite continuité avec le dehors sur lequel elle est largement ouverte. Néanmoins, cette interpénétration de l’intérieur et de l’extérieur ne gagne pas le reste du bâtiment. En effet, l’accès à la cellule 11 est unique, clairement délimité et relégué dans l’angle de la ‘véranda’. Un tel dispositif permet de canaliser le mouvement au sein d’un espace qui, de par sa forme, n’invite guère au dynamisme48. L’entrée en direction du vestibule (1) est plus affirmée de par la présence d’une double porte49. En tant que telle, la cellule 1, de forme globalement carrée, n’introduit pas un réel dynamisme visuel50. Néanmoins, il n’est pas impossible que l’attention du visiteur ait été focalisée vers la pièce 4 depuis le vestibule. En effet, à plus d’un titre, leur relation évoque le rapport spatial et visuel du vestibule et de la salle minoenne de la House 1 de Chania. On retrouve notamment ici le phénomène de porte cachée invitant au mouvement. L’axe arrière-avant y est également favorisé par l’alignement de la porte d’entrée avec une de celle du la pièce 451. Le corridor (5) de par sa longueur et son étroitesse constitue un espace de transition par excellence et invite naturellement au mouvement. Bien qu’il donne accès à toutes les cellules avoisinantes, la progression est particulièrement intuitive en direction des magasins (11 et 12). À nouveau, l’existence attestée de portes devait également jouer un rôle déterminant52.
15Les sphères de communication que l’on peut retracer au sein de la majorité des espaces de ce bâtiment témoignent d’espaces privilégiant une communication intime/personnelle (gris anthracite) voir sociale (gris foncé). La salle à piliers (15), de grande dimension, aurait, quant à elle, plus aisément pu se prêter à une manifestation plus conséquente. En effet, elle aurait pu accueillir au sein de ses limites une manifestation nécessitant un mode de communication public de portée restreinte (gris de tonalité moyenne) (Fig. 31).
Tylissos
16Au Sud-ouest d’Heraklion, dans la zone fertile de Malevisi, se trouve l’établissement minoen de Tylissos (Hazzidakis 1934 : 3-5 ; Graham 1962 : 59-60 ; Cadogan 1976 : 145-148 ; Preziosi 1983 : 7-10 et 43-44 ; Troubled Island : 128-129 ; Vasilakis 1997 : 27-55)53. Ce dernier fut établi sur le sommet plat d’une petite colline, à l’intérieur des terres54 et à proximité de la route menant in fine au Mont Ida (Hazzidakis 1934 : 3-4 ; Graham 1962 : 59, 60 ; Troubled Island : 128). Comme en atteste la découverte massive d’ossements et de cornes dans les couches minoennes, l’endroit devait parfaitement se prêter à des activités pastorales (Hazzidakis 1934 : 4-5). Un sanctuaire de sommet était également implanté non loin du site (Rutkowski 1988 : 87-88 ; Troubled Island : 128). On ne conserve de l’établissement que trois bâtiments mais des sondages tendirent à prouver qu’il présentait une superficie assez conséquente (Troubled Island : 129). Les fouilles de Joseph Hazzidakis (1909-1913) furent occasionnées par la découverte accidentelle de grands chaudrons de bronze provenant du bâtiment A (Hazzidakis 1921 : 54 ; Graham 1962 : 60 ; Cadogan 1976 : 147 ; Troubled Island : 129). Les bâtiments furent construits à la fin du Minoen Moyen III et très probablement détruits par le feu durant le MRIB (Troubled Island : 129)55. De manière générale, les bâtiments A et C paraissent avoir été des constructions assez soignées tant au point de vue de leur structuration interne que de leurs matériaux (Hazzidakis 1934 : 48-58 ; Graham 1962 : 60 ; Preziosi 1983 : 7-10 et 43-44). L’édifice B, même si on y fit globalement usage des mêmes matériaux et techniques de construction, présente une structure bien différente et fut souvent interprété comme l’annexe du bâtiment A (Graham 1962 : 60 ; Preziosi 1983 : 7 et 68-69)56.
17Le bâtiment A mesure environ 35m sur 18 (575m²), il contient une trentaine de cellules (Fig. 32). On y retrouve un vestibule (b), une artère centrale sous la forme d’un couloir tripartite (A-A’-A’’), une salle minoenne (6-A’-18), un bain lustral (11)57, deux escaliers avérés (I et II) ainsi qu’un escalier potentiel au nord-ouest de l’édifice58 et une salle (crypte) à pilier (3) (Gesell 1985 : 135). Deux ailes distinctes sont repérables59. L’une, au Nord, regroupe des cellules à vocation de stockage avérée, l’autre s’ouvre vers le Sud depuis le vestibule (Graham 1962 : 60 ; Cadogan 1976 : 147 ; Preziosi 1983 : 43 ; Troubled Island : 129). Le Nord-ouest du bâtiment présente un état très ruineux et il est difficile d’y reconstituer l’articulation des pièces de façon satisfaisante (Hazzidakis 1934 : 23-24). Consécutivement, cette zone ne sera pas intégrée à l’analyse de la syntaxe spatiale60. Ce bâtiment fut largement pillé, ne livrant par endroits que des tessons (Troubled Island : 129)61. Néanmoins, quelques trouvailles importantes sont à mentionner. De manière générale, Hazzidakis insiste sur la présence massive de pithoi en différents emplacements (cellules 15, 16 et 17 tout particulièrement - Hazzidakis 1921 : 12 ; Hazzidakis 1934 : 21). Outre quelques tessons, le vestibule (b) révéla deux disques de potier, le pommeau d’une épée, un marteau en pierre, quelques feuilles d’or, une hache en bronze et de nombreuses coupelles coniques (Hazzidakis 1934 : 9-10 ; Troubled Island : 129). On retrouva également, à proximité et au sein d’un des pithos de la cellule 17, les fragments d’une fresque miniature (Shaw 1972) et les restes d’une boîte en ivoire (Troubled Island : 129). Les magasins du Nord mis à part, seules les pièces 3, 4 et 5 contenaient des couches de destruction moins altérées par les pillages. Doté d’un pilier central, la pièce 3 était jonchée de jarres, de petits vases et de poids de tisserand (Troubled Island : 129). On y découvrit également un bassin en pierre, des fragments de fresque, un support pyramidal, un vase de style marin et une amphore MRIB décorée d’éléments marins et floraux (Hazzidakis 1921, Fig. 6), ainsi que des os et une figurine de bronze (Hazzidakis 1921 : 58, pl. VI ; Hazzidakis 1934 : 15)62 probablement tombée de l’étage. La salle 4 contenait un grand nombre de petites jarres remplies de substances de couleurs différentes ainsi qu’un lingot de cuivre (Hazzidakis 1934 : 15 ; Troubled Island : 129). Originellement, la pièce 5 contenait les chaudrons de bronze. On y repéra également deux tablettes en linéaire A, des scellés d’argile, des lingots de cuivre, un étrange outil de bronze doté de feuillure d’or ainsi que d’autres éléments en bronze (aiguille, rivets, double hache, pointe de flèche) quelques feuilles d’or et deux fleurs en ivoire63.
18Le plan justifié (Fig. 33) présente une forte asymétrie et une distributivité particulièrement faible. On n’y retrouve que trois cellules de type c (environ 11 %) contre 10 de type a (36 %) et 15 de type b (53 %). Le graphe se développe essentiellement en séquences linéaires, les points de type b étant autant de jalons de contrôle potentiel vers les espaces d’occupation de type a. Ce n’est qu’à partir du quatrième niveau de profondeur que la situation se présente sous un jour légèrement différent. En effet, on y constate l’implantation d’un anneau d’importance mineure (il ne concerne que trois cellules). De plus, le 6ème niveau de profondeur fait la part belle à la symétrie en un agencement de cellules qui contraste avec le reste du graphe se développant en longues chaînes. Le seul point de pénétration de l’édifice est le vestibule (b)64, il dessert les deux ailes du bâtiment ainsi que l’étage (de manière assez directe via l’escalier I). L’aile nord est essentiellement composée, pour ce que l’on en conserve, d’une enfilade de trois cellules (15, 16 et 17). La pièce 15, largement ouverte sur le vestibule (b), pourrait en avoir été l’extension. Néanmoins, son individualité reste assez affirmée par la présence d’une colonne qui sépare les deux cellules ainsi que par la disposition de rangées de pithoi le long des murs et la connexion étroite avec les magasins 16 et 17. Avec leurs piliers placés dans l’axe, ces deux cellules constituent la majeure partie de ce que nous conservons de l’aile nord. Outre une fonction de stockage, la cellule 16 semblait articuler les circulations vers le reste de l’édifice à l’Ouest. Elle s’ouvre en effet sur un espace qui pourrait avoir été un vestibule et donnait accès à un escalier au nord et un corridor au sud. Si l’on se dirige vers le Sud depuis le vestibule (b), un passage coudé (c) offre deux opportunités. Premièrement, on peut s’engager à l’Est dans une séquence linéaire de trois cellules (1-B-2). En ce qui les concerne, il est important de préciser que la cellule 1 était dotée d’une fenêtre (Hazzidakis 1934 : 11) s’ouvrant sur le vestibule (b) et pourrait avoir fonctionné comme une loge de portier (Preziosi 1983 : 42). Deuxièmement, s’ouvre un long corridor subdivisé en trois parties (A-A’-A’’) par deux portes clairement identifiées (Hazzidakis 1934 : 12). Ce couloir constitue véritablement la colonne vertébrale de l’aile sud sur laquelle viennent se greffer les autres cellules. Il donne tout d’abord accès à la pièce principale : la salle minoenne (6). En réalité, dans son second tiers, il en constitue même le vestibule65. Longeant le puits de lumière, un court corridor (d) donne accès à la salle à pilier (3) depuis laquelle s’ouvre, à nouveau sous forme de chaîne, une séquence de deux espaces (4 et 5). En termes de contrôle physique, la salle à pilier (3) est une étape nécessaire vers la pièce 4, néanmoins, au niveau visuel, cette dernière communique directement avec le puits de lumière (18) par l’entremise d’une fenêtre (Hazzidakis 1934 : 12-13). De l’autre côté, la cellule 6 constitue le noyau des circulations. En effet, elle contrôle directement l’accès vers quatre autres pièces qui semblent lui avoir été inféodées. Si l’on emprunte le dernier tiers du couloir (A’’), on peut accéder à trois cellules de taille réduite et à un escalier (II) profondément ancré dans l’arborescence du graphe, en particulier si on le compare à l’escalier attenant au vestibule (b). Le plan justifié présente ici un processus d’augmentation de la profondeur pour la partie de l’édifice que nous envisageons. Comme évoqué, ce type de configuration ne permet pas réellement à une flexibilité fonctionnelle de prendre place. Que l’extérieur soit pris en compte ou pas, les données d’asymétrie relative et les valeurs d’intégration (Fig. 34) présentent une constance très marquée. L’interface mettait donc probablement l’accent sur les rapports entre résidents. De manière plus particulière, la partie principale de la salle minoenne (6) présente l’intégration la plus forte et se distingue de ce fait assez nettement des autres cellules, le vestibule (b) mis à part. Bien qu’ils sont implantés de manière radicalement différentes au sein du système architectural et consécutivement sujets à un contrôle bien différent, les deux escaliers y sont autant intégrés l’un que l’autre (l’escalier II étant même sensiblement mieux intégré). Les cellules 2, 5 et 17 sont, en ordre croissant, les pièces qui présentent une ségrégation spatiale marquée. Les cellules disposant de la valeur de contrôle la plus élevée sont évidemment la salle minoenne (6) et la portion de couloir (A’’) (Fig. 35).
19En ce qui concerne l’analyse visuelle, les plans Depthmap illustrent un certain nombre de réalités. À leur sujet, il est nécessaire de préciser que les différentes fenêtres internes y furent considérées comme permettant une vision libre entre les cellules. L’intégration visuelle vient souligner le caractère particulièrement intégré du vestibule (b) et de la salle minoenne (18-A’-6) (Fig. 36a) On remarque également l’existence d’une véritable artère visuelle traversant le bâtiment du Nord au Sud, un peu comme un couloir visuel particulièrement bien intégré. Ce dernier est jalonné par les différents points d’articulation des circulations. Hormis les cellules et les zones évoquées, le reste du bâtiment présente une intégration visuelle assez homogène, d’une intensité moyenne. Outre le fait qu’elles permettent une perception plus intuitive des zones visuelles et de l’échelonnement des cellules, les étapes de profondeur visuelle viennent étoffer les constatations précédentes (Fig. 36b et 36c). En effet, qu’on place les observateurs à l’entrée des ailes nord et sud ou à l’extrémité est du vestibule (b), on obtient un graphe spatial faisant écho aux résultats de l’intégration visuelle. En termes de contrôle visuel (Fig. 36d), la cellule 6 affiche une importance indéniable. On retrouve également un pôle de contrôle fort à l’endroit où le magasin 16 articule les circulations vers les pièces adjacentes, localement au sein du corridor (A-A’-A’’ - notamment en relation avec la cellule 6 et le puits de lumière (18) ainsi qu’à proximité de l’escalier sud) et à proximité de l’escalier nord66. Les deux fenêtres (salle 4 et salle 1) offraient également l’opportunité d’un contrôle visuel assez marqué. Au point de vue de la contrôlabilité (Fig. 36e), outre la zone de pénétration dans l’édifice, il faut attirer l’attention sur le couloir qui s’ouvrait probablement depuis l’escalier nord67 et sur la cellule 2 dont la disposition pouvait faciliter à leur égard un contrôle visuel assez fort68.
20Si l’on envisage l’architecture en tant que domaine passif, il est important d’attirer l’attention sur le fait que l’existence d’une voie dallée (Hazzidakis 1934 : 9) venant aboutir au vestibule (b) mettait clairement l’accent sur l’entrée du bâtiment. De plus, d’un point de vue perceptif, étant hypèthre, le vestibule est comme un prolongement de l’extérieur. Un tel dispositif composé du passage d’un espace uniquement défini par une surface horizontale plane (le sol) s’imbriquant dans le bâti en relation avec des espaces à quatre plans crée une interpénétration forte. Il s’agit là d’une façon claire de manifester une entrée (Cousin 1980 : 182-183). Notons malgré tout que le dynamisme local est tempéré d’une part par les piliers qui viennent comme restreindre l’impact longitudinal du vestibule (b), d’autre part, par la forte continuité spatiale qu’entretiennent les cellules b et 1569. Il s’agit donc d’une entrée clairement signifiée mais qui n’induit pas un dynamisme particulier70. L’aile nord et l’aile sud sont accessibles depuis une ouverture clairement délimitée. C’est au Sud qu’on retrouve les éléments les plus intéressants. Premièrement, la cellule c vient d’emblée casser l’axe de progression. Il peut être intéressant de noter que ce dispositif est en relation avec la loge de portier présumée. En effet, à cet endroit, la nature même de l’architecture invitant à marquer une pause (l’axe arrière-avant du visiteur étant légèrement contrarié), offrait peut-être l’opportunité d’un certain contrôle depuis la pièce 1. Au-delà, s’étend le couloir (A-A’ - A’’). De manière générale, il invite intuitivement à une progression, néanmoins, cette dernière devait être tempérée par la présence des portes qui, selon les circonstances, pouvaient être ouvertes ou fermées. La présence du puits de lumière et de l’éclairage qu’il fournissait contribuait aussi probablement à renforcer l’attraction vers la salle minoenne depuis le premier tiers du corridor (A). Autour de la cellule 6, de nature centripète, s’ouvrent des pièces bien distinctes subordonnées par leur taille et leur disposition.
21Le bâtiment B mesure approximativement 22m sur 16 (365m ²) et est composé de 24 pièces (Fig. 37). Les cellules les plus caractéristiques sont un vestibule (a), une loge de portier (1-2), un escalier (k), un puits de lumière (7) et un long corridor divisé en deux parties par une porte (b-b’). Cette dernière aurait permis d’isoler les parties est et nord-est de l’édifice des pièces implantées à l’Ouest et au Sud-ouest (Hazzidakis 1934 : 30). En effet, dans son premier tronçon, le corridor b paraît être une extension de la cellule B et ne donne accès qu’à la grande pièce 5. L’édifice fut fortement endommagé et peu de trouvailles y furent faites (Troubled Island : 130). Seule la cellule 6 révéla de nombreux vases MRI (essentiellement de la vaisselle culinaire) dans une sorte de placard ainsi qu’une table à offrandes en stéatite et le socle à degrés d’une seconde table du même matériau (Hazzidakis 1934 : 29). D’autres fragments de table en stéatite furent également découverts dans le vestibule (Hazzidakis 1934 : 28) et la salle 8 (Hazzidakis 1934 : 29). La cellule 12 contenait, outre les tessons habituels, des cornes de bos primigenius, des fragments de peintures murales, un pithos brisé ainsi que deux jarres (Hazzidakis 1934 : 30 ; Troubled Island : 130). Quelques grandes jarres provenaient des cellules 14 et 15 alors que des ossements de bos primigenius furent également trouvés dans la pièce 17 (Hazzidakis 1934 : 30).
22Avec 54 % d’espaces de type b et 46 % d’espaces de type a, le plan justifié (Fig. 38) est non distribué et globalement asymétrique. De longues séquences d’espace de type b caractérisent le graphe marqué localement par une certaine symétrie sous la forme d’agencements buissonneux. Le vestibule (a) est le seul point de pénétration dans le système. Il est étroitement associé aux cellules 1 et 2 dont la disposition par rapport à l’entrée pousse le fouilleur à les interpréter comme loge et appartement du portier (Hazzidakis 1934 : 28). Il est important de préciser que la limite entre la cellule B et le vestibule (a) n’est pas claire. En effet, aucun revêtement qui aurait pu les distinguer ne fut découvert (Hazzidakis 1934 : 28). Les deux pièces semblent s’interpénétrer de telle sorte qu’il paraît difficile d’établir clairement laquelle des deux donnait accès à l’étage via l’escalier (k)71. En termes de plan justifié, relier la cellule k au vestibule (a) ou à la pièce B n’engendre pas des situations radicalement différentes. Et, même si les données qualitatives qui en découlent sont légèrement différentes, elles restent homogènes et conservent entre elles le même rapport. Le parti fut donc pris de faire de la cellule B l’accès à l’escalier mais il est évident qu’un lien existe également, ne fut ce que d’un point de vue visuel, avec le vestibule (a). La cellule B est de nature centrifuge et articule véritablement les circulations vers le reste de l’édifice. Soit de manière directe vers l’escalier (k) et les cellules 3 et 4, soit par l’entremise d’espaces de transition comme la cellule c ou la première partie du couloir (b-b’). L’espace c contrôle l’accès vers une partie bien distincte du bâtiment (6-7-8-9). C’est au sein de cette dernière que s’implantait le puits de lumière (7) qui devait notamment éclairer la cellule B par l’entremise d’une ouverture que l’on ne peut interpréter que comme une fenêtre si l’on se fie aux observations du fouilleur (Hazzidakis 1934 : 28-29).
23Le couloir b donnait soit directement accès à une vaste salle (5) occupant l’angle sud-est du bâtiment, soit, après le franchissement d’une porte, à sa seconde partie (b’) qui desservait de manière plus ou moins directe le reste des cellules de l’édifice. Tout comme dans le cas du bâtiment A, et avec l’implication que l’on connaît, les valeurs quantitatives et la hiérarchie qu’elles induisent en termes d’intégration des cellules restent constantes, que l’extérieur soit intégré ou pas. Les données qualitatives (Fig. 39) soulignent notamment la forte intégration de la cellule B (près de deux fois plus importante que l’intégration du système global). On remarque également la forte intégration du couloir (b), quasiment comparable à celle de la cellule B. Mis à part cette constatation, rien de fondamental n’est à noter hormis peut-être la ségrégation relativement élevée des cellules 2, 9 et 13. En termes de valeur de contrôle, ce sont également les cellules B et b’qui se distinguent (Fig. 40).
24En ce qui concerne les plans Depthmap, l’intégration visuelle vient faire écho aux données tirées du plan justifié (Fig. 41a). En effet, on y retrouve l’importance de la cellule B et de la première partie du corridor (b-b’). C’est en envisageant les étapes de profondeur visuelle qu’on peut prendre conscience d’une nette distinction entre la partie ouest du bâtiment et sa partie est (Fig. 41b). Même si les deux parties s’implantaient en des profondeurs assez semblables au sein du plan justifié, il apparaît évident que l’aile ouest était plus recluse d’un point de vue visuel, à l’exception notable de la seconde partie du couloir (b-b’). En termes de contrôle (Fig. 41c), la prééminence de la cellule B et du vestibule (a) est assez marquée. Cette zone mise à part, on peut repérer quelques points jalonnant le couloir (b-b’) et permettant de contrôler localement les différentes cellules y étant greffées. Il en va de même entre les cellules 6 et 8. La contrôlabilité met à nouveau en évidence une certaine particularité de l’aile ouest où se trouvent les pièces (ou parties de pièces) les plus aisément contrôlables visuellement (Fig. 41d).
25Cet édifice paraît assez simple à appréhender en tant que domaine passif. En effet, l’entrée par le vestibule (a) conduisait tout naturellement, de par son étroitesse et sa forme allongée, vers le cœur des circulations, la cellule B. Notons néanmoins que le fait que l’axe d’entrée soit quelque peu obstrué par le mur est de la cellule 2 pouvait contribuer à créer une situation assez similaire à celle évoquée en rapport avec les cellules c et 1 dans le bâtiment A72. N’étant pas d’une taille particulièrement plus importante que les cellules voisines et ne présentant aucune configuration particulière, il paraît néanmoins judicieux de souligner la nature centrifuge de la pièce B. Dans tout le reste de l’édifice, les cellules sont bien distinctes et desservies de manière non ambiguë73.
26Le bâtiment C mesure environ 24m sur 23 (451m ²). Parmi la petite trentaine de cellules qu’il contient, notons la présence d’un vestibule (a), d’une loge de portier dallée (1) (Hazzidakis 1934 : 34), d’un système élaboré de corridors ponctués de portes (A-B-B’-C-D), d’une salle à pilier (2) (Gesell 1985 : 136), de pièces à vocation de stockage avérée (8, 9 et 10), d’une salle minoenne (15), d’un bain lustral comblé (12) (Hazzidakis 1934 : 40-41 ; Driessen 1982 : 38 ; Gesell 1985 : 136)74 et de trois escaliers (Z, N et H) (Fig. 42). Selon Hazzidakis, différentes zones peuvent être isolées au sein de l’édifice : les cellules 2 et 3, la pièce 7 isolée, la zone de stockage 8-9-10, les cellules 4, 5 et 6 et la partie nord qui se développe au-delà du couloir B (Hazzidakis 1934 : 46-47). À quelques exceptions près, les trouvailles sont à nouveau assez maigres au sein de ce bâtiment (Troubled Island : 131). La salle 3 contenait des cornes de consécration et les salles 4, 5 et 6 conservaient des traces de dallage, de morceaux de stuc rouge et de revêtements d’argile sur les murs (Hazzidakis 1934 : 35). La cellule 7 révéla également des fragments de fresques de belle facture (Hazzidakis 1934 : 37). Les cellules 8, 9 et 10 contenaient quelques vases de stockage alignés le long des murs, l’un d’eux portait une inscription en linéaire A (Hazzidakis 1934 : 37, pl. 23 : 1). La différence de revêtement au sein de la cellule 13, incita le fouilleur à considérer que sa partie sud était hypèthre et servait à éclairer l’escalier H (Hazzidakis 1934 : 41)75. La cellule 14 était probablement compartimentée par des cloisons de briques crues (Hazzidakis 1934 : 43 ; Troubled Island : 131).
27Jusqu’au troisième niveau de profondeur, le plan justifié (Fig. 43) est plus symétrique que ceux des bâtiments A et B. Au-delà de ce dernier, on retrouve une asymétrie plus forte et une certaine distributivité, absente de la base du graphe. Le nombre de cellules de type a et b est presque équivalent et on ne retrouve que 5 cellules de type c formant un anneau entre les 3ème et 5ème niveaux de profondeur. Seule réelle entrée de l’édifice76, le vestibule (a) est une nouvelle fois étroitement associé à une cellule (1) interprétée comme loge de portier (Hazzidakis 1934 : 34). Le vestibule donne également accès à un long couloir (A) qui, à son tour, aiguille les circulations dans tout le reste de l’édifice. C’est depuis cette cellule qu’on peut constater un développement symétrique du plan justifié. Le couloir (A) s’ouvre, au Sud, sur la salle à pilier (2) dont le contrôle d’accès est renforcé par la cellule b, ainsi que, de manière plus directe sur l’escalier (Z) et son sottoscala. Vers le Nord, il permet d’accéder à la zone de stockage (8-9-10), à la partie nord de l’édifice via la première partie du couloir (B-B’) et aux cellules 4, 5 et 6 via l’espace d. C’est en relation avec la salle minoenne (15) et la cellule 12 que se développe un système de circulation plus complexe constitué d’espaces de type c77. On constate ainsi que la salle minoenne (15) peut être atteinte de manière relativement directe en poursuivant le long de la seconde partie du couloir (B-B’) ou, en obliquant vers la droite dans un couloir coudé (D) s’ouvrant sur la cellule 12 qui en contrôle alors l’accès. La cellule 12 s’ouvre également sur la cellule 14, tout comme elle donne accès par l’entremise d’un étroit corridor (D) à l’escalier (H) et à la cellule 13 qui culminent à une profondeur de 7 dans le plan justifié. Il apparaît évident que la cellule 12 devait jouer un rôle primordial dans l’articulation des circulations au nord du bâtiment C. En effet, elle contrôle un des accès potentiel à la salle minoenne (15) et ce, que l’on s’y rende depuis l’étage via l’escalier (H) ou depuis le couloir coudé (C). À l’Ouest, le couloir (B’) donne accès à l’étage via l’escalier (N) et, sous la volée supérieure de celui-ci (Hazzidakis 1934 : 40), il s’ouvre sur la pièce 11. Au sein de cet édifice, le processus d’augmentation de la profondeur est nettement moins marqué que dans le bâtiment B mais ils ont en commun l’absence de variation des données quantitatives, que l’extérieur soit pris en compte ou non (Fig. 44). À nouveau, la configuration spatiale semble favoriser les rapports entre résidents. Véritable noyau du système global des circulations, le couloir (A) possède à la fois l’intégration et la valeur de contrôle les plus élevées au sein de l’édifice. Le couloir B-B’ est également relativement bien intégré même s’il est en relation avec un nombre de cellules bien moins important. En termes de valeur d’intégration, ce dernier équivaut, à peu de chose près, au vestibule (a). Malgré son importance locale, la cellule 12 présente une intégration moyenne en regard du complexe dans son ensemble, équivalente à celle de la salle minoenne (15). En ce qui concerne les escaliers, la plus forte intégration se retrouve avec l’escalier (Z), en contact direct du couloir (A). L’escalier (N) arrive en seconde place et c’est finalement l’escalier (H) qui culmine au sommet de l’arborescence et présente une ségrégation bien marquée, au même titre que la cellule 13 et le puits de lumière. Mis à part le couloir (A), les couloirs (B’) et (D) disposent également de valeurs de contrôle relativement élevées (Fig. 45).
28Le graphe d’intégration visuelle élaboré grâce à Depthmap (Fig. 46a), met particulièrement en évidence le caractère précédemment évoqué des couloirs (A) (avec un accent tout particulier à sa jonction avec l’escalier Z et le couloir nord-sud) et (B-B’) tout comme celui du vestibule (a). On retrouve, avec les étapes de profondeur visuelle (Fig. 46b), la nature particulière que revêtent le couloir (A) et les zones qui y sont directement reliées. On peut notamment constater qu’une partie de la salle minoenne (15) et de la salle à pilier (2) étaient directement perceptibles depuis le premier couloir de l’édifice pour peu que les portes aient été ouvertes. Ce sont l’escalier (H) et la cellule 13 qui demeurent les zones le moins directement perceptibles depuis l’entrée du bâtiment. C’est aux connections du couloir (A) avec les cellules adjacentes et au sein de la salle minoenne (15) qu’on retrouve le potentiel de contrôle visuel le plus fort (Fig. 46c). Des zones d’importance secondaire se retrouvent localement, au débouché des différents couloirs et espaces de transition ainsi qu’à proximité de l’escalier (H) et de la cellule 13. En ce qui concerne la contrôlabilité (Fig. 46d), la cellule 11 ne doit pas être prise en compte dans la mesure où le plan ne permettait pas de la connecter visuellement au reste du graphe78. Par contre, certains espaces semblent présenter une structure favorisant un certain contrôle visuel au niveau local, comme la salle à pilier (2), les magasins 9 et 10, la cellule 6, l’escalier (H) et la salle 13.
29En tant que domaine passif, l’architecture du bâtiment C mérite quelques précisions. À peine entré dans l’édifice, un visiteur se trouve confronté au corridor (A) qui vient faire écho à l’axe arrière-avant. Néanmoins, cet axe ne trouve aucun aboutissement et va mourir sur un mur aveugle. Le dynamisme est également tempéré par une certaine dilatation spatiale au niveau du vestibule (a). De plus, la polarité trompeuse induite par le caractère longitudinal du couloir connaît de nombreuses ruptures tant au Nord qu’au Sud alors que s’ouvrent les différentes portes vers les cellules adjacentes. Pour peu qu’elles aient été ouvertes, un visiteur se serait probablement trouvé devant un éventail de choix assez troublant79. Si toutes les portes sont considérées comme ouvertes, un certain nombre de remarques peuvent être formulées. L’accès à la salle à pilier (2) par l’espace de transition (b) présente un tracé en chicane. Nous reviendrons par la suite sur l’importance d’un tel dispositif spatial dans l’architecture minoenne. C’est en relation avec le corridor (B-B’) que l’ouverture des portes aurait un impact considérable. En effet, pour une personne se situant à l’ouverture de ce dernier, l’attraction en direction de la salle minoenne (15) serait particulièrement forte pour peu que la porte séparant le couloir (B-B’) en deux parties demeure ouverte. Néanmoins, si cette dernière est fermée, la progression adopte un profil nettement moins direct et doit se prêter à un certain nombre de contraintes spatiales (passage par le corridor coudé (C) et la vaste salle 12 n’introduisant aucun dynamisme particulier). On constate donc, qu’au sein de cet édifice, le système de circulation peut être modulé de manière très élaborée affectant de ce fait les perceptions que l’on pouvait en avoir et les inductions dynamiques y étant liées (Preziosi et Hitchcock 1999 : 110-112). À titre d’exemple, la progression vers la salle minoenne pouvait s’effectuer de manière distincte80 notamment depuis l’étage via l’escalier (N) et le couloir (B’), depuis l’extérieur via le couloir (A), le couloir (B’), le couloir (C) et enfin la salle 12 ou encore depuis l’étage via l’escalier (H), le couloir (D) et à nouveau la cellule 12.
30En ce qui concerne l’architecture en tant que domaine actif, les sphères de communication (Fig. 47 et 48) que l’on peut retracer au sein des salles à piliers et des salles minoennes de Tylissos A et C semblent à nouveau correspondre à des espaces privilégiant une communication intime/personnelle (gris anthracite) et/ou sociale (gris foncé)81.
31Comme nous l’avons précédemment évoqué, on considère parfois que le bâtiment B fonctionnait comme annexe du bâtiment A (Fig. 49). C’est dans cette perspective que certains chercheurs imaginèrent un pont reliant les deux bâtiments (Preziosi 1983 : 7 et 67-68 ; Poblome et Dumon 1987-1988 : 71-72, Fig. 8 ; Hitchcock et Preziosi 1997). En ce qui concerne l’analyse de la syntaxe spatiale, le plan justifié (Fig. 50) rendant compte de cette situation hypothétique mérite quelques commentaires. De manière générale, on constate que, malgré l’apparition d’un large anneau externe, le graphe demeure majoritairement non distribué. Le rapport entre l’asymétrie et la symétrie demeure quant à lui inchangé. L’anneau, même s’il offre une option de circulation supplémentaire au sein de chaque bâtiment, contraint cette dernière à une succession d’étapes spatiales bien précise. En d’autres termes, constitué de points de type c, l’anneau conserve un potentiel de contrôle relativement fort.
32Il est donc important de préciser que si communication spatiale il y a eu entre les bâtiments A et B, cette dernière n’était pas d’une grande flexibilité. Au contraire, elle pouvait être l’objet, de par sa nature topologique, d’un potentiel de contrôle fort. Évidemment, il ne faut pas perdre de vue le fait que l’accès au bâtiment A et B était peut-être réservé à des personnes bien différentes et que le système global pouvait donc s’en trouver modifié au niveau de la configuration spatiale. À titre d’exemple (Fig. 51), un visiteur accédant au bâtiment A pouvait se trouver fortement éloigné des préoccupations et des activités qui caractérisaient le bâtiment B et vice et versa.
2. 2. La centre nord de la Crète
Prasa
33Situé sur la route de Knossos à Amnissos, les deux maisons fouillées au Sud du village moderne de Prasa faisaient sans doute partie d’un petit établissement (Platon 1951 ; Troubled Island : 137). Ces édifices furent probablement construits assez tôt durant le Minoen Moyen mais restèrent en activité jusqu’au MRI (Troubled Island : 137)82. La maison A présente un plan trop lacunaire que pour être intégré à l’analyse (Troubled Island : 137, Fig. 7. 15). Néanmoins, il peut être bon de noter qu’elle paraît avoir été nettement plus étendue et élaborée que sa voisine. Située au Nord-ouest du bâtiment susmentionné, la maison B présente un appareillage en pierre de taille malgré une assez mauvaise conservation (Troubled Island : 138). Le plan en est extrêmement simple (Fig. 52)83, l’édifice mesurant environ 9m sur 4. La cellule délimitée par le mur hachuré est une adjonction tardive. La pièce 1, la plus grande de l’édifice, fut interprétée comme une cuisine par le fouilleur (Troubled Island : 138). En effet, il y retrouva des marmites à trois pieds, un foyer et un bac en pierre. À proximité du seuil entre les pièces 1 et 2, un petit vase carré en pierre portant des incisions en linéaire A fut également découvert au même titre que d’autres vases et jarres de stockage.
34Malgré son caractère succinct (Fig. 53), le plan justifié mérite quelques commentaires. Tout d’abord, il offre deux options. On peut simplement considérer que seules les cellules 1 et 2 dont on saisit la connexion spatiale doivent être envisagées84. Dans ce cas, la configuration des pièces est extrêmement simple : une cellule de type b donne accès à une cellule de type a de manière totalement asymétrique et non distribuée. Les valeurs quantitatives (Fig. 54) illustrent la ségrégation totale du système global et celle, relativement importante, de la cellule 2 pour peu que l’extérieur soit pris en compte. On constate évidemment une non-distributivité dominante. Le graphe peut également s’étoffer de trois cellules. Pour ce faire, l’hypothèse est que l’accès aux espaces dépourvus de porte 3 et 4 se faisait par le biais d’une échelle depuis la cellule 1. Évidemment, rien ne prouve qu’une pièce n’existait pas à l’étage. C’est la raison pour laquelle, l’éventuelle échelle est considérée comme une cellule de transition dans le plan justifié85. Ce dernier reste malgré tout assez simple : la cellule 1 dessert la cellule 2 ainsi que l’échelle qui à son tour pouvait donner accès aux espaces 3 et 4. La nature du plan justifié reste quant à elle non-distribuée. Envisagées avec l’extérieur, les valeurs quantitatives illustrent la forte intégration de la cellule 1 et de l’espace de transition par rapport à la ségrégation plus manifeste des cellules 2, 3 et 4. Sans l’extérieur, on peut constater que l’espace de transition devient la zone la plus intégrée, suivie de près par la pièce 1. Les cellules 3 et 4 gardent une valeur constante alors que la cellule 2 présente une ségrégation plus prononcée. La cellule 1 est la pièce dont la valeur de contrôle est la plus élevée (Fig. 55).
35L’analyse visuelle par le biais de Depthmap est également assez sommaire et ne prend en compte que les espaces 1 et 2, c’est-à-dire les seuls qui aient été perceptibles au niveau du rez-de-chaussée. L’intégration et les étapes de profondeur visuelles font globalement écho aux résultats de l’analyse de la syntaxe spatiale (Fig. 56a et 56b). C’est à la jonction entre les deux cellules que l’on retrouve le potentiel de contrôle le plus grand et au sein de la pièce 1 que se manifeste la contrôlabilité la plus forte (Fig. 56c et 56d).
36L’extrême simplicité du plan limite les commentaires sur l’architecture en tant que domaine passif. Néanmoins, notons que l’entrée depuis l’extérieur se situe dans un coin de la cellule 1 et directement dans l’axe de celle entre les deux pièces du rez-de-chaussée. Ce dispositif de portes se faisant face, peut être interprété comme un écho à l’axe arrière-avant et pourrait trahir, d’une certaine manière, une volonté de ne pas trop entraver l’accès à la pièce 2.
37La taille restreinte des espaces internes laisse penser qu’en termes de communication, on devait se situer au niveau intime/personnel.
Knossos
38L’histoire du site de Knossos est des plus complexes et son énoncé détaillé nous mènerait bien au-delà des limites que se fixe ce travail. Aussi, en préambule à l’étude particulière de certains de ses édifices, nous nous contenterons d’évoquer brièvement son contexte d’implantation ainsi que son état durant l’époque néopalatiale sur laquelle nous concentrons nos recherches. Le site de Knossos occupait une position centrale sur la côte nord de l’île (Fig. 57). Il se situait dans la vallée de la rivière Kairatos, sur et aux alentours de la colline basse de Kephala (Aerial Atlas : 124). Knossos est sans conteste le site qui fut le plus longuement occupé par l’homme en Crète. En effet, il révéla les traces d’une occupation remontant jusqu’à la période dite acéramique précédant le Néolithique Ancien et resta occupé, presque sans discontinuité, jusqu’aux époques historiques86. Selon toute vraisemblance, c’est au début de l’époque néopalatiale (MM III/MR IA) que la ville atteignit son extension maximale (Aerial Atlas : 129 ; PoM II : 559-566). À cette époque elle aurait pu couvrir une superficie atteignant de 60 à 80 hectares et accueillir une population comprise entre 14000 et 18000 individus (Aerial Atlas : 129 et 137 ; Whitelaw 2004 ; Shaw 2003 : 239-240, n. 4-6). De manière générale, la connaissance que l’on a de la ville est pour le moins fragmentaire. En effet, on n’en conserve que le palais et des édifices particulièrement élaborés, les traces d’un réseau routier remontant au MM IB-MM IIA ainsi que quelques bâtiments isolés (fermes ?) en bordure de l’établissement principal (Hood et Smyth 1981 ; Aerial Atlas : 129 et 137 ; Warren 1994)87. D’un point de vue chronologique, on peut synthétiser l’époque néopalatiale à Knossos de la sorte :
important programme de (re) construction suite aux destructions de la fin du protopalatial ;
destructions par tremblements de terre probablement liés à l’éruption de Santorin vers la fin du MR IA ;
vagues de destruction (notamment par le feu) dans le courant du MR IB mettant un terme à la période néopalatiale en tant que telle88.
39Bâti à proximité de l’angle sud-est du palais (Hood et Smyth 1981, n° 219 ; PoM II : 140, Fig. 71), l’édifice appelé par Evans « House of the Chancel Screen » (PoM II : 391-396, Fig. 224-225 ; Graham 1962 : 56, Fig. 16 ; Hood et Taylor 1981, n° 284 ; Preziosi 1983 : 35-37 et 344-347, Fig. II. 4 et IV. 6. A-B ; Troubled Island : 151-152, Fig. 7. 22) s’est implanté contre un mur de terrassement se substituant en partie à un bâtiment plus ancien89. Bien que l’édifice fût fouillé assez tôt, il fallut attendre 1922 pour que son plan et ses caractéristiques soient révélés (Troubled Island : 151). Certains éléments tendirent à prouver qu’il s’agissait d’un bâtiment construit à l’époque néopalatiale, au plus tôt au MMIIIB (PoM II : 395, n.2 ; Troubled Island : 151). Sa fin serait à dater du MRIA avancé, phase durant laquelle une vague de destruction est attestée à divers endroits de la ville (Troubled Island : 152). La House of the Chancel Screen mesure environ 16m sur 16 (230m²) et compte, au rez-de-chaussée, une quinzaine de cellules (Fig. 58). Parmi ces dernières, on retrouve : un polythyron (2), un bain lustral (6) (Gesell 1985 : 95), un système de couloirs (11 et 8), un escalier, des pièces à vocation de stockage (7, 9 et 12), un espace dépourvu de porte (13) et une crypte à pilier (10) (Gesell 1985 : 21 et 95). C’est la découverte d’un dais en pierre auquel menaient deux marches de gypse qui forme l’élément le plus marquant au sein de l’édifice (PoM II : 393). Délimitée par une balustrade ouverte (PoM II : 393-394, Fig. 225 ; Hood 1997 : 106), cet espace aurait accueilli, selon Evans, un siège d’honneur dont malheureusement aucune trace ne fut retrouvée90. Le fouilleur y vit l’illustration de la position vénérable du chef de famille91. Il émit également l’hypothèse de l’existence de fenêtres dans le mur est de son « Megaron » (cellule 3a) (PoM II : 393 ; Graham 1962 : 56 ; Preziosi 1983 : 36). La présence d’un escalier ainsi que celle d’une base de colonne tombée de l’étage de la crypte à pilier (10) suffisent à attester de l’existence d’un étage (PoM II : 393). C’est depuis ce dernier qu’on aurait pu accéder à la cellule 13, probablement par le biais d’une échelle (PoM II : 395). Au sujet de cet étage, Preziosi précisa que le fait que le bâtiment soit construit contre un terrassement rendait possible l’existence d’une entrée au premier étage, du côté ouest (Preziosi 1983 : 37). En termes de trouvailles, c’est dans la cellule 9 que l’on découvrit un grand nombre de vases attestant de la fonction de stockage qu’avait eu cet espace (PoM II : 395-396)92.
40Le plan justifié de ce bâtiment ne rend compte que du rez-de-chaussée et des cellules qui y furent repérées (Fig. 59). La configuration réelle de l’édifice dans son ensemble pourrait avoir été bien différente si l’on admet qu’une entrée potentielle existait au premier étage à l’Ouest93. Les remarques qui sont formulées ici ne concerneront donc que la configuration spatiale du rez-de-chaussée94. Le graphe n’affiche pas la moindre trace de distributivité et présente une symétrie assez marquée à partir du deuxième niveau de profondeur. L’entrée coudée (1) et son escalier constituent le seul point de pénétration au rez-de-chaussée. Le potentiel de contrôle relativement fort dont il dispose est dédoublé par celui du polythyron (2) autour duquel s’articulent toutes les circulations à ce niveau. Au Sud et au Nord, l’agencement est parfaitement similaire d’un point de vue syntaxique : un espace de type b (cellules 2a et 3a) donne accès à un espace de type a (7 et 3b). À l’Est, on accède au bain lustral (6) par une succession d’espaces de type b qui viennent augmenter davantage le potentiel de contrôle (cellules 4 et 5). Au Nord, les espaces sont mis en relation par le biais de deux espaces de transition, les couloirs (11) et (8). Le premier contrôlant l’accès au second. L’asymétrie relative et les valeurs d’intégration n’évoluent que très peu selon que l’extérieur soit pris en compte ou pas (Fig. 60). Le polythyron (2) forme évidemment l’espace le mieux intégré au système, suivi d’assez près par le couloir (11). Le bain lustral (6) est la cellule dont la ségrégation est la plus manifeste. Les cellules présentant la valeur de contrôle la plus élevée sont, dans l’ordre croissant, le polythyron (2) et le couloir (11) (Fig. 61).
41En ce qui concerne l’analyse visuelle, les graphes Depthmap méritent quelques commentaires95. L’intégration visuelle (Fig. 62a) illustre clairement la prééminence du polythyron (2) et de la jonction entre les couloirs (11) et (8)96. On y retrouve également la forte ségrégation du bain lustral (6). Pour le reste, étant donné que l’analyse de la syntaxe spatiale considère chaque espace comme une cellule uniforme sans tenir compte de ses propriétés spatiales autres que les connexions qu’elle entretient, on peut remarquer de légères différences entre les résultats de cette dernière et de l’approche visuelle97. Prises au niveau de la porte qui s’ouvre sur le polythyron (2) depuis l’Est, les étapes de profondeur visuelle (Fig. 62b) permettent d’appréhender l’exclusion assez manifeste du bain lustral (6) et du magasin (12) qui tranche avec la situation du reste de l’édifice. En termes de contrôle visuel (Fig. 62c), il convient de remarquer le potentiel local assez marqué des points de décision au sein du réseau de circulations. Néanmoins, c’est le polythyron (2) qui semble disposer du potentiel le plus élevé98. Au niveau de la contrôlabilité (Fig. 62d), le bain lustral (6), le magasin (12) et la partie ouest de la crypte à pilier (10) présentent une situation intéressante et semblent être les espaces les plus aisément dominables visuellement99.
42Si l’on en croit la restitution proposée par Evans, un passage coudé terminé par un escalier mettait en relation la portée d’entrée de l’édifice au Sud-est avec le polythyron (2) (PoM II : 393). Une fois à l’intérieur du bâtiment un visiteur se trouvait confronté à un espace de transition en chicane. L’atténuation dynamique instaurée par la rupture d’axe se trouvait également renforcée par la présence de l’escalier étroit différenciant clairement la zone d’accès en contrebas de la cellule 2, située à un niveau supérieur100. Une fois le polythyron (2) atteint, même si spatialement la zone n’induit pas un dynamisme particulier, les larges ouvertures dont elle dispose instaurent une relation spatiale forte avec les cellules adjacentes (2b, 3a et 11)101. Si l’on prête attention au plan, on remarque aisément que, selon le principe de Periainen, la continuité spatiale la plus marquée se trouve entre le polythyron et la cellule 2a102. Néanmoins, de manière générale, il existe également une forte interpénétration spatiale entre 2 et 3a qui pousse Preziosi à les envisager de concert (Preziosi 1983 : 36)103. Il est vrai que pour peu que les portes des baies à portes multiples aient été ouvertes, l’axe transversal d’un visiteur entrant dans le polythyron (2) depuis l’escalier aurait trouvé un écho fort. Cela pourrait avoir contribué à atténuer intuitivement la progression vers le couloir (11) et les pièces qu’il desservait. Au contraire, si les portes avaient été maintenues fermées, c’est l’axe arrière-avant et la progression vers l’Ouest qui auraient été favorisés. Outre ces mouvements potentiels en relation avec le polythyron, on peut constater que, de manière générale, l’accès aux différentes cellules est souvent caractérisé par un profil en chicane (de 11 à 12, de 8 à 10, de 11 à l’escalier et de 8 à 9). Il convient aussi de faire remarquer que, même si la cellule 3b se trouve dans l’axe de la cellule 3a, elle s’implante perpendiculairement au vaste espace que forment le polythyron et la cellule 3a lorsque la baie à portes multiples qui les sépare est ouverte104.
43De manière générale, au sein de la House of the Chancel Screen, trois cellules sont généralement considérées comme pouvant s’être prêtées au déroulement de représentations de nature rituelle (Gesell 1985 : 95) : le bain lustral (6), la crypte à pilier (10) et la salle au dais (3b). En termes de superficie, il paraît évident que les deux premières cellules pouvaient accueillir des manifestations entrant dans la sphère intime/personnelle ou sociale (Fig. 63). Il convient malgré tout de rappeler, qu’en relation avec le bain lustral et la crypte à pilier, le polythyron (2) fait office de ce que Marinatos et Hägg considérèrent comme une « zone de transit » (Marinatos et Hägg 1986 : 62)105. En relation avec la salle au dais (3b), le polythyron pourrait également officier en tant que zone de transit mais offrirait de plus la possibilité d’une participation indirecte (Marinatos et Hägg 1986 : 68 et 72) à la cérémonie que ces auteurs imaginent en relation avec la ‘clôture de chœur’ :
This area was clearly marked off from the rest of the room by an open balustrade as well as by steps leading up to the dais. […] There is little doubt that the ceremony involved a person officiating on the stone dais. More we cannot tell, although it is quite possible to imagine an enacted epiphany taking place here (Marinatos et Hägg 1986 : 68).
44Que l’on admette ou non l’idée d’une cérémonie en relation avec la cellule 3b, il peut être intéressant de tracer les sphères de communication depuis le dais car il est évident qu’en termes de superficie les cellules 2-3a-3b se prêtent particulièrement au déroulement de représentations quelle qu’en ait été la teneur (Fig. 63). On remarque alors que, pour une personne se tenant sur le dais (où le siège qu’Evans y imaginait), la balustrade délimite assez précisément la frontière entre les sphères intime/personnelle et sociale (gris anthracite et foncé) et la sphère publique de portée restreinte (gris de tonalité moyenne). C’est cette dernière qui s’étend dans la majeure partie de la cellule 3a alors que les personnes se tenant dans le polythyron (2) se trouveraient essentiellement dans la sphère de communication publique de portée étendue (gris clair). De manière générale, on peut donc admettre que, si représentation il y a eu depuis la cellule 3b, elle devait certainement revêtir un aspect public pour peu que les spectateurs se soient tenus au-delà de la balustrade106.
45Située à une centaine de mètres au Nord-est de l’angle nord-est du palais (Hood et Smyth 1981, n° 224 ; PoM II : 140, Fig. 71), ladite Royal Villa (PoM II : 396-413, Fig. 226-228 ; Graham 1962 : 52-54, Fig. 14 ; Cadogan 1976 : 87 ; Driessen 1982 : 31-32 ; Preziosi 1983 : 37-39 et 348-351, Fig. II. 5 et IV. 7. A-B ; Troubled Island : 168, Fig. 7. 34 ; Fotou 1997 : 34-41, Fig. 1-2) est un édifice remarquable à plus d’un titre. Il fut mis au jour en 1903 mais bénéficia de sondages supplémentaires et de reconstructions massives en 1926 (PoM II : 398, n. 1 ; Driessen 1982 : 31 ; Preziosi 1983 : 37). Son implantation au sein de la ville semble manifester un lien étroit avec le palais107 et n’a certainement pas été le fruit du hasard108. Les matériaux employés trahissent un souci d’élaboration tout particulier (PoM II : 413 ; Graham 1962 : 52 ; Troubled Island : 168) et l’état de conservation est assez exceptionnel (Fotou 1997 : 34). De manière générale, la Royal Villa mesurant environ 18m sur l’axe Nord-Sud et 14m d’Est en Ouest (247m ²) (Preziosi 1983 : 349), aurait été bâtie au début du MRIA et pourrait avoir été détruite au MRIIIA1 (PoM II : 413, n. 1 ; Troubled Island : 168). Elle contient, si l’on se fie aux restitutions de Fotou, une petite quarantaine de cellules (Fig. 64 et 65) (Fotou 1997, Fig. 1. a-d). Parmi ces dernières, on peut noter la présence, entre autres pièces, de deux vestibules (1 et 18), d’un escalier principal, de couloirs (7, 15, 23 et 25), d’une salle minoenne (9a-c) (Driessen 1982 : 31 ; Lloyd 1997-1998 : 128-130, tableaux 1 et 2), de polythyra (3 et 14a), d’un éventuel bain lustral (5)109, d’une crypte à pilier (10) (Gesell 1985 : 94-95) et de toits terrasse. Avant d’étudier ce bâtiment plus précisément, il est important d’apporter quelques éclaircissements en ce qui concerne l’accès et l’agencement interne. Evans et Mackenzie mentionnent deux entrées : l’une au rez-de-chaussée à l’Est, l’autre depuis la terrasse à l’Ouest (PoM II : 399 et 402 ; Fotou 1997 : 35, n. 8 et 9)110. Fotou reconnaît l’existence de deux entrées mais apporte de profondes modifications aux hypothèses des fouilleurs. Premièrement, selon elle, l’entrée est se présentait sous la forme d’un vestibule (1) et d’une cellule associée (2) et non pas d’un passage ouvert au Sud comme l’imaginait Evans (Fotou 1997 : 35, Fig. 1. a ; PoM II : 396 et 402, Fig. 227). Elle réfute également l’existence d’une ouverture en direction du puits de lumière (9c) (Fotou 1997 : 35, n. 15)111. Deuxièmement, là où les fouilleurs demeurent vagues au sujet de l’entrée depuis l’Ouest112, Fotou propose de la restituer sous la forme du vestibule (18)113. En ce qui concerne la partie sud-est de l’édifice, Fotou n’admet ni l’existence d’un puits de lumière en 6, ni celle de l’ouverture entre cette cellule et le sottoscala (8) (PoM II : 402)114. Au contraire, elle invite à y voir une zone particulièrement adaptée à l’emmagasinage (Fotou 1997 : 38, n. 20)115. En ce qui concerne la cellule 9a’, Fotou admet qu’on y restitue en plan une zone délimitée par une balustrade et pourvue d’une niche (siège) (Fotou 1997 : 39 ; PoM II : 403-406, Fig. 232 et 234). Néanmoins, elle contredit l’hypothèse du puits de lumière et démontre clairement que les vestiges plaident en faveur de l’existence d’une couverture à cet endroit (Fotou 1997 : 39, n. 25-29, Fig. 2a-b)116. Chez Evans, l’espace triangulaire 11 est accessible par l’entremise d’une porte s’ouvrant sur le puits de lumière (9c) (PoM II, Fig. 227)117. Selon Fotou, il n’existerait aucune trace d’une porte mais plutôt de deux marches ascendantes vers le Nord (Fotou 1997, Fig. 1. a ; Lloyd 1997-1998 : 125, n. 32). Elle reconnaît malgré tout qu’il pouvait s’agir là d’une zone ouverte mais soutient que rien ne permet d’en donner une interprétation ne relevant pas de la spéculation (Fotou 1997 : 39-40)118. De manière générale, le fait que la crypte à pilier (10) ait été munie de dispositifs destinés à accueillir une activité de traitement de liquides est admis par tous (PoM II : 406-408, Fig. 235 ; Graham 1962 : 53 ; Preziosi 1983 : 37 ; Gesell 1985 : 28 et 94-95 ; Troubled Island : 168 ; Fotou 1997 : 41), au même titre que le rôle structurel du pilier qui devait supporter une colonne à l’étage (PoM II : 408, Fig. 226 ; Gesell 1985 : 28 ; Fotou 1997 : 41, n. 42). Néanmoins, là où l’on s’accorde généralement à y voir une zone cultuelle (Gesell 1985 : 94-95 ; Hood 1997 : 105-106), Fotou exprime une position plus prudente (Fotou 1997 : 41). Dans son ensemble, l’édifice fut considéré par Evans comme une résidence d’été du Roi-Prêtre (PoM II : 413). Graham et Preziosi reconnaissent que le complexe devait exercer une fonction religieuse et/ou politique (Graham 1962 : 53-54 ; Preziosi 1983 : 37-39)119. Fotou préfère évoquer une fonction officielle de nature publique pour le rez-de-chaussée, donnant aux étages un profil plus privé (Fotou 1997 : 41)120. En termes de trouvailles, on notera tout particulièrement la découverte d’une lampe à piédestal en pierre mauve sur la seconde marche de l’espace 9a’(PoM II : 404 ; Graham 1962 : 53 ; Gesell 1985 : 94) ainsi que les traces laissées, dans les murs de la crypte à pilier, par la carbonisation des poutres du plafond dont on peut ainsi estimer la taille et la disposition (PoM II : 408).
46À la simple vue du plan justifié (Fig. 66), on se rend compte à quel point la restitution proposée par Fotou rend justice aux commentaires qu’avaient formulés Preziosi au sujet de l’élaboration des circulations au sein de l’édifice :
The patterns of circulation in the structure are remarkable and unique in a structure of modest size, for one can pass from one end of the building to the opposite end by several possible means. […] The set of controls="true" and system of internal traffic suggest multiple usages for this building, perhaps allowing certain guests or visitors access to selected portions at certain times (Preziosi 1983 : 38)121.
47Cette étonnante complexité des circulations au sein de la Royal Villa se manifeste à travers la présence massive d’espaces de type c et d (environ 60 % des cellules122). En effet, de nombreuses cellules offrent un éventail de choix en termes de mouvement et créent une flexibilité spatiale assez élevée123. De manière plus ciblée, on constate que l’édifice s’ouvre en deux points : les vestibules (1) et (18). Étant tout deux de type c, ces cellules offrent plus d’une option de circulation mais conservent un certain potentiel de contrôle. Il apparaît également que chacun des vestibules pourrait avoir été doté d’une loge de portier renforçant encore ce potentiel. En effet, il n’est pas impossible que les cellules 2 et 19 aient joué ce rôle. Le vestibule (1) s’ouvre sur le polythyron (3) qui dessert trois cellules (4, 5 et 6) au même titre qu’il donne accès au couloir (7). Comme l’évoque Fotou (Fotou 1997 : 35-38)124, on remarque, qu’au sein du plan justifié, les cellules 1 à 6 semblent former une unité distincte, dans la partie Sud-est de l’édifice. En effet, seul le couloir (7) lie cette zone au reste du bâtiment, qu’il s’agisse de la partie centrale formée par la salle minoenne (9a-c) et son espace à balustrade (9a’) ou de l’étage par l’entremise de l’escalier principal. En étroite relation avec cet espace de transition, la cellule 8 pourrait avoir permis un contrôle plus efficace des circulations en direction de l’étage depuis le secteur sud-est mais également en direction de la salle minoenne depuis l’étage (et l’entrée ouest)125. C’est depuis le vestibule (18), qu’on accède le plus directement à l’escalier principal de la Royal Villa. Ce dernier est un espace de type d et constitue le noyau des circulations verticales au sein du bâtiment. Malgré le manque de contrôle qui affecte un tel espace au point de vue topologique, la présence de portes peut avoir permis de canaliser et/ou de restreindre certains mouvements y étant liés126. De retour au rez-de-chaussée, d’un point de vue architectural, la salle minoenne (9a-c) se présente comme un ensemble bien distinct (Fotou 1997 : 38-39). Néanmoins, en termes d’agencement cellulaire, on constate qu’elle est en relation plus ou moins étroite avec le premier et le second étage par le biais des escaliers nord. On constate ainsi que la salle minoenne, la cellule 9a’, la crypte à pilier (10), l’espace ouvert (11) ainsi que les cellules 12, 13, 14a-b, 20a-b, 21 et 22 pourraient avoir formé une entité spatiale cohérente et aisément isolable du reste de l’édifice. Pour être plus précis, il n’est pas impossible que la salle minoenne ait formé le point de contact, de rencontre, entre l’ensemble d’espaces susmentionnés constituant probablement un pôle de nature plus privée et le reste de l’édifice plus franchement accessible depuis l’extérieur127. Pour rappel, la salle minoenne disposait depuis l’extérieur d’un accès direct unique (via 7) et potentiellement sujet à contrôle (via 8) mais s’ouvrait vers l’intérieur de l’édifice avec plus de flexibilité comme en témoigne le dédoublement des accès vers l’étage. Si l’on établit un plan justifié depuis chacune des entrées du bâtiment en les considérant comme unique, certaines remarques peuvent être formulées. Depuis le vestibule (1) (Fig. 67), le graphe a huit niveaux de profondeur. L’unité sud-est est directement accessible et occupe les trois premiers niveaux de profondeur. L’espace de transition (7) constitue le seul point de contact avec le reste de l’édifice. On constate également que la salle minoenne est directement accessible depuis ce dernier alors que les pièces à l’étage sont dans un état de ségrégation plus manifeste (entre le sixième et le huitième niveau de profondeur). Depuis le vestibule (18) (Fig. 68), le graphe a un niveau de profondeur de moins. De manière générale, l’ensemble du bâtiment est plus directement accessible depuis cette entrée, à l’exception de l’unité sud-est. Les valeurs quantitatives n’évoluent guère que l’on intègre ou non l’extérieur aux calculs (Fig. 69). A priori, cela signifierait que la configuration spatiale met essentiellement l’accent sur les rapports entre résidents. Néanmoins, on peut constater l’existence d’une gestion subtile et complexe des circulations, comme si l’édifice était employé par diverses catégories d’utilisateurs. Au sein du système global que forme la Royal Villa, toutes les cellules ont une valeur d’intégration assez élevée. On constate malgré tout que l’escalier principal et le couloir (7) sont les cellules les mieux intégrées au contraire du toit terrasse 3 et tout particulièrement de l’espace ouvert (11). De manière générale, les valeurs de contrôle des différentes cellules sont globalement inférieures à 1,500 et seuls le polythyron (3), la cellule 20a et la salle minoenne (9a) sortent du lot (Fig. 70)128.
48En ce qui concerne l’analyse par l’entremise de Depthmap, il s’agit de préciser que l’analyse visuelle procède par étage et les considère comme des entités indépendantes129. Il n’est donc pas étonnant que les résultats diffèrent de ceux de l’analyse de la syntaxe spatiale. Cet état de fait ne constitue pas un réel problème et offre au contraire l’opportunité d’aborder chaque étage sous un angle particulier. Il convient malgré tout de préciser qu’essentiellement composé d’un toit terrasse, le troisième étage ne se prête guère à de nombreux commentaires. L’intégration visuelle du rez-de-chaussée (Fig. 71a) illustre la situation particulière du couloir (7) et de la cellule principale de la salle minoenne (9a) alors qu’au premier étage, c’est le couloir (15) et la cellule 14a ainsi qu’une portion des cellules 13 et 16 qui sont particulièrement intégrés. Au deuxième étage (Fig. 72a), c’est à nouveau la pièce se situant à la verticale de la salle minoenne (cellule 22) qui dispose de l’intégration la plus forte. Les plans des étapes de profondeur du rez-de-chaussée et du premier étage (Fig. 71b) font écho aux remarques mentionnées dans l’analyse de la syntaxe spatiale lorsque les deux entrées de l’édifice sont envisagées séparément. On constate donc la forte séparation visuelle entre la partie nord de l’édifice et le vestibule (1) alors que, depuis le vestibule (18), la proximité visuelle est plus forte avec l’ensemble des pièces du deuxième étage130. Le fait que le premier étage soit accessible depuis différents points n’est évidemment pas étranger à cette constatation. En ce qui concerne le deuxième étage (Fig. 72b), les points d’accès restant assez nombreux, on peut constater que la situation est assez similaire à celle du premier131. En termes de contrôle visuel on remarque qu’au rez-de-chaussée et au premier étage (Fig. 71c) comme au second (Fig. 72c), les points de décision forment des zones au potentiel assez marqué. Néanmoins, le polythyron (3), la salle minoenne (9a) et les cellules 14a et 22 sont localement dotés d’un potentiel relativement élevé. À l’exception de la cellule 16 qui présente une situation singulière, la contrôlabilité (Fig. 71d) semble particulièrement basse au sein du rez-de-chaussée et du premier étage. Néanmoins, cela résulte du fait que les deux étages furent considérés simultanément. Si l’on se concentre uniquement sur le rez-de-chaussée, on remarque que la contrôlabilité est élevée au niveau de la salle minoenne (9a-c), de l’espace ouvert (11), de la cellule 6 et d’une portion du polythyron (3) (Fig. 71e). Au deuxième étage (Fig. 72d), la cellule 22 présente une contrôlabilité qui tranche avec celle des cellules qui l’environnent autant qu’avec celle des étages inférieurs.
49En termes d’approche, il semble qu’on pouvait accéder à la Royal Villa de deux manières. Si l’on se fie à l’hypothèse selon laquelle le trottoir surhaussé menant au Nord du palais bifurquait en direction de l’édifice, on peut se demander, à la manière d’Evans, si l’entrée principale de l’édifice ne se situait dans la façade ouest du bâtiment (PoM II : 399-400). Dans une telle optique, le vestibule (18) se présente comme le candidat parfait. De plus, comme nous l’avons exposé lors de l’analyse de la syntaxe spatiale, le vestibule (1) dessert une unité architecturale relativement distincte. Au sein de cette dernière, la situation est assez facile à appréhender. Une fois le vestibule (1) atteint132, on se trouve dans une situation de relation spatiale étroite avec le polythyron (3). En effet, la baie à portes multiples qui les sépare est une surface frontière à degré d’ouverture élevé alors que l’axe arrière-avant d’un visiteur pénétrant dans la cellule 1 se perpétue librement à travers la pièce 3. Comme l’évoque Fotou : « Cela plaide en faveur d’un itinéraire dont le but ne saurait être simplement l’espace 1, mais une connexion plus importante qui serait probablement à situer sur ce même axe de progression. » (Fotou 1997 : 35). Il apparaît donc évident qu’au sein de ce secteur sud-est, le polythyron forme la cellule principale, les autres espaces environnants lui étant assujettis133. Outre les circulations liées à ce secteur, le couloir (7) pouvait faire écho à l’axe longitudinal des espaces 1 et 3134. En effet, depuis le vestibule, une ligne de vision non entravée peut se développer jusque dans le couloir (7) (Fig. 73). Il eut donc suffit d’ouvrir la porte qui séparait les deux cellules pour instiller un certain dynamisme en direction du reste du bâtiment. Néanmoins, une fois le corridor atteint, les communications vers la salle minoenne et l’étage adoptent un profil coudé. La proximité (par rapport au polythyron) et la taille de l’ouverture sur la salle minoenne en faisait probablement la destination privilégiée des personnes quittant l’unité sud-est. À l’inverse, l’ouverture sur l’étage était plus éloignée, plus restreinte et potentiellement surveillée depuis la cellule 8 ce qui pourrait manifester un désir d’en limiter l’accès. Quel que soit le côté depuis lequel on y accède, la salle minoenne (9a-c) favorise un certain statisme dans la mesure où son axe principal se présente perpendiculairement aux ouvertures qui la desservent. Néanmoins, il peut être intéressant de noter que le point focal que constituait probablement la niche (9a’) instillait sans doute une ligne de tension qui pouvait trouver un écho dans le déploiement axial des trois cellules constitutives de la salle minoenne135. Si l’on pénètre par le vestibule (18), on fait immédiatement face à un dispositif en chicane. Ce dernier s’explique vraisemblablement par le fait que cette entrée donne potentiellement accès à l’ensemble de l’édifice de manière assez directe. Au niveau du palier, les possibilités de mouvement sont nombreuses. Cet état de fait contribuait sans doute à atténuer le dynamisme intuitif et impliquait sans doute que les circulations étaient balisées d’une façon ou d’une autre afin d’aiguiller les divers utilisateurs du bâtiment (Palyvou 1987 : 195). De manière générale, l’emplacement des portes et des voies d’accès tendrait à prouver que les cellules 16 et 17 pourraient également former une unité indépendante au Sud-est du premier étage136. En ce qui concerne les étages, on peut remarquer que la faible proportion d’espaces de transition et l’existence de pièces de grande superficie n’invitent guère au mouvement et trahissent peut-être la naturelle résidentielle qu’on évoquait ci-dessus. Les connexions spatiales particulièrement étroites qu’entretiennent la crypte à piliers (10) et l’espace ouvert (11) avec les cellules 12 et 13 par le biais des escaliers témoignent probablement d’une utilisation du secteur impliquant les deux étages (Fotou 1997 : 35 et 41).
50Au même titre que la House of the Chancel Screen, la Royal Villa présente un bain lustral potentiel (5), une crypte à pilier (10) et une cellule dotée d’une balustrade (9a’) étroitement liée à une salle d’importance (9a-c). Si l’on tient compte de sa superficie, le bain lustral (6) n’était probablement lié qu’à des représentations impliquant un nombre assez restreint de participants dans une sphère assez étroite. À nouveau, Marinatos et Hägg insistèrent sur le rôle que la baie à portes multiples pouvait jouer en tant que barrière, offrant la possibilité d’une participation indirecte (Marinatos et Hägg 1986 : 61, Fig. 3). Ils considérèrent également que le mur fin séparant la cellule 4 du bain lustral pouvait ne pas s’être élevé jusqu’au plafond de telle sorte qu’une personne s’y tenant aurait pu écouter ou voir ce qui se déroulait au sein de la cellule 5 sans y pénétrer pour autant (Marinatos et Hägg 1986 : 61). Si l’on applique les seuils de communication interpersonnelle de Hall (Fig. 74), on se rend compte que la communication intime et personnelle (gris anthracite) devait se limiter à l’intérieur du bain lustral. La cellule 4 et une partie du polythyron (3) tiennent de la sphère sociale (gris foncé) alors qu’une majeure partie de ce dernier et du vestibule (1) impliquaient, pour les personnes s’y tenant, une communication sujette aux modalités du seuil public (portée restreinte - gris de tonalité moyenne) en rapport avec la représentation ayant pu avoir lieu dans le bain lustral (6). Comme dans le cadre de l’analyse de la House of the Chancel Screen, les sphères de communication peuvent être disposées en relation avec la zone circonscrite par la balustrade et en particulier le siège dont Evans affirmait avoir trouvé des traces (PoM II : 404) (Fig. 75). Ces dernières illustrent le fait qu’immédiatement à proximité de la niche, dans une zone qui ne dépasse pas la balustrade, on retrouve une sphère de communication pouvant adopter un profil intime et personnel (gris anthracite). Au-delà de cette dernière, empiétant sur la partie restante de la zone définie par la balustrade et la moitié ouest de la cellule 9a, se trouve la sphère de communication sociale (gris foncé). La majeure partie de la pièce 9a et la pièce 9b pouvaient sans doute accueillir des représentations nécessitant une communication adaptée à la sphère publique alors que les colonnes circonscrivant le puits de lumière (9c) semblent former la limite entre la communication publique de portée restreinte (gris de tonalité moyenne) et la communication publique de portée étendue (gris clair). En ce qui concerne le type de représentation ayant pu avoir lieu dans ce type d’agencement spatial, Marinatos et Hägg évoquent le concept de la « enacted epiphany » selon lequel une personne serait venue jouer le rôle de la divinité se dévoilant aux yeux des fidèles (Marinatos et Hägg 1986 : 70, n. 86 ; Hägg 1983)137. En ce qui concerne la crypte à pilier (10), il est évident que, n’étant accessible que depuis 9b ou l’étage, elle pourrait avoir accueilli des représentations impliquant une plus grande restriction de l’assistance (Marinatos et Hägg 1986 : 70). De plus, la disposition architecturale de la crypte à pilier, clairement distincte des espaces environnants, plaide en faveur d’une éventuelle représentation limitée à la cellule 10 seule. Les seuils de communication présents dans la pièce (Fig. 76) renvoient à la sphère intime personnelle (à proximité du pilier) et à la sphère sociale dans la majeure partie de la pièce.
51À un peu moins d’une cinquantaine de mètres au Nord-ouest du palais, au-delà de la cour occidentale et juste au Sud de la Royal Road (Hood et Smyth 1981 : n° 212 ; PoM II : 140, Fig. 71), la House of the Frescoes (PoM II : 431-467, Fig. 251 ; Graham 1962 : 57-58, Fig. 18 ; Driessen 1982 : 43-46, Fig. 15-17 ; Preziosi 1983 : 39-40 et 352-355, Fig. II. 6 et IV. 8. A-B ; Hood 1997 : 111-112, Fig. 11 ; Troubled Island : 155-156, Fig. 7. 25) fut découverte et fouillée en 1923 puis en 1926. Le secteur au sein duquel elle s’implantait était densément occupé par des constructions de la grande phase de reconstruction qui succéda au tremblement de terre du MMIIIB (PoM II : 431). Sous ces vestiges, les fouilles révélèrent la présence d’éléments portant à croire que la zone était déjà fortement pourvue en bâtiments dès le début du Minoen Moyen (PoM II : 432). Elle le resta jusqu’au MRIIIA2 en ce qui concerne la civilisation minoenne (Troubled Island : 156) mais fut également occupée aux périodes grecques et romaines (PoM II : 432 ; Troubled Island : 156). Ces intrusions plus tardives sont en partie la cause de la mauvaise conservation des édifices du secteur138. Il est probable que la House of the Frescoes ait été bâtie à la fin du MMIIIB (PoM II : 435 ; Troubled Island : 156) et dotée de ses fresques au début du MRIA (Cameron 1968 ; PoM II : 440-466)139. Toujours au sein de cette période, ces dernières auraient été déplacées140 suite à un éventuel tremblement de terre, consécutivement auquel, l’agencement interne pourrait avoir été modifié141. L’édifice aurait été détruit au MRIB (Driessen 1982 : 46). La House of the Frescoes mesure environ 16m sur 11 (140m²) et contient 10 cellules au rez-de-chaussée (Preziosi 1983 : 39 et 353 ; PoM II : 432) (Fig. 77). En termes de cellules récurrentes, on retrouve un vestibule (1), une prétendue loge de portier (2)142, des espaces de transition (9 et 10) et une salle minoenne hypothétique en 6-7-8 (Driessen 1982 : 43-46 ; Preziosi 1983 : 39-40)143. Au sujet de cette dernière, les spécialistes sont en désaccord. En effet, alors que Driessen restitue le puits de lumière à l’Ouest, au-delà d’une colonne dont il postule l’existence144, Preziosi l’identifie dans la cellule 8 qui contient les traces d’un pavement central rectangulaire145. Il nous semble préférable d’adopter la position du premier dans la mesure où la superficie respective des deux espaces et la connexion de la cellule 8 à une pièce au Nord plaident en faveur d’un puits de lumière situé à l’Ouest. Néanmoins, il semble préférable de restituer une baie à portes multiples146 en lieu et place de la colonne que propose Driessen. Il se pourrait donc que la salle minoenne ait adopté en ce bâtiment un profil bien particulier ou tout simplement qu’il n’ait s’agit là que d’un polythyron plus élaboré. Sur base de la forme allongée de la pièce 3, Evans proposa d’y restituer un escalier (PoM II : 433)147. C’est en termes de trouvailles que cet édifice sortit du lot. En effet, outre les fresques que l’on découvrit empilées dans la cellule 5, de nombreux objets à connotation cultuelle furent mis au jour. C’est ainsi que la pièce 4 révéla une table à libation portant des inscriptions en linéaire A ainsi qu’une louche en pierre (PoM II : 433 et 438-440, Fig. 256)148. Sur le sol de la pièce 8 on découvrit les débris d’un grand nombre de vases peints (PoM II : 435-438, Fig. 253) dont l’un était décoré de doubles haches (PoM II : 437, Fig. 254)149. De manière générale, Evans s’étonna de la présence de fresques d’une telle qualité (dont certaines portaient des écritures) au sein d’un édifice qu’il considérait comme une demeure de taille modeste (PoM II : 466-467)150 et concluait en ces termes : « No discovery as yet made in the Island illustrates in an equal degree with the ‘House of the Frescoes’, not only the high standard of civilized life in the great days of Minoan Crete, but the wide diffusion of culture among all classes. » (PoM II : 466).
52Le plan justifié de l’édifice est essentiellement composé d’un anneau exclusivement formé d’espaces de type c duquel se détache localement des espaces à vocation d’occupation (Fig. 78). Le vestibule (1) est le seul point de pénétration dans l’édifice. De type c, il est caractérisé par une relative flexibilité en termes de circulations mais conserve un certain potentiel de contrôle. Il n’est pas impossible que la cellule 2 ait fonctionné comme une loge de portier et qu’elle ait accru le contrôle exercé sur les mouvements au sein du vestibule. À partir de ce dernier, le graphe se développe selon deux trajets symétriques (10-9-8 et 3-4-6) qui constituent l’anneau. De manière générale, les cellules qui composent l’anneau créent un circuit fermé en marge duquel se trouvent les cellules de type a (5 et 7) et b (escalier). Il est intéressant de constater que les cellules de l’Est, 10 et 9, ont davantage le profil d’espaces de transition151. Elles conduisent ainsi de façon assez évidente à la pièce 8. Parallèlement à ce cheminement, les cellules de l’Ouest, 3 et 4, se présentent plus sous la forme d’espaces valant pour eux-mêmes que comme de simples passages. Elles desservent malgré tout d’autres parties de l’édifice : l’étage (par l’éventuel escalier), le réduit 5152 mais également la cellule 6. Cette dernière, outre le fait qu’elle commande l’accès à la pièce 7, probablement un puits de lumière, établit la jonction avec l’espace auquel on aboutissait depuis l’Est. Pour peu que l’on admette que les cellules 7-6-8 aient formé une salle minoenne, on peut à nouveau constater que deux itinéraires auraient permis d’y accéder. D’une part, depuis l’extérieur, par le biais des espaces de transition sans réellement pénétrer dans les cellules principales (plus privée ?) de l’édifice, directement jusqu’à la salle minoenne. D’autre part, depuis l’étage ou les cellules 3 et 4. On retrouve donc, à nouveau, dans l’agencement cellulaire, l’idée mise en évidence par Palyvou d’un espace de rencontre entre deux catégories d’utilisateurs du bâtiment (Palyvou 1987 : 198)153. Quantitativement parlant, les valeurs changent peu, que l’on prenne l’extérieur en compte ou non dans les calculs (Fig. 79)154. Les pièces 3 et 4 sont les espaces les mieux intégrés et sont moins affectés par la mise à l’écart de l’extérieur dans les calculs que les espaces de transition 9 et 10155. L’escalier, la loge de portier (2) et le puits de lumière (7) sont les espaces dont la ségrégation est la plus marquée. Les espaces dont la valeur de contrôle est la plus marquée sont le vestibule (1) et, dans une moindre mesure, la pièce 6 (Fig. 80).
53L’analyse visuelle permet d’étoffer quelque peu les commentaires émis lors de l’analyse de la syntaxe spatiale. L’intégration visuelle (Fig. 81a), illustre assez bien les deux itinéraires mentionnés ci-dessus. On constate évidemment que les cellules 3 et 4 disposent d’une intégration plus forte que les espaces de transition 9 et 10. Néanmoins, visuellement, il apparaît que la salle minoenne est relativement bien intégrée au bâtiment. Les étapes de profondeur visuelle (Fig. 81b) matérialisent assez clairement le caractère direct des circulations qui lient l’extérieur (via le vestibule) à la salle minoenne. En ce qui concerne le contrôle visuel (Fig. 81c), la cellule 2 semble localement dotée d’un potentiel assez élevé (notamment à sa jonction avec le vestibule). On retrouve ce potentiel élevé au débouché des espaces de transition sur la salle minoenne et à la jonction des deux cellules principales de cette dernière. Localement, la pièce 3 dispose également d’un potentiel valant la peine d’être mentionné. La salle minoenne (et en particulier la cellule 8), l’entrée du réduit 5, la moitié ouest de la cellule 4 et la partie à l’extrême Est de la pièce 3 semblent être des zones à la contrôlabilité élevée (Fig. 81d).
54En ce qui concerne le rez-de-chaussée, il semble assez évident que l’on pénétrait dans la House of the Frescoes depuis le vestibule (1). Ce dernier se présente comme une entrée en chicane quelle que soit la direction que l’on souhaite emprunter au sein du bâtiment. Comme nous l’avons évoqué, il n’est pas impossible que la pièce 2 ait eu un rôle à jouer dans le contrôle ou l’aiguillage des circulations à cet endroit. Telles qu’elles se présentent aujourd’hui, aucune des ouvertures dont est muni le vestibule au Sud n’était particulièrement attractive intuitivement parlant. Commandées depuis l’intérieur des pièces sur lesquelles elles s’ouvraient, les portes devaient sans doute restreindre certains mouvements et en favoriser d’autres. Ainsi, si la porte menant à la cellule 3 demeurait fermée, une personne se présentant face à la jonction entre les cellules 1 et 10 aurait trouvé un écho fort à son axe arrière-avant en direction de la salle minoenne. Il est évident que la forme même des cellules 9 et 10 et leur agencement le long d’un même axe longitudinal devaient inviter au mouvement. Si l’on pénètre dans la cellule 3 depuis le vestibule, l’axe de la progression est une nouvelle fois rompu, que l’on prenne la direction de l’escalier ou de la porte s’ouvrant sur la pièce 4. Clairement individualisées, les pièces 3 et 4 n’instillent guère de dynamique particulière. Il convient néanmoins de noter que la lumière qui filtrait depuis la fenêtre (PoM II : 435) de la cellule 6 et le puits de lumière pouvait contribuer à une certaine attraction en direction de la salle minoenne. Cette dernière, même si elle paraît être l’aboutissement de tous les itinéraires du rez-de-chaussée, développe son axe perpendiculairement à celui des circulations qui y mènent.
55Malgré le fait qu’Evans attire plusieurs fois l’attention sur le caractère rituel des trouvailles qu’il fit au sein de la House of the Frescoes, Gesell n’y reconnaît aucune cellule présentant l’aspect d’un des espaces rituels types qu’elle identifie en architecture minoenne (Gesell 1985). Néanmoins, il peut être intéressant de préciser que malgré la taille assez réduite de l’édifice, la salle minoenne avait une superficie suffisante que pour que des représentations impliquant un mode de communication de nature publique y aient lieu. Il est néanmoins difficile d’y tracer des sphères de communication dans la mesure où l’on n’a pas réellement identifié le ou les espaces (ou la portion d’espace) qui pourraient avoir été les points focaux lors d’une éventuelle représentation. Notons malgré tout que Marinatos et Hägg propose de faire de la cellule 8, dotée d’une plate-forme et pourvue de vases rituels, le « primary attention focusing device » du bâtiment (Marinatos et Hägg 1986 : 70)156. Dans cette optique (Fig. 82), la sphère de communication sociale (gris foncé) se trouverait, à peu de chose près, enclose au sein de la pièce 8 et ne déborderait que très légèrement sur la cellule 6. Si les spectateurs se situaient au sein de cette dernière, le mode de communication aurait probablement du adopter un profil public (portée restreinte - gris de tonalité moyenne). Les ouvertures sur le puits de lumière semblent former la frontière entre les sphères publiques de portée restreinte et étendue (gris clair).
56C’est au Sud du palais (Hood et Smyth 1981, n° 219)157, dans un espace aménagé par une tranchée (cutting) creusée pour l’occasion (Fotou 1990 : 72-73 ; Mountjoy et al. 2003 : 27 et 30), que se tient la South House (PoM II : 373-390, Fig. 208, 210, 214 et 220 ; Graham 1962 : 55-56, Fig. 15 ; Hood et Taylor 1981, n° 1 ; Driessen 1982 : 39-41, Fig. 12 ; Preziosi 1983 : 56-57, 90 et 356-359, Fig. II. 13 et IV. 9. A-B ; Troubled Island : 149-150, Fig. 7. 21 ; Lloyd 1997-1998 ; Lloyd 1999 ; Mountjoy et al. 2003). Le bâtiment fut fouillé par Evans en 1908 et réexaminé en 1924 (Mountjoy et al. 2003 : 27). Depuis lors, des sondages et des fouilles complémentaires eurent lieu en 1960, 1989 et 1993 (Troubled Island : 149). L’édifice aurait été bâti, durant la grande phase de reconstruction post-sismique, soit à la fin du MMIIIB (PoM II : 380 ; Troubled Island : 149 ; Mountjoy et al. 2003 : 34) soit au début du MRIA158 et détruit durant la même période (Troubled Island : 150 ; Mountjoy et al. 2003 : 34)159. Mesurant environ 19m sur 13 (220m ²) (Preziosi 1983 : 356 ; Mountjoy et al. 2003 : 27, n. 7), la South House est bien conservée sur sa face nord grâce à la paroi de la tranchée (Graham 1962 : 55 ; Preziosi 1983 : 56 ; Mountjoy et al. 2003 : 27) mais présente une partie sud beaucoup plus ruineuse et soulevant bon nombre d’interrogations (Lloyd 1997-1998 ; Lloyd 1999 ; Mountjoy et al. 2003 : 27-35)160. De manière générale, l’édifice avait vue sur la vallée de la rivière Vlychia, en direction du Caravanserai et du Mont Iuktas se détachant sur les collines de Gypsadhes (PoM II : 373 ; Mountjoy et al. 2003 : 27). Il contenait les cellules récurrentes suivantes (Fig. 83) : un vestibule hypothétique (1) (Lloyd 1997-1998 : 139, Fig. 17. a), une salle minoenne (11a-c) (Driessen 1982 : 39-41 ; Preziosi 1983 : 56-57), un bain lustral (10) (PoM II : 378-380 ; Gesell 1985 : 96 ; Hood 1997 : 107-108), une crypte à pilier (3) (PoM II : 386-388 ; Gesell 1985 : 27, 96-97 ; Hood 1997 : 107-108), un sottoscala (5), des escaliers et une latrine (8) (PoM II : 385 ; Preziosi 1983 : 56 ; Mountjoy et al. 2003 : 33). Avant d’évoquer les trouvailles les plus importantes du bâtiment et de l’interpréter brièvement, il convient de faire la liste d’un certain nombre de problèmes y étant liés. Le premier de ceux-ci est évidemment la localisation des entrées. Evans situait les entrées de l’édifice d’une part, au rez-de-chaussée, au niveau du puits de lumière (11c) (PoM II : 376, Fig. 208)161, d’autre part, à l’étage, au niveau de la cellule 13 (PoM II : 388-389, Fig. 220). Preziosi évoqua ces deux entrées tout en soulignant le caractère hautement hypothétique de la première (Preziosi 1983 : 56-57, Fig. II. 13). À la fin des années 90, le problème fut abordé par Lloyd (Lloyd 1997-1998). Cette dernière considéra négativement l’existence d’une entrée à l’étage (Lloyd 1997-1998 : 122) au même titre que celle d’une ouverture depuis l’extérieur vers le puits de lumière (11c)162. Au contraire, constatant que la façade sud était la seule qui pouvait être dotée d’une entrée au rez-de-chaussée (Lloyd 1997-1998 : 120 et 134), elle proposa, sur base d’une étude des systèmes d’entrée en architecture minoenne (Lloyd 1997-1998 : 134-137), la reconstitution d’une entrée par le biais d’un vestibule au niveau de la cellule 1 (Lloyd 1997-1998 : 139-140, Fig. 17a.)163. Récemment, la publication de la South House fut menée à bien et Driessen y aborda à nouveau les entrées (Mountjoy et al. 2003 : 28-31).
57Reprenant en détails les objections de Lloyd et les remarques formulées par Fotou (Fotou 1990), il lia l’implantation de l’édifice à la volonté de mettre son premier étage en relation avec le niveau de sol, à l’Ouest de la tranchée, où fut découverte une rampe en direction du porche sud-ouest du palais (Mountjoy et al. 2003 : 30-31, Fig. 1. 1). Hormis cet accès, il estima également que bien que l’existence d’une ou plusieurs entrées au rez-de-chaussée paraisse possible, leur emplacement reste pour le moins hypothétique164. En ce qui concerne ce travail, nous avons opté pour l’intégration de l’entrée via l’étage ainsi que celle que favorise Lloyd au rez-de-chaussée afin d’obtenir une situation qui, bien qu’hypothétique, puisse rendre compte du fait que l’édifice était accessible depuis différents niveaux165. Outre ce problème d’accès, la salle minoenne (11a-c) et le bain lustral (10) méritent également quelques commentaires. De manière générale, on s’accorde à reconnaître que le bain lustral qui adoptait une forme canonique fut remblayé dans le courant du MRIA (PoM II : 378-380 ; Driessen 1982 : 39 ; Gesell 1985 : 96 ; Hood 1997 : 107-108 ; Mountjoy et al. 2003 : 32). Néanmoins, le fait qu’il existe une baie à portes multiples dotées de cinq ouvertures dont deux donnent sur les escaliers menant au bain lustral pose évidemment problème166. Evans considérait que ces ouvertures étaient un ajout plus tardif, concomitant au remplissage du bain lustral (Driessen 1982 : 39). Au contraire, de son côté, Driessen défendit l’idée de l’adjonction plus tardive de la salle minoenne, impliquant une légère modification du plan de l’édifice (Driessen 1982 : 39-41). Quoi qu’il en soit, il apparaît évident que les cinq baies et l’escalier menant au bain lustral n’ont probablement pas coexisté (Mountjoy et al. 2003 : 32). Les cellules situées au sous-sol (15 et 16) méritent également quelques remarques. Evans attira l’attention sur la manière élaborée dont les portes qui desservaient ces espaces pouvaient être maintenues fermées (PoM II : 380-384). Il insista notamment sur le fait que la porte donnant accès à la cellule 16 ne pouvait être fermée que de l’intérieur, raison pour laquelle il postula l’existence d’une trappe dans le plafond de celle-ci167. En ce qui concerne la nature de ces pièces, alors qu’on leur attribuait souvent un rôle rituel par le passé (Platon 1954 : 441 ; Graham 1962 : 55 ; Gesell 1985 : 97 ; Troubled Island : 149), Christakis y a récemment vu les espaces les plus appropriés au stockage de biens et de denrées consommables (Mountjoy et al. 2003 : 157-161)168. En termes de trouvailles, des débris de fresques furent découverts dans le bain lustral (10) (PoM II : 378-379, Fig. 211 ; Mountjoy et al. 2003 : 37-39, Fig. 2. 1). D’après Evans, ils ne sont pas sans rappeler certains éléments picturaux découverts dans la House of the Frescoes (PoM II : 378). Deux vases typiquement MRI furent découverts sur le pavement de gypse de la cellule 11a (PoM II : 280, Fig. 213) et faisaient probablement partie du principal horizon de destruction de l’édifice (Troubled Island : 149). L’espace 16 contenait un dépôt d’outils de bronze incluant trois longues scies (PoM II : 381 et 630, Fig. 393 ; Graham 1962 : 55 ; Mountjoy et al. 2003 : 190). La crypte à pilier (3) révéla, outre la présence d’une banquette de gypse contre son mur nord, un support de double hache pyramidal ainsi qu’une base dotée de trois cavités qu’Evans interpréta comme le support potentiel d’objets de culte (PoM II : 386 ; Gesell 1985 : 96). Provenant d’une pièce faisant écho à la crypte à pilier à l’étage169, la cellule 13, les fouilleurs découvrirent à nouveau un support pyramidal de double hache (PoM II : 386) ainsi qu’un petit ensemble de vases en argent (PoM II : 387-388, Fig. 221 ; Mountjoy et al. 2003 : 163-166) et un fragment d’un relief en ivoire (PoM II : 388, Fig. 222 ; Mountjoy et al. 2003 : 188-189). Pour en finir avec la brève description de la South House, il convient de mentionner le fait qu’Evans, se basant sur l’implantation de l’édifice, sur son élaboration interne ainsi que sur les découvertes qui y furent faites, proposa d’y voir la résidence d’un ‘fonctionnaire palatial’ (PoM II : 376)170 ou au moins ‘l’établissement bourgeois type’ du début du néopalatial (PoM II : 389-390). Preziosi vit dans cet édifice, outre une fonction résidentielle, un lien étroit avec la voie menant à l’entrée sud-ouest du palais. Il émit l’hypothèse que ses occupants pourraient avoir eu un rôle dans la communauté en rapport avec le contrôle du trafic en direction du palais (Preziosi 1983 : 90)171. Christakis, qui s’étonna du peu de pithoi découverts au sein de l’édifice et donc de son faible potentiel de subsistance autarcique172, précisa qu’il n’était pas impossible que les occupants de l’édifice aient bénéficié des réserves de nourriture du palais ou qu’ils s’y rendaient tout simplement pour se nourrir (Mountjoy et al. 2003 : 161 ; Christakis 1999 : 12). En guise de conclusion, cette remarque nous semble particulièrement appropriée : « That the South House also had a residential function seems obvious. Its location and physical linkage with the Palace’s entrance system, its architectural elaboration, ritual rooms and finds all testify its importance. The identification of its occupants depends largely on the identification of the occupants of the building immediately north of it. » (Mountjoy et al. 2003 : 35)173.
58Avant d’émettre quelques commentaires au sujet du plan justifié, il est nécessaire de clarifier un certain nombre de points au sujet des connexions spatiales au sein de l’édifice. Outre le fait que nous avons choisi d’intégrer l’entrée hypothétique de Lloyd (Lloyd 1997-1998 : 139, Fig. 17. a), il convient de préciser que le plan de l’étage est particulièrement lacunaire et que le graphe gagnerait certainement en distributivité si l’on y restituait les cellules manquantes. Le système de fermeture particulier de la porte menant à la cellule 16 posa également problème. En effet, si l’on se base sur le plan stricto sensu, seul l’escalier s’ouvrant depuis le couloir (9) permet d’accéder aux pièces en sous-sol (Fig. 84). Néanmoins, à la lecture des commentaires d’Evans (PoM II : 382-384), accrédités par divers spécialistes (Graham 1962 : 179 ; Mountjoy et al. 2003 : 33), on se rend compte que cette porte ne pouvait être fermée que depuis l’intérieur de la pièce 16 (Inner Basement) qui était elle-même accessible depuis une trappe dans la pièce 6. Consécutivement, le plan justifié s’en trouve modifié (Fig. 85)174. Il est de nature nettement distribuée dans sa partie inférieure (trois premiers niveaux de profondeur) mais perd de ce caractère au niveau du couloir (9). Les vestibules (1) et (12) forment les deux points de pénétration dans l’édifice. Le premier, de type d, offre une assez grande flexibilité en termes de circulation et perd consécutivement en potentiel de contrôle. Il dessert la partie ouest du rez-de-chaussée qui se présente sous la forme d’un anneau (2-3-4-6) depuis lequel s’articulent toutes les circulations dans le bâtiment. À l’étage, le vestibule (12), étant de type c, dispose d’un potentiel de contrôle plus marqué. Il donne accès à la salle à colonne (13) qui s’ouvre soit sur l’espace à vocation d’occupation 14 soit sur la crypte à pilier (3) par le biais de l’escalier. Cette dernière, au croisement des divers anneaux du graphe, est évidemment de type d. C’est à partir du couloir (9), de type b, que se développe un contrôle plus étroit des circulations. Ce dernier donne accès au bain lustral (10), à l’étage (au même titre que la cellule 4 depuis laquelle s’ouvre également un escalier ascendant), au sous-sol et à la salle minoenne (11a-c). L’édifice disposant de deux entrées, il peut être intéressant de les envisager séparément. En ne prenant que le vestibule (1) en compte (Fig. 86), on constate qu’hormis l’accès à l’étage, le graphe n’évolue pour ainsi dire pas. Les cellules restent au même niveau de profondeur et leurs connexions ne changent guère. Au contraire, si le vestibule (12) est uniquement pris en compte (Fig. 87), le système gagne quatre niveaux de profondeur175. Les vestibules mis à part176, on peut constater que l’asymétrie relative et les valeurs d’intégration varient assez peu, que l’extérieur soit pris en compte ou non (Fig. 88). Les cellules 4 et 6 sont potentiellement les mieux intégrées, suivies de près par le couloir (9) puis la crypte à pilier (3). Au contraire, la salle minoenne (et en particulier son puits de lumière 11c), le bain lustral (10), la latrine (8) et les cellules du sous-sol et de l’étage sont dans une situation de ségrégation plus manifeste. Les cellules présentant la valeur de contrôle la plus élevée sont le couloir (9) et dans une moindre mesure, la crypte à pilier (3) (Fig. 89). De manière générale, on constate que l’application de l’analyse de la syntaxe spatiale à un édifice dont nous ne conservons que des vestiges partiels se doit d’être prudente. Particulièrement lorsqu’on y aborde le rez-de-chaussée avec une portion limitée de l’étage177.
59En ce qui concerne les plans obtenus grâce à Depthmap, il convient de préciser que, l’étage n’étant connu que de manière très fragmentaire, seul le rez-de-chaussée est pris en compte178. L’intégration visuelle fait écho aux résultats de la syntaxe spatiale (Fig. 90a). En effet, on peut y remarquer l’intégration assez élevée des cellules 4 et 6 ainsi que du couloir (9), de portions du vestibule (1) et de la cellule 2. Au contraire de la salle minoenne (11a-c), du bain lustral (10) et du sottoscala (5). Les étapes de profondeur visuelle (Fig. 90b) illustrent également la réclusion qui caractérise les cellules susmentionnées. Ce sont à nouveau les points de décision au sein du réseau des circulations internes qui affichent le potentiel de contrôle visuel local le plus élevé (Fig. 90c). En termes de contrôlabilité (Fig. 90d), la salle minoenne est dans une situation assez remarquable. En effet, localement, elle se présente comme une cellule nettement plus aisément contrôlable visuellement que le reste des espaces du rez-de-chaussée, une petite portion du bain lustral mis à part.
60Comme nous l’avons évoqué dans la description archéologique, deux voies d’approche furent repérées en étroite relation avec les entrées supposées de la South House. Quelle qu’ait été l’entrée choisie, le vestibule sur lequel elle s’ouvrait formait un passage en chicane (simple de 12 à 13 et double de 1 à 2 et 4). À l’étage, il est difficile d’apprécier l’impact que les structures architecturales pouvaient avoir sur les utilisateurs du bâtiment dans la mesure où nous n’en conservons qu’une image imparfaite et hypothétique. Néanmoins, pour peu que l’on admette la restitution de la salle à colonne (13) à la verticale de la crypte à pilier (3), on peut souligner qu’un tel dispositif architectural n’était pas particulièrement de nature à inviter au mouvement179. Malgré tout, il est important de noter qu’il existait là un lien assez direct de l’étage à la crypte à pilier (3)180. Au rez-de-chaussée, les espaces internes s’articulent de manière agglutinative et seul le couloir (9) forme un réel espace de transition. Les pièces sont bien individualisées, néanmoins, les cellules 4 et 6 entretiennent une continuité spatiale assez élevée181. Si les cellules 1-8 semblent former une unité spatiale homogène182, le couloir (9) semble articuler une zone plus différenciée183. L’ouverture assez évidente de ce dernier, par le biais d’une baie à portes multiples, sur la cellule 11a plaide en faveur d’une volonté de drainer localement les circulations en direction de la salle minoenne. Il apparaît malgré tout que cette dernière semble nettement plus recluse que dans les exemples susmentionnés184. En effet, elle ne dispose que d’un seul accès au rez-de-chaussée. L’existence d’un escalier provenant de l’étage et débouchant au sein du couloir (9) aurait malgré tout pu permettre d’accéder à la salle minoenne depuis les deux entrées de l’édifice.
61De manière générale, deux cellules de la South House furent unanimement interprétées comme pouvant accueillir des représentations de nature rituelle185 : la crypte à pilier (3) (PoM II : 386 ; Gesell 1985 : 27 et 96-97 ; Hood 1997 : 107-109) et le bain lustral (10) (PoM II : 378-379 ; Gesell 1985 : 96 ; Hood 1997 : 109)186. Quand les sphères de communication sont tracées en relation avec ces espaces (Fig. 91), on peut se rendre compte que le bain lustral accueillait certainement des manifestations adoptant un profil intime ou personnel (gris anthracite) pour les personnes s’y tenant et peut-être une dimension sociale (gris foncé) pour les spectateurs qui se seraient situés à proximité sans descendre dans la cellule. En ce qui concerne la crypte à pilier, si l’on considère le pilier comme le point focal de la représentation, on retrouve la sphère intime/personnelle dans ses abords immédiats alors que la majorité de la surface de la pièce correspondait sans doute à un mode de communication social187. Bien que certains exemples d’édifices précédemment évoqués présentent un espace faisant office de point focal en relation avec la salle minoenne188, la South House n’a livré aucune trace d’un tel dispositif. Consécutivement, il est difficile d’imaginer la manière dont il serait judicieux d’y retracer les sphères de communication.
62C’est à environ 230m au Nord-ouest du palais (Hood et Smyth 1981, n° 185 ; PoM II : 140, Fig. 71), sur les pentes d’une colline nommée Hellenika, que se situait ledit Little Palace (Fig. 92) (PoM II : 511-544, Fig. 317 et 318 ; Graham 1962 : 51-52, Fig. 3 et 36 ; Preziosi 1983 : 71-74, Fig. II. 23 ; Hatzaki 1996 ; Troubled Island : 157-159, Fig. 7. 27 ; Hatzaki 2005). Ce bâtiment fut mis au jour alors qu’Evans et Mackenzie suivaient le tracé de la Royal Road (PoM II : 513-514, n. 1 ; Hatzaki 2005 : 1). Il fut fouillé lors des campagnes de 1905, 1908 et 1910 puis partiellement restauré, jusqu’en 1931 par Evans et en 1956 par N. Platon (Hatzaki 2005 : 1 et 29-30). Récemment, en 1995, un vaste programme de conservation mené à bien par l’Ephorie fournit d’importantes informations tant en ce qui concerne le (L) ittle (P) alace que l’(U) nexplored (M) ansion (Hatzaki 2005 : 30 et 78-97). De manière générale, il est clair que cette partie ouest de la ville était déjà densément peuplée au Minoen Moyen (Hatzaki 2005 : 197, n. 38). Bien que la plupart des traces d’un édifice préexistant disparurent lors du nivellement du site au sein duquel s’implanta le LP, il apparut évident qu’il eut un prédécesseur189. Parmi les témoignages architecturaux de l’existence de ce dernier, on repéra des murs en blocaille sous les murs sud et ouest de la cellule 32 ainsi que des éléments de nature plus monumentale tels qu’une portion de façade (Early Facade) et de chaussée (Causeway) (Hatzaki 2005 : 73 et 197, plan 3) : « The difference in construction, level and alignment, suggests that originally both the Early Facade and Causeway were part of an earlier structure, presumably an Old Palace or early Neo-palatial period building. » (Hatzaki 2005 : 73). Lors de la construction du LP, un soin tout particulier fut apporté à l’intégration de ces deux éléments notamment en créant une petite cour dont le pavement fut arrangé de manière à inclure la partie préservée de la chaussée (Hatzaki 2005 : 74, pl. 4a et 7a)190. Selon toute vraisemblance cet édifice plus ancien aurait été abandonné au MM IIIA191. Les travaux récents confirmèrent les hypothèses d’Evans en ce qui concerne la fondation du LP192. En effet, il est désormais évident que ce bâtiment fut bâti au MM IIIB/MR IA, juste avant l’UM, et que, malgré sa forme plutôt irrégulière, le tracé de son rez-de-chaussée représente une seule phase architecturale (Hatzaki 2005 : 74-75 et 197-199, n. 52). Le plan de l’édifice demeura largement inchangé jusqu’au MR IIIA (Hatzaki 2005 : 198). Néanmoins, dès le MR IA, des traces de réparation furent repérées à divers endroits. Ces dernières furent associées aux dommages structurels causés par le tremblement de terre précédant l’éruption de Santorin193. C’est à la même époque que fut probablement rebouché le bain lustral (35) (Hatzaki 2005 : 75, n. 140 et p. 199, n. 56). De manière générale, Hatzaki décrivit la phase néopalatiale du LP de la sorte :
The history of the LP in LM I conforms to the general picture from Knossos, including the Palace and several houses. The building suffered a serious but not disastrous destruction in LM IA, an event most likely to be associated with a tectonic earthquake preceding the Theran eruption. Although the compelling evidence for repairs at the LP implies that its occupants intended to re-inhabit, the absence of LM IB deposits cannot be securely interpreted as a sign of abandonment or only partial occupation during this period. Given the evidence for extensive repairs in LM IIIA1, it is most likely that the building was thoroughly cleared of any LM IB deposit during the succeeding LM II or LM IIIA period. (Hatzaki 2005 : 199)
63Après l’époque néopalatiale, aux MR II et III, l’édifice connut une histoire assez complexe sur laquelle nous ne nous étendrons pas194. Le LP fut construit sur un axe Nord-Sud sur environ 43m alors qu’il mesurait 27m50 d’Est en Ouest (1395m²) (Hatzaki 2005 : 29). Il s’implantait sur trois niveaux dont le plus bas correspondait aux sous-sols à environ 3m sous le rez-de-chaussée du bâtiment (Hatzaki 2005 : 29). Hatzaki estima que son implantation et son orientation furent déterminées par différents facteurs tels que la taille et la forme du terrain disponible ainsi que la relation de ce dernier avec des structures existant déjà dans le voisinage (Hatzaki 2005 : 74). De son côté, Evans souligna que l’édifice faisait face au soleil levant (tout comme le Domestic Quarter du palais et la Royal Villa) et était donc protégé de ses rayons les plus forts ainsi que d’une exposition directe aux vents violents du Nord et du Sud qui alternent durant de nombreux mois dans cette partie de l’île (PoM II : 515). De manière générale, les limites nord, sud et ouest du LP sont assez bien définies au contraire de la façade est dont l’étendue réelle ne peut être appréhendée à cause d’une importante occupation post-minoenne (PoM II : 515 ; Hatzaki 2005 : 29). De plus, à l’exception de l’UM à l’Ouest, il ne reste aucune trace de l’agencement urbanistique à proximité immédiate. Le principal problème concernant le LP est évidemment l’absence de renseignement au sujet de l’étendue de son côté est alors que l’on s’accorde généralement à admettre que son entrée principale s’y situait (PoM II : 517, Fig. 318 ; Poblome et Dumon 1987-1988 : 74, Fig. 2 ; Hatzaki 2005 : 39, n. 43). Bien qu’elle soit conjecturale, la reconstitution isométrique réalisée par P. de Jong (PoM II : 516, Fig. 317) et son adaptation en plan par Poblome et Dumon (Poblome et Dumon 1987-1988 : 76, Fig. 5) est utilisée dans ce travail195. La seule entrée dont on garde de véritables traces s’ouvrait sur la cour sud-est en regard d’une cellule indépendante (16) que Preziosi identifia comme une loge de portier (Preziosi 1983 : 72)196. Cette entrée s’ouvrait sur le corridor (18) qui desservait les différentes parties de l’édifice, l’étage de ce dernier et probablement l’UM par le biais du pont sur lequel nous reviendrons (Preziosi 1983 : 72 ; Hatzaki 2005 : 39 et 60). Pour une description précise des cellules constitutives du LP, nous renvoyons à l’excellente publication d’Hatzaki et nous nous limitons ici à quelques considérations essentielles197. De manière générale, Hatzaki divisa l’édifice en six secteurs (Hatzaki 2005, plan 3)198 : les sous-sols (cellules 38-41), le secteur est (les cellules 4, 5, 8, 9 et 10), le secteur nord (cellules 27-37), le secteur central (cellules 18-26) et le secteur sud-ouest (cellules 16 et 17). Cette division en secteurs se retrouve à quelques différences près chez Poblome et Dumon qui y adjoignent les cellules 1-3 faisant office de complexe d’entrée en étroite relation avec la pièce 4 (Poblome et Dumon 1987-1988 : 70, Fig. 1)199. Evans interpréta la zone des sous-sols comme un pôle rituel important de l’édifice sur base de l’existence de cellules qu’il considéra comme des cryptes à piliers et, notamment, de la découverte du fameux rhyton en tête de taureau et d’un support de double-hache (PoM II : 525-540, Fig. 328-332)200. Cette identification fut globalement acceptée dans le monde scientifique (Preziosi 1982 : 73 ; Gesell 1985 : 94 ; Troubled Island : 158)201 mais Hatzaki invita à la prudence dans la mesure où bon nombre des arguments d’Evans sont sujets à caution202. Evans identifia également la cellule 17 comme une crypte à pilier (liée selon lui aux sous-sols par le biais de la chaussée dont nous savons qu’elle est en réalité un élément plus ancien) mais son emplacement et la qualité de sa construction infirment cette hypothèse : « This type of pillared room, which is located near the building’s entrance and resembles Tylissos House A Rooms 16 and 17, can be identified as a room suitable for the storage of pithoi. » (Hatzaki 2005 : 198). Le secteur est était composé d’une des suites de pièces parmi les plus impressionnantes en architecture minoenne à ce jour. Il était composé de la cellule 4 (Hall of the Stepped Doorways) qui formait certainement la première pièce accessible depuis le dispositif d’entrée du bâtiment, de la cour à péristyle (5), des deux grandes cellules 8 et 9 (Minoan Megaron) (PoM II : 517-519 ; Preziosi 1982 : 72 ; Hatzaki 2005 : 43-48). L’absence de la limite est du bâtiment rend l’apparence réelle de ce secteur difficile à apprécier. Palyvou y vit l’agencement complexe de cinq salles minoennes classiques (salle principale - vestibule - puits de lumière), l’espace 5 étant formé des vestibules et puits de lumière de deux d’entre elles (Palyvou 1987 : 199, Fig. 5, n. 15). Lloyd évoqua quant à elle deux salles minoennes canoniques à la suite l’une de l’autre (Lloyd 1997-1998 : 130, tableau 2). Cette hypothèse se rapproche de l’image de l’édifice que donne la reconstitution hypothétique adoptée dans ce travail où 8a-c et 9a-c forment deux salles minoennes. Néanmoins, on pourrait également considérer que 9 formait la salle principale, 8 le vestibule et 5 le puits de lumière, tous trois mis en relation par le portique (9b-8b)203. Il convient également de préciser que la cellule 9 donnait accès à l’espace 10 (Lavatory), une annexe dotée d’un drain (PoM II : 517 ; Hatzaki 2005 : 47-48). Hatzaki mit également en évidence le fait que la cellule 9 desservait également l’espace 34 et entretenait donc une forte proximité avec le bain lustral (35)204. Comme nous l’avons évoqué, ce dernier fut rebouché dans le courant de l’histoire du bâtiment pour devenir le Fetish Shrine dont proviendrait la majorité des trouvailles de nature rituelle découvertes à cet endroit (PoM II : 519-524, Fig. 321 et 322 ; Preziosi 1983 : 73 ; Gesell 1985 : 93-94 ; Troubled Island : 159 ; Hatzaki 2005 : 50-52, 186-187 et 198)205. Le corridor (36), donnant accès à 37 par un escalier coudé ascendant en gypse, était apparemment muni d’une fenêtre à son extrémité nord (PoM II : 524 ; Hatzaki 2005 : 31 et 49-50). Il est évident que les cellules 26 et 29 formaient une zone de liaison dans la mesure où elles mettaient en relation les différents secteurs de l’édifice ainsi que l’étage via l’escalier s’ouvrant au Sud de 26a (Main Staircase) (Poblome et Dumon 1987-1988 : 70). Le secteur central, outre le fait qu’il contenait les deux escaliers menant à l’étage et la seule entrée identifiable du bâtiment, était formé de pièces de stockage adoptant le profil de magasins (cellules 21-23) et d’un puits de lumière (20 - Paved Court) suffisamment vaste que pour avoir été utilisé comme espace de travail206. En ce qui concerne l’étage du bâtiment, dont l’existence est attestée tant par les escaliers que par les trouvailles qui en proviennent, on en ignore le tracé bien qu’il ait fort probablement été conditionné par celui du rez-de-chaussée207. D’un point de vue général, le LP présente bon nombre de traits caractéristiques de l’architecture des édifices knossiens de moindre ampleur dont il se rapproche plus que du palais (Preziosi 1983 : 73-74 ; Hatzaki 1996 ; Hatzaki 2005 : 197-198)208. Néanmoins, il est important de noter qu’il se différencie de ces derniers par la taille et par une capacité de stockage bien plus élevée, cette dernière étant apparemment relativement réduite dans les édifices en question (Christakis 1999 ; Hatzaki 2005 : 197).
64Le plan justifié proposé pour le LP mérite quelques commentaires avant d’être examiné plus en détails (Fig. 93). De manière générale, il intègre les restitutions proposées par Evans (PoM II : 516, Fig. 317 et 318). Ces dernières comprennent le dispositif d’entrée est ainsi que l’étage présumé du sous-sol sud et son entrée en 15. Hatzaki ne s’opposa à l’existence d’aucun de ces éléments, précisant néanmoins que l’ouverture en 15 avait été localisée sur base de sa relation avec la chaussée dont Evans estimait à tort qu’elle faisait partie intégrante du tracé du LP (Hatzaki 2005 : 64). Il nous semble en effet que l’entrée en 15 est celle dont l’existence est la plus discutable. Néanmoins, ne pas la prendre en considération n’aurait guère influencé les données pouvant être inférées de l’analyse du plan justifié. En effet, ce dernier aurait juste quelque peu gagné en ségrégation et perdu en distributivité sans pour autant que le type topologique d’aucun espace ne soit modifié (à l’exception évidente de la partie ouest de 4 et de la cellule 11 devenant respectivement de type b et c). Il convient également de souligner qu’en l’absence d’indices précis quant au réel tracé desdites salles minoennes 8 et 9, leurs différents espaces constitutifs furent considérés comme une seule cellule. Quoi qu’il en soit, la première impression que laisse ce plan justifié est celle d’un complexe spatial caractérisé par une forte flexibilité, c'est-à-dire par l’existence d’une multiplicité de trajets potentiels d’un point à un autre au sein du bâtiment. Bien que cette considération vaille pour l’ensemble de l’édifice, elle est particulièrement évidente en ce qui concerne les espaces formant la partie est de l’édifice (Minoan Megaron, Peristyle Hall, Entrance Hall) et les cellules y étant directement associées. Une nouvelle fois, une situation de ce type illustre très clairement le souci avec lequel les Minoens organisaient les mouvements au sein de leurs édifices, permettant notamment à divers types d’utilisateurs potentiels d’y circuler sans pour autant entrer en contact les uns avec les autres et donc d’éviter toute interférence dommageable209. Le plan justifié met donc en évidence l’existence de cellules faisant véritablement office de plaque tournante des circulations. À ce titre, on notera particulièrement l’importance, au cœur de l’édifice, des cellules 4 et 5 formant véritablement le pivot des différents réseaux de mouvements. On peut également remarquer que, lorsqu’une volonté d’un contrôle plus étroit des circulations se manifeste, c’est essentiellement par le biais d’anneaux simples, c'est-à-dire essentiellement constitué d’espaces de type c. Les deux exemples principaux étant la partie nord-ouest de l’édifice (cellules 29-37) et sa partie sud (cellules 11, 14, 38, 39 et les escaliers les mettant en relation). Seules quelques rares cellules de type b font exception. Ainsi, un contrôle potentiellement plus étroit existait en direction de la cellule 40, en direction de la cellule 28 par le biais de la cellule 27, en direction des magasins (21-23) par le biais du couloir qui les desservait et en direction de l’étage par le biais de deux escaliers - l’escalier 19 desservant également l’UM210. On peut également constater que les cellules 16 et 17, de type a, étaient totalement indépendantes du système. Plutôt que de s’attarder à caractériser les circulations internes liées à chaque espace particulier et dont le caractère général est évoqué ci-dessus, il convient d’évoquer indépendamment les différentes entrées du bâtiment. Depuis le système d’entrée reconstitué par Doll (Fig. 94), dont on estime qu’il pouvait former l’entrée principale de l’édifice, un contrôle d’accès relativement étroit était rendu possible. La cellule 2 ayant notamment pu jouer le rôle de loge de portier. Une fois ce système d’entrée franchi, on aboutit directement aux cellules 4 et 5, au quatrième niveau de profondeur. Ces dernières articulent alors les circulations vers le reste de l’édifice qui s’implante entre les cinquième et dixième niveaux de profondeur ce qui représente une réclusion spatiale assez forte. Évidemment, cette constatation prend tout son sens si l’on admet que les cellules 1-3 formaient l’entrée publique et principale du LP. Depuis l’entrée 15 (Fig. 96), l’accès à la partie sud de l’édifice était clairement favorisé, située qu’elle était entre les deuxième et cinquième niveaux de profondeur. Dans cette perspective, c’est la cellule 4 qui articulait les circulations vers le reste de l’édifice, à nouveau entre les cinquième et dixième niveaux de profondeur. On notera néanmoins que les secteurs est et nord tels que définis par Hatzaki gagnent un niveau de profondeur depuis cette entrée. Depuis l’entrée 18 (Fig. 98), le contrôle ne pouvait certainement pas s’effectuer de manière aussi étroite que depuis le sud-est. De manière générale, l’ensemble de l’édifice était plus aisément accessible, du fait de son implantation entre les deuxième et neuvième niveaux de profondeur. Cela était particulièrement prononcé dans le cas du secteur central tel que défini par Hatzaki. Si l’on considère que ce secteur contenait essentiellement des espaces de stockage ainsi qu’une zone (cellule 20) pouvant avoir été utilisée comme espace de travail et qu’il donnait également accès, par le biais de l’escalier (19) et du pont, à l’UM qui, comme nous les verrons, pourrait avoir constitué une annexe destinée au stockage et à l’artisanat, on peut raisonnablement imaginer que l’ouverture sur le corridor (18) formait l’entrée de service de l’édifice. Que l’extérieur soit pris en compte ou non n’affecte pour ainsi dire pas les valeurs quantitatives (Fig. 100). Les espaces dont l’intégration est la plus forte sont, comme leur description ci-dessus pouvait le laisser imaginer, les cellules 4 et 5. Les salles minoennes (8 et 9), les cellules 26a et 29, le corridor (18) et la cour (20) présentent également une intégration assez élevée. Les deux escaliers menant à l’étage disposent d’une intégration moyenne relativement identique. Au contraire, les magasins (21-23), le bain lustral (35), lesdites cryptes à piliers (38) et (41), ainsi que les cellules 28, 37 et surtout 40 sont dans une situation de ségrégation particulièrement prononcée. Les cellules présentant les valeurs de contrôle les plus hautes sont, dans l’ordre décroissant, le couloir des magasins (21-23), la cour à péristyle (5), les cellules 11, 38 et 34 (Fig. 101).
65L’intégration visuelle fait clairement écho aux résultats de l’analyse de la syntaxe spatiale (Fig. 102a). On y remarque ainsi l’intégration élevée du secteur est de l’édifice ainsi que des espaces 26a, 29 et 18 au même titre que la ségrégation de la majorité des espaces étant caractérisés de la sorte dans l’analyse de la syntaxe spatiale. Les étapes de profondeur visuelle sont évoquées en étroite relation avec l’étude de l’espace en tant que domaine passif mais on peut d’ores et déjà remarquer la réclusion visuelle particulièrement forte de la majeure partie du secteur central et du secteur nord (Fig. 102b). Afin de permettre une saisie plus intuitive des remarques concernant les diverses entrées de l’édifice, les étapes de profondeur visuelle sont également proposées pour chacune d’entre elles (Fig. 95, 97 et 99). En termes de contrôle visuel, c’est au sein du secteur est - et tout particulièrement de la salle à péristyle (5), de la cour (20), du couloir d’accès des magasins (21-23) et dans la partie orientale des cellules 31-33 qu’on retrouve le potentiel le plus marqué (Fig. 102c). De manière générale, la contrôlabilité du secteur est, du corridor (18) et de la partie orientale des secteurs nord et central est très faible (Fig. 102d). Elle est plus prononcée dans les autres secteurs sans pour autant l’être autant qu’au sein des cellules 16 et 17.
66Comme nous l’avons évoqué, il est fort probable que l’entrée principale du LP ait été située au Sud-est, non loin du prolongement ouest de la Royal Road. Il est délicat de caractériser ce système d’entrée dans la mesure où il n’est qu’une reconstitution hypothétique. Tel qu’imaginé par Doll, ce dernier aurait permis une transition douce entre extérieur et intérieur par le biais du portique (1) tout en adoptant un profil coudé par le biais du tracé de l’escalier (3) temporisant de ce fait tout dynamisme en direction de la cellule 4. Depuis l’entrée 15, coudée elle aussi, on accédait à la partie sud du bâtiment qui semble avoir constitué un secteur bien distinct, se développant sur deux niveaux. Les pièces y étaient bien individualisées et pourvues de portes211. Si l’on en croit la reconstitution proposée par Evans, seul un étroit passage, probablement pourvu de portes à chaque extrémité, mettait cette zone en relation avec la cellule 4. La dernière entrée de l’édifice s’ouvrait sur le corridor (18). Se développant perpendiculairement à l’axe arrière-avant d’une personne y pénétrant, ce dernier contribuait certainement à tempérer tout dynamisme. Il convient toutefois de noter qu’il pouvait être doublement isolé de la cellule 4 par des portes (Hatzaki 2005 : 42) ce qui tend à corroborer son interprétation en tant qu’entrée de service. Vers l’Ouest, il se prolongeait en un escalier (19) puis adoptait un profil coudé en direction de la cour pavée (20). Comme l’illustrent assez bien les étapes de profondeur visuelle (Fig. 102b), les cellules 4, 5, 8 et 9 constituant la majeure partie du secteur est entretenaient, selon le principe de Periainen, une relation spatiale particulièrement étroite212. En effet, pour peu que les différentes baies à portes multiples aient été maintenues ouvertes, cette partie du bâtiment pouvait former une grande unité spatiale. On constate également, toujours sur les étapes de profondeur visuelle, que la continuité spatiale entre les cellules constitutives du reste de l’édifice était nettement moins marquée. En effet, les pièces y étaient plus clairement individualisées les unes des autres. Mettant l’accent sur le rôle de liaison des cellules 26a et 29, Poblome et Dumon différencièrent les deux zones susmentionnées de la sorte :
The well-finished and monumental appearance of the [East Rooms], with simple but multiple access via pierand-door partitions and a kind of peristyle, apparently point at the public character of this wing. The remaining part of the building, on the other hand, is a labyrinth of rooms of relatively small dimensions. Access and communication here are more intricate which could suggest a more private use of this wing (Poblome et Dumon 1987-1988 : 70).
67Bien que les termes ‘public’ et ‘privé’ doivent être utilisés avec prudence, cette constatation nous semble assez pertinente. Malgré le fait qu’aucun drain n’ait été identifié au sein de ladite cour pavée (20) et du péristyle (5), ces deux espaces furent considérés comme à ciel ouvert par les fouilleurs (PoM II : 517, Fig. 318 ; Hatzaki 2005 : 44-45 et 59). Si l’on prend en compte l’existence avérée d’un étage à la verticale de ces deux secteurs et qu’on attribue une hauteur moyenne comprise entre 3m et 3m50 pour chaque niveau213, les plans verticaux formés par l’élévation du bâtiment circonscrivant ces espaces auraient clairement dépassé la limite du champ visuel d’un observateur situé en leur centre. Cette situation aurait très certainement contribué à instaurer une très forte sensation de cloisonnement spatial, voir d’étouffement214.
68Comme à l’accoutumée, les sphères de communication ont été appliquées au bain lustral et auxdites cryptes à piliers. Dans le cas du bain lustral, on obtient une situation en tous points similaire à celle que l’on rencontre dans ce type de cellule dans d’autres édifices (Fig. 103). En effet, le niveau inférieur de la pièce, circonscrit par les balustrades, semble correspondre à une zone au sein de laquelle une communication intime/personnelle (gris anthracite) pourrait avoir eu lieu. Au-delà des balustrades mais toujours à proximité immédiate de la cellule 35, la communication devait certainement adopter les modalités de la sphère sociale (gris foncé) et la représentation éventuelle prendre une dimension légèrement différente. En ce qui concerne les cryptes à piliers (Fig. 104), on constate également une situation relativement similaire à celle que présente généralement ce type de cellule dans d’autres édifices215. À savoir, un cadre approprié à des représentations dont les modalités renvoyaient essentiellement à la sphère sociale (gris foncé). En ce qui concerne le secteur est de l’édifice, il est évident que si l’on considère les différentes cellules comme formant une entité spatiale, cette dernière pouvait accueillir des manifestations impliquant des modalités de communication très largement publiques (portée restreinte - gris de tonalité moyenne - et étendue - gris clair). Ainsi, à titre exemplatif, les sphères de communication placées arbitrairement au sein de la cellule 9a illustrent assez bien cette réalité (Fig. 105). Il est à nouveau évident, qu’en relation avec ces espaces, l’ouverture et la fermeture des baies à portes multiples pouvaient contribuer à créer différents contextes de participation aux éventuelles représentations qu’auraient pu accueillir le secteur est du LP.
69L’Unexplored Mansion (Fig. 106) (Hood et Smyth 1981, n° 186 ; Popham et al. 1984 ; Poblome et Dumon 1987-1988 ; Troubled Island : 157-158, Fig. 7. 27 ; Hitchcock et Preziosi 1997 ; Hatzaki 2005 : 74-75, 78-85 et 198-199) se situait directement à l’Ouest du LP auquel elle était reliée par un pont. Découvert par Evans qui ne le fouilla pas (PoM II : 542-543 et 545-546)216, l’édifice fut entièrement mis au jour par M. Popham entre 1968 et 1973 (Popham et al. 1984 : 2)217. Comme évoqué ci-dessus, le bâtiment bénéficia également d’une campagne de conservation menée à bien par l’Ephorie en 1995 (Hatzaki 2005 : 78-85). Les fouilles attestèrent de l’existence d’une structure antérieure à l’UM, repérées à divers endroits sans pour autant qu’il soit possible d’en avoir une idée plus précise218. Selon toute vraisemblance, l’UM fut construite après le LP :
We may be sure that it was built after the Little Palace which it adjoins, and that it was an afterthought and not part of the original plan since modifications had to be made to the Little Palace to accommodate the Mansion and to unite it with an earlier building. For it is clear that at this stage the Little Palace and the Mansion had some unified purpose : the construction of the link between them in the form of a bridge and the effort made to harmonize the different orientation and appearance of the two buildings shows this (Popham et al. 1984 : 261).
70L’UM aurait donc été mise en chantier durant le MM IIIB/MR IA (donnant un terminus ante quem à l’établissement du LP) sans pour autant être achevée219. En ce qui concerne le MR IB, l’absence de dépôts tendrait à prouver que l’édifice n’était tout simplement pas occupé à cette époque (Popham et al. 1984 : 158)220. La plupart des traces d’occupation mises à jour au sein de l’édifice datent du MR II (Popham et al. 1984 : 1-98 ; Hitchcock et Preziosi 1997 : 51), période à la fin de laquelle il connut également une importante destruction par le feu (Popham et al. 1984 : 2-3 ; Hitchcock et Preziosi 1997 : 51)221. Par la suite, seule la partie nord de l’édifice fut nettoyée, réparée et réoccupée jusqu’au MR IIIB (Popham et al. 1984 : 3 ; Hatzaki 2005 : 85). L’UM surprend par le tracé régulier de son plan (qui n’est pas sans rappeler Tylissos B) et mesurait environ 24m du Nord au Sud et 14m50 d’Est en Ouest (Popham et al. 1984 : 99 ; Poblome et Dumon 1987-1988 : 72). Le bâtiment était bordé de divers espaces extérieurs dont certains sont abordés ci-dessous dans l’évocation des entrées potentielles222. La seule entrée attestée de l’UM est en réalité le pont qui la mettait en relation avec le LP (Popham et al. 1984 : 103-104 ; Hatzaki 2005 : 74). En effet, l’hypothèse d’Evans fut confirmée par la découverte d’un seuil et de piédroits de gypse à l’extrémité orientale du corridor (L) (Popham et al. 1984 : 103, pl. 38c)223. Outre ce pont, Popham évoqua deux entrées potentielles dont aucune trace ne subsiste aujourd’hui. La première aurait mis en relation la cellule A avec le North Corridor (NC) (Popham et al. 1984 : 103-104)224. La seconde, tout aussi hypothétique, aurait été constituée d’une ouverture, au premier étage, du corridor (L’) vers la terrasse à l’Ouest (Popham et al. 1984 : 105) (Fig. 107). Le plan du rez-de-chaussée est globalement divisé en trois secteurs :
The N. and S. sectors both consist of a series of rooms opening off one side of a corridor, while the central portion is occupied by a pillar hall. Each sector has its own stairway leading to the upper floor. The whole layout consists of eight rooms, three corridors and three staircases, with a storeroom beneath each stairway (Popham et al. 1984 : 105).
71Le secteur nord (cellules A-G) pose problème dans la mesure où il s’agit de la zone au sein de laquelle eurent lieu bon nombre de modifications après la destruction du MR II ainsi qu’une réoccupation plus tardive (Popham et al. 1984 : 105 et 107-109). De manière générale, l’escalier (G) ainsi que les pièces B et C, dotée de cistes, d’un pavement et de piédroits en gypse donnèrent l’impression d’être terminés au MR IA, au contraire des cellules A, D et des couloirs (E) et (F) (Popham et al. 1984 : 106). Le secteur central était formé de la salle à piliers (H), du sottoscala sous l’escalier (G), du sottoscala (J) et de l’escalier (K) (Popham et al. 1984 : 109-111). La salle à piliers était évidemment la cellule principale de ce secteur. Elle était dotée de murs de pierres de taille mais n’était certainement pas achevée au MR IA (Popham et al. 1984 : 106)225. Hatzaki insista sur le fait que la fonction de cette salle à piliers inachevée devait probablement être différente de celle des salles à piliers (ou cryptes à piliers) du LP : « A drain outlet located along its east wall suggests that the space between the four pillars was meant to be open to the sky, which might offer a clue as to its intended function. » (Hatzaki 2005 : 199)226. Le secteur sud était formé des cellules L-Q (Popham et al. 1984 : 111-114)227. Les trouvailles attestèrent que les pièces M, N et P furent utilisées dès l’origine comme espaces de stockage (Popham et al. 1984 : 106 et 112-113 ; Poblome et Dumon 1987-1988 : 72 ; Troubled Island : 158 ; Hitchcock et Preziosi 1997 : 54). La première était dotée d’une entrée impressionnante dont la maçonnerie n’avait rien à envier à celle de la salle à piliers (H) et peut-être d’un plancher surélevé (Popham et al. 1984 : 106 et 112). La pièce Q n’était probablement pas une zone de stockage. En effet, outre une absence presque totale de poterie, cette pièce était caractérisée par l’existence d’un sol de petits galets incrustés dans un plâtre rose (Popham et al. 1984 : 113). Popham estima que sa position, au débouché du pont sur le corridor (L), ainsi que son élaboration (sol de galets, murs plâtrés et seuil et piédroits de porte en gypse) suggéraient qu’il s’agissait d’une pièce d’accueil ou d’attente pour les personnes entrant dans l’UM depuis le LP (Popham et al. 1984 : 114). En ce qui concerne l’étage, Popham émit l’hypothèse qu’il devait adopter un tracé relativement similaire à celui du rez-de-chaussée (Popham et al. 1984 : 114-116)228. De manière générale, il apparaît que certains des espaces de cet étage étaient déjà pourvus de fresques au MR IA (Popham et al. 1984 : 261, n. 6). On constate néanmoins que la remarque susmentionnée d’Hatzaki concernant la salle à piliers (H) infirme la reconstitution proposée par le fouilleur. Popham estima que l’UM dupliquait tout simplement les fonctions du LP :
The reason for the addition of the Mansion and the purpose it was meant to serve have been obscured by subsequent events ; but a cult room, storage areas and living quarters seem to have been intended, all of which were already amply provided for in the Little Palace. So, the Mansion may have had no other purpose beyond that of an overflow from an overfull Little Palace, or to provide an independent but linked establishment for a particular member of the family or an official serving it (Popham et al. 1984 : 261)229.
72Hitchcock et Preziosi critiquèrent cette interprétation et soulignèrent le fait que l’UM du probablement faire office de complément fonctionnel au LP, très probablement en tant qu’annexe destinée au stockage et à des activités artisanales (Hitchcock et Preziosi 1997 : 51-54)230.
73Avant d’entamer l’analyse de la syntaxe spatiale, quelques remarques préliminaires sont nécessaires. L’absence dans l’UM d’une entrée autonome attestée l’aurait totalement inféodée au LP à la différence de Tylissos B qui disposait d’une entrée indépendante du pont la mettant en relation avec Tylissos A. À titre exemplatif, un plan justifié a été réalisé en intégrant les différentes entrées potentielles énoncées par Popham ainsi qu’une reconstitution hypothétique de l’étage (Fig. 109). La nature hautement conjecturale des connexions qu’il évoque nous invite à ne pas l’étudier en profondeur. Bien que certains des arguments de Popham semblent pour le moins cohérents, certaines situations pourraient être interprétées d’une toute autre manière. Ainsi, comme le suggéra Fotou dans le cadre de l’étude de l’implantation de la South House (Fotou 1990 : 63), l’espace laissé libre au Nord de l’édifice (North Corridor) pourrait ne pas avoir été aménagé en tant que passage mais simplement comme mesure pour isoler le mur de l’UM de l’humidité du rocher. Finalement l’absence d’une entrée autonome pourrait avoir été liée à une volonté de contrôle accru comme l’illustre ci-dessous l’analyse de l’UM et du LP considérés comme une seule et unique entité architecturale. Le plan justifié proposé ne prend donc en considération que l’état avéré des vestiges, c'est-à-dire son rez-de-chaussée et la seule entrée dont l’existence fut attestée (Fig. 110). En tant que tel, il présente une situation assez similaire à celle de Tylissos B. En effet, des espaces de type b y donnent soit directement accès à des espaces de type a ou se succèdent d’abord en séquences linéaires avant de desservir des zones d’occupation. La structure syntaxique de l’édifice est donc totalement non distribuée et présente localement une certaine symétrie. Les trois secteurs évoqués par le fouilleur se retrouvent assez bien sur le graphe. En effet, le corridor (L) constitue le principal point d’articulation du bâtiment, disposant ainsi d’un potentiel de contrôle assez élevé. Il donnait directement accès aux cellules du secteur sud et desservait également l’étage par le biais de l’escalier (O). Il contrôlait également l’accès aux deux autres secteurs de l’édifice. En effet, d’une part, il s’ouvrait sur la salle à piliers (H) qui disposait de deux annexes sous la forme de sottoscale et d’un accès propre à l’étage par le biais de l’escalier (K). D’autre part, se prolongeant en F et en E, il permettait de rejoindre le secteur nord et son accès à l’étage via l’escalier (G)231. On constate donc que le potentiel de contrôle des circulations allait crescendo par le biais de la succession d’espaces de type b en direction du secteur central et tout particulièrement du secteur nord. On est en droit de se demander si cette réalité n’est pas à mettre en relation avec la nature même des cellules. En effet, le fouilleur constata que, de manière générale, les cellules du secteur nord (et la salle à piliers évidemment) étaient d’une élaboration architecturale supérieure à celle du secteur sud (à l’exception notable de l’entrée de M et, dans une certaine mesure, de la pièce Q)232. On pourrait être tenté d’expliquer cet état de fait par le caractère inachevé du bâtiment mais la qualité de la construction des différents escaliers, tous achevés, plaide en faveur d’une véritable différence d’élaboration entre les ailes. En effet, Popham souligne la qualité d’appareillage de l’escalier (G) (Grand Staircase) par opposition au caractère rudimentaire des escaliers (O) et (K) (Popham et al. 1984 : 109, 111 et 112). Les valeurs quantitatives n’évoluent pour ainsi dire pas en fonction que l’extérieur soit pris en compte ou pas (Fig. 111). C’est le corridor en ‘U’ (et tout particulièrement sa portion sud en L) qui constitue l’espace le mieux intégré au système. Vient ensuite la salle à piliers (H), le secteur sud et finalement le secteur nord dont les cellules constitutives présentent globalement la ségrégation la plus forte. Les espaces ayant les valeurs de contrôle les plus élevées sont le couloir (L), le couloir (E) et la salle à piliers (H) (Fig. 112).
74En ce qui concerne l’analyse visuelle, l’intégration illustrée par Depthmap fait écho aux résultats de l’analyse de la syntaxe spatiale (Fig. 113a)233. En effet, on y constate essentiellement l’intégration particulièrement prononcée du corridor (L) et la ségrégation du secteur nord. Les étapes de profondeur visuelle permettent une saisie plus intuitive de cette réalité, illustrant assez bien la réclusion d’une majeure partie du secteur nord ainsi que des annexes de la salle à piliers (H) (Fig. 113b). Le potentiel de contrôle visuel se trouve tout au long du corridor en ‘U’, particulièrement dans ses sections (L) et (E), mais également dans la partie ouest de la salle à piliers (H) (Fig. 113c). En termes de contrôlabilité, les cellules du secteur nord paraissent clairement se distinguer du reste de l’édifice, ce qui tendrait à corroborer la situation évoquée dans l’analyse de la syntaxe spatiale (Fig. 113d). On peut également remarquer que la salle à piliers (H) présente également un potentiel de contrôlabilité particulièrement élevé.
75Une des remarques formulées au sujet de Tylissos B vient immédiatement à l’esprit lorsqu’on envisage le tracé architectural de l’UM : au sein de l’édifice, les cellules sont bien distinctes et desservies de manière non ambiguë234. En pénétrant depuis le pont, un visiteur aurait immédiatement été confronté simultanément au caractère longitudinal du corridor (L) et du corridor (F) et aurait donc probablement subi une double attraction dynamique focalisée à la fois sur son axe arrière-avant et sur son axe transversal. Une telle situation pourrait avoir amoindri le dynamisme en question, en plus de différentes mesures de contrôle dont l’impact ne peut être négligé. Ainsi, il convient de noter qu’une porte existait à l’extrémité sud de F (Popham et al. 1984 : 108) alors que l’on n’en retrouvait une qu’au milieu de L (Popham et al. 1984 : 111). De plus, la cellule Q aurait pu fournir, comme l’évoqua le fouilleur, un poste de contrôle depuis lequel on pouvait garder un œil sur les deux axes de circulation accessibles depuis le pont. Ainsi, même s’il semble que le corridor (L) ait constitué l’axe de circulation principal depuis l’entrée du pont235, il n’en était pas moins sujet à un contrôle potentiel très étroit par le biais d’une double porte236.
76Bien qu’il soit impossible d’affirmer que des manifestations d’une certaine ampleur aient pu prendre place en au sein de l’UM, il peut être intéressant de remarquer que les sphères de communication appliquées à la salle à piliers (H) la distinguent nettement des salles à piliers (ou cryptes à piliers) plus classiques237 (Fig. 114). En soi, si l’on accepte la restitution qu’en proposa Hatzaki, cela tient sans doute au fait que la salle à piliers (H) formait tout simplement une cellule architecturale d’un autre type.
77Bien que nous ayons évoqué ces deux bâtiments de manière isolée, il est évident que le LP et l’UM faisaient partie intégrante d’un même complexe architectural. Dès qu’il découvrit l’existence de l’UM, Evans évoqua la possibilité qu’un pont reliant les deux édifices ait existé (PoM II : 543). Preziosi, rapprochant ce dispositif de celui qui caractérisait les édifices A et B de Tylissos, entérina l’existence d’un pont et émit l’hypothèse que l’UM pouvait avoir fonctionné comme annexe de stockage du LP (Preziosi 1983 : 72-73). Par la suite, divers chercheurs s’attelèrent à caractériser ce type de complexe architectural composé d’un édifice principal auquel était adjoint un bâtiment annexe majoritairement dédié au stockage et à l’artisanat238. Récemment, Hatzaki souligna l’existence du pont (Hatzaki 2005 : 60) et confirma l’interprétation susmentionnée : « The absence of Minoan Halls and lustral basins in the Mansion indicates that its main purpose was to offer additional storage space, working area and living quarters. » (Hatzaki 2005 : 199)239. Si l’on réalise un plan justifié du complexe qu’auraient formé ces deux édifices, on retrouve en substance les plans justifiés individuels (Fig. 115). Il convient toutefois de préciser que le système dans son ensemble aurait légèrement perdu en intégration, sans pour autant que le rapport entre les différentes cellules en soit modifié. De manière générale, le rapport entre le LP et l’UM semble caractérisé par un souci de contrôle des circulations caractérisées, à partir de la cellule 19, à la différence du reste du complexe, par l’absence de distributivité.
Vathypetro
78Implanté au sein d’une région densément peuplée à l’époque minoenne (Driessen et Sakellarakis 1997 : 63), le complexe architectural de Vathypetro est situé sur un promontoire surplombant une longue et profonde vallée typique des paysages de l’intérieur des terres en Crète centrale (Cadogan 1976 : 143-144 ; Aerial Atlas : 282 ; Driessen et Sakellarakis 1997 : 63 ; Troubled Island : 176). À quelques quatre kilomètres au Sud d’Archanès, l’édifice jouit d’une vue imprenable au cœur d’une région fertile et bien arrosée (Cadogan 1976 : 143-144 ; Aerial Atlas : 282 ; Driessen non publié ; Driessen et Sakellarakis 1997 : 63). Il devait également se situer à proximité d’un grand axe de circulation desservant la Messara depuis le centre Nord de l’île (Driessen et Sakellarakis 1997 : 63). Suite à un certain nombre de découvertes dans le champ d’un agriculteur local et à la confirmation de l’importance potentielle du site par N. Platon (Driessen non publié), alors éphore, S. Marinatos entreprit des fouilles et des campagnes de restauration de 1948 à 1956 (Marinatos 1949, 1950, 1951, 1952, 1953, 1955 et 1956). Evans considérait déjà qu’il devait exister dans la région un petit palais datant du MMIII ou du MRI240, tout comme Marinatos qui voyait dans les ruines qu’il mettait à jour un édifice d’une importance indéniable, de nature palatiale (Marinatos 1955 : 306-307). Malheureusement, le site avait été fortement détruit, affecté par les pratiques agricoles et pillé pour bâtir certains édifices locaux (Driessen non publié ; Troubled Island : 176). De manière générale, Vathypetro ne devait pas être un édifice isolé mais s’implantait très certainement au sein d’un établissement s’étendant sur les collines avoisinantes (Driessen et Sakellarakis 1997 : 64). Le bâtiment envisagé était d’ailleurs étroitement associé, à l’Ouest, à une structure très lacunaire, bâtie plus modestement dans un second temps, qui était peut-être une forme d’annexe (Driessen et Sakellarakis 1997 : 75). Il aurait été bâti dans le courant du MRIA, détruit par un tremblement de terre puis reconstruit au MRIB avant d’être abandonné (Marinatos 1951 : 262-272 ; Driessen et Sakellarakis, 1997 : 63, 74 ; Troubled Island : 176-178)241. On considère que la fonction de l’édifice varia d’une phase à l’autre (Driessen et Sakellarakis 1997, Troubled Island : 176-178). En effet, dans un premier temps, il s’agit d’une structure relativement ouverte, assez riche et présentant un certain nombre de caractéristiques palatiales (Fig. 116) (Driessen et Sakellarakis 1997 : 63-74)242. La reconstruction de l’édifice, quant à elle, est caractérisée par plus de fermeture et l’accent mis sur l’agriculture domestique et la production industrielle (Fig. 117) (Marinatos 1951 : 258 et 271 ; Driessen et Sakellarakis 1997 : 74-77 ; Hood 1997 : 114). Vathypetro mesure environ 25m sur 25 (872m ²) et compte entre 27 et 39 cellules de la première à la seconde phase. Parmi ces dernières, on peut retrouver : un vestibule (3), des salles dotées de piliers (10, 11 et 40), de probables escaliers (30 et 7-8243) (Driessen non publié ; Driessen et Sakellarakis 1997 : 69-70), un polythyron (24) associé à un portique (25) pouvant former la substance d’une salle minoenne (Driessen et Sakellarakis 1997 : 70) ainsi qu’un possible bain lustral (17) (Troubled Island : 176). Il est également important d’attirer l’attention sur le fait que cet édifice contient ce que certains considèrent comme le seul témoignage architectural de l’existence d’une cellule à vocation rituelle dont on conserve par ailleurs des témoignages iconographiques : le sanctuaire tripartite (Shaw 1978a ; Gesell 1985 : 137 ; Driessen et Sakellarakis 1997 : 70-74 ; Hitchcock 2000 : 102-109). En effet, la cellule 26 présente un aspect favorisant une telle identification (Shaw 1978a : 442-446). Qui plus est, Marinatos y découvrit un fragment de corne de consécration (Marinatos 1952 : 609 ; Shaw 1978a : 442-445 ; Driessen et Sakellarakis 1997 : 72, Fig. 14), objet étroitement associé à ce type de sanctuaire dans l’iconographie. Hormis une dague en bronze, trois sceaux en pierre, une partie de figurine en bronze et une boucle d’oreille en or, les trouvailles consistèrent essentiellement en de la céramique (Marinatos 1951 : 261 ; Troubled Island : 178). Des fragments de plâtres muraux colorés furent également découverts dans bon nombre de pièces (Marinatos 1949 : 103 ; Driessen et Sakellarakis 1997 : 69), ainsi qu’un système d’évacuation des eaux dans les cellules 13, 21, 22, 34, 36 et 37 (Driessen et Sakellarakis 1997 : 70). De plus, il n’est pas impossible qu’une latrine ait existé dans la cellule 30 (Marinatos 1951 : 259, Fig. 2, n. 19). Vathypetro contient également, dans la seconde phase de la cellule 40, une installation destinée à la production de vin extrêmement bien conservée (Kopaka et Platon 1993 : 45-46, Fig. 11, 66)244, ainsi que des poids de tisserand (Driessen et Sakellarakis 1997 : 75).
79L’étude de la syntaxe spatiale de Vathypetro se décline en trois plans justifiés. Tout d’abord, étant donné que l’édifice connaît deux phases distinctes auxquelles correspondent deux réalités architecturales bien différentes, elles seront envisagées séparément. De plus, l’analyse du premier état est étoffée d’un second plan établi sur base de l’existence potentielle d’une entrée dans la façade ouest245.
80Dans son premier état, Vathypetro présente un plan justifié globalement asymétrique et distribué (Fig. 118). En effet, la moitié des cellules qui le constituent sont de type c. Elles forment un large anneau externe qui intègre également un espace de type d (cellule 26). Cet anneau constitue le noyau des circulations sur lequel viennent se greffer quelques cellules d’occupation (de type a) dont l’accès est parfois tempéré par des espaces de type b. De manière générale, étant constitué d’espaces de type c, l’anneau externe conserve un certain potentiel de contrôle. Le vestibule (3) et ledit ‘sanctuaire tripartite’ (26) sont, a priori, les deux seuls points de pénétration dans l’édifice. Ils forment la base de l’anneau et ont une position assez similaire dans le graphe. Néanmoins, la cellule 26, de type d, introduit une plus grande flexibilité spatiale en termes de circulation et dispose consécutivement d’un moindre potentiel de contrôle. En effet, elle est ouverte en trois points dont deux desservent l’extérieur. Depuis le vestibule ouest (3), on peut regagner un espace de nature assez peu claire qui regroupe les cellules 5 et 6 mais également l’espace 35. Les limites de ce dernier sont difficilement appréhendables, néanmoins, dans une certaine mesure, il semble avoir été un pivot des circulations et s’ouvre sur deux cellules (31 et 36)246. À son tour, la cellule 36 donne accès à la salle à pilier (40)247 qui reçut la presse dans la seconde phase de l’édifice ainsi qu’à l’espace 41. Avec l’espace assez indéterminé (27/28/29/32)248, la cellule 31 relie le secteur sud-ouest avec la partie nord-est de l’édifice par l’entremise du couloir (23). Si l’on pénètre dans le bâtiment depuis le ‘sanctuaire tripartite’ (26), on franchit d’abord un portique (25) avant de pénétrer dans le polythyron (24) connecté au couloir précédemment évoqué. C’est ce même couloir qui donne accès à une seconde salle à pilier (11) dotée d’une pièce annexe (12). De manière générale on peut constater que les données d’asymétrie relative et les valeurs d’intégration de certaines cellules varient assez clairement quand l’extérieur n’est pas pris en compte (Fig. 119). C’est tout particulièrement le cas du ‘sanctuaire tripartite’ (26), du vestibule (3) et, dans une moindre mesure, de la salle à pilier (40). Cela tendrait à souligner l’importance qu’auraient eue ces cellules dans la structuration des rapports entre résidents et visiteurs249. Ce sont les cellules 35 et 31 qui ont l’intégration la plus forte, de plus, en termes de données quantitatives, elles évoluent assez peu lorsque l’extérieur n’est pas pris en compte. Ces deux constatations soulignent le rôle de ces deux espaces en tant que pôle interne d’articulation des circulations. Les escaliers 30 et 7-8 n’ont pas été intégrés à l’analyse dans la mesure où les connexions qu’ils entretenaient avec les cellules avoisinantes n’ont pas pu être clairement établies. Néanmoins, si l’on prend comme hypothèse qu’ils étaient respectivement connectés à la cellule 23 (Driessen et Sakellarakis 1997 : 70) et à la cellule 3 (Driessen et Sakellarakis 1997 : 69), un plan justifié légèrement différent se dessinerait alors (Fig. 120). En termes de données quantitatives, ils ont des valeurs assez similaires250. Néanmoins, on constate que ces mêmes valeurs sont plus affectées, en ce qui concerne l’escalier 7/8, lorsqu’on ne prend pas l’extérieur en compte. Les espaces ayant la plus grande valeur de contrôle sont le vestibule (3), le couloir (23) et la cellule 36251. Si l’on admet qu’une entrée ait pu exister au niveau du renfoncement dans la façade ouest, le plan justifié ne change pas fondamentalement malgré l’adjonction d’un ensemble de cellules sous la forme d’embranchements non distribués (Fig. 121). Les circulations précédemment évoquées demeurent inchangées. Néanmoins, le couloir 13-14 devient un troisième point de pénétration. Il dessert la vaste salle à piliers (10), la cellule 15 ainsi que le bain lustral (17) par le biais d’un étroit couloir coudé (16). Il est également possible qu’un accès ait existé vers la cellule 18 depuis le bain lustral (Driessen non publié). Globalement, le graphe perd en profondeur moyenne et voit sa distributivité légèrement atténuée tout en demeurant essentiellement de nature asymétrique. En termes de données d’asymétrie relative et de valeurs d’intégration (Fig. 122), les constatations susmentionnées restent d’actualité. Malgré tout, si l’extérieur n’est pas pris en compte, on remarque une variation assez systématique des données quantitatives. La cellule 18 demeure l’espace présentant la ségrégation spatiale la plus forte. En termes de valeur de contrôle, on retrouve les trois espaces susmentionnés et la cellule 13/14 (Fig. 123)252. Dans sa seconde phase, Vathypetro présente un plan justifié assez particulier (Fig. 124). Tout d’abord fortement distribué et symétrique jusqu’au cinquième niveau de profondeur, il évolue vers l’asymétrie et l’absence totale de distributivité. On constate néanmoins qu’avec 5 cellules de type b et 8 cellules de type c sur les 19 que compte le graphe, un potentiel de contrôle relativement conséquent le caractérise. Le plan compte deux anneaux, l’un externe, l’autre interne. Le premier semble constituer une véritable zone tampon entre l’extérieur et l’intérieur alors que les circulations internes se développent depuis le second. La zone d’accès pavée du bâtiment (Driessen et Sakellarakis 1997 : 69) invitant à suivre la façade ouest en direction du vestibule (3) est désormais circonscrite par des murs (Driessen et Sakellarakis 1997 : 74). Elle prend l’aspect d’une zone de transition étroite qui longe la façade ouest au niveau de la cellule 1 et aboutit à la cellule 2, plus vaste et en contact direct avec la cellule 4 ouverte sur l’extérieur vers le Sud. Qu’il s’agisse de la porte donnant sur la cellule 1 depuis le Nord ou celle de la cellule 4 depuis le Sud, on remarque la présence de seuils massifs (Driessen et Sakellarakis 1997 : 69)253. L’accès au vestibule (3) est donc moins direct et aisé254. C’est en pénétrant depuis le vestibule (3) dans la cellule 5 qu’apparaît une première alternative en termes de circulation. Par l’Est, une succession de pièces (35, 31 et 28) et un couloir coudé (27) forment désormais le seul accès au ‘sanctuaire tripartite’ (26) coupé du reste du bâtiment mais toujours en relation étroite avec le portique (25). Au Nord, la cellule 5 donne maintenant accès à la salle à pilier (11) qui dispose toujours de son annexe (12) et s’ouvre encore sur le corridor (23). Ce dernier, en plus d’être relié à la cellule 28, donne toujours accès à l’ancien polythyron (24) dont les ouvertures sont désormais murées et dont l’étendue est réduite par la construction d’un mur est-ouest (Driessen non publié). Cette cellule se voit aussi fort probablement dotée d’une ouverture sur la cellule 14 (Driessen non publié) et par extension d’un accès vers le bain lustral (17) et la petite cellule 15. En ce qui concerne les données quantitatives (Fig. 125), on constate qu’elles ne varient guère selon que l’extérieur soit pris en compte ou non. Cela rend compte d’une évolution manifeste et d’un programme structurant désormais davantage les relations entre résidents. Plus particulièrement, on peut également constater que, dans son ensemble, le bâtiment présente désormais une ségrégation spatiale extrêmement prononcée255. À nouveau, en ce qui concerne les escaliers 7/8 et 30, un autre plan justifié intervient (Fig. 126). Les données quantitatives qui en sont inférées évoquent également une interface privilégiant les rapports entre résidents dans la mesure où elles sont peu affectées par l’intégration ou le rejet de l’extérieur dans les calculs256. On constate également que l’escalier est (30) est globalement mieux intégré que l’escalier 7/8. Les cellules disposant des plus hautes valeurs de contrôle sont le couloir (23), le vestibule (3) et l’espace 14 (Fig. 127).
81En ce qui concerne l’analyse visuelle, les plans générés grâce à Depthmap doivent être traités avec la plus grande prudence. En effet, tout particulièrement dans la première phase, la nature peu définie de certaines zones pourrait biaiser les résultats et rendre difficile une appréhension correcte de la réalité visuelle257. Au vu de leur tracé particulier, on peut raisonnablement admettre que les cellules 35, 31 et 27/28/29/32 ne correspondent probablement pas tout à fait à une réalité architecturale. Néanmoins, le plan d’intégration visuelle fait assez bien écho aux résultats de l’analyse de la syntaxe spatiale (Fig. 128a). En effet, on y retrouve l’intégration notable des espaces 31 et 35. Une nouvelle fois, les étapes de profondeur visuelle permettent une perception plus intuitive de la réalité visuelle (Fig. 128b). Ainsi, on constate que ce sont la salle à pilier (11) et son annexe (12) ainsi que le bain lustral (17) et la pièce associée (18) qui se situent à la plus grande profondeur visuelle depuis les différents points de pénétration dans l’édifice. À un niveau plus local, le plan de contrôle visuel est assez singulier (Fig. 128c). En effet, comme à l’accoutumée, certains points de décision présentent un potentiel de contrôle fort (entre 36 et 40 ; entre 3 et 35 ; entre 23 et 11 ; entre 11 et 12 ; entre 13/14 et 10, 15 et 16) mais on remarque que le plan dans son ensemble est également caractérisé par la présence de zones à potentiel de contrôle relativement marqué. Cet état de fait pourrait, dans une certaine mesure, faire écho aux remarques concernant l’interface dans le paragraphe ci-dessus. Au niveau de la contrôlabilité (Fig. 128d), à l’est du bâtiment, c’est le ‘sanctuaire tripartite’ qui semble le plus facilement dominable visuellement alors qu’à l’ouest, c’est le cas de la salle à piliers (10) et tout particulièrement de la cellule 18. Les étapes de profondeur visuelle ont également été réalisées depuis les différentes entrées de la première phase (Fig. 129a-b). Durant la seconde phase, les plans Depthmap sont évidemment d’une nature différente. L’intégration visuelle illustre la prééminence de la zone d’entrée (1, 2 et 4) ainsi que celle des cellules 3 et 5 (Fig. 130a). Au contraire, le ‘sanctuaire tripartite’ (26), le bain lustral (17) et la cellule 15 sont dans une situation de ségrégation assez manifeste. En ce qui le concerne, le plan d’étapes de profondeur visuelle illustre la réclusion particulière du ‘sanctuaire tripartite’ (26) et du portique (25) et, à nouveau, du bain lustral (17) (Fig. 130b). En termes de contrôle visuel (Fig. 130c), la zone d’entrée de l’édifice (cellules 2 et 4) présente localement une importance indéniable. À l’intérieur, c’est au niveau de la cellule 14 et de la connexion entre les cellules 5 et 11 qu’on retrouve le potentiel le plus manifeste. Malgré les changements au sein du plan, c’est à nouveau le ‘sanctuaire tripartite’ (26) qui reste le plus aisément dominable visuellement (Fig. 130d). Dans une certaine mesure, il en va de même pour le bain lustral (17), la salle à piliers (10) et la zone d’entrée (2 et 4).
82En envisageant l’architecture en tant que domaine passif, un certain nombre de remarques peuvent être formulées en ce qui concerne la première phase de Vathypetro. Si l’on se fie à l’existence d’une zone pavée qui relie la vallée en contrebas (et potentiellement la route susmentionnée) au bâtiment et longe le flanc ouest de ce dernier (Driessen et Sakellarakis 1997 : 69), on peut raisonnablement défendre l’idée de la localisation de l’entrée principale au sud-ouest, via le vestibule (3). L’existence même de cette zone pavée invite naturellement à suivre la façade ouest en direction du Sud258. Le renfoncement dans la façade au niveau de la cellule 13 crée une première rupture de la progression. S’il s’agissait là d’une zone rituelle, un sanctuaire à banquette, comme le pense Gesell (Gesell 1985 : 136), elle pouvait faire office d’étape dans la progression et était peut-être liée au cheminement vers l’entrée de l’édifice. Si une entrée à degrés (stepped entrance) s’ouvrait en direction du corridor 13/14 (Driessen et Sakellarakis 1997 : 69, n. 20), elle aurait été plus fortement marquée par le rentrant que si elle avait simplement été ouverte dans une façade rectiligne. Ainsi, si on postule l’existence d’une ouverture au niveau du rentrant, la progression intuitive vers l’angle sud-ouest de l’édifice aurait été localement tempérée par un écho offert à l’axe transversal du visiteur suivant la voie pavée. Une fois le couloir 13/14 atteint, l’élément le plus marquant devait être la large ouverture sur la salle à piliers (10) qui n’est séparée du couloir, à l’Ouest, que par un mur assez court. Outre la largeur de l’ouverture vers la cellule 10, l’attrait que pouvait exercer le couloir devait être amoindri par le fait que l’axe arrière-avant était bloqué par un mur aveugle. Néanmoins, une fois la partie est dudit couloir atteinte, s’ouvrait le couloir coudé (16). Relativement étroit (moins d’un mètre) et long, ce type d’espace devait être perçu par une personne se trouvant en 14 comme se rétrécissant progressivement (Cousin 1980 : 136-137)259. Un tel dispositif peut inviter au mouvement mais dispose, dans notre société, d’un caractère potentiellement inquiétant ou intriguant. Rien ne prouve que les Minoens percevaient cette structuration de l’espace de la même manière que nous mais le fait que le couloir fasse un coude et donne accès au bain lustral (17) donne à cette perspective une dimension assez intéressante260. Si l’on pénètre dans l’édifice par le vestibule (3), on se retrouve assez vite confronté à une suite d’espaces dont la forme n’induit aucun dynamisme particulier. Pour peu que les limites que nous en conservions soient exactes, c’est particulièrement vrai en ce qui concerne les espaces 5/6, 35, 31 et 27/28/29/32. L’édifice n’en est pas pour autant dépourvu d’éléments pouvant instiller un certain dynamisme. En effet, une personne se situant entre les piliers du vestibule (3) et regardant vers l’est aurait probablement eu un champ visuel libre jusqu’à la salle à pilier (40) (Fig. 131). Couplée à l’existence d’une double porte entre les cellules 35 et 36261, cette constatation pourrait porter à croire qu’intuitivement, la progression se faisait en direction de la salle à pilier (40). La disposition particulière du couloir 23 dont l’étroitesse contraste avec la superficie des pièces à l’angle desquelles il se situe (cellules 24 et 27/28/29/32) est assez singulière. Elle vient rompre avec le statisme induit par les grands espaces environnants et souligne l’accès à la salle à pilier (11) et probablement à l’escalier (30). Même si l’édifice reste accessible depuis le ‘sanctuaire tripartite’ (26), plusieurs éléments viennent en amoindrir la perméabilité intuitive. Tout d’abord, l’entrée sud se trouve dans un renfoncement de la façade est. De plus, les deux entrées sont placées perpendiculairement à l’axe de cette partie de l’édifice (la succession des pièces 26-25-24). Pour terminer, les colonnes du portique (25) et la baie à portes multiples du polythyron (24) pouvaient encore entraver la progression en contraignant la vision en direction de l’Ouest ou en jouant sur la fermeture des portes. Quand on envisage le plan de Vathypetro dans sa seconde phase, on est frappé par les mutations qu’y subirent les espaces constitutifs. Tout d’abord, la construction de murs le long de la voie pavée constituant l’espace 1 et autour de l’espace 4 ne laisse plus aucun doute sur la manière dont l’édifice était approché (Driessen et Sakellarakis 1997 : 74). On était donc contraint de longer la façade depuis le Nord et peut-être le Sud. On remarque également, au niveau de l’espace 2, le mur qui vient davantage circonscrire le vestibule (3). Au sein de ce dernier, la construction de murs entre les piliers (Driessen et Sakellarakis 1997 : 74-75 ; Driessen non publié) ne laisse pas plus de doute quant à la direction qui devait être empruntée : du vestibule (3), on regagnait la cellule 5. La suite de la progression au sein du bâtiment est caractérisée par une succession d’espaces dont la communication n’est que rarement directe. Les couloirs (23, 27, 16) sont longs et coudés, les pièces, bien moins grandes qu’auparavant (Driessen et Sakellarakis 1997 : 75), s’ouvrent généralement l’une sur l’autre en des dispositions qui sont autant d’obstacles à une progression intuitive. Toutes ces considérations viennent évidemment étoffer les résultats de l’analyse de la syntaxe spatiale. Il convient malgré tout de signaler que, depuis le vestibule (3), la progression en direction de la salle à pilier (11) semble toute naturelle, faisant écho à l’axe arrière-avant. En comparaison avec sa situation dans la première phase, il n’est donc pas impossible que cette cellule ait alors changé de nature.
83Si l’architecture est envisagée comme domaine actif et comme cadre potentiel d’éventuelles représentations, les espaces internes de Vathypetro posent problème dans la mesure où il est parfois difficile d’en apprécier les limites. Néanmoins, certains semblent dotés d’une superficie conséquente. Ainsi, si l’on associe le ‘sanctuaire tripartite’ (26) aux espaces 25 et 24, on obtient une zone qui pouvait très certainement se prêter à des manifestations publiques. En effet, à proximité dudit sanctuaire on retrouve les sphères intime/personnelle (gris anthracite) et sociale (gris foncé) mais pour des personnes se situant dans la portion ouest de cet espace, à proximité de la cellule 25 ou dans les cellules 24 et 25, la communication aurait certainement du adopter des modalités publiques (portée restreinte - gris de tonalité moyenne - et étendue - gris clair) (Fig. 132). Évidemment, d’autres cellules, si elles étaient le théâtre de représentation, devaient, quant à elles, renvoyer à des sphères de communication plus restreintes. Le bain lustral (17) en est un bon exemple. La salle à pilier (11) est, en ce qui la concerne, associée aux sphères intime/personnelle et sociale.
Nirou Hani
84C’est à quelques treize kilomètres d’Heraklion, sur la route menant d’Amnissos à Malia, que se trouve le bâtiment de Nirou Hani (Xanthoudides 1922 ; Graham 1962 : 58 ; Cadogan 1975 : 139 ; Troubled Island : 178). Cet édifice s’intégrait fort probablement au sein d’un établissement côtier (Fotou 1997 : 41 ; Troubled Island : 178)262 dont on retrouva les traces à divers endroits263. Il fut fouillé par Xanthoudides en 1918 et 1919 (Xanthoudides 1922) et doit à la création d’une toiture de protection la sauvegarde d’une série de détails architecturaux (Driessen 1982 : 47)264. Il fut réexaminé par Platon au terme de la seconde guerre mondiale (Platon 1947 : 636). Ce bâtiment aurait été bâti soit à la fin du MMIII soit au tout début du MRIA et détruit par le feu au courant du MRIB (Troubled Island : 179). De manière générale, l’édifice principal semble implanté au cœur d’un complexe architectural (Fig. 133). Ce dernier comprenait au moins deux autres structures (construction 1a et construction sud), ainsi que des espaces hypèthres 1, 41-42 (Fotou 1997 : 42). Des segments de murs d’enclos, liés à ces constructions et à l’édifice même, semblent délimiter l’ensemble en lui conférant une unité ; il s’agit du mur qui longe les espaces hypèthres 41-42 et du mur sud de l’espace 32, qui serait donc un espace extérieur au complexe (Fotou 1997 : 42). Le bâtiment principal mesure environ 25m sur 25 (542m ²) et compte une quarantaine de cellules au rez-de-chaussée (Fig. 134). Il peut être divisé en trois secteurs (Driessen 1982 : 47-48)265. On y retrouve un certain nombre de pièces assez caractéristiques : une salle minoenne (2-2a)266 ; des escaliers (10, 35 et 39) ; des magasins (notamment 25, 26 et 31) ; un puits de lumière (13) et de nombreux couloirs (4, 11a, 11b, 34, 36 et 37b). En termes de trouvailles (Adams 2004b : 34-38, tableau 3), en dehors de l’édifice, Xanthoudides découvrit des cornes de consécration (Xanthoudides, Prakt 1919 : 63 ; Troubled Island : 179) à proximité d’une structure qu’on interpréta tantôt comme les restes d’un sanctuaire tripartite ou plutôt d’une zone assez indéfinie à vocation rituelle (PoM II : 281-283, Fig. 167 ; Shaw 1978a : 446, n. 32 ; Gesell 1985 : 116 ; Betancourt et Marinatos 1997 : 96 ; Hitchcock 2000 : 107), tantôt comme l’entrée d’un autre bâtiment (Gesell 1985 : 116 ; Troubled Island : 179) ou un escalier menant à une terrasse au Sud (Hitchcock 2000 : 107). À l’intérieur du bâtiment, outre la présence d’escaliers, la découverte de dalles de pavement, de piédroits de porte et de vases tombés attesta de l’existence d’un étage (Troubled Island : 179). Un fragment de fresque portant le nœud sacré fut également découvert in situ dans le couloir 11 (Graham 1962 : 59 ; Troubled Island : 179), d’autres traces de fresque furent repérées dans les cellules 12, 14 et 17 (Cadogan 1975 : 140 ; Troubled Island : 179). C’est au sein des pièces 17 et 18 que l’on découvrit entre 40 et 50 autels d’argile empilés, ainsi que trois autres dans la cellule 16 (Graham 1962 ; Cadogan 1975 : 142 ; Troubled Island : 179). La pièce 7, parfois interprétée comme un ancien bain lustral remodelé (Gesell 1985 : 116), révéla quatre grandes doubles haches en bronze, un vase contenant une substance colorée, un bol en stéatite ainsi que des coupelles associées à de la pierre ponce et du charbon (Graham 1962 : 59 ; Warren 1991 : 31 ; Troubled Island : 179-180 ; Hood 1997 : 114, n. 37 et 38). Quatre lampes en pierre furent également mises à jour dans la cellule 14 (Troubled Island : 179). Mis à part ces trouvailles, le fouilleur mentionna quelques 50 vases sans en donner la provenance. Des pithoi furent retrouvés en grand nombre dans les cellules 23, 24, 25 et 31 (Xanthoudides 1922 : 16 ; Troubled Island : 179)267. Hormis une marque de maçon dans l’espace 1a, le bâtiment ne livra aucune trace d’inscription ou d’administration (Troubled Island : 180). Pour en terminer avec la description archéologique de l’édifice, évoquons brièvement les interprétations qui en furent faites. Evans considéra le bâtiment comme le quartier général d’un haut dignitaire religieux (PoM II : 279-285 ; Cadogan 1975 : 142). Graham, de son côté, estima qu’architecturalement parlant, rien ne distinguait Nirou Hani d’un édifice de nature privée (Graham 1962 : 59 ; Preziosi 1983 : 62, n. 75). Généralement, la bibliographie fit écho à cet édifice comme étant un sanctuaire et un centre de distribution des objets liés au culte ou l’habitation d’un négociant (marchand/prêtre) spécialisé dans ce type d’objets (Fotou 1997 : 46, n. 61). Néanmoins, Xanthoudides opta très tôt pour l’hypothèse d’un atelier (Xanthoudides 1922 : 12-13, 16 ; Xanthoudides, Prakt 1919 : 66 ; Fotou 1997 : 46, n. 61). Fotou, quant à elle, rejoint l’avis du fouilleur et considère le rez-de-chaussée de Nirou Hani comme essentiellement destiné au stockage de denrées et à l’artisanat (Fotou 1997 : 46)268.
85En ce qui concerne l’analyse de la syntaxe spatiale, deux plans justifiés sont proposés (Fig. 135). En effet, le plan publié à l’origine par le fouilleur fait état du caractère lacunaire des vestiges au niveau du mur nord du couloir 23 (Xanthoudides 1922 : 3, plan A). Xanthoudides, dans le doute, y restitue un mur plein. Néanmoins, la disposition architecturale semble assez classique et pourrait correspondre au schéma d’un couloir bordé par de longs magasins disposés perpendiculairement à l’axe de circulation269. Pour cette raison, les deux situations sont envisagées. Le premier plan justifié renvoie à la situation évoquée par le fouilleur et le second à l’hypothèse d’une connexion entre la cellule 23 et les pièces 24, 25 et 31. De manière générale, on constate que la prise en compte de ces cellules ne change pas fondamentalement la donne. En effet, d’un point de vue qualitatif, le graphe n’en n’est que peu modifié. Quantitativement parlant, les cellules sont globalement mieux intégrées270 lorsqu’on prend en compte les magasins mais conservent la même hiérarchie de valeurs (Fig. 136 et 137). Dans un cas comme dans l’autre, le graphe présente une majorité d’espaces de type a (de l’ordre de 35 et de 40 %), de 30 à 27 % d’espaces de type c et un pourcentage assez équivalent d’espaces de type b (19 à 18 %) et d (16 à 15 %). Le graphe est donc localement distribué (sauf en ce qui concerne l’angle sud-est du bâtiment) et globalement symétrique. Avec un large anneau extérieur qui s’ouvre sur deux espaces de type c (cellules 1a et 2), on constate que même s’il existe deux entrées distinctes, elles conservent un relatif potentiel de contrôle des circulations. Néanmoins, au deuxième niveau de profondeur, les cellules 1a et 2 ouvrent l’une comme l’autre sur un espace de type d (2a et 23) qui offre une bien plus grande fluidité de mouvement et perd consécutivement en potentiel de contrôle. Ces deux cellules sont de puissants noyaux des circulations et paraissent avoir eu une vocation plus centrifuge271. Lorsqu’on observe le graphe, il paraît évident qu’il s’articule en deux ailes depuis les points susmentionnés. Néanmoins, comme Fotou le fait remarquer, il existe une « zone intermédiaire » qui vient relier ces deux zones du bâtiment (Fotou 1997 : 44). En effet, juste au milieu des ailes nord et sud, des cellules de type d (20 et 33) et de type c (21 et 22) sont à l’origine d’un anneau interne qui vient lier spatialement les parties septentrionale et méridionale. Depuis la cellule 2a, le couloir (4) articule un ensemble de cellules totalement non distribué et par conséquent bien distinct du reste du graphe. Au contraire, via le couloir (11a), de type c, on aboutit à un nouvel espace de type d, la pièce 12 qui paraît être le cœur de la partie sud-ouest de l’édifice. Cette dernière offre à nouveau une grande liberté de choix en termes de mouvements potentiels. Elle contrôle localement l’accès vers des espaces de type a (14 et 17) mais s’ouvre également sur des espaces de type c (13 et 11b) qui s’intègrent à leur tour au sein de deux anneaux internes liés à la zone intermédiaire par le biais des espaces 33 et 34 (tous deux de type d). Si l’on envisage séparément les deux entrées de l’édifice (vestibule 2 et couloir 23), les graphes présentent quelques différences notables272. Depuis le vestibule (2) (Fig. 138), le graphe présente une profondeur moyenne de 4,128. L’accès vers les parties sud-est et sud-ouest (via les couloirs 4 et 11a) est assez direct (deuxième niveau de profondeur) mais l’accès à la zone de stockage nord l’est moins (troisième niveau de profondeur) et est tempéré par la zone intermédiaire. Le graphe culmine avec la cellule 40 à une profondeur de 9. Si l’on pénètre par le couloir (23) (Fig. 140), le plan a une profondeur moyenne de 3,179. L’accès vers les parties sud-est et sud-ouest est relégué au quatrième niveau de profondeur et voit s’intercaler la zone médiane alors que les magasins sont directement accessibles au premier niveau de profondeur. Le graphe culmine à une profondeur de 6 avec les cellules 9, 18, 37b et 40. En ce qui concerne l’accès à l’étage, on peut remarquer que depuis le vestibule (2), l’escalier (10) est à une profondeur de 3, l’escalier (39) à 4 et l’escalier (35) à 6. Depuis le couloir (23), l’escalier (10) est à une profondeur de 4, l’escalier (39) de 1 et l’escalier (35) de 3. On remarque donc que l’étage est globalement plus facile d’accès depuis le couloir 23, particulièrement en ce qui concerne les escaliers nord et ouest. Si l’on envisage l’asymétrie relative et les valeurs d’intégration, on constate que la mise à l’écart de l’extérieur dans les calculs ne bouleverse en rien la situation (Fig. 136 et 137). La configuration spatiale semble donc privilégier les rapports entre résidents. On peut malgré tout constater que la distributivité assez prononcée rend compte d’un souci de gérer de manière particulière les circulations au sein d’un bâtiment privilégiant les rapports entre résidents. Cet état de fait pourrait rendre compte de la nécessité de distinguer certaines classes d’utilisateurs, notamment en rapport avec une éventuelle différence de fonction des ailes de l’édifice273.
86Les cellules les plus intégrées au système sont les pièces 11a, 23, 20, 2a, 12 et dans une moindre mesure, 33 et 11b. Les pièces 40 et 9 sont celles qui présentent la ségrégation la plus forte. On remarque également que les trois escaliers ont une intégration, moyennement élevée, relativement similaire. Il convient également d’attirer l’attention sur le fait que l’apparente similitude d’organisation spatiale entre les cellules 5 et 12 évoquée par Fotou (Fotou 1997 : 42-46, Fig. 5) se voit considérablement amoindrie par les données quantitatives de l’analyse de la syntaxe spatiale. Évidemment, si localement, les constatations de Fotou restent exactes, elles perdent en véracité quand on envisage l’édifice dans sa globalité. En effet, les différences ne manquent pas. La cellule 12 (espace de type d) a une forte valeur d’intégration qui tourne autour de 0,850 alors que la pièce 5 (espace de type b) est plus proche de 1,200 et donc nettement moins intégrée au système. De plus, comme leur type topologique peut le laisser présager, ces cellules s’implantent au cœur d’un système spatial bien différent. La pièce 12 est intégrée à un système annulaire complexe caractérisé par une grande fluidité potentielle des circulations. De son côté, la cellule 5 est au cœur d’un système arborescent au sein duquel des espaces de type b (4, 5 et 8) contrôlent étroitement l’accès à des espaces de type a (3, 10, 10a, 6, 7 et 9). En termes de circulation, il apparaît donc évident que ces deux zones ne présentent pas une si grande similitude. Néanmoins, il n’est pas impossible qu’elles aient localement joué un rôle relativement similaire. Les cellules disposant d’une valeur de contrôle élevée sont, dans l’ordre décroissant, les couloirs (23) et (4) ainsi que les cellules 12, 5 et 34 (Fig. 142)274.
87En ce qui concerne les plans réalisés à l’aide de Depthmap, l’hypothèse d’une ouverture des magasins sur le couloir (23) fut adoptée. L’intégration visuelle fait clairement écho aux résultats obtenus lors de l’analyse de la syntaxe spatiale (Fig. 143a). Ainsi, on constate l’intégration élevée des cellules 2a, 20 et 23 ainsi que, dans une certaine mesure, des pièces 22, 33 et du couloir (11a). Ce sont les cellules 9 et 40 qui présentent la ségrégation la plus marquée alors que les trois escaliers semblent avoir un statut assez identique. Comme nous l’avons également fait remarquer ci-dessus, le secteur de la pièce 12 présente une intégration plus élevée que le secteur sud-est articulé autour de la cellule 5. Les étapes de profondeur visuelle viennent étoffer ces constatations et permettent une saisie plus intuitive de certaines réalités spatiales (Fig. 143b). On y décèle clairement la profondeur visuelle des cellules du sud-ouest de l’édifice (37, 37a, 40 et 40a) ainsi que celle de l’angle sud-est (5, 6, 7, 8 et 9). Le couloir (11a) apparaît également comme le prolongement visuel de la cellule 2a pour un observateur situé dans le vestibule (2). Les cellules 20 et 33, au deuxième niveau de profondeur visuelle, adoptent à nouveau le profil d’une zone tampon. En complément aux graphes d’accès réalisés depuis les deux entrées de l’édifice, les étapes de profondeur visuelle de ces dernières sont également proposées (Fig. 139 et 141) En ce qui concerne le contrôle visuel (Fig. 143c), on remarque, qu’à nouveau, ce sont les zones formant les points de décision dans le cheminement interne qui disposent localement du potentiel le plus fort (tout particulièrement au sein des cellules 2a, 4, 12, 20 et 23). En termes de contrôlabilité visuelle (Fig. 143d), deux des magasins (cellules 25 et 31), la pièce 7 ainsi que la partie sud-ouest (37, 37a, 40 et 40a) présentent une situation particulièrement remarquable.
88Si l’architecture est envisagée en tant que domaine passif, un certain nombre de remarques peuvent être formulées au sujet de Nirou Hani. Tout d’abord, en ce qui concerne l’approche du bâtiment, le contexte d’implantation présente des circonstances particulières. Comme nous l’avons évoqué, l’édifice est étroitement associé à des surfaces dallées ouvertes globalement circonscrites par des murs. Il s’agit des espaces 41 et 42 au Sud du bâtiment, de la cour 1 et de l’espace 1a (Fig. 133) (Fotou 1997 : 42-43). Lors de l’analyse de la syntaxe spatiale seul l’édifice en lui-même fut envisagé. Néanmoins, ses abords directs ont très certainement influencé la manière dont il pouvait être approché. En effet, si l’on se fie au plan de Fotou (Fotou 1997 : 40, Fig. 3), deux grandes alternatives d’approche existaient : l’une depuis le Sud-ouest, l’autre depuis le Nord-est. Preziosi attire également l’attention sur l’accès depuis le Sud-ouest et considère que la cour 1 était circonscrite à l’est (Preziosi 1983 : 62). Depuis le Sud-ouest, une longue cour dallée (42) invite tout naturellement à longer la façade sud de l’édifice en direction de l’Est. Au niveau du décrochement de la façade correspondant aux cellules 6, 8 et 9, la cour se rétrécit considérablement jusqu’à ne plus former qu’un passage relativement étroit délimité par des portes (41) (Preziosi 1983 : 62). Ce dispositif mérite qu’on s’y attarde quelque peu. Tout d’abord, il est évident qu’un véritable souci de canaliser les circulations transparaît. En effet, le rétrécissement spatial tout autant que l’utilisation de portes en témoignent. De plus, la présence de fenêtres dans les cellules 8 et 9 pourrait venir étoffer l’hypothèse d’un souci de contrôle des circulations à cet endroit275. En effet, la cellule 5 disposant d’une large fenêtre sur la cour (1), les ouvertures susmentionnées n’avaient sans doute pas l’apport de lumière comme vocation principale. Depuis la pièce 9 on aurait donc pu garder un œil sur la cour (42) et les personnes s’approchant du passage (41). Depuis le couloir (8), on aurait pu surveiller ce dernier et éventuellement l’entrée hypothétique sud que mentionne Fotou (Fotou 1997 : 40 et 43, Fig. 3). De manière générale, le passage (41) semble avoir été un vecteur de contrôle des accès assez fort. En termes perceptif, pour peu que les portes aient été ouvertes, il renforçait également l’écho à l’axe arrière-avant instauré par l’espace qui le précédait, la cour (42). Une fois ce passage franchi, on accède à une grande surface ouverte, la cour (1). Aussi vaste qu’il soit, cet espace demeure relativement positif dans la mesure où il est circonscrit par diverses constructions (Cousin 1980 : 89) et possède un revêtement qui le délimite clairement (Cousin 1980 : 92). Néanmoins, de par son étendue et sa disposition, la cour (1) estompe le dynamise induit par les espaces 42 et 41. Peut-être cela découle-t’il du fait qu’elle valait tout simplement pour elle-même et n’avait pas comme unique vocation de desservir le bâtiment. Le fait qu’elle ait contenu certains éléments particuliers n’est peut-être pas étranger à ce fait276. Depuis la cour (1), l’attention pouvait sans doute être principalement attirée par deux éléments. D’une part, le portique (2) créant une large ouverture dans la façade est, d’une autre, un changement dans la nature du dallage qui menait en direction de la structure susmentionnée dans le mur sud de la cour (Fotou 1997 : 40, Fig. 3 ; Hitchcock 2000 : 107). En ce qui concerne l’édifice en lui-même, les deux ailes évoquées précédemment semblent avoir bénéficié d’une approche différente. En effet, la cour (1) donne directement accès à l’aile sud par le biais du portique/vestibule (2) alors que c’est par l’entrée nord-est que l’on accède via l’espace 1a au couloir (23) des magasins. La zone 1a ouverte et bien délimitée offrait également l’opportunité de tempérer l’accès au couloir et mettait en contact la cour (1) avec l’aile nord de l’édifice. De manière générale, la disposition des espaces qui environnent le bâtiment correspond assez bien à la différentiation fonctionnelle des ailes nord et sud. Si l’on pénètre dans l’édifice par le couloir (23), le caractère longitudinal de ce dernier invite naturellement à se diriger vers l’Ouest le long de son axe principal. Néanmoins, comme nous l’avons déjà mentionné, le fait que l’axe aille mourir sur un mur atténue le dynamisme induit par la spatialité de la cellule. De plus, le fait qu’il existe des ouvertures vers les magasins au Nord et vers la zone intermédiaire au Sud tempère d’autant plus l’accentuation de l’axe arrière-avant. En ce qui concerne la zone intermédiaire, on constate tout d’abord qu’elle est bien délimitée par des ouvertures distinctes (au niveau des cellules 20 et 33). Au niveau perceptif, la disposition des cellules qui la composent laisse plus présager une zone tampon qu’une véritable incitation à passer d’une aile à l’autre. Néanmoins, lorsque l’on compare les cellules 20 et 33, on remarque que la première, à la différence de la seconde, s’ouvre par des portes se faisant parfaitement face vers les deux ailes de l’édifice. Une personne se situant dans l’embrasure de la porte entre les pièces 33 et 20 avait donc la possibilité d’apercevoir directement la cellule 2a277. Malgré le caractère visuellement plus statique de la cellule 20, on peut donc admettre qu’à l’Est l’accent sur la jonction entre les ailes était plus fortement souligné qu’à l’Ouest278. Dans ces circonstances, la nature et la disposition de la cellule 19 pourraient laisser présager de l’existence à cet endroit d’un espace dont la vocation aurait pu être de surveiller le passage entre les ailes. En d’autres termes, cet espace de type a aurait pu accueillir une espèce de loge de portier. Si l’on emprunte le vestibule (2), l’accès vers l’espace 2a est évident. Ces deux pièces disposent d’une forte continuité spatiale et il n’est pas étonnant qu’elles puissent être envisagées comme formant un tout, c'est-à-dire une salle minoenne279. Depuis la cellule 2a, outre l’accès à la zone intermédiaire, deux directions peuvent être empruntées. Tout d’abord, l’angle sud-ouest ouvre sur le couloir (4). En ce qui concerne sa spatialité, d’un point de vue perceptif, ce dernier ne favorise pas particulièrement une direction. Néanmoins, l’apport de lumière depuis la pièce 5 aurait pu contribuer, de prime abord, à attirer l’attention dans cette direction. Comme l’a fait remarquer Fotou (Fotou 1997 : 45), la pièce 5 semble en effet avoir été le centre du secteur sud-est, les autres pièces (6, 7, 8 et 9) lui étant plus ou moins directement assujetties. Vers l’Ouest, le couloir (11a) dessert la pièce 12. Même s’il fait écho à l’axe arrière-avant depuis la salle 2a, ce couloir adopte un profil coudé à son débouché sur la cellule 12. C’est autour de cette dernière, munie de banquettes et étroitement liée à un puits de lumière (13) que s’articulent toute une série de pièces à vocation d’occupation (cellules 14, 17 et 18). La pièce 12 se présente comme le liant spatial de ce secteur, le cœur architectural d’un ensemble de pièces lui étant plus ou moins étroitement associées. Même si elle donnait accès à différents espaces, elle avait certainement une valeur plus prononcée que celle d’un simple espace de transition et était fort probablement de nature centripète280. C’est à nouveau des couloirs coudés (11b et 37b) qui mènent à la partie sud-ouest de l’édifice et à un des accès à l’étage, l’escalier (35). De manière générale, on constate, particulièrement en ce qui concerne la zone intermédiaire et l’aile sud, que l’agencement spatial témoigne d’une volonté d’instaurer un système de circulation assez élaboré où les espaces de transition (cellules 4, 11a, 11b, 34, 36, 37b) jouent un rôle déterminant. À ce sujet, il est intéressant de remarquer que les connexions qu’opèrent ces espaces de transition sont rarement directes. Cette réalité fait peut-être écho à la configuration particulière évoquée lors de l’analyse de la syntaxe spatiale. À savoir, la gestion des rapports entre résidents pouvant se décliner de manière différente en fonction de diverses classes d’utilisateurs.
89En tant que domaine actif, l’architecture de Nirou Hani se doit d’être envisagée selon deux angles différents. Si l’on considère ses espaces internes, il apparaît évident que la communication devait être d’ordre intime/personnel ou social. En effet, aucune cellule ne semble pouvoir s’être prêtée à une représentation de grande ampleur. Néanmoins la cour 1 dote le bâtiment d’un espace propre à de plus amples manifestations. De plus l’ouverture directe de la salle minoenne (2-2a) sur l’espace ouvert met les deux zones en relation étroite. À ce titre, les sphères de communication ont été arbitrairement placées au sein de cette salle minoenne présumée (Fig. 144). La présence, au sein de la cour, d’éléments tels que les fosses circulaires ou encore la structure tripartite évoquée lors de la description de l’édifice vient renforcer l’idée que cet espace a pu être le théâtre de représentations particulières281. En termes de zones de communication, le contexte susmentionné semble évoquer davantage la sphère publique.
Malia
90Située au cœur d’une plaine côtière, la ville de Malia se situe à une quarantaine de kilomètres à l’Est d’Heraklion (Graham 1962 : 42 ; Aerial Atlas : 177 ; van Effenterre 1980 : 67-80). Selon certaines estimations, la ville aurait pu s’étendre sur environ 80 hectares (Aerial Atlas : 177) et aurait été circonscrite, au moins à un moment de son histoire, par un mur de date incertaine dont le tracé n’est pas connu dans son entièreté (Deshayes et Dessenne 1959 : 4-5 ; van Effenterre 1980 : 22, 265-267 ; Aerial Atlas : 177). Des vestiges d’occupation remontent au Minoen Ancien II (van Effenterre 1980 : 29-30 et 155-156) mais il est probable que la ville en tant que telle n’apparut qu’au cours de la période Minoen Ancien III - Minoen Moyen IA avec le développement d’un système cohérent de routes pavées s’articulant autour de l’édifice palatial (van Effenterre 1980 : 261 ; Aerial Atlas : 175)282. La ville de Malia se divise en quartiers (van Effenterre 1980 : 18, Fig. 25) formés d’édifices indépendants (van Effenterre 1980 : 156) et, au néopalatial, son étendue semble amoindrie et confinée dans le rayonnement plus ou moins direct du palais (Fig. 145) (Pelon 1970 : 168-169 ; Troubled Island : 182)283. Seuls certains bâtiments néopalatiaux sont abordés dans ce chapitre. Ils sont développés ci-dessous, leur description individuelle étoffant cette brève évocation du site.
91Le palais de Malia (Fig. 146) (Chapouthier et Charbonneaux 1928 ; Chapouthier et Joly 1936 ; Chapouthier et Demargne 1942 ; Chapouthier et Demargne 1962 ; Graham 1962 : 41-46 ; Pelon 1980 ; van Effenterre 1980 : 287-392 ; Preziosi 1983 : 106-120, Fig. II. 37-39 : 433-445 ; Aerial Atlas : 175-185 ; Troubled Island : 181-186, Fig. 7. 42 ; Pelon 1992) est construit sur une légère éminence rocheuse (Zourokephali - 14m97 au dessus du niveau de la mer) qui domine de quelques mètres la campagne environnante (Pelon 1980 : 41). Contrairement aux palais de Knossos et Phaistos, il s’est implanté en terrain plat. D’un point de vue urbanistique, il s’insère au point de rencontre du réseau de rues qui assure l’unité de la ville minoenne, « construit à l’endroit dominant de l’agglomération, il en constitue le cœur » (Pelon 1980 : 42 ; Aerial Atlas : 177). Tout d’abord fouillé par Hatzidakis en 1915 et 1919, le palais passe ensuite, à l’initiative de ce dernier, entre les mains des membres de l’École Française d’Athènes qui sont responsables de la fouille in extenso de l’édifice284. Chronologiquement parlant, des sondages réalisés au début des années nonante à proximité de ladite salle hypostyle (IX 1-2) révélèrent l’existence de structures datant du MA II dont le tracé interpella à plus d’un titre (Hue et Pelon 1992 : 31)285. Ces dernières auraient été détruites au MA IIB et nivelées dans le courant du MA III (Pelon 1993 : 546). Par la suite, au MA III-MM IA, l’édifice protopalatial aurait été mis en œuvre (Pelon 1982 : 80-81 ; Pelon 1986 ; Pelon 2005 : 189). Il fut essentiellement repéré au Nord-ouest du palais tel qu’il apparaît aujourd’hui. À cet emplacement, on mit au jour les vestiges d’un quartier de magasins au sol stuqué ouvrant sur une cour à portiques (Chapouthier et Demargne 1942 : 24-26 ; Pelon 1980 : 235-242). Sous le quartier III, de grandes salles stuquées furent également découvertes (BCH 70 (1936) : 483-485 ; Chapouthier 1936). Une cour centrale, d’orientation et de dimensions très similaires à celle du néopalatial, fut également repérée (Pelon 1986 ; Pelon 2005 : 188, n. 35-37). Pour finir, les sondages précédemment évoqués attestèrent aussi de l’existence d’une salle à poteaux de bois sur bases de pierre, ancêtre de la salle hypostyle (IX 1-2) (Hue et Pelon 1992 ; Pelon 1993). Ces différents éléments soulignent l’existence d’un édifice de caractère palatial, d’une indéniable monumentalité286. Un séisme aurait été la cause d’une destruction généralisée à tout le bâtiment et prenant place dans le courant du MM IIB (Pelon 2005 : 189-190). C’est au MM III que le palais néopalatial se serait élevé « selon des normes architecturales nouvelles » (Pelon 2005 : 190). Traditionnellement, on divise l’histoire dudit ‘second palais’ en trois phases : une première phase, MM III-MR IA, assez peu documentée, où le palais aurait été largement conçu mais pas encore totalement mis en œuvre, une phase MR IA caractérisée par une reconstruction rendue nécessaire suite à une destruction par le feu et, finalement, une phase MR IA-B illustrée par de nombreuses réparations et l’ajout de murs bloquant certaines ouvertures (van Effenterre 1980 : 42 ; Aerial Atlas : 178 ; Troubled Island : 182). Cependant, récemment, Pelon proposa de placer la destruction définitive du bâtiment (ébranlement d’origine sismique suivi d’un incendie) au MR IA et la mit en relation avec l’éruption de Santorin et les secousses telluriques corrélatives (Pelon 2005 : 191-196)287. Il estima également que les quelques trouvailles postérieures à cette époque provenaient presque toutes des abords de la Cour Nord où s’implanta, probablement au MRII, un petit bâtiment oblique (XXIII 1-2) et où l’on mit en évidence des traces de remaniements, en particulier dans le quartier XXVIII (Crète Mycénienne : 341-352) : « Tout laisse à penser que le palais, détruit de fond en comble au MR IA, n’était plus qu’un amas de ruines à l’intérieur duquel s’est établi, vraisemblablement au MR II, un petit sanctuaire aux normes architecturales nouvelles avec ses dépendances. » (Pelon 2005 : 195). Que l’on accepte ou pas cette hypothèse, il convient de remarquer que, dès les premières publications, les fouilleurs considérèrent le MR IB comme une période d’abandon (Chapouthier et Joly 1936 : 50 ; Chapouthier et Demargne 1942 : 75). De même, parmi les défenseurs d’une destruction MR IB, on s’accorde généralement à admettre que la dernière phase du palais s’illustre par son caractère pour le moins décrépi288. Il apparaît donc nécessaire de faire preuve de la plus grande prudence en matière de phasage chronologique et architectural289. Le palais mesure environ 115m du Nord au Sud et 87m d’Est en Ouest (pour une superficie totale approchant les 8900m ²) (Preziosi 1983 : 433-438 ; Aerial Atlas : 177)290. Avant d’en donner une description, deux particularités plus générales de l’édifice peuvent être brièvement évoquées. Malgré le fait que le tracé général de l’édifice (et ses principes organisationnels) rappelle très nettement les palais de Knossos et Phaistos avec lequel il partageait une monumentalité certaine, Malia est doté d’un aspect moins élaboré291 qui tient essentiellement aux types de matériaux utilisés, la brique crue y étant, par exemple, nettement plus présente au rez-de-chaussée que ce n’était le cas dans les autres palais (Shaw 1973a : 189 ; van Effenterre 1980 : 119-120)292. De plus, à l’image de Knossos, Phaistos ou même Galatas, le second palais de Malia livra un matériel assez restreint et souvent de qualité assez réduite, particulièrement en comparaison de celui de Zakros293. La description du bâtiment qui suit se scinde en trois parties. Elle évoque tout d’abord les entrées de l’édifice, en aborde ensuite les espaces ouverts (qu’ils se situent au sein même de la fabrique du bâtiment ou y soient étroitement associés) et se concentre finalement sur les différentes ailes. Logée dans un rentrant de la façade, l’entrée ouest présente un aspect des plus modestes (Pelon 1980, pl. 99). Bien que son existence fut contestée (Tire et van Effenterre 1966 : 6 ; van Effenterre 1987 : 87, n. 16), elle fût évoquée dès les premières fouilles (Chapouthier et Charbonneaux 1928 : 5-6) et généralement acceptée par la suite (Graham 1979 : 57, n. 16 ; Preziosi 1983 : 109 bien qu’il mentionne erronément deux entrées et les considère comme plus tardives ; Troubled Island : 184 ; Driessen 1997 : 76-77, Fig. 15 ; Adams à paraître). Néanmoins, il est évident qu’elle formait une entrée secondaire, probablement contemporaine de l’édification de la façade (Pelon 1982 : 60 ; Pelon 1992 : 21)294. La différence de niveau (60cm) entre le seuil de cette entrée et celui situé au débouché sur le couloir (C 1) aurait été rachetée par le biais d’une rampe s’étendant dans l’espace I 7 (Graham 1979 : 62 ; Pelon 1980 : 234, n. 4-5). L’entrée nord se situait à l’aboutissement du trottoir surhaussé et se scindait en deux parties : un vestibule extérieur et un vestibule intérieur, tout deux dallés de sideropetra (Chapouthier et Demargne 1942 : 20-21 ; Pelon 1980 : 67-72, Fig. 4). Le premier était davantage un porche largement ouvert sur l’extérieur qu’une véritable pièce, dans son immédiate proximité, on mit au jour un caniveau d’évacuation venant probablement de la cour toute proche ainsi qu’une banquette (contre le mur nord de la pièce XXVIII). Chacun des vestibules était doté d’un seuil mais il est possible qu’ils n’aient pas été séparés par une véritable porte (Pelon 1980 : 71, n. 4-5)295. Il fut également proposé que, dans un premier temps, ces deux espaces n’en formaient qu’un seul, plus largement ouvert sur l’extérieur296. Cette entrée fut considérée comme « la plus monumentale du palais », adoptant un tracé en chicane assez traditionnel (Chapouthier et Demargne 1942 : 21 ; Pelon 1980 : 71-72 ; Pelon 1982 : 60-61 ; Preziosi 1983 : 115-116 ; Adams à paraître). L’entrée nord-est, tout d’abord interprétée comme un corridor (Chapouthier et Joly 1936 : 23), se distingue très nettement de l’entrée nord. Elle prend en effet la forme d’un simple passage rectiligne, dépourvu de seuil et dont le sol était fait de terre tassée (Pelon 1980 : 72). Côté est, le passage débouchait probablement sur un porche à trois colonnes ouvrant sur une petite cour dotée d’un bassin peu profond. Dans le courant du MR, cette zone aurait été entièrement circonscrite de murs robustes, créant un passage coudé depuis le Nord, restreignant considérablement l’accès au palais (Driessen 1997 : 76-77, Fig. 16 ; Troubled Island : 183)297. On considéra cette entrée comme une entrée de service (Troubled Island : 183). L’entrée sud-est se trouvait à l’aboutissement d’une voie dallée en provenance du quartier Zeta (Chapouthier et Demargne 1942 : 6-8, Fig. 2 ; Pelon 1980 : 72-75, Fig. 5). Elle consiste en un couloir rectiligne au sein duquel on repéra deux états successifs. Le niveau inférieur est caractérisé par la présence de deux grands seuils monolithiques d’ammouda aux extrémités. Dans un second état, le seuil ouest fut remplacé par un dispositif différent, décalé vers l’Est et formé d’un seuil de bois et d’une porte dont on retrouva la crapaudine sous la forme d’un bloc de sideropetra percé d’une cavité (Pelon 1980 : 73). Le seuil oriental gardait les traces d’une rigole peu profonde ainsi que de deux cavités latérales, probablement destinées à recevoir les montants du chambranle de la porte (Pelon 1980 : 73-74, pl. 105. 3). Bien qu’on ne garde pas la trace d’un seuil du second état de ce côté, on y repéra deux sols différents. Comme évoqué, côté est, on mit au jour l’amorce d’une voie pavée d’ammouda de part et d’autre d’un caniveau prolongeant celui de l’entrée et prenant la direction du quartier Zeta (Deshayes et Dessenne 1959 : 82, plan 1 ; Pelon 1980 : 74, pl. 105. 2). À proximité de l’entrée, on repéra également une base circulaire de grandes dimensions qui fut tantôt interprétée comme support d’un auvent, tantôt support d’un « mât à oriflamme » (Chapouthier et Demargne 1942 : 8 ; Pelon 1980 : 74, n. 4)298. Du côté de la cour centrale, les fouilleurs déblayèrent, au débouché de l’entrée, une aire dallée de forme irrégulière, remontant en direction du Nord : « La cour marquant une nette déclivité vers le Sud, et les eaux s’évacuant par le caniveau décrit plus haut, il est certain que ce revêtement plus résistant visait à éviter les effets de l’érosion et à procurer une circulation plus aisée dans une zone où le passage devait être plus intense qu’ailleurs. » (Pelon 1980 : 75). Cette entrée formait également le point de passage obligé en direction des magasins de l’aile est. Considérée comme « grande entrée du palais » dans le Quatrième Rapport (Chapouthier et Demargne 1962 : 6), l’entrée sud était certes monumentale, tant par ses dimensions que par son grand seuil monolithique de schiste ou la qualité de son dallage, fait de onze bandeaux de plaques d’aspropetra « soigneusement disposés perpendiculairement à la marche » (Pelon 1980 : 75-77, pl. 106)299. Selon toute vraisemblance, la largeur de ce passage était amoindrie, tant au Nord qu’au Sud, par un prolongement des murs de façade. Il est évident qu’une telle réalité portait atteinte à la monumentalité présumée de l’entrée mais il est impossible d’apporter la preuve irréfutable qu’il s’agit là d’une modification tardive300. La présence de deux seuils calcaire attesta également du fait que l’entrée sud donnait également accès à une pièce vers l’Ouest (XVI 2) et vers l’Est (XV 1) (Pelon 1980 : 77). Deux autres accès sont également possibles, en direction de XVII 1 et XV 2, bien que n’étant signalés que par une interruption de la maçonnerie301. Avant d’aborder les espaces ouverts inscrits au sein même de la fabrique du bâtiment, il s’agit d’évoquer ceux qui s’implantaient à son immédiate proximité. La cour ouest forme une vaste esplanade d’environ 100m du Nord au Sud et de plus de 20m d’Ouest en Est (Chapouthier et Demargne 1962 : 36-39 ; Pelon 1980 : 44-47). Ses limites correspondraient plus ou moins, côté nord, à ladite ‘crypte hypostyle’, fouillée par van Effenterre de 1960 à 1964 (Amouretti 1970), côté sud, aux magasins mis au jour par Dessenne (BCH 85 (1961) : 941 et 943)302, côté ouest, par une série de constructions, aujourd’hui presque arasées (Chapouthier et Demargne 1962 : 38-39)303 et, côté est, par la façade ouest du palais. Au contraire de celles de Knossos et Phaistos, la cour ouest n’était pas plane et monte nettement de l’Ouest vers l’Est, « cette pente s’accuse encore aux angles sud-ouest et nord-ouest du quadrilatère où aboutissent deux rues en provenance de la ville minoenne » (Pelon 1980 : 45)304. À l’origine toute sa surface était revêtue d’un pavement grossier de petits blocs de sideropetra baptisé ‘kaldérim’ par analogie à un revêtement comparable des routes crétoises de l’époque turque305. La cour ouest était également traversée de trottoirs surhaussés (raised causeways - simplement appelés ‘voies dallées’ par les fouilleurs français) comme à Knossos et à Phaistos306. La partie principale de ces derniers prenait la direction du Nord du palais en se rapprochant progressivement de sa façade ouest307. Comme nous l’avons déjà évoqué, un embranchement, indice probable d’une entrée protopalatiale, prenait la direction de la façade ouest, un peu au Sud de l’entrée en I 7. Dans sa partie méridionale, ce système de trottoirs surhaussés formait une branche se dirigeant en direction de la zone des silos où « convergeait également une seconde chaussée en provenance de l’Ouest-Sud-Ouest qui longeait le bloc des magasins du Sud-Ouest et dont le point de jonction avec la chaussée principale n’est pas conservé. » (Pelon 1980 : 45-46, pl. 94. 2)308. De manière générale, un pavage fut également repéré à l’Est du palais, en divers points à proximité de ce dernier309 mais également jusqu’au quartier Zeta (Deshayes et Dessenne 1959 : 1-2)310. Ces découvertes pourraient donc évoquer l’existence d’une cour orientale d’ampleur assez conséquente, les maisons fouillées par Deshayes se situant à 68m du palais. Accessibles depuis deux des entrées susmentionnées, la cour nord était bordée sur trois côtés d’un portique aux colonnes rondes et au sol dallé (Pelon 1980 : 78-84, Fig. 6)311. Ce dernier donnait accès à différentes pièces (Pelon 1980 : 81-83). L’espace à ciel ouvert qu’il encadrait présentait un sol constitué d’un « mélange bien tassé de chaux, d’argile blanche et de cailloutis » baptisé ‘terrazza’ (Pelon 1980 : 83, n. 4). Côté ouest, cette cour était traversée par une rigole dont le débouché fut évoqué dans la description de l’entrée nord et qui servait à l’évacuation des eaux de la cour nord-ouest, plus vaste et inclinée en pente douce en direction de la cour nord. On repéra également, dans le sol blanc de la cour nord, une petite base de sideropetra percée d’une cavité312. Les fouilleurs proposèrent d’y voir le support d’un « mât à doublehache » (Chapouthier et Demargne 1942 : 17, Fig. 3. a). Pelon reconnut qu’il s’agissait d’un support non architectonique mais ne s’aventura pas à postuler l’existence d’un objet particulier qui y aurait été lié. La structure baptisée « bâtiment oblique » (cellules XXIII 1-2) qui perturbe l’ordonnancement de la cour à portique est un ajout postérieur à la destruction du palais et n’est donc pas pris en considération (Chapouthier et Joly 1936 : 24-25 ; Pelon 1980 : 96-98, pl. 113. 3). Située au Sud-ouest de la cour nord, la cour nord-ouest (anciennement ‘cour du donjon’ - Chapouthier et Demargne 1942 : 21-22) ne s’en dissocie pas facilement dans la mesure où elles se fondaient l’une dans l’autre, par le biais d’un « large passage qui était en partie couvert et en partie à ciel ouvert » (Pelon 1980 : 84-88). Le mur qui la circonscrivait à l’Ouest avait l’aspect d’un beau mur de façade (avec le mur sud de la cour centrale il est le seul à l’intérieur du palais à présenter des décrochements décoratifs), soigneusement appareillé en blocs d’ammouda313. Au Nord, la cour était probablement bordée par une sorte de portique de construction légère ou d’un simple auvent protégeant l’entrée de la pièce XXVIII 2b (Chapouthier et Demargne 1942 : 22 ; Pelon 1980 : 86). Côté sud, elle donnait également accès au secteur V. Le sol de cette cour était majoritairement constitué de terrazza314. Dans l’axe de l’entrée vers XXVIII 2b, au milieu de la cour, on mit au jour deux grandes dalles de sideropetra dont la présence ne peut, selon Pelon, être fortuite (Pelon 1980 : 88, pl. 112. 1). Ce dernier insista sur le fait que cet espace ouvert ne constituait pas, contrairement à la cour nord et à la cour centrale, un espace autour duquel rayonnaient des pièces mais bien un « passage de caractère monumental mettant en communication la cour nord et le porche IV 2b. […] Il n’est pas impossible par ailleurs que la base qu’elle possède en son centre lui ait conféré un caractère spécial dont la nature exacte nous échappe aujourd’hui. » (Pelon 1980 : 88). La cour centrale du palais de Malia est un peu moins longue à l’Ouest (47m85) qu’à l’Est (48m27) et un peu plus large au Sud (23m10) qu’au Nord (22m39) (Chapouthier et Demargne 1962 : 19-22 ; Pelon 1980 : 128-156). Actuellement, le sol visible est fait de terrazza et on s’est rendu compte que, sur une couche d’environ 25cm, plusieurs couches superposées, de constitution identique, correspondaient probablement à des réfections successives315. Avant d’évoquer brièvement les différentes façades encadrant la cour, il est nécessaire de décrire certains éléments y étant étroitement associés. Comme nous l’avons évoqué dans la description de l’entrée sud-est, la cour centrale est pourvue localement de zones dallées. La première de celle-ci se situe dans l’angle sud-est et est décrite ci-dessus316, la seconde, toujours de forme irrégulière, se trouvait dans l’angle nord-est. Elle faisait face à l’ouverture de l’escalier (IX a-b) placé au fond du portique nord mais également à celle du bloc X 1. Il s’agissait donc certainement de renforcer la surface de sol d’un lieu de passage important, attesté notamment par l’existence d’une des dalles, exceptionnellement en schiste, de la surface prenant la forme d’un seuil entre les deux dernières colonnes du portique nord (Pelon 1980 : 129)317. Côté ouest, dans l’alignement de la pièce VI 3-4, une aire dallée de forme parfaitement rectangulaire fut mise au jour. Pelon affirma qu’aucun élément ne permet d’expliquer l’orientation ou la destination dont la mise en œuvre semble si minutieuse (Pelon 1980 : 129-130)318. À quelques mètres plus au Sud, une boule de calcaire pourvue d’une cupule intrigua les premiers fouilleurs (Pelon 1980 : 130, pl. 84. 1-2, 85. 1 et 123. 2-3). Pelon souligna qu’un sondage révéla que la partie inférieure de la ‘boule’ était nettement aplatie et que la cupule ne pouvait être fortuite. Ces deux derniers éléments furent mis en relation avec la loggia (pièce VI 1) :
Même si ce rapprochement peut être l’effet d’une simple coïncidence, il faut noter qu’elle [la boule] est placée à égale distance du dallage et de la base qui sépare en deux parties égales l’escalier de la loggia. Ainsi se trouve définie une aire triangulaire dont le rôle devra être précisé dans l’étude de la pièce VI 1 qui lui est incontestablement liée et sans doute expliquée l’orientation aberrante, par rapport à l’ensemble palatial, du dallage qui la borde au Nord (Pelon 1980 : 130)319.
92Non loin du centre géométrique de la cour, une fosse bordée de briques calées sur l’arrière par des pierres, dans l’axe de la crypte à piliers (VII 4), présentait de fortes traces de carbonisation et fut qualifiée d’autel sacrificiel ou ‘bothros’ (Chapouthier et Demargne 1962 : 22-23, Fig. 4 ; Pelon 1980 : 131-133 ; Pelon 2002 : 115 et 117).
93Pelon attira l’attention sur l’impossibilité d’établir une relation stratigraphique précise entre cet autel présumé et les différents revêtements de la cour centrale mais également, tout comme Demargne, sur la fragilité de sa construction interdisant toute « utilisation intensive, étendue sur plusieurs années. »320. Divers dispositifs particuliers étaient donc rassemblés sur la cour centrale et si, indépendamment, ils ne soulignent pas d’emblée sa fonction321, « leur réunion […] fournit par convergence une idée [de son] fonctionnement probable » (Pelon 2002 : 117). Les quatre façades de la cour centrale présentent un agencement différent mais lui donnaient certainement une « ordonnance majestueuse » et illustrent un réel souci de monumentalité qui combine murs pleins et surfaces ajourées (Pelon 1980 : 133 ; Pelon 2002 : 115-116)322. On évoquera donc ici les espaces y étant directement associés (notamment en bordure de l’aile ouest) ainsi que l’aspect général de ses limites construites. La façade sud, formée d’un mur continu à décrochements décoratifs appareillé en pierres de taille (blocs d’ammouda), n’était dotée que d’une ouverture, en direction de l’entrée sud (Pelon 1980 : 154-156)323. Ces blocs, très certainement recouverts d’un enduit blanc, formaient une assisse de soubassement et gardaient les traces de fixation d’un ingénieux système de charpente. Les premiers fouilleurs l’interprétèrent comme un dispositif à fenêtres (Chapouthier et Joly 1936 : 10-11, pl. III ; Shaw 1973a : 182, Fig. 212a-b) mais Pelon émit certaines réserves à ce sujet et préféra y voir simplement l’armature du mur de façade « long, étroit et sans doute peu élevé » (Pelon 1980 : 155-156 ; voir également Pelon 1982 : 63-64). Côté est, un portique présentant une alternance de piliers carrés et de colonnes, encadré par les murs d’ammouda des quartiers X et XIII, délimitait la cour centrale (Chapouthier et Joly 1936 : 6-10 ; Pelon 1980 : 150-154). Contrairement au portique nord dont les bases ne sont pas reliées architectoniquement, le portique est disposait d’un stylobate continu qui servait notamment de fixation à un système de clôture fermant chacun des entrecolonnements (Pelon 1980 : 152-153 ; Graham 1957). Le portique n’en était pas moins accessible depuis le passage de l’entrée sud-est, comme nous l’avons évoqué ci-dessus, mais également depuis une porte dont les traces furent mises en évidence dans l’axe de l’entrée vers la pièce X 2, entre la première colonne et le mur sud de X 3 (Chapouthier et Joly 1936 : 6 ; Pelon 1980 : 153-154). Le portique n’était dallé que dans sa partie nord324. Selon toute vraisemblance, une porte se trouvait également au nord du portique et donnait accès à la pièce X 1a (Chapouthier et Joly 1936 : 8)325. Au Nord, la cour était bordée d’une colonnade qui, primitivement, s’étendait vers l’Ouest comme en atteste les deux bases retrouvées en V 3 (Troubled Island : 184)326. Ce portique était percé de deux portes, l’une dans l’axe du couloir (C’) l’autre dans celui de l’escalier (IX a-b) (Pelon 1980 : 149). Ces ouvertures mises à part, les entrecolonnements étaient certainement pourvus d’un système de clôture, probablement un muret bas (Chapouthier et Charbonneaux 1928 : 33-36, Fig. 7-8 ; Graham 1957 : 258, n. 29 ; Graham 1962 : 77 ; Pelon 1980 : 149-150 ; Pelon 2002 : 115). Contrairement aux trois autres, la façade ouest était constituée de pièces, de terrasses et d’escaliers en liaison directe avec la cour centrale (Pelon 1980 : 133-148). Plutôt que d’être décrits en relation avec l’aile ouest, ces espaces sont évoqués ci-dessous. Au Sud, un emmarchement associé à une terrasse dallée (cellule XVI 1) fut découvert (Chapouthier et Joly 1936 : 14-18, pl. IV. 1). Bien que cet escalier fasse penser à un dispositif à gradins en raison de la profondeur inhabituelle de chaque marche, on ne peut exclure sa fonction première avec certitude (Pelon 1992 : 41). La terrasse dallée (XVI 1) était dotée d’une banquette côté ouest ainsi que d’une table à cupules (kernos) généralement interprétée comme table à offrandes (Chapouthier 1928 ; Chapouthier et Joly 1936 : 17-18)327. La terrasse (XVI 1) aurait donc été le théâtre d’un culte « dont l’existence d’une communication directe démontre la relation avec la cour centrale » (Pelon 1980 : 134-135 ; Pelon 2002 : 114 et 116)328. La pièce XVI 2 séparée de la terrasse par un porche doté d’une colonne en constituait probablement une annexe (Pelon 1980 : 135). Au Nord de cette zone s’étendait le secteur VII. Dans l’état actuel, les cellules VII a et VII 1 sont fermées vers l’Est par un mur mince dont l’élévation étaient en briques crues, percé d’une ouverture, dans l’axe de VII 10, formée de deux marches s’élevant en direction de la cour centrale (Pelon 1980 : 135, pl. 125. 1, 126. 4 et 127. 1). Pelon insista sur le fait que ce mur présentait une structure trop faible que pour s’être élevé très haut et ne formait probablement qu’un « simple muret de séparation avec la cour » (Pelon 1980 : 136 ; voir également Graham 1957 : 259 et Chapouthier et Demargne 1962 : 28). L’hypothèse fut avancée que le front ouest de la cour aurait connu deux phases bien distinctes : l’une, finale, marquée par l’existence de ce mur, l’autre caractérisée par l’existence d’un portique, en retrait vers l’Ouest, dont les bases de colonnes trouvées en VII a auraient fait partie329. La cellule VI 8 était un escalier fermé côté cour par une porte assez conséquente, dont on retrouva seuil et crapaudines (Pelon 1980 : 138-140, pl. 128. 2). Au Nord de l’escalier se trouvait ladite loggia (VI 1) (Chapouthier et Charbonneaux 1928, 19-21, pl. XIII ; Pelon 1980 : 140-143, pl. 130. 1-2). Il s’agissait d’un espace surélevé entièrement dallé, séparé de la cour centrale par quatre grandes marches et en communication avec toutes les cellules qui l’entouraient. Côté ouest, elle était délimitée par un petit muret doté de deux colonnes, comme une sorte de balustrade percée d’un petit escalier en direction de VI 6b (Pelon 1980 : 140, pl. 130). Dans l’alignement de cet escalier, on mit au jour une plaque de sideropetra tout d’abord interprétée comme une base d’autel ou de table à libations (Chapouthier et Charbonneaux 1928 : 19 et p. 57, Fig. 15)330. Comme évoqué ci-dessus, la large ouverture de la loggia sur la cour centrale ainsi que la proximité de la surface dallée régulière et de la boule à cupule tendraient à souligner l’importance de cet espace331. La cellule VI 3-4 forme un seul et unique espace surélevé, comme la loggia (Pelon 1980 : 143-144). Ce dernier aurait pu être ouvert sur la cour centrale par une sorte de baie et donc dépourvu de communication directe avec elle. La partie occidentale de cette pièce révéla de nombreuses jarres, à mettre en rapport avec le fonctionnement de l’ensemble du secteur VI à l’arrière. Juste au Nord, l’espace V 3 connut deux états successifs. Dans un premier temps, il s’ouvrait en direction de V 2 et présentait les deux bases de colonnes déjà évoquée, dans un second temps, l’ouverture vers le Nord fut bloquée, la zone dallée et pourvue d’une estrade basse stuquée (Pelon 1980 : 144-148, pl. 33. 1 et 132. 3)332. Pour en terminer avec les espaces ouverts, il faut brièvement évoquer la zone située au Nord du portique de la salle minoenne (III 7a-c), une « sorte d’esplanade sans construction », qu’on interpréta souvent comme un jardin éventuel sans qu’aucune preuve ne puisse être apportée pour étayer cette hypothèse (Chapouthier et Demargne 1962 : 35, 37 et 64 ; Pelon 1980 : 235-242 ; Pelon 1992 : 34 ; Graham 1962 : 91 ; van Effenterre 1980 : 335, Fig. 457 ; Preziosi 1983 : 119). Quoi qu’il en soit, Pelon insista sur le fait que la zone était bien close de tous côtés (Pelon 1980 : 242). Constituant la zone la plus confuse du palais, les quartiers de la bordure sud (XIV et XV) laissèrent perplexe les premiers fouilleurs (Chapouthier et Joly 1936 : 10-12)333. De manière générale, ils y confondirent divers niveaux de sol, notamment à cause du mauvais état de conservation de la zone. Bien qu’il soit encore impossible à ce jour d’apprécier l’aspect originel de ce secteur, certaines constatations peuvent être faites à son sujet (Pelon 1980 : 207-210)334. L’existence des ouvertures du quartier vers l’entrée sud renseigne sur le niveau de sol présumé de ce dernier, à quelques 60cm au dessus du niveau de dégagement actuel. Suite à la découverte d’un rhyton décoré de panthères en relief et de coquilles de triton, les fouilleurs postulèrent l’existence, à la verticale des pièces XIV 6 et XIV 9, d’un petit sanctuaire qui aurait été desservi par un escalier situé en XV 5 (Chapouthier et Demargne 1962 : 5 ; Pelon 1980 : 209-210). Pelon postula également l’existence d’une « sorte de promenoir donnant directement sur la cour et séparé d’elle par le parapet qui peut être rétabli au-dessus de l’assise en ammouda » (Pelon 1980 : 210). Cet espace, situé en XIV 1-2 et 10, aurait été accessible depuis la pièce XV 1. Formant la partie méridionale de l’aile est, le quartier XIII se divisait en deux parties : une partie nord se distinguant par l’usage abondant de briques crues335 et une partie sud, classiquement mise en œuvre en blocage de moellons, dont le tracé est moins clairement défini (Pelon 1980 : 205, pl. 152. 1)336. On accédait à la partie nord par le biais d’un escalier particulier, depuis l’angle sud-est de la cour centrale337. Ce secteur était composé d’un vaste couloir coudé (XIII a-b) desservant un petit escalier s’élevant contre le mur est du palais ainsi que la pièce (XIII 1) qui formait indéniablement la pièce principale du bloc sur laquelle s’ouvraient les annexes (XIII 2 et 3). Les ouvertures entre pièces ne semblent pas avoir été dotées de portes et l’épaisseur des murs ne semble pas attester de l’existence d’un véritable étage338. Les premiers fouilleurs voulurent faire de cette zone un quartier de magasins pour objets de luxe (Chapouthier et Joly 1936 : 10)339 mais Pelon y vit davantage un plan se rapprochant de celui d’un bloc d’habitation (Pelon 1980 : 207)340. Constituant la partie septentrionale de l’aile est, le bloc X se divisait en deux parties, au Nord X 1 et X 4 et au Sud X 2-3 (Pelon 1980 : 192-198, Fig. 13). Accessible par une sorte de vestibule (X 1a), la partie nord se décomposait en deux zones principales : au Nord, la salle X 4 un grand compartiment où deux auges furent mises au jour, au Sud, un espace soigneusement compartimenté. Ce dernier était formé d’un couloir pavé de kaldérim (X 1e) et de trois « loges communicantes séparées par des murets courts » (X 1b-d) dont l’accès pouvait certainement être clos par le biais de barrières mobiles dont on retrouva la trace (Pelon 1980 : 196, pl. 148. 2). Selon toute vraisemblance, l’espace X 1d était muni d’une fenêtre basse donnant sur l’extérieur. Dans un premier temps, suite à la découverte d’une abondante céramique utilitaire, les fouilleurs pensèrent à des cuisines sans reconnaître pour autant la moindre installation culinaire (Chapouthier et Joly 1936 : 8). Pelon, quant à lui, imagina que la céramique devait provenir de l’étage et vit dans ces compartiments un système de stalles (Pelon 1980 : 196-197)341. Initialement, la cellule X 2 formait une vaste salle dotée de deux piliers et pavée de schiste, par la suite, sa superficie fut restreinte par la construction de murs sommaires formant deux réduits de petite taille, X 2b et X3 (Chapouthier et Joly 1936 : 8 ; Chapouthier et Demargne 1942 : 9-10 ; Pelon 1980 : 197-198). Au Sud de cette zone se trouve le bloc des magasins est (XI) (Chapouthier et Charbonneaux 1928 : 36-38, Fig. 9 ; Chapouthier et Joly 1936 : 8 ; Chapouthier et Demargne 1942 : 1-5, pl. I ; Pelon 1980 : 198-203). Ce bloc était formé de sept compartiments similaires dont le premier (XI 1) formait un couloir d’accès, fermé par une porte côté portique (Pelon 1980 : 199). Dans un premier état, associé au protopalatial (Pelon 1992 : 46 ; Pelon 2002 : 117), ces magasins étaient munis d’un système bien agencé de rigoles et de vases collecteurs associés à des plates-formes stuquées (Pelon 1980 : 201-202)342. Par la suite, sans doute au néopalatial, divers remaniements (notamment en XI 7) eurent lieu conjointement au recouvrement, par une simple couche de terre battue, de l’ingénieux système susmentionné. Dans l’angle nordest de XI 1, on mit au jour une auge de pierre et une sorte de banquette en ammouda que l’on interpréta comme un dispositif de concassage du grain (Pelon 1980 : 202-203, pl. 151. 1). Certains des vases découverts dans ce secteur contenaient des graines carbonisées ce qui invita à postuler « une diversification d’usage ou même un changement d’affectation des magasins » (Pelon 1980 : 203 ; Pelon 2002 : 117-118). Rempli de vases lors de sa découverte, le bloc XII fut interprété comme une zone de stockage (Chapouthier et Demargne 1942 : 6 ; Pelon 1980 : 203-205, pl. 47. 2). La pièce XII 1 s’ouvrait sur le portique mais n’était probablement pas munie d’une porte. Le secteur révéla également plusieurs auges et frappa par le caractère solide de sa maçonnerie (Pelon 1980 : 204-205)343. Avant d’évoquer l’aile ouest, la plus vaste du bâtiment, sa partie nord sera décrite, à commencer par les espaces étroitement associés aux cours nord et nord-ouest. Le secteur XXVIII formait une construction indépendante, attenante aux murs du palais (Pelon 1980 : 88-91). Il était formé de deux parties qui ne communiquaient visiblement pas entre elles344. Au Nord, la cellule XXVIII 1, directement accessible depuis la cour nord, connut deux états. Elle était tout d’abord pourvue d’un sol stuqué et d’une banquette longeant ses quatre parois, par la suite, lorsque le sol fut surélevé, elle fut subdivisée par la construction d’un mur d’ammouda et de moellons de sideropetra (Pelon 1980 : 89). Pelon mit cette pièce en rapport avec l’entrée345. En ce qui concerne les cellules XXVIII 2-4, il est évident qu’elles furent l’objet de remaniements assez conséquents. Néanmoins, ces derniers sont pour le moins confus, tant physiquement que chronologiquement, de telle sorte qu’il est impossible de se faire une idée précise de l’aspect qu’eurent ces pièces346. Les magasins nord se divisaient initialement en deux parties : la pièce XXVII 1, accessible depuis la cour et les cellules XXVII 2-6 accessibles depuis le portique nord et le passage de l’entrée nord-est. Suite à un remaniement, l’ouverture entre XXVII 3 et XXVII 4 fut bloquée (Pelon 1980 : 92). Dès le Deuxième Rapport, la destination de ces pièces fut élucidée sur base de la découverte d’une céramique grossière abondante mais également d’objets utilitaires tels qu’une auge et une meule en XXVII 5 (Chapouthier et Joly 1936 : 23-24). La pièce XXVII 6 contenait également une sorte de réduit rectangulaire dont l’ouverture côté sud était pourvue d’une auge double aujourd’hui disparue (Pelon 1980 : 93-94)347. Bien que dotées d’une numérotation laissant penser qu’elles font partie d’un secteur différent, les pièces XXIV, XXV et XXVI formaient certainement un quartier cohérent, qualifié de ‘domestique’ (Chapouthier et Joly 1936 : 22-23 ; Pelon 1980 : 94-96). XXV 2 était dotée d’une structure similaire à celle retrouvée en XXVII 6. La pièce XXVI ne s’ouvrait que vers l’extérieur du palais et conservait également une construction relativement identique à celle des deux espaces susmentionnés. Les autres pièces du secteur étaient organisées par deux, la première (XXV 1 et XXIV 1) commandant l’accès à la seconde (XXV 3 et XXIV 2). Comme l’évoqua Pelon, ce secteur dégage un caractère domestique :
[…] des vases étaient rangés sur la banquette bordant le mur sud de XXV 2 ; d’autres, dont l’un rempli de graines carbonisées étaient placés le long des murs de XXV 3 ; XXIV 2 est considéré comme un cellier. De plus la construction qui occupe l’angle nord-ouest de XXV 1 peut être interprétée comme un four qui ferait de la pièce une cuisine […] Les indices recueillis semblent suffisants pour croire que ce quartier nord-ouest, auquel on adjoindra les magasins XXVII, a servi au stockage et à la préparation des aliments […] (Pelon 1980 : 96)348.
94Vers le Sud-est, la cour nord donnait également accès à l’escalier (XXII 3) qui faisait retour en XXII 1 (un sottoscala également accessible depuis la cour et doté d’une fenêtre côté est) (Pelon 1980 : 124, n. 3). Ce même sottoscala donnait également accès à la cellule XXII 2 juste au Sud. Le vestibule (XXI 1), doté d’un dallage d’une diversité et d’un soin d’exécution exceptionnel (Pelon 1980 : 125) ainsi que d’une colonne centrale, s’ouvrait largement sur la cour et communiquait avec le couloir (C’) par le biais d’une porte. En ce qui concerne les espaces XXII 2 et XXI 2, les premiers fouilleurs, se basant sur l’abondante céramique de caractère utilitaire mise au jour, les interprétèrent comme des magasins (Chapouthier et Joly 1936 : 19 et 21). Pelon préféra y voir un second escalier s’ouvrant en XXI 2 et faisant retour sur le sottoscala XXII 2 qui n’aurait alors été accessible que depuis XXII 1 (Pelon 1980 : 126)349. Le couloir (C’) était doté d’un sol dallé polychrome assez semblable à celui du vestibule quoique moins régulier (Pelon 1980 : 127-128). La caractéristique principale de cet espace était la porte qui le séparait du vestibule susmentionné. Sa disposition générale, avec de véritables pilastres faisant office de jambages, évoqua à Pelon une porte monumentale donnant sur l’extérieur, impression renforcée par le seuil imposant dotée d’une mortaise, probablement « destinée à recevoir la targette verticale fixée sur l’un des vantaux qui servait à bloquer la porte en position de fermeture » (Pelon 1980 : 127)350. C’est à l’Est de ce couloir et au Nord du portique bordant la cour centrale que se trouvait le bloc IX (Pelon 1980 : 184-191, Fig. 12). Ce dernier était pourvu d’un escalier (IX a) faisant retour en IX b. Le palier de ce dernier, fait d’une grande plaque d’aspropetra, était creusé de huit cupules dessinant une figure ovale (Pelon 1980 : 191, pl. 147. 4)351. Selon toute vraisemblance, la fermeture de IX b côté portique serait due à une réfection tardive (Chapouthier et Joly 1936 : 5, n. 2 ; Pelon 1980 : 191, n. 3 ; Troubled Island : 183), cet espace ayant tout d’abord formé un sottoscala accessible. La découverte d’une très grande quantité de lentilles carbonisées en compagnie des tessons d’une dizaine de pithoi invita les premiers fouilleurs à imaginer que le portique nord avait servi de zone de stockage durant la dernière phase du palais (Chapouthier et Charbonneaux 1928 : 36 ; van Effenterre 1980 : 345). Pelon préféra les imaginer comme étant tombés de l’étage, énième preuve selon lui de l’existence de la salle de banquet de Graham (Hue et Pelon 1992 : 20-21 ; Graham 1961 et 1979). Cette dernière se serait située à la verticale des cellules IX 1-2, à l’Ouest de l’escalier (IX a-b). Ces deux pièces étaient agencées selon le plan dit « but and ben ». La première (IX 1), une sorte d’antichambre, au sol fait de terre et pourvu d’une base d’ammouda, desservait, par un dispositif en chicane, la salle principale (IX 2), dite ‘salle hypostyle’, dotée de six piliers et probablement d’un sol partiellement dallé (BCH 52 (1928) : 324-334 ; Pelon 1980 : 186-189 ; Hue et Pelon 1992 et Pelon 1993). Antichambre comme pièce principale révélèrent une abondante céramique utilitaire dont de nombreuses coupelles (Pelon 1980 : 190). C’est notamment sur base de la découverte d’une grande quantité de dalles provenant de l’étage (BCH 52 (1928) : 334 ; Chapouthier et Joly 1936 : 3) et du potentiel structurel des piliers que Graham postula l’existence de son Banquet Hall, étroitement associé à une sorte de balcon surplombant le portique nord (Graham 1979 : 66, Fig. 8). Situé au Sud de la cour nord-ouest, le secteur V est formé d’un groupement de deux pièces réunies par un vestibule commun. Côté cour, deux marches donnaient accès au vestibule. Cette zone paraît avoir eu deux utilisations successives différentes : dans un premier temps, lorsque la communication avec la cellule V 3 n’était pas bloquée, elle formait une zone de communication entre la cour centrale et la cour nord, dans un second temps, elle se referma sur elle-même, « se transformant peut-être en resserre » (Pelon 1980 : 99). À l’Ouest, la cour nord-ouest prenait le profil d’une courette allongée (IV 2) qui formait le principal accès en direction du secteur que Pelon qualifia de ‘quartier d’apparat’ (Pelon 1980 : 100-123, Fig. 7-8 ; Chapouthier et Charbonneaux 1928 : 12-18 ; Chapouthier et Demargne 1962 : 32-36). De manière générale, la progression en direction de la salle minoenne (III 7a-c) depuis la cour nord-ouest est caractérisée par « le principe du cheminement en chicane », c'est-à-dire par un axe de circulation constamment ponctué de ruptures (Pelon 1980 : 100). La courette (IV 2a) frappe par l’appareillage soigné de ses murs, notamment au Sud, gardant des traces d’enduit stuqué352. Elle s’ouvrait, au Nord, en direction du compartiment coudé (IV a-b)353 et se terminait par un porche (IV 2b) doté de deux colonnes vers le Sud, en direction du vestibule (IV 3)354. Ce dernier se prolongeait en IV 5 et était probablement doté d’une banquette en ‘L’, basse et stuquée, aménagée dans son angle nord-ouest (Pelon 1980 : 104). Ce vestibule desservait également un escalier à deux volées en IV 7-8 et une pièce située en contrebas (IV 9) dotée d’une petite annexe (IV 10) au sein de laquelle des briques dessinaient des étagères et des niches de taille diverse (Pelon 1980 : 104-107)355. En ce qui concerne cette zone, quelques précisions sont nécessaires en matière de connexion entre cellules356. Tout d’abord, il semble avéré que, dans un premier état, une ouverture mettait la pièce IV 9 en relation avec la pièce VI 2 (Pelon 1980 : 107)357. En revanche, les connexions en rapport avec l’espace VI 5 sont des plus confuses. En effet, cette pièce était remplie d’un massif informe de briques et de terre argileuse paraissant avoir souffert d’un incendie violent et compliquant considérablement la lecture des ruines (Pelon 1980 : 181). Comme le dit Pelon : « Il est évident que, dans l’état actuel de délabrement de ce secteur, il n’est plus possible d’atteindre à une certitude satisfaisante. Tout au plus peut-on proposer une hypothèse qui rendrait compte des observations faites. » (Pelon 1980 : 183). La cellule VI 5 fut ainsi considérée comme une sorte de courette intérieure dallée, plus basse que les espaces adjacents afin d’en collecter l’eau358. Elle aurait éclairé, par le biais de fenêtres, dont on retrouva la trace sous la forme d’empreintes de madriers dans le massif d’argile, les pièces IV 9 et VI 2 (Pelon 1980 : 183) mais aurait également été dotée d’une fenêtre étroite en direction de V 3 (Pelon 1980 : 145-146 et 183). La relation avec l’escalier (IV 7-8) est nettement moins claire, dans un premier temps, Pelon affirme qu’il n’existe « aucune ouverture assurée vers la pièce voisine VI 5 » (Pelon 1980 : 104-105), puis défend l’hypothèse d’une « communication [de VI 5] avec le palier nord de l’escalier IV 7-IV 8. » (Pelon 1980 : 182). On se demande évidemment comment la présumée courette aurait pu être en communication avec le palier nord de l’escalier, aussi, est-on tenté de se rallier à la première impression de Pelon359. La pièce IV 4 aurait formé une annexe de la zone IV 5 et n’aurait pas été dotée d’une ouverture en direction de IV 6360. Cet espace, un corridor coudé, se terminait au Nord-est par un dithyron ouvrant sur III 7b. Au Sud de ce couloir, la maçonnerie de grosses sideropetra et de moellons fait place à une cloison de briques « dans laquelle on discerne remaniements antiques et restaurations modernes » (Pelon 1980 : 108). Bien que Pelon se montre prudent et n’évoque qu’à demi-mot l’existence d’une ouverture vers le couloir (C), le fait que des cloisons similaires furent utilisées pour subdiviser ce dernier en deux autres points (Pelon 1980 : 227, pl. 22. 1 et 158. 2) tendrait à prouver qu’il s’agit d’une opération identique (Troubled Island : 184)361. Au centre du quartier III, on retrouvait une salle minoenne canonique faite d’une pièce principale (III 7a), d’un vestibule (III 7b) et d’un puits de lumière (III 7c) (Pelon 1980 : 110, Fig. 8 ; Schmid 1983 ; Lloyd 1997-1998 : 128, tableau 1, Fig. 11). Elle était dallée de grandes plaques de calcaire irrégulières dont les joints étaient remplis d’enduit (Pelon 1980 : 111). Au Nord et à l’Est de III 7a, se dessinait un portique (IV 1) (Chapouthier et Demargne 1962 : 34-35). Selon toute vraisemblance, il s’étendait jusqu’au Nord de l’ouverture vers III 1 et était constitué de cinq colonnes entre deux piliers au Nord et de deux piliers vers l’Est (Pelon 1980 : 113-114). À l’Est de son retour sud, il aurait laissé place à une courette étroite et allongée, une sorte de puits de lumière (Pelon 1980 : 115)362. En ce qui concerne l’ouverture de ce puits de lumière en direction de IV b, les hypothèses divergent. Pelon, tout comme en ce qui concerne l’ouverture entre IV 2a et IV a, se refuse à admettre l’existence d’une porte et considère les espaces IV a-b comme « perdus, sans communication ni avec l’Ouest ni avec le Sud » (Pelon 1980 : 116)363. De son côté, Van Effenterre y voit un escalier accessible depuis IV 2a dont le retour IV b formerait un sottoscala accessible depuis IV1 (van Effenterre 1980 : 307-308)364. L’hypothèse des premiers fouilleurs, reprise par Preziosi, est celle d’un simple « couloir à deux branches présentant un curieux cul-de-sac » mettant IV 1 et IV 2a (Chapouthier et Charbonneaux 1928 : 16-17 ; Preziosi 1983 : 117). Néanmoins, le fait qu’il existe déjà un escalier en III b-c et en IV 7-8 rend peu probable l’implantation d’un troisième, aussi préférons-nous nous en tenir à la première hypothèse des fouilleurs, les arguments de Pelon ne nous semblant guère convaincants dans ce cas précis. Depuis III 7b, un couloir (IIIa) donnait accès au Sud à l’escalier III b-c, au Nord, à la pièce III 1, dallée de manière similaire à la salle minoenne, que Graham rapprocha à juste titre de la pièce 81 du palais de Phaistos (Graham 1959 : 50-51). Cette pièce s’ouvrait sur III 2 et sur le bain lustral (III 4) (Pelon 1980 : 118-120)365. Le petit passage (III d) séparé du puits de lumière (III 7c) par une porte desservait les pièces dallées III 5 et III 6 qui communiquaient également entre elles (Pelon 1980 : 120-122 ; Pelon 1992 : 31)366. À l’Est, directement accessible par le biais d’une ouverture dépourvue de porte, depuis le puits de lumière (III 7c), la pièce III 8, dotée d’un pilier, fit couler beaucoup d’encre (Pelon 1980 : 122-123 ; van Effenterre 1980 : 364-366)367. Si l’on se concentre désormais sur l’aile ouest, la plus vaste du palais, on remarque qu’elle peut être globalement divisée en trois parties délimitées par le grand couloir (C) : une partie sud, qui sera abordée en premier, une partie ouest, constituée de magasins, et une partie est s’étendant de la cour centrale au couloir en question. Directement à l’Ouest de l’entrée sud, on retrouve les quartiers sud-ouest (XVII et XVIII) (Pelon 1980 : 210-221, Fig. 14). Dans un premier état, cette zone était accessible, tant depuis un petit escalier s’ouvrant au sud-ouest de la pièce XIVII 1 (Pelon 1980 : 212)368 que depuis l’extérieur en XVIII 1. Avant la destruction du palais, divers remaniements furent effectués : on bloqua l’ouverture entre XVII 2 et XVII 3 ainsi qu’en XVIII 5b et XVIII 8 et on créa l’annexe XVIII 2 en subdivisant XVIII 1. De plus, un dispositif de briques vint également bloquer l’ouverture entre XVIII 1 et XVIII 5a (Pelon 1980 : 218). XVIII 3 contenait de nombreuses jarres et pithoi et devait être une sorte de magasin alors que XVIII 4 était, de toute vraisemblance, un espace dépourvu de porte (Pelon 1980 : 213). XVIII 1 contenait un petit autel (qui s’insérait probablement dans le dispositif en briques susmentionné) et de nombreux objets qui amenèrent à qualifier cette pièce de sanctuaire (Chapouthier et Demargne 1962 : 9-12, 52-54 et 58 ; Pelon 1980 : 215-218, pl. 154. 4 ; Gesell 1985 : 106)369. L’annexe XVIII 2 contenait une « fosse dépotoir au sein de laquelle étaient entassés les vases cultuels hors d’usage » (Pelon 1980 : 219). XVIII 3 et 4 étaient séparées par une porte, la seconde formant indéniablement une zone de stockage (Pelon 1980 : 219-220, n. 1). D’après Pelon (Pelon 1980 : 221), dans le premier état, le sanctuaire se serait situé, au terme « d’un itinéraire en spirale de caractère bien minoen » au sein des pièces XVIII 6-7. Par la suite, consécutivement aux divers remaniements, il serait passé en façade (en XVIII 1) et n’aurait plus été accessible que depuis l’extérieur du palais370. Situé à l’Ouest de ce secteur, le bloc des silos bien qu’attenant au palais, n’était accessible que depuis l’extérieur, via la cour ouest (Pelon 1980 : 222-226, Fig. 17). Au Nord des deux secteurs précédemment évoqués, s’étendaient les quartiers XIX et XX (Pelon 1980 : 156-159). Bien qu’à un moment de l’histoire du palais, une ouverture (par la suite bloquée par une cloison de briques) semble avoir existé entre le couloir (C) et XX 1c, ce secteur eut probablement comme fonction principale de supporter l’architecture de l’étage371. À ce sujet, l’espace XIX 7 révéla de nombreux fragments de stuc peint tombés d’un niveau supérieur (Pelon 1980 : 158, n. 1). Le bloc des magasins (VIII et I) s’organisait à l’Ouest d’un vaste corridor, divisé en deux parties lors de la phase finale du bâtiment372. C’est au sein des magasins VIII que l’on identifia des contreforts régulièrement disposés373. Plus au Nord, le mystérieux massif (I 1) ne laisse place qu’à deux magasins peu profonds et largement ouverts sur le couloir, I 2-3 (Pelon 1980 : 229-232, Fig. 18). La partie nord du quartier I se distingue du reste des magasins dans la mesure où elle est construite dans une maçonnerie d’ammouda qui diffère du blocage employé ailleurs. De plus, les murs nord des trois magasins qui la composent sont porteurs de nombreux signes incisés (double-hache, étoile, trident) (Pelon 1980 : 232-233, pl. 161. 3)374. I 5 et I 6 disposaient d’une ouverture réduite dotée d’un seuil alors que l’extrémité est de I 4 était béante sur le couloir (C) (Pelon 1980 : 234, pl. 20. 2). Les premiers fouilleurs y postulèrent l’existence de contreforts, similaires à ceux retrouvés en I 5-6 (Chapouthier et Charbonneaux 1928 : 8). Le quartier VII fut très vite considéré comme jouant un rôle primordial dans le fonctionnement du palais (Chapouthier et Demargne 1962 : 27 ; Pelon 1980 : 159-171, Fig. 10). L’ensemble du secteur, caractérisé par un système de circulation très élaboré, semble avoir été organisé autour des espaces VII 3-4, généralement interprétés comme une crypte à piliers et son avant-salle (Preziosi 1983 : 108-111)375. Les seuls remaniements semblant avoir affecté le secteur sont la fermeture d’une ouverture entre VII 1 et VII 3 (Pelon 1980 : 161) et peut-être, une seconde entre VII 9 et le couloir (C) (Troubled Island : 184)376. VII 1 formait une sorte de vestibule dallé doté d’une annexe (VII 2) s’ouvrant tant vers le Nord que vers le Sud. La crypte à piliers (VII 4) et ses dépendances immédiates se distinguent d’une part par l’appareillage soigné de leurs murs en grands blocs d’ammouda travaillés et disposés en assises régulières, d’autre part, par le fait qu’aucune des ouvertures qui les mettent en communication n’était marquée d’un seuil ni ne portait les traces d’une porte (Pelon 1980 : 163-164). Les pièces VII 4 et VII 3 étaient dallés et séparées par une baie à deux colonnes qui fut vite remplacée par une ouverture plus réduite (Pelon 1980 : 162-163). VII 3 était pourvue d’une banquette le long de son mur sud. Les piliers de VII 4, n’ayant apparemment aucun rôle structurel, étaient gravés de signes à plusieurs endroits (double-hache, étoile à huit branches, trident) (Pelon 1980 : 164-165). Les espaces VII 6, VII 12, VII 10 et VII 11 formaient un réseau de couloirs377. Desservies par ce dernier, quelques pièces faisaient la jonction en direction du couloir (C). Les compartiments VII 13-14, au même titre que VII 7, formaient plus des passages que de véritables pièces. Au sein de la première, on mit au jour une pierre plate ornée de cupules (interprétée comme un kernos) qui était probablement disposée sur un bloc de sideropetra recouvert d’un enduit stuqué (Pelon 1980 : 166, pl. 3. 2). VII 8 et VII 9 n’étaient séparées que par un mur-écran et, malgré son aspect délabré, ce bloc fut considéré par Pelon comme la zone de préparation de l’essentiel des rites prenant place dans la crypte à piliers (Pelon 1980 : 169-171)378. Situé juste au Nord, le quartier VI formait en quelque sorte une zone annexe à la loggia (VI 1) et à l’espace (VI 3-4) qui la bordait au Nord (Pelon 1980 : 171-178). Le secteur numéroté VI 2 et VI 6 était extrêmement ruiné au moment de la fouille. D’après Pelon, les divisions qu’y virent les premiers fouilleurs étaient pour le moins conjecturales (Pelon 1980 : 172). Il postula l’existence d’un petit couloir dallé Nord-Sud (VI 6b)379 donnant accès aux escaliers menant vers les pièces de façade et ouvert côté Ouest sur une seule pièce (VI 2b-VI 6a) dotée, au Nord, d’une petite annexe pourvue d’une niche de rangement (VI 2a) (Pelon 1980 : 175). La niche en question ayant pu servir à entreposer les objets découverts à proximité (dont notamment la fameuse hachette de schiste en protomé de léopard) (Pelon 1980 : 173, n. 4). Alors que VI 7 et VI 10 apparaissent plus comme des pièces de passage, VI 9 était dotée de banquettes le long de ses murs sud et ouest et devait avoir une fonction particulière, impossible à élucider aujourd’hui (Pelon 1980 : 177). Les cellules VI 11 et VI 12 étaient situées en contrebas des autres380. La différence de niveau était rattrapée par de petits emmarchements. Le mauvais état de conservation (et le fait que bon nombre des murs aient été remontés après la fouille) empêche de se prononcer de manière formelle sur la zone, néanmoins, on se contentera de rappeler que les fouilleurs, suite à la découverte de nombreuses feuilles d’or, interprétèrent VI 12 comme un réduit destiné à stocker les objets précieux (Chapouthier et Charbonneaux 1928 : 26). Le mur ouest de la pièce VI 11 réduit dans sa partie centrale à une simple cloison de briques crues (37cm d’épaisseur) fut tout d’abord interprété comme l’emplacement d’une fenêtre mais Pelon s’opposa à son existence, tout comme à celle d’une éventuelle ouverture (Chapouthier et Charbonneaux 1928 : 24 ; Pelon 1980 : 178, n. 1)381. De la même manière, notamment sur base de photos d’époque, il se prononça contre l’ouverture ménagée lors des restaurations entre le couloir (C) et II 1a (Pelon 1980 : 178-179, pl. 13. 1-2 et 14. 1)382. Par contre, il est indiscutable que ces pièces en enfilade (II a-c), probablement des magasins si l’on en juge par la quantité impressionnante de vases qu’ils contenaient, étaient connectées à l’espace VI 2b-VI 6a (Pelon 1980 : 180). Les cellules II 2-3 auraient formé la cage d’un escalier (Pelon 1980 : 180-181). Il se serait élevé à partir de la cellule II 2, ouverte sur le couloir, et aurait fait retour en II 3383.
95Bien que nous ayons attiré l’attention sur les interrogations et les incertitudes qui concernent la chronologie du palais, nous avons choisi d’en aborder deux phases distinctes384. Ces dernières nous semblent toutes deux dater du MR I sans qu’il soit possible de leur attribuer une datation absolue plus précise avec certitude. Néanmoins, en termes de chronologie relative, l’une est indubitablement postérieure à la seconde. La première phase envisagée serait celle du palais tel qu’il fut probablement conçu, avant repentir ou modifications. La seconde prend en compte toutes les modifications ayant été repérées au sein du bâtiment et ce même s’il est probable qu’elles ne soient pas tout à fait contemporaines et ne forment pas réellement une opération uniforme à l’échelle de l’édifice dans son ensemble385. Quoi qu’il en soit, la plupart de ces modifications sont caractérisées par l’usage de la brique crue et affectent considérablement les modèles de circulation dans certaines parties du palais386. En ce sens, il nous semble utile d’en donner un aperçu, notamment en rapport avec la situation de la première phase. Quoi qu’il en soit, certaines des modifications nous semblent de nature trop conjecturale que pour être intégrées à l’analyse. Il s’agit de l’ouverture entre le couloir (C) et VI 11 ainsi que la fermeture de l’ouverture entre ce même couloir et la cellule VII 9 (voir Fig. 146 - en rouge)387. Tout d’abord, il est nécessaire de rappeler que ce secteur fut abondamment restauré suite aux premières fouilles. Il est donc possible qu’il ait été partiellement altéré, ce qui complique considérablement la lecture des ruines. L’existence des deux éléments susmentionnés n’est affirmée nulle part, elle n’est que prudemment évoquée (Troubled Island : 184)388. Précisons également que le relevé pierre à pierre ne fait nullement mention de l’existence d’un mur de briques en VII 9 (Pelon 1980, plan 24)389. De manière générale, la ‘première phase’ sera abordée de manière très prudente car, comme on l’évoquera dans le cas du palais de Phaistos (La Rosa 2002), il est délicat d’affirmer avec certitude que les modifications précédemment évoquées caractérisent une phase à proprement parler390. C’est donc la phase finale, c'est-à-dire l’état dans lequel le palais fut mis au jour, qui est le principal objet d’étude. La ‘première phase’ n’étant évoquée que pour contraster certaines constatations391. Par manque de clarté en termes de connexions spatiales, les secteurs XXVIII, XV, XIV, XIX et XX ne sont pas intégrés à l’analyse392. Bien que, d’une phase à l’autre, les plans justifiés présentent certaines différences (dont une perte en terme de distributivité), le pourcentage des types topologiques reste globalement constant : environ 33 % d’espaces de type a, 16 % de type b, 34 % de type c, 15 % de type d et 2 % d’indéfinis. Le palais de Malia forme donc un système spatial dont la distributivité est fort prononcée. Le plan justifié de la première phase en est l’expression parfaite (Fig. 147). Avec une profondeur moyenne de 3,903 pour 145 cellules et une écrasante majorité d’espaces de type c et d ainsi qu’un faible pourcentage d’espaces de type b, cet édifice offre l’image d’une structure perméable caractérisée par une forte distributivité. La différence fondamentale que présente ce graphe par rapport à celui de la phase finale concerne essentiellement l’accessibilité et l’intégration du secteur nord-ouest, à savoir les quartiers IV et III393. En effet, l’existence d’une ouverture présumée entre le couloir (C) et le couloir IV 6 contribuait potentiellement à faciliter l’approche des environs de la salle minoenne (III 7a-c)394. Dans une telle configuration, l’entrée ouest aurait constitué le point de pénétration le plus direct vers la majeure partie des espaces du bâtiment395. En termes de valeur de contrôle, les cellules de la ‘première phase’ ayant les valeurs les plus élevées396 sont, dans l’ordre décroissant, le couloir (C), la cour nord, le couloir des magasins est, le couloir d’accès de l’entrée nord-est, la cour centrale et le couloir d’accès de l’entrée sud. Bien qu’inférieure à celle de la ‘première phase’ la distributivité du plan justifié de la phase finale du palais de Malia reste importante (Fig. 148). Par rapport à la ‘première phase’, certaines évolutions sont assez nettes. Ainsi, on constate que les circulations continuent à s’inscrire au sein de réseaux flexibles en termes de mouvement bien qu’elles soient parfois reléguées à un niveau de profondeur supérieur. Cette évolution est particulièrement évidente dans les secteurs nord et dans l’aile ouest. Elle est due à l’adjonction d’une structure contribuant à restreindre l’accès à l’entrée nord-est et consécutivement à ancrer plus profondément la cour nord, un des noyaux des circulations. La division du couloir (C) et la fermeture de sa connexion avec IV 6 qui scinde le secteur des magasins et isole considérablement les quartiers IV et III, dont la cour nord-ouest est alors le seul point d’accès, en étant le deuxième facteur397. Une évolution indéniable se retrouve également dans le secteur du sanctuaire sud-ouest (quartier XVIII) qui, suite au blocage en XVII 2, n’est désormais plus accessible que depuis l’extérieur. Au contraire, la situation n’évolue guère au niveau des entrées sud et sud-est. En effet, elles desservent directement la cour centrale qui donne aisément accès à l’aile sud et est ainsi qu’à la partie orientale de l’aile ouest (c'est-à-dire les quartiers VII et VI) et à la partie méridionale de l’aile nord (c'est-à-dire le quartier IX). En soi, il est assez révélateur que l’espace le plus intégré soit presque directement accessible depuis l’extérieur. Il est étonnant de constater à quel point le palais de Malia se révèle être un édifice à la configuration complexe. En effet, la flexibilité qu’offre ce bâtiment en termes de circulation illustre le fait que ce n’est pas uniquement le tracé architectural qui génère les modèles de mouvement (comme il pourrait le faire en contraignant les circulations au sein d’une séquence d’étapes bien spécifique - par exemple par le biais d’espaces de type b).
96La multiplicité de choix offerte, déroutante à nos yeux à première vue, devait être ‘résolue’ par le biais de signaux dont nous avons perdu la trace ou que, n’étant pas minoens, nous ne sommes plus à même d’apprécier aujourd’hui398. C’est ainsi que Preziosi est amené à qualifier les connexions spatiales unissant le secteur VII au couloir (C) et, par extension, aux magasins (I et VIII) :
Because of the variety of alternative routings, traffic to various functional areas may be directed through different doors and passages with a minimum of reduplication and interference. […] In order for such a traffic network to function effectively, entrants must know where they are headed beforehand, or there must be some system of denotation acting to control and shunt passage (Preziosi 1983 : 110).
97Avec 7 espaces de type d, 7 de type c, 9 de type a (les magasins) et un de type b (l’escalier II 2 qui pourrait avoir été de type c), il est évident que cette zone présentait une étonnante complexité de connexions399. Il faut également remarquer que c’est au niveau de la cour nord-ouest (privée de sa connexion avec la cellule V 3) que s’exprime un changement en termes de gestion des mouvements. En effet, étant désormais de type b, la cour en question trahit un contrôle plus basique des circulations, les canalisant véritablement en direction des secteurs IV et III. Le palais de Malia étant doté de plusieurs entrées, il peut être intéressant de les envisager séparément400. Depuis l’entrée nord, généralement considérée comme une des entrées principales de l’édifice si pas la plus importante, le graphe présente quatorze niveaux de profondeur (Fig. 149). On accède très aisément à la cour nord ainsi qu’aux quartiers lui étant étroitement liés, c'est-à-dire les secteurs XIV-XVIII qui donnent l’impression d’être une zone de service. Cette entrée est également, avec l’entrée nord-est, l’accès le plus direct en direction des secteurs IV et III, la cour nord-ouest formant un point de passage obligé. À ce titre, il est intéressant de remarquer que ses murs est et ouest ont davantage l’apparence de murs de façade, le second présentant même des décrochements décoratifs. Durant la phase finale, à l’inverse de la cour nord qui constitue un centre pour les salles périphériques, la cour nord-ouest « apparaît comme une allée monumentale conduisant à un secteur essentiel de l’édifice » (Pelon 1992 : 28). Reléguée au septième niveau de profondeur et accessible par le biais du couloir (C’) pouvant être fermé à chacune de ses extrémités, la cour centrale dessert le reste du bâtiment, bien plus profondément ancré. Depuis l’entrée nord-est, la situation est fort similaire (Fig. 151). On accédait néanmoins plus directement à trois cellules du secteur XVII. Au sujet de cette entrée, il convient de préciser que les murs construits à proximité donnent clairement l’impression d’un désir de clôture de la zone401. L’entrée sud offre une perspective totalement opposée à celles des ouvertures nord (Fig. 153). En effet, le graphe, qui affiche seize niveaux de profondeur, se caractérise par un accès direct à la cour centrale et consécutivement, par un accès plus aisé aux espaces qu’elle dessert. En revanche, implantée au sixième niveau de profondeur, la cour nord constitue une destination moins aisée, ce qui explique la réclusion manifeste des secteurs IV et III. L’entrée sud-est présente une situation extrêmement similaire à la différence que les magasins est (quartier XI et XII) gagnent quelque peu en accessibilité (Fig. 155). L’entrée ouest, qui formait potentiellement un point de pénétration majeur dans l’édifice durant la ‘première phase’, articule un graphe de vingt-deux niveaux de profondeur dans l’état final du palais (Fig. 157). Si elle reste l’entrée la plus directe en ce qui concerne l’accès aux magasins de l’aile ouest (particulièrement le quartier I mais également le quartier VIII bien qu’implanté au sixième niveau de profondeur), elle est loin de l’être pour le reste du bâtiment. On constate ainsi à quel point les secteurs IV et III sont désormais reclus par rapport à cette entrée qui, dans un premier temps, aurait pu les desservir assez aisément. Il est également important de faire remarquer que chacune de ces entrées dispose d’un accès assez direct à l’étage402. En ce qui concerne les valeurs quantitatives, on constate assez peu de variation en fonction du fait que l’extérieur soit pris en compte ou non dans les calculs (Fig. 159 et 160)403. Cette particularité est également mise en évidence dans l’analyse des autres palais minoens et sera évoquée plus en détails dans le chapitre suivant. Si l’on compare les deux phases, il est évident que l’intégration du système dans son ensemble baisse de l’une à l’autre (de 0,623 à 0,824). Néanmoins, cette valeur reste très haute pour un édifice de cette ampleur. Durant la seconde phase, la cellule la mieux intégrée est sans conteste la cour centrale (ce qui vaut également pour la ‘première phase’). Certaines des cellules qui la bordent directement, comme la loggia (VI 1), l’escalier (VI 8) ou encore la terrasse (XVI 1), ont-elles aussi une intégration assez prononcée. Ce qui est également le cas de la cour nord. Les espaces présentant la plus forte ségrégation se trouvent majoritairement dans le quartier III. D’une phase à l’autre, la perte conséquente d’intégration du couloir (C) et des secteurs III et IV est particulièrement remarquable. Par contre, la hiérarchie d’intégration des différents escaliers reste relativement similaire404. En ce qui concerne les valeurs de contrôle, les cellules de la ‘seconde phase’ ayant les valeurs les plus élevées405 sont, dans l’ordre décroissant, le couloir (C1), le couloir des magasins est, la cour nord, la cour centrale, le couloir (C2), le couloir d’accès de l’entrée nord-est et le couloir d’accès de l’entrée sud (Fig. 161 et 162).
98Parallèlement à l’évocation des données Depthmap de la phase finale du palais, il peut être intéressant de considérer brièvement les résultats de l’analyse de la ‘première phase’. À cet effet, deux plans seront systématiquement proposés afin d’obtenir des informations complémentaires aux constatations découlant de l’analyse de la syntaxe spatiale. En ce qui concerne l’intégration visuelle (Fig. 163a et 164a), on remarque très aisément l’évolution qu’aurait suivi le palais. Si l’intégration de la cour centrale et de la cour nord reste assez forte d’une phase à l’autre, la situation du couloir (C), des magasins (I) et des quartiers IV et III est change de manière assez radicale. À l’échelle de l’édifice dans son ensemble, les étapes de profondeur visuelle illustrent assez bien la perte de perméabilité de certaines zones d’un état à l’autre (Fig. 163b et 164b). Néanmoins, c’est en envisageant les entrées séparément que l’on obtient les résultats les plus significatifs. À ce titre, la comparaison des étapes de profondeur visuelle de l’entrée ouest durant les deux phases est saisissante (Fig. 158 et 169). La construction des murs aux abords de l’entrée nord-est affecta également sa situation, diminuant la perméabilité visuelle durant la phase finale (Fig. 152 et 166). Si les différences en ce qui concerne les autres entrées sont moins nettes, elles ne sont pas absentes pour autant (Fig. 150/165, 154/167 et 156/168). Il est intéressant de constater que, durant la seconde phase, quelque soit l’entrée choisie, la réclusion visuelle des secteurs IV et III est fortement marquée. À l’exception de l’entrée ouest, cette remarque s’applique également aux magasins (I). En termes de contrôle et de contrôlabilité, les résultats restent relativement similaires d’une phase à l’autre. Les espaces disposant du plus important potentiel de contrôle visuel sont : la cour centrale, la cour nord ainsi que les couloirs d’accès aux magasins (ouest - I et VIII - ainsi qu’est - XI) (Fig. 163c et 164c)406. En ce qui concerne la contrôlabilité, les espaces se distinguant particulièrement sont les suivants : la cour centrale, l’espace ouvert associé au quartier III, la cellule X 4, la salle hypostyle (IX 2), le bain lustral (III 4) ainsi que quelques autres zones moins clairement définies (Fig. 163d et 164d).
99À l’exception de l’entrée nord, tous les accès au palais se présentent sous la forme d’espaces allongés faisant écho à l’axe arrière-avant. Aussi, bien qu’ils aient parfois desservi des espaces perpendiculairement, ils induisaient certainement un dynamisme en direction de l’intérieur de l’édifice. De plus, il est important de signaler que chacun de ces passages donnait directement accès à un important nœud des circulations au sein de l’édifice407 : la cour nord pour les entrées nord et nord-est, la cour centrale pour les entrées sud et sud-est et le couloir (C) pour l’entrée ouest. Prises individuellement, les entrées méritent quelques commentaires. D’un tracé bien différent des autres, l’entrée nord adoptait un profil coudé sur lequel insistèrent les fouilleurs. Sa première partie, une sorte de porche, formait une transition douce entre l’extérieur et l’intérieur, la banquette située à proximité ayant pu servir de poste de surveillance ou d’admission. En rupture avec l’axe d’entrée, la seconde partie de ce système d’accès s’ouvrait alors directement sur la cour nord. Le fait que cette entrée, étroitement associée à l’aboutissement du trottoir surhaussé, soit la seule à adopter un profil en chicane est assez interpellant. D’après les fouilleurs, ce type d’entrée a pour fonction principale de dissimuler l’intérieur du bâti à la vue des arrivants. Associé à la voie dallée (à laquelle on attribue souvent un caractère processionnel), ce dispositif créant un effet de surprise, de révélation brutale, pouvait contribuer à une certaine dramaturgie spatiale destinée à impressionner les visiteurs408. Au sujet de cette entrée, les fouilleurs firent une constatation assez intéressante. En effet, ils remarquèrent que l’usure des seuils (entre l’extérieur et le porche ainsi qu’entre ce dernier et la seconde partie du système d’entrée) attestait du fait que cette zone était traversée en oblique (Chapouthier et Demargne 1942 : 21). Cela prouve que bien que les cellules ne présentaient pas une structure favorisant un déplacement linéaire, on adoptait un mouvement de ce type en leur sein. Ainsi, comme on aurait pu s’en douter, le tracé en chicane n’induisait pas un mouvement dessinant une perpendiculaire stricte, sa portée étant davantage d’ordre intuitif. Si l’on prend en compte l’existence des bases de colonnes pouvant attester de la présence d’un appentis associé à l’entrée nord-est, cette dernière aurait également été précédée d’une transition douce entre extérieur et intérieur. Comme nous l’avons signalé ci-dessus, il est évident que la construction des murs circonscrivant la zone directement associée à cette entrée contribua à restreindre la liberté de mouvement. En lui-même, long et étroit, ce passage canalisait indubitablement les circulations en direction du portique de la cour nord. L’ampleur de cet espace ouvert contribuant probablement à atténuer tout dynamisme. Il faut également rappeler le fait que le corridor (C’) était pourvu de portes à ses deux extrémités ce qui offrait la possibilité de bien séparer le secteur nord de la cour centrale409. Le corridor (I 7), d’un tracé similaire au passage de l’entrée nord-est, conduisait uniquement en direction du couloir (C). Malgré une rupture d’axe, le profil de ce couloir en faisait certainement un puissant vecteur de mouvement. De plus, jalonné d’une multiplicité d’ouvertures, il formait l’espace de transition par excellence. Les entrées sud et sud-est, malgré une élaboration différente (la première étant plus soignée que la seconde), invitaient clairement à prendre la direction de la cour centrale qui en formait l’aboutissement. En ce qui concerne la première, il est intéressant de constater qu’elle faisait écho, de l’autre côté de la cour centrale, au corridor (C’)410. En ce qui concerne l’édifice dans son ensemble, il est évident, comme Pelon l’évoqua plus d’une fois, que les axes de circulation étaient presque systématiquement rompus, créant des mouvements tortueux et complexes. Malgré tout, certaines zones présentaient des connexions spatiales plus claires et systématiques411. C’était notamment le cas au niveau des magasins ouest (I et VIII), des magasins est (XI), du secteur X et des cellules du quartier XXVII412. Sans entrer dans les détails de l’organisation interne du bâtiment, précédemment évoquée dans sa description, il est nécessaire d’attirer une nouvelle fois l’attention sur l’agencement de certains secteurs. En effet, la division du bâtiment en quartiers nous semble particulièrement justifiée dans certaines zones. C’est le cas des quartiers VI et VII bien qu’ils présentent un ordonnancement spatial différent413. Dans le premier cas, la loggia (VI 1) et peut-être l’espace VI 3-4, en correspondance directe avec la cour centrale, forment évidemment les cellules principales du quartier, les autres pièces leur semblant assujetties, à plus forte raison durant la phase finale du palais. Dans le second cas, la pièce principale, la crypte à piliers (VII 4), forme le centre du quartier et le nœud des circulations entre cour centrale et zone de stockage. Aussi, il semble que le quartier VI ait résolument été orienté vers la cour centrale par le biais de la loggia, les autres espaces le constituant faisant davantage office de dépendances. Au contraire, le quartier VII, dont la perméabilité n’est plus à mettre en évidence, semblait former une interface entre la cour et les magasins. Cette constatation est d’autant plus évidente dans la partie sud du quartier où les cellules 10-14 formaient une succession de zones de transition. Dans la partie nord, la circulation était plus intriquée et étroitement liée au passage par la crypte à piliers. En termes d’aménagement indirect des circulations, les secteurs IV et III se distinguent tout particulièrement. Durant la phase finale, avec la fermeture présumée de l’ouverture entre (C) et IV 6 ainsi que le blocage de l’accès entre IV 9 et VI 2a, cette zone est clairement séparée du reste de l’édifice. La séparation est d’autant plus nette que ces quartiers n’étaient alors accessibles que depuis un espace extérieur, la cour nord-ouest, à la monumentalité exacerbée. Le fait que ce passage était bien conçu comme une transition entre l’extérieur et l’intérieur est signalé par la présence du porche (IV 2b). Même si les cours ouest et centrale seront évoquées à la lumière de l’analyse des différents palais à la fin de ce chapitre, quelques remarques concernant Malia peuvent d’ores et déjà être formulées. Dotée d’une grande superficie, la cour ouest conservait un statut positif en étant clairement limitée, tant par un revêtement de surface lui étant propre que par des constructions la circonscrivant. Elle est le seul espace ouvert entourant le palais dont on connaît approximativement les dimensions et forme l’aboutissement d’au moins deux axes de communication. À ce titre, elle constituait très certainement un point d’observation privilégié en direction du palais et plus particulièrement de la façade ouest de ce dernier, généralement considérée comme monumentale (van Effenterre 1987). En utilisant le premier palier de Märtens (18°), on peut tenter d’évaluer la taille minimale qu’aurait dû avoir la façade ouest pour être perçue comme verticalement monumentale par un observateur situé à l’extrémité ouest de la cour occidentale414. On obtient ainsi une hauteur comprise entre 8m30 et 11m60. Si l’on se base sur les restitutions proposées (Graham 1960 ; Graham 1979 : 53-57 ; van Effenterre 1980 : 335, Fig. 457), il est possible qu’une telle hauteur ait été atteinte par la partie centrale de la façade ouest. Néanmoins, on est en droit de se demander si la monumentalité de cette façade ne s’est pas exprimée dans l’horizontalité plus que dans la verticalité. En effet, une façade de ce type forme un plan vertical allongé :
La forme couchée du plan vertical, vu de face à une certaine distance, est reposante et statique. Mais si le plan devient franchement allongé, il nous oblige à bouger la tête et à inscrire plusieurs fois notre ellipse de vision dans sa largeur, ce qui fait que l’espace déterminé en avant de nous perd son caractère pré-statique tout en demeurant pré-positif (Cousin 1980 : 96-97).
100Un plan de ce type, bien qu’il puisse garder un caractère protecteur, rend le mouvement possible et parvient même à la provoquer. En effet, à mesure que l’on s’approche de la paroi verticale de la façade, on est automatiquement incité à emprunter une direction lui étant parallèle pour la contourner. Si l’on en croit Cousin, cette « incitation très puissante » est telle que même si une ouverture se présentait dans la paroi, une personne confrontée de près à la façade aurait tendance à continuer ce « mouvement tangentiel au lieu de profiter de ce passage vers l’espace adjacent » (Cousin 1980 : 97)415. La présence du trottoir surhaussé, proche de la façade, pourrait avoir été liée à ce phénomène (Letesson et Vansteenhuyse 2006 : 100). En effet, ce dernier longe la façade selon un axe plus ou moins parallèle et finit par la contourner pour mener à l’entrée nord (Driessen 2007). C’est donc en relation avec un cheminement particulier que la façade ouest aurait alors été essentiellement perçue, son élongation horizontale étant le principal vecteur de sa monumentalité (Letesson et Vansteenhuyse : 101). Appliquées à la cour centrale, l’ellipse de vision et la zone de vision optimale permettent de définir les hauteurs à partir desquelles les façades qui la circonscrivent pourraient avoir instillé un sentiment désagréable de cloisonnement spatial (Cousin 1980 : 145-148). Ainsi, pour un observateur situé au milieu de la cour centrale, on obtient, pour les façades nord et sud une hauteur maximale comprise entre environ 13m (zone de vision optimale) et 7m80 (ellipse de vision) et pour les façades est et ouest, entre 8m30 (zone de vision optimale) et 5m20 (ellipse de vision). Dans l’ensemble, ces limites rendent possible l’existence d’un étage dans les différentes ailes du palais. Néanmoins, il convient de préciser que la cour centrale du palais de Malia ne devait pas être perçue comme un contexte visuellement oppressant dans la mesure où toutes les ailes ne disposaient probablement pas d’un véritable étage. À ce sujet, le fait que l’aile est n’était pas pourvue d’un escalier lui étant propre (à la différence de la majorité des autres secteurs) pourrait évoquer le fait qu’elle ne disposait tout simplement que d’un rez-de-chaussée416. En ce qui concerne le quartier XIII, Pelon postula l’existence d’un simple toit terrasse plutôt que d’un véritable étage (Pelon 1980 : 206). Pour peu que l’on se fie à l’absence d’un escalier, l’aile sud pourrait également n’avoir eu qu’un étage417. Selon toute vraisemblance, même si l’on accepte les hypothèses de Graham en ce qui concerne le Banquet Hall de l’aile nord et le Piano Nobile de l’aile ouest, il est probable que la cour centrale n’ait pas été cloisonnée de toutes parts par des façades élevées.
101Tout comme en ce qui concerne l’étude de l’architecture en tant que domaine passif, une approche synthétique des cours occidentale et centrale est proposée à la fin de ce chapitre à la lumière des résultats obtenus dans l’analyse des autres palais. Néanmoins, certains commentaires peuvent déjà être brièvement évoqués. Ainsi, les zones de communication appliquées en cercles concentriques aux accès principaux sur la cour centrale418 et sous forme de bandes longitudinales à l’aile ouest419, permettent d’évaluer les différentes sphères d’émission/perception sur base desquelles se construisaient probablement les représentations y prenant place (Fig. 170). On remarque ainsi que, pour des observateurs situés en périphérie, une majeure partie de la cour centrale se situait dans une zone nécessitant des modalités de communication publiques de portée restreinte (gris de tonalité moyenne) et étendue (gris clair)420. Si l’on associe les sphères aux divers éléments de nature rituelle présumée mis au jour au sein de la cour, la même constatation peut être formulée. À ce titre, les zones de communication associées à l’autel central (Fig. 171) ou à la boule à cupule (Fig. 172) sont très évocatrices. Au sujet de cette dernière, le fait qu’elle puisse avoir été associée d’une façon ou d’une autre à la loggia et au dallage rectangulaire fut évoqué (van Effenterre 1980 : 352-353, Fig. 484 ; Pelon 2002 : 116). La distance entre ces divers éléments renvoie à une manifestation dont les modalités devaient être largement publiques (portée étendue - gris clair). À ce sujet, il convient de préciser que le champ de vision d’une personne située au niveau du socle de la loggia englobait la boule à cupule ainsi qu’une partie du dallage rectangulaire (Fig. 173). Appliquées à la terrasse au kernos (XVI 1) et à la loggia (VI 1), les sphères de communication mettent en évidence une réalité que l’on retrouvera également au sein des autres palais (Fig. 174) : le fait qu’au niveau des cellules entretenant un contact étroit avec la cour, une communication plus subtile (intime personnelle - gris anthracite - mais surtout sociale - gris foncé) est rendue possible (Letesson et Vansteenhuyse 2006 : 112, n. 10). De manière générale, cette remarque peut s’appliquer à la majorité des points de contact majeurs entre la cour centrale et l’intérieur du palais. Cette observation pourrait être mise en relation avec l’existence présumée de rituels nécessitant un lien étroit entre la cour centrale et certains espaces architecturaux implantés au sein des ailes qui la bordent (Hallager 1987). En ce qui concerne le bain lustral, si le niveau inférieur est clairement associé à la sphère intime/personnelle, le domaine social englobe l’escalier et la balustrade y étant associée (Fig. 175)421. Au-delà des limites du bain lustral, la salle III 1, pour peu qu’elle ait accueilli des personnes assistant à la manifestation prenant place en III 4, aurait formé une zone impliquant des modalités de communication nettement moins subtiles. Avec ses baies à portes multiples et sa partition en trois espaces bien différenciés, la salle minoenne, outre le fait qu’elle pourrait avoir formé un cadre nécessitant des modalités de communication publiques, offrait la possibilité d’affecter les représentations y prenant place en modulant son tracé (Fig. 176)422. En ce qui concerne la crypte hypostyle (VII 4), si les limites de la cellule semblent correspondre à des modalités de communication s’échelonnant du niveau intime/personnel à la sphère publique de portée restreinte, la cellule y étant le plus directement associée (c'est-à-dire l’espace VII 3) aurait constitué un poste d’observation nécessitant des modalités de communication largement plus publiques (Fig. 177). Si l’on centre les sphères sur l’axe Nord-Sud que dessinent les piliers, on peut constater que la zone de communication sociale s’interrompt à la limite de ces deux pièces423. Espaces bien circonscrits et d’une superficie relativement réduite, le sanctuaire présumé XVIII 7 et le sanctuaire XVIII 1 lui ayant succédé forment des zones où la communication devait prendre un profil intime/personnel ou social (Fig. 178 et 179). Bien que le second se soit rapproché de l’extérieur de l’édifice, le fait que des murs en restreignant l’accès aient été construits tendrait à limiter la représentation au sein des limites mêmes de la pièce. Néanmoins, il est évident que les modalités de communication auraient évolué à mesure que l’on s’éloignait du point focal du sanctuaire, à savoir l’autel que Pelon reconstitue sur la structure de briques bloquant l’accès à la pièce XVIII 5 (voir ci-dessus ; Gesell 1985 : 106, Fig. 46).
102En termes d’architecture domestique, la ville de Malia permet de retracer une évolution intéressante, jalonnée d’innovations, qui culmine, à l’époque néopalatiale, avec des édifices très élaborés. Ainsi dès les modestes réalisations architecturales du MAIII-MMIA, on retrouve l’entrée en chicane (van Effenterre 1980 : 155)424 et la pièce à foyer et/ou colonne/pilier central (van Effenterre 1980 : 162-163 et 171-174). Cette dernière, souvent interprétée comme le cœur des activités domestiques autour de laquelle s’organisait la distribution des pièces et des annexes425, connut une longue histoire et se retrouve, comme nous le verrons, dans les exemples du néopalatial. C’est au Minoen Moyen II, au sein du Quartier Mu, que sont introduites une série de nouveautés architecturales qui marqueront également l’évolution de l’espace architectural maliote (van Effenterre 1980 : 176-180 ; Schoep 2002a : 111-117). C’est ainsi que l’on voit apparaître les premières cellules en sous-sol, les traces d’étages, un réel souci d’apport d’air et de lumière qui se traduit par la construction de puits de lumière et de dispositions architecturales qui préfigurent le polythyron. On retrouve également le groupement de magasins en batteries de pièces accolées ainsi qu’une véritable « extroversion » spatiale, c'est-à-dire l’annexion par la vie domestique d’une frange du monde extérieur dont témoigne la disposition de banquettes à proximité des entrées (van Effenterre 1980 : 179-180). La période néopalatiale introduit malgré tout son lot de nouveautés. En effet, tout d’abord, en termes d’implantation urbaine, de profonds changements apparaissent. Au prépalatial, « des murs juxtaposés marquaient l’autonomie probable des unités d’habitation » (van Effenterre 1980 : 397). Au protopalatial, « les ruelles séparant les maisons, les rues longeant ou contournant les façades, et surtout les carrefours et les placettes dénotaient l’existence d’un esprit et probablement aussi d’institutions communautaires » (van Effenterre 1980 : 397 ; Schoep 2002a, p. 117-120 ; Schoep 2002b : 20-21). Au néopalatial, on a l’impression qu’il existait un « système pavillonnaire d’habitations », l’apparition de « terrains à bâtir » qui trahit probablement une évolution vers l’affectation privative du sol à l’intérieur du périmètre urbain (van Effenterre 1980 : 397, n. 23)426. L’utilisation du couloir comme espace de transition et de canalisation forcée des circulations en lieu et place d’un agrégat de pièces qui se succèdent directement est également une nouveauté néopalatiale à Malia (van Effenterre 1980 : 398)427. Consécutivement, on assiste à une distribution moins compacte des pièces principales qui s’aèrent et s’organisent de façon plus commode. De manière générale, on a l’impression qu’il existe désormais deux parties au sein de la demeure : une zone résidentielle et une zone de nature plus fonctionnelle, ouverte sur l’extérieur (van Effenterre 1980 : 400). « Toute l’ingéniosité des architectes au néopalatial va tendre […] à réaliser des plans fonctionnels, où la vie se répartit à travers l’édifice par une circulation qui ira en se ramifiant au fur et à mesure que l’on s’éloigne des portes sur la rue, et souvent par une séparation, dès l’entrée, entre la vie domestique et l’activité sociale extérieure. » (van Effenterre 1980 : 402). Afin d’illustrer ces constatations, huit édifices seront abordés à la lumière des diverses analyses. Ils seront brièvement situés au sein de la ville et par rapport au palais et le matériel archéologique qu’ils révélèrent sera sommairement évoqué. Néanmoins, auparavant, il convient d’évoquer succinctement le travail de Dorella Romanou qui a également étudié certains édifices domestiques de Mallia (Romanou 2007). En effet, pour ce faire, elle fit appel à l’analyse de la syntaxe spatiale. Néanmoins, sa méthode diffère de la notre en plusieurs points. Tout d’abord, cherchant à déterminer la nature du groupe résidentiel, elle se concentre uniquement sur l’agencement interne des édifices et ne prend pas l’extérieur en considération. De plus, elle emploie une méthodologie basée sur des graphes axiaux (axial graphs) qui se matérialise sous la forme de plans dont l’échelle de couleur renseigne sur l’intégration des différents espaces428. Sur base de ses analyses, elle parvient à repérer diverses conventions architecturales associées à des zones d’activités particulières. Cela lui permet notamment de restituer l’implantation de zones d’activités au sein d’édifices pour lesquels on conserve peu de matériel archéologique (Romanou 2007 : 81-83). Elle démontre également que les groupes résidentiels à Malia ne sont ni homogènes ni statiques. Elle admet néanmoins que la famille nucléaire forme l’unité domestique élémentaire même si elle n’exclut pas l’existence de groupe plus étendus (comme au sein de Delta-Beta ou deux familles auraient partagé l’édifice) (Romanou 2007 : 88). Sa conclusion principale est la suivante :
[…] by recognizing that residential groups in a community may vary in size and internal organisation, and by investigating those variations, we are establishing what the parameters are for variability in that community. It is only when these parameters are known that we can go on to infer the meanings behind any differences and to recognize significant social change (Romanou 2007 : 88).
103Bien que nous reconnaissions totalement le bien-fondé de cette remarque, la perspective adoptée dans notre analyse est légèrement différente dans le sens où elle se focalise avant tout sur l’ensemble de la production architecturale néopalatiale. Nous reviendrons néanmoins sur ce concept de variations dans la conclusion.
104Fouillé au début des années 30429, le quartier Delta se situe à l’Ouest du palais (Fig. 145). Il est composé d’un réseau de rues bien attesté et de diverses constructions (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 41-43) dont la maison Delta Alpha (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 43-48, pl. LXIII, LXVI et LXVII ; Graham 1962 : 63-64 ; Tire et van Effenterre 1966 : 59-62 ; van Effenterre 1980 : 398-399 ; Preziosi 1983 : 40-41 et 362, Fig. II. 7 et IV. 11A-D ; Fotou et al. 1985 ; Troubled Island : 186, Romanou 2007 : 86, Fig. 9. 5). Cet édifice mesure un peu moins de 14m sur 14 (164m ²) et compte une quinzaine de cellules dont une salle minoenne (3) (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 103 ; Driessen 1982 : 48-50), un bain lustral (7), un système de couloirs (2-4-5-11), des latrines (14) et un escalier. Delta Alpha fut entièrement restaurée (Demargne et Gallet de Santerre 1953, pl. XIX4 ; Graham 1962 : 64) et servait à l’origine de musée d’objets de la vie courante (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 43). Aujourd’hui, la demeure sert d’entrepôt pour les trouvailles céramique de grandes dimensions et n’est plus accessible aux touristes. D’un point de vue chronologique, tout semble indiquer un édifice du MMIII-MRI (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 47)430 qui aurait été détruit par le feu dans une phase avancée du MRIA (Troubled Island : 186). D’un point de vue archéologique, il convient d’évoquer un certain nombre d’éléments afin d’étayer le choix du plan sur base duquel les analyses sont menées à bien (Fig. 180). La cellule 12 est décrite comme contenant de nombreux « vases de magasin » (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 43-44) et qualifiée de réserve (van Effenterre 1980 : 398). Preziosi y postule quant à lui l’existence d’un escalier (Preziosi 1983 : 40, Fig. IV. 11A). Nous avons prit le parti d’adopter celui des fouilleurs car, hormis éventuellement la forme de cette cellule, rien n’atteste de la présence d’un escalier à cet emplacement. Le bâtiment conserve également diverses traces de remaniement431 : les ouvertures entre les cellules 8 et 10 furent découvertes obturées par des cloisons de briques (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 47 ; BCH 106, 1982 : 680 ; Troubled Island : 186), une partie de la cellule 10 fit la part belle au stockage en accueillant un couloir-débarras accessible depuis le corridor (11) (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 47 ; van Effenterre 1980 : 398-399, n. 31, Fig. 533) et on substitua probablement un dispositif de baies au mur sud du couloir (2) (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 44)432. De manière générale, dans une seconde phase, la maison Delta Alpha semble être caractérisée par la fermeture de portes, le nivellement de sols inférieurs et une attention toute particulière sur l’emmagasinage (Troubled Island : 186). L’escalier pose également problème. D’après les fouilleurs, au-delà des premiers degrés, il serait poursuivi en bois avec une deuxième volée prenant appui sur le mur qui limite le couloir (2) et aurait donné accès à une sorte de « grenier léger » (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 47). De son côté, van Effenterre le limite à quelques marches et y voit plutôt l’accès à un rez-de-chaussée surélevé au dessus de la cellule 10, « une salle de séjour à plancher de bois pour l’hiver, à proximité du polythyron aéré pour l’été » (van Effenterre 1980 : 399, n. 31). Quelle qu’ait été la réalité antique, ni le plan au sol, ni le plan justifié ne s’en trouve réellement modifiés. Parmi les trouvailles, une auge en pierre, un mortier et une double hache en bronze furent découverts dans la cellule 9 (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 46 ; Troubled Island : 186), des vases de stockage se trouvaient notamment en 12, le long du mur est en 10 (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 47 ; van Effenterre 1980 : 399, Fig. 533) et le long du mur est dans le couloir (4) (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 45). Les ouvertures fermées par les cloisons de briques en 8 abritaient des marmites, des amphores et des cruches (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 47). La pièce 10 révéla aussi un sceau en pierre (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 47 et p. 62, pl. XVI), on en découvrit également dans la cellule 8 en compagnie d’une figurine en argile et en marbre et d’un anneau en plomb (Kopaka 1984 : 3-12). Délimité par de minces cloisons stuquées, la cellule 14 contenait un « curieux massif fait de pierres et de terre » (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 45). De plus, le fouilleur y repéra, sous le mur, un dispositif d’évacuation des eaux mais se refusa à identifier l’espace, hésitant entre une cuisine et des latrines (van Effenterre 1980 : 399, n. 34). Finalement, Pelon suggéra qu’il fallait y voir des latrines (Pelon 1970 : 147) et cela fut globalement accepté (Troubled Island : 186 ; Bradfer-Burdet 2006 : 110-112, Fig. 2 et 5 : 128, Fig. 22). Pour terminer, notons que les fouilleurs considéraient, à l’exception des latrines, l’ensemble de la zone s’étendant au Nord du bain lustral (7) comme une seule cellule (portant le numéro 6) (Demargne et Gallet de Santerre 1953, pl. LXVI). Néanmoins, les cloisons circonscrivant la cellule 14 au même titre que l’absence de dallage dans la partie ouest (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 45) nous semblent plaider en faveur de la division de la zone en deux cellules (la pièce 6 pavée à l’Est et la cellule 13 non pavée à l’Ouest).
105Avec une légère majorité (56 %) d’espaces de types c et d, le plan justifié (Fig. 181) présente une distributivité assez prononcée. Le graphe s’ouvre sur un des deux espaces de type b, le vestibule (1). Seul point de pénétration dans le système, il possède un fort potentiel de contrôle d’accès. Il commande les circulations en direction de la cellule 12 (type a) et du couloir (2). Ce couloir constitue véritablement la colonne vertébrale de l’édifice. Il s’agit d’un espace de type d, de nature centrifuge. « Seule communication possible entre les lieux de vie » (van Effenterre 1980 : 398), ce couloir met en relation tous les espaces constitutifs de l’édifice. Implanté au sein de tous les anneaux que comporte le graphe, il offre un large éventail de possibilités de circulations sans contraindre le déroulement de ces dernières d’un point de vue syntaxique. Depuis ce corridor central, on peut accéder aux trois parties de l’édifice. En suivant son axe longitudinal, on accède à la salle minoenne (3). La salle principale de cette dernière est également ouverte sur les espaces de transition qui donnent accès aux zones nord et sud (les cellules 5 et 11). Elle commande aussi l’accès vers le vestibule (type b) qui s’ouvre à son tour sur un puits de lumière (type a) en un schéma assez classique. Vers le Nord, le couloir (2) s’ouvre sur deux autres couloirs, les espaces de transition 4 et 5 qui canalisent les circulations vers la zone du bain lustral (7) et de la latrine (14), toutes deux de type a. De ces deux couloirs, la cellule 4 (type c) est plus déterminative quant au mouvement dans la mesure où elle ne donne accès qu’à la cellule 13 alors que le couloir (5) (type d) s’ouvre également sur la salle minoenne. À l’Est, la salle dallée 6 (type c) constitue une étape supplémentaire vers le bain lustral et la latrine. En effet, c’est depuis l’espace 13 (type c) qu’on accède à ces deux cellules dans une configuration qui permet un certain contrôle des circulations. Dans un schéma relativement identique, le couloir (2) s’ouvre au Sud sur deux espaces. À l’Est, le couloir (11) (type d) est directement connecté à la salle minoenne, à l’escalier et à la cellule 10. L’espace 8, qualifié de « courette » (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 46), donne quant à lui également accès à l’escalier et à la pièce 10 mais forme un point de passage obligé vers la cellule 9433 (de type a). De manière générale, on constate donc que l’accès à la partie Sud de l’édifice est nettement moins sujet à un contrôle basique (c’est à dire par le simple biais des structures architecturales) dans la mesure où il s’effectue par le biais d’espaces de type d uniquement. En ce qui concerne l’asymétrie relative et les valeurs d’intégration, leur variation est infime que l’on prenne l’extérieur en compte ou pas (Fig. 182). La configuration spatiale tendrait donc à prouver que l’interface est particulièrement ciblée sur les rapports entre résidents. Sans conteste, la cellule la plus intégrée au système est le couloir (2). Viennent ensuite la salle minoenne (3), puis les cellules 4, 5, 8 et 11. Le puits de lumière, le bain lustral (7), la latrine (14) et la cellule à laquelle menait l’escalier sont dans un état de ségrégation plus manifeste avec des valeurs près de trois fois supérieures à celle de la cellule la mieux intégrée. Les cellules 6, 9 et 10 présentent des valeurs moyennes relativement similaires. En termes de valeur de contrôle, les espaces les plus significatifs sont les cellules 13 et 8 ainsi que le vestibule (1) et le couloir (2) (Fig. 183).
106Les plans générés à l’aide de Depthmap fournissent quelques informations complémentaires. L’intégration visuelle (Fig. 184a) fait parfaitement écho aux résultats de l’analyse de la syntaxe spatiale. En effet, on y remarque la forte intégration visuelle du couloir (2), tout particulièrement dans sa partie ouest et à proximité de la salle minoenne (3) de même que la hiérarchie d’intégration précédemment évoquée. Les étapes de profondeur visuelle (Fig. 184b) viennent également étoffer ces constations et permettent une saisie plus intuitive de la réalité spatiale. On constate notamment qu’il existe, pour peu que les portes aient été maintenues ouvertes, des lignes de vision non entravées du vestibule (1) à la salle minoenne (3). À nouveau, on peut souligner la situation particulière de la latrine et du bain lustral qui constituent les espaces les moins directement visibles. En termes de contrôle visuel (Fig. 184c), il est particulièrement intéressant de remarquer, localement, l’importance des principaux points de décision dans le système de circulations (là où le couloir principal s’ouvre sur les espaces 3, 4, 5, 8 et 11). Il apparaît également évident que la cellule principale de la salle minoenne dispose d’un potentiel de contrôle visuel particulièrement élevé. À l’inverse, la contrôlabilité visuelle (Fig. 184d) illustre une nouvelle fois la singularité du bain lustral et de la latrine. La section nord de la pièce 12 semble aussi une zone aisément contrôlable en termes de perception visuelle.
107En ce qui concerne l’architecture en tant que domaine passif, la disposition de la maison Delta Alpha au sein du réseau routier ainsi que l’emplacement du vestibule ne laissent aucun doute sur la manière dont l’édifice était approché434. Une fois que l’on y avait pénétré, la forme longitudinale du vestibule et son ouverture sur le couloir (2), soulignée par la présence d’une double porte435, invitait probablement tout naturellement à s’engager dans l’édifice en direction de l’Est. Cette continuité entre le vestibule et le couloir central est soulignée par van Effenterre qui fait état d’un « couloir axial 1-2 (élargi au début en vestibule) » (van Effenterre 1980 : 398). L’ouverture dans l’angle nord-est du vestibule menant à la cellule 12 n’amoindrissait certainement pas le dynamisme induit par le dispositif spatial susmentionné. Une fois cette double porte franchie, l’axe arrière-avant reste fortement sollicité. La forme même du couloir (2) invite en effet à prendre la direction de la salle minoenne (3). De plus, à mesure qu’on se rapproche de cette dernière, le phénomène de porte cachée (Fig. 185) vient ajouter à l’attrait intuitif vers la cellule 3. Dans une moindre mesure, la luminosité provenant du puits de lumière pouvait également contribuer à ‘attirer’ les circulations depuis le couloir (2). Évidemment, cet écho à l’axe arrière-avant focalisé vers la salle minoenne était localement tempéré par les ouvertures sur les espaces nord et sud. En ce qui concerne la zone nord de l’édifice, il s’agit d’attirer l’attention sur le fait que, dès le vestibule, l’ouverture nord de la double porte donne naissance à un axe visuel dont le développement était sans doute entravé par les murs circonscrivant le bain lustral. Néanmoins, le fait que la cellule 4 contenait des « récipients de dimension moyenne » adossé à son mur est (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 45) n’en faisait certainement pas un espace de transition privilégié. En revanche, en lieu et place de la terre battue que l’on retrouva au sein de ce dernier, le couloir 5 présentait un sol soigneusement dallé et n’était encombré d’aucun objet (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 45). Il pouvait être clos, au Nord, par un « dispositif de porte très soigné » (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 45, pl. XIX2)436. Depuis la cellule 13, des passages coudés ouvraient sur les zones les plus recluses de l’édifice. Au Sud du couloir (2), la cellule 8, pour peu qu’elle ait réellement été un espace à ciel ouvert, pouvait constituer un pôle attractif par l’entremise de la luminosité qui en émanait437. Plus à l’Est, le corridor dallé (11) s’ouvrait également sur la partie Sud de l’édifice. Au sujet de cette dernière, il peut être intéressant de remarquer qu’elle était constituée d’espaces entretenant une forte continuité spatiale. En effet, les cellules y sont moins singularisées que dans la partie nord du bâtiment.
108En tant que domaine actif, les dimensions des espaces internes du rez-de-chaussée de la maison Delta Alpha correspondent davantage au cadre privilégié d’une communication intime/personnelle ou sociale. En ce qui concerne la pièce principale de la salle minoenne, cette constatation se vérifie (Fig. 186). Néanmoins, si l’on envisage la salle minoenne dans son ensemble, elle présente une superficie suffisante pour que des manifestations nécessitant des modalités de communication publiques (portée restreinte - gris de tonalité moyenne) y aient pris place. De son côté, le bain lustral semble, en ce qui concerne son niveau principal, limité à la sphère intime/personnelle (gris anthracite). Une personne située sur les marches y menant ou au niveau de la balustrade qu’on y associe souvent se serait malgré tout trouvé au niveau de communication social.
109Le quartier d’habitation Zeta, situé à l’Est du palais (Fig. 145), a été exploré en 1928, puis de 1946 à 1948 lors de sondages qui ont permis d’en discerner la topographie générale et de dégager complètement la maison Zeta Alpha (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 63-79, pl. LXIV, LXV et LXVI ; Graham 1962 : 64-66 ; Tire et van Effenterre 1966 : 63-66 ; van Effenterre 1980 : 402-407 ; Driessen 1982 : 51-52 ; Preziosi 1983 : 22-25 et 371-373, Fig. I. 13 et IV. 13A-C ; Troubled Island : 188-189, Romanou 2007 : 88, Fig. 9. 6). D’après les fouilleurs, une chaussée d’ammouda (Deshayes et Dessenne 1959 : 1, plan I) quittait l’entrée sud-est du palais et menait, en traversant une aire dallée, en direction de cet édifice dont elle longeait la façade sud avant de continuer vers l’Est, « reliant Mallia aux sites de la Crète orientale » (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 63-64, pl. LXIV). L’édifice mesure 23m d’Est en Ouest et environ 20 sur l’axe Nord-Sud (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 64 ; Preziosi 1983 : 23) (421m ²) (Fig. 187). Il contient une trentaine de cellules parmi lesquelles on retrouve, entre autres, deux vestibules (1 et 21), une salle minoenne (12a-b) (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 103 ; Driessen 1982 : 50-51 ; Preziosi 1983 : 24)438, un bain lustral (11) (Gesell 1985 : 110), un polythyron (5), un escalier (15), une latrine (Bradfer-Burdet 2006 : 113, Fig. 8 et p. 128, Fig. 23), des magasins (26, 27 et 28) et un système complexe de couloirs (2, 4, 7, 18 et 23). Chronologiquement, l’aménagement définitif de l’édifice est à dater du MMIIIB-MRIA (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 98)439. Se basant sur le peu d’usure que présente le seuil, les fouilleurs précisent qu’il ne dû pas rester longtemps en usage (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 99, n. 3). L’édifice aurait finalement été victime d’un violent incendie. Néanmoins, le fait que des vases de style marin y aient été trouvés tendrait à prouver que cette destruction aurait malgré tout eu lieu dans le courant du MRIB durant lequel ce style céramique particulier voit le jour (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 99-100 ; Troubled Island : 189). Avant d’évoquer les trouvailles les plus significatives du bâtiment, quelques remarques sont nécessaires. En ce qui concerne les ouvertures extérieures, seule la cellule 21 présentait un seuil indiquant clairement l’existence d’une entrée (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 68-69). Néanmoins, les fouilleurs défendent l’existence d’une entrée via la cellule 1, là où le mur extérieur présentait une interruption (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 69)440. De plus, ils s’interrogent sur l’existence d’une ouverture, par le biais d’une double porte, au niveau de la cellule 12b (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 74 et 103). En effet, de part et d’autre de la colonne dont ils retrouvèrent les traces, ils ne repérèrent que la base d’un mur dont il fut impossible de déterminer s’il s’élevait ou non à une certaine hauteur. Comme les fouilleurs le mentionnent également, il nous semble plus probable que le mur se soit prolongé sur une certaine hauteur tout en permettant à l’air et la lumière de pénétrer dans la salle minoenne depuis l’aire à sol stuqué qui se situe immédiatement à l’Ouest de 12b (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 74)441. Autrement dit, nous ne considérons pas la cellule 12b comme un point de pénétration dans l’édifice442. Finalement, alors que les fouilleurs mentionnent l’existence probable d’une fenêtre dans l’angle nord-est de la pièce 24 (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 79), Graham semble en douter (Graham 1962 : 65-66). Preziosi postule quant à lui l’existence d’une entrée (Preziosi 1983 : 25, Fig. I. 13) au même titre que Driessen et MacDonald qui estiment qu’elle fut bloquée durant l’histoire du bâtiment (Troubled Island : 189). En ce qui nous concerne, nous nous contentons de l’hypothèse des fouilleurs que semble également admettre van Effenterre dans sa reconstitution (van Effenterre 1980 : 406, n. 56, Fig. 543)443. De manière générale, deux accès auraient alors existé. Le vestibule (1) se serait ouvert en direction de la zone des appartements principaux alors que le vestibule (21) aurait desservi les communs (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 99 ; van Effenterre 1980 : 402-403 ; Preziosi 1983 : 25)444. C’est entre les couloirs (18) et (23) qu’une ouverture connectait les deux parties du bâtiment (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 99). Au sein même de l’édifice, quelques précisions sont nécessaires afin de mieux appréhender la réalité spatiale. La « courette » 8 sur laquelle s’ouvrait le polythyron 5 était fort probablement séparée du corridor coudé (7) par l’entremise de « minces cloisons dont seules quelques traces (plâtre) subsistent dans le sol stuqué » (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 72, n. 5). Les cellules 16 et 17 n’étaient probablement séparées du couloir (2) que par de « légères barrières ou cloisons de bois » (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 70), aussi, avons-nous estimé qu’il n’était pas illogique de considérer qu’il était possible de passer de l’un aux autres445. L’espace 19, en contrebas, décrit comme n’étant accessible depuis aucune des cellules avoisinantes (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 75), est interprété par van Effenterre comme le cœur d’un agencement spatial qu’il qualifie d’atrium (van Effenterre 1980 : 257, 403 et 418). Quoi qu’il en soit, il paraît acceptable que cette cellule ait été hypèthre, prodiguant de la lumière et de l’air aux espaces avoisinants. En tant que telle, il ne s’agissait pas nécessairement d’une cellule à laquelle il y avait lieu d’accéder446. Pour en finir avec ces quelques précisions concernant l’agencement spatial de l’édifice, il convient d’attirer l’attention sur la situation particulièrement confuse au Nord du vestibule (21). En effet, la lecture de cette zone est rendue particulièrement complexe par l’existence de traces de murs probablement liés au premier état de l’édifice (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 77-79). L’hypothèse que proposent les fouilleurs semble particulièrement cohérente. En effet, ils estiment que l’espace 22 fut à ce moment transformé en « placard à vaisselle » comme en attestent les nombreuses coupelles qu’on retrouva dans l’espace situé sous l’escalier (15) avec lequel il communiquait (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 78, n. 4). Évidemment, si l’on admet que l’espace 22 était fermé, il faut considérer qu’un couloir (23) s’ouvrait depuis le vestibule (21) et desservait les cellules 24, 25 et 18 sans quoi la seule véritable entrée manifestée par un seuil n’aurait eu aucune raison d’être (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 78-79). En termes de trouvailles, d’importants dépôts de poterie domestique furent découverts dans les cellules 4 et 20 (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 70 et 75, Troubled Island : 189). Les magasins (cellules 26, 27 et 28) regorgeaient quant à eux de vases en morceaux et de débris de destruction (restes de la charpente, plâtre et briques tombées du toit) (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 77 ; Troubled Island : 189). La pièce 17 contenait un bloc d’ammouda taillé et troué en son centre. Ce dernier était entouré d’une grande quantité de pierres ponces dont les fouilleurs ne s’expliquent pas la présence (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 70, n. 1). Le petit espace 6 est décrit comme accueillant les « objets les plus précieux de la demeure » dont un rhyton de pierre (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 71, pl. XXXV. 1). La cellule 24 était également entourée de banquettes et présentait, dans son tiers ouest, une base circulaire en sideropetra (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 79)447. Les fouilleurs repérèrent également trois dalles calcaires sur un axe Nord-Sud au sein de la cellule 25, elles furent interprétées comme bases de piliers de bois formant un « léger auvent » s’ouvrant sur la majeure partie hypèthre de la pièce (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 76-77).
110La syntaxe spatiale de Zeta Alpha est marquée par un grand anneau externe (Fig. 188). En effet, à l’exception des cellules 7, 9 et 10, la distributivité n’est présente que dans les niveaux inférieurs du graphe. Le reste de l’agencement cellulaire présente des espaces de type b placés en séquences desservant des espaces à vocation d’occupation (de type a). Hormis cette particularité, il convient d’attirer l’attention sur le nombre important de ces derniers, à raison de 41 % des cellules. Les vestibules (1) et (21) sont les deux seuls points de pénétration dans le graphe, ils forment la base de l’anneau externe et conservent un certain potentiel de contrôle de par leur nature topologique (espace de type c). C’est depuis ces deux points que s’ouvre la zone distribuée intermédiaire du bâtiment. Cette dernière contient les axes de circulations principaux menant aux deux ailes de l’édifice448 (les couloirs (2) et (23), l’espace de transition qui les relie (18) ainsi que les cellules 3, 15, 16, 17, 20, 22. Hormis l’accès à l’étage (via 15) et au « placard » (22), les vestibules donnent tous deux accès à un corridor. En termes de syntaxe, leur position est fort similaire si ce n’est que le couloir (2) (type d), offrant localement plus de flexibilité, perd en potentiel de contrôle. Mis à part cela, ils donnent tous deux accès à une aile de l’édifice où les circulations sont plus étroitement contrôlables (les espaces de type b étant majoritaires dans les connexions spatiales). Seul l’anneau interne 7-9-10 fait exception. Les ailes est et ouest ont une structure topologique assez claire. Précisons néanmoins qu’à l’Ouest, le couloir (4), de type b, vient renforcer le contrôle potentiellement ténu que le corridor (2) exerçait sur les circulations et articule distinctement ces dernières. En ce qui concerne les valeurs quantitatives, il apparaît évident qu’elles n’évoluent guère si l’on n’inclut pas l’extérieur dans les calculs (Fig. 189). À nouveau, la configuration spatiale semble privilégier les rapports entre résidents. Les cellules formant l’échine de l’anneau externe possèdent une intégration élevée. Il s’agit, dans l’ordre décroissant, des cellules 2, 18 et 23. Le couloir (4) possède également une intégration très prononcée (s’intercalant entre les cellules 2 et 18 en termes de valeur chiffrée). En moyenne, les cellules de l’aile est semblent moins bien intégrées au système global que les pièces de l’aile ouest. Dans la dernière, salle minoenne (12) et bain lustral (11) ont une intégration relativement similaire, légèrement inférieure à celle du polythyron (5). La latrine présente la ségrégation la plus manifeste au sein de cette aile. Dans la partie est de l’édifice, la cellule 25 présente une intégration légèrement plus prononcée que la salle à colonne (24). Ce sont les magasins (27) et (28) qui, à l’échelle du graphe entier, se trouvent dans la ségrégation la plus marquée. Comme nous l’avons évoqué précédemment, lorsqu’un édifice possède plus d’une entrée, il peut être instructif de construire un graphe d’accès depuis chaque point de pénétration comme si les autres n’existaient pas. On constate ainsi, dans le cas de Zeta Alpha, que depuis le vestibule (1), le graphe a six niveaux de profondeur (Fig. 190). On accède aisément à l’étage via l’escalier (15), à la zone médiane et au couloir coudé (4). Les cellules les plus éloignées depuis cette perspective sont les magasins (27) et (28) mais ces dernières ne sont malgré tout qu’un niveau au dessus des cellules 9 et 10 ainsi que de la latrine. Si l’on considère le vestibule (21) comme la seule entrée, le graphe dérivé a sept niveaux de profondeur (Fig. 192). Dans cette configuration, si les magasins (27), (28) et toute l’aile est gagnent en accessibilité, l’étage ainsi que l’aile ouest sont nettement moins accessibles449. L’accessibilité de la zone médiane (3-20-18) n’évolue que peu d’une situation à l’autre. En termes de valeur de contrôle, les espaces sortant du lot sont les couloirs 2, 4, 7, 23, l’accès aux magasins (27-28) ainsi que le polythyron (5) (Fig. 194).
111Si l’on observe les plans produits à l’aide de Depthmap, l’intégration visuelle (Fig. 195a) fait parfaitement écho aux remarques énoncées dans l’analyse de la syntaxe spatiale. On y remarque l’intégration de la zone intermédiaire et tout particulièrement de la zone située à proximité de la cellule 19450. Le couloir (4) y apparaît également comme une zone bien intégrée. Précisons qu’en ce qui concerne les ailes, la différence d’intégration n’est pas aussi manifeste visuellement. En effet, même si syntaxiquement l’aile ouest demeure mieux intégrée que l’aile est, lorsque la vision devient le référent principal, la situation s’inverse. Les étapes de profondeur visuelle viennent étoffer cette constatation (Fig. 195b). On y remarque aisément que l’aile ouest dispose, depuis l’extérieur, d’une profondeur visuelle plus marquée. La cellule 12b, le bain lustral (11), la cellule 6, la latrine et les cellules 9 et 10 apparaissent particulièrement recluses. Il est également intéressant de comparer les étapes de profondeur visuelle de chaque entrée, en complément aux remarques formulées à leur sujet dans l’analyse de la syntaxe spatiale (Fig. 191 et 193). En termes de contrôle visuel (Fig. 195c), les zones formant des secteurs de décision dans le choix des circulations, ont un potentiel local fort. C’est particulièrement le cas à différents points du couloir (2) ainsi qu’au niveau de l’espace de transition desservant les magasins (27-28). La contrôlabilité visuelle (Fig. 195d) de la salle minoenne (12-12b) et de la salle à colonne (24) est manifeste et se démarque nettement de celle des autres cellules.
112En tant que domaine passif, l’architecture se prête volontiers à quelques commentaires. Des deux entrées que possède le bâtiment, le vestibule (21) semble celle sur laquelle l’accent était le plus clairement mis. En effet, le seuil massif dont elle dispose ne laisse aucun doute à ce sujet (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 65-66, Fig. 6-7, pl. XXXII. 2). Une fois qu’on pénétrait au sein de ce vestibule, sa forme longitudinale trouvait un léger écho dans le couloir (23). Néanmoins, les baies multiples s’ouvrant sur la salle à colonne et banquettes (24) plaçaient cette dernière dans une situation de continuité spatiale assez prononcée. Un tel dispositif devait certainement drainer les circulations en direction de la cellule 24451 qui, munie d’une fenêtre, devait être de surcroît une pièce particulièrement bien éclairée452. La partie nord du corridor (23), zone ne favorisant pas réellement un axe dynamique particulier, crée comme une aire de repos. En effet, les ouvertures qu’elle possède ne sont pas particulièrement mises en exergue453 et la lumière qu’elle pouvait recevoir était sans doute aussi forte au Nord qu’à l’Est454. Il apparaît donc que, même si l’accent est mis sur l’entrée vers le vestibule (21) et consécutivement sur la salle à colonne et banquettes, la progression au sein de l’édifice est vite tempérée par l’entremise de la seconde moitié du couloir (23). Il suffit par exemple de fermer la porte nord de ce dernier pour que la partie de l’édifice que commande le vestibule (1) demeure totalement inaccessible (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 76 et 99). Même si le vestibule (1), soigneusement dallé à la différence de 21 (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 69), ne forme pas un espace au dynamisme marqué, le corridor (2) qui s’ouvre dans un angle du hall d’entrée devait quant à lui drainer les circulations vers le Nord de l’édifice. En effet, il se perpétue jusqu’à l’extrémité du bâtiment, au cœur d’une zone qui devait disposer d’un éclairage direct (grâce à la cellule 19). Néanmoins, localement, le couloir (2) voyait l’écho à l’axe arrière-avant être amoindri par des ouvertures perpendiculaires. Cette remarque vaut essentiellement pour l’ouverture sur les couloirs secondaires (4) et (18)455 ainsi que pour l’escalier (15)456. Les cellules 16 et 17, quant à elles, étaient probablement circonscrites par des cloisons et n’interféraient donc pas avec le déploiement de l’axe arrière-avant précédemment évoqué. Au Nord de l’édifice, les cellules 3 et 20 dessinent une zone assez statique, centrée sur l’espace 19 mais qui constitue néanmoins l’aboutissement final du couloir (2). À l’Ouest, depuis le couloir coudé (4), les ouvertures adoptent toutes un profil indirect ou en rupture avec l’axe principal des pièces qu’elles desservent. Cette remarque vaut également pour le reste de l’aile, comme si l’on avait souhaité y instaurer une moins grande transparence spatiale.
113L’architecture en tant que domaine actif donne lieu à des commentaires semblables à ceux évoqués dans l’analyse de Delta Alpha, tant en ce qui concerne la salle minoenne que le polythyron ou le bain lustral (Fig. 196). De manière générale, la structure interne du bâtiment ne laisse aucun doute quant au caractère relativement restreint que devaient y avoir les sphères de communication. Néanmoins, l’ouverture potentielle de la salle minoenne (12-12b) sur l’extérieur (ne fut-ce que par le biais d’un puits de lumière ceint d’un muret) aurait pu créer un environnement propre au déroulement de manifestations adoptant un profil plus public457.
114Comme nous l’avons évoqué ci-dessus, la maison Zeta Alpha se tenait au Nord d’une « grande esplanade pavée » (Deshayes et Dessenne 1959 : 1)458. Cette dernière se déployait sur une largeur de 68m et prenait, vers l’Est, l’aspect d’une petite place définie par le mur ouest de Zeta Beta et le mur nord de Zeta Gamma (Deshayes et Dessenne 1959 : 1, plan I). Le secteur contenait également une voie en ammouda, surhaussée par endroits (Deshayes et Dessenne 1959 : 2-3, plan I), et antérieure à la construction des maisons du quartier Zeta qui oblitèrent certaines parties de son tracé (Deshayes et Dessenne 1959 : 2-4, plan I). Située au Sud-est de l’édifice précédant, la maison Zeta Beta (Deshayes et Dessenne 1959 : 7-26, plans II et III ; Graham 1962 : 66-67 ; Tire et van Effenterre 1966 : 66-69 ; van Effenterre 1980 : 407-409, Fig. 546 ; Driessen 1982 : 52-53, Fig. 23 ; Preziosi 1983 : 60-61 et 376-377, Fig. II. 15 ; Troubled Island : 189-190, Romanou 2007 : 88, Fig. 9. 6) semble s’être en partie établie en lieu et place des murs de fortification dont on estime que la ville était dotée à cet endroit durant le Minoen Moyen (Deshayes et Dessenne 1959 : 4-5, n. 1, pl. II. 2). Fouillé entre 1951 et 1952 (BCH, Chron. 1952 : 283-288 et 1953 : 290 ; Deshayes et Dessenne 1959 : 7), l’édifice est d’une taille légèrement inférieure à Zeta Alpha (307m ²). Il contient une petite vingtaine de cellules (Fig. 197). Parmi ces dernières, on retrouve deux vestibules (A et B)459, une salle à colonne centrale et foyer fixe (17) (Graham 1962 : 66, n. 16a ; van Effenterre 1980 : 167, Fig. 234), un bain lustral (9), d’une loge de portier (8), des espaces dépourvus de portes (4 et 14), un polythyron (7)460 doté d’un puits de lumière et une zone interprétée comme une cuisine (12 et 13). Le fouilleur estime que la maison fut bâtie durant la seconde période, c'est-à-dire dans le courant du MMIIIB (Deshayes et Dessenne 1959 : 86-89). Néanmoins, se basant sur divers éléments (notamment le tracé architectural et la survivance de formes protopalatiales), van Effenterre propose de voir deux parties dans ce bâtiment. Le Nord aurait constitué un édifice du protopalatial qui aurait été prolongé vers le Sud au néopalatial461. Il considère donc que Zeta Beta est une « intéressante villa, à mi-chemin entre l’ancienne mode et les nouvelles conceptions architecturales » (van Effenterre 1980 : 409). L’édifice présente de nombreuses traces d’une destruction par le feu (Deshayes et Dessenne 1959 : 10, 19, 85-86 ; Troubled Island : 189), cette dernière ayant probablement eu lieu au MRIB (Pelon 1970 : 111 ; Troubled Island : 190). Parmi les trouvailles les plus intéressantes, la cellule 17 révéla un grand lampadaire double et une tablette en stéatite verte (Deshayes et Dessenne 1959 : 13). La pièce 1 que le fouilleur interprète comme « le magasin le plus riche de la maison » (Deshayes et Dessenne 1959 : 10), contenait un sceau en ivoire, quelques objets de bronze et certains des plus beaux vases de l’édifice (Deshayes et Dessenne 1959 : 14). On découvrit, entres autres objets dans la cellule 2, une boîte à feu, une marmite à trois pieds, deux vases tronconiques et une niche faisant office de placard à vaisselle (Deshayes et Dessenne 1959 : 15). La pièce 3 était jonchée de pesons et le fouilleur l’interpréta comme un « atelier de tissage domestique » (Deshayes et Dessenne 1959 : 15). L’espace dépourvu de porte (4) constituait une véritable réserve dans la mesure où il ne contenait que des pithoi de grandes dimensions, on y accédait probablement depuis l’étage (Deshayes et Dessenne 1959 : 16). La pièce 5 fut présentée comme un atelier, on y trouva une tablette calcaire rose, un certain nombre d’armes et outils dont une longue lame de scie en bronze ainsi qu’un racloir du même matériau (Deshayes et Dessenne 1959 : 17). On y découvrit également quelques vases de pierre et un petit sphinx en ivoire, « principale découverte » effectuée dans la demeure (Deshayes et Dessenne 1959 : 17). Le polythyron (7) était soigneusement recouvert de dalles de calcaire bleu et blanc dont les intervalles étaient stuqués462. Un vase en stéatite, une grande marmite sans pied et une boite à feu faisaient partie des trouvailles de cette pièce (Deshayes et Dessenne 1959 : 19). Le fouilleur nota l’abondance des cendres dans la cellule 8 et s’interrogea sur la présence d’un « escalier de bois très raide ayant conduit directement de la cour à l’étage supérieur »463. La salle 10 contenait de nombreux pithoi et un assemblage considérable de vaisselle commune (Deshayes et Dessenne 1959 : 23). La pièce 12 fut considérée comme une cuisine car elle révéla une épaisse couche de cendres dans laquelle on retrouva de nombreux pieds de marmite (Deshayes et Dessenne 1959 : 25). Finalement, au sein de la cellule 16, on mit à jour la lame d’un couteau de bronze, une bague en argent et deux perles sphériques, l’une en argile l’autre en pierre bleue (Deshayes et Dessenne 1959 : 26).
115S’ouvrant sur un large anneau externe, le plan justifié (Fig. 198) est clairement de nature distribuée et symétrique dans la première moitié du graphe. À partir du troisième niveau de profondeur, il évolue vers la non distributivité mais conserve une symétrie assez forte. Les vestibules (A) et (B) forment les deux points de pénétration dans l’édifice, ils forment la base de l’anneau externe et garantissent, de par leur statut topologique (type c), un certain potentiel de contrôle des circulations. Le vestibule (A) permet d’accéder directement à l’étage ou, par l’entremise d’un couloir coudé, à la pièce centrale de la maison (17). Le vestibule (B), lié à une cellule qui pourrait avoir été une loge de portier (8), donne accès au polythyron (7). L’existence du petit espace 6 qui communique aussi bien avec le polythyron (7) qu’avec la salle à colonne centrale et foyer fixe (17), toutes deux étroitement liées, fait de ces cellules deux espaces de type d. Même s’il devait certainement s’agir d’espaces centripètes, ils n’en donnent pas moins accès à la grande majorité des espaces constitutifs de la demeure. Leur nature topologique permet une certaine flexibilité en termes de mouvement. Le polythyron (7) s’ouvre sur le bain lustral (9), et son puits de lumière (Deshayes et Dessenne 1959 : 19-20) (de type b) commande l’accès à la cellule 5. La cellule 6 donne directement accès à deux espaces de taille réduite (dont la pièce 3) alors que la salle 17 dessert soit directement des cellules de type a (1 et 2) soit des espaces de type b qui s’ouvrent à leur tour sur des zones à vocation d’occupation (10-11, 12-13 et 15-16)464. Étant donné que l’édifice est pourvu de deux entrées, il peut être intéressant d’en restituer les graphes d’accès en les considérant indépendamment l’une de l’autre. Depuis le vestibule (B) (Fig. 199), on accède assez aisément au polythyron (7), la cellule 17 est au deuxième niveau de profondeur. C’est l’accès à l’étage qui est particulièrement reclus dans cette perspective. Depuis le vestibule (A) (Fig. 201), l’accès à l’étage est direct. La salle à colonne centrale et foyer fixe (17) est au même niveau de profondeur que depuis le vestibule (B) mais c’est désormais le polythyron (7) et ses annexes qui sont dans une position de ségrégation plus marquée. Les valeurs d’intégration et les données d’asymétrie relatives évoluent très peu selon que l’extérieur soit pris en compte ou non dans les calculs (Fig. 203). Comme dans le cas des édifices précédents, cela tendrait à souligner l’existence d’une interface particulièrement axée sur les rapports entre résidents plutôt qu’adaptée à l’accueil de visiteurs dans le bâtiment. La salle à colonne centrale et foyer fixe (17) est de loin la cellule la plus intégrée au système. Elle est suivie par le polythyron (7) et l’espace 6. L’escalier est la cellule qui se trouve dans la ségrégation la plus forte. Néanmoins, il est important de noter que, de manière générale, les pièces qui constituent Zeta Beta sont dans une situation d’intégration assez prononcée465. Les cellules présentant les plus fortes valeurs de contrôle sont, dans l’ordre décroissant, la salle à colonne et foyer central (17), la cellule 6, le polythyron (7) et le vestibule (A) (Fig. 204).
116En ce qui concerne l’analyse visuelle, les résultats obtenus grâce à Depthmap permettent d’étoffer nos commentaires sur l’analyse syntaxique. L’intégration visuelle (Fig. 205a) rend compte du statut particulier de la cellule 17. Le polythyron (7) apparaît comme particulièrement intégré visuellement ainsi que certaines parties des cellules 5, 10 et 15. Les étapes de profondeur visuelle (Fig. 205b) permettent une saisie intuitive de la réalité spatiale. On constate que les vestibules constituent une zone visuelle bien restreinte (hormis sur une légère partie du polythyron) et que les pièces principales de l’édifice (7 et 17) sont dans une position assez similaire, au même titre que leurs annexes respectives. En guise de complément au graphe d’accès depuis les deux vestibules, leurs étapes de profondeur visuelle sont également proposées (Fig. 200 et 202). Le plan de contrôle visuel (Fig. 205c) illustre, outre aux points de décision locaux habituels, l’importance indéniable de la salle 17 et d’une frange de la pièce 7. En effet, depuis la première, on peut apercevoir la quasi-totalité des cellules environnantes alors que, depuis ces dernières, on n’en voit jamais l’intégralité. En termes de contrôlabilité (Fig. 205d), hormis la zone de l’escalier et une petite portion du bain lustral (9), on constate qu’il n’existe pas véritablement d’espace fortement soumis à d’autres au niveau visuel. Localement, on remarque malgré tout que la pièce 17 présente une situation différente du reste du bâtiment. Il s’agit en réalité des zones que l’on pouvait directement apercevoir depuis les cellules adjacentes466.
117La maison Zeta Beta pouvait être approchée depuis deux directions. Le fouilleur considéra que l’entrée principale devait se situer à l’est, depuis le vestibule (A). Le vestibule (B) ouvre sur une espace « insuffisamment fouillé » au sein duquel on pourrait reconstituer une « cour dépendant de la maison » (Deshayes et Dessenne 1959 : 9). En ce qui concerne le vestibule (B), il est évident qu’il entretient une continuité spatiale relativement forte avec le polythyron (7). Cette dernière est notamment manifestée par le fait qu’il possède le même revêtement (Deshayes et Dessenne 1959 : 20). De plus, ce vestibule est très largement ouvert sur l’extérieur dont il n’était apparemment pas séparé par une porte ou un seuil (Deshayes et Dessenne 1959 : 20)467. Si l’on pénètre dans l’édifice par le vestibule (A), l’axe arrière-avant trouve automatiquement un écho favorable dans le couloir qui s’ouvre dans l’alignement direct de la porte d’entrée. Néanmoins, le couloir ayant un tracé en chicane, la ligne de vision s’interrompt sur le mur est de la cellule 1, estompant l’attrait dynamique en direction de la salle à colonne et foyer central (17). L’accès à l’étage via l’escalier est lui aussi marqué par une rupture d’axe, comme pour atténuer légèrement l’aisance d’accès. Une fois la cellule 17 atteinte, sa disposition invite naturellement à plus de statisme. Les cellules sur lesquelles elle ouvre lui sont clairement assujetties et ont une individualité spatiale bien marquée. Seules les pièces 7 et 10 entretiennent une certaine continuité avec la salle 17468. Le polythyron (7) n’introduit guère plus de dynamisme. Il donne accès au bain lustral (9) par un passage coudé. Il n’est malgré tout pas aussi clairement circonscrit que la pièce 17, en effet, il entretient une continuité spatiale très forte avec la cellule qui lui succède à l’Ouest par le biais d’une baie à portes multiples. C’est à ce puits de lumière présumé qu’est assujettie la cellule 5. D’une manière générale, on remarque, qu’au sein de la maison Zeta Beta, le mouvement n’est guère favorisé par les dispositions architecturales469.
118En ce qui concerne l’architecture en tant que domaine actif (Fig. 206), la situation est similaire à celle des maisons Delta Alpha et Zeta Alpha et ne mérite donc pas un développement plus conséquent.
119Au Nord-ouest du palais, à proximité de ladite Crypte Hypostyle, une « vaste cour rectangulaire, très soigneusement construite et aménagée » baptisée ‘Agora’ fut fouillée au cours de quatre campagnes successives au début des années 60 (BCH 1962 : 974 ; 1963 : 875-878 ; 1964 : 905-912 ; 1966 : 1017-1019 ; 1967 : 886 ; van Effenterre 1969 : 1, plan 1). C’est à l’Est de cette zone que s’étend le quartier Lambda (van Effenterre 1969 : 70-72, plan 2). Cette dénomination renvoie à une réalité topographique et non à une « quelconque unité de conception, de construction ni de chronologie » (van Effenterre 1969 : 70). En effet, cette zone, qui s’étend immédiatement au Nord du palais, entre ce dernier et l’Agora, contenait diverses constructions (Fig. 145 et 207). La première, le Bâtiment intermédiaire, se situait au bord de la chaussée nord-ouest qui menait à une des portes du palais (van Effenterre 1969 : 83-88, plan 2). À l’Est de la muraille orientale de l’Agora, trois bâtiments distincts vinrent s’implanter. Leur aménagement, postérieur à celui de l’Agora470, remonte à des époques diverses. Il est important de noter que malgré le fait qu’ils utilisèrent la bordure est de l’Agora, ils n’empiétèrent guère sur la limite de cette dernière471. Parmi ces trois édifices, seuls deux entrent dans la fourchette chronologique de ce travail et retiendront donc notre attention. Le troisième, la Maison des Vases à Étrier, correspond, telle qu’elle se présente aujourd’hui472, à un état dit « mycénien » (MRIIIB)473 qui empiète d’ailleurs sur l’angle Nord-est de l’Agora (van Effenterre 1969 : 71, n. 2). Le premier de ces édifices, la Maison de la façade à redans (van Effenterre 1969 : 91-105, Fig. 7 ; van Effenterre 1980 : 409-410, Fig. 548 ; Troubled Island : 187-188, Fig. 7. 45) fut clairement datée du MRIA474. Son implantation trahit un phénomène néopalatial qui pousse les maisons particulières à s’entasser plus près du palais (van Effenterre 1969 : 90)475. Il s’agit d’un édifice de dimension moyenne (Fig. 208). Elle couvrait environ 129m², peut-être un peu plus « si l’on cherche à intégrer dans le plan de la maison la base de colonne » trouvée au Nord de la pièce 16 (van Effenterre 1969 : 98). L’édifice, tel qu’analysé dans ce travail, contient six cellules dont un couloir principal, une zone dite « de service » au Sud et des pièces « de séjour » au Nord (van Effenterre 1969 : 98 ; van Effenterre 1980 : 410)476. L’entrée de la maison était comme protégée par une « sorte d’enclos » formé par la parastade orientale de la Porte de l’Esplanade (van Effenterre 1969 : 92-94, plan 2). La cellule 1 dut faire office de réserve dans la mesure où l’on n’y recueillit que des coupelles et des tessons de poterie domestique (van Effenterre 1969 : 94). La pièce 15 fut interprétée comme une cuisine par les fouilleurs. Un amas de cendres et de bois carbonisé recouvrant un sol en kalderim très grossier fut considéré comme un foyer dans l’angle sud-ouest de la pièce (van Effenterre 1969 : 94). On y trouva également une marmite, des jarres grossières, un chaudron de bronze tripode et une auge double au niveau du seuil coté couloir (van Effenterre 1969 : 94). Le couloir se termine à l’est par quelques marches qui « semble monter en tournant vers la droite » (van Effenterre 1969 : 94)477. La pièce 2 était particulièrement pauvre en trouvaille et on estima qu’il pouvait s’agir d’une antichambre (van Effenterre 1969 : 96). À l’Est, la cellule 16 contenait un curieux aménagement dans l’angle sud-est dont la réelle fonction reste énigmatique (van Effenterre 1969 : 96-97, Fig. 8). Au milieu de cette pièce, on trouva également un large plateau en terre cuite qui faisait probablement office de foyer portatif (van Effenterre 1969 : 97, pl. LV). Étroitement associé à ce dernier, on découvrit des débris de charbon et des cendres ainsi qu’un couteau de bronze. Le reste de l’édifice, au Nord, est nettement moins clair. Néanmoins, les fouilleurs proposent d’y voir un « puits de lumière avec véranda sur lequel aurait pris jour la pièce 16 par un mur à baies »478.
120La Maison de la façade à redans présente, dans l’état que l’on en conserve, un plan justifié extrêmement simple (Fig. 209). Il trahit l’existence d’un système totalement non distribué avec des espaces de type b contrôlant l’accès vers des espaces de type a. Depuis l’extérieur, le couloir est le seul point de pénétration dans le système. Il contrôle directement l’accès vers les cellules 1, 2 et 15 ainsi que vers l’escalier. Au Nord de ce dernier, la pièce 2, de type b, crée une étape de contrôle potentiel supplémentaire en direction de la salle à foyer central (16). Celle-ci pouvant être considérée soit comme un aboutissement des circulations soit comme un espace de type b desservant la cellule 3. Nous retenons la seconde option car l’existence d’un puits de lumière nous semble bien venue pour éclairer la cellule 16. Néanmoins, dans un cas comme dans l’autre, l’occupation devait prendre le pas sur le mouvement au sein de la salle à foyer central. On remarque également la faible variation des valeurs d’intégration et de l’asymétrie relative que l’extérieur soit pris en compte ou non (Fig. 210). Le corridor central est évidemment la cellule la mieux intégrée, suivie de près par la pièce 2. Les autres cellules sont globalement deux fois moins intégrées au système, la cellule 3 occupant la position présentant le plus de ségrégation. En terme de valeur de contrôle, le couloir central et, dans une moindre mesure, la salle à foyer central (16) se distinguent des autres espaces (Fig. 211).
121L’intégration visuelle (Fig. 212a) apporte des informations particulières. En effet, on constate que même si l’on y retrouve l’intégration prononcée de la cellule 2, la salle à foyer central et la pièce 3 apparaissent visuellement mieux intégrées que le couloir et la zone de service. Cela tient au fait que l’analyse de la syntaxe spatiale considère chaque cellule sans tenir compte de ses particularités spatiales propres (taille, disposition interne, etc.) et ne prend en compte que les connexions spatiales qu’elle entretient avec le reste du bâtiment. Étant largement plus grandes que les autres cellules, les espaces 2, 16 et 3 contiennent plus de nœuds et donc de points en étroite relation visuelle479. Les étapes de profondeur visuelle (Fig. 212b) définissent un séquençage progressif clair des espaces constitutifs du bâtiment. En effet, chacun d’eux est presque entièrement lié à une étape de profondeur visuelle que l’on retrouve au sein du plan justifié. Le contrôle visuel (Fig. 212c) manifeste une nouvelle fois l’importance des points de décision au sein du réseau de circulation. Dans le cas présent, c’est principalement le cas de divers points du couloir ainsi que de zones plus diffuses des pièces du Nord de l’édifice. C’est au sein de la pièce 15, la prétendue cuisine, et aux alentours de la colonne nord que l’on retrouve la contrôlabilité la plus élevée (Fig. 212d). Le couloir et les pièces 1 et 2 présentent quant à eux des valeurs faibles alors que la salle à foyer central (16) se trouve dans une situation intermédiaire.
122En tant que domaine passif, l’architecture de cet édifice ne donne guère lieu à de nombreuses constatations. Notons néanmoins que l’approche a pu en être atténuée par la présence de ce que van Effenterre considère comme une entrée en chicane desservant le couloir depuis la parastade précédemment évoquée qu’il qualifie de « courette » (van Effenterre 1980 : 410)480. Le couloir sur lequel s’ouvre la maison fait écho à l’axe arrière-avant et invite à se diriger vers l’escalier481. Même si, localement, les ouvertures vers les différentes pièces jouxtant le couloir viennent tempérer l’attraction susmentionnée, elles sont relativement étroites482 et définissent des espaces clairement distincts de la zone de transition qu’il forme. Une fois la pièce 2 atteinte, tout dynamisme s’estompe et c’est en rupture par rapport à l’axe principal de la cellule que s’implante l’ouverture vers la salle à foyer central, clairement distincte de l’antichambre qui la précède. L’attrait vers la pièce 16 pourrait avoir été favorisé par la lumière dont elle aurait pu être baignée si la baie à portes multiples circonscrivait un puits de lumière. Pour peu que l’on admette l’existence de ces ouvertures multiples, la continuité spatiale était plus forte entre la zone de la colonne et la cellule 16.
123La superficie relativement réduite de l’édifice devait très certainement faire en sorte que ses espaces constitutifs ne se prêtaient probablement qu’à des échanges tenant de la sphère intime/personnelle ou sociale (Fig. 213).
124Située plus au Nord, la Maison de la cave au pilier (van Effenterre 1969 : 114-132, Fig. 11 ; Troubled Island : 188, Fig. 7. 46) fut bâtie au MMIIIB (van Effenterre 1969 : 71 ; Troubled Island : 188) et s’ouvrait sur la rue du Sud-est (van Effenterre 1969 : 90, plan 1 et 2). Elle fut probablement abandonnée dans le courant du MRIA avant d’être réoccupée lors du MRIII (Troubled Island : 188 ; van Effenterre 1969 : 121). Les fouilleurs l’interprétèrent plus comme une « cour-atelier, avec quelques réserves et appentis » plutôt que comme une véritable maison (Fig. 214) (van Effenterre 1969 : 90 et 114). Elle contenait environ cinq cellules (pour une superficie de 121m ²) parmi lesquelles on retrouve une cour (5), de « petites chambrettes » (a et b) et des pièces situées à un niveau inférieur (6 et c). La cour, formant la plus grande partie de l’édifice, était dallée par endroits (van Effenterre 1969 : 118-120, Fig. 11) et il n’est pas impossible que les blocs d’ammouda qu’elle révéla par endroits aient servi à soutenir une toiture couvrant et protégeant les dallages alors que le centre de la cour serait resté à l’air libre (van Effenterre 1969 : 120). Les cellules a et b, qui pourraient avoir été connectées à la cour (5)483, durent être utilisées comme réserves. En effet, elles contenaient, entre autres, quantité de céramique d’usage domestique (van Effenterre 1969 : 116). Au Nord de la cour, on descendait probablement par le biais d’une échelle dans la cellule 6 qui servait d’antichambre à la cave à pilier (c) (van Effenterre 1969 : 118)484. On trouva dans ces cellules quantité de vases de pierres et de poteries de toutes sortes (van Effenterre 1969 : 118 et 121-132). De manière générale, les fouilleurs précisent que « si l’on rapproche certains des objets trouvés dans les appentis de leurs homologues en provenance de la petite cour […], tels que poinçons et scie de bronze, pilon et vases de pierre, cristal de roche et pierres gravées, il n’est pas déraisonnable de penser à un atelier d’artisan, foreur de pierre ou décorateur » (van Effenterre 1969 : 120, n. 1). Ils invitent néanmoins à considérer cette remarque avec prudence dans la mesure où la majorité de ces découvertes proviennent de la couche superficielle qui pourrait avoir accueilli « des débris, ou déblais très anciens, du quartier nord-ouest du Palais où se trouvaient précisément de tels ateliers » (van Effenterre 1969 : 120, n. 1).
125Pour peu que l’on postule l’existence d’une ouverture vers les cellules a et b, le plan justifié se présente sous une forme totalement non distribuée et symétrique (Fig. 215). La cour (5), qui s’ouvrait probablement directement sur la rue485, est un espace de type b qui contrôle étroitement les accès vers le reste de l’édifice. Au-delà de cet espace, le graphe se développe simplement dans une paire d’espaces de type b (a et 6) desservant chacun un espace de type a (b et c). En général, avec l’implication que l’on sait, les valeurs quantitatives n’évoluent guère que l’on intègre ou pas l’extérieur dans les calculs (Fig. 216). Néanmoins la valeur d’intégration de la cour passe presque du simple au double. Il n’est pas impossible que cela trahisse un espace voué à accueillir d’éventuels visiteurs486. La cour (5) forme évidemment l’espace le mieux intégré au système. Les cellules a et 6 sont deux fois moins bien intégrées et, au sommet du graphe, les espaces b et c le sont quatre fois moins bien environ (Fig. 217).
126L’intégration visuelle (Fig. 218a) et les étapes de profondeur visuelle (Fig. 218b) font clairement écho à l’analyse de la syntaxe spatiale. Outre les points d’accès vers les annexes sud et nord, on constate que l’ensemble de la cour dispose d’un fort potentiel de contrôle visuel (Fig. 218c) tout en demeurant la zone la plus clairement affectée par la contrôlabilité (Fig. 218d)487.
127Il est évident que la proximité de l’édifice par rapport à la rue sud-est et le fait que cette dernière se soit probablement interrompue au profit d’une placette (van Effenterre 1969 : 115) à proximité de l’ouverture sur la cour (5) illustre de manière évidente la façon dans la maison était approchée. Une fois à l’intérieur de l’édifice, on constate que sa cellule principale, la cour, vaut pour elle-même. L’espace qu’elle forme est de nature statique et les pièces qui l’entourent, ses annexes, sont clairement séparées d’elle.
128À nouveau, en ce qui concerne l’architecture en tant que domaine actif, il apparaît évident que la cour disposait d’une superficie suffisante que pour qu’une manifestation dépassant la sphère sociale y prenne place (Fig. 219). Néanmoins, rien n’indique que cela ait été le cas. Quoi qu’il en soit, cette constatation distingue malgré tout assez nettement cet édifice des autres bâtiments de Malia488.
129À moins de deux cents mètres au Sud du palais (Troubled Island : 190 ; van Effenterre 1980 : 20, Fig. 27), des découvertes fortuites le long de l’embranchement reliant la route moderne au site attirèrent, en 1931, l’attention des fouilleurs (Deshayes et Dessenne 1959 : 91). Devant l’importance de ces trouvailles, des sondages furent effectués en 1931 et 1932 par Demargne (BCH 1932 : 514-515 ; 1933 : 298). Ils mirent au jour un certain nombre d’éléments (Deshayes et Dessenne 1959 : 91) mais s’interrompirent jusqu’en 1948 où Dessenne prit la suite des opérations jusqu’en 1954, dégageant une majeure partie de l’édifice E (BCH 1949 : 574 ; 1950 : 375 ; 1952 : 279 ; 1954 : 213 ; Pelon 1970 : 1). C’est entre 1963 et 1965 que Pelon reprit la fouille de la portion est de cet édifice afin d’en mieux définir la chronologie et le tracé (BCH 1964 : 912-915 ; 1965 : 1000-1002). Parallèlement à la fouille de l’édifice E, des sondages complémentaires furent effectués par Le Rider en 1953. Ils permirent de découvrir, plus à l’Est, une « maison au mur de bel appareil » dont ne fut explorée que la petite courette qui précédait l’entrée principale (Pelon 1970 : 2-3 ; BCH 1954 : 217, Fig. 8). Il fallut attendre les fouilles conduites par Pelon pour que l’édifice Ea fût entièrement fouillé (BCH 1964 : 915 ; 1965 : 1000 ; 1967 : 886 et 888-889)489. Ces deux édifices constituent le quartier Epsilon (Fig. 220). Formant un quadrilatère d’environ 15m sur 10 (180m ²) dans son extension la plus grande, la maison Ea (Pelon 1970 : 141-163 ; van Effenterre 1980 : 410-411 ; Troubled Island : 191 ; Romanou 2007 : 81-83, Fig. 9. 3) connaît nombre de changements lors de son histoire (Pelon 1970 : 157-163). Des trois phases dont Pelon retrace les caractéristiques, seules les deux dernières seront retenues. En effet, le premier état de l’édifice reste assez confus et il n’est pas impossible qu’il ait été imputé au Sud d’une partie de son tracé (Pelon 1970 : 157, pl. XXXIV. 1). Bien que la manière dont le fouilleur établit la chronologie prête à confusion et ait été critiquée (Pelon 1970 : 7 ; van Effenterre 1980 : 42, n. 82 et p. 410), on peut admettre que le second état de l’édifice date du MMIIIB et que le troisième doit être lié au MRIA (Pelon 1970 : 160-163 ; Troubled Island : 191). De manière générale, le bâtiment évolue vers une réduction de la surface habitée. Les aménagements trahissent un appauvrissement général (Troubled Island : 191) : « les constructions, généralement hâtives, contrastent avec les constructions plus anciennes et tendent à fragmenter les pièces de l’état antérieur ; on peut même discerner les traces d’un démantèlement systématique en cours d’occupation » (Pelon 1970 : 161). L’état final de la maison frappe également par l’absence presque totale de céramique (hormis quelques vases provenant de la cellule 6). Le fouilleur en conclut que « l’état des ruines et le petit nombre de trouvailles donnent à penser que la maison n’a pas été détruite par une cause naturelle ni par l’œuvre de l’homme mais qu’elle a été abandonnée vide par son dernier occupant » (Pelon 1970 : 162). Dans son deuxième état, l’édifice contient 13 cellules (Fig. 221). Parmi ces dernières, on retrouve une cour d’entrée, un vestibule (1), un espace de transition central (van Effenterre 1980 : 410), une salle de bain (6) (Pelon 1970 : 146-147)490 et un escalier (13a). Comme évoqué ci-dessus, la troisième phase est marquée par l’abandon de la partie ouest et le morcellement des cellules qui restent en usage (Fig. 222). La cour qui, dans les deux états, s’ouvrait sur la rue n’est pas sans rappeler un dispositif que l’on retrouvera à la maison d’Agia Varvara (Pelon 1966 ; Pelon 1970 : 143). Le seuil qui y mène est surélevé par rapport au niveau de la rue et de la cour afin de « se prémunir contre les eaux de pluie qui pouvaient envahir les rues de la ville » (Pelon 1970 : 142). Le vestibule (1) était dallé et se vit amputé d’une partie de sa superficie pour établir le réduit (1b) lors de la dernière phase de l’édifice (Pelon 1970 : 143-144). Soigneusement pavée de dalles serties dans du stuc blanc, la cellule 6 fut interprétée comme une salle de bain sur base d’une construction de terre, de pierres et de stuc qui occupait son angle nord-ouest (Pelon 1970 : 146-147). La présence d’un pithos associé à une cruche sans décor ainsi que des traces d’évacuation d’eau vinrent étayer cette hypothèse491. Une pierre à cupules fut également trouvée à proximité de l’entrée de ladite salle de bain (Pelon 1970 : 147, n. 4). À l’Ouest de l’édifice, les pièces 9 et 10, à sol de terre battue, furent qualifiées de magasins bien qu’on n’y trouva que les fragments d’un pithos et la base d’une lampe (Pelon 1970 : 148). Les cellules 12 et 13a formaient également des réduits alors qu’au sein de la pièce 11, on découvrit un prisme à hiéroglyphes (Pelon 1970 : 148) que le fouilleur estima tombé de l’étage où il restituait l’existence probable des « pièces de séjour et d’apparat » (Pelon 1970 : 161).
130Le plan justifié de la seconde phase de la maison Ea est de nature non distribuée alors que la symétrie et l’asymétrie y sont équivalentes (Fig. 223). Le graphe s’ouvre sur une séquence d’espaces de types b (cour - vestibule (1) - espace de transition) qui garantissent un fort potentiel de contrôle des circulations. Outre le fait qu’il s’ouvre sur les deux premières pièces de l’édifice (de type a), ce couloir dessert également la cellule 7. En termes syntaxique, cette dernière est tout à fait semblable à l’espace de transition. En effet, étant de type b, elle ajoute un niveau de contrôle et dessert deux espaces de type a (6 et 8) et un nouvel espace de type b, la cellule 11. Cet espace donne accès aux deux réduits étroits (12 et 13b), à l’étage via l’escalier (13a) et au magasin (9) (Pelon 1970 : 148). Le magasin (10), espace de type a, succède au dernier espace de type b du graphe, la cellule 9. Ce plan est caractérisé par une longue séquence d’espaces de type b (cour-1-espace de transition-7-11-9) qui rendent possible un contrôle de plus en plus étroit des circulations au fur et à mesure que l’on progresse vers l’Ouest de l’édifice et consécutivement, vers l’étage492. L’absence de réelles variations des données quantitatives (Fig. 224) nous renseigne probablement sur l’existence d’une interface ciblant les rapports entre résidents. Les cellules 7, 11 ainsi que l’espace de transition forment les espaces les mieux intégrés. On retrouve dans cette constatation, l’importance de la circulation axiale dont van Effenterre faisait état (van Effenterre 1980 : 410). Aux extrémités du plan justifié, ce sont la cour et le magasin (10) qui présentent la ségrégation la plus forte. Les cellules ayant les valeurs de contrôle les plus élevées sont la cellule 11, l’espace de transition et la cellule 7 (Fig. 225). Dans sa troisième phase, la maison Ea présente un plan justifié de nature assez similaire (Fig. 226). Il est à nouveau caractérisé par une séquence d’espaces de type b desservant localement des zones à vocation d’occupation (de type a). On retrouve une survivance de l’espace de transition principal à l’Ouest du vestibule (1a) mais il débouche finalement sur l’espace 5 qui, à son tour, contrôle l’accès vers la cellule 7. Le système conserve une valeur d’intégration assez élevée et même si l’édifice est amputé de sa partie ouest, il garde une configuration très similaire (Fig. 227). La pièce 5 devient la cellule la mieux intégrée, suivie de près par le vestibule (1a) et les cellules 2 et 3. Ce sont évidemment les pièces 6 et 8 qui culminent en termes de ségrégation. Les cellules ayant les valeurs de contrôle les plus élevées sont à nouveau l’espace de transition et la cellule 7 (Fig. 228).
131À l’examen du plan d’intégration visuelle de la deuxième phase de l’édifice (Fig. 229a), on remarque à quel point l’axe de circulation est-ouest était intégré au système comme nous l’avons déjà évoqué. Les étapes de profondeur visuelle viennent corroborer cette constatation et illustrent la perméabilité visuelle potentielle de cet axe central (Fig. 229b). Ce dernier dispose également du potentiel de contrôle visuel le plus grand (Fig. 229c). La contrôlabilité visuelle de la majeure partie des pièces étant assez basse, la cour, la grande pièce 4-5 et le magasin (10) se distinguent particulièrement (Fig. 229d). Dans sa troisième phase, l’intégration visuelle de Ea (Fig. 230a) illustre la disparition de l’axe susmentionné dont il reste néanmoins une portion à l’ouverture sur l’espace 5. On retrouve également le statut particulier de cette dernière ainsi que du vestibule (1a) mis en évidence par l’analyse de la syntaxe spatiale. Les étapes de profondeur visuelle (Fig. 230b) rappellent le deuxième état mais on constate que la fragmentation des espaces préexistants en modifie le profil visuel. Si le contrôle visuel (Fig. 230c) reste fort à l’entrée sur le vestibule (1a) et au débouché de l’espace de transition sur la cellule 5, on remarque qu’une bonne partie de cette dernière acquiert un potentiel de contrôle accru. En termes de contrôlabilité (Fig. 230d), la cour augmente alors que la cellule 5 diminue par rapport au deuxième état du bâtiment.
132Bien que l’édifice ait pu être approché par l’Ouest et le Sud durant sa première phase (Pelon 1970 : 157-160, pl. XXXIV. 1), il apparaît évident qu’il ne dispose plus que d’un seul accès, depuis la cour à l’Est, dans ses deux dernières phases. Depuis la rue, on accède à une cour. Cette dernière n’était pavée que par endroits et « sur le sol les plaques de pierre dessinaient un étroit passage menant du seuil de la cour à la porte de la maison » (Pelon 1970 : 142-143, plan III). Ce ‘passage’ qui fait écho à l’axe longitudinal de la cour, invitait tout naturellement à se diriger vers le vestibule (1 ou 1a). Néanmoins, cour et vestibule s’articulent perpendiculairement en un passage à chicane (van Effenterre 1980 : 410) qui crée une rupture dans l’axe arrière-avant et venait probablement en tempérer l’effet dynamique493. Durant la deuxième phase de la maison Ea, une fois le vestibule (1) atteint, on se trouve au sein d’un espace relativement statique. En effet, pour un observateur se situant sur le seuil du vestibule, la ligne de vision est entravée par le mur est de l’espace 2-3 (Fig. 231). Néanmoins, depuis cette même position, il devait être possible d’apercevoir le début de l’axe de circulation central ainsi que les ouvertures sur les cellules 4-5 et 6. Malgré le peu de dynamisme auquel invitait le vestibule, un certain attrait devait émaner de l’espace de transition que l’on devinait vers le Nord-ouest. Une fois à l’entrée de ce dernier, la ligne de vision se trouve ininterrompue jusqu’au réduit (12) favorisant l’axe arrière-avant. Malgré tout, la forte continuité qu’entretenait le couloir aussi bien avec la grande salle 4-5 qu’avec l’espace 2-3 devait atténuer la progression intuitive vers l’Ouest. La pièce 7, gonflant en quelque sorte l’étendue de l’espace de transition, venait également contribuer à en diminuer l’impact. Il convient également de noter que, malgré l’existence de cette ligne de tension spatiale qu’était le couloir central, les espaces tels que la salle de bain (6), les magasins (9 et 10) ainsi que l’accès à l’étage (13a) s’ouvraient perpendiculairement à son axe, créant autant de ruptures. On constate donc que malgré l’existence d’un accès relativement aisé vers l’Est de l’édifice, de nombreux éléments viennent en modérer l’effet. Durant la troisième phase de Ea, une fois le vestibule (1a) atteint, l’axe arrière-avant se déploie jusqu’au mur est de la cellule 3. La pièce 5, la plus grande de l’édifice, est desservie par un nouveau passage coudé depuis l’espace de transition494. Elle donne à son tour accès, par des ouvertures perpendiculaires à son axe principal, à 4 et 7. De manière générale, le couloir central ayant en majeure partie disparu, on constate que les circulations sont plus clairement entravées par d’incessantes ruptures d’axe qu’auparavant.
133Qu’il s’agisse du second et, à plus forte raison, du troisième état de la maison Ea, l’architecture en tant que domaine actif donne lieu à un commentaire identique à celui des autres maisons maliotes, et tout particulièrement celle de la façade à redans.
134Mesurant environ 50m d’Est en Ouest et environ 28m du Nord au Sud (1370m ²) (Deshayes et Dessenne 1959 : 92)495, le bâtiment E ou Maison Epsilon (Deshayes et Dessenne 1959 : 91-154, plan IV ; Graham 1962 : 67-68, Fig. 23 ; Tire et van Effenterre 1966 : 70-76 ; Pelon 1967 ; Pelon 1970 : 5-140, plans I et II ; van Effenterre 1980 : 411-414, Fig. 553 ; Preziosi 1983 : 69-71 et 409-413, Fig. II. 22 ; Troubled Island : 190-191, Fig. 7. 50 ; BCH 127 (2003) : 452-455 ; Bradfer-Burdet 2005, pl. IX et XI)496, quelque fois appelé « Petit Palais de Malia » (Deshayes et Dessenne 1959 : 150 ; Graham 1962 : 67 ; Preziosi 1983 : 69 ; Troubled Island : 190)497 s’étend à l’Ouest de la maison Ea. On conserve au sein de l’édifice, des traces du début Minoen Moyen, néanmoins, rien ne nous permet réellement d’avoir une idée précise de l’aspect qu’il pouvait avoir alors (Deshayes et Dessenne 1959 : 148-149 ; Graham 1962 : 67). La période qui représente la phase principale du bâtiment E est celle « des seconds palais », c'est-à-dire le néopalatial (Deshayes et Dessenne 1959 : 149-150 et 151-154 ; Pelon 1970 : 68-69 et 111-114 ; van Effenterre 1980 : 411 ; Troubled Island : 190-191), l’édifice ayant probablement été construit au MMIII (Bradfer-Burdet 2005 : 40). Par la suite, l’édifice fut occupé de manière ininterrompue jusqu’au MRIIIB (Pelon 1967 ; Farnoux 1997), ce qui, par endroits, complique considérablement la lecture des ruines (Deshayes et Dessenne 1959 : 150-151 ; Graham 1962 : 67 ; Pelon 1970 : 135-136 ; van Effenterre 1980 : 411). Ce bâtiment contient une cinquantaine de cellules mais nous n’en retiendrons que 38 (Fig. 232). Parmi celles-ci, on retrouve, un vestibule (1), un système de couloirs (2-7-41), une grande aire centrale (2b-3-4-5-6), un bain lustral (9) (Gesell 1985 : 108), ainsi qu’un atrium (14) (Deshayes et Dessenne 1959 : 104-105 ; van Effenterre 1980 : 257 et 411). De manière générale, l’on s’accorde à reconnaître que les ruines de cet édifice sont parfois très confuses, notamment en ce qui concerne la zone qui s’articule autour de l’espace 2b (Deshayes et Dessenne 1959 : 149-150 ; Graham 1962 : 67 ; van Effenterre 1980 : 411 ; Troubled Island : 190). Avant d’en faire l’analyse, il convient donc d’en commenter certaines zones. Tout d’abord, la partie est de l’édifice, au-delà du couloir (2), n’est pas intégrée à l’analyse. En effet, cette zone particulièrement ruinée fut fortement perturbée par des superpositions datant essentiellement du MRIII (Deshayes et Dessenne 1959 : 107-110 ; van Effenterre 1980 : 411 et 414). De plus, l’étude qu’en propose Pelon (Pelon 1967 ; Pelon 1970), même si elle dégage certains éléments498, n’en rend pas la perception spatiale plus aisée499. Malgré une proposition des fouilleurs (Deshayes et Dessenne 1959 : 98) et les convictions de certains (Graham 1962 : 68 ; n. 16c ; Troubled Island : 190) de voir une ouverture entre le portique (4) et le prolongement ouest du vestibule (1), une seule entrée est retenue, marquée par un seuil dans l’angle sud-est du vestibule (1)500. Comme nous l’avons déjà évoqué, au-delà du corridor (2), s’ouvre un espace aéré de nature peu définie. Le fouilleur en donne une description aussi détaillée que possible mais ne parvient malgré tout pas à définir réellement l’apparence (Deshayes et Dessenne 1959 : 95-101 et 149). Il mentionne tout au plus une cour centrale à l’image de celle des palais (Deshayes et Dessenne 1959 : 100 et 150). Graham, au même titre que Preziosi, évoque également une cour centrale (en 2b) et mentionne l’existence d’une colonnade (4) s’ouvrant sur deux pièces séparées par une baie à portes multiples (5 et 6) (Graham 1962 : 68)501. Malgré que le plan proposé puisse donner l’impression d’espaces architecturalement bien définis, la description qu’en donne van Effenterre rend assez bien compte du caractère confus de cette partie de l’édifice :
Quelle que soit la façon exacte dont il faille imaginer les éléments dans cet espace rectangulaire - tout y est arasé jusqu’à quelques centimètres du sol antique -, il est évident que cet espace n’était pas vraiment construit. Divisé sûrement, abrité sans doute, partiellement couvert en tout cas, il ne pouvait pas être surmonté d’un véritable étage. La faiblesse des supports préservés, le peu d’épaisseur des parois dont on reconnaît les traces, la largeur des surfaces d’un seul tenant ne permettent de voir là qu’une sorte de vaste patio occupé par des aménagements légers dont l’organisation précise nous échappe : tout est si ruiné. Des bases de colonnes existent, qui font penser à des portiques. Un alignement de blocs espacés, creusés de mortaises pour l’encastrement de piliers, évoque un polythyron. Le grand dallage 2 bis appelait une couverture tandis que les surfaces stabilisées 1, 2 bis (partie centrale à l’Ouest) et 4 pouvaient être à l’air libre (van Effenterre 1980 : 412-413).
135Une chose est sûre, la zone était aérée et devait affecter, au cœur de l’édifice E, une apparence assez semblable à celle d’une cour centrale. Le nord-ouest du bâtiment offre une image assez cohérente. Notons malgré tout que l’ouverture qui semble relier la base de l’escalier sur lequel débouche le couloir (41) et la cellule 40 n’était probablement qu’une « interruption fortuite » (Deshayes et Dessenne 1959 : 112) et non une porte à proprement parler502. Au Sud de cette zone, la cellule 38 s’ouvrait sans doute sur la cellule 6 (Deshayes et Dessenne 1959 : 110). À part cela, il est difficile d’en apprécier la forme véritable. Suite à la découverte d’une structure formée de plaques d’ammouda dessinant une cuvette emplie de cendres, d’os et de diverses trouvailles mineures, le fouilleur interpréta, non sans précaution, la zone comme un sanctuaire domestique (Deshayes et Dessenne 1959 : 111-112 ; Gesell 1985 : 108). La partie sud du bâtiment paraît clairement être desservie par le couloir (7). Les connexions spatiales y sont parfois assez difficiles à cerner, néanmoins, il est possible de se faire une idée assez convaincante de la manière dont les espaces s’y articulaient503. Il convient toutefois de noter, en 14, l’existence d’une disposition spatiale que van Effenterre qualifia d’atrium et dont nous avons déjà donné les caractéristiques504. Pour terminer, notons que le fouilleur, hormis les quelques marches menant au bain lustral (9) et aux magasins (47), ne mentionne nulle part l’existence d’escaliers. Il peut paraître étonnant qu’un édifice de cette ampleur n’ait pas disposé d’un étage. C’est probablement pour cette raison que certains spécialistes en imaginèrent à différents endroits505. C’est à nouveau chez van Effenterre que l’on trouve une approche assez intéressante de ce problème :
Y avait-il d’ailleurs un étage au-dessus des ailes Ouest, Sud et Est du bâtiment ? On est tenté de le supposer pour une villa si étendue qui devrait avoir abrité un nombreux personnel. Mais le fouilleur ne signale nulle part d’objets tombés de l’étage et il n’y a pas trace des escaliers qui auraient permis d’y monter. […] On peut donc penser qu’à une époque où la ville était probablement moins densément peuplée et où s’élevaient, à l’Est et au Sud du palais, des quartiers qui n’avaient plus tant à tenir compte des vieilles ruelles, la villa E aura pu s’étaler tout à son aise, en renonçant à des étages qui aggravaient peut-être les dangers en cas de secousse sismique (van Effenterre 1980 : 413-414).
136Quoi qu’il en soit, il est impossible de se prononcer formellement sur la question de l’existence d’étages ou même d’escaliers506. En ce qui concerne les trouvailles les plus importantes, la fouille mit au jour, en 8, un fragment de fresque assez important qui valu à la pièce le nom de « salle aux fresques » (Deshayes et Dessenne 1959 : 101 et 138-140, pl. LXXIII-LXXIV). Le bain lustral (9) était doté de deux niches dans sa paroi ouest, on y découvrit une lampe en stéatite, quelques objets de bronze et une moitié de table à libation (Deshayes et Dessenne 1959 : 102-103 ; Gesell 1985 : 108). La cellule 24 gardait les traces d’un foyer circulaire disparu (Deshayes et Dessenne 1959 : 106) alors que la pièce 26 était couverte de trace de feu et de carbonisation. Le fouilleur émet l’hypothèse d’une cuisine tout en signalant qu’aucun ustensile n’y fut découvert (Deshayes et Dessenne 1959 : 107).
137Le plan justifié du Petit Palais de Malia se présente sous la forme d’une arborescence affectant localement une certaine symétrie (Fig. 233). La distributivité du système est faible et ne se retrouve qu’en étroite relation avec les cellules formant la zone centrale (2b-4-5-6). Le graphe s’ouvre sur une enfilade de deux espaces de type b, le vestibule (1) et le couloir (2). Ce dispositif spatial forme le seul point de pénétration dans l’édifice507 et garantit, de par sa nature topologique, un potentiel de contrôle assez élevé. Au débouché du couloir (2) au Sud, s’ouvre le vaste espace dallé (2b). Cette zone, de type c, constitue véritablement le pivot des circulations. Elle articule les différentes parties de l’édifice entre elles, soit directement, soit par l’entremise des cellules qui lui sont étroitement associées. Au point de vue topologique, la cour (2b) n’est pas sans rappeler la cour centrale des palais. En effet, elle semble pouvoir combiner le rôle d’articulation majeure, de noyau de circulations, tout en demeurant une cellule valant pour elle-même et pas un simple espace de transition. En tant que tel, cet espace offre une certaine flexibilité de mouvement mais conserve un certain potentiel de contrôle. Depuis cette ‘cour centrale’, on pouvait accéder à l’espace 3 (de type a) dont on sait relativement peu de choses si ce n’est qu’il devait être fermé sur trois côtés, présentait une ouverture au Sud et pouvait être un prolongement de la cour508. On constate également, qu’au Sud-est du couloir (2), le dallage s’interrompt et laisse place à l’emplacement stuqué 2c. Le fouilleur émit à son sujet, sans grande conviction, l’hypothèse de l’existence d’un « puits de lumière, destiné à éclairer le couloir 7 et les pièces qui le bordent au Sud » (Deshayes et Dessenne 1959 : 96). Le seul anneau que contient le graphe met en relation la cour (2b) avec le portique (4)509 et l’étrange espace 6510, tout deux s’ouvrant sur une nouvelle cour (5) à sol stuqué mais présentant localement des traces de dallage rectangulaire511. On constate donc qu’il existe entre les cellules formant le centre de l’édifice, une certaine flexibilité des circulations sans pour autant que la configuration spatiale manque d’un certain potentiel de contrôle (il s’agit de quatre espaces de type c). Au-delà de cet anneau, l’espace 6 donnait peut-être accès à la cellule 38512, alors que la cour (5) s’ouvrait soit sur la cellule 39 (Deshayes et Dessenne 1959 : 112) soit sur le couloir (41) qui desservait à son tour des « réduits de dimensions identiques » (42, 43 et 44) ou, via un escalier, une pièce en contrebas formé de trois espaces en enfilade (47) (Deshayes et Dessenne 1959 : 112). Au Sud de l’édifice, on accède au couloir (7) depuis la cour (2b)513. Ce couloir forme véritablement la base de toutes les circulations de la partie sud de l’édifice. De type b, il disposait sans doute d’un assez fort potentiel en termes de gestion des mouvements. Le couloir (7) dessert soit des espaces à vocation d’occupation (10, 11, 24, 25 et 26 - de type a)514, soit deux autres cellules, 8 et 13, qui commandent localement les circulations vers les pièces qui les entourent. En ce qui concerne les données quantitatives, on peut constater qu’elles varient extrêmement peu que l’extérieur soit pris en compte ou pas (Fig. 234). La configuration spatiale de l’édifice trahirait donc une interface axée sur les rapports entre résidents. La cour (2b) et le couloir (7) sont, de loin, les cellules les mieux intégrées au système. Viennent ensuite la cellule 6515 ainsi que la salle aux fresques (8) et l’atrium (13). Les cellules les moins bien intégrées se retrouvent au Nord-ouest du Petit Palais et c’est la dernière pièce de l’enfilade d’espace 47 qui présente la ségrégation la plus marquée. De manière générale, on constate que, même si le graphe présente dix niveaux de profondeur et une valeur d’intégration assez élevée ses espaces constitutifs conservent des valeurs d’intégration relativement basses516. Cela trahit sans doute l’existence d’un système qui, même s’il affichait clairement une séparation avec le monde extérieur, présentait une structure interne bien échafaudée : « […] deux canaux de circulation [2 et 7] desservent pratiquement toute la maison. On peut difficilement imaginer un système plus simple […] » (van Effenterre 1980 : 412). En ce qui concerne les valeurs de contrôle, les cellules étant les plus significatives sont, dans l’ordre décroissant, le couloir (7), la cellule 13, le couloir (41), la cour (2b), la cellule 8 et la cour (5) (Fig. 235).
138Afin de rendre l’analyse visuelle par le biais de Depthmap possible, certains ajouts ont été faits au plan proposé pour l’analyse de la syntaxe spatiale (Fig. 233). En effet, en le gardant en l’état, il aurait été impossible d’utiliser le logiciel. Il fallut d’abord circonscrire l’édifice de tous côtés. C’est la raison pour laquelle une limite arbitraire fut dessinée à l’angle sud-est du bâtiment. Cette dernière circonscrit la zone que le fouilleur interprétait comme un puits de lumière potentiel et s’arrête là où commence la zone particulièrement confuse et marquée par les réoccupations du MRIII. Outre cette modification, d’autres éléments sont à noter. L’ouverture entre les cellules 6 et 38 n’est pas retenue pour l’analyse dans la mesure où elle est fortement hypothétique et dessert un espace dont le tracé interne est pour le moins nébuleux517. Pour terminer, des limites furent ajoutées au Nord de la salle aux fresques (8). En effet, le fouilleur précise qu’il est « impossible de dire où en était au juste l’entrée » mentionnant néanmoins qu’elle « était certainement percée dans la partie centrale du mur, dont rien ne subsiste » (Deshayes et Dessenne 1959 : 101). Bien que ces ajouts, en particulier ceux des limites, gardent un caractère plus qu’hypothétique, ils permettent de procéder à l’analyse visuelle. L’intégration visuelle (Fig. 236a) fait parfaitement écho aux résultats de l’analyse de la syntaxe spatiale. Notons simplement que, comme évoqué cidessus, l’ouverture entre 6 et 38 n’étant pas prise en compte, la cellule 6 présente une intégration moins forte. Les étapes de profondeur visuelle (Fig. 236b) manifestent particulièrement bien la manière dont le couloir (2) pouvait créer un véritable axe Nord-Sud menant directement au couloir (7) et la réclusion visuelle de certaines cellules. En termes de contrôle (Fig. 236c), Depthmap corrobore totalement les résultats de l’analyse de la syntaxe spatiale. Il convient de noter que, visuellement parlant, c’est à la jonction de deux axes principaux de l’édifice, les couloirs (2) et (7) qu’on retrouve la zone au potentiel de contrôle le plus élevé. De plus, l’ensemble de l’espace ouvert (2b) semble avoir rendu possible un contrôle visuel local assez remarquable. En ce qui concerne la contrôlabilité (Fig. 236d), certains aboutissements des circulations contrastent avec le reste des pièces (cellules 19, 20, 22 et 47). L’espace 2b se trouve quant à lui dans une situation extrêmement similaire à celle de la cellule 17 de la maison Zeta Beta. On peut également constater que la cellule 25 et le bain lustral (9) sont apparemment, au moins en ce qui concerne une partie de leur superficie, les espaces les plus propres à être aisément contrôlables visuellement.
139En ce qui concerne l’architecture en tant que domaine passif, certaines remarques sont nécessaires. Depuis la rue, le vestibule (1) était probablement directement visible, n’en étant séparé que par la différence de hauteur (d’environ 35cm)518 et l’existence d’un muret s’élevant peut-être légèrement en direction de l’Ouest depuis l’endroit où le vestibule se rétrécit en une « courette » (Deshayes et Dessenne 1959 : 94). On constate également qu’à l’endroit où le vestibule s’ouvre parallèlement à la rue, celle-ci fut élargie sans doute pour rendre possible l’aménagement d’un petit dallage (Deshayes et Dessenne 1959 : 93). Il apparaît donc que l’entrée de l’édifice est clairement manifestée (la zone est visuellement ouverte sur la rue et marquée par la présence d’un dallage, d’un petit escalier et d’un seuil - Deshayes et Dessenne 1959 : 94) mais qu’elle n’en demeure pas moins restreinte d’une certaine manière (surélévation de la zone et dispositif en chicane). Cette manière de ‘casser’ la progression est dédoublée dès l’entrée du ‘Petit Palais’ car le couloir (2) s’ouvre également en chicane depuis le vestibule (1). Le caractère longitudinal de cet espace de transition fait évidemment écho à l’axe arrière-avant et canalise les circulations jusqu’au large espace ouvert (2b) qui en dilate l’effet dynamique519. À nouveau, au même titre qu’une cour centrale palatiale, l’espace 2b forme un espace positif défini aussi bien par son revêtement que par les structures verticales qui le délimitent. Il vaut pour lui-même et constitue une zone relativement statique. Néanmoins, on constate également qu’il entretient une continuité spatiale relativement forte avec les espaces qui l’environnent (3, 4, 6 et 7). Localement, un certain dynamisme apparaît donc aux points de jonction entre la « cour centrale » de l’édifice E et les cellules qui y sont étroitement liées. Les deux couloirs restant de l’édifice (41 et 7) s’ouvrent perpendiculairement à l’axe principal de l’espace qui en permet l’accès (respectivement la cellule 5 et 2-2b). On ne s’étendra pas sur la partie Nord-ouest de l’édifice dont les articulations spatiales sont assez aisées à appréhender. Par contre, il est important de préciser qu’une fois le corridor (7) atteint, le fait qu’il se déploie aussi bien vers l’Ouest que vers l’Est, diminue l’impact dynamique fort qu’il aurait eu s’il n’avait été axé que sur une direction. De manière générale, les cellules qui le bordent au Sud ont évidemment une entrée perpendiculaire à son axe. C’est en direction de la zone de l’atrium (cellules 13-14) ou de la cellule 26 que s’étend l’axe longitudinal du corridor (7). Il n’est pas impossible que la lumière émanant de l’espace à péristyle ait constitué un attrait perceptif en direction de l’Ouest. Pour terminer, il convient de préciser que les cellules 13 et 14 forment bel et bien un noyau spatial autour duquel s’organisent des cellules qui leurs sont subordonnées.
140Si l’on envisage l’architecture en tant que domaine actif, il est évident que la superficie même de l’espace 2b et des cellules qui lui sont étroitement associées (3, 4, 5 et 6) pourrait avoir permis à des manifestations sociales d’une ampleur particulière d’y prendre place au contraire de ce que l’on a pu constater au sein des autres édifices non palatiaux de Malia. L’apparence que devait présenter la zone est malheureusement plus qu’incertaine, néanmoins, si l’on se concentre uniquement sur la cour (2b), avec ses 100m2, on peut admettre qu’elle pouvait aisément accueillir des représentations d’échelle publique. Si l’on dispose, depuis différentes ouvertures sur la cour, des cercles concentriques correspondant aux limites des sphères de communication sociale (gris foncé) publique (portée restreinte - gris de tonalité moyenne) et publique (portée étendue), on constate que l’espace 2b pouvait, pour peu que les spectateurs se soient situés en périphérie520, accueillir, au maximum, des représentations rentrant dans l’ordre de la sphère publique de portée restreinte (Fig. 237). En ce qui concerne le bain lustral (9), en termes de sphères de communication, il est du même type que ceux rencontrés précédemment (Fig. 238).
141C’est au Nord-est du palais, sans continuité avec la ville même, que s’étend une deuxième zone d’occupation dont des sondages tentèrent de définir le caractère en 1921 et 1928 (BCH 1921 : 536 ; 1928 : 502 ; Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 9-11 ; voir Pelon 1966 : 553, Fig. 1). La zone, à l’Est de la nécropole de Chryssolakkos, fut baptisée Agia Varvara du nom d’une chapelle locale (Demargne et Gallet de Santerre 1953 : 9). Les premières fouilles établirent l’existence de « restes d’habitation et des sépultures de dates diverses » (Pelon 1966 : 552)521. Il fallut néanmoins attendre 1965 pour qu’une campagne de fouille s’intéresse plus précisément à une des grandes constructions quadrangulaires que l’on avait repéré à cet endroit (Pelon 1966 : 553). Des prospections mirent également en évidence l’existence d’une route minoenne proche (Müller 1991)522. La maison d’Agia Varvara (Pelon 1966 ; van Effenterre 1980 : 171-172 et 397 ; Troubled Island : 192, Fig. 7. 52, Romanou 2007 : 79-81, Fig. 9. 2) mesurait 10m40 du Nord au Sud et 11m70 d’Est en Ouest (132m ²) (Fig. 239) (Pelon 1966 : 555). De manière générale, les fouilles révélèrent qu’il s’agissait d’une demeure « de type rustique »523 sans doute établie au MMIII (van Effenterre 1980 : 397 ; Troubled Island : 192) et détruite au MRIB (Troubled Island : 192)524. Avant de faire une brève description des vestiges, il convient d’attirer l’attention sur le fait que le plan même de la maison n’est pas sans rappeler celui que l’on retrouvait dans bon nombre de demeures protopalatiales du site. Van Effenterre, qui admet que cet édifice ait été bâti au MMIII, interprète cette réalité de la sorte :
En bien des cas l’importance de l’immeuble ne justifiait pas le recours à une architecture complexe. On bâtissait du neuf, certes, mais à la façon dont les ancêtres avaient bâti le vieux, c'est-à-dire que l’on édifiait encore des demeures dont le centre était une courette ou une salle à support central autour de laquelle se distribueraient toutes les autres pièces : il n’y avait normalement pas d’étage en dur au dessus (van Effenterre 1980 : 397)525.
142Cet édifice contient 8 cellules dont un vestibule (1), une salle à colonne centrale (3) et un puits de lumière (8)526. La cellule 1 qui donne, dès après son ouverture depuis l’extérieur, sur la cellule 3 posa question au fouilleur. Ce dernier s’interrogea sur la fonction de la partie sud du vestibule où il découvrit une plate forme de superficie réduite527. Les pièces 2 et 4, qui ne disposaient d’aucun accès repérable, furent interprétées comme légèrement surélevées, doté d’un palier et s’ouvrant par un petit escalier de bois sur la salle à colonne centrale (3) (Pelon 1966 : 560-561). Cette dernière fut décrite par le fouilleur comme le noyau de l’habitation qu’il rapprocha notamment de la cellule 17 de la maison Zeta Alpha (Pelon 1966 : 565-567 ; van Effenterre 1980 : 171-172). Les trouvailles furent relativement maigres au sein de l’édifice (Troubled Island : 192). Néanmoins, la pièce 3 révéla, contre son mur est, la présence d’un massif de pierre renfermant deux vases en forme de chaudron placés dans des évidements circulaires (Pelon 1966 : 560)528. La cellule 5, qualifiée de « cellier », fut découverte encombrée de débris de vases dont certains contenaient encore des graines (Pelon 1966 : 562). On y découvrit également des poids de tisserand, un sceau lenticulaire, de pierres percées ainsi qu’un morceau de cuivre non travaillé (Pelon 1966 : 564). Les pièces 6 et 9 furent particulièrement pauvres en trouvailles ce qui rend malaisé l’identification de leur destination (Pelon 1966 : 564). L’espace de transition (7) était dallé, tout comme la cellule 8, circonscrite par un muret bas (Pelon 1966 : 564). Pour terminer notons qu’une auge (un bloc d’ammouda à cavités) trouvée dans la cellule 4 fut interprétée par le fouilleur comme le support potentiel d’un métier à tisser (Pelon 1966 : 560 et 568-572).
143Le plan justifié de la maison d’Agia Varvara est assez simple étant donné le peu de cellules qui le composent (Fig. 240). Il est totalement non distribué, asymétrique dans sa partie inférieure et symétrique à partir du troisième niveau de profondeur. Le vestibule (1) forme le seul point de pénétration dans le système et mène à la salle à colonne centrale (3). Ces deux espaces, de type b, constituent de forts pôles de contrôle des circulations. La cellule 3 articule les circulations vers deux parties de l’édifice, au Sud vers la salle surélevée (2-4), de type a, et, à l’Ouest, par l’entremise de l’espace de transition (7), vers le reste de l’édifice. On peut également constater le faible changement dans les valeurs quantitatives lorsque l’extérieur n’est pas pris en compte (Fig. 241). De manière générale, avec une valeur d’intégration générale de 1,914, cet édifice se présente comme une structure relativement peu intégrée par rapport au monde extérieur. L’espace de transition (7) et la salle à colonne centrale (3) sont les espaces les plus intégrés au système529 à l’inverse de la cellule 2-4 qui présente la ségrégation la plus forte. Les espaces présentant les valeurs de contrôle les plus élevées sont l’espace de transition (7) et la salle à support central (3) (Fig. 242).
144L’intégration visuelle (Fig. 243a) vient clairement confirmer les données de l’analyse de la syntaxe spatiale. En termes de contrôle visuel (Fig. 243c), on peut constater que l’espace de transition (7) avait un potentiel assez élevé ainsi que, dans une moindre mesure, la jonction entre le vestibule (1) et la salle centrale (3). Ce sont les cellules 3 et 6, 8 et tout particulièrement l’espace de transition (7) qui semblent avoir eu la contrôlabilité la plus élevée (Fig. 243d).
145En termes d’architecture passive, le vestibule (1) est l’exemple même de l’accès en chicane. Son axe longitudinal fait écho à l’axe arrière-avant mais la ligne de vision qui y correspond va mourir sur un mur aveugle. Notons néanmoins que le fait qu’on puisse apercevoir une partie de la salle à colonne centrale (3) depuis le seuil de la maison devait contribuer à attirer les circulations dans cette direction530. La salle centrale induisait probablement un statisme fort. Les pièces qui composent le reste de l’édifice lui sont clairement assujetties spatialement531. L’espace de transition (7) délimité par son revêtement et le mur bas qui entourait la cellule 8 dessert également les espaces 5, 6 et 9 par le biais d’une connexion à axe brisé. De façon générale, les espaces semblent avoir été disposés de manière à ce que les circulations ne soient jamais réellement directes.
146En ce qui concerne l’architecture active, on renvoie ici aux commentaires effectués dans le cadre de l’étude des autres édifices de Malia (notamment la maison Ea), le ‘Petit Palais’ mis à part (Fig. 244).
Galatas
147C’est à une trentaine de kilomètres au Sud-est d’Heraklion, à proximité du village de Galatas (Rethemiotakis 1999b : 19), au lieu-dit Galatiani Kephala, que se dresse le quatrième palais minoen en termes de taille (Troubled Island : 193). Il se situe au sein d’une région densément peuplée dès le protopalatial comme en atteste le réseau d’établissements et d’installations rurales dans la plaine fertile environnante (Rethemiotakis 2002 : 55). Dès 1992, le site fut fouillé par G. Rethemiotakis532. Même si l’on conserve des traces datant du MMII sous l’aile ouest et que l’existence d’une maison est avérée au MMIIIA en lieu et place de la future aile est, ce n’est qu’à la période de transition MMIIIB/MRIA que le palais apparaît en tant que tel (Rethemiotakis 1999a : 721 ; Rethemiotakis 1999b : 19 ; Rethemiotakis 2002 : 55-58). Si l’on en croit le fouilleur, le palais fut définitivement détruit par un tremblement de terre consécutif à l’éruption de Santorin dans le courant du MRIA (Rethemiotakis 1999a : 721-722, n. 3 ; Rethemiotakis 1999b : 19). Peu avant cette destruction, l’édifice aurait été abandonné par ses occupants originels et réinvesti ensuite par d’autres, à qui l’on doit la phase d’activité minimale du bâtiment caractérisée par quelques restaurations et l’altération de ses fonctions d’origine (Rethemiotakis 1999b : 19 ; Rethemiotakis 2002 : 63-68). Au MRIB, même si l’emplacement du palais demeure totalement vide, une série de bâtiments sont érigés, réparés ou reconstruits dans son voisinage immédiat (Rethemiotakis 2002 : 66-67). L’état particulièrement lacunaire des vestiges rend difficile une estimation de la taille réelle de l’édifice. Néanmoins, si l’on se contente de mesurer l’étendue des structures que l’on conserve, le palais de Galatas faisait probablement plus de 60m de long sur presque autant de large (Fig. 245). À elles seules, les ailes nord et est (reconstitution hypothétique de l’étage comprise - Rethemiotakis, 1999b : 23, Fig. 3) comptent plus d’une cinquantaine de cellules. Les ailes ouest et sud sont trop ruineuses pour qu’on puisse en estimer la composition. Comme nous le verrons par la suite, le schéma palatial typique se retrouve à Galatas. En effet, l’édifice s’articule en quatre ailes autour d’une cour centrale. L’aile sud est particulièrement peu documentée533. Malgré son caractère lacunaire, l’aile ouest révéla l’existence d’une zone à laquelle le fouilleur reconnaît une vocation rituelle (Rethemiotakis 1999b : 20 ; Rethemiotakis 1999a : 725 ; Rethemiotakis 2002 : 59). En effet, d’une part, la cellule 22 contenait un foyer associé à une plate-forme en pierre, un pithos à gauche de l’entrée depuis la cour centrale ainsi que de la céramique culinaire et de table, des os d’animaux et un brûloir à encens (Rethemiotakis 1999a : 725). D’autre part, les trois espaces en enfilade qui forment la cellule 23, séparés de l’espace 22 par des balustrades, auraient servi d’emplacement à l’objet du culte que l’on aurait pu apercevoir sans pour autant l’approcher (Rethemiotakis 1999a : 725). Ces constatations invitent le fouilleur à considérer que la consommation de nourriture pouvait aller de pair avec des rituels de libation à cet endroit du palais534. Au sud, la cellule 22 s’ouvrait sur une grande exèdre, la pièce 28. Cette dernière aurait pu accueillir les spectateurs de manifestations prenant place dans la cour centrale (Rethemiotakis 2002 : 59). Un foyer ovale fut également découvert aux environs de l’espace 32 et, d’après le fouilleur, il n’est pas impossible qu’il ait joué un rôle industriel (Rethemiotakis 1999a : 726). L’aile nord frappe par la qualité d’appareillage des murs qui donnent sur la cour centrale (Rethemiotakis 1999b : 20 ; Rethemiotakis 2002 : 59)535. Le fouilleur y restitue les quartiers résidentiels et les appartements officiels (Rethemiotakis 2002 : 59). On y retrouve, outre deux escaliers536, une salle minoenne (48) et ses dépendances. L’aile la mieux conservée est sans conteste l’aile est. On y retrouve notamment des zones de stockage (cellules 5 à 10) (Rethemiotakis 1999a : 722), deux escaliers (cellules 16 et 19) ainsi qu’un vestibule d’entrée (13) (Rethemiotakis 1999a : 724 ; Rethemiotakis 1999b : 20). Les trois espaces les plus importants n’en demeurent pas moins la cuisine (cooking area - cellules 11 et 12), la salle à colonne (Column hall - cellule 14) et la salle à piliers (Pillar hall - cellule 17). Très vite abandonnée, et remblayée durant la phase de transition MMIIIB/LMIA, la cuisine est formée de deux cellules dont l’une (11) était hypèthre (Rethemiotakis 1999a : 722). C’est à son remblaiement que l’on doit la préservation d’un abondant matériel qui ne laissa aucun doute sur la fonction de ces deux pièces537. À l’origine, la cellule 14 semble avoir été une salle dotée d’une colonne centrale et de banquettes (Rethemiotakis 1999a : 723). Elle aurait servi de salle à manger jusqu’à ce qu’elle soit transformée en cuisine consécutivement à l’abandon des cellules 11 et 12 (Rethemiotakis 1999a : 723 ; Rethemiotakis 1999b : 22). Dotée de quatre piliers encadrant un foyer rectangulaire, la cellule 17 semble être l’espace central de l’aile est (Rethemiotakis 1999a : 723). Cet espace est particulier à plus d’un titre. En effet, alors que le reste de l’édifice périclite lors du MRIA (les magasins et l’étage n’étant déjà plus en fonction), les occupants de l’édifice tentent malgré tout de consolider les murs de la salle à piliers (Rethemiotakis 1999a : 723 ; Rethemiotakis, 1999b : 26). De plus, alors que l’espace 14 s’est transformé en cuisine et qu’on retrouve des traces de traitement des céréales dans presque chaque espace libre, la cellule 17 ne révéla aucune trace de matériel de cuisson, d’os d’animaux ou de meule (Rethemiotakis 1999a : 723). Le fouilleur l’interprète comme le pôle de rencontre entre deux groupes différents (Rethemiotakis 1999a : 724)538. Le foyer monumental de cette cellule et l’ouverture qui le surmontait auraient donc eu une vocation pratique de chauffage et d’éclairage. Néanmoins, d’un point de vue symbolique, cet espace aurait pu former le cœur de la communauté liée à l’édifice539. L’étage de cette aile était probablement formé de grandes salles et de balcons (Rethemiotakis 1999b : 22-23, n. 9) (Fig. 246) sur lesquels nous reviendrons lorsque nous envisagerons l’architecture en tant que domaine actif. Comme nous l’avons déjà évoqué, le MRIA voit l’édifice évoluer fortement540 : les magasins (5-10) et la cuisine (11-12) sont abandonnés, les portes et escaliers vers l’étage sont bloqués et la salle à colonne se change en cuisine. De plus, l’accès depuis le passage sud-est est fermé. Certains accès vers les différentes ailes depuis la cour centrale sont également bloqués. La zone dite résidentielle semble malgré tout continuer à fonctionner et le fouilleur évoque l’hypothèse d’une entrée depuis l’Ouest vers l’aile nord de l’édifice (Rethemiotakis 2002 : 63-64). On retrouve aussi, durant cette phase finale, des traces de meule dans la pièce 51 et même dans la cour centrale. De manière générale, la deuxième phase de l’édifice semble trahir l’existence de plusieurs petites sous-unités remplaçant l’entité architecturalement et fonctionnellement cohérente que formait le bâtiment auparavant (Rethemiotakis 2002 : 64). En ce qui concerne le palais de Galatas, Rethemiotakis attire particulièrement l’attention sur l’échelle communautaire de la production et de la consommation de la nourriture (Rethemiotakis 1999b : 26) ainsi que sur l’existence de manifestations et de rassemblements (Rethemiotakis 1999a : 724 ; Rethemiotakis 1999b : 22-23). Il souligne malgré tout que la signification sociale des repas communautaires s’est probablement vue réduite durant la période de déclin du bâtiment (Rethemiotakis 2002 : 65)541.
148Les deux phases du palais de Galatas bénéficient d’un plan justifié. Dans un cas comme dans l’autre, le caractère très lacunaire des vestiges invite à la plus grande prudence. Comme évoqué ci-dessus, seule l’aile est offre une image suffisamment cohérente. L’analyse se focalise donc sur cette partie de l’édifice. Néanmoins, les cellules spatiales des autres ailes dont les connexions peuvent être établies sont incorporées aux plans justifiés542. Durant la première phase (Fig. 247), le plan justifié contient 32 % d’espaces de type a, 34 % de type b, 28 % de type c et 6 % de type d. Deux espaces ont une nature topologique indéterminée dans la mesure où il est impossible de restituer les circulations potentielles qui y sont liées543. Il s’agit de la cellule 32 et de la salle minoenne (48). Globalement le graphe affecte un profil asymétrique. En ce qui concerne la distributivité, il est difficile de se prononcer en l’absence d’un aperçu plus complet des vestiges. Néanmoins, localement, l’aile est se trouve dans une situation très largement distribuée au rez-de-chaussée alors que l’étage est totalement non distribué. L’aile est s’ouvre avec un large anneau externe au sein duquel on retrouve, entre autres, la cour centrale, le passage sud-est, le vestibule/portique (13), la salle à colonne (14) et la salle à piliers (17). Le passage sud-est, au premier niveau de profondeur, est le point de pénétration le plus direct. C’est au troisième niveau de profondeur qu’on retrouve le second accès à l’aile est, depuis la cour centrale vers la salle à piliers (17)544. Le passage donne accès à l’espace libre de l’angle sud-est du bâtiment mais également au vestibule (13). À partir de ce dernier, on accède soit à la salle à colonne (14), soit, par l’entremise d’une échelle (Rethemiotakis 1999a : 722 ; Rethemiotakis 1999b : 22), à la cuisine (cellules 11 et 12). En ce qui concerne la cuisine, l’hypothèse d’une connexion spatiale entre les cellules 11 et 21 est adoptée. L’existence de cette ouverture que l’on ne retrouve pas clairement sur les plans (Rethemiotakis 1999a, pl. CLII ; Rethemiotakis 1999b : 21, Fig. 1 ; Rethemiotakis 2002, pl. XII) ni sur la projection isométrique (Rethemiotakis 1999a, pl. CLIII) est malgré tout évoquée à plus d’une reprise par le fouilleur545. Elle crée un second anneau intégrant, outre les espaces de transition, les pièces 17 et 21. La salle à piliers (17) se présente donc comme un véritable carrefour des circulations. De type d, elle dispose d’un potentiel de contrôle des circulations nettement moins prononcé que les autres cellules constitutives des anneaux (majoritairement de type c). Depuis la salle à piliers (17), on peut notamment accéder à une pièce isolée de l’étage (a) par l’entremise de l’escalier (16), de type b. L’accès à la zone de stockage (cellules 5-10) depuis la salle à piliers (17) rencontre un espace de transition, de type d également. Conjointement, l’existence d’un anneau au sein même du dispositif spatial des magasins témoigne de la grande flexibilité potentielle de cette zone en termes de circulation. L’espace de transition précédemment évoqué rencontre également l’étroit passage qui mène à la cellule 21 et s’ouvre sur l’escalier (19). Une fois cet escalier emprunté et le premier étage atteint, la situation change de manière radicale. En effet, le cheminement pouvait y être étroitement contrôlé par la présence d’une succession d’espaces de type b desservant les zones d’occupation. À titre informatif, si l’ouverture entre les espaces 11 et 21 n’était pas prise en compte, le plan justifié n’en serait pas totalement bouleversé546. Néanmoins, les cellules de l’étage gagneraient toutes un niveau de profondeur alors que la pièce 21 se verrait reléguée au sixième niveau de profondeur. De plus, la salle à piliers (17) adopterait un profil topologique de type c. En ce qui concerne les données quantitatives, on remarque que l’asymétrie relative et les valeurs d’intégration demeurent quasiment inchangées que l’extérieur soit pris en compte ou non (Fig. 248)547. Cet état de fait tendrait à souligner l’existence d’une interface privilégiant les rapports entre résidents548. En ce qui concerne les cellules, on remarque que la salle à piliers (17) présente, au sein de l’aile est, l’intégration la plus forte. Viennent ensuite la cuisine (11) et la salle à colonne (14). Les magasins (8-10) et la salle (a) à l’étage ont une intégration moyenne relativement similaire. La pièce (b) et les balcons (1) et (2) présentent une intégration moins forte alors que la cellule (d) et le balcon (3) sont les pièces dont la ségrégation est la plus prononcée. Les espaces présentant les plus fortes valeurs de contrôle sont la cour centrale, le couloir (43), les couloirs d’accès aux magasins et la cellule c (Fig. 249).
149Durant la seconde phase (Fig. 250), le plan justifié perd en complexité. Avec 31 % d’espaces de type a, 50 % de type b et 19 % de type c, il affiche globalement un profil asymétrique et non distribué549. Désormais, le passage sud-est ayant été bloqué (Rethemiotakis 2002 : 63), la cour centrale est le seul point de pénétration dans l’aile est. Cette dernière consiste en une séquence linéaire d’espaces de type b s’ouvrant sur des espaces de type a. Désormais, la salle à piliers (17) est un point de passage obligé pour quiconque souhaite pénétrer dans ce secteur du palais. On constate, qu’à nouveau, les données quantitatives restent extrêmement similaires, que l’extérieur soit pris en compte ou non (Fig. 251). Si l’on envisage les valeurs d’intégration550, on constate que la salle à piliers (17) est mieux intégrée au système durant la seconde phase. Au contraire, la salle à colonne (14) gagne en ségrégation. Les cellules ayant une valeur de contrôle particulièrement significative sont la cour centrale, la salle à piliers (17) et l’espace de transition qui la met en relation avec l’espace 14 (Fig. 252).
150L’analyse visuelle sur base de Depthmap se déclinera en trois groupes de plans. Les deux phases de l’édifice disposeront de plans séparés. De plus, en ce qui concerne la première phase, l’édifice sera également envisagé sans tenir compte de l’étendue hypothétique de l’espace de nature indéterminée au sud-est de l’édifice551. Avant d’entrer dans le vif du sujet, il convient de faire remarquer qu’aucune connexion visuelle n’est établie entre l’espace 13 et la pièce 11 dans la mesure où c’est une échelle qui les reliait552. Dans un premier temps, la première phase de l’édifice sera abordée sans prendre en compte l’espace sud-est. Sur le plan d’intégration visuelle (Fig. 253a), on retrouve le statut particulier de la salle à piliers (17) mais on constate également l’intégration particulièrement élevée de l’espace de transition qui lui succède vers le Nord. Les espaces immédiatement liés à cette zone de transition affichent aussi une certaine intégration visuelle (cellule 18, partie est de la cellule 5, cellule 8, espace de transition vers l’escalier (19) et la pièce 21). Les étapes de profondeur visuelle témoignent de la perméabilité visuelle du passage sud-est ainsi que des espaces 13, 14 et 17 (Fig. 253b). Les magasins et la zone de la cellule 21 suivent alors que la cuisine se présente comme particulièrement peu visible depuis les points de pénétration dans l’aile est553. Comme à l’accoutumée, les points de décision dans les circulations présentent un potentiel de contrôle visuel assez élevé (Fig. 253c). C’est le cas d’une zone s’étendant au Nord et au Sud depuis l’espace de transition entre 14 et 17, de l’espace de transition au Nord de 17, des extrémités du couloir menant à 21 ainsi que de la zone desservant les pièces de stockage. En termes de contrôlabilité visuelle (Fig. 253d), le passage sud-est et le vestibule (13)554, la cellule 21 et la zone de stockage 10 témoignent d’une situation tout à fait particulière. Si l’espace de nature indéterminée est intégré à l’analyse visuelle, certaines constatations peuvent être effectuées. L’intégration visuelle de l’espace 17 reste remarquable mais la salle à colonne (14), le portique (13) et le passage sud-est présentent, dans ce cas, une situation assez similaire (Fig. 254a). L’espace de transition au Nord de 17 affiche toujours une forte intégration. C’est également le cas de la zone sud-est de nature indéterminée. Les étapes de profondeur visuelle donnent lieu à un plan tout à fait similaire au précédant si ce n’est que l’on peut constater de surcroît la perméabilité visuelle d’une majeure partie de l’espace indéterminé au sud-est (Fig. 254b). Les mêmes constatations peuvent être formulées en ce qui concerne le contrôle visuel (Fig. 254c). Si la situation reste assez semblable lorsque la contrôlabilité visuelle est envisagée, il convient de souligner que c’est au sein de l’espace sud-est qu’on retrouve la zone qui se prêtait le mieux, localement, à une domination visuelle (Fig. 254d)555. Dans sa seconde phase, l’intégration visuelle du palais de Galatas vient corroborer les résultats de l’analyse de la syntaxe spatiale (Fig. 255a). En termes d’étapes de profondeur, seule la salle à piliers (17), unique point de pénétration dans l’édifice, parait visuellement perméable (Fig. 255b). Ce sont les zones de transition liées à la cellule 17 ainsi qu’une bonne partie de cette dernière qui dispose du potentiel de contrôle visuel le plus fort (Fig. 255c). Le vestibule/portique (13) et le passage sud-est fermé semblent avoir été des zones à haute contrôlabilité visuelle au même titre que les abords du foyer au sein de la salle à piliers (17) (Fig. 255d).
151En tant que domaine passif, l’architecture du palais de Galatas se prête à quelques constatations. Tout d’abord, force est de constater que les abords directs de l’édifice sont assez peu connus. Il est donc impossible d’en savoir plus sur les éventuelles cours qui auraient pu être liées au bâtiment556. De manière générale, les zones qui desservent l’édifice présentent un profil qui invite clairement à s’avancer au sein du complexe. En effet, qu’il s’agisse des ouvertures sur la cour centrale (le couloir ouest et l’escalier est) ou du passage sud-est de l’aile est, le profil longitudinal de ces espaces fait fortement écho à l’axe arrière-avant. Notons toutefois qu’en ce qui concerne l’entrée ouest, l’axe est visuellement interrompu car l’espace s’ouvre perpendiculairement vers la cour ou la cellule 39. Néanmoins, ce corridor s’ouvre plus largement vers la cour et se trouve donc, selon le principe de Periainen, dans un état de continuité plus élevée avec elle. Clairement circonscrite par les ailes de l’édifice, la cour centrale, qui mesure environ 37m sur 16 (Vansteenhuyse 2002 : 247), forme un espace positif. Elle est d’autant plus délimitée en tant qu’espace horizontal dans la mesure où elle était dotée d’un pavement557. Comme dans les autres palais, on constate qu’il s’agit probablement d’un espace qui vaut pour lui-même. De nature essentiellement statique de par ses dimensions et ses proportions, elle n’en demeure pas moins ouverte vers les différentes ailes, induisant localement un certain dynamisme (Letesson et Vansteenhuyse 2006 : 100). La cour est ouverte vers le ciel et, selon Cousin, un tel espace, dépourvu de toit et ouvert sur le vide extérieur, est essentiellement perçu à travers les structures architecturales qui le circonscrivent558. Le regard est instinctivement attiré par les grands espaces libres et, consécutivement, les plans verticaux environnants deviennent très importants. S’ils sont trop élevés, un observateur situé dans la cour serait obligé de lever considérablement les yeux pour voir le ciel. Dans de telles circonstances, il serait probablement affecté par un stress visuel assez fort559. Les façades du palais seraient alors perçues comme un obstacle cloisonnant. Il convient de préciser que Cousin attire l’attention sur le fait qu’une façade n’est pas un espace mais bien un objet et que, donc, dans la phase de projection nécessaire pour le juger, il est normal de faire un effort (Cousin 1980 : 147). Selon lui, la phase d’identification avec un espace est plus « subtile et inconsciente » (Cousin 1980 : 147). Afin d’appréhender le rapport visuel qui pouvait exister entre la cour centrale et les façades qui l’entouraient ainsi que l’impact que cela pouvait avoir sur les personnes se situant dans la cour, les mesures qui furent effectuées dans le cadre de l’étude du palais de Malia sont également appliquées à l’édifice de Galatas. Ainsi, en utilisant la zone de vision optimale (Higuchi 1983 : 40, Fig. 4. 4) et l’ellipse de vision (Cousin 1980 : 57-61), on peut estimer la hauteur que ne devaient pas dépasser les ailes pour que les personnes se situant au sein de la cour centrale ne se sentent pas visuellement ‘oppressées’. Pour un observateur situé au milieu de la cour centrale, la zone de vision optimale (angle de 25° au dessus de l’horizontale) donne une hauteur de 5m50 pour les ailes est et ouest ainsi que de 10m40 pour les ailes nord et sud. L’ellipse de vision (angle de 14° au dessus de l’horizontale) de 3m70 pour les ailes est et ouest ainsi que de 6m30 pour les ailes nord et sud. L’existence d’étage est documentée par la présence d’escaliers dans les ailes nord et est. Si l’on se fie à l’hypothèse de Graham selon laquelle les pièces du rez-de-chaussée mesuraient probablement entre 2m75 et 3m de hauteur et les pièces plus élaborées entre 3m50 et 4m50560, on peut estimer la hauteur minimale que devait avoir les ailes est et nord en réalité561. À l’est, le rez-de-chaussée peut être considéré selon les modalités évoquées par Graham, l’étage, au sein duquel Rethemiotakis reconstruit des salles d’une certaine superficie (Rethemiotakis 1999b : 22-23, Fig. 3), contenait probablement, en ce qui le concerne, des salles tenant de la seconde catégorie. L’aile est aurait donc une hauteur minimale de 6m25562. Si l’on se fie à l’ellipse de vision, cette élévation est suffisante pour qu’une certaine sensation d’étouffement ou de cloisonnement spatial ait pu affecter les personnes se trouvant sur la cour centrale. Néanmoins, il faut relativiser cette constatation. En effet, rien ne prouve que toutes les façades s’élevaient à une telle hauteur, de plus, même si un escalier existait, cela ne prouve pas de facto l’existence d’un étage tel qu’on l’imagine de prime abord (Driessen 2005 : 83 et 85)563. En ce qui concerne les seuils de Märtens, avec une telle hauteur, les angles de 18 et 27° sont dépassés. Ainsi, la façade est était probablement visuellement impressionnante et englobait le champ visuel des observateurs situés dans la cour. L’aile nord, qui contenait la salle minoenne (48) au rez-de-chaussée pourrait consécutivement avoir été un peu plus haute et mesurer 6m50. La cour étant plus longue que large, cette hauteur était probablement moins oppressante que celle de l’aile est. La moitié de la cour centrale se trouvant à 13m50 de la façade nord, on retrouve un angle de 19° entre la vision horizontale d’un observateur et le sommet de cette dernière. La façade nord était donc très certainement moins impressionnante que la façade est tout en pouvant disposer d’un certain impact visuel dans la mesure où l’angle de 18° est dépassé. L’architecture en tant que domaine actif viendra étoffer cette image de la cour centrale. En ce qui concerne le reste de l’édifice, seule l’aile est se prête à de plus amples constatations. Il est malgré tout nécessaire d’évoquer, au sein de l’aile nord, l’accent qui est mis sur la progression via le couloir (43) vers la cellule 51. Cette dernière vient tempérer l’accès à la salle minoenne (48) par son caractère statique tout autant que par le couloir doublement coudé qui les relie. Au sein de l’aile est, si l’on pénètre depuis la cour centrale, l’espace 17 apparaît comme le pôle principal d’articulation des circulations564. Depuis le passage sud-est, le vestibule (13) vient entraver la progression intuitive et restreint légèrement l’accès vers la salle à colonne (14) aussi bien par l’existence des deux colonnes que par le fait que le mur ouest du portique bloque l’axe arrière-avant auquel le passage sud-est faisait écho. Les deux salles principales du rez-de-chaussée sont reliées par une zone de transition pure et n’entretiennent pas de continuité spatiale. La plupart des autres espaces de l’aile sont clairement assujettis à ces deux pièces et disposés de manière assez fonctionnelle (ex : magasins en enfilade - 5, 6 et 7 - ou desservi par un couloir unique - 8, 9 et 10 - pièce annexe - 1). Spatialement, l’accent n’est pas réellement mis sur les accès vers l’étage (escaliers 16 et 19) même si celui-ci reste relativement direct depuis la salle à piliers (17). Depuis l’escalier (16), on arrive au sein de la pièce (a). Cette dernière vaut par elle-même et est de nature totalement statique. Si l’on emprunte l’escalier (19), un long couloir invite clairement à se diriger vers l’Ouest et donc directement vers le balcon (2)565. Cette progression pouvait malgré tout être légèrement interrompue par l’ouverture desservant la salle (b) étroitement associée au balcon (1). Depuis le balcon (2) ouvert sur la cour centrale, un passage coudé ouvrait sur la salle (c) à laquelle la cellule (d) et le balcon (3) étaient spatialement subordonnés.
152Si l’architecture est envisagée en tant que domaine actif, diverses zones du palais méritent quelques commentaires. Comme évoqué lors de l’étude du palais de Malia, la cour centrale est souvent considérée comme le lieu privilégié de manifestations culturelles. Dans ce raisonnement, les sphères de communication liées à cet espace ont été tracées sur le plan de Galatas (Fig. 256)566. En effet, si l’on considère que la cour centrale était le théâtre de représentations particulières, il est intéressant d’évaluer les sphères perceptives qui y étaient liées. Rethemiotakis évoque à plusieurs reprises le fait que la cour ait pu accueillir certaines manifestations. Il mentionne le fait que la cellule 28, dotée d’un pavement surélevé, aurait pu accueillir les spectateurs d’un évènement prenant place dans la cour (Rethemiotakis 2002 : 59). Il évoque également le balcon (2) et son lien visuel direct vers la cour (Rethemiotakis 1999a : 724 ; Rethemiotakis 1999b : 22-23). Si l’on ajoute à ces espaces particuliers les points de pénétration dans la cour centrale, on constate que la majeure partie de la cour centrale devait se prêter à des manifestations comprises dans les sphères publiques de portée restreinte (gris de tonalité moyenne) et de portée étendue (gris clair)567. Bien entendu, les points de contact entre la cour et l’intérieur du complexe permettaient peut-être une communication plus subtile (dans les sphères personnelle et/ou sociale - en gris anthracite et gris foncé sur le plan)568. Des zones similaires sont également tracées en relation avec les balcons (1) et (3) afin d’appréhender les sphères de communication qui pouvaient y être liées. Il convient aussi d’admettre que si un balcon permet de voir, il permet également d’être vu (Palyvou 2002 : 173). Rethemiotakis émet à ce sujet l’hypothèse de l’utilisation de ces derniers en tant qu’espaces d’apparition, observables par ceux qui se seraient réunis au sein des espaces ouverts qu’étaient la cour centrale et le passage menant au vestibule (13) (Rethemiotakis 1999a : 724 ; Rethemiotakis 1999b : 22-23). En considérant qu’une personne prenant place sur les balcons avait une vision horizontale à 4m60569, la figure 257 nous renseigne sur la limite inférieure du champ visuel, ainsi que sur celles de la zone de vision optimale et de l’ellipse de vision. Appliquées en relation avec les balcons susmentionnés, ces distances permettent par exemple de définir les zones au sein desquelles devaient se trouver les participants à d’éventuelles manifestations s’ils étaient censés être aisément visibles depuis les balcons570. De plus, si l’on se fie aux résultats évoqués dans l’architecture en tant que domaine passif, une personne positionnée sur un de ces balcons se serait située en dehors de l’ellipse de vision ou de la zone de vision optimale d’une personne placée au centre de la cour ou à l’extrémité du passage sud-est. De ce fait, lever les yeux vers elle pourrait avoir impliqué un certain stress visuel.
2. 3. La centre sud de la Crète
Phaistos
153L’établissement de Phaistos s’implante sur trois collines basses (Christos Ephendis, colline médiane et colline du palais) et s’échelonne sur environ 700m d’Ouest en Est, dominant la plaine de la Messara et la rivière Yeropotamos (au Nord) (Fig. 258) (Aerial Atlas : 238). Le site disposait d’une vue imprenable sur la vallée mais également en direction du Psiloriti (Mt Ida) et de la grotte de Kamares. Il fut fouillé par L. Pernier entre 1900 et 1909 pour la Mission archéologique italienne, puis, en 1950-1966, 1969 et 1971 par D. Levi pour le compte de l’école italienne (Pernier 1935 ; Pernier et Banti 1951 ; Levi 1976). L’histoire de Phaistos, presque aussi longue que celle de Knossos, commence à la fin du 4ème millénaire, début du 3ème millénaire (Néolithique Final) lorsque que se construisent des huttes dotées de foyers fixes dont l’une s’implanta à l’angle sud-ouest de la cour centrale du futur palais (Vagnetti 1972-1973 ; Aerial Atlas : 232 et 240 ; Todaro à paraître). Bien que des vestiges architecturaux contemporains n’aient été trouvés qu’en petit nombre, des tessons prépalatiaux furent découverts dans l’ensemble de la zone de fouille. Il est probable qu’à cette époque, l’établissement était disparate, constitué de divers petits noyaux d’habitat isolés malgré une éventuelle concentration sur la colline ouest, futur site d’implantation du palais571. À la fin de cette période (MM IA), d’importantes vagues de construction se succédèrent (La Rosa 2004) et, au MM IB, le premier palais vit le jour572. Cet édifice, l’un des palais minoens dont on garde le plus de traces protopalatiales (principalement sur le front ouest), présentait déjà l’alignement Nord-Sud très régulier de son successeur (Shaw 1973b : 51, n. 19) et était étroitement associé à cinq cours pavées (Pernier 1935 et Levi 1976 : 29-186). Il révéla une vaste quantité de poterie de style Kamares mais surtout des archives de plus de 7500 scellés ainsi que des tablettes en linéaire A (Aerial Atlas : 234). À la fin du MM IIB, le premier palais fut détruit (La Rosa 2002 : 74 et 82). Traditionnellement, on plaçait les prémices de la construction du second palais au MM III et son réel achèvement au MR IA (Carinci 1989 ; Aerial Atlas : 195). Néanmoins, récemment, La Rosa proposa une séquence d’évènements différente et contrastant résolument avec la chronologie traditionnelle (La Rosa 2002 : 82)573. Il admit que le premier palais fut détruit au MM IIB, puis que des travaux de nivellement des ruines commencèrent (avec la coulée d’astraki pour la plate-forme de fondation du nouvel édifice). Suite à une brève interruption du projet, ce dernier reprit au MM IIIA pour être à nouveau abandonné. C’est finalement au MR IB qu’aurait eu lieu la construction intégrale du second palais tel qu’il nous apparaît aujourd’hui574. Conscient de la portée de cette ‘chronologie basse’, La Rosa souligna l’absence de dépôts attribuables au MR IA à l’intérieur du second palais et s’attela à démontrer l’impossibilité d’y affirmer avec certitude l’existence de deux phases néopalatiales bien distinctes575. C’est à la fin du MR IB que le palais aurait finalement été détruit (Aerial Atlas : 235 ; Troubled Island : 195)576. Par après, il ne fut que très partiellement réoccupé bien que le site de Phaistos et ses environs connurent encore une longue histoire par la suite (Aerial Atlas : 235-238 et 240-241). Avant d’entreprendre la description de l’édifice qui retient notre attention, il convient d’évoquer une de ses particularités, à savoir le peu de matériel qu’il révéla (Troubled Island : 196 ; La Rosa 2002 : 87, n. 92 et p. 88, n. 94-97). Bien que les fouilleurs attribuèrent ce phénomène aux réoccupations suivantes (Pernier et Banti 1951 : 365 et 487), La Rosa ne leur emboîta pas le pas : « Si un dépouillement est théoriquement admissible pour les objets et les matériaux nobles, il devient plus difficile à concevoir pour les pithoi ou les poteries d’un usage quotidien ou d’un petit format. Il faut donc inévitablement admettre […] que le mobilier du palais n’était pas, dans son ensemble, vraiment abondant. » (La Rosa 2002 : 91). La Rosa insista sur le fait que les trois dépôts d’une certaine importance mis au jour « se rapportent tous à des types de céramiques se rattachant, au moins en partie, au domaine du sacré » (La Rosa 2002 : 91) mais également sur la faible quantité de vases de stockage (notamment en comparaison avec l’édifice de Chalara tout proche et la villa d’Agia Triada) (Aerial Atlas : 235)577 et l’absence de tablettes (alors qu’elles étaient nombreuses à la villa et la Casa del lebete d’Agia Triada) (Aerial Atlas : 235 ; La Rosa 2002 : 92). On remarque également qu’en ce qui concerne leur établissement respectif, Phaistos (maisons isolées dans les anciens quartiers et absence d’édifices à l’Ouest du palais) et Agia Triada (occupation urbaine ininterrompue) diffèrent fortement (Aerial Atlas : 235). Si l’on ajoute à cette image la longue période d’abandon de l’édifice palatial telle qu’évoquée dans la reconstitution événementielle de La Rosa578, on est tenté d’accorder un crédit certain à l’hypothèse maintes fois évoquée par ce dernier (Aerial Atlas : 235 ; La Rosa 1997) de la montée en puissance d’Agia Triada au MR IA, notamment en ce qui concerne l’administration et la gestion politique :
La villa d’Haghia Triada, en l’absence totale d’un palais à Phaistos (mais aussi avec des témoignages réduits pour l’habitat), représenterait […] le cœur politique et administratif de la région (même si, rappelons-le, les archives en linéaire A se rapportent à la période suivante). Le MR IA, donc, et non pas le MR IB, aurait été pour Phaistos une sorte de ‘unsettled period’ (La Rosa 2002 : 94)579.
154En ce qui concerne le MR IB, La Rosa plaida en faveur d’un changement de situation :
La période MR IB (et, en tout cas, la situation historique après l’éruption de Santorin), ferait enregistrer d’importantes variations, dont certaines incompatibles dans notre région avec les conditions de ‘déclin’ et d’anarchie récemment proposées. […] La nouveauté étonnante est représentée par la reconstruction à une échelle monumentale du palais de Phaistos et par la reprise de l’habitat, ce qui ne va certainement pas dans le sens d’une diminution de la population. […] Dans notre scénario local, il reste encore néanmoins plusieurs points obscurs, représentés en premier lieu par la profonde différence entre les couches de destruction de Phaistos et d’Haghia Triada, différence qui ne peut simplement s’expliquer par les épisodes architecturaux postérieurs. Nous avons l’impression que le processus de ‘restauration’ politique à Phaistos était resté inachevé, en grande partie parce que la capitale administrative de la région se serait maintenue à Haghia Triada580.
155La description du second palais de Phaistos (Fig. 259) (Pernier et Banti 1951 ; Graham 1956 ; Graham 1961 ; Graham 1962, notamment p. 34-41 ; Graham 1970 ; Preziosi 1983 : 121-138, Fig. II. 41-44 et p. 458-471, Fig. IV. 30A-G ; Troubled Island : 195-199, Fig. 7. 55 ; Hitchcock 2000) se scinde en trois parties : les accès à l’édifice, les espaces ouverts y étant étroitement associés et finalement, les différentes ailes du bâtiment. Avant toute chose, il convient de préciser que les limites sud et sud-est de l’édifice sont mal connues, de même que la disposition du quartier nord-ouest au niveau de la terrasse supérieure (Graham 1962 : 35-36)581. De manière générale, bien que le second palais de Phaistos ait probablement été entièrement reconstruit, il incorpora manifestement d’anciennes fondations ainsi que certains murs et pavement du premier palais (Preziosi 1983 : 126 et 137-138 ; Troubled Island : 195-196)582. L’adoption la plus significative étant sans conteste celle de la cour centrale dont le pavement remontait au protopalatial et qui fut intégrée telle qu’elle au sein de la fabrique du nouveau palais (Pernier et Banti 1951 : 5 et 11 ; Aerial Atlas : 234 ; Troubled Island : 195). Néanmoins, le second palais s’implanta sur une vaste plate-forme de nivellement583 et s’étendait sur un moins grand nombre de terrasses que son prédécesseur, notamment dans sa portion sud-ouest (Preziosi 1983 : 121 et 126). Le front ouest du palais fut décalé de quelques 7-8m vers l’Est et le dallage ainsi que les trottoirs surhaussés de la cour occidentale médiane originelle recouverts par la coulée d’astraki, ne laissant apparentes que les quatre dernières marches de ‘l’aire théâtrale’ (Preziosi 1983 : 126 ; Aerial Atlas : 234). L’édifice mesurait environ 115m du Nord au Sud et, dans son extension maximale, 85m d’Est en Ouest. Les entrées clairement documentées de l’édifice sont au nombre de trois584. Côté Nord-est, la cellule 53, dotée de banquettes, de seuils assez imposants et d’un drain, en était très certainement une (Pernier et Banti 1951 : 210-213, Fig. 131-133 ; Graham 1962 : 39 ; Preziosi 1983 : 134 ; Troubled Island : 198 ; Driessen 1997 : 76, Fig. 13-14 ; Hitchcock 2000 : 120-121). Il est probable que sa construction soit concomitante à celle du four de potier de la cour (90), des cellules 54-55 ainsi que du blocage mettant en relation le couloir (52) et la cellule 89585. Il est fort probable que cette dernière, ainsi que la cellule 88, résultant par ailleurs de la modification de pièces protopalatiales, formaient alors une zone abandonnée avant la destruction de l’édifice (Troubled Island : 198 ; La Rosa 2002 : 84). Les deux autres entrées avérées du bâtiment se situaient sur son flanc ouest. La première, le corridor (7) menait directement depuis la nouvelle cour occidentale jusqu’à la cour centrale (Pernier et Banti 1951 : 41-47, Fig. 15-17 ; Graham 1962 : 36 ; Preziosi 1983 : 128 ; Hitchcock 2000 : 85). Cet espace était muni de doubles portes (côté cour ouest et de part et d’autres de la colonne), associé à l’espace 32 (une loge de portier présumée) et considéré par les fouilleurs comme l’entrée principale de l’édifice586. La seconde était constituée par le Grand Propylée (67-69) (Pernier et Banti 1951 : 305-326, Fig. 188-203 ; Graham 1962 : 40-41 ; Preziosi 1983 : 127-128 ; Hitchcock 2000 : 69-71). Ce dernier était constitué du majestueux escalier (66) débouchant sur un stylobate doté d’une colonne et de deux projections murales, d’une double porte flanquant un pilier central et d’une colonnade s’ouvrant finalement sur le puits de lumière (69). Sur base d’une comparaison à ladite Theatral Area de Knossos, Preziosi estima que cet agencement spatial était davantage orienté vers la cour occidentale à laquelle il aurait probablement été fonctionnellement connecté, refusant d’y voir une entrée majeure de l’édifice (Preziosi 1983 : 127-128)587. Quoi qu’il en soit, il est indéniable que la cellule 69 donnait accès à deux escaliers et ne formait donc pas un cul-de-sac588. Ce dispositif aurait été associé à une loge de portier (70) (Graham 1956 : 152 ; Graham 1962 : 41 et 121 ; Cadogan 1976 : 97)589. En regard de l’existence d’imposants murs au niveau de cellules 98 et 97-97’, les fouilleurs proposèrent, outre un rôle structurel, l’existence d’une éventuelle entrée monumentale similaire au South West Porch de Knossos (Pernier et Banti 1951 : 39, 452 et 461, Fig. 283 ; Troubled Island : 197 ; Hitchcock 2000 : 85). Évidemment, il est impossible d’établir avec certitude la présence d’un tel dispositif à Phaistos590. La possibilité que l’espace allongé 87 ait été une entrée fut également évoquée591 mais le mauvais état de conservation dans le secteur empêche de se prononcer formellement à ce sujet592. De même, les fouilleurs italiens évoquèrent la possibilité d’une autre entrée secondaire (tout aussi hypothétique), d’un tracé similaire, au niveau de l’étroit corridor situé à l’Ouest des cellules 74 et 93593. C’est en dehors de la fabrique du palais que l’on retrouve les premiers espaces à ciel ouvert. Le plus important est sans conteste la cour ouest. Celle du second palais se superposa à celle du premier palais qui s’articulait en trois niveaux principaux et était dotée, dans sa partie médiane, de trottoirs surhaussés menant à l’entrée ouest du palais ainsi que de quatre kouloures (Levi 1976 : 285-358 ; Preziosi 1983 : 120-124, Fig. II. 41). Ces divers éléments disparurent durant le néopalatial et l’aire théâtrale (4) fut réduite à quatre marches (Preziosi 1983 : 126). La cour ouest du néopalatial n’en était pas moins pavée et étroitement associée aux deux entrées principales de l’édifice. Elle faisait face à la façade la plus monumentale de l’édifice et accueillait probablement d’importants regroupements communautaires comme l’évoquèrent les fouilleurs italiens : « Anche a Festòs la facciata più imponente è quella occidentale. La ragione di questa maggiore imponenza è evidente : da questa parte erano il grande piazzale occidentale, destinato forse alle riunioni del popolo, e la via principale di accesso. » (Pernier et Banti 1951 : 458). Au-delà des gradins (4), se trouvait la cour ouest supérieure (94). Selon toute vraisemblance, elle conserva son niveau protopalatial et fut utilisée durant la période suivante (Pernier et Banti 1951 : 305)594. En ce qui concerne l’espace situé au Nord des cellules 72-73 et à l’Ouest du péristyle (74), l’hypothèse fut avancée qu’il pourrait avoir constitué une sorte d’avant-corps en terrasse « destiné à des liturgies en plein air, éventuellement avec la cour 94, limitrophe » (La Rosa 2002 : 89-90) constitué d’un important remblai maintenu par l’imposant mur de soutènement nord de 72-73 (Pernier et Banti 1951 : 343-344). À l’intérieur même de la fabrique de l’édifice, l’espace ouvert le plus important était sans conteste la cour centrale (Pernier et Banti 1951 : 48-55, Fig. 18-20). Comme évoqué ci-dessus, elle fut conservée depuis le protopalatial bien que le portique ouest ait été recouvert (Pernier 1935 : 344 ; Aerial Atlas : 234). Elle était pavée de grandes dalles de calcaire de dimensions variables. La construction qui occupait l’angle nord-ouest de la cour et que Graham interpréta comme une plate-forme liée à la pratique de la tauromachie (bull-leaping) et en fonction de laquelle il commenta bon nombre des espaces du palais de Phaistos, fut probablement établie durant le MR IIIB (Pernier et Banti 1951 : 55-56, Fig. 21 ; Graham 1957 : 260 ; Graham 1970 : 233, Fig. 1 ; Aerial Atlas : 234 et 240). Depuis la cour centrale, la façade la plus monumentale était sans conteste la façade nord, construite en pierres de taille (Pernier et Banti 1951 : 56-62, Fig. 23-25). Graham attira l’attention sur la manière élaborée dont l’entrée du corridor (41) était encadrée, de part et d’autre et de manière symétrique, d’une demi-colonne suivie d’une niche et d’un léger rentrant (Graham 1961 ; Graham 1962 : 37-38, Fig. 50 ; Preziosi 1983 : 131-132). Il imagina que les colonnes supportaient les mâts de drapeaux surmontant la façade, que les rentrants indiquaient l’emplacement de fenêtres et que les niches accueillaient des sentinelles (Graham 1970 : 232-234, Fig. 1). Récemment, cette reconstitution fut mise en question (Laffineur 2005 : 132 en ce qui concerne les mâts de drapeaux et Hitchcock 2000 : 107-108 en ce qui concerne le fait que les niches aient pu servir de poste de garde). Quoi qu’il en soit, il est évident que la façade était assez majestueuse et le fait qu’on peut y déceler un agencement tripartite n’est peut-être pas innocent (Shaw 1978a : 438)595. De plus, Preziosi mit en évidence le fait que la façade nord aurait pu être articulée de manière à attirer l’attention en direction du Mt Ida au sein duquel se trouvait un haut lieu religieux minoen, la grotte de Kamares (Preziosi 1983 : 132-133). En termes de taille le second espace ouvert du palais était la cour orientale (90) (Pernier et Banti 1951 : 213-217). Sa construction et les cellules y étant étroitement associées ayant déjà été évoquées, il convient juste de préciser que malgré l’affirmation de Preziosi, il est peu probable que cette zone ait communiqué avec l’aile est du palais (Preziosi 1983 : 133). Les cellules 48 et 49 formaient également des espaces ouverts (Pernier et Banti 1951 : 237-242, Fig. 147-149 et p. 199-201, Fig. 123-124). Ces deux espaces remontaient au premier palais et furent presque intégrés tels quels à la nouvelle construction bien que l’espace 47 fut alors délimité et que le pavement de 48 fut remplacé par de la terre tassée. Les murs des cellules 47 et 49 étaient quant à eux soigneusement appareillés en pierres de taille596. L’imposant péristyle (74) était également à ciel ouvert en ce qui concerne sa partie centrale (Pernier et Banti 1951 : 346-355, Fig. 220-222)597. Il était accessible depuis le vaste vestibule (75) pavé de gypse, fermé d’une porte côté escalier (39) et doté d’une ouverture à colonne vers le péristyle (Pernier et Banti 1951 : 356-357). Ses portiques étaient pavés de dalles de gypse. Il s’ouvrait notamment, par le biais d’une baie à portes multiples, en direction de la cellule 93 dont on ne garde malheureusement que de maigres traces (Pernier et Banti 1951 : 355, Fig. 223)598. Finalement l’aile est contenait également une cour à portiques (64) (Pernier et Banti 1951 : 181-191, Fig. 113-116). Cette dernière était munie d’un drain d’évacuation. D’après les fouilleurs italiens, la zone n’était pas circonscrite de murs et la zone 64 laissait place au substrat rocheux599. Graham et Preziosi évoquèrent l’existence d’un jardin à cet emplacement (Graham 1962 : 89-91 ; Preziosi 1983 : 133). Cette hypothèse fut reprise par M. Shaw qui, notamment sur base de petites cavités visiblement artificielles (Pernier et Banti 1951 : 186), reconstitua un type de jardin particulier, mêlant plantes et rochers (Shaw 1993)600. Les espaces ouverts ayant été évoqués, il convient désormais de donner une brève description des divers espaces constitutifs du bâtiment601. Directement accessibles depuis la cour ouest et dépourvues de connexion avec le reste du palais, les pièces 8-11 formaient un secteur indépendant (Pernier et Banti 1951 : 104-118, Fig. 53-65). Cette zone révéla un des rares dépôts importants que contenait l’édifice (La Rosa 2002 : 91)602. Preziosi défendit l’idée que ces pièces formaient un sanctuaire en étroite relation avec la cour ouest et probablement en rapport avec une démarche votive liée au fait de pénétrer dans le palais (Preziosi 1983 : 130)603. Gesell interpréta la pièce 10 comme un sanctuaire à banquettes et les autres cellules comme des annexes et zones de stockage liées au lieu de culte (Gesell 1985 : 127-128 ; Troubled Island : 197 ; Hitchcock 2000 : 73). Cette identification en tant que zone rituelle fut confirmée par une récente étude du matériel (Palio 2001)604. L’aile ouest du palais de Phaistos était scindée en deux par le corridor (7) précédemment évoqué. Au Sud de ce dernier, se déployait le secteur 12-21, 95-95’(Pernier et Banti 1951 : 118-130, Fig. 66-74). Dans l’état final de l’édifice (avant sa destruction au MR IB), ce quartier n’était accessible que par le biais du couloir de terre battue (12) doté de portes (dont on retrouva les bases de piédroits en gypse) à chacune de ses extrémités605. Ce couloir se prolongeait avec les espaces 13-14 et donnait accès d’une part (via 14) à la portion occidentale de l’aile ouest (cellules 15-21 et 95-95’), d’autre part (via 14’) en direction du Sud (Preziosi 1983 : 130). Les différentes pièces de ce secteur étaient munies de portes à piédroits de gypse et présentaient par endroits des traces de stuc coloré, leur sol était en terre battue. On y mit au jour deux bains lustraux (19) et (21) qui ne contenaient ni pavement ni trace d’un système d’évacuation (Pernier et Banti 1951 : 125-130, Fig. 72-74 ; Gesell 1985 : 128). Graham interpréta ces ensembles de pièces comme des « guest apartments » (Graham 1962 : 40)606. Côté cour centrale, l’aile ouest se déclinait en quelques cellules. Bien que communiquant dans un premier temps avec le couloir mettant en relation 23 et 14, la cellule 22 fut isolée dans la phase finale du palais et, hormis le fait qu’elle s’ouvrait sur 96, il est difficile d’apprécier la manière dont on y accédait alors (Pernier et Banti 1951 : 143-145)607. Au Nord, les cellules 23 et 24 s’ouvraient en direction de la cour centrale (Pernier et Banti 1951 : 145-154, Fig. 86-94). Elles étaient dotées de banquettes de gypse et auraient eu une ouverture dotée d’une colonne608. Gesell interpréta la cellule 24 comme un sanctuaire à banquettes, notamment sur base de l’existence d’une structure ovale inamovible dotée de deux dépressions circulaires qu’elle interpréta comme une table à offrandes (Gesell 1985 : 128 ; Pernier et Banti 1951 : 152, Fig. 92)609. Au Nord du couloir (7), s’étendait ledit secteur des magasins (Pernier et Banti 1951 : 66-103, Fig. 30-52). Il était essentiellement constitué d’un couloir central (26), construit en pierres de taille et séparé par un dithyron du vaste espace 25, depuis lequel s’articulaient des cellules d’un tracé similaire610. En termes de circulation, il est important de préciser que le statut de l’ouverture entre les cellules 31 et 7 n’est pas claire (porte ou fenêtre basse) mais qu’elle peut raisonnablement être considérée comme ayant permis le passage (Pernier et Banti 1951 : 89-90 ; Graham 1962 : 37, n. 16 ; Preziosi 1983 : 128 ; Hitchcock 2000 : 136). La grande pièce 25, dotée de colonnes et largement ouverte sur la cour centrale, fut l’objet de nombreuses controverses611. Elle présentait évidemment une apparence assez majestueuse (pavement soigneusement mis en œuvre, murs pourvus d’un lambris d’appui en gypse surmonté de plâtre peint et de niches sur trois côtés) ce qui tendrait à prouver qu’elle ne faisait pas simplement office de zone de transit en direction du couloir (26) et desdits magasins. Dotée à l’origine de quatre portes en direction de la cour centrale, la pièce 25 vit son accès légèrement restreint par le blocage de l’ouverture nord (Pernier et Banti 1951 : 69, Fig. 31)612. Sans entrer dans les détails, il convient de rappeler que Graham postula l’existence, à la verticale du Grand Propylée et du secteur des magasins, d’un Piano Nobile sur deux étages au sein duquel se serait notamment trouvée une fenêtre d’apparition donnant sur l’escalier (66) (Graham 1956 ; Graham 1962 : 119-122 ; Graham 1970, Fig. 2-3)613. Évidemment, rien ne permet d’affirmer avec certitude la véracité de cette reconstitution qui fut par ailleurs critiquée (Begg 1975 : 140 ; Hitchcock 2000 : 142-145). Pour en terminer avec l’aile ouest, rappelons que l’escalier 71 s’élevait plus que certainement en direction de l’étage, que la pièce 72 contenait un pilier et que le sottoscala (73) contenait divers fragments d’objets en faïence (Pernier et Banti 1951 : 331-345, Fig. 206-215)614. À l’Est de la cour centrale, le portique (65) constitué d’une alternance de piliers et de colonnes devançait l’aile est (Pernier et Banti 1951 : 155-161, Fig. 95-97). Au niveau de l’entrée vers le quartier est, le portique était muni d’une banquette et juste au Nord, de deux bassins de pierre. On descendait en direction du quartier est par un petit escalier coudé (Pernier et Banti 1951 : 163-191, Fig. 98-118). Hormis l’espace 64 susmentionné, la zone comprenait un agencement de cellules qui pourraient avoir formé une salle minoenne (63-63a) (Pernier et Banti 1951 : 466-467 ; Lloyd 1997-1998 : 128, tableau 1 ; Hitchcock 1997 ; Hitchcock 2000 : 172-173), ainsi qu’un bain lustral (63d) (Gesell 1985 : 128-129) et une latrine dotée d’un système d’évacuation (63e) (Bradfer-Burdet 2006 : 113, Fig. 8 et p. 124, Fig. 30) auxquels on accédait depuis la pièce 63b. Le polythyron (63) et le bain lustral (63d) révélèrent la présence de gypse, tant dans leur pavement que dans le revêtement de leurs murs. Les trouvailles les plus spectaculaires du secteur, évoquant immanquablement le domaine du sacré, furent faites dans le bain lustral (63d) (Pernier et Banti 1951 : 171-178, Fig. 102-109 ; Gesell 1985 : 128). On y retrouva notamment un rhyton en tête de taureau et deux cornes de consécration miniatures. Pour en faciliter la description, l’aile nord du palais est subdivisée en deux parties. La première est constituée par divers couloirs (41), (56) et (58), par les deux espaces ouverts susmentionnés 47-49, par l’escalier (42-43), par les pièces 44-45 ainsi que par les cellules 57-61 et 91-92 (Pernier et Banti 1951 : 192-203 et 220-253). Les corridors (56) et (58) servaient de jonction entre les divers espaces de transition qui circonscrivaient le secteur et étaient mis en relation par un petit emmarchement. Ils étaient dotés de portes repérées sur base de l’existence de bases de piédroits en gypse. Ils desservaient la pièce 57, très peu décrite par les fouilleurs, ainsi que les espaces situés à l’Est du couloir (41). Ce dernier était pavé de grandes dalles calcaires irrégulières et bordé d’une espèce de canal, de fonction peu claire, côté ouest615. Côté ouest, à proximité de son ouverture sur la cour centrale, ce couloir était pourvu d’une petite niche stuquée et peinte de motifs géométriques (Pernier et Banti 1951 : 222-224, Fig. 138). Cette dernière fut interprétée comme une loge de portier dans la mesure où elle était contiguë à l’entrée depuis la cour centrale et à l’accès vers l’étage par le biais de l’escalier (42-43) (Graham 1962 : 38 ; Hitchcock 2000 : 107). Côté Est, la pièce 59 qui, dans un premier temps, était directement accessible depuis le couloir, fut visiblement réoccupée au MR III (Pernier et Banti 1951 : 230-231). La pièce 60 probablement pavée de gypse et dotée d’une porte avec des bases de piédroits du même matériau (Pernier et Banti 1951 : 231). Le corridor (61) desservait les pièces 91 et 92, qui furent probablement mises en œuvre dans le premier palais et intégrées dans le second (Pernier et Banti 1951 : 233-235)616. Côté ouest, un petit vestibule donnait accès à l’escalier (42)617, au sottoscala (43), au sein duquel fut mis au jour un dépôt de poterie domestique, ainsi qu’au corridor (44) avant que cette ouverture soit murée (Pernier et Banti 1951 : 244-246, Fig. 152-153). Les cellules 44-46 formaient un groupe de pièces de stockage datant très certainement du premier palais et intégrées telles quelles au sein du second (Pernier 1935 : 349 ; Pernier et Banti 1951 : 246-247). On y retrouva notamment des fragments de stuc peint618 ainsi que des niches de rangement. De manière générale, on considéra que cette zone constituait une aire de stockage et de service liée à une présumée salle de banquet située à l’étage (Graham 1961 ; Graham 1962 : 38-39 et 125-128 ; Graham 1970 ; Preziosi 1983 : 134)619. Accessible par les cellules 75-74-93, « ‘sale’ destinate ai ricevimenti » (Pernier et Banti 1951 : 357)620, le quartier nord-est fut qualifié de quartier d’apparat : « È caratteristica di questo quartiere di parata l’essere ad un angolo del palazzo e, quindi, appartato e separato, di modo che le eventuali feste non disturbavano nè le occupazioni ed il lavoro giornaliero, nè la vita privata dei signori del luogo. » (Pernier et Banti 1951 : 357)621. On descendait vers ce secteur par le biais de l’escalier coudé (76) (Pernier et Banti 1951 : 276-281, Fig. 175-176). Ce dernier était majoritairement en gypse et mettait en communication les différents espaces du secteur622. Au Sud, à travers une ouverture à colonne623, il donnait sur la pièce (50) (Pernier et Banti 1951 : 258-268, Fig. 162-167). Cette cellule était divisée en trois parties par des colonnes de gypse et de calcaire, dotée de parements muraux en gypse et d’une banquette basse, en gypse elle aussi, le long des murs ouest et sud de la partie ouest, pavée et très probablement couverte624. On y retrouva notamment des fragments de stucs colorés625. Cette pièce donnait également accès à l’escalier (51) montant vers l’étage supérieur et par une ouverture au sud-est, vers le sottoscala y étant associé (Pernier et Banti 1951 : 268-276, Fig. 169-174). Ce dernier contenait un des rares dépôts d’importance du palais, contenant notamment des vases à vocation rituelle présumée (Pernier et Banti 1951 : 274-275, Fig. 171 et 174 ; La Rosa 2002 : 91). Au Nord, l’escalier (76) donnait accès à une salle minoenne de plan canonique (salle principale - 79 - vestibule - 77 - puits de lumière - 79) qui s’ouvrait au Nord sur un portique (85) (Pernier et Banti 1951 : 281-291, Fig. 177-181). Les cellules 79 et 77 étaient pavées de gypse et devaient être ornées de fresques dont on retrouva d’assez nombreux fragments (Pernier et Banti 1951 : 284-285)626. Le portique (85) était également pavé de gypse. En ce qui concerne la limite nord du palais à cet endroit, les fouilleurs estimèrent qu’il aurait pu s’agir d’une situation similaire à celle de l’aile est où l’espace 64 s’ouvrait largement vers l’extérieur627. S’ouvrant dans l’angle sud-ouest de la pièce 79, le couloir coudé (80) donnait accès à la cellule 81 (Pernier et Banti 1951 : 291-296, Fig. 182-183)628. Cette dernière donnait accès à diverses cellules (notamment les espaces 82 et 84 - Pernier et Banti 1951 : 296-299 et 303)629 ainsi qu’au bain lustral (83) (Gesell 1985 : 130). De manière générale, la pièce 81 et le bain lustral (83) révélèrent de nombreux fragments de fresques (Pernier et Banti 1951 : 295-296 et 301-303). Le bain lustral (83) était particulier dans la mesure où en plus de la forme classique de ce type de cellule (escalier coudé donnant accès à une cellule en contrebas), il était doté d’une espèce d’annexe, elle aussi accessible depuis la pièce 81, à un niveau plus élevé et séparée du bain par une balustrade basse (Pernier et Banti 1951 : 299-303, Fig. 185-186 ; Gesell 1985 : 130)630.
156En ce qui concerne l’analyse de la syntaxe spatiale, nous avons choisi de traiter le palais dans son état final, c'est-à-dire avec les modifications qui y furent intégrées avant sa destruction631. Le plan justifié de la phase finale du palais de Phaistos comprend environ 41 % d’espaces de type a, 22 % de type b, 24 % de type c, 11 % de type d et deux espaces de nature topologique indéfinie (Fig. 260)632. Tout comme dans les autres palais, on retrouve à Phaistos la coexistence de secteurs où la distributivité prime et d’autres où elle se fait plus ténue. Les trois points de pénétration de l’édifice, l’escalier (66), le couloir (7) et l’entrée (53), forment d’emblée des anneaux externes et offrent des opportunités de mouvement multiples, notamment par le biais des divers espaces de transition les mettant en relation avec la cour centrale (type d), véritable noyau des circulations. De manière générale, il convient de constater que, malgré l’existence de ce réseau à la distributivité prononcée impliquant des modèles de circulation complexes, les différentes ailes du palais se développent essentiellement de manière plus élémentaire. C'est-à-dire qu’elles sont constituées d’agencements spatiaux au sein desquels le mouvement est plus clairement structuré par le biais de l’architecture et des contraintes physiques qu’elle crée (par exemple, dans une séquence linéaire d’espaces de type b se terminant par un espace de type a, atteindre ce dernier oblige à passer par les espaces qui le précèdent dans un ordre bien précis). À l’inverse, au sein d’un secteur fortement distribué, l’existence de schémas circulatoires divers diminue la prépondérance de l’impact de la structure physique de l’architecture sur le mouvement et évoque l’existence d’indices permettant d’aiguiller les circulations dont nous avons perdu la trace ou dont nous ne sommes plus en mesure d’apprécier l’importance aux yeux des Minoens633 mais peut-être aussi celle de vecteurs transcendant le domaine physique, des prescriptions culturelles qui auraient clairement signifié aux usagers du bâtiment la manière dont ils devaient y circuler. Ainsi, dans le réseau flexible que formaient les entrées de l’édifice, la cour centrale, les divers espaces de transition les mettant en relation ainsi que les cellules de type c et d y étant étroitement liées634, des indices devaient renseigner les usagers (ou résidents et visiteurs pour employer les termes théoriques consacrés) de l’édifice sur les cheminements adéquats en fonction des activités qu’ils désiraient mener à bien.
157Au contraire, mis à part quelques petits anneaux internes d’importance moindre635, la partie méridionale de l’aile ouest (cellules 12-21, 95-95’), l’aile est (cellules 63-65) et la partie septentrionale de l’aile nord (cellules 50-51 et 76-86) sont essentiellement caractérisées par des séquences d’espaces de type b donnant localement accès à des espaces à vocation d’occupation, c'est-à-dire, de type a. On a donc l’impression qu’au sein de ces secteurs, un souci accru d’un contrôle étroit (et plus basique) des circulations se manifestait636. Il apparaît également évident, qu’en termes de circulations, le secteur des salles minoennes de Phaistos se décline de manière nettement moins élaborée et subtile que ceux de Knossos, Zakros ou même Malia. Si l’on envisage maintenant les différentes entrées du bâtiment, quelques considérations complémentaires peuvent être faites. Depuis l’escalier (66) et le Grand Propylée (67-69), le graphe compte quatorze niveaux de profondeur (Fig. 261). Depuis cette entrée, la majeure partie du graphe est reléguée entre les cinquième et quatorzième niveaux de profondeur. Elle ne constituait pas un accès des plus aisés à l’édifice si ce n’est en direction de l’escalier (71) - et donc de l’étage de l’aile ouest - dont elle était la plus proche. Via l’escalier (39), elle était en relation avec la cour centrale - et par extension avec le reste du palais - mais également avec le vestibule (75) et le péristyle (74) desservant la zone septentrionale de l’aile nord. Pour une personne pénétrant dans l’édifice depuis le Grand Propylée, c’est la partie méridionale de l’aile ouest qui était la plus recluse. Depuis le couloir (7), la situation est radicalement différente (Fig. 263). Le graphe n’affiche plus que treize niveaux de profondeur et, de manière générale, les diverses parties du palais sont bien plus directement accessibles dans la mesure où le couloir (7) débouche directement sur la cour centrale. Cette entrée est celle qui dessert le plus aisément la zone des magasins ainsi que la partie méridionale de l’aile ouest. Pour le reste, la partie méridionale de l’aile nord et le secteur de la cour orientale (90), entre les troisième et sixième niveaux de profondeur, demeurent nettement plus accessibles que lesdits ‘quartiers résidentiels’ des ailes est et nord. Favoriser l’entrée (53) crée un graphe doté de quinze niveaux de profondeur mais dans une perspective radicalement différente de celle de l’entrée depuis le Grand Propylée (Fig. 265). On constate en effet que ladite ‘zone de service’, c'est-à-dire la partie méridionale de l’aile nord, et le secteur de la cour orientale (90) sont étroitement associés à cette entrée, compris qu’ils sont entre les deuxième et sixième niveaux de profondeur. Le reste de l’édifice est nettement plus reclus et n’est accessible que par le biais de la cour centrale ou de l’escalier (42). En ce qui concerne les valeurs quantitatives, elles ne présentent que d’infimes variations selon que l’extérieur soit pris en compte ou non (Fig. 267). C’est également le cas à Malia ainsi qu’à Galatas et à Zakros, comme nous le verrons ci-dessous. A priori, théoriquement, un tel phénomène illustre l’existence d’une interface mettant davantage l’accent sur les relations entre résidents. Pour être plus clair, il s’agirait d’une interface spatiale au sein de laquelle le domaine extérieur n’aurait pas un grand rôle à jouer. En effet, une fois au sein de l’édifice, la quasi-totalité de ses parties peuvent être atteintes (majoritairement par le biais de la cour centrale - espace unificateur par excellence) sans pour autant avoir à en sortir637. Cela ne revient pas à dire que le bâtiment n’accueillait pas de visiteurs (toujours au sens théorique du terme) mais simplement que l’extérieur n’était pas nécessairement étroitement associé à la manière dont le rez-de-chaussée du bâti pouvait être navigué. La cour centrale est évidemment l’espace dont l’intégration est la plus prononcée638, suivie, parmi les espaces que nous avons sélectionnés, par la cellule 25 et l’escalier (39). Viennent ensuite les différentes cours (48, 74 et 90), les présumés sanctuaires à banquettes (23-24), les magasins ainsi que les escaliers (42) et (71). Au contraire, les salles minoennes639 mais surtout les bains lustraux et les latrines présentent une ségrégation très marquée. Les espaces présentant les valeurs de contrôle les plus importantes sont, dans l’ordre décroissant, le couloir (26), la cellule 81, le couloir (58), le couloir (14) et la cour (48), le corridor (7), les cellules 63 et 63b et, finalement, la cour centrale (Fig. 268).
158À titre indicatif, un plan justifié prenant en compte les différentes hypothèses des fouilleurs italiens en matière d’entrée et de connexions entre espaces a été réalisé (Fig. 269). Ce dernier intègre donc le fait que le palais aurait potentiellement été accessible depuis les portiques (64 et 85) associés auxdits ‘quartiers résidentiels’ mais également depuis le couloir situé à l’Ouest de 74 et le couloir (87), desservant également l’extrémité est de l’escalier (76) par le biais d’un petit emmarchement640. L’édifice gagnant en perméabilité, le graphe ne présente plus alors que neuf niveaux de profondeur. Ce graphe ne diffère réellement du plan justifié susmentionné que par la plus grande accessibilité desdits ‘quartiers résidentiels’ et la distributivité accrue qui en découle. Pour le reste du bâtiment, la syntaxe spatiale reste inchangée et les valeurs quantitatives constantes que l’extérieur soit pris en compte ou pas.
159Les plans obtenus par l’entremise de Depthmap viennent compléter et affiner l’analyse de la syntaxe spatiale641. Ainsi, l’intégration visuelle fait écho aux résultats précédemment évoqués (Fig. 270a) : la cour centrale est de très loin l’espace le mieux intégré au système, viennent ensuite les espaces qui la mettent en relation avec les zones proches, le couloir (7), les cellules 25 et 26, l’escalier (39) ainsi que les couloirs (41) et (62). Les différentes cours qui jouent également un rôle d’unification spatiale disposent également d’une intégration relativement prononcée. Au contraire, la partie méridionale de l’aile ouest, l’aile est et la partie septentrionale de l’aile nord s’illustrent par leur ségrégation. La réclusion prononcée de ces zones se retrouve également dans les étapes de profondeur visuelle, le secteur du bain lustral (83) se distinguant tout particulièrement (Fig. 270b). Les étapes de profondeur réalisées individuellement pour chaque entrée viennent compléter les plans de pénétration réalisés dans l’analyse de la syntaxe spatiale. On constate ainsi que le couloir (7) permettait la pénétration visuelle la plus aisée, notamment en direction de la cour centrale pour peu que les portes dont il était muni demeuraient ouvertes (Fig. 264). Malgré la largeur du Grand Propylée (66-69), il est évident qu’il ne permettait pas une appréhension visuelle des plus directes de l’intérieur du bâti, en effet, il ne s’ouvrait sur le reste de l’édifice que par le biais d’ouvertures relativement étroites (Fig. 262). De manière générale, il s’agit de l’entrée plaçant le plus grand nombre de secteurs en situation de réclusion visuelle prononcée. L’entrée (53) quant à elle est visuellement plus intimement liée à la cour orientale (90) et audit ‘quartier de service’ (Fig. 266). Qu’elle que soit l’entrée choisie, le secteur du bain lustral (83) reste la zone dont la réclusion visuelle était la plus prononcée. En complément de la remarque formulée au sujet des connexions hypothétiques évoquées par les fouilleurs italiens, un plan illustrant les étapes de profondeur visuelle a été réalisé (Fig. 271). Il illustre très clairement la plus grande perméabilité visuelle qui résulte de l’ajout de ces entrées. Néanmoins, il est assez symptomatique que les secteurs contenant un bain lustral demeurent malgré tout assez reclus. En ce qui concerne le contrôle visuel, le plan Depthmap corrobore les résultats de l’analyse de la syntaxe spatiale (Fig. 270c). De surcroît, il met également en évidence la prééminence locale de quelques vastes espaces tels que les différentes cours, le Grand Propylée, la cour à péristyle (74) et certains secteurs du quartier nord-est. En termes de contrôlabilité, les espaces se distinguant le plus sont la cour centrale, les cellules 8-10, les différents bains lustraux, la cellule 38, le Grand Propylée, la cour orientale (90) ainsi que les cellules 50, 59 et 92 (Fig. 270d)642.
160En tant qu’agencement spatial et système d’entrée potentiel, le Grand Propylée mérite quelques commentaires. Très largement ouvert sur l’extérieur il en était en quelque sorte le prolongement dans le corps du bâti. L’escalier (66), le plus monumental des exemples minoens et peut-être même de l’Âge du Bronze si l’on en croit Graham, était de surcroît d’une élaboration extrêmement poussée :
But this stairway exhibits an architectural subtlety which emphasizes the remarkable aesthetic sensitivity of the Cretans, namely the distinct ‘crowning’ or upward curvature of each step toward the center. This would appear to have been intended […] to produce a certain feeling of elasticity and life, as well as to offset any tendency for the long horizontal lines to appear to sag in the middle due to an optical illusion (Graham 1962 : 181, Fig. 137 ; voir également Pernier et Banti 1951 : 308, Fig. 188).
161De plus, cet escalier s’étalait davantage en longueur qu’en hauteur, il était donc possible d’appréhender visuellement le propylée en tant que tel (cellules 67-69) depuis le niveau de la cour occidentale, au pied des marches. Si l’on en croit Cousin, une telle disposition engendrait une participation spatiale, c'est-à-dire que le niveau de la cour et celui du propylée étaient perçus comme liés, l’escalier ne créant pas une rupture nette entre les deux espaces (Cousin 1980 : 172-173). Un agencement de ce type invitait davantage au mouvement qu’il ne confinait au statisme. Il convient également de préciser que les différents espaces constituant le Grand Propylée ne révélèrent aucune trace de porte ni de système de fermeture (Pernier et Banti 1951 : 458). La lumière s’y déversant depuis le puits de lumière (69) pouvait aussi contribuer à créer un effet dramatique (Cadogan 1976 : 96) et, d’une certaine manière, focaliser les mouvements dans sa direction. Néanmoins, on est surpris de constater que ce Grand Propylée n’aboutit qu’à trois ouvertures étroites et non axiales643. Le contraste saisissant entre l’ampleur du propylée et l’étroitesse de ces portes fut souvent évoqué (Preziosi 1983 : 127-128 ; van Effenterre 1987 : 87, n. 14 ; Hitchcock 2000 : 69-71). S’il faut admettre qu’en tant que tel, le Grand Propylée devait pouvoir accueillir un grand nombre de personnes (et instiller un certain dynamisme), le fait qu’il aboutisse à des ouvertures si étroites et positionnées en rupture par rapport à son axe principal suggère une fonction davantage symbolique qu’utilitaire : « There is an intentional ambiguity in the initial spatial accessibility and monumentality that stands in contrast to its constricted endpoints. » (Hitchcock 2000 : 71)644. Bien qu’il s’agissait effectivement d’une des entrées de l’édifice (elle dessert l’escalier (71), un des rares accès à l’étage, et l’escalier (39), très important en terme de circulation), il convient malgré tout d’admettre que le Grand Propylée, agencement monumental par excellence, ne fut pas essentiellement mis en œuvre pour acheminer de nombreuses personnes vers l’intérieur du palais. Ce rôle pourrait au contraire être attribué au couloir (7). En effet, son caractère longitudinal et le fait qu’il menait directement à la cour centrale font de lui le point de pénétration par excellence, à l’échelle du palais dans son ensemble. Bien qu’il desserve également les parties septentrionale et méridionale de l’aile ouest, sa disposition favorisait évidemment le mouvement en direction de la cour centrale. À ce titre, il peut être intéressant de rappeler qu’à l’époque du premier palais, les trottoirs surhaussés convergeaient en direction de l’entrée sud-ouest de l’édifice qui se trouvait presque dans l’alignement du couloir (7) du second palais (Preziosi 1983 : 270, Fig. II. 41)645. En ce qui concerne l’entrée (53), de moindre ampleur, il est évident qu’elle devait être étroitement associée au secteur nord-est du palais646. Comme dans le cas des autres palais, une fois arrivé au sein de la cour centrale, on était confronté à un espace essentiellement statique. Néanmoins, les nombreuses ouvertures qui la mettaient en relation avec les ailes environnantes devaient amoindrir ce caractère et instiller localement un certain dynamisme (Palyvou 2002 ; Letesson et Vansteenhuyse 2006 : 100). Dans une relation de continuité spatiale très prononcée avec la cour centrale, la cellule 25 devait avoir un statut particulier et un caractère monumental assez prononcé647. En ce qui concerne le secteur des magasins, l’organisation des pièces autour du couloir central (26) présente un caractère systématique648 et laisse peu de doute quant à la manière dont ces espaces étaient parcourus. Depuis le couloir (7), il est évident que les espaces de transition (12) et (14) créaient un cheminement dynamique en direction du secteur (15-21, 95-95’). Au sein de ce dernier, les circulations étaient assez intriquées et aboutissaient aux bains lustraux (19) et (21) : « The ‘basins’ and the routes of access take up much of the south half of the West Wing. The sequence of movements and the space involved call to mind the symbolic enactment of a journey. » (Hitchcock 2000 : 181). Bien qu’immédiatement contiguë à la cour centrale, l’aile est n’était pas pourvue d’un accès à l’accent prononcé depuis cette dernière. En effet, seul un petit escalier coudé relativement discret permettait d’y entrer. Jalonnée de couloirs, la partie méridionale de l’aile nord était certainement une zone en proie à un dynamisme assez marqué. Qu’on y accède depuis l’escalier (39) ou le premier palier de l’escalier (42), le vestibule (75) drainait évidemment les circulations en direction de la cour à péristyle (74). Ce vaste espace, soigneusement mis en œuvre et étroitement associé à l’espace 93 par le biais d’une baie à portes multiples, constituait probablement un espace de nature plus statique et, comme l’évoqua Preziosi, une « interface solennelle » (Preziosi 1983 : 134) en direction de la partie septentrionale de l’aile nord. L’escalier (76) coudé et relégué dans un angle du péristyle desservait les deux parties de ce secteur. Tout comme dans l’aile est, la salle minoenne (77-79) était dans une situation de continuité spatiale prononcée avec le vestibule (85) et par conséquent la zone se trouvant au-delà649. Néanmoins, en ce qui concerne la zone du bain lustral (83), on retrouve, tout comme dans la partie sud de l’aile ouest, le côté intriqué des mouvements, notamment par le biais du corridor (80). La cellule 81, quant à elle, donne l’impression d’avoir été le noyau du secteur sur lequel s’ouvraient tous les autres espaces. Comme l’évoquèrent les fouilleurs italiens, il est évident que la cour occidentale formait un point d’observation idéal du palais. Théoriquement, un espace de ce type constitue un plan horizontal simple dont le caractère spatial basique peut être modifié par le plus infime changement dans son environnement architectural. Il est donc souvent doté de limites et d’une texture permettant de le distinguer des espaces environnants (Cousin 1980 : 92) (le pavement dans le cas de Phaistos). Si un espace de ce type présente une superficie conséquente (ce qui est le cas dans l’exemple qui nous retient), la distinction entre espace positif et négatif est moins claire. Aussi, si le caractère positif de cet espace doit être mis en avant (ce que l’on est en droit d’attendre d’un espace au sein duquel on imagine des rassemblements communautaires), des limites proportionnellement marquées doivent être mises en œuvre650. À ce titre, les fouilleurs italiens émirent l’hypothèse que la façade ouest devait être la plus monumentale et la plus importante (Pernier 1935 : 15 ; Pernier et Banti 1951 : 35 et 458)651. En tant que telle la façade ouest du palais de Phaistos se distingue de celles des palais de Knossos et Malia en ce qu’elle est percée de deux entrées, dont l’une paraît être la principale entrée que l’on conserve. Néanmoins, il convient de signaler que cette façade devait essentiellement former, en termes visuel, un plan vertical allongé. Ce type de plan a de telles dimensions qu’il perd son statut pré-statique mais demeure pré-positif, c'est-à-dire qu’il peut avoir un caractère protecteur tout en rendant le mouvement possible, voire en le provoquant (Cousin 1980 : 97). Ainsi, à proximité de la façade, un observateur aurait automatiquement tendance à la suivre parallèlement, afin de la dépasser ou de contourner l’obstacle qu’elle formait. Si à Knossos et Malia, ce phénomène, accru par l’existence des trottoirs surhaussés se dirigeant vers des entrées du palais devait être très prononcé (Letesson et Vansteenhuyse 2006 : 100 ; Driessen 2007), à Phaistos, la situation devait être légèrement différente, ne fut-ce qu’à cause de l’existence du Grand Propylée et du recouvrement des trottoirs surhaussés du protopalatial. Quoi qu’il en soit, on peut se demander si le phénomène susmentionné ne contribuait pas à aiguiller les circulations en direction du couloir (7), situé dans l’angle sud-est de ladite cour du théâtre (cour occidentale médiane). Pour en revenir à l’apparence de la façade occidentale, il peut être intéressant d’évaluer la hauteur qu’elle aurait du avoir pour être perçue comme verticalement monumentale depuis la cour ouest. Ainsi, pour un observateur situé à l’extrémité ouest de la cour occidentale (c'est-à-dire à environ 42m du palais - Vansteenhuyse 2002 : 247), un angle de 18° au dessus de l’horizontale (premier palier de Märtens) donne une hauteur approximative de 15m60 pour la façade ouest (Letesson et Vansteenhuyse 2006 : 101, tableau 2). Bien qu’ils reconnaissent l’existence d’un étage supérieur dans les ailes ouest et nord, les italiens émettent une certaine réserve à parler d’un second étage (Pernier et Banti 1951 : 357-359)652. Même les reconstitutions optimistes de Graham (qui émit l’hypothèse de l’existence de deux étages à la verticale du Grand Propylée et du secteur des magasins (Graham 1956 ; Graham 1970)653 et qui attribua une hauteur type aux pièces d’importance secondaire et aux espaces élaborés en architecture minoenne654) n’atteignent pas une hauteur de plus de 15m. De plus, comme nous le verrons dans le cadre de l’étude de la cour centrale, de telles élévations auraient certainement contribué à instiller une désagréable sensation de cloisonnement spatial. Il est donc probable que le caractère impressionnant de la façade ouest dépendait essentiellement de son horizontalité655. Il est également intéressant d’appliquer l’ellipse de vision et la zone de vision optimale pour un observateur situé au milieu de la cour centrale. En effet, comme nous l’avons évoqué, notamment dans l’étude des palais de Malia et Galatas ci-dessus, cela permet d’évaluer la hauteur que n’auraient pas dû dépasser les façades du palais afin d’éviter de créer un cloisonnement spatial trop marqué. On obtient ainsi, pour la façade nord (et sud si elle existait) une hauteur maximale comprise entre environ 12m60 (zone de vision optimale) et 7m50 (ellipse de vision) et pour les façades est et ouest, entre 6m80 (zone de vision optimale) et 4m40 (ellipse de vision). Ces limites rendent tout à fait possible l’existence d’un étage dans les différentes ailes. En effet, même si dans le cas de l’aile ouest par exemple, l’élévation les avait dépassé, le fait que la cour n’ait probablement pas été circonscrite de tous côtés par des façades aussi élevées656 aurait considérablement amoindri l’effet de cloisonnement spatial. La perception visuelle des cours centrales étant réexaminée en détail à la fin de ce chapitre, nous allons terminer l’étude de l’architecture en tant que domaine passif en évoquant brièvement les autres espaces ouverts du palais de Phaistos. En ce qui concerne la cour orientale (90), il apparaît assez évident qu’elle ne devait pas former un espace clos étouffant dans la mesure où elle ne pouvait être doté qu’à l’Ouest d’un mur s’élevant plus haut qu’un étage657. Il en va de même pour la cour à péristyle (74) qui, implantée sur une terrasse plus élevée que le reste du palais, ne devait probablement pas être circonscrite par des plans verticaux excédant l’ellipse de vision ou la zone de vision optimale. En revanche, on peut s’interroger sur la cour (48) qui aurait pu constituer un espace plus cloisonné bien qu’il soit impossible d’estimer avec précision la taille des plans verticaux qui la délimitaient.
162Tout comme dans le cadre de l’analyse des autres palais, on peut appliquer les sphères de communication à la cour centrale de Phaistos (Fig. 272)658. Elles illustrent très clairement qu’une majeure partie de sa superficie se trouvait dans la sphère de communication publique de portée étendue (gris clair) ce qui conditionnait très certainement les modalités des représentations y prenant place. Évidemment, les parties de la cour centrale étant en contact plus étroit avec les différentes ailes (et certaines cellules ayant pu y jouer un rôle particulier et accueillir diverses manifestations - dans le cas de Phaistos, la cellule 25, lesdits sanctuaires à banquettes 23 et 24 ou encore la façade nord) pouvaient être le cadre d’une communication plus subtile, confinée au sein des sphères intime/personnelle (gris anthracite) ou sociale (gris foncé). En tant que telle, les cellules 23 et 24 semblent davantage se prêter à une communication répondant à des modalités de communication intime/personnelle ou sociale (Fig. 273 et 274). Néanmoins, en dehors des limites de ces pièces, la communication devait assez vite prendre un profil plus public. À ce sujet, il est intéressant de constater que si la cellule 23 était assez largement ouverte sur la cour centrale, l’espace 24 fut modifié de telle sorte qu’il ne disposait plus que d’une communication (tant physique que visuelle) assez étroite avec cette dernière (Hitchcock 2000 : 183 ; La Rosa 2002 : 92). L’intérieur de la seconde était moins aisément perceptible que celui de la première depuis la cour. De même, si l’on considère que ces espaces pouvaient avoir fonctionné comme des postes d’observation des représentations qui se déroulaient dans la cour centrale, il est évident que la cellule 23 disposait d’un champ visuel nettement plus large que celui de l’espace 24 (Fig. 275 et 276). En tant que contexte de communication, le sanctuaire à banquettes (10) est relativement comparable aux cellules susmentionnées (Fig. 277). De manière assez classique, les différents bains lustraux du palais renvoient à la sphère intime/personnelle en ce qui concerne leur niveau inférieur (c'est-à-dire au sein même du bassin) et à la sphère sociale dans leur immédiate proximité (c'est-à-dire sur l’escalier y descendant ou derrière la balustrade y étant associée) (Fig. 278). Si les bains lustraux des ailes est et ouest semblent plus centrés sur eux-mêmes, le bain lustral (83) présente une disposition particulière dans la mesure où il est doté d’une espèce de poste d’observation surélevé. Pour une personne se tenant dans les pièces y étant directement associées (c'est-à-dire les cellules 17, 20, 63b et 81), la représentation qui y aurait prit place n’aurait probablement pas été visible mais aurait pu être perçue (par l’odorat ou l’ouïe par exemple) selon des modalités de communication publique de portée restreinte659. En ce qui concerne les salles minoennes, il est évident qu’elles pouvaient être le cadre de manifestations impliquant des modalités de communication publiques (portée restreinte et étendue) (Fig. 279). De plus, force est de constater que comme à l’accoutumée, les baies à portes multiples offraient de nombreuses possibilités de modulation de l’espace et par conséquent, permettaient certainement de créer des contextes d’observation et de représentation complexes et variés. Pour terminer, si l’on admet l’existence d’une fenêtre d’apparition au niveau du Grand Propylée (Graham 1970), il est évident que pour des personnes réunies dans la cour occidentale ou même sur les marches de l’escalier (66), la personne s’y tenant devait user de modalités de communication publiques (c'est-à-dire probablement faire des gestes amples et simples et élever la voix) pour être comprise (Fig. 280).
Mitropolis-Kannia
163Ladite ‘Villa rurale’ (Levi 1959, Fig. 2 ; Preziosi 1983 : 53-55 et 340-343, Fig. II. 12 IV. 5. A-B ; Troubled Island : 206-207, Fig. 7. 60) fut fouillée en 1958 par l’École Italienne sous la direction de D. Levi. L’édifice se situe dans une localité appelée Kannia, au sud-ouest du village actuel de Mitropolis, à quelques deux kilomètres de l’acropole de la cité gréco-romaine de Gortyne (Levi 1959 : 239 ; Preziosi 1983 : 53 ; Troubled Island : 206). Il est possible que ce bâtiment n’ait pas été isolé. En fait, il faisait probablement partie d’un petit établissement660. La Villa Rurale mesure environ 20m du Nord au Sud et 23m d’Est en Ouest (Preziosi 1983 : 341) (424m ²) et ses murs sont appareillés avec soin (Levi 1959 : 239-242 ; Preziosi 1983 : 54 ; Troubled Island : 206). Elle compte 24 cellules au rez-de-chaussée parmi lesquelles on retrouve un vestibule (1), des magasins (6, 11, 12 et 13) (Levi 1959 : 242-244), des espaces de transition (notamment 2, 3 et 9), un escalier (10a-b) (Levi 1959 : 244) ainsi que des espaces dépourvus de portes (20-24) (Fig. 281) (Preziosi 1983 : 54-55). Le fouilleur constatant que la majeure partie du rez-de-chaussée adoptait le profil de communs, émit l’hypothèse de l’existence des pièces de vie à l’étage (Levi 1959 : 244)661. De manière générale, la partie ouest du rez-de-chaussée semble étroitement liée au stockage alors qu’à l’Est, et en particulier en ce qui concerne les cellules 18 et 19 (Levi 1959 : 246 et 248-250, Fig. 23 ; Preziosi 1983 : 55), un pôle de nature plus rituelle pourrait avoir existé662. À ce sujet, il convient également de préciser que, sur le plan proposé par Levi (Fig. 282), l’espace 30 n’est pas sans rappeler la forme du sanctuaire tripartite de Vathypetro (Troubled Island : 206). En ce qui concerne la chronologie, la Villa Rurale semble s’être implantée sur une structure plus ancienne détruite durant le MMIIIB (Troubled Island : 206). Par endroits, l’édifice présentait des traces de nettoyage de débris de destruction sous la forme d’une accumulation de tessons et de matériaux de construction (Troubled Island : 206). Il est donc probable que suite à un tremblement de terre qui fit s’écrouler l’étage, l’édifice fut remanié au MRIB (Troubled Island : 207). Le blocage de l’entrée ouest (Levi 1959 : 243 ; Troubled Island : 206) ainsi que la construction d’un mur entre les cellules 14 et 15 (Levi 1959, Fig. 17 et 18) datent probablement de cette époque. À cette époque, le bâtiment possédait deux ailes clairement distinctes : à l’Ouest l’emmagasinage, à l’Est un pôle rituel663. Dans le courant du MRIB, l’aile ouest fut détruite par un incendie alors que l’aile est continua de fonctionner comme zone cultuelle jusqu’au MRIIIB, époque à laquelle elle brûla également (Troubled Island : 207). En matière de trouvailles, il est étonnant de constater, vu l’ampleur et la qualité du bâtiment, que très peu d’objets prestigieux ne furent mis au jour (Troubled Island : 206-207). Néanmoins, de nombreux pithoi furent découverts dans les cellules 6, 11, 12, 13 et 20 (Levi 1959 : 242-244 et p. 257, Fig. 29)664. On mit également à jour à proximité de ces Du phénotype au génotype derniers de la poterie MRIB de qualité (Levi 1959 : 254, Fig. 25). Les magasins 12 et 14 étaient également dotés de kaselles665. Dans la pièce 14, délimitée par le mur plus tardif, un chaudron de bronze fut retrouvé caché dans la partie inférieure d’un pithos (Levi 1959 : 245, Fig. 13 ; BCH 83, 1959 : 742 ; Troubled Island : 206). Hormis les statuettes qui furent retrouvées dans la partie est de l’édifice, de la céramique qualifiée de ‘votive’ y fut également mise à jour (Levi 1959 : 248 et 251, Fig. 22). Néanmoins, de manière générale, l’assemblage d’objets à vocation rituelle est plus typique du MRIIIB (Levi 1959, Fig. 23 et 34-36 ; Gesell 1985 : 77-79).
164Dans sa première phase, la Villa Rurale présente un plan justifié nettement distribué dans ses trois premiers niveaux de profondeur (Fig. 283). Au-delà de ces derniers, la non-distributivité domine. Le graphe s’ouvre sur un large anneau externe dont les deux points de pénétration, les cellules 1 et 8, forment la base. De type c, le vestibule (1) contrôle l’accès à un des plus importants pivots des circulations au sein du bâtiment, la cellule 2. Cette dernière, au même titre que le couloir (3) et la cellule 8, est une cellule de type d. Elle offre une très grande flexibilité de mouvement et perd donc consécutivement en potentiel de contrôle. Preziosi émit l’hypothèse que les cellules 5 et 4 pourraient avoir fonctionné comme une loge de portier en rapport direct avec la cellule 2 et en relation avec la cellule 8 par le biais de la pièce 7 (Preziosi 1983 : 54). Que cela soit exact ou non, il convient de préciser que les pièces 5 et 7 sont des espaces de type c et contraignent davantage les circulations que les espaces auxquels elles sont directement liées. C’est par l’entremise du couloir (9), de type c, que s’articule le reste du plan justifié sous la forme de séquences d’espaces de type b desservant localement des espaces de type a. Seul l’accès à l’étage par le biais de l’escalier (10) est relativement direct depuis le couloir (9). Qu’il s’agisse des magasins nord (11, 12 et 13) ou de l’aile est, il est évident que le contrôle des circulations y est potentiellement plus étroit666. C’est particulièrement le cas du cheminement en direction dudit sanctuaire domestique (19) qui trône au huitième niveau de profondeur du graphe, au faîte d’une arborescence de quatre espaces de type b. L’édifice disposant de deux entrées, il convient d’envisager les particularités qu’elles pourraient avoir. Que l’on pénètre par l’entrée en 8 (Fig. 284) ou par le vestibule (1) (Fig. 286), le graphe garde globalement le même aspect et conserve une profondeur de huit. On remarque néanmoins qu’en entrant par le vestibule principal (1)667, il existe un contrôle plus important des circulations. En effet, une fois au sein de cette pièce, un seul choix de mouvement s’offre au visiteur. Au contraire, depuis l’entrée en 8, il existe une plus grande flexibilité en matière de mouvement. Cette entrée est présentée comme secondaire par le fouilleur qui y restitue une porte coulissante et la décrit comme particulièrement adaptée à l’apport des biens destinés à l’emmagasinage ainsi qu’au passage d’animaux ou de charrettes668. Les valeurs quantitatives évoluent fort peu que l’extérieur soit pris en compte ou pas (Fig. 288). Ce sont la pièce 2 et les couloirs (3) et (9) qui présentent l’intégration la plus forte. À l’inverse, les cellules 4 et 6, les magasins (11) et (12), les cellules 16, 17, 18 et tout particulièrement 19 sont dans une situation de ségrégation assez manifeste. Les espaces disposant d’une valeur de contrôle élevée sont l’espace de transition de l’aile est, la cellule 5 et le couloir (9) (Fig. 289). Dans sa seconde phase, le plan justifié de la Villa Rurale perd son anneau externe et adopte un profil plus symétrique (Fig. 290). Il conserve un noyau distribué au potentiel de contrôle relativement restreint par endroits (cellules 2 et 3) et plus marqué à d’autres (5, 7, 8 et 9). La majeure partie des cellules se déploie au quatrième niveau de profondeur à l’exception des magasins (12) et (11) qui sont désormais les cellules les plus recluses. Même si le graphe est doté d’une certaine annularité, le vestibule (1), de type b, forme une étape au potentiel de contrôle plus élevé qu’auparavant. En termes de valeurs quantitatives, on constate à nouveau que la prise en compte ou la mise à l’écart de l’extérieur dans les calculs n’influe que très peu (Fig. 291). De manière générale, le graphe dans son ensemble présente une valeur d’intégration assez semblable à celle de la première phase. La cellule 2 gagne tout particulièrement en intégration de la première à la deuxième phase. En effet, durant cette dernière, elle forme véritablement l’espace à partir duquel s’articule la base du graphe. Les couloirs (3) et (9) conservent leur intégration élevée, davantage d’ailleurs que celle de la première phase669. Les magasins (12) et (11) sont les cellules qui présentent la ségrégation la plus forte, cette dernière évoluant assez peu d’une phase à l’autre. Durant sa deuxième phase, la Villa Rurale se présente comme une structure plus centrée sur elle-même et moins ouverte sur l’extérieur670. En termes de valeur de contrôle, la cellule 5 et le couloir (9) gardent la prééminence (Fig. 292).
165En ce qui concerne l’analyse visuelle, les deux phases du bâtiment ont été traitées séparément. L’intégration visuelle de la première phase illustre une nouvelle fois le fait que l’analyse de la syntaxe spatiale réduisant chaque espace particulier en une cellule uniforme quelque soient ses dimensions et son aspect donne parfois un aperçu relativement tronqué de la réalité spatiale (Fig. 293a). Pour peu que la vision soit prise comme référant principal, on constate donc que la zone la mieux intégrée se trouve à la jonction entre le couloir (9), la cellule 14 et l’entrée du magasin (13). De plus, la cellule 8, l’ensemble du couloir (9), une partie des magasins (13), (12), des cellules 15 et 17 et l’espace de transition qui les relie présentent une intégration qui contraste nettement avec le reste du plan (en particulier avec la situation en 4, 6 et 19). Les étapes de profondeur visuelle font écho à l’intégration et on peut remarquer que l’entrée 8 dispose potentiellement d’une ligne de vision non entravée jusqu’à l’extrémité est du bâtiment (Fig. 293b). C’est le sanctuaire domestique (19) qui semble être la cellule la plus recluse visuellement pour un observateur se tenant à une des entrées de l’édifice. Au sujet de ces entrées, il peut être intéressant d’en faire les étapes de profondeur visuelle de manière indépendante en complément aux remarques évoquées ci-dessus à leur sujet (Fig. 285 et 287). Comme à l’accoutumée, le contrôle visuel est particulièrement marqué aux points de décision (Fig. 293c). C’est à nouveau à la jonction entre 9, 13 et 14 que l’on retrouve le potentiel le plus élevé. En effet, de cette position, on peut surveiller les magasins, l’entrée en 8, l’accès à l’étage ainsi qu’à l’aile est. Localement, l’espace de transition entre 15, 16, 17 et 18 dispose également d’un potentiel assez élevé. C’est ledit sanctuaire domestique (19) qui dispose de la contrôlabilité la plus forte, devançant la cellule 4, le magasin (6) et la partie sud des magasins (11-13) (Fig. 293d). Durant la deuxième phase, l’intégration visuelle est assez similaire à celle de la première phase (Fig. 294a). Néanmoins, les étapes de profondeur visuelle témoignent d’une réclusion plus marquée de bon nombre d’espaces internes (Fig. 294b). De manière générale, le contrôle et la contrôlabilité visuels rappellent ceux de la première phase (Fig. 294c et 294d). Il convient malgré tout de préciser que, même si elle se situe dans des zones identiques d’une phase à l’autre, la contrôlabilité semble s’y accroître légèrement durant la seconde.
166Même si la Villa Rurale dispose de deux entrées durant sa première phase, il est fort probable que le vestibule (1) ait été le point de pénétration principal, comme en atteste l’existence du passage surhaussé qui y mène. Par point de pénétration principal, nous entendons la cellule à travers laquelle s’effectuait probablement de manière privilégiée le passage de visiteurs vers l’intérieur de l’édifice. En effet, même s’il existe une ouverture en 8 sur le monde extérieur, il apparaît évident qu’elle avait sûrement comme fonction principale de desservir les magasins de l’aile ouest. Fonction à laquelle elle se prêtait particulièrement bien de par son système de fermeture, sa superficie et sa proximité par rapports aux zones de stockage (Levi 1959 : 243). La forme longitudinale de la cellule 8, faisant écho à l’axe arrière-avant d’une personne se tenant sur le seuil extérieur, aurait pu contribuer à créer un certain attrait dynamique en direction de l’est et de l’entrée des magasins (11-13). Même s’il existait une ligne de vision non entravée depuis la cellule 8 jusqu’au cœur de l’aile est (Fig. 285), la dilation spatiale au niveau du couloir (9) et de la cellule 14 ainsi que la fermeture probable de cette dernière par l’entremise d’une porte devaient atténuer l’influence dynamique et permettre de canaliser les circulations vers les cellules avoisinantes. Au sein du vestibule (1), le dynamisme qui pourrait avoir été induit s’estompe assez vite. En effet, son ouverture sur la cellule 2 est déportée dans un angle et l’axe arrière-avant va mourir sur le mur nord de cette dernière. C’est par un tracé en chicane qu’un visiteur s’engage soit dans un des couloirs (3 et 9) ou en direction de l’étage par le biais de l’escalier (10). La cellule 2 n’est pas un espace clairement individualisé. En effet, à l’Est, il semble empiéter sur les couloirs (3) et (9)671. Là où le couloir (3) n’induit aucun dynamisme particulier et s’articule en chicane avec les espaces sur lesquels il débouche, le couloir (9) invite davantage au mouvement dans le prolongement de son axe longitudinal. Par contre, c’est en rupture avec cet axe qu’il s’ouvre sur l’aile est de l’édifice au sein de laquelle on n’accède audit sanctuaire domestique (19) qu’à travers une suite de passages coudés. La deuxième phase ne se prête guère à des commentaires différents si ce n’est qu’il n’existe plus qu’une entrée et aucun accès vers l’aile est au rez-de-chaussée.
167On peut raisonnablement admettre que certaines cellules de l’aile est de la Villa Rurale accueillaient des représentations rituelles. Même si la majeure partie des objets découverts semblent former un assemblage MRIIIB (figurines de déesses aux bras levés, vases tubulaires, vases à étrier,…) (Gesell 1985 : 77-79), il n’est pas impossible que ce secteur ait déjà eu une fonction cultuelle au MRI. En effet, certaines des figurines trouvées dans les pièces 15 et 17 pourraient appartenir à cette époque, au même titre qu’une bonne partie de la céramique découverte dans la villa (Gesell 1985 : 79). Étant donné que les arrangements que l’on retrouve au sein des différentes pièces de l’aile est représentent probablement un état MRIIIB, il est difficile de se faire une idée précise de la manière dont ces espaces étaient agencés au MRI et donc d’y tracer les sphères de communication de manière éclairée. Néanmoins, si on les applique, en guise d’exemple, au sein des cellules dans lesquelles furent découvertes les statuettes plus anciennes (pièces 15 et 17) (Levi 1959 : 259, Fig. 31 et 32c) et de la pièce 19 que le fouilleur qualifie de sanctuaire domestique (Levi 1959 : 248), on constate que la majeure partie de ces espaces devait se prêter à un mode de communication de type social672 (Fig. 295). Il convient également de remarquer que si la cellule 30 formait bel et bien un sanctuaire tripartite, elle aurait certainement pu, de par sa superficie, se prêter à des représentations de plus grande ampleur.
Stou Kouse
168Situé à environ une heure de marche au Sud de Phaistos dans l’Ouest de la Messara, la petite maison de Stou Kouse (Marinatos 1927, Fig. 2 ; Preziosi 1983 : 11-18, 26-27 et 326-328, Fig. I. 8-10, IV. 1. A-B ; Troubled Island : 207, Fig. 7. 61) fut fouillée par S. Marinatos en 1925 et 1926. L’édifice aurait été bâti dans le courant du MMII et connut une seconde phase durant le MRI (Troubled Island : 207). Le bâtiment mesure environ 11m sur 11 (Preziosi 1983 : 326) et contient six cellules au rez-de-chaussée (Fig. 296). Repérant un certain nombre de régularités au sein des mesures de l’édifice (longueur des façades, épaisseur des murs et largeur de l’embrasure des portes), Preziosi émit l’hypothèse de l’utilisation d’un module dans la planification673. De plus, il repéra dans le tracé du bâtiment une des expressions récurrentes de l’architecture minoenne : le modèle du carré inscrit au sein d’un carré674. Il s’agit en fait, sous sa forme canonique, d’un espace carré de plus grandes dimensions flanqué sur deux côtés par des espaces agencés en ‘L’ (Preziosi 1983 : 26-27). Stou Kouse se présente effectivement comme un édifice formé d’une pièce centrale (1) à laquelle on accède directement depuis l’extérieur et autour de laquelle s’organisent les autres espaces (Preziosi 1983 : 12 ; Troubled Island : 207). Il se pourrait que la cellule 1 n’ait pas été couverte mais qu’elle ait plutôt formé une sorte de cour675. D’après le fouilleur, les pièces 4 et 5 aurait pu accueillir des activités de stockage et de préparation de nourriture (Preziosi 1983 : 16). Néanmoins, il est impossible de restituer avec certitude la manière dont elles étaient liées au reste de l’édifice676. D’après Preziosi, les cellules 6a-b formaient un espace adapté à l’implantation d’un escalier de bois en ‘U’ qui s’ouvrait à un niveau légèrement supérieur à celui de la cellule 1 à laquelle il devait être relié par une marche (Preziosi 1983 : 12 et 16). Il semble qu’au MRI, une presse à olives pavée fut installée au dessus des espaces sud-est de l’édifice (Troubled Island : 207)677. Preziosi, qui postula l’existence d’un étage, émit l’hypothèse que ce dernier pourrait s’être présenté de même manière que le rez-de-chaussée, à l’exception de l’espace surplombant les cellules 2 et 3 qui aurait pu n’être formé que d’une seule pièce dotée d’un support vertical (Preziosi 1983 : 16-17) (Fig. 297). Finalement, toujours selon Preziosi, l’escalier aurait pu aboutir à un toit terrasse (Preziosi 1983 : 17).
169En ce qui concerne l’analyse de la syntaxe spatiale, les vestiges ne permettent pas de restituer une image infaillible de la réalité antique. Néanmoins, il nous paraît intéressant d’aborder l’édifice en y intégrant les restitutions hypothétiques susmentionnées. Aussi, en ce qui concerne les connexions spatiales, l’existence d’une ouverture surélevée entre les cellules 1 et 5 est adoptée678 au même titre que celle d’un escalier desservant le toit ainsi qu’une série de pièces dont le tracé fait écho à celles du rez-de-chaussée. Le plan justifié élaboré sur base des remarques susmentionnées est totalement non distribué et présente une symétrie variable, assez forte dans les premiers niveaux de profondeur et s’estompant à mesure que l’on s’élève dans l’arborescence (Fig. 298). La salle principale (1) est le seul point de pénétration dans le graphe. Il s’agit d’un espace de nature centripète (Preziosi 1983 : 27) bien qu’il ait certainement exercé un rôle primordial dans le quotidien de l’édifice, accueillant fort probablement bon nombre d’activités. De type b, la cellule 1 dispose d’un potentiel de contrôle élevé sur les nombreuses circulations qu’elle articule. De manière générale, ces dernières adoptent un profil récurrent au sein du bâtiment, sous forme de séquences d’espaces de type b (5, 6a-b, 7 et 8) donnant localement accès à des espaces de type a (4, 9 et toit terrasse). Dans la restitution hypothétique adoptée, l’escalier semble former un deuxième pivot des circulations, contrôlant l’accès au toit terrasse et à l’enfilade de cellules 7-9. En termes quantitatifs, on constate que les valeurs évoluent assez peu que l’extérieur soit pris en compte ou non (Fig. 299) ce qui tendrait à souligner l’existence d’une interface principalement ciblée sur les rapports entre résidents. Comme l’on pourrait s’en douter, la salle principale (1) présente l’intégration la plus forte, suivie de près par l’escalier (6a-b). La cellule 9 est celle qui se trouve dans la situation de ségrégation la plus marquée, précédée par les cellules 4, 8 ainsi que le toit terrasse. Les espaces présentant la plus forte valeur de contrôle sont les cellules 1, 6, 8 et 5 (Fig. 300).
170Seules les connexions spatiales avérées sont intégrées à l’analyse visuelle par le biais de Depthmap. En effet, si l’emplacement des ouvertures n’a guère d’importance dans l’analyse de la syntaxe spatiale, il n’en est pas de même dans l’analyse visuelle. L’intégration visuelle (Fig. 301a) illustre clairement la position prépondérante de la salle principale (1) sur ses pièces annexes. C’est à la jonction entre la cellule 1 et les cellules 2 et 3 ainsi que dans l’angle sud-est de la première qu’on retrouve le potentiel de contrôle visuel le plus élevé (Fig. 301c)679. Il apparaît également que c’est la salle principale (1) qui dispose de manière très nette de la contrôlabilité la plus significative (Fig. 301d). Il est malgré tout évident que les résultats qu’offre Depthmap doivent être envisagés avec prudence dans la mesure où ils ne rendent compte que d’une situation architecturale et visuelle partielle.
171En tant que domaine passif, l’architecture de Stou Kouse ne se prête pas à de nombreux commentaires. De manière générale, il apparaît que les pièces sont bien individualisées les unes des autres et s’agglutinent autour de la salle principale (1) sans l’entremise d’espace de transition. Même si elle fait office de noyau des circulations et est de nature centripète, cette salle n’en demeure pas moins un espace qui vaut pour lui-même et dont le profil évoque plus l’occupation que le mouvement. Pour peu que l’on admette la nature domestique de ce modeste édifice (Marinatos 1927 ; Preziosi 1983 : 19), il n’est pas étonnant qu’on n’y retrouve pas réellement de dynamisme spatial, la nécessité d’accommoder les mouvements d’utilisateurs variés n’existant tout simplement pas.
172Au-delà du fait qu’il n’existe aucun indice laissant imaginer que certaines manifestations particulières aient pu prendre part au sein du bâtiment, il semble évident que la taille de ce dernier ne permet guère d’y restituer des représentations dépassant le cadre de communication social.
Kommos
173Situé à l’extrémité ouest de la plaine de la Messara, au Sud-ouest de Phaistos, le site côtier de Kommos fut découvert par Evans en 1924 (Shaw et Shaw 1995 : 8-11et 26-27 ; Shaw 2006 : 12). Néanmoins, il fallut attendre 1976 pour qu’ait lieu la première campagne de fouilles menée par J. Shaw sous les auspices de l’American School of Classical Studies in Athens (Shaw et Shaw 1995 : 11-14 ; Shaw 2006 : 12 et 83-111). Les fouilles s’y prolongèrent jusqu’en 1994 (Shaw et Shaw 1995 : 19-23 ; Shaw 2006 : 13) et mirent au jour de nombreux vestiges, tant minoens que plus tardifs (Fig. 302)680. Avant d’aborder de manière plus détaillée les édifices sélectionnés dans le cadre de cette étude, il convient de donner un bref aperçu de l’histoire du site, principalement en rapport avec les périodes qui nous concernent. Bien qu’il n’existe aucun témoignage architectural de cette époque, des traces d’occupation datant du Néolithique Final et du Minoen Ancien furent repérées (Shaw et Shaw 1996 : 1 ; Shaw 2006 : 11)681 à l’emplacement qualifié de Central Hillside (Shaw et Shaw 1996, pl. 1. 1 et 1. 2)682. Avec le Minoen Moyen (MMIB-II), l’établissement s’étendit au Nord comme au Sud (Shaw et Shaw 1996 : 2-3 ; Shaw 2002b : 100) et se dota même d’un grand bâtiment (AA) (Shaw et Shaw 1996 : 2 ; Shaw 2002b : 100-101 ; Shaw 2006 : 11 et 30 ; Shaw et Shaw 2006 : 1-17)683 dont on retrouva quelques traces éparses sous les constructions plus tardives qui lui succédèrent (notamment les bâtiments T684 ainsi que N et P - Shaw et Shaw 1996 : 396 ; Shaw 2006 : 38-39 ; Shaw et Shaw 2006 : 60-85, pl. 1. 9-1. 12.). L’établissement continua à s’étendre durant le Minoen Moyen685 mais à la fin du MM III, un tremblement de terre conséquent frappa probablement le site (Shaw et Shaw 1996 : 3 et 346). Consécutivement, des changements majeurs y eurent lieu. Au sommet de la colline, des bâtiments plus anciens furent abandonnés et on en érigea de nouveaux par-dessus, utilisant parfois les anciens murs comme fondations (Shaw et Shaw 1996 : 3)686. Sur le coteau central, les maisons furent également abandonnées, remblayées et mises à niveau pour faciliter l’établissement d’édifices structurellement indépendants (Shaw et Shaw 1996 : 3)687. Les quelques chemins et rues séparant les différentes zones et maisons furent également établis à cette époque (Shaw et Shaw 1996 : 3-4 et 361-363). La ville renouvelée au MMIII/MRIA resta occupée de manière ininterrompue jusqu’au MRIIIB (vers 1200 av. J. -C.) (Shaw 2006 : 23)688. Par la suite, du protogéométrique à l’époque romaine, bien que la ville fut abandonnée, divers temples se succédèrent sur le site (Aerial Atlas : 148 et 152 ; Shaw 2006 : 11-12). Malgré le fait qu’elle subit de profondes modifications au MRIII (Shaw et Shaw 1996 : 371), il reste possible de se faire une idée du plan général de la ville du MR I (Shaw et Shaw 1996 : 362) :
It was rather simple - lacking, for instance, the extensive street network that often separate Minoan towns into blocks or insulae - but this may be a deceptive impression owing to the relatively small area of the town thus far exposed by excavation. Examples of such simple systems can be observed both in small towns like Gournia and in large ones like Palaikastro, with its well structured town plan. In both of these sites, one suspects a degree of planning and control by a central authority. For obvious reasons, lots at crossroads must have been seen as prime locations for building a house, and it may be a sign of social ranking that the best-appointed house on the Hilltop, the North House, occupied such a location […]. Perhaps because there was no predictable street system, houses at Kommos do not follow a formal layout. This is not to say that there were not recognized prime spots to which privileged individuals had access. […] Open spaces next to houses could have been courts for the private use of the inhabitants of these houses, or they could have been open to public. In some instances, evidence helps us make a choice between these options, but much ambiguity remains (Shaw et Shaw 1996 : 362).
174Durant le néopalatial, la ville portuaire689 aurait atteint environ 35000m2 ce qui la place plus ou moins entre Pseira et Gournia en termes de superficie (Shaw et Shaw 1996 : 6-8 et 347). En ce qui concerne les maisons de cette époque, certaines considérations générales peuvent être formulées. Il apparaît clairement que, par rapport au Minoen Moyen, les édifices forment désormais des entités architecturales indépendantes, clairement distinctes des structures environnantes690. De plus, les bâtiments présentant la taille la plus importante sont également ceux qui sont dotés de l’architecture la plus élaborée et souvent d’escaliers attestant l’existence d’étage (s) (Shaw et Shaw 1996 : 364)691. Néanmoins, de manière générale, il apparaît que les maisons néopalatiales mises au jour étaient de taille assez réduite et caractérisées par une architecture relativement simple692 :
For humble houses, they enjoyed much open space around them, and some were even largely freestanding. Aspects of architectural design and evidence for some niceties of construction prove that the inhabitants were conscious of what was happening at other Minoan sites. Ultimately, their choices were formed by the local traditions, by the degree of their desire to emulate other forms, and by whether they had the means to realize their aims (Shaw et Shaw 1996 : 371).
175N’ayant été que brièvement évoquée ci-dessus, l’architecture néopalatiale de Kommos va être examinée plus en détails grâce à l’étude de trois édifices : la North House, la House with the Press et la House with the Snake Tube.
176La partie du site située au sommet de la colline (Hilltop settlement) est définie par une zone fouillée d’environ 838m2 délimitée par la limite nord de la propriété acquise par les fouilleurs (Fig. 303) (Shaw et Shaw 1996 : 15, pl. 1. 4-7 ; Shaw 2006, Fig. 4-5). Le caractère agglutiné des structures architecturales, l’érosion de la falaise à l’Ouest et la propension qu’eurent les habitants à se rapprocher, au fil du temps, de la partie du secteur surplombant directement la mer et donc d’y ajouter d’autres constructions contribuèrent à compliquer la lecture des ruines (Shaw et Shaw 1996 : 15-16). Néanmoins, il fut possible d’y isoler certains édifices dont la North House (Fig. 304, 305 et 306) (Shaw et Shaw 1996 : 17-54, 364-371 et 386, pl. 2. 1-76 ; Shaw 2006 : 23-24, Fig. 5 et 10). Ce bâtiment et ses abords immédiats furent essentiellement fouillés en 1976 et 1981693. La North House aurait été terminée au MRIB bien que quelques unes de ses pièces aient probablement été terminées durant le MRIA et qu’une partie de l’édifice qui l’avait précédée (globalement de même taille et tracé) fut intégrée à la nouvelle construction (Shaw et Shaw 1996 : 18 et 19-29). Elle fut utilisée dans sa globalité jusqu’au MRIIIB1694 mais ne connut qu’une occupation partielle précédant l’abandon au MRIIIB2 (Shaw et Shaw 1996 : 53-54). D’un tracé particulièrement régulier et aligné sur les points cardinaux, l’édifice adoptait une forme carrée et mesurait environ 11,75m de côté (134m ²) (Shaw et Shaw 1996 : 17). Il s’agit de la plus grande maison mise au jour sur la colline et à en juger par son élaboration architecturale695, elle était l’une des mieux construite et certainement des plus prospères696. D’un point de vue général, comme ce fut souvent le cas sur le sommet de la colline, les trouvailles y furent peu nombreuses et assez mal préservées697. L’édifice est délimité au Sud et à l’Est par deux rues (02 et N19) (Shaw et Shaw 1996 : 18 et 56-59, pl. 1. 4). À l’Ouest, la maison est bordée par deux espaces, les cellules 1 et 2. Il ne fut pas possible de déterminer la manière dont ce secteur était éventuellement lié à l’édifice (Shaw et Shaw 1996 : 32)698 mais il parut évident que l’espace 1 communiquait avec le 2 qui fut interprété comme une cour privée ou un patio disposant d’une vue imprenable sur la Mer Libyenne (Shaw et Shaw 1996 : 18 et 32)699. La North House contient une vingtaine de cellules parmi lesquelles on retrouve une salle à foyer central (17), un système de couloirs (6, 7, 22 et 23), deux sottoscale (9 et sous 21) et deux escaliers (8 et 21). Avant d’évoquer l’organisation interne de la maison, il convient d’attirer l’attention sur un certain nombre d’éléments. Ainsi, la cellule 3 révéla l’existence d’installations ayant pu servir à la préparation de nourriture (Shaw et Shaw 1996 : 33). Il est difficile d’interpréter l’espace 20 mais les fouilleurs proposèrent d’y voir, dans la mesure où il pouvait être ouvert sur l’Est dans le prolongement de la route N19, une cour associée à la maison ou une placette publique (Shaw et Shaw 1996 : 34 et 39). La pièce 16 était partiellement pavée et on y découvrit un sceau en cristal de roche (Shaw et Shaw 1996 : 35)700. En 12, on mit au jour des dalles qui formaient peut-être des banquettes ou des plates-formes procurant assez d’espace pour servir de lit ou entreposer des objets (Shaw et Shaw 1996 : 36). La plus grande cellule du rez-de-chaussée, la pièce 17, contenait un foyer central de forme carrée bâti de petites pierres irrégulières ainsi que deux mortiers de pierre (Shaw et Shaw 1996 : 37, pl. 2. 4 et 2. 48). À l’Est de cette dernière, le sottoscala sous l’escalier 21 servit probablement d’armoire à travers toute l’histoire du bâtiment (Shaw et Shaw 1996 : 38 et 386). En ce qui concerne l’agencement interne de l’édifice, les fouilleurs proposèrent d’y voir des groupes de pièces liés à l’utilisation qui en était probablement faite (Shaw et Shaw 1996 : 39-42, 364 et 370-371). Ainsi, pour peu que les portes du sottoscala 9 demeurent fermées, deux unités distinctes peuvent être repérées. À l’Ouest, les cellules 4, 5 et 16 formaient certainement la partie la plus privée du rez-de-chaussée (Shaw et Shaw 1996 : 40 et 370)701. Directement accessible depuis la rue, la salle à foyer (17) et ses deux annexes (12 et 13) formaient la seconde unité. Cette zone formait véritablement le cœur du rez-de-chaussée. Alors que les cellules 12 et 13 servaient sans doute de zone de stockage et/ou d’aire de repos (Shaw et Shaw 1996 : 40)702, la salle à foyer central était fort probablement un lieu de réunion ou de nombreuses activités domestiques prenaient place (Shaw et Shaw 1996 : 40-41, 366-367)703. Outre ces deux secteurs, au Nord-est, les pièces 3, 6, 10 et 11 formaient la dernière partie de la maison. En termes d’organisation les fouilleurs proposent de considérer la North House de la sorte : « The northern rooms appear to have had a largely utilitarian function that served the entire house, while the western and central suites may have been designed as working and living quarters » (Shaw et Shaw 1996 : 40). Néanmoins, les pôles d’habitation et d’entreposage/industrie semblent avoir été relativement séparés (Shaw et Shaw 1996 : 370). En effet, comme évoqué précédemment, les cellules 4, 5 et 16 adoptaient sans doute un profil plus privé alors que la salle à foyer central (17) doublée de ses annexes 12 et 13 pouvait certainement accueillir pléthore d’activités diverses (Shaw et Shaw 1996 : 366-367). Il convient également de souligner le fait que la présence de deux escaliers au sein d’un édifice de cette taille peut poser question. Les fouilleurs proposèrent, sur base de leur implantation, de voir dans l’escalier (21) un accès relativement public à l’étage (probablement vers une pièce destinée à accueillir les invités) et dans l’escalier (8) l’accès à des ‘appartements’ de nature plus privée, certainement situés à la verticale des cellules 4, 5 et 16 (Shaw et Shaw 1996 : 40-41 et 370-371)704.
177En ce qui concerne l’élaboration du plan justifié de la North House (Fig. 307), quelques remarques préliminaires doivent être faites. Si les connexions paraissent évidentes à la vue du plan (Fig. 304), l’état des ruines rendit difficile l’interprétation du Nord-est de l’édifice. Ainsi, les fouilleurs s’interrogèrent sur la possibilité d’ouvertures reliant la cellule 18 d’une part à la cellule 13 à l’Ouest (Shaw et Shaw 1996 : 37) et à la cellule 20 au Nord (Shaw et Shaw 1996 : 38). Néanmoins, il fut estimé que les indications en la matière étaient bien trop pauvres pour que l’on puisse se prononcer avec certitude et l’on opta, si l’on en juge par la reconstitution proposée, pour une situation n’intégrant pas ces ouvertures (Shaw et Shaw 1996, pl. 2. 6). Outre cet aspect, le plan justifié prend également en considération l’hypothèse selon laquelle l’espace 20 aurait pu se trouver en bordure du prolongement de la route N19 et former une placette depuis laquelle on aurait pu accéder au bâtiment (Shaw et Shaw 1996 : 34 et 39)705. Le plan justifié présente donc une distributivité particulièrement prononcée et un anneau externe particulièrement conséquent. Ce dernier se développe depuis les trois points de pénétration dans l’édifice : les cellules 17, 18 et 20. La salle à foyer central (17), seule cellule de type d, se présente sans conteste comme le noyau des circulations. Elle articule les mouvements vers l’ensemble du bâtiment, disposant d’un potentiel de flexibilité de circulation particulièrement élevé. Bien que typologiquement, cet espace manque d’un pouvoir de contrôle fort, les portes dont les fouilleurs retrouvèrent les traces706 jouaient très certainement un rôle primordial dans la gestion des mouvements. Les cellules 18 et 20, toutes deux de type c, faisaient très certainement office d’entrées secondaires (Shaw et Shaw 1996 : 37 et 39). Le fait qu’elles donnaient accès à des espaces qui n’étaient pas nécessairement la zone d’accueil principale de la maison (Shaw et Shaw 1996 : 366-367) explique peut-être le potentiel de contrôle légèrement plus fort dont elles disposaient. Depuis la salle à foyer central (17) étroitement associée à ses annexes 13 (type b) et 12 (type a), les circulations s’amorçaient par le biais d’espaces de transition : le sottoscala 9 (type c) et l’espace 23 (type c). Dédoublant ce dernier qui permettait également un accès assez direct vers l’étage (via l’escalier 21 au troisième niveau de profondeur), le couloir (22) mettait étroitement en relation entrée principale (17) et entrée secondaire (18). Au Nord, la succession de l’espace ouvert 20, de la pièce 11 et du couloir (7) créait un agencement spatial permettant certainement un contrôle relativement accru (Shaw et Shaw 1996 : 33)707. C’est depuis ce couloir que s’articulaient différentes cellules dont l’escalier (8), relégué au quatrième niveau de profondeur. Le secteur ouest, formé par les cellules 4, 5 et 16, toutes de type c, est ancré assez profondément dans le graphe (entre le troisième et le quatrième niveau de profondeur). À l’exception de l’ouverture reliant 16 à 9 (Shaw et Shaw 1996 : 35), il fut impossible d’attester l’existence de portes dans ce secteur708. Néanmoins, l’implantation de ces pièces plaide assez clairement en faveur de l’interprétation qu’en donnèrent les fouilleurs. Disposant de trois entrées potentielles, la North House peut être envisagée selon chacune indépendamment. Depuis la salle à foyer central (17) (Fig. 308), l’entrée principale, le graphe compte huit niveaux de profondeur. On accède assez aisément à l’escalier ‘public’ (21) au troisième niveau de profondeur. Le secteur ouest s’implante entre le troisième et le cinquième niveau de profondeur, la cellule 16 étant la plus proche. Au contraire, le secteur nord, clairement articulé autour du couloir (7), est dans une position de ségrégation assez manifeste. Depuis l’entrée secondaire 18 (Fig. 310), le graphe gagne deux niveaux de profondeur. Cela contribue à accentuer la ségrégation de l’accès à l’escalier ‘public’ (21) mais également, de manière croissante, à l’ensemble du bâtiment en multipliant les points de contrôle à mesure que l’on s’enfonce dans la structure de l’édifice. Si l’entrée 20 est privilégiée (Fig. 312), le graphe gagne encore un niveau de profondeur mais la perspective est renversée. En effet, le secteur nord est désormais bien plus accessible (avec l’escalier ‘privé’ (8) s’implantant malgré tout au quatrième niveau de profondeur) alors que les parties centrale et sud-est de l’édifice sont dans une situation de ségrégation spatiale assez manifeste. Il est malgré tout assez intéressant de noter que le secteur est (4, 5 et 16) reste positionné d’une manière assez similaire à celle observée lorsque l’on emprunte l’entrée principale (17). En effet, il gagne seulement un niveau de profondeur et voit la succession de ses cellules s’inverser. De manière générale, il apparaît que le secteur est constitue, au rez-de-chaussée, l’unique interface entre le Nord de la maison et ses parties centrale et sud-est. En termes de valeurs quantitatives, on constate certaines particularités en fonction de la prise en compte de l’extérieur ou de l’absence de cette dernière dans les calculs (Fig. 315). De manière générale, bien qu’elles demeurent dans un rapport relativement constant les unes par rapport aux autres, toutes les cellules gagnent en ségrégation. Néanmoins, les points de pénétration dans l’édifice (17 mais surtout 18 et 20) sont tout particulièrement affectés lorsque l’extérieur n’est pas pris en compte. Cet état de fait pourrait tendre à souligner l’existence d’une configuration spatiale propre à faciliter les rapports entre résidents et visiteurs709. Dans cette perspective, il peut être intéressant de remarquer que le secteur ouest (cellules 4, 5 et 16) semble moins affecté par la présence ou l’absence de l’extérieur dans les calculs. Cela tendrait évidemment à corroborer le caractère privé que lui reconnurent les fouilleurs (Shaw et Shaw 1996 : 35 et 40). En termes d’intégration, la salle à foyer central (17) présente une situation assez dominante que l’extérieur soit pris en compte ou non710. Les escaliers disposent quant à eux d’une intégration assez basse relativement similaire, le 21 étant malgré tout légèrement mieux intégré que le 8. De leur côté, les cellules 3 et 12 sont dans un fort état de ségrégation par rapport au reste du système. En ce qui concerne les valeurs de contrôle, les espaces se distinguant particulièrement sont, dans l’ordre décroissant, le couloir (7), la cellule 18, le couloir (23) et la salle à foyer central (17) (Fig. 316).
178L’intégration visuelle obtenue grâce à Depthmap corrobore assez clairement la situation à laquelle l’analyse de la syntaxe spatiale parvient lorsque l’extérieur n’est pas pris en compte (Fig. 317a). On constate en effet que les cellules 16 et 9 sont les mieux intégrées au système, suivies de près par les espaces 4, 5 et la salle à foyer central (17). On retrouve également la ségrégation caractéristique des cellules 3 et 12. En ce qui concerne les étapes de profondeur visuelle (Fig. 317b), on remarque l’exclusion visuelle assez prononcée d’une majorité du secteur ouest ainsi que des cellules 12, 3 et de l’escalier (8). Comme à l’accoutumée, les étapes de profondeur visuelle sont également proposées indépendamment pour chaque entrée afin de compléter les graphes d’accès susmentionnés (Fig. 309, 311 et 313). En termes de contrôle visuel (Fig. 317c), on retrouve la prééminence des habituels points de décision (particulièrement aux débouchés du couloir (7) sur les cellules 4 et 20) ainsi qu’une partie assez conséquente des cellules 16 et 17. Pour terminer, ce sont les cellules 17 et 3 qui présentent la contrôlabilité la plus élevée sur l’ensemble de leur surface (Fig. 317d). Néanmoins, les cellules 20, 18, 16 et 12 n’en sont pas dépourvues.
179Si l’on envisage l’architecture de la North House en tant que domaine passif, il apparaît évident que l’édifice est doté de deux approches principales, chacune manifestée par la présence d’une rue : la rue O2 à laquelle est associée l’entrée en 17 et la rue N19 à laquelle est associée l’entrée en 18 (Shaw et Shaw 1996 : 426, pl. 1. 4). L’étroitesse de la porte donnant sur l’extérieur depuis la cellule 18 ainsi que le fait que la cellule qu’elle dessert donne accès à la pièce principale (17) de manière assez tortueuse invita les fouilleurs à considérer cette entrée comme secondaire (Shaw et Shaw 1996 : 37). En effet, alors que l’accès depuis O2 vers 17 est direct (bien que perpendiculaire à l’axe de la rue), la cellule 18 adopte un profil coudé pour un visiteur y pénétrant depuis la rue N19. De plus, l’axe longitudinal qui se dessine depuis 18 le long du couloir (22) voit sa ligne de tension se briser en chicane à son débouché sur la cellule 23, amoindrissant l’attraction dynamique en direction de la salle à foyer (17) et de l’escalier (21)711. Une fois que l’on accède à la salle à foyer central (17), l’ampleur de l’espace ainsi que sa forme carrée invitent au statisme et au repos. Bien que l’entrée vers la cellule 12 soit placée dans un angle de la pièce, elle est très nettement perceptible depuis l’entrée sur la rue O2 ce qui devait contribuer à renforcer, en plus de l’absence de porte, l’impression d’unité qui se dégageait des espaces 17, 13 et 12. Au contraire, qu’il s’agisse du profil coudé du passage formé par le sottoscala (9) ou de la présence de portes de part et d’autre (attestée par les bases de piédroits en ‘L’) (Shaw et Shaw 1996 : 35, pl. 2. 4-5), le souci de permettre un isolement spatial de la pièce 16 est manifeste. Formé de trois pièces en enfilade, le secteur ouest semble former une unité spatiale distincte712. En effet, vers le Nord, c’est à nouveau en rupture avec l’axialité induite par l’enfilade des pièces que s’ouvre le couloir (7). Il est difficile de se prononcer sur la façon dont la progression vers l’intérieur de l’édifice pouvait se dérouler depuis l’espace 20 dans la mesure où l’on ne connaît ni ses limites ni sa nature avec certitude. Néanmoins, la forme carré de la cellule 11 et le fait que les ouvertures entre 11 et 20 et 11 et 7 n’étaient pas dans le prolongement l’une de l’autre ne favorisaient certainement pas le dynamisme.
180Bien que la North House ne soit pas réellement pourvue d’espaces pouvant être clairement identifiés comme s’étant prêtés à des représentations, il peut être intéressant d’envisager la salle à foyer central (17) dans le cadre de son architecture en tant que domaine actif. En effet, ce type de salle semble particulièrement adaptée, outre les diverses activités domestiques qui s’y déroulaient certainement, à accueillir d’éventuels visiteurs et donc, a fortiori, un plus grand nombre de personnes que le reste des espaces du rez-de-chaussée. En traçant les sphères de communication interpersonnelles autour du foyer près duquel se rassemblaient fort probablement les personnes présentes (Fig. 318), on peut constater que la cellule 17 est le seul espace au sein duquel la communication pourrait avoir du adopter des modalités propres à la sphère sociale (gris foncé) alors que les autres pièces devait plus certainement accueillir une communication du domaine intime/personnel (gris anthracite).
181Située au Sud du sommet de la colline (Fig. 303) (Shaw et Shaw 1996, pl. 1. 4), la House with the Press (Fig. 319 et 320) (Shaw et Shaw 1996 : 105-127, pl. 1. 4-5 et 2. 165-192 ; Shaw 2006 : 24)713 fut fouillée entre 1976 et 1978714. Ce bâtiment fut en majeure partie bâti au MRIA bien que certains tronçons de murs puissent être légèrement plus anciens (Shaw et Shaw 1996 : 107). Il resta utilisé jusqu’au MRIIIB (Shaw et Shaw 1996 : 106) mais à cette époque, seules les cellules 1 et 2 étaient encore utilisées (Shaw et Shaw 1996 : 126)715. L’édifice mesure environ 92m2 et compte 5 cellules dont une salle à foyer central et colonne (1) (Shaw et Shaw 1996 : 106)716. Implantée au sommet du secteur au sein duquel elle se trouve (Shaw et Shaw 1996 : 109)717, la House with the Press présente une disposition assez particulière. En effet, la forme d’un rectangle allongé n’est pas courante dans les maisons mises au jour à Kommos (Shaw et Shaw 1996 : 105). Cette particularité pourrait être due au caractère inégal du terrain et au fait qu’il fallut s’adapter à la seule zone relativement plate qui s’y trouvait (Shaw et Shaw 1996 : 110). Les fouilleurs émirent également l’hypothèse que la fonction du bâtiment impliquait qu’il adopte une position centrale et proéminente. Parmi les découvertes qui furent faites au sein du bâtiment, la cellule 5 révéla la présence de grandes dalles qui furent interprétées comme une plate-forme associée à des sièges ou des surfaces de travail (Shaw et Shaw 1996 : 113). Divers éléments (implantation de la pièce au plus profond de l’édifice, taille réduite, isolation grâce à l’épaisseur des murs extérieurs) poussèrent les fouilleurs à y voir un endroit idéal pour garder de la nourriture au frais (Shaw et Shaw 1996 : 114). L’accès à cette pièce fut bloqué, probablement peu après le début du MRIIIA. La pièce 4 contenait également des dalles ayant pu servir de sièges ou de petites plates-formes ainsi que des tessons dont la fabrique laissèrent envisager une fonction de stockage (Shaw et Shaw 1996 : 114). Qu’il s’agisse de la présence de plates-formes, d’outils divers (outils en pierre, mortier), ou d’un gobelet ayant probablement servi de lampe, les trouvailles semblèrent attester d’une activité plus importante au sein de la pièce 3 que dans les cellules auxquelles elle donnait accès au Nord (Shaw et Shaw 1996 : 115-116)718. C’est au sein de la pièce 2, soigneusement pavée (Shaw et Shaw 1996 : 117), que fut découverte l’installation qui valut son nom à l’édifice. En effet, on y exhuma notamment, outre une plate-forme assez classique, un assemblage de dalles et de pierres assez haut, couronné par un grand récipient en pierre doté d’un déversoir (Shaw et Shaw 1996 : 117, pl. 2. 176-177 ; Shaw 2006 : 24, Fig. 11). À proximité de cette installation, on découvrit les fragments d’un pithos. Les fouilleurs interprétèrent ce dispositif comme une presse (probablement à huile) et l’associèrent au pithos (sans doute utilisé pour collecter le liquide) et à la seconde plate-forme (sur laquelle on aurait pu entreposer le produit de la presse) (Shaw et Shaw 1996 : 118). Au point de vue chronologique, il est certain que la presse fut en activité au MRIII mais les fouilleurs estimèrent que ce dispositif avait fort probablement été mis en place assez tôt dans l’histoire du bâtiment719. Formant la plus grande partie de l’édifice, la pièce 1 était dotée d’un certain nombre d’installations (basin, mortier, diverses plates-formes) et pourvue de divers objets (outils de pierre, ustensiles évoquant le travail du métal) mais fut surtout caractérisée par la présence d’un foyer central construit et d’une colonne légèrement décalée, sans doute pour permettre à la lumière du feu de se propager dans l’axe des portes, vers les cellules 2 et 3 (Shaw et Shaw 1996 : 122, pl. 2. 165, 2. 178 et 5. 7). La découverte de nombreux coquillages et d’ossements autour du foyer ainsi que la présence de vaisselle à boire et à manger laissa également présager d’une activité culinaire dans la salle 1 (Shaw et Shaw 1996 : 123). Celle-ci n’est pas sans rappeler la pièce 17 de la North House et devait certainement accueillir des activités relativement similaires (Shaw et Shaw 1996 : 366-367). En termes d’organisation, la House with the Press peut se diviser en trois blocs : les pièces 3, 4 et 5 au Nord, la pièce 2 et la salle à foyer central et colonne (1) (Shaw et Shaw 1996 : 105-106). D’un point de vue général, l’édifice semble dépourvu d’étage (Shaw et Shaw 1996 : 124-126)720 ce qui pose la question de la localisation des pièces de vie au sein du rez-de-chaussée si l’on admet, comme les fouilleurs, que le bâtiment accueillait un pôle domestique721. Quoi qu’il en soit, les fouilleurs attirèrent surtout l’attention sur l’importance du pôle industriel au sein de l’édifice, évoquant même la possibilité qu’il ait pu fonctionner comme centre de production communautaire (Shaw et Shaw 1996 : 126-127). En ce sens, la présence d’une seule et unique entrée attestée fut stigmatisée en ces termes : « Perhaps the apparent lack of more than one outdoor entrance into the House with the Press is not an accident of preservation. It may be that having only one entrance permitted better control of what left the building and who came into it. » (Shaw et Shaw 1996 : 127).
182Le plan justifié de la House with the Press est l’expression pure et simple d’une structure totalement asymétrique et non distribuée (Fig. 321). Chaque cellule qui compose le bâtiment ajoute un niveau de profondeur au graphe (asymétrie relative égale à 1). Ce dernier se présente donc comme une longue séquence d’espaces de type b (1, 2, 3 et 4) terminée par un espace de type a, la cellule 5, au cinquième niveau de profondeur du graphe. En ce qui concerne les valeurs quantitatives (Fig. 322), c’est la salle à foyer central et colonne (1) qui est particulièrement affectée si l’extérieur n’est pas pris en compte dans les calculs722. En ce qui concerne l’intégration, en ordre décroissant, on retrouve les cellules 3, 2, 4, 1 et finalement 5. La syntaxe spatiale des cellules et le fait qu’on attribue notamment une fonction industrielle aux pièces 1, 2 et peut-être 3 alors que les cellules 4 et 5 semblent s’être davantage prêtées au stockage tendraient à corroborer l’interprétation de l’édifice en tant que centre de production communautaire. En effet, un tel agencement cellulaire permettrait aisément d’accueillir un certain nombre de personnes au sein de la salle principale (1) tout en permettant un contrôle étroit de leur progression vers les zones de stockage ou à l’inverse des biens entreposés vers la sortie du bâtiment723. En termes de valeur de contrôle, la salle à colonne centrale (1) et la cellule 4 se distinguent tout particulièrement (Fig. 323).
183En ce qui concerne l’analyse visuelle et en particulier l’intégration (Fig. 324a), les plans produits grâce à Depthmap diffèrent quelque peu des résultats de l’analyse de la syntaxe spatiale724. On constate donc que, visuellement, la zone la mieux intégrée se situe aux abords de l’ouverture entre les cellules 1 et 2. De plus, de manière générale, l’intégration va en diminuant à mesure que l’on s’enfonce dans le bâtiment725. Les étapes de profondeur, quant à elles, correspondent parfaitement à la séquence linéaire qui caractérise le plan justifié et illustrent l’isolement visuel fort des espaces 4 et 5 (Fig. 324b). Le contrôle visuel est à nouveau particulièrement fort aux points de décision, c'est-à-dire, dans le cas présent, à chaque connexion entre deux espaces (Fig. 324c). Il convient également de préciser que la salle à foyer central et colonne (1) dispose localement du potentiel de contrôle le plus élevé. En termes de contrôlabilité (Fig. 324d), il apparaît évident que la pièce 1 se distingue nettement des autres cellules de l’édifice726.
184On retrouve dans l’approche de la House of the Press un écho assez manifeste au souci interne d’y contrôler les circulations. En effet, on accède à la salle à foyer central et colonne (1) par le biais d’une allée (7-4) la reliant à l’aire ouverte 21 qui pourrait avoir été une place (Shaw et Shaw 1996 : 105, pl. 1. 4). L’allée, longue et étroite, invite clairement au mouvement en direction de l’entrée de l’édifice727. Néanmoins, elle permet de créer une certaine séparation spatiale entre la place (dont la nature était peut-être publique728) et l’entrée de l’édifice. De plus, il est important de préciser qu’une porte existait au débouché de l’allée sur l’espace 1 permettant ainsi d’en restreindre voir d’en interdire l’accès (Shaw et Shaw 1996 : 124)729. Le fait que l’existence d’une fenêtre ne soit pas exclue dans le mur ouest de la pièce 2 (Shaw et Shaw 1996 : 124) offrirait également l’opportunité d’un contrôle des mouvements en direction de l’entrée depuis l’intérieur du bâtiment. Si l’accès depuis l’allée (7-4) invite tout naturellement à pénétrer dans la salle à foyer central et colonne (1), le fait que la porte menant au reste du bâtiment s’ouvre également dans le mur nord vient nettement amoindrir cette dynamique spatiale. De plus, la forme même de la salle à foyer central et colonne (1) dilue la tension induite par la voie d’accès. Alors qu’il est possible de retrouver une certaine unité spatiale entre les cellules 2 et 3 bien qu’elles soient relativement individualisées, la disposition des pièces 4 et 5 les sépare clairement du reste de l’édifice.
185En ce qui concerne l’architecture en tant que domaine actif, on peut appliquer à la pièce 1 de la House of the Press les mêmes remarques que celles formulées ci-dessus au sujet de la salle à foyer central (17) de la North House.
186Le dernier édifice envisagé au sein de la ville de Kommos se situe sur le coteau central (Central Hillside) (Fig. 326). Ce secteur couvre une superficie d’environ 611m2 et se situe plus ou moins à mi-chemin entre le sommet de la colline (Hilltop Houses) et la zone sud qui accueillait le centre civique (Shaw et Shaw 1996 : 139, pl. 1. 2 et 1. 10). À la différence du sommet de la colline, cette partie de la ville ne fut qu’assez peu occupée par des bâtiments du Minoen Récent, aussi, il y fut plus aisé d’atteindre et d’étudier les niveaux du Minoen Moyen (Shaw et Shaw 1996 : 139 et 140-199). Au Minoen Récent, l’aspect du secteur fut totalement changé : une nouvelle maison fut bâtie sur les structures précédentes et leurs abords profondément modifiés (Shaw et Shaw 1996 : 199). Cet édifice, la House with the Snake Tube (Fig. 327 et 328) (Shaw et Shaw 1996 : 202-216, pl. 3. 103, 3. 105 et 3. 119 ; Shaw 2006 : 27-29)730, fut probablement construite assez tôt durant le MRI (Shaw et Shaw 1996 : 199-200)731 et resta constamment utilisée jusqu’à son abandon au MRIIIB (Shaw et Shaw 1996 : 199). La maison connut d’importants remaniements au MRIIIA1 qui rendirent parfois particulièrement difficile la lecture des ruines (Shaw et Shaw 1996 : 204)732. Mesurant un peu plus de 100m2, la House with the Snake Tube ne possédait pas d’étage et comptait 8 pièces (Shaw et Shaw 1996 : 200)733. Elle s’implantait à l’Est d’une route (Road 1) dont le tracé avait été établi au Minoen Moyen et qui resta utilisée, avec quelques modifications, jusqu’à l’abandon du secteur au MRIIIB (Shaw et Shaw 1996 : 206-207). Au Nord, à l’Est et au Sud, la maison était entourée d’aires ouvertes bâties en terrasses (Shaw et Shaw 1996 : 206). Interprétée comme l’entrée principale de la maison depuis la route ouest (Shaw et Shaw 1996 : 202-203), le vestibule (1) vit son tracé fortement affecté par les remaniements plus tardifs. La manière dont il était connecté au reste de l’édifice n’est pas claire (Shaw et Shaw 1996 : 203, pl. 3. 105) mais le fouilleur opta pour une ouverture sur 2734. Un mortier de pierre fut découvert inséré dans le sol, dans l’angle sud-est de la pièce735. Plus à l’Est, la porte qui relie les cellules 2 et 3 fut probablement bloquée au MRIII (Shaw et Shaw 1996 : 203). Les modifications plus tardives du plan affectèrent également les alentours de la cellule 7 au même titre qu’une fosse moderne résultant peut-être de fouilles illégales (Shaw et Shaw 1996 : 204). Néanmoins, il semble fort probable, comme en attestent une petite volée de marches entre 7 et 8 et la présence d’une zone de décharge (dump 7) au Sud-est de 7, qu’une ouverture sur l’extérieur ait également existé depuis le Sud (Shaw et Shaw 1996 : 204). Il apparut aussi évident que le mur qui séparait les cellules 7 et 6 était doté d’ouvertures à ses deux extrémités (Shaw et Shaw 1996 : 204)736. La fosse moderne oblitéra également l’entrée de la pièce 8 et rendit hypothétique sa connexion au reste de l’édifice (Shaw et Shaw 1996 : 205). La présence d’un drain dans le mur est de cette cellule (en direction de la décharge susmentionnée), d’une analyse chimique des terres accumulées à proximité du drain (révélant la présence élevée de phosphate) et la forme générale de la pièce invitèrent le fouilleur à l’interpréter comme une latrine (Shaw et Shaw 1996 : 205 et 385-386). La cellule 5 contenait un pithos retourné, placé sur deux dalles et dont la base était cassée. Il était incorporé au sol de la pièce et contenait différents objets (outils en pierre, coupelles coniques, bol évasé, brasero) (Shaw et Shaw 1996 : 205-206). Le pithos fut interprété comme ayant probablement servi de moyen de stocker ces derniers (Shaw et Shaw 1996 : 212 et 385). De manière générale, la plupart des pièces ne conservaient aucun matériel MRI in situ, les objets et installations retrouvés (notamment dans la pièce 4) datant presque tous du MRIIIB (Shaw et Shaw 1996 : 206 et 365). Heureusement, la décharge (dump 7) située au Sud de la maison fournit une importante quantité de matériel MRI-II (Shaw et Shaw 1996 : 209, 210-212, 365 et 385) : « […] the dump in Space 7 contained sufficient amount and variety of material to provide significant information. As a primary context, the dump represents a single activity : the disposal of debris. As a secondary context, however, it provides evidence of a wide range of activities. » (Shaw et Shaw 1996 : 212). L’abondance et la variété des découvertes au sein de la décharge furent notamment dues aux méthodes employées pour la fouiller (tamisage à sec et par flottation) (Shaw et Shaw 1996 : 210-211). C’est ainsi que furent découverts, entre autres éléments, des outils de pierre, de la poterie culinaire, des hameçons en bronze, des outils en os probablement destinés à rapiécer les filets de pêche, des poids à tisser et des objets ornementaux personnels tels que des perles, une boucle d’oreille ou encore un anneau de bronze (Shaw et Shaw 1996 : 385)737. Outre les activités, assez typiquement domestiques, attestées par ces découvertes (préparation et consommation de nourriture, pêche, tissage) (Shaw et Shaw 1996 : 212 et 365), la disposition de certaines pièces fut interprétée comme révélatrice. C’est ainsi que Maria Shaw proposa de voir dans les cellules 3, 4 et 5 les pièces de vie de la maison738.
187Le plan justifié de la House with the Snake Tube se présente sous la forme d’un unique anneau externe composé symétriquement d’espaces de type c donnant localement accès à deux espaces de type a, la cellule 4 et la latrine (8) (Fig. 329). Doté de deux points de pénétration, le graphe s’articule depuis le vestibule (1) et l’espace de transition (9). Selon toute vraisemblance, étant donné que le vestibule (1) s’ouvrait sur une route, il devait faire office d’entrée principale de l’édifice (Shaw et Shaw 1996 : 202-203). Au contraire, le profil même de l’entrée en 9 ainsi que la présence du dépôt d’ordures à proximité plaide en faveur d’une entrée secondaire (Shaw et Shaw 1996 : 204), de profil plus privé. De manière générale, l’agencement cellulaire, même s’il offre une certaine flexibilité en matière de circulation, permet de canaliser les mouvements en un circuit préétabli739 et dispose donc d’un certain potentiel de contrôle. Depuis l’entrée principale (Fig. 330), par le vestibule (1), le graphe dispose de huit niveaux de profondeur. L’accès aux pièces 3, 4 et 5 est assez direct (entre le troisième et le quatrième niveau de profondeur), au contraire, la latrine (8), trônant au huitième niveau de profondeur, est dans une position de réclusion spatiale manifeste. Si l’on emprunte l’espace de transition (9) (Fig. 332), l’accès à la latrine (8) et aux cellules 6 et 7 est aisé (entre le deuxième et le troisième niveau de profondeur). Dans un cas comme dans l’autre, la cellule 5, au quatrième niveau de profondeur, semble faire office d’interface spatiale entre deux zones auxquelles on pourrait attribuer un caractère différent : l’espace 3 et son annexe 4 qui, de par la proximité de l’entrée sur la rue, pourrait avoir eu un rôle d’accueil des visiteurs740 et, de l’autre côté, les espaces 6 et 7 qui pourraient avoir eu un profil plus privé. En ce qui concerne les valeurs quantitatives (Fig. 334), on constate un changement assez significatif lorsque l’extérieur est pris en compte ou pas dans les calculs741. En ce qui concerne l’intégration, la forme même du graphe explique que toutes les cellules faisant partie de l’anneau disposent de valeurs identiques lorsque l’extérieur est pris en compte, tout comme c’est le cas des deux espaces de type a, 8 et 4. C’est donc lorsque l’extérieur n’est pas considéré que l’on peut apprécier l’intégration au sein de l’édifice fonctionnant en vase clos. Dans ce cas, c’est la cellule 5 qui dispose de l’intégration la plus élevée ce qui tendrait à corroborer l’hypothèse qu’elle ait pu servir d’interface entre deux parties de la maison. Viennent ensuite les cellules que cette dernière met en contact, les espaces 3 et 6. De manière générale, la latrine (8) demeure la cellule dont la ségrégation est la plus forte. La cellule 3 et l’espace de transition (9) disposent de la valeur de contrôle la plus élevée (Fig. 335).
188L’intégration visuelle met clairement en évidence la prééminence des espaces 3 et 5 sur le reste du bâtiment et en particulier les pièces 1, 7, 8 et 9 (Fig. 336a). Les étapes de profondeur illustrent notamment le caractère de réclusion visuelle propre à la cellule 6 (Fig. 336b). Cet ‘éloignement’ visuel depuis les ouvertures sur le monde extérieur pourrait être considéré comme renforçant l’idée du caractère plus privé de cet espace. Appliquées à chaque entrée, les étapes de profondeur visuelle viennent compléter les graphes d’accès et illustrent très clairement le fait que, depuis la cellule 9, l’ensemble du bâtiment se trouve dans une situation de réclusion visuelle plus prononcée (Fig. 331 et 333). Présent de manière assez homogène dans l’ensemble du bâtiment, le potentiel de contrôle visuel est particulièrement présent au sein de la pièce 3 ainsi qu’au débouché du vestibule (1) sur la pièce 2 et de l’espace de transition (9) sur la pièce 7 (Fig. 336c). En termes de contrôlabilité (Fig. 336d), le caractère singulier de la pièce 3 et de son annexe 4 ne fait aucun doute. Il peut être intéressant de rappeler ici que les salles à foyer central dont l’utilisation et le caractère nous semble pouvoir être rapprochés de la nature de la pièce 3 disposent également au sein de la North House et de la House with the Press d’une contrôlabilité assez significative.
189Comme nous l’avons évoqué ci-dessus, l’accès à la House with the Snake Tube depuis la Rue 1 devait être l’approche principale de la demeure. Étant donné que l’ouverture qui relie le vestibule (1) à la pièce 2 est tout à fait hypothétique (Shaw et Shaw 1996 : 203), il est difficile d’apprécier la manière dont l’agencement spatial qu’elles formaient aurait pu affecter le mouvement au sein de l’édifice. Si l’on se fie à la restitution axonométrique proposée dans la publication finale (Shaw et Shaw 1996 : 623, pl. 3. 106), le profil même du vestibule (1) et en particulier le fait que son ouverture à l’Est soit dans l’alignement de la porte donnant sur la rue aurait pu contribuer à canaliser naturellement les circulations en direction de la pièce 2742. De plus, il apparaît qu’une personne se tenant sur le sol du vestibule aurait été en mesure d’apercevoir très légèrement l’ouverture entre les espaces 2 et 3 ainsi, peut-être, qu’une infime portion de la surface interne de ce dernier (Fig. 331). Comme précédemment évoqué, ce phénomène de porte cachée a généralement tendance à attiser l’intérêt et à motiver le mouvement en direction de l’ouverture dont il manifeste l’existence. Une fois la pièce 3 atteinte, la dilatation spatiale, tant au niveau de la superficie qu’en ce qui concerne les limites relativement floues existant entre les espaces 3, 4 et 5 (Shaw et Shaw 1996 : 206), contribue à effacer toute tension dynamique et à instaurer un contexte propre à l’occupation statique. Reléguée dans l’angle sud-ouest de la pièce 5, l’ouverture vers 6 est disposée de manière telle qu’elle ne disposait probablement guère d’un réel potentiel attractif. Depuis l’espace de transition (9), qu’on se dirige vers la latrine (8) ou l’espace 7, l’accès se fait en chicane. En termes de perception spatiale, même si elles sont séparées par un mur médian, les pièces 6 et 7 pourraient avoir été perçues comme les deux moitiés d’un seul espace (Shaw et Shaw 1996 : 204). Quoi qu’il en soit, la continuité spatiale forte qu’elles entretiennent renforce l’idée qu’elles puissent avoir formé une unité bien distincte au sein de la maison.
190En traçant les sphères de communication au sein de la pièce 3 de manière identique à celle employée dans le cadre de l’étude des salles à foyer central des deux maisons précédentes, on aboutit à une situation assez similaire (Fig. 337). La principale différence étant due au fait que les espaces 4 et 5 s’ouvraient très largement sur la pièce 3 et qu’elle est donc moins clairement définie spatialement que les cellules susmentionnées.
Pitsidia
191Toujours dans l’Ouest de la Messara, non loin de Kommos et à proximité du village moderne de Pitsidia (Shaw 2006 : 62-81, Fig. 64), à l’endroit nommé Plakes, un édifice (Fig. 338) fut partiellement fouillé par Valeianou (Hatzi-Valeianou 1993 : 531-534, Fig. 6 ; Hatzi-Valeianou 1995 : 1035-1046, Fig. 1 ; Troubled Island : 210, Fig. 7. 64)743. Probablement bâti au MMIII-MRI (Troubled Island : 210), le bâtiment fut détruit au MRIB (Hatzi-Valeianou 1995 : 1045 ; Troubled Island : 210). L’édifice mesurait environ 18m sur 12 (190m ²). Hormis le fait que l’entrée de l’édifice fut repérée en association avec un escalier de pierre, un dispositif formé d’une base en pierre servant probablement à accueillir une roue de potier fut mis au jour dans la pièce 17 (Hatzi-Valeianou 1995, Fig. 2-8). La cellule 5 était visiblement dotée d’une banquette contre le mur ouest (Hatzi-Valeianou 1995 : 1037, Fig. 1). Bien que quelques pièces contenaient des pithoi et autres vases, les découvertes furent assez pauvres dans l’édifice. Ce dernier comptait une vingtaine de cellules parmi lesquelles, un vestibule (1), deux escaliers (attestant de l’existence d’un étage), un système de couloirs (2, 3, 4 et 13), des espaces dépourvus de porte, une pièce centrale de grande superficie (10) ainsi qu’un atelier (17).
192Le plan justifié est caractérisé par un anneau interne depuis lequel s’articulent toutes les circulations au sein du bâtiment (Fig. 339). Le vestibule (1), seul point de pénétration dans le système, de type c, en constitue la base. Cet anneau simple n’est composé que d’espaces de type c (1, 2, 3, 4 et 10). En conséquence de quoi, il permet aux mouvements de bénéficier d’une certaine flexibilité tout en les inscrivant dans un schéma de circulation bien précis744. De ce fait, l’agencement cellulaire conserve un certain potentiel de contrôle.
193Quatre options s’offraient à une personne pénétrant dans le vestibule (1) : regagner directement l’étage via l’escalier745, pénétrer dans la cellule 5746, emprunter le couloir coudé (2) en direction de la partie nord de l’édifice ou se diriger vers la pièce principale du rez-de-chaussée (10)747. C’est dans le rapport entre l’entrée, la pièce principale (10) et la partie nord de l’édifice que les circulations pouvaient prendre un profil élaboré. En effet, les couloirs (2) et (3) offraient l’opportunité de regagner les cellules 20, 8, 7 et 6 ainsi qu’un accès présumé à l’étage sans qu’il faille passer par la pièce 10. Inversement, il était tout à fait possible, pour une personne se trouvant dans la salle principale d’accéder à la partie nord par une voie d’accès différente des couloirs (2) et (3), le corridor (4). De manière purement hypothétique, on pourrait imaginer qu’un tel dispositif aurait permis, si l’on postule l’existence de zones de stockage au Nord de l’édifice, de les approvisionner depuis l’extérieur (via 1-2-3)748 et d’y accéder afin d’en retirer les biens ou denrées pour un usage quelconque à l’intérieur du bâtiment (via 10-4-3)749. Depuis la salle principale (10), on pouvait accéder à des pièces qui semblent en avoir été les annexes directes (cellules 11 et 12) ou à la partie ouest de l’édifice s’articulant autour du couloir coudé (13), de type b. Cette partie ouest est particulière dans la mesure où l’agencement cellulaire rendait visiblement possible un contrôle accru des circulations à travers des séquences linéaires d’espaces de type b. Ainsi, l’accès à l’atelier (17) depuis la salle principale (10) nécessitait un passage par le couloir (13), la cellule 14 et la cellule 16. Les valeurs quantitatives n’évoluent pour ainsi dire pas selon que l’extérieur soit pris en compte ou non (Fig. 340). C’est la salle principale (10) qui dispose de l’intégration la plus forte. Le couloir (4), le vestibule (1) et les couloirs (13), (3) et (2) présentent également une intégration assez prononcée. Les deux escaliers présentent une intégration relativement similaire, équivalente à celles des cellules de la partie nord de l’édifice. C’est dans les annexes (11 et surtout 12) de la cellule 10 et dans la partie ouest de l’édifice que l’on retrouve une intégration nettement moins marquée. Dans cette zone, c’est l’atelier (17) qui présente la ségrégation la plus manifeste. Le couloir (3), le vestibule (1) et la cellule 14 sont les espaces dont la valeur de contrôle est la plus élevée (Fig. 341).
194L’intégration visuelle fait globalement écho aux résultats de l’analyse de la syntaxe spatiale (Fig. 342a). Ainsi, on peut constater l’intégration de la pièce principale et des divers espaces de transition (tout particulièrement 4 et 13) au contraire des parties nord, ouest et des cellules 11 et 12. Les étapes de profondeur visuelle évoquent également cette situation et permettent une saisie plus intuitive de la réclusion visuelle de certaines zones (Fig. 342b). En ce qui concerne le contrôle visuel (Fig. 342c), il peut être intéressant d’attirer l’attention sur le potentiel de la partie est du vestibule (1) (notamment à sa jonction avec la cellule 10) et de la pièce 14 qui permettait évidemment de surveiller les mouvements tant en direction des cellules 18 et 19 que vers l’atelier (17) ou la cellule adjacente (15). On retrouve également une situation notable au sein du couloir (3), notamment à sa jonction avec les couloirs (2) et (4) ainsi que, de manière diffuse, dans la majeure partie de la salle principale (10). En termes de contrôlabilité, c’est le couloir (3) mais surtout la pièce 10, les pièces 14-15 et les cellules 18-19 qui sortent du lot (Fig. 342d).
195Tel que se présente le vestibule (1), il est probable que l’attraction dynamique était davantage axée vers le couloir (2) ou même l’escalier. Néanmoins, même dans cette direction, l’axe était vite brisé par le profil coudé du couloir. Vers la salle principale (10), fort proche de l’entrée, le vestibule s’ouvrait en chicane. L’étendue de cette dernière en faisant très certainement un espace statique, bien délimité, valant pour lui-même. Même si il est difficile d’apprécier la réalité architecturale de la partie nord avec précision, il apparaît évident que le rez-de-chaussée du bâtiment de Pitsidia est scindé en 4 parties. La première est constituée par le dispositif d’entrée et le système de circulation par espaces de transition y étant étroitement associé (c'est-à-dire le vestibule et les couloirs 2-4). Il s’agit en quelque sorte du liant spatial entre les deux parties suivantes : la partie nord (20, escalier, 8, 7 et 6) et la pièce principale et les espaces qui lui sont directement subordonnés, ses annexes 11 et 12, qui forment le cœur de l’édifice750. Vient ensuite la partie ouest de l’édifice. Cette dernière est singularisée par le fait qu’elle possède son propre espace de transition (13) qui en articule l’agencement depuis l’espace 10 mais également par l’existence d’une porte en 14 et peut-être en 18751. Il convient également de préciser, qu’en direction de ces pièces, les circulations devaient adopter un profil coudé à plus d’une reprise.
196Bien qu’il soit impossible d’affirmer avec certitude qu’un des espaces constitutifs de l’édifice de Pitsidia ait été utilisé dans le cadre d’une représentation particulière, il parait évident qu’aucune des pièces ne présentait une superficie suffisante que pour sortir du cadre intime/personnel ou social. Seule la salle principale aurait pu offrir plus d’espace et par conséquent accueillir des manifestations de plus grande ampleur (sans pour autant qu’elles dépassent le cadre public de portée restreinte)752.
Rousses
197À l’Ouest du sanctuaire de Symi, dans la région moderne de Viannos, différents sites minoens furent découverts (Troubled Island : 219-220). Fouillé en 1957 par Platon, le petit édifice de Rousses (Platon 1959a, Fig. 1 ; BCH 1958 : 778-779 ; BCH 1960 : 826 et suivantes + plan ; Preziosi 1983 : 18-22, Fig. I. 11 et p. 329-331, Fig. IV. 2. A-B ; Gesell 1985 : 134, Fig. 81 ; Troubled Island : 219-220, Fig. 7. 71) fut daté du MMIII (Preziosi 1983 : 18). Il fut, selon toute vraisemblance, détruit par le feu durant le néopalatial (Troubled Island : 219). Ce bâtiment mesurait environ 11m sur 8m (91m ²) et comptait cinq cellules (Fig. 343) (Preziosi 1983 : 329). Platon insista sur le caractère rituel de l’édifice qu’il qualifia de hieron (BCH 1960 : 826)753. Gesell sembla admettre cette identification dans la mesure où elle intégra Rousses dans son catalogue de pièces à fonction cultuelle (Gesell 1985 : 31 et 134). C’est la découverte, dans la cellule 3, de deux tables à libation en pierre in situ (au centre et dans l’angle nord-ouest), d’une lampe et de jarres ainsi que d’un fragment de corne de consécration en pierre dans l’édifice (Gesell 1985 : 134 ; Troubled Island : 219), qui poussa le fouilleur à lui attribuer une fonction rituelle. Les pièces 1, 2, 3 et 4 contenaient également une petite trentaine de pithoi, une quarantaine de plus petits vases (Gesell 1985 : 134) ainsi qu’environ 400 coupelles coniques (Troubled Island : 219). Pour peu que l’interprétation rituelle d’une telle structure soit exacte, il se pourrait qu’elle ait été liée à l’établissement MRI de Tourkissa tout proche (Gesell 1985 : 134). Quoi qu’il en soit, rien ne prouve de manière incontestable que cet édifice n’ait fonctionné que comme un sanctuaire. En effet, comme l’évoque Preziosi, on retrouve dans le tracé même de Rousses, un écho de celui de Stou Kouse, caractérisé par le modèle du carré inséré dans un carré (square-within-a-square pattern) (Preziosi 1983 : 18-27)754.
198Bien que le tracé général de Rousses ait un certain nombre d’éléments en commun avec celui de l’édifice de Stou Kouse, les connexions entretenues par leurs espaces constitutifs sont bien différentes755. En conséquence de quoi, le plan justifié de Rousses n’évoque en rien celui de Stou Kouse (Fig. 344). Il se présente sous la forme de deux anneaux imbriqués (un externe et un interne) et d’une cellule de type a. Si l’on se fie au plan qu’en propose Platon (Platon 1959 : 208, Fig. 1), l’édifice disposait de deux points de pénétration, en 1 et en 2756. Ces deux premières cellules sont de type d. Elles permettent une assez grande flexibilité spatiale et perdent donc en potentiel de contrôle. La pièce 1 était véritablement le noyau des circulations internes. De son côté, la cellule 2, outre le fait qu’elle s’ouvrait sur la salle à support central (1) donnait accès à la salle aux tables à libation (3) qui communiquait à son tour avec la cellule 4 à laquelle la pièce 1 permettait d’accéder. Les cellules 3 et 4, de type c, offraient diverses possibilités de mouvements mais contraignaient ces derniers en un schéma circulatoire prédéfini. S’ouvrant uniquement depuis la salle à support central (1), la cellule 5 était un espace de type a. Tel qu’il apparaît au sein du plan justifié, l’édifice de Rousses semble avoir été une structure perméable et d’une flexibilité spatiale assez marquée. D’une certaine manière, cette constatation peut paraître singulière si l’on prend en compte l’identification rituelle qui en fut faite757. Quoi qu’il en soit, l’édifice étant doté de deux entrées, il apparaît judicieux de les envisager séparément758. Si l’on considère l’entrée s’ouvrant dans la salle à support central (1) comme l’unique entrée (Fig. 345), on accède directement aux cellules 2, 4 et 5, les deux premières s’ouvrant alors, au troisième niveau de profondeur, sur la salle aux tables à libation (3). Au contraire, si on prend en compte l’entrée en 2 (Fig. 347)759, on accède directement à la cellule 3 et à la pièce 1 qui, au troisième niveau de profondeur, s’ouvre alors sur 4 et 5. C’est donc depuis l’entrée sud que l’accès est le plus direct vers l’espace 3 bien que les cellules 4 et 5 sont alors reléguées plus profondément dans le graphe. Lorsque l’extérieur n’est pas pris en compte, même si les différentes cellules gardent un rapport relativement constant, l’édifice gagne en ségrégation (Fig. 349). Il convient toutefois de préciser que c’est la cellule 2 qui est le plus manifestement affectée en termes d’intégration lorsque l’extérieur n’est pas pris en compte760. La salle à support central (1) est la cellule la mieux intégrée au système, vient ensuite la cellule 2, puis la cellule 4, la salle aux tables à libation (3) et finalement, la cellule dont la ségrégation est la plus forte, la pièce 5. D’un point de vue purement syntaxique, en tant que noyau principal des circulations internes, la cellule 1 n’est pas sans rappeler d’autres salles à support central (et foyer) comme, par exemple, la pièce 17 de la North House à Kommos (topologie identique) ou la pièce 3 de la maison d’Agia Varvara (topologie différente). En ce qui concerne la valeur de contrôle, les cellules 1 et 2 sortent du lot (Fig. 350).
199En ce qui concerne l’intégration visuelle (Fig. 351a), on retrouve la prééminence des cellules 1 et 2 et tout particulièrement, de leur portion ouest. C’est à nouveau la cellule 5 qui semble dans l’état de ségrégation le plus manifeste. Les étapes de profondeur visuelle permettent d’apprécier le fait qu’il était sans doute assez aisé d’embrasser du regard les grandes pièces orientales alors que les petites pièces à l’Ouest étaient plus recluses visuellement bien qu’il ait apparemment été possible d’en apercevoir une partie depuis les entrées (Fig. 351b)761. Même si le potentiel de contrôle visuel semble assez élevé sur toute la surface des cellules 1 et 2, il est davantage marqué à leur jonction, à la connexion entre 1 et 4 et surtout au niveau de l’ouverture entre la pièce 2 et la salle aux tables à libation (3) (Fig. 351c). De manière générale, la contrôlabilité est particulièrement élevée dans les mêmes zones, si ce n’est que la salle à support central (1) semble l’emporter sur la cellule 2 (Fig. 251d).
200Il est évident qu’on pouvait certainement pénétrer au sein de l’édifice de Rousses de deux manières différentes : soit par l’entrée sud (en 2), soit par l’entrée nord (en 1). Avant d’aborder ces deux options, il peut être intéressant de s’attarder quelque peu sur les caractéristiques des différents espaces constitutifs du bâtiment. La cellule 1 a, sans conteste, bon nombre de caractéristiques d’une salle à support central bien typique762. En effet, elle en a la forme traditionnelle, est l’articulation majeure des circulations internes et possède deux espaces annexes qui lui sont clairement subordonnés (cellules 4 et 5)763. On postule généralement qu’un espace de ce type forme la partie la plus vivante d’un édifice et accueille diverses activités domestiques tout en faisant office de point de contact privilégié entre le monde extérieur et la sphère domestique. La cellule 2, dont la forme longitudinale fait écho à l’axe arrière avant en direction du sanctuaire aux tables de libation (3), en aurait formé l’antichambre, si l’on en croit Gesell (Gesell 1985 : 134). Néanmoins, là où cette dernière proposa de faire des cellules 1, 4 et 5 les annexes du sanctuaire (Gesell 1985 : 134), l’on peut se demander s’il ne s’agissait tout simplement pas d’une aile de nature plus domestique764. Dans cette optique, l’édifice de Rousses pourrait être envisagé sous un jour légèrement différent. En effet, en pénétrant par la porte nord, on aurait eu accès à la zone domestique ou de service (plus profane, privée ?), caractérisée par une salle à support central dotée d’une annexe à vocation d’occupation pure (cellule 5) et d’une annexe permettant d’accéder au sanctuaire (3) sans passer par l’antichambre (2)765. En empruntant la porte sud, on aurait pénétré dans la zone plus rituelle de l’édifice en étant directement confronté, via la forme longitudinale de l’antichambre (2), à une tension dynamique en direction de la salle aux tables à libation (3). Évidemment, il est possible que ce sanctuaire n’ait eu qu’un profil domestique. Néanmoins, le caractère direct de son approche depuis l’extérieur (alors que les « attention focusing devices » semblent plus souvent faire l’objet d’une approche marquée d’un tracé en chicane en architecture minoenne) pourrait plaider en faveur d’une utilisation plus publique766.
201En ce qui concerne l’architecture en tant que domaine actif, deux espaces nous semblent particulièrement adaptés à l’application des sphères de communication : la salle à support central (1) et, évidemment, le sanctuaire aux tables à libation (3) (Fig. 352). Quant on envisage la salle à support central (1)767, il paraît évident que les sphères de communication ne sont pas sans rappeler celles de la pièce 17 de la North House ou de la pièce 3 de la maison M de Vasiliki768. Autrement dit, la cellule 1 de Rousses semble former, en majeure partie, le contexte idéal pour qu’une communication de nature sociale ait lieu (gris foncé) alors qu’à proximité du support central ou dans les cellules 4 et 5, la sphère intime/personnelle a probablement été privilégiée (gris anthracite). En ce qui concerne le sanctuaire (3), les sphères de communication furent tracées à partir de l’emplacement central d’une des tables à libation769. Il apparaît donc, qu’outre les zones intime/personnelle (circonscrite en 3 - gris anthracite) et sociale (partie orientale de 2 - gris foncé), la majeure partie de la superficie de l’antichambre (2), pour peu qu’elle puisse avoir servi à accueillir des observateurs770, rendait certainement nécessaire des modalités de communication propre à la sphère publique de portée restreinte (gris de tonalité moyenne)771.
2. 4. La Crète de l’Est
Gournia
202C’est dans le golfe de Mirabello, au Nord de l’isthme de Ierapetra et à l’Ouest de la ville moderne de Pachyammos, que s’implanta la cité minoenne de Gournia (Fig. 353) (Graham 1962 : 47 ; Cadogan 1976 : 129 ; Preziosi 1983 : 78 ; Aerial Atlas : 104). Cette dernière fut avant tout fouillée, au début du XXème siècle, par Harriet Boyd Hawes lors de trois saisons (1901, 1903 et 1904) (TUAS 4, 1979 : 2-6 ; Soles 1979 : 149 ; Watrous et BLITZER 1999 : 905). Les résultats de ses travaux furent publiés en 1908 sous le titre Gournia, Vasiliki and Other Prehistoric Sites on the Isthmus of Hierapetra (Soles 1979 : 149 ; Watrous et Blitzer 1999 : 905). En 1910, Seager prolongea quelque peu les fouilles, à nouveau pour le compte de l’American Exploration Society (Aerial Atlas : 104). En 1971 et 1972, le Service Archéologique Grec procéda à des fouilles d’ampleur restreintes ainsi qu’à des travaux de nettoyage et de consolidation du site Soles (1979 : 149). Finalement, en 1992, une étude régionale fut menée à bien dans les alentours de Gournia (Watrous et Blitzer 1999). C’est au début du MAII, qu’aurait commencé la première occupation substantielle du site (Soles 1979 : 150 ; Aerial Atlas : 104 ; Fotou 1993 : 26-28 et Damiani-Indelicato 1984 : 48)772. Il n’est pas étonnant que la crête de Gournia ait été choisie. En effet, cet emplacement, outre sa proximité avec la mer et les possibilités d’ancrage qu’on y trouvait (Watrous et Blitzer 1999 : 905-906), offrait une position tout à fait stratégique tant en ce qui concerne la route entre les côtes nord et sud qu’en regard de la voie de communication importante sur l’axe est-ouest (Soles 1979 : 150 ; Damiani-Indelicato 1984 : 47). De plus, le site était doté de nombreuses ressources naturelles (eau fraîche, terres arables et gisements de cuivre) (Soles 1979 : 150). Topographiquement, la crête se prêtait parfaitement à l’établissement d’un habitat773, mais ce n’est qu’au Minoen Moyen qu’apparurent les premières traces d’architecture (Soles 1979 : 151 ; Aerial Atlas : 104)774. L’établissement ancien (Early Gournia) était probablement établi de manière similaire à la ville du Minoen Récent et occupait très certainement l’ensemble de l’Acropole (Soles 1979 : 151)775. Le système de rues et de blocs d’habitation existant déjà sans doute en partie (Soles 1979 : 155-156 ; Aerial Atlas : 104)776. On retrouva également des traces d’enterrement dans des pithoi à Sphoungaras ainsi que des tombes à maison (house-tombs) dans le cimetière du contrefort nord (North Spur Cemetery) (Soles 1979 : 156-163 ; Aerial Atlas : 104)777. De manière générale, au Minoen Récent, la ville se présentait sous la forme de blocs d’habitation délimités par des rues et s’étendait essentiellement au Nord et à l’Est du palais (Aerial Atlas : 106, Fig. 13. 1)778 sur environ 25000m2 (et peut-être plus si l’établissement s’étendait en direction de la côte comme on le suggéra souvent - Watrous et Blitzer 1999 : 906 ; Damiani-Indelicato 1984 : 47) :
The remains revealed the presence of a score of contiguous but separate houses built to approximately the same NS-EW orientation, all fronting on the paved and partially stepped streets traversing the hillsides. […] Open spaces at the interior of several blocks suggest the incorporation of private garden plots accessible from the rear of the houses, and in some cases opening onto small alleyways which joined the main street grid (Preziosi 1983 : 78).
203D’un point de vue chronologique, la ville semble avoir été victime de destructions par le feu dans le courant du MRIB consécutivement auxquelles elle fut progressivement abandonnée (Damiani-Indelicato 1984 : 51 ; Troubled Island : 215 ; Aerial Atlas : 105). Néanmoins, le palais fut probablement affecté par un tremblement de terre dans le courant du MRIA avancé (Soles 1991 : 31 ; Troubled Island : 213) et subit des travaux de reconstructions et divers remaniements : « [The] aim was clearly to make the building more palatial in appearance, to accomodate its religious and political functions on a more monumental scale, and to provide for the town’s defensive needs. » (Soles 1991 : 31)779. Certaines des maisons révélèrent également de nettes traces de modifications diverses précédant la fin de leur existence au MRIB (Troubled Island : 214-215)780. En ce qui concerne les phases plus tardives, on peut noter une réoccupation aux MRIIIA2-B de certaines maisons, l’utilisation d’un petit sanctuaire et des traces d’enterrement à larnax aussi bien dans la ville que sur le versant opposé à l’Ouest (Cadogan 1976 : 129 ; Preziosi 1983 : 176 ; Gesell 1985 : 72 ; Aerial Atlas : 105).
204L’édifice le plus important du site est sans conteste ledit palais, ou édifice G (Fig. 354, 355 et 356) (Gournia ; Graham 1962 : 47-49, Fig. 8 et 63 ; Preziosi 1983 : 78-83 et 473-475, Fig. II. 26-27, IV. 31. A-B ; Soles 1991, Fig. 1, 29, 58 et 67 ; Troubled Island : 211-216, Fig. 7. 65 ; Soles 2002, pl. XXXIV). Dans la publication principale le concernant, Soles attira l’attention sur le fait qu’aux yeux de bon nombre de chercheurs, l’édifice G de Gournia n’était certainement pas un palais au sens où on l’entendait (c'est-à-dire une réalité semblable à celle de Knossos, Malia, Phaistos, Zakros, Galatas ou Petras) (Soles 1991 : 17-19, n. 3)781. Il s’attela donc à l’aborder dans le détail afin de prouver qu’il correspondait parfaitement aux fonctions généralement associées à un palais minoen (Soles 1991 : 70-73)782. L’étude qui en est effectuée ici est basée sur la reconstitution qu’en proposa Soles (Soles 1991, Fig. 29, 58 et 67). Tout hypothétique qu’elle soit, elle n’en demeure pas moins soigneusement documentée et argumentée783. Avant d’y appliquer les méthodes d’analyse classiques, il convient d’évoquer certains éléments propres à l’architecture du palais. Au contraire des autres palais minoens, l’édifice G est étroitement inséré dans la structure urbaine dont il se démarque relativement peu, si ce n’est au Sud, par l’entremise de la cour (Preziosi 1983 : 79). En plan, il est particulier dans la mesure où sa cour principale s’implante au Sud du bâti dont seule une petite partie se déploie au Nord-ouest de cette dernière (Soles 1991 : 19)784. En élévation, le bâtiment s’élevait sur trois terrasses : son rez-de-chaussée, au niveau de la cour, occupait une première terrasse. Sur la terrasse inférieure, à l’Ouest, on retrouve les sous-sols alors qu’une troisième terrasse, à l’Est, accueillait le premier étage785. Tel qu’il se présente aujourd’hui, le palais de Gournia, ou plutôt ses ruines, évoquent la deuxième phase de son existence. En effet, comme susmentionné, il fut fortement remodelé786, probablement au MRIB787. Mesurant environ 50m sur 37 (Soles 1991 : 29, Fig. 15 ; Aerial Atlas : 104) (1514m ²), l’édifice G, tel que reconstitué par Soles, contient plus ou moins 90 cellules. Sans entrer dans les nombreux détails que fournit Soles, un certain nombre d’éléments peuvent être mis en évidence en ce qui concerne le caractère fonctionnel présumé de certaines parties de l’édifice. Ainsi, qu’il s’agisse des pithoi qu’on y découvrit ou de leur forme caractéristique (espaces longs et étroits), certaines cellules furent très probablement destinées au stockage (4-7, 23 et 24a-c). En étroite relation avec ces dernières, la cellule 25 est particulièrement intéressante. En effet, étant un point de passage obligé, elle pourrait avoir fonctionné comme pôle de contrôle afin de superviser les mouvements des biens et denrées vers et depuis le palais (Soles 2002 : 124)788. D’autres pièces (8, 9, 11 et 12), uniquement accessibles depuis l’étage via une trappe, étaient peut-être utilisées afin de stocker des objets de valeur (Soles 1991 : 40-41 et 70). Les pièces 1-3, 27 et 27a pourraient avoir fonctionné comme des ateliers. En effet, on y découvrit six lampes de pierre et leurs modèles en terre cuite (en 2), une hache de bronze et une scie (en 1) ainsi qu’une plateforme en brique crue (en 3) (Soles 1991 : 38-40 et 70-71). Uniquement accessible depuis l’extérieur (Soles 1991 : 29), les cellules 30 et 34 semblent particulièrement appropriées à accueillir une activité agricole, à ce titre, l’ustensile en pierre situé en 30 pourrait avoir servi de presse à olive (Soles 1991 : 66-67 et 71, n. 103 ; Soles 2002 : 124). Implanté au cœur de l’édifice, la cellule 21, qualifiée de Central Hall, posa un certain nombre de questions, notamment en ce qui concerne sa couverture (Soles 1991 : 56-57). Dans la restitution proposée par Soles (Soles 1991, Fig. 58 et 67), il s’agit d’un espace ouvert formant en compagnie de la cellule 20, dont il est séparé par des baies à portes multiples, une zone de réception importante (Soles 1991 : 57)789. En effet, les espaces 20 et 21 mettent en relation l’extérieur de l’édifice et la cour publique (via l’entrée 19) avec le Piano Nobile (restitué à la verticale des sous-sols - espaces A, B et C) (Soles 1991 : 57-60), la zone dite résidentielle au Nord et l’étage par le biais de l’escalier 22. Ces deux derniers secteurs méritent également quelques commentaires. La zone situé au Nord de la cellule 25 est fortement ruinée, néanmoins, suivant l’idée de Hawes et, partiellement, une restitution proposée par Faure (Faure 1973 : 264 ; Soles 1991 : 62, n. 76), Soles y postula l’existence d’une zone résidentielle. Divers éléments tels qu’une analogie avec les palais de Malia et Phaistos ainsi que la présence d’un bain lustral (28) (Gesell 1985 : 71) l’y encouragèrent (Soles 1991 : 62)790. La cellule 29, doté d’un bassin de pierre semi circulaire muni d’un drain dans l’angle nord-est (Soles 1991 : 63-64, Fig. 64), fut interprétée comme une cuisine (Soles 1991 : 64) ayant également pu accueillir certaines activités industrielles, comme la production de textile (Soles 1991 : 71). Cette présumée cuisine fut l’un des éléments qui poussa Graham à proposer l’existence d’une salle de banquet à la verticale des magasins 24 (Graham 1967 : 22-25), en l sur le plan de Soles. La multiplicité des accès permettant de rejoindre cette pièce présumée (via les escaliers en 20bis par le portique j, en 22 et en 26) (Soles 1991 : 64) n’est pas sans rappeler la situation mise en évidence au palais de Malia (Graham 1961 ; Graham 1962 : 125-127 ; Graham 1971, Fig. 8)791. Hormis la salle du banquet, il est probable que l’étage ait également accueilli un portique en j ainsi que des balcons en a, d et e ouvrant sur la cour publique (Soles 1991 : 64-65). En ce qui concerne la zone est du premier étage, l’état des ruines ne permet guère d’en avoir une idée précise792. Soles identifia également un certain nombre de zones auxquelles il accorda une fonction rituelle sur base de leur architecture et de quelques trouvailles793. Ainsi, il proposa de voir une variété de sanctuaire tripartite dans le portique ouest (Soles 1991 : 42-44)794. Le portique nord fut également interprété comme une zone rituelle (Soles 1991 : 45-48 et 71). En effet, on y retrouva une corne de consécration (Soles 1991 : 47, Fig. 46) ainsi qu’une large dalle que Graham interprétait comme autel sacrificiel (Graham 1967 : 20)795. La cellule 18, qui contenait une table à cupules (kernos) (Soles 1991 : 50, Fig. 47), aurait aussi eu une fonction liée au culte (Soles 1991 : 48-49 et 71)796. Pour en finir avec les pôles rituels de l’édifice G, Soles attira l’attention sur la zone située à l’Est de la cellule 13, à l’endroit où les deux longs corridors ouest débouchent sur une petite placette (Soles 1991 : 34, Fig. 24). À cet endroit, on retrouva un bétyle (Soles 1991 : 37, n. 29, Fig. 25 et 26) et lui étant étroitement associés, un kernos (appuyé contre le mur extérieur ouest de la cellule 13) et une marque de maçon en forme de double hache (incisée sur le mur extérieur sud de la cellule 13) (Soles 1991 : 37 et 72). L’existence d’un drain traversant le mur ouest de la pièce 15 en direction de la placette (Soles 1991 : 50-52 et 72, Fig. 27 et 28) ainsi que la découverte d’une jarre décorée de doubles haches et de nœuds sacrés (Soles 1991 : 54 et 72) renforcèrent l’impression que cette zone avait eu une importance cultuelle majeure. De manière générale, Soles estima que l’ensemble de l’aile sud-ouest, implantée entre les deux portiques, la cellule 18 et la placette au bétyle, devait avoir assuré diverses fonctions en rapport avec ces sanctuaires797.
205Avant d’aborder l’analyse de la syntaxe spatiale du palais de Gournia, il convient d’apporter quelques précisions en ce qui concerne les entrées de l’édifice. Soles en reconnaît trois différentes (Soles 1991 : 21 ; Preziosi 1983 : 79). Au niveau des sous-sols, une entrée s’ouvrait depuis la Cour Ouest (Soles 1991 : 35-36, Fig. 23) alors que l’entrée principale consistait en un corridor en ‘L’ (19) s’ouvrant depuis le portique nord (Soles 1991 : 55-56, Fig. 50). La dernière entrée aurait été située au premier étage au Nord-est de la cellule 33 (Soles 1991 : 67-68, Fig. 72). Outre ces dernières, certaines cellules étaient également directement accessibles depuis l’extérieur bien qu’elles n’étaient pas spatialement connectées au reste de l’édifice : c’est le cas du portique ouest798 et des quelques cellules à proximité de 30 et 34 (Soles 1991 : 29 et 66-67). Avant d’en finir avec les points de pénétration dans le bâtiment, il peut être intéressant d’attirer l’attention sur deux entrées hypothétiques contre lesquelles Soles se prononça. La première fut évoquée par Driessen et se serait située au niveau de la tour 35 (Driessen 1997 ; Troubled Island : 46, Fig. 4. 8)799. Soles qui en restituait l’entrée au niveau du toit ou d’une pièce au dessus de la cellule 31 (Soles 1991 : 69-70) précisa à nouveau récemment que le mur nord en était ininterrompu800. La deuxième hypothèse fut évoquée par Preziosi. Elle concernait les deux espaces allongés situés à l’Ouest de la façade ouest : lesdits Paved Corridor et Terrace (ou Loggia) (Soles 1991 : 18, Fig. 1). Ces deux espaces mettaient en relation spatiale la Cour Ouest avec la courette au bétyle et par extension avec la cour publique (Soles 1991 : 36-37, Fig. 11 et 21). Preziosi émit l’hypothèse que ces deux corridors pouvaient avoir formé les fondations d’un escalier en ‘U’ donnant accès à un palier s’ouvrant à l’Est au premier étage du palais (Preziosi 1983 : 80-81)801. Cette hypothèse ne fut pas retenue par Soles. Preziosi lui-même proposa une alternative à cette idée : « Another plausible explanation may be given, namely, that the ‘terrace’ was in fact a porter’s chamber, with a double entrance so as to control access from the ends of the public streets beyond. » (Preziosi 1983 : 81)802. Étant donné que Soles ne se pencha pas réellement sur la raison d’être du second corridor (Terrace)803, l’hypothèse susmentionnée nous semble combler cette lacune. Doté de nombreux anneaux, le plan justifié de l’édifice G dispose d’une distributivité localement assez prononcée (Fig. 357). Néanmoins cette dernière est tempérée par l’existence d’une forte proportion d’espaces à vocation d’occupation (type a - 38 %) localement desservi par des espaces de type b (20 %). De manière générale, un des éléments frappant du graphe découle de l’existence de secteurs. Matérialisés physiquement dans l’architecture, ces derniers adoptent également la forme d’agencements cellulaires bien définis. Ainsi, quelque soit la pièce dont on essaye de connaître les valeurs chiffrées et, par extension, quelque soit le graphe que l’on réalise pour les déterminer, certains ensembles d’espaces se présentent invariablement de la même façon804.
206C’est ainsi que l’on peut isoler, au sous-sol, la zone des ateliers (27, 27a, 1, 2, 3 et les cellules y étant étroitement liées) ainsi que les zones de stockage 5-6-7 et 8-9-10-11805. Dans ces trois cas, on retrouve un espace de transition806 donnant soit directement accès à toutes les cellules soit à des agencements récurrents de cellules. Au rez-de-chaussée, on retrouve ce phénomène dans ladite ‘zone résidentielle’ (28, 29, D, II-VII), au niveau des cellules accessibles depuis la salle au kernos (18) et dans une certaine mesure, avec les cellules 24, 24a-c et 23. On pénètre dans le premier ensemble par le biais de la cellule II. Cette dernière, de type b, dispose d’un potentiel de contrôle assez marqué. Elle ouvre sur le bain lustral (28) ainsi que sur la présumée cuisine (29). À l’Ouest elle donne accès à un anneau interne formé de 5 cellules. Le deuxième secteur du rez-de-chaussée adopte un profil non distribué et fort symétrique. Depuis la cellule 18, deux espaces de transition, de type b, desservent des espaces de type a, seul l’espace 15 (type b) vient dédoubler l’espace de transition et mener à 16. Bien qu’il soit accessible à travers des circuits de mouvements divers et assez flexibles, l’espace de transition (24) dessert de manière uniforme les espaces de stockage de type a qui lui sont liés. Au premier étage, pourvu de 4 accès indépendants et donc d’une distributivité plus forte, il est moins aisé d’isoler un tel ensemble. Néanmoins, la succession de cellules i-f-b-c-a-17 pourrait s’en rapprocher. Dans ce cas, une succession de trois espaces de type b donne accès à trois cellules de type a. Le propre de tels agencements cellulaires est que les circulations qu’ils accueillent sont systématiques dans le sens où elles ne peuvent se dérouler que d’une manière bien précise. Seuls les espaces D-IV-V-VI-VII (type c) offrent une certaine flexibilité spatiale tout en circonscrivant les circulations en deux séquences (IV-D-VII-VI-V et IV-V-VI-VII-D). Le reste de l’édifice mérite de plus amples commentaires dans la mesure où les mouvements n’y sont pas contraints de la même manière. Majoritairement occupé par les agencements systématiques susmentionnés, le sous-sol ne nécessite guère d’explications plus fouillées. Il suffit de garder à l’esprit que l’espace de transition qui commande l’accès aux ateliers permet également de rejoindre la cellule 25 par le biais d’un escalier. Outre les zones cul-de-sac susmentionnées, le plan justifié s’ouvre sur trois espaces, un de type d et deux de type c. Au sous-sol, comme évoqué, l’espace de transition permet de rejoindre la cellule 25 depuis la Cour Ouest. Au premier étage, on retrouve une succession d’espaces de type c (une alcôve menant à la cellule 33 d’où s’élève un escalier). De type d, le portique nord permet de rejoindre la zone cultuelle à l’Ouest, l’étage de manière directe par le biais de la cellule 20bis et de l’escalier y étant associé (Soles 1991 : 54-55) et surtout, le cœur du rez-de-chaussée par le corridor coudé 19. Formé des trois grandes salles restituées par Soles et formant le Piano Nobile (A, B et C) (Soles 1991 : 57-60), du Central Hall (21) de la salle qui le prolonge à l’Ouest (20) et du portique qui les met en relation et finalement de la cellule 25, le reste du rez-de-chaussée est formé d’un système d’anneaux assez élaboré807 se prolongeant à l’étage par le biais des escaliers 22, 26 et 20bis. Comme l’évoquait déjà Soles, la cellule 25 était un point de transit majeur depuis et vers les différentes parties du palais (Soles 1991 : 60 et 70 ; Soles 2002 : 124). En effet, de type d, cette pièce voit transiter en son sein la majeure partie des anneaux du graphe. Il est également évident que, par le biais de cette dernière et du Central Hall (21), l’étage était mis en relation étroite avec le rez-de-chaussée, en particulier en ce qui concerne les cellules j, l et m. Comme nous l’avons évoqué, cet état de fait poussa Graham, et Soles à sa suite, à interpréter la cellule l comme une salle de banquet, un peu à la manière des cellules se trouvant à la verticale des pièces bordant le côté nord de la Cour Centrale à Malia et Phaistos (Graham 1967 : 22-25 ; Soles 1991 : 64-65 ; Soles 2002 : 124)808. Les différentes options d’accès vers et depuis l’étage que nous avons évoquées en relation avec le fonctionnement de cette salle de banquet, bien qu’elles semblent avoir formé un complexe distribué relativement flexible n’en était pas pour autant dépourvues de contrôle. En effet, Soles mentionna l’existence de portes à différents points clés de l’édifice. Ces dernières permettaient très certainement de restreindre certains mouvements et d’aiguiller les circulations au sein de l’édifice. C’est ainsi que l’espace de transition (24) était doté de portes au Nord, à l’Est (vers 23) et à l’Ouest (vers 25) (Soles 1991 : 60) et que l’était également, au pied des marches, l’escalier s’ouvrant depuis le Central Hall (21) (Soles 1991 : 64, n. 82). Étant doté de plusieurs entrées, le bâtiment G peut être envisagé selon chacune d’entre elles. Depuis l’entrée de la Cour Ouest, le graphe (Fig. 358) compte onze niveaux de profondeur. La zone des ateliers est directement accessible et seule la cellule 25 (troisième niveau de profondeur) permet d’accéder au reste du graphe. Étant étroitement liés à cette dernière809, la ‘zone résidentielle’, les espaces de stockage 23-24a-c et la zone de la salle de banquet (l) demeuraient relativement accessibles (entre le quatrième et sixième niveau de profondeur). À l’opposé, la zone cultuelle (liée à 18), le reste du premier étage ainsi que les zones de stockage desservies par les espaces 20 et B étaient fortement éloignées de l’entrée du sous-sol. Depuis l’entrée principale, au niveau du portique nord, le graphe compte également onze niveaux de profondeur (Fig. 359). À l’inverse de l’entrée précédente, on constate que la zone cultuelle et les zones de stockage liées à 20 et B sont très accessibles (entre le deuxième et le sixième niveau de profondeur). La zone de stockage 23-24a-c se trouve à un niveau de profondeur similaire alors que la salle de banquet (l) perd un niveau de profondeur. De manière générale, l’étage semble plus proche et accessible alors que la ‘zone résidentielle’ et les ateliers s’implantent plus profondément dans le graphe (entre le sixième et le dixième niveau de profondeur). Depuis l’entrée du premier étage, le graphe a quinze niveaux de profondeur (Fig. 360). Bien qu’une majeure partie de l’étage perde en profondeur depuis cette entrée, le reste du graphe suit un mouvement inverse. La salle de banquet (l) est l’espace notable le moins profondément ancré (septième niveau de profondeur), viennent ensuite la zone dite ‘résidentielle’, les ateliers et les magasins 23-24a-c (entre les neuvième et treizième niveaux) puis viennent les zones de stockage liées à 20 et B ainsi que la zone cultuelle liée à 18 (entre les onzième et quinzième niveaux). De manière générale, il peut également être intéressant de noter que le secteur du premier étage formé par les cellules i-f-b-c-a-17 demeure assez profondément ancré quelle que soit l’entrée empruntée810. Le fait que l’entrée que Soles qualifie de principale (et de publique dans la mesure où elle est étroitement liée à la cour sud) mène assez facilement aux zones auxquelles il attribue une fonction rituelle pourrait être, dans une certaine mesure, indicatif de la raison principale pour laquelle des visiteurs pénétraient au sein de l’édifice G. On peut également remarquer que depuis les entrées du sous-sol et du rez-de-chaussée, le Central Hall (21) se trouve à un niveau de profondeur assez similaire (respectivement cinquième et quatrième). Le fait qu’il pourrait peut-être avoir fonctionné comme pôle de rencontre entre différents types d’utilisateurs n’est certainement pas étranger à ce fait. En ce qui concerne les valeurs quantitatives, seules les espaces les plus significatifs furent examinés (Fig. 361). De manière générale, les valeurs quantitatives évoluent à peine selon que l’extérieur soit pris en compte ou non dans les calculs. Parmi les espaces sélectionnés, on remarque que l’espace 25 semble être le mieux intégré au système, suivi du Central Hall (21) talonné par la salle de banquet (l). Alors que ledit ‘quartier résidentiel’, représenté ici par la cellule IV et le bain lustral (28), présente, au même titre que les magasins liés à 24, une intégration moyenne, une ségrégation plus manifeste semble liée aux ateliers et aux magasins du sous-sol. Il apparaît également évident que certaines cellules étaient dans une situation de ségrégation encore plus prononcée. C’était certainement le cas des espaces a, b, c, et 17 dont le caractère particulier a déjà été souligné. Les cellules présentant les valeurs de contrôle les plus importantes sont, dans l’ordre décroissant, le couloir (24), la cellule b et le couloir des magasins (5-7), la cellule B, la cellule m et finalement l’entrée des sous-sols et la cellule 11 (Fig. 362).
207Réalisés indépendamment pour chaque étage811, les plans Depthmap permettent d’étoffer quelque peu l’analyse de la syntaxe spatiale. De plus, le logiciel n’est pas parvenu à calculer l’intégration visuelle du sous-sol et du rez-de-chaussée avec la grille sélectionnée pour étudier les autres paramètres812. Ceci explique le fait que la résolution est moindre en ce qui concerne cette variable. En ce qui concerne le sous-sol, au niveau des ateliers, la ligne de circulation desservant les différentes pièces dispose de l’intégration la plus forte (Fig. 363a). En ce qui concerne les magasins liés à B et 20, c’est respectivement le cas de la pièce 11 et du couloir d’accès. Les étapes de profondeur visuelle (Fig. 363b) permettent d’appréhender la perméabilité de la cellule 27, la réclusion plus prononcée des cellules 2 et 3bis et la disposition bien particulière des longs magasins 5, 6 et 7. En ce qui concerne le contrôle visuel (Fig. 363c), on remarque une nouvelle fois le potentiel élevé des points de décision et particulièrement de la zone de l’entrée. À l’inverse, la contrôlabilité (Fig. 363d) semble assez prononcée en 27, en 5-7 ainsi qu’en 11813. Au rez-de-chaussée, l’intégration visuelle des grands espaces largement ouverts l’un sur l’autre (A-B-C-I-25-20-21) est plus que manifeste (Fig. 364a)814. Au contraire, la zone dite ‘résidentielle’ et tout particulièrement les espaces liés à 18 présentent une ségrégation plus marquée. Calculées depuis le portique nord et les différents escaliers pouvant y mener, les étapes de profondeur visuelle du rez-de-chaussée mettent clairement en évidence le statut de certaines pièces (Fig. 364b). La gradation de perception ainsi élaborée permet d’isoler trois grandes zones au sein desquelles la ‘zone résidentielle’ et les espaces associés à 18 sont les moins aisément visibles depuis les points de pénétration sélectionnés. Outre l’importance locale des points de décision, on constate que le potentiel de contrôle visuel le plus élevé est lié au Central Hall (21) et au portique qui lui est associé et aux cellules B et II (Fig. 364c). De manière générale, il est également important de constater que la plupart des espaces constitutifs du rez-de-chaussée disposent d’un potentiel assez marqué. À l’inverse, la contrôlabilité est assez peu marquée (Fig. 364d), à l’exception de la cellule 20bis, d’une partie du bain lustral (28) et de diverses zones du secteur cultuel lié à la salle au kernos (18). En ce qui concerne le premier étage, l’intégration visuelle de la salle de banquet (l), du portique (j) et de la cellule i est très claire (Fig. 365a). Les étapes de profondeur visuelle permettent d’isoler le caractère particulièrement reclus de certaines zones (p-q, 31bis, kbis, c, les différents balcons ainsi qu’une majeure partie de l’espace b) (Fig. 365b). Le contrôle visuel est assez prononcé au niveau de la salle de banquet (l) ainsi qu’à la jonction entre les espaces m et n (Fig. 365c). La contrôlabilité visuelle rappelle également celle du rez-de-chaussée par son caractère très restreint (Fig. 365d). Néanmoins, la cellule b apparaît de manière plus qu’évidente comme une zone aisément contrôlable visuellement ce qui souligne une nouvelle fois le caractère particulier de ce secteur du premier étage815.
208Avant d’étudier la manière dont les espaces internes peuvent avoir eu une incidence sur les circulations au sein de l’édifice G, il peut être intéressant d’en aborder les approches extérieures. C’est à l’Ouest de l’édifice que se situe la première approche, au niveau du sous-sol. De ce côté, la route qui encercle le sommet de l’Acropole s’élargit en une petite cour (ladite Cour Ouest) (Preziosi 1983 : 80 ; Soles 1991 : 35). Au-delà de cette dernière, vers le Sud, la route continue et se prolonge par le biais de deux longs espaces parallèles, le Paved Corridor et la Terrace, en direction de la cour publique (Preziosi 1983 : 80-81 ; Soles 1991 : 35-37). En ce qui concerne la disposition de ces espaces, quelques remarques peuvent être formulées. L’élargissement de la route, qui créait une certaine dilatation spatiale, aurait pu contribuer à favoriser un arrêt dans la progression le long de l’axe de circulation, au niveau où se situait une des entrées de l’édifice et, ainsi, mettre l’accent sur cette dernière816. Au contraire, au-delà de la Cour Ouest, le double dispositif de corridors817 accentue à nouveau l’attraction dynamique en direction du Sud et plus particulièrement de la placette au bétyle qui semble véritablement être le point focal818. Au-delà, contournant l’aile sud-est, l’accès à la cour publique est relativement tortueux et voit son axe de progression se briser à deux reprises. Depuis cette cour, la tension naturelle se trouve sur l’axe longitudinal nord-sud, c'est-à-dire dans l’axe de l’entrée principale, via le portique nord. Néanmoins, le caractère même de la cour, en rupture totale avec les rues étroites et relativement sinueuses de la cité, invitait certainement davantage au statisme qu’elle n’induisait une tension dynamique. Pour terminer, l’entrée sud-est, telle qu’elle se présente durant la deuxième phase du palais, résulte d’une profonde modification des circulations urbaines via l’adjonction de nouvelles cellules contre la façade est du bâtiment (Soles 1991 : 29-30 et 66-70 ; Soles 2002 : 124-125). En effet, la cellule 31 fut établie sur le pavement de la route encerclant l’Acropole et interrompit, en compagnie de la tour 35, la circulation dans cette direction :
With the erection of the north-east corner of the building, the traffic was diverted to the east along a narrow rock ledge that led along the eastern facade of the building, meeting the East Ascent C and continuing toward the Public Court. Subsequently, a large tower was added onto the northeast corner of the building […] ; access to this ledge was blocked and the East Ridge Road became a dead-end (Soles 1991 : 29-30).
209Il apparaît donc relativement évident que l’accès à l’étage par le biais de l’escalier s’élevant depuis l’alcôve et l’espace 33 n’était guère aisé et qu’il s’agissait probablement d’une entrée secondaire. En ce qui concerne la progression au sein même de l’édifice, il convient d’évoquer un certain nombre d’éléments. Depuis l’entrée Ouest, il paraît évident que la proximité spatiale de l’entrée et de l’escalier menant à l’étage mettait l’accent sur la progression dans cette direction, et ce même si les deux espaces ne sont pas parfaitement alignés. De manière générale, les pièces du sous-sol s’articulent en secteurs et hormis les ateliers sont assujetties à des espaces du rez-de-chaussée. Depuis le portique nord, trois options existent. La première est de se diriger vers l’Ouest en direction de la salle au kernos (18). Bien que permettant de rejoindre le reste de l’édifice par le biais de I, cette cellule n’introduit aucun dynamisme particulier. Néanmoins, elle s’ouvre sur des espaces de transition coudés desservant de tortueux agencements cellulaires. Dans ce secteur, tout porte à croire que les espaces furent disposés afin d’atténuer le plus possible toute attraction dynamique819. La deuxième mène à l’étage par le biais de l’espace 20bis. À ce niveau, la progression adopte un profil coudé et il n’est pas impossible que la pièce 20bis ait servi d’exèdre et qu’une banquette située contre son mur nord ait pu être mise à profit afin de disposer d’un point de contrôle des circulations vers l’étage (Soles 1991 : 55). La troisième et dernière option est l’entrée principale de l’édifice par le biais du corridor 19 (Soles 1991 : 55-56). Outre le fait qu’il soit coudé et n’induise donc pas de réel dynamisme, sa partie ouest, au-delà de son ouverture sur le portique, pourrait avoir servi à poster un surveillant afin de garantir un certain contrôle des mouvements en direction du cœur du bâtiment. Comme nous l’avons précédemment évoqué, les grands espaces constitutifs de la majeure partie du rez-de-chaussée tel qu’il fut restitué par Soles entretenaient une relation spatiale très étroite820 et bien que relativement individualisés, pourraient avoir été perçus comme un seul et même secteur. L’impact principal d’une telle réalité est qu’elle n’aurait induit aucun dynamisme particulier. Néanmoins, localement, certaines dispositions architecturales méritent qu’on s’y attarde quelque peu. Ainsi, il n’est pas impossible que le portique séparant 21 de 20 ait contribué à favoriser l’axe arrière-avant d’une personne pénétrant dans l’édifice depuis le corridor (19)821. En outre, il faut également remarquer que les accès à l’étage ne s’implantent pas réellement de telle manière à ce que les circulations y soient intuitivement attirées822. En ce qui concerne l’étage, il apparaît évident que le dispositif d’entrée menant à la cellule 32 n’avait rien d’attractif. En effet, il était exigu et particulièrement tortueux. En ce qui concerne la salle de banquet (l), il peut être intéressant de constater qu’elle n’est accessible depuis l’intérieur du bâti que depuis la pièce m au sein de laquelle les escaliers 22 et 26 débouchent823. Il n’est pas impossible, en regard des circulations fréquentes que devait accueillir cette zone, que la cellule ait pu fonctionner comme un poste de contrôle des circulations. En effet, depuis cette cellule, un observateur pouvait certainement surveiller les deux escaliers, les cellules m et o et par l’ouverture de la porte entre o et 32, le débouché de l’escalier montant depuis l’extérieur (Fig. 366). Bien qu’adoptant un profil coudé à son débouché sur le portique (j), l’escalier s’ouvrant depuis 20bis semble avoir commandé une approche plus ostentatoire de la présumée salle de banquet (l). Mis à part ces quelques remarques, le premier étage est constitué de pièces bien individualisées parfois dotées d’espaces annexes ou de balcons824. Pour en terminer avec l’architecture en tant que domaine passif, il peut être intéressant, en relation avec les espaces ouverts que sont les cellules IV et 21 ainsi que la cour publique et la Cour Ouest, d’aborder l’impact visuel que l’édifice G pourrait avoir eu sur les personnes s’y trouvant. Pour ce faire, nous procédâmes comme dans le cas du palais de Galatas notamment825. Ainsi, pour des observateurs situés au milieu des cellules IV et 21, l’ellipse de vision (ev - angle de 14° au dessus de l’horizontale) et la zone de vision optimale (vo - angle de 25° au dessus de l’horizontale) sont appliquées dans l’espoir de déterminer à partir de quelle hauteur une impression d’écrasement et d’oppression visuelle pourrait avoir existé. Le Central Hall (21) mesurant environ 6m50 sur 8m50 (Soles 1991 : 56), un observateur situé en son centre aurait subit un impact visuel fort si les structures architecturales environnantes dépassaient 2m40 (ev) ou 3m10 (vo) à l’Est et à l’Ouest et 2m70 (ev) ou 3m60 (vo) au Nord et au Sud. La cellule IV telle que reconstituée par Soles mesure environ 4m sur 6m au sein de laquelle une impression visuelle forte aurait été effective à partir de 2m10 (ev) ou 2m60 (vo) à l’Est et à l’Ouest et 2m30 (ev) ou 3m (vo) au Nord et au Sud. Or, sur base des hauteurs d’étage définies par Graham826 et de la restitution proposée par Soles l’édifice pourrait s’être élevé à une hauteur comprise entre 7m et 9m827 depuis les cellules 21 et IV828. On constate donc qu’au sein de ces deux espaces, les structures architecturales auraient pu contribuer à instiller une certaine oppression visuelle sur les personnes s’y tenant. De plus, la hauteur présumée des plans verticaux qui les encadraient n’est pas loin de dépasser la limite supérieure du champ visuel (située à un angle de 50 à 55° au dessus de l’horizontale) ce qui renforce l’idée d’une impression d’étouffement spatial829. En termes d’impact visuel, il est également intéressant d’envisager l’édifice depuis une perspective extérieure, à savoir la Cour Ouest830 et la cour publique. À cet effet, les paliers de Märtens semblent particulièrement appropriés. Si l’on se fie aux valeurs chiffrées hypothétiques précédemment évoquées, la façade sud du palais aurait eu une hauteur comprise entre 7m et 9m depuis la cour publique. Cette dernière mesure environ 15m sur 30m (Soles 1991 : 19-21). Un observateur (de 1m60) aurait du se situer à environ 16m de la façade pour commencer à en ressentir l’impact visuel (18°). À partir d’environ 9m, la façade aurait englobé tout le champ visuel et aurait eu un impact visuel considérable (27°). Dans le cas de la Cour Ouest, si l’on fixe une limite ouest hypothétique dans le prolongement de la Terrace auquel correspond plus ou moins l’étendue du dallage (Soles 1991, Fig. 1, 29 et 31), on obtient une distance maximale d’environ 4m par rapport à la façade du palais. Depuis la Cour Ouest, située en contrebas, l’édifice aurait eu une hauteur comprise entre 6m25 et 7m50831. Pour un observateur situé à l’extrémité de cette cour, la façade ouest aurait très certainement occasionné un impact visuel considérable832.
210En ce qui concerne l’architecture en tant que domaine actif, quelques parties de l’édifice G méritent de plus amples commentaires. Comme le précise Soles l’identification de la valeur rituelle de certains espaces découla essentiellement de leur caractère architectural et dans une moindre mesure, de la découverte d’objets (évoqués dans l’introduction à l’édifice) (Soles 1991 : 71). De manière générale, chacune des cellules envisagées comme étant de nature rituelle par Soles833 sera ici brièvement évoquée avant de se voir appliquer les sphères de communication interpersonnelle afin d’évaluer les modes d’expression qu’elles rendaient possibles. Reconstituée par Graham à la verticale des cellules 1, 2 et 3, au sein de la pièce C, une fenêtre d’apparition aurait surplombé la Cour Ouest (Graham 1967 : 17-34). Sa position est marquée par un rentrant classique de la façade (Soles 1991 : 36, Fig. 23) et aurait permis aux personnes regroupées sur la cour d’apercevoir celles qui se tenaient à la fenêtre de cette pièce du Piano Nobile (Soles 1991 : 60)834. Il n’est pas étonnant que la façade ouest soit construite en pierre de taille à Gournia. En effet, le caractère monumental de cette façade est une caractéristique récurrente des palais minoens (van Effenterre 1987 ; Letesson et Vansteenhuyse 2006). Couplée à l’existence de la fenêtre d’apparition, la monumentalité de son appareillage offre un contexte monumental aux rituels dont on postule l’existence sur la Cour Ouest835. En ce qui concerne Gournia, la découverte d’un rhyton de pierre conique atteste, d’après Soles, de l’utilisation cultuelle de cet espace (Soles 1991 : 36 et 72). Appliquées à cette zone, les sphères mettent en évidence que la relation entre fenêtre d’apparition et Cour Ouest (telle qu’elle est conservée aujourd’hui) devait s’inscrire dans un mode de communication social (gris foncé) ou public (portée restreinte - gris de tonalité moyenne - ou portée étendue - gris clair) (Fig. 367)836. Pour affiner cette analyse, il peut-être intéressant d’évaluer la perception visuelle des personnes situées dans la cour ainsi que celle que rend possible la fenêtre d’apparition. Ainsi, si l’on admet que la fenêtre d’apparition se situait à environ 4m60 de hauteur837, elle aurait conservé pour les personnes situées dans les sphères sociale et publique (portée restreinte) un impact visuel relativement fort selon la règle de Märtens838. À l’inverse, si l’on applique diverses mesures en relation avec un observateur positionné à la fenêtre d’apparition (Fig. 257)839, il apparait évident qu’une représentation dans la Cour Ouest devait idéalement se situer à une distance évoquant la zone de communication publique (portée étendue) pour qu’il soit visuellement aisé d’y assister840. Le deuxième secteur à vocation rituelle que nous avons déjà mentionné à plusieurs reprises est la placette au bétyle (Soles 1991 : 35-37 et 71-72)841. Desservie par le double corridor, cet espace semble davantage adapté à une représentation adoptant un mode intime/personnel (gris anthracite - à proximité directe du bétyle) ou social (gris foncé - sur la placette et aux débouchés des corridors) (Fig. 367). Qu’elle ait été centrale ou non, la cour publique de Gournia devait certainement accueillir des représentations et permettre des regroupement de personnes842. Envisagée en relation avec les balcons que Soles restitue au premier étage843 (Fig. 368), la cour centrale apparaît particulièrement adaptée à accueillir des représentations de nature publique. En effet, la sphère de communication publique (portée étendue - gris clair) est largement atteinte et dépassée dans la majeure partie de la superficie globale de la cour844. Évidemment, l’existence d’espaces rituels au niveau de portiques ouest et nord plaide également en faveur d’une utilisation légèrement différente de la cour publique. En effet, qu’il s’agisse du prétendu sanctuaire tripartite (Soles 1991 : 42-44 et 71)845 ou de ladite pierre sacrificielle du portique nord (Soles 1991 : 45-48 et 71), le mode de communication impliqué était probablement différent si l’on admet que ces espaces accueillaient un certain type de représentation. En effet, on peut constater que ce sont davantage les sphères intime/personnelle (gris anthracite) et sociale (gris foncé) qui sont plus étroitement liées à ces pôles cultuels (Fig. 369 et 370). Ainsi, au même titre que les cours centrales plus classiques, il est possible, qu’aux abords directs du palais, la cour publique de Gournia ait été le théâtre de représentations permettant une communication plus subtile et intime (Letesson et Vansteenhuyse 2006 : 112). Au sein même de l’édifice G, la salle au kernos (18) aurait également été un pôle rituel assez important (Soles 1991 : 48-49 et 71). En ce qui la concerne, les sphères semblent attester d’une zone particulièrement appropriée à la communication intime/personnelle (gris anthracite) à proximité directe du kernos ou sociale (gris foncé) dans la partie de la cellule 18 la plus directement liée à ce dernier (Fig. 371). Au-delà, c'est-à-dire dans la partie ouest du portique nord ou dans la moitié ouest de la cellule 18, la communication aurait pu nécessiter des modalités plus publiques (portée restreinte - gris de tonalité moyenne). Spatialement liées à la salle au kernos et, d’une certaine manière à la placette au bétyle, les autres cellules de l’aile sud-est formaient probablement une zone de nature essentiellement rituelle (Soles 1991 : 49-54 et 72). Leur superficie respective ne laisse aucun doute quant au type de communication qu’elles rendaient possible. En effet, ces espaces permettaient, au mieux, à une représentation de portée sociale de prendre part et accueillaient plus probablement des modalités de communication intime/personnelle846. Au Nord du palais, la cellule 28 adopte la forme d’un bain lustral847. Bien qu’elle n’ait pas été retenue par Soles dans son catalogue de pièces à connotation rituelle, il nous paraît malgré tout intéressant d’y tracer les sphères (Fig. 372). Ces dernières permettent de constater que la surface principale de la cellule (au pied de l’escalier en ‘L’) semble adaptée à se prêter plus volontiers à une communication intime (gris anthracite). Depuis les escaliers, ou à proximité du parapet que l’on restitue assez souvent en relation avec ce type d’espace, la sphère sociale (gris foncé) semble appropriée alors que des observateurs situés dans les pièces II et IV auraient impliqué un mode de communication public de portée restreinte (gris de tonalité moyenne)848. Bien que n’ayant a priori rien avoir avec un pôle rituel quelconque, le Central Hall (21) présente une alcôve dans son angle sud-est. Cette dernière était pavée de dalles irrégulières et dotée d’une banquette et d’une colonne la séparant de la cellule 21 (Soles 1991 : 56). Même si cette cellule n’est pas située dans l’axe de l’agencement spatial que forment les cellules 21-20 et le portique qui les sépare et malgré que ce dernier ne forme pas une salle minoenne type bien qu’il puisse avoir fonctionné au sein du bâtiment d’une manière assez similaire en tant que lieu de rencontre, de convergence, ce dispositif spatial n’est pas sans rappeler celui de la House of the Chancel Screen ou de la Royal Villa. Aussi, on pourrait imaginer qu’une personne se soit tenue sur la banquette de l’alcôve (dont l’individualité est bien marquée par la présence d’un dallage et de la colonne). Si on trace les sphères de communication en rapport avec cet espace (Fig. 373), on se rend compte que, pour des personnes situées dans les cellules susmentionnées, la communication avec un éventuel officiant dans l’alcôve devait essentiellement avoir un profil public. Finalement, il peut être intéressant d’envisager le portique que Soles restitua en j (Soles 1991 : 64-65). Depuis ce dernier (Fig. 374), il aurait été relativement malaisé d’observer une représentation prenant place en contrebas dans le Central Hall (21)849.
211Outre l’édifice G, la ville de Gournia contenait évidemment un certain nombre d’édifices de taille restreinte que l’on qualifie généralement de maisons. Telles qu’elles apparaissent sur le plan redessiné par Fotou (Fotou 1993, pl. XXVIII et XXIX et plan B), elles se ressemblent l’une l’autre dans la mesure où elles contiennent relativement peu de pièces. Certaines de celles-ci semblent avoir été adaptées au stockage ou à diverses activités industrielles (Troubled Island : 212). Preziosi décrivit ces édifices en ces termes : « Each house is squarish or rectangular in outline, and many reveal the traces of small paved courts or lightwells. Each house would normally have had a second storey, and the roof lines of the houses would have risen in stepped fashion towards the summit of this hill town. » (Preziosi 1983 : 78). En dehors de leur aspect, ces maisons connurent également, au cours du néopalatial, une évolution que nous avons déjà évoquée850. Il est également évident que les édifices tels qu’ils nous apparaissent aujourd’hui formaient probablement, pour la majeure partie, les sous-sols des maisons (Aerial Atlas : 105). En ce qui concerne la sélection d’un certain nombre de bâtiments dans le cadre de cette étude, divers éléments furent pris en compte. Pour ce faire, le travail de Fotou sur les notes de Boyd Hawes fut extrêmement précieux (Fotou 1993). De manière générale, Fotou attira l’attention sur le fait que les maisons fouillées durant les premières campagnes (1901 et 1903) sont nettement mieux documentées que celles qui furent découvertes en 1904 et principalement à la fin de cette campagne (c'est-à-dire le quartier H) (Fotou 1993 : 32). En évaluant les bases de données disponibles (inférées des carnets de fouille) concernant l’architecture et le contenu des différentes pièces des édifices851, elle établit une liste de bâtiments se prêtant particulièrement à une étude plus approfondie (Fotou 1993 : 32-33). Sur base de ses appréciations et du plan urbain dont elle fournit une version améliorée852, treize édifices sont sélectionnés dans le cadre de ce travail853. De manière générale, les informations disponibles au sujet de ces bâtiments sont assez maigres. Aussi, l’étude qui en est proposée ici est relativement succincte. La maison Ae (Lower Corner House) (91m ²) (Fig. 375) et la maison Ah (House of the Partridge Vase ou House of the Stone Pounders) (127m ²) (Fig. 376) faisaient toutes deux parties du quartier A et ouvraient sur la rue qui en formait la limite sud854. La première était dotée d’une fenêtre donnant sur la rue à l’Est et présentait un bassin de pierre dans sa pièce principale (30) (Fotou 1993 : 62), la seconde contenait un matériel assez abondant, de nature variée, situé dans les pièces de l’angle sud-ouest du bâtiment (escalier et sottoscala - 42)855. Si l’on en juge par le dallage dont est muni le centre de l’édifice, il n’est pas impossible qu’il ait été constitué d’un espace à ciel ouvert (Fotou 1993, plan B)856. Situé au Sud-est de la maison Ah, le quartier B est délimité par une route à l’Ouest et constitue également la limite orientale de la fouille857. La maison Ba (Field Suite ou House) (68m ²) (Fig. 377) présente un certain nombre d’aspects intéressants. Elle était manifestement assez soigneusement construite858 et était dotée d’une cour au Nord (Fotou 1993 : 63-64)859. Elle contenait également deux bassins de pierre dans la pièce ouvrant sur la rue (4) et révéla un assemblage assez varié d’objets (céramique, bronze, pierre) (Fotou 1993 : 63). La maison Bb (House of the Carpenter) (53m ²) (Fig. 378) révéla deux pithoi et deux amphores dans la longue pièce 8, l’espace dépourvu de porte (7) contenait un important dépôt de céramique (nombreuses coupelles) alors que la pièce principale du rez-de-chaussée (9) était apparemment le siège d’une activité industrielle trahie par la présence d’outils de charpentier et d’un bassin rectangulaire (Fotou 1993 : 64)860. Le quartier C était particulièrement grand dans la mesure où il s’étendait de la limite est présumée du palais aux routes délimitant le quartier A au Nord et le quartier B à l’Est. La maison Cb (Upper Corner House) (94m ²) (Fig. 379) contenait également un bassin de pierre dans la cellule 6 (apparemment pavée) mais ne révéla aucun véritable dépôt de sol à en croire les carnets de fouille (Fotou 1993 : 66)861. Cet édifice, tel qu’il apparaît aujourd’hui, résulterait de la division, au MRIA, d’un édifice plus grand (regroupant Ca et Cb) (Troubled Island : 215 ; Devolder 2005 : 168-170, Fig. 2). Situé à l’angle Nord-est du quartier, la maison Ce (House of the Terrazza Wall) (80m ²) (Fig. 380), assez bien préservée, aurait été le cadre d’un certain nombre de remaniements (Fotou 1993 : 67). Implantée du côté ouest de la Valley Road sur laquelle elle s’ouvrait à l’origine, la maison Ck (House of the Closed Door) (94m ²) (Fig. 381) est un des édifices le mieux préservé du site (Fotou 1993 : 70)862. On retrouva un bassin de pierre en 47 ainsi que quelques jarres et pithoi en 48, 49 et 50 (Fotou 1993 : 70). Le quartier D s’étendait au Sud du quartier C jusqu’à la limite est de la cour publique863. La grande maison Da (166m ²) (Fig. 382) présente un assez bon état de préservation. C’est au sein des espaces dépourvus de porte que les objets les plus intéressants furent découverts, ainsi, les cellules 11 et 12 révélèrent un assemblage de vases en pierre, en argile et d’instruments en bronze ainsi qu’un scellé d’argile alors que la pièce 13 contenait une statuette et un chaton de bague en bronze (Fotou 1993 : 74). La maison Db (House of the Fair Beginning) (61m ²) (Fig. 383) est directement voisine de la maison Da et s’ouvrait sur la même ruelle. L’espace dépourvu de porte (19) est particulièrement intéressant dans la mesure où on y découvrit un assemblage de 16 objets contenant des vases de pierre, d’argile et des outils de bronze (Fotou 1993 : 74). Le quartier F se situait au Nord de l’édifice G et était circonscrit par la route annulaire qui prenait la direction de la Cour Ouest864. La maison Fd (Arsenal Suite) (140m ²) (Fig. 384) pose problème quant à ses limites. Néanmoins, il semble probable que les espaces 21 et 22 n’aient plus été liés à l’édifice dans sa phase finale (Fotou 1993 : 87). De manière générale, l’organisation interne de ce bâtiment, qui semble ne pas avoir subi de réelle altération, est compréhensible et bien articulée (Fotou 1993 : 87). On découvrit, au sein de la pièce 14, apparemment pavée, un cartouche de pierre noire portant une sorte de sceau ainsi qu’une fosse au sein de laquelle on retrouva un pithos et une épée (Fotou 1993 : 87). Située au Nord de l’édifice précédent, la maison Fe (Lower Treasury Suite) (96m ²) (Fig. 385) présente un tracé externe qui n’est pas sans rappeler la Maison de la cave au pilier à Malia. La pièce 27 contenait un bassin de pierre et les cellules 24 et 28 une grande quantité de vaisselle de stockage (dont certaines gardaient encore des traces de graines) (Fotou 1993 : 88). Située plus à l’Ouest, en bordure de la rue descendant vers la Cour Ouest, la maison Fi (Suite of the Paved Antechamber) (67m ²) (Fig. 386) est d’un intérêt particulier. En effet, son plan témoigne d’un tracé interne assez clair et d’une organisation spatiale compacte qui n’est pas sans rappeler les édifices du quartier B (Fotou 1993 : 90). La pièce 35 révéla la présence d’un bassin de pierre mais c’est surtout la cellule 40 qui révéla un dépôt d’objets importants parmi lesquels on retrouva 31 vases dont la majorité étaient peints, deux figurines d’animaux, une boîte à feu ainsi que des poids en pierre (Fotou 1993 : 90). Le quartier H se situait directement à l’Ouest de la cour publique ce qui encouragea récemment Soles à en faire un prolongement de l’aile ouest du palais (Soles 2002 : 125-126)865. La maison Hb (186m ²) (Fig. 387) est particulièrement intéressante malgré le fait qu’une majeure partie est actuellement remblayée (Fotou 1993, pl. XXIX ; Soles 2002 : 126). Fotou attira l’attention sur la taille importante de l’édifice, son emplacement et sa relation directe avec la cour publique ainsi que son organisation interne en trois unités, fait assez exceptionnel à Gournia (Fotou 1993 : 95). Cette maison s’ouvre depuis la place publique par un vestibule pavé (18). La pièce 11 dotée d’un sol solide (concrete floor) était dotée de banquettes de pierre basses et donnait accès par quelques marches à une pièce en sous-sol (10) munie d’un mortier circulaire et de vases de stockage entreposés sur une banquette en ‘L’ et commandant l’accès à une série de magasins (cellules 12 et 13) (Soles 2002 : 125-126). Soles interpréta la cellule 11 comme ayant une fonction rituelle, faisant de ses annexes (10-13) l’endroit où l’on stockait et préparait la nourriture qui y était consommée. Aussi concises soient-elles, ces descriptions permettent malgré tout de mettre en évidence un certain nombre de traits caractéristiques (Soles 2002 : 128). En effet, la plupart desdites maisons étaient dotées d’un vestibule pavé866, pourvues d’un mortier ou d’un bassin inséré au sol du vestibule ou de la pièce principale du rez-de-chaussée867 et contenaient très souvent des espaces dépourvus de portes868. Whitelaw estima que la forte standardisation de ces édifices en termes de taille était particulièrement caractéristique et qu’elle était, en elle-même, évocatrice de l’existence de familles nucléaires ou de familles de souche peu étendues (nuclear or minimally-extended stem families) (Whitelaw 2001 : 18. Privitera), qui semble admettre cette interprétation n’en regroupe pas moins les différentes maisons du quartier C autour d’un espace ouvert, de nature semi-publique, qu’on aurait utilisé lors de fêtes communautaires869 ou propose de regrouper les maisons Ab et Ac en une seule unité architecturale et fonctionnelle (Privitera 2005 : 193 et 197)870. Le fait que plusieurs des ces maisons aient pu constituer des complexes architecturaux plus étendus n’est pas impossible871. En effet, bien que la majorité d’entre elles paraissent clairement individualisées872, on remarque relativement souvent l’existence de murs mitoyens simples là où l’on pourrait imaginer l’existence de murs dédoublés dans un souci d’accroitre le caractère privé873. Quoi qu’il en soit, dans l’état actuel des vestiges, rien ne nous permet d’établir avec certitude l’existence de tels complexes. Aussi, l’analyse succincte qui suit considère simplement chacun des édifices sélectionnés en tant qu’unité architecturale indépendante874.
212En examinant les plans justifiés des maisons sélectionnées (Fig. 388), on se rend compte qu’il en existe de deux types. La majorité des édifices présente un graphe simple, totalement non-distribué, dont le vestibule forme le point d’ancrage depuis lequel les séquences d’espaces s’articulent875. La syntaxe spatiale en est assez rudimentaire, elle consiste en une succession d’espaces de type b donnant localement accès à des espaces de type a. Un tel dispositif permet évidemment de conserver un potentiel de contrôle relativement fort sur les circulations vers les pièces à vocation d’occupation. Ce type d’agencement spatial n’est pas sans rappeler d’autres manifestations de l’architecture minoenne comme, entre autres, les édifices les plus simples de la région de Malia (Maisons de la cave au pilier et de la façade à redans, Maison d’Agia Varvara), de Kommos (House with the Press) ou encore des bâtiments modestes tels que ceux de Prasa B et Stou Kouse. La seconde catégorie d’édifices présente des graphes légèrement plus complexes, marqués par une certaine distributivité. Cet ensemble se divise en deux sous-complexes : les graphes dotés d’un anneau externe (c'est-à-dire de deux points de pénétration depuis l’extérieur et donc plus seulement du vestibule) comme ceux de Cb et Fd et les plans présentant un anneau interne comme ceux de Ce et Ck.
213Les premiers offrent une certaine flexibilité de circulation tout en les circonscrivant dans un réseau de mouvements incontournable. Il s’agit en fait d’une séquence annulaire d’espaces de type c donnant soit directement accès à des espaces de type a soit à des espaces de type b, renforçant le potentiel de contrôle876. Les seconds ont en commun avec les graphes simples le fait que le vestibule demeure le point d’articulation principal. Néanmoins, ce dernier s’ouvre sur un anneau constitué d’espaces de type c qui commande l’accès, à la manière des précédents, à des espaces de type a et b. Dans l’absolu, ils disposent donc d’un potentiel de contrôle plus marqué que les graphes dotés d’un anneau externe dans la mesure où le vestibule reste un point de passage obligé. En ce qui concerne les valeurs d’intégration (Fig. 389), la moyenne semble comprise en 1,1 et 1,5 (Ae ; Ah ; Bb ; Cb ; Ck ; Hb). Néanmoins, Ba et Fd présentent une valeur d’intégration plus élevée (inférieure à 1) alors que Ce (1,719), Fe (1,765), Fi (1,959), Da (2,139) et tout particulièrement Db affichent une ségrégation spatiale plus manifeste d’un point de vue extérieur.
214Afin de mieux apprécier certaines réalités spatiales, les plans générés grâce à Depthmap sont d’une certaine utilité. En effet, ils permettent d’étoffer quelque peu les commentaires succincts de l’analyse de la syntaxe spatiale. Dans le cas de Ae (Fig. 390), il est évident que la cellule 30 (et dans une certaine mesure son prolongement à l’Est avec la cellule 33) dispose de l’intégration, du potentiel de contrôle et de la contrôlabilité les plus marqués. Le vestibule pavé de l’édifice Ah présente une situation relativement similaire (Fig. 391) si ce n’est que le potentiel de contrôle et l’intégration tendent à se concentrer vers l’Ouest du vestibule et vers la cellule 43 alors que la contrôlabilité est nettement marquée sur l’ensemble de la surface pavée. Ba présente une situation quelque peu particulière mais on peut retenir, qu’à nouveau, les pièces s’ouvrant directement sur l’extérieur semblent dotées d’une contrôlabilité particulièrement élevée (Fig. 392). Bb présente une situation fortement identique à celle de Ae dans la mesure où la portion de la cellule 11 la plus proche de l’entrée dispose de l’intégration, du potentiel de contrôle et de la contrôlabilité les plus forts (Fig. 393). Cb, qui ne fait pas partie de la même catégorie syntaxique que les quatre édifices précédents, présente une situation bien différente (Fig. 394). En effet, l’intégration la plus forte se trouve désormais à la jonction entre les deux parties de l’édifice (zones desservies par une entrée différente) alors que le potentiel de contrôle se trouve disséminé au sein du bâtiment au niveau des points de décision. La contrôlabilité la plus forte se retrouve dans l’angle sud-ouest de la cellule 10 et dans la cellule 9. Également dotés d’un anneau, Ce et Ck présentent une situation relativement similaire à celle de Cb (Fig. 395 et 396). À savoir, une intégration et un potentiel de contrôle élevés au point de convergence des circulations ainsi qu’une contrôlabilité plus marquée vers l’intérieur du bâti (en Ce22 et Ck50). Da, bien que dotée d’un vestibule (1) un peu particulier, n’est pas sans rappeler la première catégorie d’édifices (Fig. 397). En effet, la véritable pièce la plus proche de l’extérieur (dans la mesure où le vestibule se résume à un espace de transition des plus exigus), la cellule 3, présente l’intégration, la contrôlabilité et le potentiel de contrôle les plus forts. Au sein de l’édifice Db, c’est à la jonction entre les cellules 21 et 22 qu’on l’on retrouve l’intégration, la contrôlabilité et le potentiel de contrôle les plus forts (Fig. 398). Fd, dont l’annularité a déjà été évoquée, rentre manifestement dans la même catégorie que les maisons Cb, Ce et Ck (Fig. 399). Fe, d’un tracé assez particulier, présente des résultats qui le sont tout autant (Fig. 400). Hybrides, ils rappellent ceux de Db dans la mesure où c’est à la jonction des deux plus grandes pièces du rez-de-chaussée (23 et 24) que l’on retrouve les données les plus élevées mais évoquent également une contrôlabilité assez prononcée à proximité de l’espace communiquant directement avec l’extérieur. Fi fait fortement écho à Da dans la mesure où son vestibule (37) est de taille réduite et fait davantage office d’espace de transition alors que la pièce de plus grande superficie y étant étroitement associée présente l’intégration, la contrôlabilité et le potentiel de contrôle les plus marqués (Fig. 401). Hb, dont le tracé dénote avec celui des autres édifices, dispose d’une intégration visuelle forte en 11 et dans la partie orientale de 10, d’un potentiel de contrôle marqué aux points de décision et d’une contrôlabilité assez faible (sauf en ce qui concerne les espaces sud-est, comme 19, uniquement accessibles depuis l’extérieur) (Fig. 402). Il apparaît donc qu’en ce qui concerne l’analyse visuelle, les édifices semblent également se diviser en deux catégories qui font écho à celles que l’analyse de la syntaxe spatiale a mises en évidence877. Ainsi, Ae, Ah, Ba, Bb, Da, Fi et dans une moindre mesure Fe s’illustrent par une contrôlabilité particulièrement prononcée de la cellule la plus proche du monde extérieur (qu’il s’agisse du vestibule - dont l’importance est à nouveau soulignée - ou de la cellule plus étendue qui suit le vestibule quand ce dernier se réduit à un simple espace de transition). Dans une certaine mesure, cet état de fait, couplé au séquençage d’espaces de type b rendant possible un contrôle simple et étroit des circulations, pourrait évoquer le caractère relativement privé ou plus simplement le désir d’avoir le potentiel de se prémunir d’intrusions extérieures à ce niveau des bâtiments. Dotés d’une certaine distributivité, les plans justifiés de Cb, Ce, Ck et Fd forment la seconde catégorie. Le fait que le potentiel de contrôle s’y trouve particulièrement marqué au niveau des jonctions des circulations internes et la contrôlabilité rejetée vers l’intérieur de l’édifice tend à souligner une réalité spatiale faisant davantage la part belle à la pénétration du monde extérieur dans ces quatre bâtiments878. Il est difficile d’apprécier la réalité à laquelle renvoient ces catégories dans la mesure où nous n’avons qu’une vision partielle des structures architecturales. Néanmoins, elles illustrent assez bien un certain potentiel à la diversité architecturale et de gestion spatiale malgré l’apparence assez uniforme des maisons de la ville de Gournia.
215En tant que domaine passif, les formes mêmes de ces édifices méritent quelques commentaires. De manière générale, on peut constater l’absence d’espaces de transition au sein des édifices879. En effet, les espaces qui les constituent s’imbriquent directement côte à côte et se distinguent assez clairement les uns des autres. Une telle réalité architecturale favorise évidemment davantage l’occupation statique que le mouvement. En plus de cela, il est assez fréquent que les circulations adoptent un profil coudé depuis le vestibule d’entrée ou la pièce donnant directement sur l’extérieur880. Néanmoins, la pièce la plus importante du rez-de-chaussée (ou tout du moins celle dont la surface est la plus grande) reste assez aisément accessible881.
216Si l’on se fie à la superficie des différentes maisons de Gournia, il est difficile d’imaginer qu’elles aient pu accueillir des manifestations dépassant le cadre d’une communication de type intime/personnelle ou sociale. Néanmoins, il est plus que probable que des manifestations publiques aient pris place en dehors des édifices domestiques, au sein des espaces ouverts aménagés dans certains quartiers882 et évidemment, dans l’édifice G, comme nous en avons déjà fait mention.
Vasiliki
217Établissement situé à quelques kilomètres à l’intérieur des terres, non loin de Gournia, dans l’isthme de Hierapetra (Zoïs 1976, pl. I et II ; BCH 101. 2 (1977) : 649, Fig. 318), Vasiliki semble avoir été fortement occupé dès le Minoen Ancien (Troubled Island : 217). Le site fut exploré par Seager au début du siècle passé et fut finalement fouillé par une équipe grecque dans les années 70 sous la direction d’A. Zoïs (Zoïs 1976). De manière générale, le site connut une phase d’habitat très dense dans le courant du MAIIA à laquelle succéda, au MAIIB, « un schéma plus aéré, grâce à l’aménagement d’un réseau de voies dallées convergeant vers la grande cour centrale » (BCH 1977 : 648). Par la suite, jusqu’aux MRIA-B, l’habitat fut à nouveau plus concentré (Zoïs 1976b ; BCH 1977 : 648). Dans l’ensemble du site, seule la maison M (146m ²) (Fig. 403) (Zoïs 1972b ; Zoïs 1976, pl. XIV ; BCH 1977 : 648-649, Fig. 318 ; Troubled Island : 216-217, Fig. 7. 66) dispose d’un plan suffisamment clair que pour que l’on y applique les méthodes d’analyse. Cette dernière, apparemment établie sur des couches de destruction du MAIIB (BCH 1977 : 648), aurait été abandonnée au MRIA (Zoïs 1972 : 117 ; Zoïs 1972b ; Troubled Island : 217). Bien qu’ayant un tracé interne légèrement différent, la maison M de Vasiliki n’est pas sans rappeler l’édifice d’Agia Varvara. En effet, les deux bâtiments ont une taille relativement similaire et étaient dotés d’un vestibule donnant accès, en chicane, à une salle à colonne centrale depuis laquelle s’articulait le reste de l’édifice883. Vasiliki M contient 12 cellules parmi lesquelles on retrouve un vestibule (1), une salle à colonne centrale (3), des espaces dépourvus de porte (8 et 10)884 et des couloirs (9 et 13)885.
218Le plan justifié de cet édifice est totalement non distribué et dispose, au troisième niveau de profondeur d une symétrie particulièrement marquée (Fig. 404). Comme dans le cas d’Agia Varvara, l’édifice compte environ 60 % d’espaces de type a et 40 % d’espaces de type b. Le vestibule (1) est le seul point de pénétration dans le système, il desservait la salle à colonne centrale (3) mais également, vers l’Ouest, une pièce (2) au sein de laquelle furent notamment retrouvés des vases de stockage. Le reste de l’édifice s’articule autour de la cellule 3, soit directement (cellules 4, 5, 6 et 7 - type a) soit par l’entremise d’espaces de transition (9 et 13 - type b). De manière générale, plus on s’enfonçait dans le bâtiment plus le potentiel de contrôle augmentait. En effet, pour accéder à la salle à colonne centrale, on passait par un espace de type b alors qu’il était nécessaire de passer par trois espaces de type b pour gagner la partie nord de l’édifice886. Les valeurs quantitatives n’évoluent guère que l’extérieur soit pris en compte ou non (Fig. 405). Cet état de fait tend à évoquer une interface ciblée sur les rapports entre résidents. Ce sont la salle à colonne (3) et le couloir (9) qui présentent l’intégration la plus forte, viennent ensuite le couloir (13) et le vestibule (1), puis les cellules 4, 5, 6 et 7, et enfin les cellules 14, 11 et 2. C’est l’espace 12 qui présente la ségrégation la plus élevée. En termes de valeur de contrôle, la salle à colonne centrale (3), le vestibule (1) et le couloir (13) se distinguent des autres espaces (Fig. 406).
219L’intégration visuelle de l’édifice corrobore les données de l’analyse de la syntaxe spatiale (Fig. 407a). En effet, on peut y constater l’intégration particulièrement significative de la salle à colonne centrale (3 - notamment dans sa partie occidentale) ainsi que celle de l’espace de transition situé au Nord de celle-ci887. À l’inverse, la cellule 12 est la moins bien intégrée. En ce qui concerne les étapes de profondeur visuelle (Fig. 407b), on peut à nouveau prendre conscience de la réclusion visuelle particulièrement marquée de la partie nord de l’édifice. Le potentiel de contrôle visuel le plus significatif se retrouve en étroite relation avec la salle à colonne centrale (3), tout particulièrement à son débouché sur le vestibule (1) et le couloir (9) (Fig. 407c). En ce qui concerne la contrôlabilité (Fig. 407d), c’est au sein de la salle à colonne centrale (3) et de l’ensemble de la partie nord de l’édifice (la cellule 11 semble dotée du potentiel le plus élevé) qu’elle est la plus manifeste.
220Bien qu’il soit particulièrement difficile d’apprécier la manière dont ce bâtiment pouvait être approché depuis l’extérieur, il est évident que le vestibule (1) adopte un profil en chicane et devait, dans ce cas, créer un premier obstacle à une pénétration directe vers la cellule principale (3). Même si la cellule 2 semble parfaitement disposée pour qu’on y ait exercé un certain contrôle des allées et venues (et que donc elle aurait pu fonctionner comme loge de portier), sa superficie et les vases qui y furent découverts attestent probablement d’une autre fonction principale888. Architecturalement parlant, il est évident que la cellule 3 forme la pièce principale de l’édifice tel que nous le conservons et que tous les autres espaces lui sont spatialement inféodés. Ses limites sont clairement définies et elle se distingue nettement des espaces adjacents889. De forme carrée, elle n’induisait probablement aucun dynamisme. Néanmoins, bien qu’il s’ouvre perpendiculairement à l’axe de pénétration dans la cellule 3 depuis le vestibule (1), le couloir (9) était légèrement perceptible depuis l’entrée de l’édifice. Comme on peut le remarquer sur le plan des étapes de profondeur visuelle (Fig. 407b), un tel phénomène aurait pu fonctionner comme une porte cachée, attirant l’attention en direction du Nord du bâtiment. Néanmoins, selon toute vraisemblance, une porte pourrait avoir clos le couloir (9) à sa jonction avec la salle à colonne (3) (Zoïs 1976, pl. XIV). Telle qu’elle s’articule spatialement, la partie nord de l’édifice M semble accentuer intuitivement la restriction d’accès dans la mesure où toutes les connexions adoptent un profil coudé.
221Bien qu’on n’ait nullement la preuve de l’existence de représentation de quelque type que ce soit au sein de ce bâtiment, il peut être intéressant d’y tracer les sphères de communication en rapport avec la salle à colonne centrale (Fig. 408)890. Comme dans bon nombre de pièces de ce type, on constate que cet espace forme un contexte spatial qui pourrait s’être prêté à des manifestations de type social (gris foncé) alors que les autres cellules devaient très certainement entrer dans la sphère de communication intime/personnelle (gris anthracite).
Makryghialos
222C’est à un endroit appelé Plakakia, à la bordure occidentale du village moderne de Makryghialos, sur la côte sud de la Crète orientale, que Davaras fouilla, en 1973 et 1977, un bâtiment minoen (Davaras 1997 : 117). L’édifice de Makryghialos (Davaras 1985, pl. 1 ; Aerial Atlas : 172-173, Fig. 23. 1 ; Davaras 1997, plan 1 et 2 ; Troubled Island : 220-221, Fig. 7. 72) (Fig. 409), s’implantait sur un terrain plat, à proximité d’un ruisseau descendant depuis la montagne au Nord. Ce bâtiment n’était probablement pas isolé dans le secteur dans la mesure où Davaras repéra les traces d’une autre ‘villa’ très endommagée qu’il ne fut pas à même de fouiller à quelque distance au Nord (Davaras 1997 : 118 ; Troubled Island : 221). De plus, l’établissement de Diaskari, à quelques trois kilomètres à l’Est, doté d’un double port sur la Mer Libyenne, était certainement en relation avec Makryghialos891. D’après Davaras, le bâtiment tout entier serait à dater du MRIB, période à laquelle il aurait été construit et finalement détruit par le feu892. L’édifice mesurait environ 30m du Nord au Sud et 20m d’Ouest en Est (590m ²) et comptait une trentaine de cellules. De manière générale, Davaras insista sur les similitudes que présentait Makryghialos avec lesdits palais893. En effet, l’édifice était doté d’une cour centrale (1) mesurant environ 6m sur 12m (Troubled Island : 221 ; Davaras 1997 : 119-120)894. Cette dernière était bordée à l’Est et au Nord de colonnades formant portiques895. Si la cour centrale bordée de portiques évoque indubitablement l’architecture palatiale, Davaras mit au jour d’autres similitudes. Une structure faite de pierres fut découverte dans la partie septentrionale de la cour centrale (Davaras 1985, pl. 3 et 5 ; Davaras 1997 : 120-121, Fig. 5 et p. 121). Sa position était remarquable dans la mesure où elle se trouvait à proximité du débouché de l’entrée ouest (6) dans la cour centrale (Davaras 1997 : 121, n. 24). Associé avec une banquette disposée, côté cour, le long du mur est de la cellule 7 (Davaras 1997 : 121, Fig. 6)896, ce dispositif fut qualifié d’autel associé à l’entrée ouest : « Thus, this entrance may perhaps have served for ceremonies, not unlike the long Corridor of the Procession at Knossos. [The bench] certainly played a preeminent role in the ceremonies of the court in combination with the altar. » (Davaras 1997 : 121, n. 25). La cour centrale était également dotée d’une autre banquette contre la partie sud du mur est de la cellule 22 (Davaras 1985, pl. 14 ; Davaras 1997 : 124). De plus, Makryghialos sembla également posséder une cour ouest éminemment caractéristique de l’architecture palatiale. Cette dernière se serait en fait située au Nord-ouest du bâtiment, au niveau des cellules 6-10 (Davaras 1997 : 122, n. 33)897. La façade extérieure de ces cellules aurait été bâtie en pierre de taille et présentait un redan typique (Davaras 1985, pl. 7 et 8 ; Davaras 1997 : 121, Fig. 7 et 8). Selon Davaras, l’entrée principale de l’édifice se serait située au Nord, au niveau du corridor coudé (12) (Davaras 1985, pl. 10 et 11 ; Davaras 1997 : 122). Depuis cet espace de transition, on aurait finalement atteint, en 38, une zone ouverte mais probablement circonscrite ayant pu former une sorte de cour est898 avant d’obliquer à nouveau vers l’Ouest (en 37) et de pénétrer dans le bâtiment soit directement dans la cour centrale (par le biais de l’espace 36)899 soit dans l’aile est par la cellule 19. Les pièces 7-9 furent interprétées comme des pièces de stockage alors que la cellule 10, finement dallée, fut qualifiée de « representation room » (Davaras 1997 : 123). La cellule 16, dotée d’une base de pierre circulaire et pavée de petits galets marins était la plus grande pièce de l’édifice (Davaras 1997 : 123, Fig. 11 et 12)900. Dans l’angle sud-est de l’édifice, la pièce 22 était scindée en deux par un mur laissant une ouverture à chacune de ses extrémités. Adossées de part et d’autre de ce mur médian, Davaras mit au jour deux banquettes basses (Davaras 1997 : 124). Selon lui, d’après leur disposition, elles ne devaient pas avoir un simple rôle séculaire. C’est ainsi qu’il rapprocha les deux parties de la cellule 22 et la cellule 23 des sanctuaires à banquettes définis par Gesell (Gesell 1985)901. En termes de matériel, les trouvailles furent relativement maigres (Davaras 1997 : 125), néanmoins, certaines valent la peine d’être mentionnées. À proximité de l’autel, on découvrit un sceau décoré d’une scène religieuse (Davaras 1997 : 126, n. 57 ; Troubled Island : 221) ainsi qu’une statuette féminine en bronze (Davaras 1997 : 126-127, Fig. 16 ; Troubled Island : 221). La cour est révéla également les fragments d’un calice en pierre (Davaras 1997 : 126, Fig. 14 et 15 ; Troubled Island : 221). Le bâtiment contenait également, entre autres objets, des pithoi, entreposés ou enfouis dans le sol (Davaras 1977 : 590 ; Troubled Island : 221 ; Davaras 1997 : 125, Fig. 13), des vases de style marin (Davaras 1997 : 128, Fig. 18-20) ainsi que quelques boites à feu (Davaras 1997 : 130-133, Fig. 37-41)902. De manière générale, Davaras conclut que l’édifice de Makryghialos était avant tout un bâtiment cultuel : « In fact, the Makryghialos building seems to be a ‘cult villa’, evidently no less than those big ‘villas’ for which this term has been coined or used (Nirou, Amnisos and Kannia). […] Certainly, Makryghialos deserves the name, as it is permeated with religious elements. » (Davaras 1997 : 124-125).
223Bien que les limites et l’agencement des espaces à l’Est de l’édifice ne soient pas clairement définis, ils sont intégrés à l’analyse de la syntaxe spatiale dans la mesure où l’entrée principale semble s’être située au Nord (en 12) (Davaras 1997 : 122). Le plan justifié de Makryghialos est très nettement distribué avec un anneau externe et plusieurs anneaux internes (Fig. 410). Avant de pousser l’étude plus avant, il peut être intéressant de faire remarquer qu’une distributivité élevée, indice d’agencement complexe des circulations et d’une certaine flexibilité spatiale, est une constante dans lesdits palais minoens903. Les corridors (6) et (12) sont les deux points de pénétration du graphe et forment la base de l’anneau externe904. Ils sont tous deux de type c avec les implications que l’on sait en matière de mouvements. Là ou 6 donne directement accès à la cour centrale (1), emprunter le corridor (12) oblige un visiteur à suivre une séquence linéaire de cellules de type c (15 et 38 - la prétendue cour est) avant d’atteindre l’espace (37), de type d. Ce dernier offre effectivement des options multiples en termes de mouvement et perd donc en potentiel de contrôle. Très large, l’ouverture vers la cellule 36 n’était probablement pas fermée d’une porte. Par contre, il est possible que l’entrée vers 19, marquée d’un seuil, l’ait été (Davaras 1997 : 122). Quelle qu’ait été l’entrée choisie, on finit par aboutir, plus ou moins directement, dans la cour centrale (1). Comme c’est le cas dans les palais, elle forme véritablement le noyau de circulations, à partir duquel s’articulent tous les espaces constitutifs de l’édifice. Point de rencontre de divers anneaux, elle est un espace de type d. Elle devait certainement être avant tout un espace centripète, le point focal de toute une série d’activités. Bien qu’elle donne accès aux autres cellules, elle n’en devient pas pour autant centrifuge dans la mesure où la majorité des espaces qui la bordent lui étaient probablement étroitement associés (Palyvou 2002 : 173-174). L’aile ouest de l’édifice, accessible depuis la cour centrale, se scindait en deux parties. Vers le Sud, la présumée antichambre (22a), de type b, contrôle l’accès à l’annexe 23 ainsi qu’à la cellule 22b interprétée comme le sanctuaire en lui-même. Une telle disposition permettait probablement de garantir un contrôle des circulations plus étroit en direction de cette zone. Bien qu’il soit difficile d’apprécier les limites réelles de l’espace 27, nous optâmes pour un espace 27 largement ouvert sur la cour centrale et juste au Sud de ce dernier, un espace de transition (cercle noir sur le graphe) desservant les cellules 24, 25 et 26905. Au Nord comme à l’Est, la cour centrale (1) se prolonge par des portiques de type d également. Tous deux donnent accès à la salle à colonne (16), de type c, dotée d’une annexe de type a, la cellule 17. Au Nord, les cellules 4 et 5, deux espaces de type c sont largement ouverts sur le portique nord. La cellule 5 est la base des circulations de l’aile nord dans la mesure où elle commande l’accès à l’étage, à la zone de stockage (8 - type b - et 7-9 - type a) ainsi qu’à la cellule 11 qui dessert finalement la salle dallée (10). Si l’on considère seulement l’entrée par le corridor (6) (Fig. 411), on constate que le graphe n’évolue guère. Seuls la cour est (38) et le système d’entrée nord (15-12) sont relégués plus profondément et consécutivement moins aisément accessibles. Au contraire, dans la perspective de l’entrée principale (12) (Fig. 412), le graphe présente dix niveaux de profondeur et la majorité des cellules perde en accessibilité. Néanmoins entre les sixième et dixième niveaux, le graphe s’agence globalement de manière similaire. Les valeurs quantitatives n’évoluent qu’assez peu en fonction du fait que l’extérieur soit pris en compte ou pas dans les calculs (Fig. 413). La cour centrale est sans conteste la cellule la mieux intégrée au système. Elle l’est quasiment deux fois plus que les cellules qui la suivent en termes d’intégration, c'est-à-dire deux entrées qui y mènent - les cellules 36 et 6 - ainsi que la cellule 5 et la salle à colonne (16). En ce qui concerne cette dernière, elle nous semble constituer le point de rencontre idéal au sein de l’édifice entre ‘résidents’ et ‘visiteurs’ (dans le sens théorique de ces dénominations). En effet, d’une part, elle dispose d’une intégration assez prononcée, d’une autre, elle est desservie de manière multiple, depuis l’intérieur du bâtiment mais également depuis l’extérieur, par le biais de l’entrée (19) et de la cellule 18. En ce sens, elle nous semble davantage adopter le profil de « representation room » que la cellule 10 dont la ségrégation est la plus marquée du système (Davaras 1997 : 123-124). Les magasins 7 et 9 présentent également une ségrégation particulièrement élevée. Le sanctuaire (22b), les cellules 24-26, l’annexe (17) et l’entrée (19) présentent des valeurs assez similaires, environ trois fois supérieures à celle de la cour centrale. Les cellules présentant une forte valeur de contrôle sont, dans l’ordre décroissant, l’espace de transition menant aux cellules 24-26, la cour centrale, la cellule 5, la cellule 8 et la cellule 22 (Fig. 414).
224L’intégration visuelle fait très nettement écho aux résultats de la syntaxe spatiale (Fig. 415a). On peut ainsi y constater, la prééminence de la cour centrale (1) ainsi que l’intégration relativement forte des cellules 5, 16 et selon toute vraisemblance, 27. La ségrégation plus élevée de la cellule 10, des magasins (7) et (9), de l’annexe (17), de l’entrée (19) ainsi que des cellules 24-26 et de la zone du sanctuaire à banquettes (22b) est également évidente. Ces espaces apparaissent, pour la plupart, dans un état de réclusion visuelle assez prononcé quand on prête attention aux étapes de profondeur visuelle (Fig. 415b). Il apparaît également que la partie sud de la cour centrale, étroitement associée au présumé sanctuaire (22a-b et 23), était directement visible depuis l’entrée (36). Le potentiel de contrôle visuel de la cour centrale (1) est évident (particulièrement dans la partie nord, étroitement associée aux portiques) et n’a de parallèle qu’à la jonction entre la cellule 5 et l’entrée de la zone de stockage en 8 (Fig. 415c). En termes de contrôlabilité, l’ensemble de la superficie de la cour centrale (et dans une moindre mesure la cellule 36) atteint des valeurs très élevées (Fig. 415d). Si l’on admet l’hypothèse traditionnelle qui fait de la cour centrale le lieu privilégié de représentations diverses (attestées à Makryghialos par la présence de l’autel) il n’est pas étonnant que cette zone ait pu être ‘surveillée’ ou dominée visuellement de manière aisée906.
225Comme nous l’avons déjà évoqué, le bâtiment de Makryghialos disposait de deux approches distinctes : l’accès via le corridor (6) depuis la cour ouest et l’accès principal nord via le corridor (12). Avant d’aborder ces dernières, il peut être intéressant de faire une brève remarque sur le mur de clôture sud de la cour centrale. Davaras le qualifia de ‘péribole’ pourvu d’un redan décoratif (Davaras 1997 : 121). Même s’il consentit à ce que ce mur puisse avoir été rebâti dans le courant du MRIB, il l’attribua malgré tout à la construction initiale du bâtiment (Davaras 1997 : 135). Driessen attira l’attention sur le tracé particulier de ce mur et son unique fonction de restriction d’accès (Davaras 1997 : 135 ; Troubled Island : 221). Comme Davaras le fit également remarquer, les palais étaient souvent dotés d’une ouverture vers le Sud (Davaras 1997 : 121 ; MacDonald 2002 ; Letesson et Vansteenhuyse 2006 : 103 et 108-109). Peut-être Makryghialos l’était il également dans un premier temps (Troubled Island : 121). Le profil même du corridor (6), étroit et allongé, ne laisse aucun doute sur le fait qu’il faisait probablement fortement écho à l’axe arrière-avant d’une personne l’empruntant, drainant les circulations en direction de la cour centrale907. À ce titre, Davaras le compara même au Corridor of the Procession de Knossos ou au Paved Corridor de Gournia (Davaras 1997 : 121, n. 25). Au contraire, l’entrée en chicane par le corridor (12) n’a en elle-même rien de direct et commande de surcroît un trajet très alambiqué vers l’intérieur de l’édifice : « Thus, visitors were required to follow a long, indirect path, making several - three or rather four - right-angle, labyrinthine turns in order to reach the center of the building. […] it is so complicated and ‘circular’ that it reminds one of a circumambulation. » (Davaras 1997 : 122). Il apparaît donc que depuis l’entrée nord, la progression vers la cour centrale et l’intérieur du bâtiment n’était pas si aisée que cela. Si l’on admet que cette dernière était l’entrée principale, l’édifice aurait pu avoir une perméabilité légèrement moins prononcée qu’il n’y paraît de prime abord ou, tout du moins, aurait bénéficié d’un accès volontairement rendu moins intuitif par son profil tortueux. Au niveau de l’espace 37, la progression pouvait soit être très franche, intuitive et directe (via 36) en direction de l’Ouest vers la cour centrale et le secteur du sanctuaire à banquettes, soit emprunter la cellule 19 et à nouveau faire l’objet d’un parcours à axe brisé en direction de la salle à colonne (16)908. La cour centrale (1) est avant tout un espace ouvert dont la forme se prête davantage à l’occupation909. Néanmoins, les nombreuses ouvertures qui la relient aux cellules spatiales environnantes diminuaient très certainement son caractère statique et invitait localement au mouvement (Letesson et Vansteenhuyse 2006 : 100). En ce qui concerne l’aile ouest, il est difficile d’apprécier l’impact que l’architecture pouvait avoir sur ses utilisateurs dans la portion nord étant donné l’état assez incertain de la conservation des structures. Dans la portion sud, occupée par le prétendu sanctuaire à banquettes, il est évident que les espaces sont agencés de manière à ce que la progression soit assez directe de la cour centrale à l’antichambre (22a) mais nettement moins intuitive en direction de l’annexe (23) ou du sanctuaire en lui-même (22b). Les portiques nord et est sont davantage à considérer comme un prolongement de la cour centrale que comme partie intégrante des structures construites qui la bordent910. En tant que tels, ils fonctionnaient très certainement comme des passages couverts911. Qu’il s’agisse de la salle à colonne (16) ou des cellules 4 et 5, l’état actuel des ruines donne l’impression d’une très grande unité spatiale. En effet, bien que ces espaces soient assez bien définis architecturalement, le côté qu’ils présentent en direction des portiques (et par extension de la cour centrale) l’est nettement moins, voire pas du tout. En ce qui concerne le reste de l’aile nord, les cellules sont bien singularisées. On accède à la zone de stockage en rupture avec l’axe qui mène de la cour centrale vers 5 par le biais du portique nord. Avant d’aborder l’architecture de Makryghialos en tant que domaine actif, il peut être intéressant, comme dans le cadre de l’étude des autres bâtiments dotés de cours, d’appréhender l’impact visuel que les structures architecturales environnant les espaces ouverts ont pu avoir sur les utilisateurs de l’édifice lorsqu’ils s’y tenaient912. En ce qui concerne la façade ouest, étant donné qu’elle était pourvue d’un redan caractéristique et construite en blocs de taille, au moins pour les premières assises, on peut raisonnablement se demander si elle ne jouait pas le même rôle que ses pendants palatiaux913. Malheureusement, il est à ce jour impossible d’apprécier l’étendue réelle de la cour ouest à Makryghialos. Il reste malgré tout possible d’adopter une démarche inverse à celle qui fut utilisée jusqu’ici dans les différents exemples. C'est-à-dire partir de la hauteur présumée des structures architecturales donnant sur la cour ouest pour apprécier l’étendue maximale que cette dernière pouvait avoir pour que la façade ouest conserve son impact visuel fort aux yeux d’une personne située à l’extrémité occidentale de la cour. En partant du principe que l’aile nord-ouest de Makryghialos comptait pour le moins un étage (attesté par la présence d’un escalier) et sur base des hauteurs définies par Graham914, on peut émettre l’hypothèse que la façade sur la cour ouest mesurait environ 6m50915. Si l’on en croit la règle de Märtens selon laquelle un édifice commence à dégager une impression visuelle forte à partir d’un angle de 18° entre la ligne de vision horizontale de l’observateur et le sommet de l’édifice en luimême, la cour ouest devait avoir une longueur n’excédant pas 14m80 (10m10 pour une façade de 5m de haut) pour que la façade ouest puisse être considérée comme ayant un impact visuel fort sur les personnes s’y trouvant916. Selon toute vraisemblance, vu la taille générale de l’édifice de Makryghialos, une largeur de la cour ouest n’excédant pas une quinzaine de mètres semble clairement probable. En ce qui concerne la cour centrale, il semble plus intéressant d’envisager l’ellipse de vision (angle de 14° au dessus de l’horizontale) et la zone de vision optimale (angle de 25° au dessus de l’horizontale) dans l’espoir de déterminer à partir de quelle hauteur une impression d’écrasement et d’oppression visuelle pourrait avoir existé917. Aussi, pour une personne (1m60) située au milieu de la cour, la façade nord à environ 6m25 de distance et dont on estime hypothétiquement la hauteur à 6m50, se serait située à un angle de 37° (28° pour une façade de 5m de hauteur) au dessus de l’horizontale. Évidemment, la cour centrale étant deux fois moins large que longue la situation serait encore plus prononcée en rapport avec les façades ouest et est. Dans un cas comme dans l’autre, l’angle visuel aurait pu suffire à créer une certaine sensation de cloisonnement spatial ou tout du moins, de stress visuel. Dans l’optique où l’on imagine la cour centrale de Makryghialos comme pôle de rassemblement, on peut se demander si le bâtiment était réellement doté d’étage de tous côtés918. En effet, on imagine difficilement que les personnes s’y étant rassemblées aient été désagréablement affectées par les structures architecturales environnantes919.
226En ce qui concerne l’architecture en tant que domaine actif, diverses zones de Makryghialos méritent quelques commentaires. Qu’il s’agisse du sanctuaire à banquettes (sphères centrées sur les banquettes) ou de la salle à colonne (sphères centrées sur la colonne), il apparaît évident que dans les limites mêmes de ces espaces, la communication fonctionnait certainement selon les modes intime/personnel (gris anthracite) et/ou social (gris foncé) (Fig. 416). Néanmoins, il n’est pas impossible, particulièrement pour la cellule 16 dont la partie ouest n’est pas réellement circonscrite si ce n’est par le portique, qu’on ait participé aux manifestations que ces cellules accueillaient depuis l’extérieur. Dans ce cas précis, les personnes impliquées dans la représentation aurait alors du faire appel à un mode de communication plus public (sans doute de portée restreinte - gris de tonalité moyenne). Au contraire, la cellule 10, relativement bien circonscrite, n’accueillait certainement guère plus que des manifestations d’ordre intime/personnel ou social. Si l’on envisage la cour centrale en plaçant les sphères en rapport avec ses points d’accès extérieurs (en 6 et 36) ainsi qu’au niveau des portiques920 (Fig. 417), on remarque qu’elle pouvait avoir un profil s’échelonnant entre la sphère de communication sociale (gris foncé) et publique de portée restreinte (gris de tonalité moyenne) sur une majeure partie de sa superficie alors qu’au contact étroit des cellules qui la bordent, elle pouvait probablement être le lieu d’une communication de nature plus restreinte. Évidemment, si l’on utilise l’autel susmentionné comme point focal (Fig. 418), il apparaît évident que pour des observateurs situés dans la partie sud de la cour centrale, la communication devait alors fonctionner selon des modalités publiques (de portée restreinte - gris de tonalité moyenne - et même de portée étendue - gris clair)921.
Achladia
227C’est en 1952, à un endroit appelé Riza que N. Platon mit au jour les vestiges de la maison A (Fig. 419) (Platon 1952 ; 1959 ; Preziosi 1983 : 20-23, 26-27, 35-36, Fig. I. 12 et p. 332-335, Fig. IV. 3. A-B ; Aerial Atlas : 48-50 ; Troubled Island : 224-225, Fig. 7. 76 ; Platon 1997 ; Tsipopoulou et Papacostopoulou 1997 ; Mantzourani et Vavouranakis 2005) à proximité du village moderne d’Achladia. Surplombant la baie de Siteia, l’édifice se trouvait dans la position topographique la plus avantageuse de la petite vallée fertile au sein de laquelle il se trouvait (Platon 1997 : 202 ; Mantzourani et Vavouranakis 2005 : 100-101). Contrairement à l’idée que défendit réçemment L. Platon (Platon 1997 : 202), la maison A ne semble pas isolée. En effet, dès les premières fouilles, N. Platon repéra des structures proches alors que des prospections plus récentes attestèrent également de l’existence d’implantations néopalatiales diverses dans le secteur922. L’édifice aurait été bâti au MMIIIA923 et probablement détruit par tremblement de terre au MRIA (Aerial Atlas : 50 ; Troubled Island : 225)924. Plutôt que d’être interprétés comme une barrière ou un enclos associé à l’édifice, les murs se trouvant à proximité ont réçemment été identifiés comme rampe potentielle, à flanc de colline, donnant accès au vestibule et créant un léger dégagement en face de l’entrée (Mantzourani et Vavouranakis 2005 : 104-105). La maison A d’Achladia mesure environ 20m du Nord au Sud et 14m d’Est en Ouest (289m ²) (Preziosi 1983 : 333 ; Platon 1997 : 187). Elle présente un plan rectangulaire925 et ses murs étaient construits de grands blocs de calcaire grossièrement taillés (Platon 1997 : 187 ; Mantzourani et Vavouranakis 2005 : 103-104). Outre diverses considérations relatives au tracé de l’édifice, Preziosi insista sur les cellules 1, 6, 7, 8 et 9 qui forment le modèle spatial récurrent d’un carré au sein d’un carré (square-within-a-square pattern) (Preziosi 1983 : 20-22 et 25-27). Bien que les connexions spatiales puissent paraître évidentes à la vue du plan, quelques remarques doivent être formulées926. L’hypothèse de L. Platon selon laquelle le mur nord du vestibule (1) pourrait avoir été perçé de 4 ouvertures dans une première phase de l’édifice n’est pas retenue927. De même, sa reconstitution d’un escalier externe le long de cellules 4 et 3 n’est pas intégrée928. Toujours selon lui, l’absence de dallage dans la partie nord du vestibule (1), la construction d’un mur entre les cellules 1 et 6, l’épaisseur des murs à l’angle sud-ouest de la pièce 9 et divers indices de la présence d’un étage, sont autant de preuves de l’existence d’un escalier dans le vestibule (Platon 1997 : 193 ; voir également Troubled Island : 225 pour le mur ajouté entre 1 et 6). L’existence d’un escalier étroitement associé de la sorte à un vestibule n’est pas chose rare en architecture minoenne. Néanmoins, le fait que ce vestibule (1) soit unanimement présenté comme s’étant trouvé en plein air remet sérieusement en cause l’existence d’un escalier à cet endroit (Platon 1997 : 189 et 202)929. Il faut également préciser que l’ouverture que Preziosi identifia comme une fenêtre interne (Preziosi 1983 : 21 et 22) était probablement une porte. En effet, les premiers rapports et l’examen réçent de L. Platon l’identifièrent en tant que telle (BCH 1960 : 823 ; Platon 1997 : 192, Fig. 11). Ces remarques mises à part, l’édifice révéla, de manière générale, de la poterie domestique, des équipements de nature agricole ainsi que des outils en pierre (Platon 1997 : 187, voir notamment p. 193, Fig. 12 et p. 201, Fig. 31a ; Tsipopoulou et Papacostopoulou 1997 : 209). On y mit également au jour, dans la pièce 2, un rhyton en forme de chèvre sauvage (Platon 1959 : 213 ; Platon 1997 : 193-194, Fig. 14). La pièce 3 était dotée de banquettes le long de ses murs sud et ouest (Preziosi 1983 : 21 ; Platon 1997 : 194)930 alors que les cellules 4 et 5 furent présentées par L. Platon comme particulièrement adaptées à la préparation de nourriture et au stockage de divers objets et denrées931. Les pièces 10, 11 et 12 n’étaient accessibles que depuis l’entrée ouest (Platon 1997 : 192). Il se pourrait, selon Preziosi, qu’elles aient formé des étables (Preziosi 1983 : 21)932. Ce dernier considéra également les cellules 2a, 2b et 3 comme les éléments constitutifs d’une salle minoenne (Preziosi 1983 : 35)933.
228Le plan justifié d’Achladia A frappe par son importante distributivité (Fig. 420). En effet, hormis la partie nord-ouest (cellules 10-12) qui forme une séquence linéaire, l’ensemble du graphe est formé d’anneaux. Les cellules 1, 2b, 6 et 3 sont à la jonction de plusieurs anneaux et sont donc de type d. En toute logique, les espaces restants sont de type c. Le vestibule (1) est le seul point de pénétration dans la partie principale de l’édifice. Au Nord, il s’ouvre sur la salle à pilier (9), à l’Ouest sur le corridor (6) et au Sud, sur les les cellules 2a et 2b qui ne sont séparées que par une série de supports verticaux dont les bases furent repérées (Preziosi 1983 : 21 ; Troubled Island : 224)934. La cellule 2b et le corridor (6), joints par une porte, s’ouvrent tous deux sur la salle à banquettes (3), le premier par une baie à portes multiples, le second par une ouverture simple. La cellule 3 s’ouvre sur deux cellules (4 et 5) qui communiquent entre elles. Au Nord, l’espace 7 desservi par le corridor (6) s’ouvre sur la cellule 8 munie d’une porte sur 9. L’impression que laisse l’agencement cellulaire de la partie principale de l’édifice est celle d’une flexibilité spatiale extrêmement prononcée. Les cellules 1, 2b, 3 et 6 forment le noyau des circulations mais disposent d’un potentiel de contrôle basique relativement restreint. Au sein d’un tel dispositif, les mouvements peuvent être gérés de manière extrêmement complexe. Un souci d’agencer l’espace afin d’être en mesure d’éviter certaines interférences semble manifeste935. Il est évident que, dans une telle perspective, l’existence d’ouvertures nombreuses devait permettre de baliser cette articulation, cette différentiation des circulations par le biais de l’ouverture ou de la fermeture des portes. De manière générale, bien que présentant une complexité nettement plus grande, Achladia n’est pas sans rappeler le bâtiment de Rousses. En effet, on retrouve au sein de ces deux édifices, un réel souci de différencier les circulations936. En ce qui concerne les valeurs quantitatives, certaines cellules voient leur valeur d’intégration évoluer quelque peu (Fig. 421). Il s’agit des cellules 6, 2b, 3, 4 et 5. Ce sont les cellules 1, 6 et 2b qui présentent l’intégration la plus forte. Hormis les cellules 10-12 dont la position les place dans un état de ségrégation spatiale, ce sont les pièces 4, 5 et 8 qui sont les moins bien intégrées. En termes de valeur de contrôle, le vestibule (1) et la cellule 3 se distinguent des autres espaces (Fig. 422).
229Étant donné les nombreuses ouvertures qui relient certains espaces internes, il est évident que Depthmap produira des résultats légèrement différents de ceux de la syntaxe spatiale. C’est ainsi, qu’en termes d’intégration visuelle (Fig. 423a), la partie nord-est de la cellule 2b domine largement. On retrouve l’intégration assez élevée des cellules 1 et 6 mais également des portions de la salle à banquettes (3). Les étapes de profondeur visuelle permettent d’apprécier la relative aisance de pénétration visuelle vers la salle à pilier (9) alors que l’ensemble de la partie sud de l’édifice se démarque par une réclusion visuelle plus affirmée (Fig. 423b)937. Le potentiel de contrôle visuel semble assez élevé sur une majeure partie de la superficie du bâtiment (Fig. 423c). On notera malgré tout le fait que c’est au sein de la cellule 2b, de sa jonction avec la cellule 3 et entre le vestibule (1) et la salle à pilier (9) qu’on l’on retrouve les zones au potentiel le plus fort. En termes de contrôlabilité (Fig. 423d), bien que les cellules 2a et 2b (sa partie nord-est mise à part) semblent avoir été assez aisément dominables visuellement, c’est au sein de la salle à pilier (9) que l’on retrouve le potentiel le plus élevé.
230En ce qui concerne l’approche de la maison A d’Achladia, L. Platon émit l’hypothèse que les deux murets grossièrement construit à l’Est et au Nord-ouest de l’édifice délimitaient les voies d’accès en direction des deux entrées (Platon 1997 : 189). Ces constructions pourraient également avoir restreint l’accès au bâtiment à un certain moment de son histoire, formant des zones abritées, étroitement associées à l’édifice938. Néanmoins, comme évoqué ci-dessus, récemment, une réexamination de l’édifice identifia le mur est comme formant une sorte de rampe d’accès à flanc de colline (Mantzourani et Vavouranakis 2005 : 104-105). Quoi qu’il en soit, la présence d’un long mur parallèle à la façade sud créait un espèce de couloir (Platon 1997 : 189, Fig. 6) qui, d’une certaine manière, aurait aussi pu contribuer à canaliser les circulations vers la zone située à l’arrière du bâtiment. En ce qui concerne l’édifice en lui-même, le profil longitudinal du vestibule (1), couplé au fait qu’à l’air libre, il fonctionnait comme un prolongement du monde extérieur au sein du bâti, contribuait certainement à drainer les mouvements. Néanmoins, l’attraction dynamique était probablement amoindrie par le mur séparant 1 et 6 et par le fait que l’axe visuel allait mourir sur un mur aveugle (entre 6 et 12). L’ouverture sur la salle à pilier (9) étant très proche de l’entrée, elle dut avoir un certain attrait. Malgré tout, étant donné l’allongement du vestibule et les diverses ouvertures vers la partie sud du bâtiment, on peut se demander si, intuitivement, cette direction n’aurait pas été privilégiée. Dans un cas comme dans l’autre, c’est un tracé en chicane qui caractérisait l’itinéraire menant du vestibule aux pièces les plus importantes qui l’encadraient. La partie sud de l’édifice forme spatialement un tout relativement cohérent. En effet, outre le fait que les cellules 2a et 2b étaient comme les deux parties d’un même espace (Preziosi 1983 : 332), la seconde entretenait également une continuité spatiale très forte avec la salle à banquettes (3). Les cellules 4 et 5, nettement plus individualisées, étaient très clairement subordonnées à la cellule sur laquelle elles s’ouvraient à l’Est. De manière générale, il existait assez peu de lignes de tensions au sein de ce bâtiment.
231Bien qu’il n’existe aucune preuve formelle d’activités rituelles à Achladia939, deux des cellules de l’édifice se distinguent de par leur superficie : la salle à pilier (9) et l’ensemble spatiale formé par les cellules 2a-b et 3. Où que l’on place les sphères au sein de la salle à pilier940, il est évident qu’elle présentait une superficie suffisante pour qu’une manifestation impliquant des modalités de communication publiques y ait pris place (Fig. 424). En ce qui concerne la partie sud de l’édifice et en postulant que la zone des banquettes ait pu être le centre d’attention941, on constate, à peu de chose près, que dans le sens de la longueur, la baie à portes multiples et l’allignement de supports verticaux forment les limites entre les différentes sphères de communication (Fig.). Dans une telle perspective, on retrouve le rôle liminal que Marinatos et Hägg mirent en évidence pour le polythyron (Marinatos et Hägg 1986). Étant donné qu’hormis l’analogie plus qu’hypothétique faite avec Rousses, rien ne permet d’identifier cette zone comme ayant eu une fonction rituelle quelconque, il serait vain de la commenter plus en détails. Néanmoins, il peut être intéressant de faire remarquer, qu’envisagés ensemble, les espaces 2a-b et 3 offrent une superficie suffisante pour qu’une manifestation nécessitant des modalités de communication largement publiques prenne place (portée publique portée restreinte - gris de tonalité moyenne - et étendue - gris clair).
Klimataria-Manares
232L’édifice de Klimataria (Tsipopoulou et Papacostopoulou 1997 : 203, n. 4 ; Troubled Island : 225, Fig. 7. 77 ; Mantzourani et al. 2005 : 760, Fig. 13) (Fig. 425 et 426) se situe juste au Sud de la ville moderne de Siteia, sur la pente orientale d’une colline basse nommée Manares (Mantzourani et al. 2005 : 744). Ses ruines se situent de part et d’autre d’une route moderne. Topographiquement, l’édifice jouissait d’une situation remarquable. En effet, il disposait d’une vue sur le golfe de Siteia et sur la majorité de la vallée à l’Ouest de la rivière Stomion qui courrait au pied de la colline et mettait peut-être le site en relation avec le golfe susmentionné (Mantzourani et al. 2005 : 744 et 770). Outre le fait que la rivière irriguait certainement la vallée garantissant l’existence de terres arables à proximité du site, elle fut fort probablement naviguable et consécutivement utilisée pour le trafic de biens et de personnes vers l’intérieur des terres (Tsipopoulou et Papacostopoulou 1997 : 210 ; Mantzourani et al. 2005 : 754 et 770). Cela offrait au bâtiment de Klimataria une position stratégique indéniable. De plus, selon toute vraisemblance, l’édifice était isolé et ne faisait pas partie d’un établissement (Tsipopoulou et Papacostopoulou 1997 : 210 ; Mantzourani et al. 2005 : 773). Le site fut découvert en 1952 lors de la construction d’une route reliant Siteia à Hierapetra et fouillé dès cette année par N. Platon jusqu’en 1954 (Mantzourani et al. 2005 : 744, n. 11, Fig. 5 et 6). Malheureusement, avant même que l’archéologue puisse intervenir, la partie centrale de l’édifice fut fortement affectée par les bulldozers (Mantzourani et al. 2005 : 744). Platon ne laissa que des rapports préliminaires mais, très récemment, l’édifice fut réexaminé par une équipe grecque dans le cadre d’une étude des villas de Crète Orientale (Mantzourani et al. 2005)942. Au point de vue chronologique, l’édifice fut daté par Platon du MMIIIA-MRIA (Troubled Island : 225 ; Mantzourani et al. 2005 : 744 et 763) sans que plus de précision soit apportée par la suite au point de vue de la datation. En termes de matériaux et de techniques de construction, l’impression générale est que l’élaboration des murs est relativement grossière943. Seuls l’escalier (2) et les cellules 11 et 18 dérogent à cette règle. En effet, ils sont bien plus soigneusement bâtis, tant au point de vue technique qu’en termes de matériaux, que le reste de l’édifice944. L’édifice, qui mesure environ 21m sur 30m (486m ²), parait avoir été soigneusement planifié comme en atteste l’allignement approximatif des angles du bâtiment sur les points cardinaux ainsi que l’utilisation d’un module de mesure récurrent (Mantzourani et al. 2005 : 757-758, n. 51 et p. 771). Selon toute vraisemblance, l’édifice s’élevait en quatre terrasses en direction de l’Ouest (Mantzourani et al. 2005 : 758, Fig. 12)945. L’état actuel des ruines ne permet pas d’établir le nombre d’étages que supportaient ces différentes terrasses. Néanmoins, l’épaisseur et la construction massive des murs ainsi que la présence de bases de colonne en 24 et 28 rendent plus que probable l’existence d’au moins un étage (Mantzourani et al. 2005 : 758)946. Les travaux que l’équipe grecque mena à bien tendirent à prouver que les cellules 6 à 10 formaient une zone réservée au stockage et à la cuisine (Mantzourani et al. 2005 : 759-761)947, probablement relativement isolée du reste de l’édifice948. Étant donné qu’ils se situent pour la majeure partie de leur tracé sous la route, il est difficile d’apprécier la nature des espaces 14, 15 et 16949. La zone occupée par les cellules 3, 4 et 5 aurait formé, si l’on en croit Platon, les fondations de docks étroitement associés à la rivière et la partie sud de 9 une sorte de bastion ou un môle (Mantzourani et al. 2005 : 761-762 ; Troubled Island : 225). Au delà de la route, vers l’Ouest, la pièce 28, dotée d’une base de colonne, est celle dont la superficie est la plus importante dans l’état actuel des vestiges. Elle devait probablement être une des mieux aménagées dans la mesure où son sol était couvert de grandes dalles950. En ce qui concerne les espaces 30, 31 et 32, il apparût évident que l’escalier 29 n’y menait pas951. En conséquence de quoi, il s’agissait probablement d’espaces secondaires. Les cellules 31 et 32 étaient sans doute des espaces dépourvus de porte, accessibles depuis l’étage et qui pourraient avoir servi à entreposer des denrées nécessitant un endroit frais (Mantzourani et al. 2005 : 765, n. 75). La cellule 24, également dotée d’une base de colonne, était pourvue de trois seuils (vers 19, 26 et 25) et révéla le même type de matériel céramique que la cellule 28 (Mantzourani et al. 2005 : 765, n. 78). Un canal de drainage fut découvert dans le couloir (23), ce dernier empruntait les espaces 20 et 25, débouchait au niveau de l’espace 22 qui était probablement en plein air (Mantzourani et al. 2005 : 765 et 767) et se déversait alors à travers la façade nord vers l’extérieur de l’édifice952. Les pièces 19, 20, 21, 26 et 27 furent presque totalement oblitérées par la route moderne. Néanmoins, il semble que la pièce 19, dans laquelle on retrouva un couteau, était pavée, au même titre que les cellules 20 et 21 au sein desquelles furent également mis au jour des dalles ayant certainement servis de supports à des vases (Mantzourani et al. 2005 : 765-766)953. Les deux grands escaliers encadrant l’édifice au Nord et au Sud ainsi que les espaces 11, 12, 13 et 18 sont abordés en détails lors de l’analyse de la syntaxe spatiale étant donné le rôle primordial qu’ils semblent avoir joué en ce qui concerne les circulations au sein du bâtiment. Au terme de son travail, l’équipe grecque définit l’édifice en ces termes : « Klimataria is an exceptional building, certainly larger, more complex, and more sophisticated than any average house. […] It occupied a rank in between house and palace, being semi-private and semi-public in function. » (Mantzourani et al. 2005 : 773-774)954.
233Le plan justifié de Klimataria (Fig. 427) est basé sur la reconstitution proposée par les chercheurs grecs (Mantzourani et al. 2005 : 760, Fig. 13 et p. 762, Fig. 14) et les différentes connexions établies entre les cellules seront justifiées sur base des arguments de ces derniers et des relations spatiales dont ils affirment ou postulent l’existence. À la vue du graphe, il apparaît évident qu’il se divise en deux parties dont chacune est desservie par un des grands escaliers externes (1) et (2). Ces derniers forment véritablement l’échine du bâtiment dans la mesure où ils mettent en relation les différentes terrasses les unes avec les autres (Mantzourani et al. 2005 : 771). Dans l’état actuel des ruines, il convient également de remarquer que la partie du graphe liée à l’escalier (1) est clairement illustrée par une certaine distributivité à l’inverse de la partie à laquelle on accède par l’escalier (2) où la non-distributivité est évidente955. En ce qui concerne l’escalier (2), qui selon toute vraisemblance était à ciel ouvert (Mantzourani et al. 2005 : 767), il s’agit d’un espace de type b. Il disposait donc d’un potentiel de contrôle assez fort. En soi, cette constatation n’a rien d’étonnant si l’on se fie à l’identification qu’en proposa l’équipe grecque. En effet, ils estimèrent que l’escalier (2) et le vestibule (18-11) formaient l’entrée officielle et principale du bâtiment (Mantzourani et al. 2005 : 769)956. L’escalier débouchait à l’Ouest sur l’espace 22 qui était également ouvert. Également de type b, ce dernier donnait accès à la cellule 21, de type a, mais probablement aussi à un escalier prolongeant (2) et permettant certainement d’accéder à des pièces situées au dessus des espaces 21 et/ou 27957. C’est surtout au double vestibule (18-11) que l’escalier donnait accès. D’après l’équipe grecque, ce double vestibule958, au même titre que son équivalent sud (12-13), formaient le pivot principal des circulations :
The nodal points of the circulation system were the two vestibules, since all communication revolved around them. […] [They] filtered traffic as they gave access to the assumed internal staircases to the upper floors and also to room [6] and the lower floor. […] In addition, the vestibules are the only rooms at the level of a mezzanine floor ; in other words they were the only rooms not to be placed at one of the terraces. Thus, they stand apart from the rest of the rooms of the edifice. In this sense they occupy a liminal place, between two floors, between the outside and the inside of the building, and thus between the residents and the visitors (Mantzourani et al. 2005 : 773).
234Bien qu’il soit évident que l’espace 18 communiquait par le biais de quelques marches avec l’espace 11 (Mantzourani et al. 2005 : 767), l’ouverture de cette dernière en direction de la cellule 10 est hypothétique959. En ce qui concerne les espaces 16 et 17, comme on le voit sur la reconstitution isométrique, l’équipe grecque postula l’existence d’un escalier de quelques marches y menant depuis le vestibule (18) (Mantzourani et al. 2005 : 769 et p. 762, Fig. 14). Pour en finir avec la zone desservie par l’escalier nord, on peut constater que la nondistributivité rendait possible un contrôle étroit et basique des circulations dans la mesure où elles étaient cantonnées dans des séquences linéaires d’espaces de type b. En ce qui concerne l’escalier (1), on se trouve dans une situation totalement différente. En effet, étant de type d, cet espace permet une grande fluidité de mouvement et perd consécutivement en potentiel de contrôle. Il donne accès à la pièce de stockage (6), au vestibule (12) mais également au petit couloir (23). Les connexions spatiales entre les cellules 1, 6, 12 et 13 qui forment un anneau interne sont bien attestées. Néanmoins, il parut peu probable à l’équipe grecque que le vestibule (12-13) n’ait servi qu’à mettre en contact l’escalier sud avec la zone de stockage. Aussi proposèrent-ils deux alternatives pour mettre en relation le vestibule avec les cellules 14 et 19 et par conséquent, la deuxième terrasse en rapport avec la troisième (Mantzourani et al. 2005 : 767-769)960. À l’Ouest de l’édifice, la salle à colonne (24), accessible par le couloir (23) ou la cellule 19, s’ouvrait sur deux espaces de transition dont l’un donnait à son tour sur l’escalier cul-de-sac (29) et la cellule 26. L’édifice étant pourvu de deux voies d’accès distinctes, il pourrait être intéressant de les envisager séparément. Néanmoins, il n’est pas nécessaire d’en refaire les graphes dans la mesure où il suffit de ne prendre qu’une des moitiés du plan justifié pour les obtenir. Comme nous l’avons évoqué, chaque escalier dessert une partie de l’édifice caractérisée, dans l’état actuel des vestiges, par une gestion de l’espace bien distincte. Là où la partie nord est caractérisée par un potentiel de contrôle étroit par le biais d’une arborescence non-distribuée, la partie sud frappe par la flexibilité spatiale qu’elle rend possible. En effet, la majorité des espaces sont de type c ou d et permettaient donc certainement aux circulations de s’agencer de manière très subtile. Si l’on se fie à l’hypothèse de l’équipe grecque :
The southern staircase [1] served mainly storage and cooking areas, while the northern staircase [2] might have served the main quarters of the building through the northern vestibule. Therefore, the possibility of different circulatory patterns for secondary rooms and living apartments through distinctive vestibules is a serious hypothesis (Mantzourani et al. 2005 : 769).
235Ces constatations méritent quelques commentaires. De tels agencements cellulaires auraient permis, dans la partie nord, de se prémunir d’une pénétration trop aisée du monde extérieur ou tout du moins, de la circonscrire au sein d’un réseau de circulations aisément contrôlable. Alors que dans la partie sud, sans doute de nature plus fonctionnelle, les multiples possibilités de mouvements auraient permis une utilisation plus flexible de l’espace961. En ce qui concerne les valeurs quantitatives, certaines présentent une variation assez forte quand l’extérieur n’est pas pris en compte alors que d’autres n’évoluent pour ainsi dire pas (Fig. 428). De manière générale, la configuration que présente l’édifice tel qu’il est restitué par l’équipe grecque tendrait à souligner l’existence d’une interface adaptée à la gestion des rapports entre résidents et visiteurs. Parmi les cellules dont l’intégration devient clairement plus manifeste lorsque l’extérieur n’est pas pris en compte, on retrouve, dans l’ordre décroissant, les cellules 24, 18, 19, 18, 11 et 14. Les cellules étant dans un fort état de ségrégation sont les cellules 21, 26, 29 et principalement 8 et 9. Les espaces présentant d’importantes valeurs de contrôle sont, dans l’ordre décroissant, la cellule 18, l’espace de transition vers 26/29, la cellule 10, la cellule 22 et l’escalier (1) (Fig. 429).
236Étant donné la nature syntaxique particulière de l’édifice, les plans générés grâce à Depthmap permettent d’affiner l’analyse. L’intégration visuelle permet de bien saisir la ségrégation visuelle de la partie nord de l’édifice, à l’exception toutefois du vestibule (18) (Fig. 430a). Cette ségrégation est particulièrement forte en ce qui concerne les cellules 8, 9, 10, 16, 17 et 21. La partie sud de Klimataria est globalement mieux intégrée, à l’exception de la partie est de l’escalier (1) et de la zone de stockage (6). C’est au niveau des cellules 14, 19 et 24 que l’on retrouve l’intégration visuelle la plus importante. En ce qui concerne les étapes de profondeur visuelle (Fig. 430b), on constate la réclusion particulièrement prononcée de la zone de stockage (8-10), ainsi que, dans une moindre mesure, de la partie ouest du bâtiment. Comme à l’accoutumée, c’est au niveau des points de décision que l’on retrouve le potentiel de contrôle visuel le plus prononcé (Fig. 430c). Les pôles les plus importants se situent au sein de la salle à colonne (24), dans les escaliers (1) et (2) à leur ouverture sur le système de vestibules ainsi que dans l’espace 22. De manière générale, la contrôlabilité visuelle est relativement forte dans la partie nord du bâtiment ce qui fait fortement écho aux constatations émises au sujet de ce secteur dans l’analyse de la syntaxe spatiale (Fig. 430d). Une contrôlabilité élevée se retrouve également dans la portion est de l’escalier (1), dans la cellule 6 ainsi que, dans une moindre mesure, au sein de la pièce 24.
237En ce qui concerne la perception que l’on pouvait avoir du bâtiment de Klimataria depuis une perspective extérieure, la rivière devait clairement l’isoler de ses environs immédiats. Couplé à cet état de fait, l’existence des grands escaliers, les quatres terrasses et la projection bastionnée de la partie est de la cellule 9 devaient certainement donner à l’édifice une impression visuelle pour le moins monumentale (Mantzourani et al. 2005 : 770)962. Comme nous l’avons évoqué, les escaliers (1) et (2) étaient les deux points de pénétration principaux au sein de l’édifice. En ce qui concerne l’escalier (1), un palier fait d’une grande marche de pierre aujourd’hui disparue fut mis au jour par Platon (Mantzourani et al. 2005 : 767). Il mettait en relation directe la berge de la rivière avec le bâtiment. L’escalier (2) était caractérisé, outre son tracé à redans, par l’utilisation d’une technique de construction moins rudimentaire. De plus, l’entrée qui y était associée, les vestibules (18-11), se distinguait du reste de l’édifice par l’emploi d’un grès dunaire qui, à la différence des autres matériaux, n’était pas d’origine locale et qui donnait une unité de couleur à cette zone tout en la différenciant du reste de l’édifice963. De manière générale, ces deux escaliers étaient probablement utilisables à la fois par des personnes et des animaux du à leur inclinaison relativement régulière : « They are almost like shallow ramps, appropriate for a long, comfortable ascent. […] They would be easily mistaken for streets if they were not so integral to the building. » (Mantzourani et al. 2005 : 772-773). Quoi qu’il en soit, leur disposition faisait très certainement écho à l’axe arrière-avant d’une personne leur faisant face. Néanmoins, le caractère plus ouvert de l’escalier (2), le fait qu’il débouche sur l’espace ouvert (22) et qu’il soit plus large devait contribuer à canaliser les circulations extérieures en son sein. Au contraire, l’attrait que pouvait revêtir l’escalier (1) était amoindri par le fait qu’il formait un coude. Dans la manière dont semble s’être agencés les couples de vestibules apparaît un évident souci de freiner toute progression intuitive. En effet, les différentes connexions leur étant liées sont caractérisées par des passages en chicane au sein d’espaces bien distincts les uns des autres.
238Sur base des vestiges que l’on conserve aujourd’hui et des tentatives de restitution réalisées par l’équipe grecque, rien ne permet de localiser au sein de Klimataria une zone qui aurait pu accueillir une représentation quelconque. Quoi qu’il en soit, les cellules dont on garde la trace à ce jour n’offrent guère une superficie suffisante que pour qu’une communication dépassant le mode social ait dû être employée en leur sein. Évidemment comme l’évoquèrent les chercheurs grecs, de plus amples pièces à vocation d’accueil ou de nature cérémonielle pourraient avoir été implantées dans les étages disparus de l’édifice (Mantzourani et al. 2005 : 773).
Palaikastro
239Implanté dans une plaine nommée Roussolakkos, le site côtier de Palaikastro se trouvait à proximité d’une baie bien protégée, au pied du sanctuaire de sommet de Petsofa964. La zone était pourvue en eau fraîche, dotée d’un arrière-pays fertile et de zones adaptées au patûrage (Driessen et MacGillivray 1989 : 104)965. La ville et ses environs furent fouillés par l’École Anglaise d’Athènes de 1902 à 1906, en 1962-1963, de 1986 à 1996 et finalement en 2003 (MacGillivray et Driessen 1990 : 396)966. L’histoire du site remonte assez loin. En effet, on repéra les traces de deux petites habitations familiales couplées à une zone funéraire dans la plaine et sur Kastri dès le MA IIA (MacGillivray et Driessen 1990 : 398)967. Au MA IIB, sous le futur bloc Chi, un bâtiment de grande ampleur fut établi (MacGillivray et Driessen 1990 : 399). Néanmoins, ce n’est qu’à partir du MM IB/IIA qu’un établissement plus conséquent (une ville) semble avoir émergé comme en attestèrent les nombreux murs et dépôts de poterie sous divers blocs d’édifices postérieurs (MacGillivray et Driessen 1990 : 399-401). Cette époque est également celle de l’établissement du sanctuaire de sommet de Petsofa, de l’essor de contacts vers l’extérieur et de la mise en place du système de routes et de postes de garde évoqués dans la description de Choiromandres (MacGillivray et Driessen 1990 : 401 et 403)968. Selon toute vraisemblance, Palaikastro était liée par des routes à Karoumes, Zakros et Ambelos (MacGillivray, Driessen et Smyth 1984 : 135-137). Comme très fréquemment dans d’autres sites minoens, une importante vague de destructions, probablement due à des tremblements de terre, frappa l’établissement à la fin du MM IIIA (MacGillivray et Driessen 1990 : 403)969. Consécutivement, la période MM IIIB/MR IA fut caractérisée par la construction de la majorité des édifices qui restèrent utilisés jusqu’à la destruction du MR IB (MacGillivray et Driessen 1990 : 403-404)970. Par la suite, on assista à des réoccupations sporadiques au MR II/IIIA1 et, au MR III2/B, à un véritable programme de réoccupation et à l’apparition de nouvelles constructions (MacGillivray et Driessen 1990 : 406-407)971. Le site fut progressivement déserté à partir de la fin du MR IIIB et seul Kastri révéla les traces d’un petit établissement au MR IIIC972. Du Géométrique Récent au Vème siècle av. J.-C., la région devint un centre cultuel très important avec le temple de Zeus Dictéen et son temenos, établis sur les blocs Pi et Chi (Aerial Atlas : 228 ; MacGillivray et Driessen 1990 : 407-409)973. En termes de superficie, avant sa destruction au MR IB, la ville pourrait s’être étendue sur environ 30 hectares ce qui la place juste derrière Knossos (Driessen et MacGillivray 1989 : 107, n. 62 ; MacGillivray et Driessen 1990 : 406 ; PK Kouros : 35 ; Shaw 2003 : 244, n. 41)974. À la vue du plan de la ville (Fig. 431 et 432), un véritable souci de planification paraît évident (MacGillivray et Driessen 1990 : 403)975. Les rues étaient pavées, dotées de systèmes de drainages élaborés et les édifices regroupés en blocs d’habitation relativement réguliers (MacGillivray et Driessen 1990 : 403 ; Cunningham 2001 : 79 ; Cunningham 2007b). Cunningham fit remarquer que les rues facilitaient davantage le mouvement à travers la ville en elle-même qu’entre les différents bâtiments qui la composaient976. Il fit également remarquer que même si le tissu urbain permettait certainement un trafic considérable, dans l’état actuel de sa préservation, il ne possédait aucun espace véritablement approprié pour accueillir des interactions sociales d’une certaine ampleur977. Outre ce potentiel à accomoder d’importantes circulations, le réseau urbain facilitait également les mouvements de non résidents au sein de la ville (Cunningham 2001 : 81)978. On constate également que l’occupation de la surface au sol était très dense et que cela ne fut certainement pas une conséquence de la topographie locale (Cunningham 2001 : 75 et 76)979. On remarque effectivement, qu’au sein de certains blocs d’habitation, le ou les édifices principaux virent s’agglutiner contre eux des bâtiments plus modestes, notamment en termes de taille (Driessen et MacGillivray 1989 : 106 ; Cunningham 2001 : 75). Branigan évoqua la possibilité que cela puisse trahir le fait que les citadins les plus pauvres aient du se contenter des espaces restant vacants entre les différentes édifices d’une classe plus aisée (Branigan 1976 : 756). Néanmoins, une autre hypothèse fut proposée : « It may […] be suggested that each of the main blocks originally contained a clan or family unit the members of which, who did not leave through marriage, constructed houses against their ancestral home, the latter taking up functions which were not repeated again in the same expanded family unit. » (Driessen et MacGillivray 1989 : 107 ; voir également Cunningham 2007b). Outre cette idée980, on évoqua également la possibilité qu’un mur de fortification ait freiné l’expansion du site à un moment de son histoire (Cunningham 2001 : 75). Néanmoins, hormis quelques traces de murs et les fondations de ce qui pourrait avoir été des tours de défenses rectangulaires (bastions), rien ne permet d’affirmer avec certitude l’existence d’une enceinte (MacGillivray, Driessen et Smyth 1984 : 137, pl. 9c). Outre le fait que les édifices de Palaikastro présentent généralement une superficie moyenne assez élevée (215m2 selon Driessen et MacGillivray 1989 : 106 ; Cunningham 2001 : 82 ; voir également Urbanism, Appendix 1 : 176-177), une haute élaboration architecturale semble caractériser bon nombre d’entre eux : « Interestingly there is no one building at Palaikastro that stands out over the others, rather, these elite signifiers are spread through a number of structures of roughly equal apparent status. » (Cunningham 2001 : 83). Cunningham émit donc l’hypothèse, sur base de cette constatation, qu’en l’état actuel des fouilles, la portion apparente de la ville de Palaikastro formait un quartier habité par les membres d’une élite sociale qu’il n’imaginea pas pour autant être la classe dirigeante (Cunningham 2001 : 83 ; Cunningham 2007b)981. Pour en finir avec cette introduction, il peut être intéressant d’évoquer le fait que, sur base d’une série d’arguments solidement établis982, Cunningham mit en évidence le fait qu’un bâtiment central devait avoir existé à Palaikastro quelle qu’ait été sa forme (Cunningham 2001 : 82-83)983.
240Avant d’aborder plus précisément les structures architecturales sélectionnées dans le cadre de ce travail, il est particulièrement intéressant d’évoquer certaines observations faites par Cunningham dans la mesure où il basa son analyse sur les concepts théoriques sur lesquels se fonde notre propre approche. C’est ainsi qu’il établit que les bâtiments de Palaikastro étaient caractérisés par une ségrégation spatiale élaborée dans la mesure où la pièce la plus intégrée au système était fortement éloignée de la rue et opposa cette tendance aux maisons de Zakros caractérisées par une pièce à pilier central immédiatement accessible depuis la rue :
Houses at Palaikastro are also oriented around a large central room, but this room is usually located at the farthest point from the street and accessible only through a succession of two to three vestibules or corridors. This need for greater segregation may be a consequence of the greater size and density of the settlement at Palaikastro ; however, it may also reflect differences in the social matrix. It is possible that Zakros, with its permeable palace and attached town with similarly permeable houses, was a more homogenous and isolated area, with a far lower occurrence of non-resident interaction. […] Rooms within the houses are not laid out axially. This fundamental difference in the structuring of space, coupled with the placement of main rooms away from the street, might produce a disjunction between public and private space. This disjunction itself would necessitate transitional areas (vestibules, corridors) in the houses. Furthermore, it might heighten resident’s awareness of the street system as a discrete spatial entity (Cunningham 2001 : 79-80).
241Il est évident que ce constat donne d’appréciables pistes de réflexion et qu’elles gagneront à être envisagées à la lumière des résultats de notre propre analyse984.
242Situé le long de la route principale (Main Street), à l’endroit où elle se rétrécissait presque en une ruelle, le bâtiment N (PK VI : 252-268 ; PK VII : 215-213 et 235-239 ; Aerial Atlas : 225, Fig. 32. 4 ; Troubled Island : 230 ; Driessen 2005 : 87) (155m ²) (Fig. 433) se trouvait au Nord-ouest de la partie fouillée de la ville (Fig. 432).
243Une portion de l’édifice en étroite relation avec la rue, le vestibule (1), fut partiellement fouillée en 1905 (PK VI : 252-253). Néanmoins, c’est au cours des années soixante que M. Popham et H. Sackett mirent au jour l’ensemble du bâtiment (PK VI : 252-268 ; PK VII : 215-213 et 235-239). Ce dernier fut certainement érigé durant la phase MM III/MR IA et détruit par un incendie assez violent après avoir été pillé au MR IB (PK VI : 267-268). Des sondages réalisés sous les pièces 7 et 12 attestèrent l’existence d’une occupation au Minoen Ancien et Moyen dans le secteur (PK VI : 258-259 et p. 263)985. Elle était caractérisée par quelques niveaux de sol bas et des murs dans différentes directions. Quoi qu’il en soit, il est possible que l’emplacement de l’édifice néopalatial ait été nettoyé et nivelé avant son établissement (PK VI : 267). De manière générale, aucun indice ne laissa penser à une réoccupation de l’édifice postérieure au MR III (PK VI : 267-268). Durant sa période d’existence, le bâtiment fut affecté par quelques remaniements qui tendent à prouver que sa période de pleine prospérité était déjà bien révolue lors de son pillage et de sa destruction (PK VI : 268 ; Troubled Island : 230)986. L’édifice N couvrait environ 155m2 et contenait une quinzaine de cellules (Urbanism, Annexe 1 : 177 ; PK VI : 253)987. Le vestibule (1) contenait deux niveaux de sol. Le premier était pavé de dalles de schiste bleu et fut par la suite recouvert d’un sol platré que l’on retrouve dans d’autres pièces de l’édifice (PK VI : 253-254). De plus, la largeur de l’entrée s’est vue réduite alors que l’ouverture est de la double porte menant vers la cellule 2 était soit bloquée soit inusitée988. On découvrit, au sein de la pièce 2, une coupelle votive, six coupelles coniques et un support de double-hache en pierre (PK VI : 256). Ces objets furent identifiés comme tombés de l’étage en compagnie d’autres objets (vase à bec ponté, coupelles coniques, support pyramidal de double-hache) trouvés sur le sol supérieur de la partie nord de la pièce 5 ainsi que dans la pièce 3 (cornes de consécration miniatures) (PK VI : 257). La présence de ces trouvailles et le fait qu’elles furent faites dans un périmètre assez restreint invitèrent les fouilleurs à postuler, à l’étage, sans doute au débouché de l’escalier partant de la pièce 2, l’existence d’un sanctuaire domestique989. La pièce 3 semble avoir été une sorte de débarras situé sous l’escalier, un sottoscala accessible depuis la cellule 5 (PK VI : 257). À l’Est du vestibule (1), une porte s’ouvrait vers la cellule 7 (Room of the pithoi). Malheureusement cette zone fut perturbée par une tranchée de pilleurs qui oblitéra le tracé du mur séparant les cellules 7 et 8 de telle sorte qu’il est désormais impossible de savoir si une ouverture les reliait ou pas (PK VI : 258-260)990. On retrouva au sein de la pièce 7 deux des plus belles pièces céramiques de l’édifice : un vase à étrier de style marin et un rhyton à poignées en forme de tête d’agrimi (PK VI : 258 ; PK VII : 216, Fig. 8 et p. 220, Fig. 12). Ces trouvailles provenaient de l’étage où se trouvaient probablement les pièces principales. Les pièces 8-10 formaient certainement le secteur de stockage de l’édifice. La cellule 8 adoptait le profil d’un espace allongé et étroit au sein duquel on retrouva des poids, une lampe en pierre et les fragments d’un bol en pierre tombés de l’étage (PK VI : 260). Selon toute vraisemblance, la pièce 9 formait le compartiment central des magasins, « perhaps de chief store of the house, where pithoi were housed for oil, grain, and no doubt wine » (PK VI : 260). Elle contenait un matériel abondant dont une table en pierre, des vaisselles en bronze fragmentaires et différents types de jarres991. La petite cellule 10 formait un compartiment finement plâtré qui abritait peut-être, selon les fouilleurs, les biens les plus précieux de l’édifice (PK VI : 260). De manière générale, ce secteur présenta d’importantes traces d’incendie, probablement nourri par le contenu de ces sous-sols, ainsi que la preuve du surfaçage délicat des murs de l’étage par le biais de la découverte de nombreux fragments de plâtre coloré (PK VI : 260-261). La pièce 14 gardait les traces d’un sol composé d’un plâtras de chaux incrusté de petits galets ainsi que d’ossements animaux regroupés autour d’un dépôt de cendres laissant présager l’existence d’un foyer de cuisson (PK VI : 264). Certaines découvertes céramiques firent également dire aux fouilleurs que cette pièce pouvait avoir servi à préparer de l’huile ou du vin (PK VI : 264). La cellule 5 formait la pièce centrale du rez-de-chaussée, elle était dotée d’un simple sol plâtré et très certainement couverte comme en attesta l’absence d’un système de drainage en son sein (PK VI : 264 et 268). Les fouilleurs estimèrent qu’on s’y regroupait peut-être pour manger992. Cette pièce était dotée d’au minimum six seuils et gardait également des traces de modification dans la mesure où une deuxième ouverture vers la cellule 17 sembla avoir été bloquée, peut-être au même titre que l’accès vers le corridor (16) (PK VI : 265). Ce dernier menait certainement à une ruelle secondaire et était probablement fermé par une porte à l’Ouest (PK VI : 265)993. La pièce 17 fut utilisée à des fins de stockage alors que la cellule 18 servait très certainement de garde-manger au sein duquel étaient entreposées d’abondantes réserves de vaisselle de table et de cuisine (PK VI : 266). L’édifice contenait également trois escaliers : l’un s’ouvrait depuis la cellule 2 et continuait probablement au dessus des espaces 4 (niveau du palier) et 3 (débouché de l’escalier à l’étage supérieur) (PK VI : 256), le second prenait place dans l’étroit espace 6 (PK VI : 258) et le dernier desservait le secteur des magasins (PK VI : 260). De manière générale, différents éléments tendirent à prouver que ces escaliers pourraient ne pas avoir été directement incorporés à l’édifice994. Les fouilleurs estimèrent sur base de différents éléments tels que la double porte vers la cellule 2 (agencement que l’on retrouve dans les édifices les plus élaborés), la grande salle centrale 5 dont la position au sein de l’édifice rappelait celle des grandes pièces des blocs Beta et Delta, la présence d’un sanctuaire domestique et de magasins de taille assez remarquable que ce bâtiment avait un certain standing995. Néanmoins, ils insistèrent sur le fait que les pièces conservées n’étaient probablement que des soubassements et que les pièces principales, soigneusement platrées et éclairées, se trouvaient à l’étage (PK VI : 268).
244En ce qui concerne le plan de l’édifice tel qu’il est utilisé dans l’analyse de la syntaxe spatiale, il est important de préciser que les divers remaniements évoqués par les fouilleurs peuvent difficilement être datés avec précision ou précisément intégrés dans une chronologie relative996. Aussi, il fut nécessaire de choisir, de manière quelque peu arbitraire, un moment de l’histoire de l’édifice afin de pouvoir l’étudier997. Le plan justifié du bâtiment N (Fig. 434) présente un anneau externe formé de quatre espaces de type c dont la base est formée par les deux points de pénétration : le vestibule (1) et le corridor (16). Un tel dispositif conserve un potentiel de contrôle des circulations assez élevé. Chacune des cellules constitutives de l’anneau donne localement accès à un secteur bien particulier de l’édifice. Ainsi, le vestibule (1) dessert le secteur des magasins qui prend la forme d’une séquence linéaire d’espaces de type b aboutissant à un accès vers l’étage et à la cellule 10 (type a). La cellule 2, qui venait en quelque sorte dédoubler le vestibule, est étroitement associée à un accès assez direct à l’étage ainsi qu’à la pièce 14, de type a. Le corridor (16) liée à l’annexe 15 (type a) dessert, tout comme 2, la pièce principale du rez-de-chaussée, la cellule 5. Cette dernière dispose également, par le biais de l’escalier (6), d’un accès à l’étage ainsi que de trois espaces annexes, tous de type a. Si l’on envisage le vestibule (1) comme entrée principale de l’édifice998 (Fig. 435), le graphe conserve cinq niveaux de profondeur. Néanmoins, on s’aperçoit que le contrôle potentiel des mouvements en direction de la salle principale se fait plus étroit. En effet, la cellule 5 s’implante désormais au troisième niveau de profondeur et est précédée de deux espaces de type b, le vestibule (1) et la cellule 2. Dans une telle perspective, on remarque également que l’escalier associé à cette dernière est plus aisément accessible que l’escalier (6). Le secteur des magasins conserve le même statut topologique que dans le plan justifié alors que l’annexe 15 gagne considérablement en ségrégation. En privilégiant le corridor (16), le graphe gagne trois niveaux de profondeur (Fig. 437). La salle principale (5) est plus directement accessible (deuxième niveau de profondeur) et sujette à moins de contrôle999. Le rapport susmentionné entre les escaliers est inversé et le secteur des magasins gagne considérablement en ségrégation (entre les cinquième et huitième niveaux de profondeur). Les valeurs quantitatives évoluent relativement peu lorsque l’extérieur n’est pas pris en compte dans les calculs (Fig. 439). C’est la cellule 2, suivie de près par la salle principale (5) et le vestibule (1), qui forme l’espace le mieux intégré au système. Au contraire, la cellule 15 et la partie sud-est du secteur des magasins présentent une ségrégation spatiale très prononcée. Ce sont les cellules 5 et dans une moindre mesure, 2 et 9 qui présentent les valeurs de contrôle les plus significatives (Fig. 440).
245L’intégration visuelle fait très nettement écho aux résultats de l’analyse de la syntaxe spatiale (Fig. 441a). Ainsi, on retrouve l’intégration particulièrement prononcée d’une portion du vestibule, de la salle principale et de l’ensemble de la cellule 2. Les cellules directement associées à ces dernières ont des valeurs moyennes alors qu’une ségrégation indéniable se retrouve en ce qui concerne l’annexe 15 et une portion du secteur des magasins. À l’exception de quelques zones, les étapes de profondeur visuelle permettent d’appréhender le fort potentiel de perméabilité visuelle du bâtiment N (Fig. 441b). En complément aux remarques concernant les graphes d’accessibilité depuis les deux entrées, leurs étapes de profondeur visuelle sont également proposées (Fig. 436 et 438). En termes de contrôle visuel, c’est au sein de l’axe est-ouest du secteur des magasins et particulièrement au niveau de la cellule 8 que l’on retrouve une situation significative (Fig. 441c). Néanmoins, sur l’ensemble de sa superficie, la salle principale (5) présente également un potentiel de contrôle assez marqué. Cette dernière est également la zone dont la contrôlabilité est la plus élevée (Fig. 441d).
246S’ouvrant sur la rue principale, le vestibule (1) dut former l’entrée principale de l’édifice. Dans un premier temps, son ouverture extérieure devait être plus large et répondait probablement à la double porte le séparant de la pièce 2 (PK VI : 254-255). Un tel dispositif composé de deux espaces longitudinaux pouvant être largement ouverts l’un sur l’autre devait très certainement inciter à prendre la direction de la salle principale (5), à l’aboutissement de l’axe arrière-avant. De plus, le fait que les murs de la cellule 2 ne soient pas dans l’alignement parfait de ceux du vestibule (1) et que cette dernière adopte un profil trapézoïdal se rétrécissant à mesure que l’on approche de la salle principale (5) ajoutait au dynamisme de cet agencement spatial (Cousin 1980 : 159). Néanmoins, durant la phase qui retient notre attention, le rétrecissement de l’ouverture sur la rue et le fait que la porte est du dithyron n’était plus fonctionnelle changent quelque peu la donne. Bien que l’agencement linéaire des cellules 1 et 2 demeure, leur continuité spatiale est amoindrie. Le dynamisme induit devait donc en être affecté sans pour autant totalement disparaître. Si l’on considère le champ visuel d’une personne située au milieu de l’ouverture du vestibule sur l’extérieur (Fig. 436), le phénomène de porte cachée (entre 2 et 5) aurait pu contribuer à drainer intuitivement les circulations en direction de la salle principale. Depuis le corridor (16), le mouvement était indubitablement focalisé sur la cellule 5. Dans une certaine mesure, l’annexe 15 aurait également pu constituer un poste d’observation privilégié des circulations empruntant l’espace de transition auquel elle était assujettie. Pour le reste de l’édifice, il apparaît évident que les espaces 3, 17, 18 et l’escalier (6) étaient spatialement subordonnés à la salle principale (5) qui constituait très certainement un pôle statique. La circulation au sein du secteur des magasins était probablement facilitée par l’alignement des ouvertures entre ses différentes cellules constitutives. Seul l’accès à la cellule 10 et à l’escalier était marqué par une rupture d’axe1000. En ce qui concerne les escaliers, seul celui s’ouvrant depuis la cellule 2 présente une implantation favorisant l’accessibilité1001.
247Hormis le sanctuaire domestique présumé, aucun espace du bâtiment N ne garde réellement les traces du déroulement potentiel d’une représentation. Néanmoins, si l’on applique les sphères de communication à la pièce principale du rez-de-chaussée (Fig. 442), il paraît évident qu’elle correspondait davantage à un cadre intime/personnel (gris anthracite) ou social (gris foncé) et qu’elle n’accueillait certainement pas des manifestations nécessitant des modalités de communication de nature publique.
248Le bâtiment 5 (PK 1990 : 123-133, Fig. 2 et 3 ; Troubled Island : 232-233, Fig. 7. 82 ; PK Kouros : 35-47 et 87-96 ; Driessen 2005 : 87 ; Cunningham 2007a) se trouvait à l’angle formé par la jonction entre la ruelle (5-6) et la Harbour Road qui, partant du Nord-est, passait entre les bâtiments 1 et 3 (PK Kouros : 35). Au Nord de l’édifice, la Harbour Road s’élargissait en une petite placette (Plateia) (PK Kouros : 35). Il fut essentiellement fouillé entre 1987 et 1991 (PK 1986-1996). Cet édifice connut une histoire architecturale assez complexe et mouvementée1002. En effet, durant le Minoen Moyen un bâtiment d’une certaine taille fut établi à cet emplacement, il fut ensuite largement détruit, probablement par un tremblement de terre, soit à la fin du MM IIIB ou au début du MR IA (PK 1990 : 123 ; PK Kouros : 45). Par la suite, au MR IA, certains murs de cet édifice furent incorporés dans un nouveau bâtiment caractérisé par l’existence d’une pièce spacieuse dotée de baies à portes multiples et peut-être même d’un bain lustral (cellule 18) (PK Kouros : 42 et 45). C’est notamment au sein de cette cellule que l’on retrouva les indices de la succession de deux phases de destruction du bâtiment 5 ayant manifestement eu lieu dans le courant du MR IB (PK 1990 : 127). C’est entre ces deux destructions que l’édifice fut considérablement réaménagé et forma l’agencement architectural sur lequel nous nous concentrons particulièrement au sein de cette étude (Fig. 443). La seconde destruction MR IB du bâtiment 5 est examinée ci-dessous de manière plus détaillée, en étroite relation avec l’interprétation des cellules 1, 2 et 13. Par la suite, au MR II-IIIA/B, seule la partie nord-ouest de l’édifice (essentiellement les cellules 1 et 2) fut réoccupée (PK Kouros : 46)1003. Lors de la phase architecturale étudiée, l’édifice mesurait environ 15m sur 15 (239m ²) et comptait une vingtaine de cellules (PK Kouros : 42). Il se divisait en deux parties bien distinctes : la partie nord-ouest (cellules 1, 2 et 13) et le reste du bâtiment constituant la partie est. En termes de matériaux, les murs intérieurs faits de briques crues sont excessivement bien préservés, très certainement à cause de la violence de l’incendie qui ravagea l’édifice (PK 1990 : 127 ; PK Kouros : 43 ; Cunningham 2007a). À l’exception des cellules 1 et 3 dont les sols étaient dallés de sideropetra avec du plâtre dans les interstices, les surface internes étaient en terre battue (PK Kouros : 43). La partie est de l’édifice était accessible par le vestibule (15) s’ouvrant depuis la rue (5-6) qui devait former l’entrée principale (PK 1990 : 125-126 et 131). À l’origine, il est possible que ce dernier ait eu un support central comme l’atteste la présence d’un bloc d’ammouda, ainsi qu’une fenêtre à droite de la porte (PK 1990 : 126). Néanmoins, durant la phase qui nous occupe, un mur de partition fut construit entre ce support et le mur ouest de la cellule 15 (PK Kouros : 46). Précédé de trois marches, l’espace 21 pourrait également avoir formé un point de pénétration dans l’édifice, liant ce dernier à une ruelle perpendiculaire à la rue (5-6) (PK 1990 : 131-132). Selon toute vraisemblance, deux escaliers existaient. Le premier (16a), dont le début de l’emmarchement en briques existe encore, s’ouvrait à partir du corridor (20) et faisait retour au-dessus du sottoscala (16b) (PK 1990 : 131 ; PK Kouros : 44 ; Driessen 2005 : 87). Le second (17), accessible depuis l’espace 3, était probablement construit en bois (PK 1990 : 129 ; Driessen 2005 : 87). L’angle sud-est de la pièce 5 contenait une plate-forme doté d’un bassin (PK 1990 : 131, pl. 12a-b). Les fouilleurs estimèrent que cette installation pouvait avoir été liée à la surface pavée de la cellule 18 qui contenait un support cylindrique placé par dessus une petite ouverture dans le pavement et émirent l’hypothèse d’une activité industrielle ou rituelle impliquant des liquides (PK 1990 : 131). La cellule 19 fut découverte remplie de récipients de stockage, de vases disposés sur des bases de pierre plates le long du mur est, elle contenait également un assortiment de poids (PK 1990 : 131). Il est difficile de savoir quelle était la fonction des espaces 10 et 11 à cette époque dans la mesure où le puits que contenait le second était alors hors d’usage (PK 1990 : 126 et 132). Une fenêtre placée entre 10 et 9 contribuait probablement à pourvoir en lumière la partie nord-est du bâtiment (PK 1990 : 126 ; PK Kouros : 42). En ce qui concerne les pièces centrales, de 4 à 9, cette phase est caractérisée par la construction de cloisons de briques au sein d’un dispositif spatial de nature ouverte préexistant (PK 1990 : 126)1004. Seules les bases d’ammouda menant vers les pièces 5 et 9 semblèrent avoir été conçues pour véritablement accueillir des portes. Cela invita à donner un caractère plus privé à la cellule 5 et à imaginer que la cellule 9 puisse avoir été une zone de stockage abritant des biens particuliers (PK Kouros : 42, n. 12)1005. De manière générale, les cellules 7-9 furent interprétées comme une partie du bâtiment contenant une zone mixte d’artisanat et de stockage (PK 1990 : 132). Durant cette phase, il semble que la partie nord-ouest du bâtiment ait formé une entité spatiale indépendante de nature particulière. Les modifications structurelles que les cellules 1, 2 et 13 subirent s’inscrivaient très certainement dans un vaste programme architectural visant à donner un caractère particulier tant à l’intérieur de cette partie de l’édifice, qu’à son aspect extérieur et ses abords immédiats. En effet, lors de cette phase diverses modifications eurent lieu (PK Kouros : 45-46 et p. 87-88)1006 :
En dehors de l’édifice, la ruelle passant entre les bâtiments 1 et 4 fut fermée et devint l’annexe sud-ouest du premier, dotée d’une façade en pierres de taille ;
Une entrée menant à la Plateia depuis le bâtiment 4 fut bloquée ;
L’entrée sud-ouest du bâtiment 3 fut bloquée et son vestibule devint un espace couvert doté de banquettes ;
Le mur entre les bâtiments 3 et 5 fut construit en pierres de taille ;
La façade nord-est du bâtiment 5 fut dotée d’une grande entrée munie d’un escalier pour palier à la différence de niveau entre la Plateia et l’intérieur de la cellule 1 ;
L’ensemble de la façade nord-ouest et une partie de la façade sud-ouest du bâtiment 5 furent réaménagés en pierres de taille1007 ;
Les portes menant depuis la cellule 2 vers les espaces 3 et 12 furent bloquées1008 ;
La pièce 1 fut dotée d’un sol finement pavé et de ses murs décorés de plâtre coloré ;
L’ouverture entre les cellules 1 et 2 fut probablement élargie ;
Une fosse ou ciste fut creusée au centre de la pièce 2 et recouverte de dalles.
249De manière générale, ces changements firent très certainement partie d’une entreprise visant à embellir le bâtiment 5 et la Plateia : « Indeed, the overall result ot the modifications is impressive : the Plateia, now reduced in size, could not be reached from the NW any longer, but only from the SW and N, and it only provided access to the wide entrance and three rooms of Building 5. All around, ashlar screens were erected. » (PK Kouros : 46). Ce phénomène est à nouveau envisagé ci-dessous, en étroite relation avec l’étude de l’architecture en tant que domaine actif. Néanmoins, il convient de préciser que c’est au niveau de la Plateia et de la cellule 2 que furent découverts les fragments de la célèbre statuette chryséléphantine baptisée Palaikastro Kouros. De son côté, la cellule 13 révéla des jarres de stockage dont certaines contenaient encore des lentilles et du blé carbonisés, de grandes cruches, de marmites tripodes ainsi que quelques os taillés et plaques d’ivoire (PK 1990 : 130, pl. 10a). Avant d’aborder l’analyse de la syntaxe spatiale de cet édifice, il peut être intéressant de développer quelque peu les circonstances de sa destruction. Outre le fait que le feu ravagea tout l’édifice, les fouilleurs remarquèrent que le contenu des pièces avaient probablement été modifié avant l’incendie et postulèrent notamment l’existence de pillages ou de vandalisme (PK 1990 : 132). Récemment, Cunningham réexamina le bâtiment et divers éléments lui firent émettre l’hypothèse d’une destruction volontaire ciblant un monument ayant disposé d’un statut symbolique fort (Cunningham 2007a)1009.
250Dans une certaine mesure, le plan justifié du bâtiment 5 n’est pas sans rappeler celui des édifices N ou Chi (Fig. 444). En effet, on y retrouve un anneau externe simple (c'est-à-dire composé d’espaces de type c) à partir duquel s’articule le reste du graphe soit directement vers des espaces de type a, soit par l’entremise d’espaces de type b. Ce graphe est donc caractérisé par une distributivité marquée de ses portions les plus perméables et adopte un profil non-distribué entre ses troisième et cinquième niveaux de profondeur. L’anneau simple offre, comme nous l’avons maintes fois évoqué, la possibilité d’accueillir des schémas de circulation différents mais les contraint malgré tout à emprunter un réseau prédéfini, conservant de ce fait un certain potentiel de contrôle. Ce sont les vestibules (15) et (21) qui forment les deux points de pénétration de la partie est de l’édifice et la base de l’anneau. Le second mène directement à la pièce principale du rez-de-chaussée, la cellule 5, au même titre qu’il dessert les espaces 10 et 11, tous deux de type a. Le premier débouche sur un espace de transition (20)1010. Ce dernier permet d’accéder à l’escalier (16a), au sottoscala y étant associé ou à la cellule 14, une sorte de vestibule interne précédant la pièce centrale (5). C’est depuis cet espace, véritable noyau des circulations, que se développe le reste de l’édifice1011. En effet, au Sud, l’espace 18, de type b, dessert 19, de type a. Au Nord, la cellule 4 forme une zone de transit en direction de l’escalier (17) ou de la cellule 6 qui commande l’accès aux espaces 7, 8 et 9, tous trois de type a. Au-delà de la cellule 5, il s’avère donc que le potentiel de contrôle des circulations s’accroît, tout particulièrement vers le Nord/Nord-est de l’édifice où l’on remarque un dédoublement des espaces de type b (4-3 vers 17 et 4-6 vers 7, 8 et 9). La cellule 5 est donc le point d’articulation majeur des circulations du rez-de-chaussée dans la mesure où il est la jonction entre l’anneau externe, dont il est en quelque sorte l’aboutissement, et les espaces plus reclus du reste de l’édifice1012. À l’inverse de N et Chi, cet édifice dispose également d’une portion totalement indépendante du reste du plan justifié (les cellules 1, 2 et 13). Agencés d’une manière extrêmement basique, ces espaces sont essentiellement envisagés ci-dessous en regard de la fonction qu’on leur attribue en tant qu’architecture active. Si l’on ne considère que le vestibule (1a), on constate aisément que la partie ouest du bâtiment constitue un secteur indépendant (Fig. 445) (PK Kourous : 42 et 46). Depuis l’entrée (15) le graphe a sept niveaux de profondeur (Fig. 446). L’accès à l’escalier (16a) est relativement direct alors que celui vers la pièce principale (5) est sujet à un contrôle potentiellement plus étroit par le biais de la succession des cellules 15, 20 et 141013. Depuis 21, le graphe perd deux niveaux de profondeur et la cellule 5 est directement accessible (Fig. 448). Les cellules 3, 4, 6, 7, 8, 9 et l’escalier (17) le sont donc également à l’inverse de la partie sud de l’édifice qui culmine au cinquième niveau de profondeur. Dans cette perspective, les deux escaliers sont à égale distance du monde extérieur. Ces considérations tendent à corroborer l’idée que le vestibule (15) formait l’entrée principale (publique) sur la rue (5-6) alors que le vestibule (21) formait une entrée secondaire, probablement de nature plus privée, s’ouvrant sur une venelle secondaire. En ce qui concerne les valeurs quantitatives (Fig. 450), on constate qu’elles n’évoluent guère en fonction de la prise en compte ou du rejet de l’extérieur dans les calculs. La salle principale (5) est indubitablement l’espace le mieux intégré au système. Viennent ensuite, en ordre décroissant, les cellules 4, 21 et 14. Les cellules 7, 8, 9 ainsi les escaliers (16a) et (17) présentent quant à eux la ségrégation la plus manifeste de la partie est du bâtiment1014. De manière générale, l’ensemble de la partie ouest affiche également une ségrégation élevée, la cellule 13 culminant à une valeur près de trois fois supérieure à celle de la salle principale. En termes de valeur de contrôle, les espaces se distinguant sont, dans l’ordre décroissant, la cellule 6, le couloir (20) et le vestibule (21) (Fig. 451).
251En ce qui concerne l’analyse visuelle, les parties est et ouest de l’édifice ont été envisagées séparément lors du calcul de l’intégration car les résultats affichés par le logiciel étaient visiblement erronés lorsque ce n’était pas le cas. Donc, pour la partie ouest, les zones les plus intégrées visuellement se situent sur une majeure partie des cellules 1a et 2 mais surtout à la jonction entre les cellules 2 et 13 (Fig. 452a). Au sein de la partie est, l’analyse visuelle corrobore parfaitement les résultats de l’analyse de la syntaxe spatiale (Fig. 453a). En effet, on retrouve l’intégration particulièrement prononcée de la salle principale (5) ainsi que celle des cellules 4, 21 et 14. L’existence de la fenêtre entre 10 et 9 explique l’intégration visuelle relativement plus prononcée de la cellule 6. Les étapes de profondeur visuelle mettent deux éléments essentiels en évidence (Fig. 452b et 453b). Premièrement la perméabilité visuelle des cellules 1a et 2, deuxièmement, à l’inverse, le fait que la salle principale (5) ne soit pas directement visible depuis l’extérieur. On constate également la réclusion visuelle particulièrement prononcée des espaces 7, 8, du sottoscala (16b) et de l’escalier (16a). Les étapes de profondeur visuelle des deux entrées est sont également proposées en complément à leurs graphes d’accès (Fig. 447 et 449). De manière générale, peu de zones du bâtiment 5 disposent de valeurs très basses en termes de contrôle visuel (Fig. 452c et 453c). Néanmoins, le potentiel le plus élevé se retrouve à des endroits bien significatifs : à la jonction entre 2 et 13, au pied des deux escaliers, au sein du vestibule (21) et dans les cellules 5 et 6 qui permettaient évidemment d’avoir localement un contrôle visuel sur les espaces les entourant. Si la contrôlabilité visuelle reste assez forte dans l’ensemble de la partie ouest (ce qui en soi en déjà assez significatif), elle est relativement faible au sein de la partie est à l’exception notable des cellules 5 et 7 mais surtout du vestibule (15) et de la pièce 19 (Fig. 452d et 453d).
252Le bâtiment 5 était doté de trois approches différentes : deux d’entre elles depuis le Sud vers la partie est, la troisième, envisagée en détails par la suite, depuis la Plateia au Nord. Depuis la rue (5-6) on pouvait pénétrer au sein de l’édifice par le biais du vestibule (15). Bien que le mur qui divise cet espace en deux ait probablement eu une fonction structurelle en rapport avec le pilier d’ammouda préexistant qui en forme la tête (Troubled Island : 233 ; PK Kouros : 46), il contribua également à bloquer la ligne de vision vers l’ouverture entre les cellules 15 et 20 pour une personne se situant dans la moitié sud de la première. Le trajet en direction de l’intérieur du bâti depuis ce vestibule est donc pour le moins tortueux. Il affiche en effet un profil en double chicane et contribue de ce fait à une nette atténuation du dynamisme intuitif. Ce dispositif était également renforcé par le décalage du dithyron de 14 par rapport à l’ouverture entre le corridor et le vestibule. Depuis l’entrée secondaire, bien que l’accès à la salle principale fût direct, il n’en était pas moins étroit et perpendiculaire à l’axe principal du vestibule (21). La salle principale (5) était clairement individualisée et constituait probablement un espace de nature plus statique auquel étaient directement subordonnées les cellules 18 et 19 formant un secteur bien distinct du bâtiment. La cellule 4 formait depuis la pièce 5 une zone de transit assez direct vers l’escalier (17) mais nettement moins direct vers la pièce 6. Cette dernière, largement ouverte en direction des cellules 7, 8 et 9 formait en leur compagnie une autre unité architecturale au sein du bâtiment1015. Dans la partie ouest de l’édifice, il est évident que l’agencement des cellules 1 et 2 créait un contexte spatial bien particulier :
The doorways of Rooms 1 and 2 were given an axial alignment and are both very wide. This operation therefore was intended to direct and concentrate traffic and attention but also allow participation. Room 1 was given a fine paved floor pointed with red stucco and bright wall frescoes. Again public display seems to be intended. The paving seems to have acted as a ‘red carpet’, sign-posting something to be expected in the next room (PK Kourous : 87).
253En relation avec ces espaces, la cellule 1b-c pourrait avoir formé une sorte de loge de portier alors que la cellule 13 était de toute évidence une zone de stockage (PK Kouros : 44) bien distincte de l’ensemble spatial formé par 1 et 2 auquel elle demeurait néanmoins étroitement associée1016. Avant d’aborder plus en détails la fonction présumée de ce secteur, il peut être intéressant de souligner qu’en termes d’impact visuel, le contexte spatial de cette entrée était des plus remarquables : « Coming from the NE, from the harbour, visitors would confront first the impressive façades of Buildings 1 and 3, the former entirely in ashlar. Through a dark and covered alley, they would perhaps emerge into the bright and imposing architecture of the Plateia. » (PK Kourous : 46).
254Si l’on envisage l’architecture du bâtiment 5 en tant que domaine actif, la partie ouest retient l’attention. À ce sujet, il paraît évident qu’elle fut aménagée au MR IB à des fins rituelles ou cultuelles (PK Kourous : 48). Les modifications architecturales susmentionnées1017 et la découverte du Kouros de Palaikastro en étant les indicateurs essentiels. Driessen étiquetta donc cette zone comme formant une sorte de sanctuaire urbain (PK Kouros : 88 et 90). L’association de ce dernier avec la Plateia, pouvant accueillir au maximum une cinquantaine de personnes, est manifeste. La question se posa donc de savoir s’il s’agissait d’un pôle rituel accueillant des représentations confinées au sein même des limites architecturales des cellules 1, 2 et de la Plateia1018. À l’inverse, envisageant le contexte urbain étroitement associé à la partie ouest du bâtiment 5, Driessen fit également l’hypothèse d’une manifestation cultuelle de nature plus publique (PK Kouros : 94). En effet, deux éléments sont en faveur d’une telle interprétation. D’une part l’existence de la zone 6, une aire ouverte au sein du tissu urbain pouvant avoir formé une sorte d’enceinte sacrée1019. D’autre part, la monumentalisation de la façade du bâtiment 1 marquée par une organisation tripartite et surmontée d’au moins une paire de cornes de consécration (PK 1987 : 265 ; PK Kouros : 94). Intégrant ces divers éléments, l’existence du Kouros et certaines caractéristiques récurrentes présumées des rituels minoens (tels que le rassemblement communautaire dans des espaces ouverts et l’existence de voies processionnelles), Driessen reconstitua l’activité cultuelle de la sorte :
In view of the epiphanic character of Minoan religion, one could conjecture that the statue usually rested in the receptacle in Room 2 with only its base as an aniconic marker visible through the open doors. One could, in such a case, assume an initial ritual display or an appearance of the Palaikastro Kouros in Building 5 itself, involving a restricted group of initiated in the Plateia, and followed by a solemn procession in which the Kouros was brought to an open area where the entire community could participate. Appealing as such a hypothesis may be, it remains just that (PK Kouros : 94).
255Si l’on applique les sphères de communication en rapport avec l’emplacement présumé du Kouros au sein de la cellule 2 (Fig. 454) (PK Kouros : 95 et p. 96, Fig. 6. 1), il paraît évident que, pour des personnes s’étant tenues sur la Plateia, des modalités de communication propres à la sphère publique (portée étendue - gris clair) auraient été nécessaires. Au-delà du vestibule (1), dans la cellule 2 et à immédiate proximité de la statue, une représentation plus restreinte aurait pu prendre place, dans les sphères intime/personelle (gris anthracite) et sociale (gris foncé). Dans la partie est de l’édifice, la salle principale (5) n’était guère dotée d’une superficie suffisante que pour que les manifestations y ayant éventuellement lieu dépassent le cadre social (Fig. 455).
256Situé en bordure de la rue principale, à l’Est/Sud-est de l’aire 6 (Fig. 431 et 432), le bloc Beta se divisait en trois parties : un édifice principal, une grande cour ainsi que des constructions annexes au Nord et à l’Ouest (PK I : 310, pl. XX). Cette zone fut fouillée au début du siècle (PK I : 310-316) et sommairement réexaminée lors d’une campagne de nettoyage et de quelques sondages qui eurent lieu dans les années soixante (PK VII : 204-207). Bien que rien ne permette de dater avec précision l’établissement de l’édifice, certains détails laissent à penser qu’il pourrait avoir été construit dans le courant du MR IA1020. L’édifice fut détruit au MR IB et connut certainement, dans le courant de son existence, quelques modifications probablement dues à une première destruction par le feu (Troubled Island : 228-229 ; PK II : 284 ; PK VII : 206). La maison B (PK I : 310-316, Fig. 23, pl. XX ; PoM II : 567-568, Fig. 354 ; Graham 1962 : 69-70 ; PK VII : 204-207 ; Preziosi 1983 : 65-66 et 399-401 ; Troubled Island : 228-230, Fig. 7. 80) (Fig. 456) mesurait environ 22m du Nord au Sud et 43m d’Est en Ouest (525m ²) (Preziosi 1983 : 400). Dans un premier temps, il est possible que le bâtiment ait été accessible depuis la rue, via la cellule 12 (PK I : 310 et 314 ; PK VII : 206 ; Driessen 2005 : 85) et la cellule 14 (PK I : 315 ; Preziosi 1983 : 65 ; Troubled Island : 229)1021. La cour qui borde l’édifice à l’Est aurait quant à elle également été munie d’une ouverture en direction du port (PK I : 310 ; Troubled Island : 229). Les éléments les plus significatifs de la modification de l’édifice sont les escaliers qui, selon Bosanquet, furent créés lorsqu’un étage fut ajouté (Driessen 2005 : 85-86). Dans un premier temps, la cellule 12 pourrait s’être trouvée au même niveau que l’espace à supports verticaux (en 11), de telle sorte que la rue s’ouvrait presque directement sur la cour (PK VII : 204-206). Par la suite, l’espace 12 fut pavé et servit également d’accès à la cellule 10 par laquelle on pouvait aussi rejoindre le cœur du bâtiment sans passer par la cour (PK I : 314, n. 1 ; PK VII : 206). Finalement, un escalier fut établi en 12, le mur de partition entre 12 et 13 servant de support structurel pour ce dernier (PK I : 310 et 314 ; PK VII : 204-206). Au même moment, les cellules 10 et 13 furent transformées en zones de stockage et probablement coupées des circulations du rez-de-chaussée (PK I : 314 ; PK VII : 206 ; Troubled Island : 229). Le second escalier s’implanta en 5 bloquant un accès vers la pièce 21 (PK I : 313)1022. Toujours en ce qui concerne les modifications, il est difficile de se faire une idée précise de l’histoire architecturale de la zone située à l’Ouest de la cellule 9. Néanmoins, il semblerait qu’à un certain moment, les cellules 16 et 19 furent séparées de l’espace 9 par le blocage d’une porte (PK I : 314 ; Troubled Island : 229). Pour le reste, on trouva un puits au Nord-est de la cellule 4 (PK I : 311). Ce dernier aurait été bouché lors de la phase de reconstruction postérieure à la destruction par le feu évoquée ci-dessus (Troubled Island : 229)1023. D’après Bosanquet, le porche (8) était muni d’un redan destiné à recevoir une banquette (PK I : 311). Un seuil calcaire séparait cet espace de la cellule 7 qui donnait accès à la pièce centrale de l’édifice, le Palaikastro hall (6) (PK I : 311 ; Driessen 1999b : 230). La cellule 6 était bien individualisée par son pavement, elle était munie d’un bassin rectangulaire cerné de quatre bases de colonnes. Ce dispositif formait certainement une sorte d’impluvium et permettait également d’éclairer la zone alentour (PK I : 311-312)1024. Les sondages de Popham et Sackett mirent en évidence le fait que ce Palaikastro hall et le bain lustral (3) furent construits au MRIA au détriment d’un drain préexistant (PK VII : 206-207, Fig. 3 ; Driessen 1999b : 230). Accessible depuis la cellule 2a1025, le bain lustral (3) disposait tout d’abord d’un sol pavé de schiste (PK VII : 207 ; Gesell 1985 : 118). Il est fort probable que lors de la destruction finale de l’édifice, le bain lustral (3) avait perdu sa fonction originelle dans la mesure où il fut découvert rempli de poteries disposées sur un sol plus réçent (PK I : 312-312 ; Troubled Island : 229). La pièce 5 présentait, dans son angle nord-est, un compartiment pavé (5b) contenant un grand nombre de coupelles communes (PK I : 313). La petite pièce 22 contenait beaucoup de poterie MR IB ainsi que des objets de bronze (PK II : 287 et 312 ; Troubled Island : 229)1026. Au beau milieu du passage nord-ouest reliant 5 et 21, Bosanquet mit à jour une fosse profonde qui contenait un anneau et une colombe en bronze (PK I : 313)1027. En 14, on retrouva les traces d’un pavement et Bosanquet expliqua la présence d’un support vertical au rez-de-chaussée par la découverte d’une base de colonne provenant de l’étage et nécessitant probablement un certain soutien structurel (PK I : 314 ; Driessen 2005 : 86). La pièce 9 avait un sol d’argile et contenait diverses lampes et des traces de destruction par le feu (PK I : 314-315). En termes de trouvailles, la découverte, au sein de la pièce 5, outre des traces de cendres et d’ossements, de vases miniatures, de figurines féminines et d’un bœuf en argile couplée avec celle de cornes de consécration en stuc, de pierre ponce, de nombreuses coupelles et d’une petite lampe en 20 invita le fouilleur et divers chercheurs à postuler l’existence d’un sanctuaire domestique à l’étage du bâtiment B (PK I : 313-314 ; Gesell 1985 : 118 ; Troubled Island : 229 ; Driessen 2005 : 85-86). Diverses pièces révélèrent également la présence d’éléments provenant de l’étage : plâtres colorés, dalles de pavement, tuiles (PK I : 315 ; Driessen 2005 : 86).
257Chacune des deux phases de l’édifice B fait l’objet d’une analyse individuelle1028. Durant la première phase, le plan justifié présente une distributivité des plus manifestes (Fig. 457). En effet, les espaces de type c et d y sont abondants et desservent des espaces de type a soit directement, soit par l’entremise d’espaces de type b. Les trois points de pénétration du graphe forment la base d’anneaux externes. Le premier, le vestibule (14), de type c, voit son potentiel de contrôle être dédoublé par la cellule 9. Tous deux donnent accès à des espaces d’occupation au même titre qu’ils constituent une des approches du Palaikastro hall (6). Offrant une grande flexibilité spatiale, le couloir (12-13), de type d, perd consécutivement en potentiel de contrôle. Il ouvre soit sur la cellule 10, soit sur la zone hypostyle (11). De type d, cette dernière est également le seul point de contact de la cour avec le reste du graphe. Cette dernière commande l’accès à un des rares espaces de type b qui possède un potentiel de contrôle des circulations accru en direction des cellules 1 et 4. Que l’on emprunte le couloir (12-13) ou la cour, on finit par aboutir à la pièce 7, de type d, le deuxième accès à la pièce principale du rez-de-chaussée, la cellule 6. Cette dernière se situe à la jonction entre les anneaux externes et un anneau interne qu’elle constitue en compagnie des cellules 5 et 21, toutes de type d. C’est également depuis le Palaikastro hall que le second espace de type b vient renforcer le potentiel de contrôle en direction du bain lustral (3) et de la cellule 2b. De manière générale, c’est une impression de flexibilité spatiale accrue qui se dégage du plan justifié. Depuis l’entrée 14 (Fig. 458), le graphe présente neuf niveaux de profondeur. Au troisième niveau de profondeur, on accède relativement aisément au Palaikastro hall (6) lequel articule les circulations dans toute la partie nord-ouest de l’édifice. Au contraire, l’accès à la moitié est du bâtiment et notamment à la cour et ses annexes est nettement plus difficile, implantés qu’ils se trouvent entre les septième et neuvième niveaux de profondeur. Depuis le couloir (12-13) (Fig. 460), le graphe ne compte plus que 7 niveaux de profondeur. L’anneau interne (7-8-10-11-12-13) permet une plus grande subtilité de mouvements. L’accès à la cour est plus direct mais le Palaikastro hall gagne un niveau de profondeur. Il forme à nouveau le point de passage obligé vers le reste du bâtiment et notamment vers le secteur de l’entrée (14). L’entrée depuis la cour (Fig. 462) rappelle celle depuis le couloir (12-13), si ce n’est que l’accès le plus aisé est en direction des annexes 1 et 4 et que le graphe gagne légèrement en profondeur, la cellule 6 se retrouvant désormais au cinquième niveau. Il apparaît donc que l’accès depuis 14 vers les salles les plus importantes du rez-de-chaussée est relativement direct mais sujet à un contrôle accru par la succession linéaire des espaces 14 et 9. À l’inverse, depuis 12-13 (et encore davantage depuis la cour), on peut noter un souci évident d’offrir des modalités de circulations plus complexes couplées à une accessibilité moins directe au Palaikastro hall (6) et aux cellules qui en dépendent1029. En termes de valeurs quantitatives (Fig. 464), l’intégration la plus élevée se retrouve au niveau du Palaikastro hall (6) et des cellules 7 et 9. Cela tend à souligner le fait que la cellule 6 et ses approches forment bien le cœur des circulations au sein de l’édifice B. La cour ainsi que la zone hypostyle (11) sont dotées d’une intégration moyenne qui diminue de façon conséquente si l’extérieur n’est pas pris en compte. Ce sont les cellules 2b, 5b, 22, le bain lustral (3) et surtout les annexes de la cour qui présentent la ségrégation la plus forte. Les cellules présentant les valeurs de contrôle les plus importantes sont la cellule 9, 5, 2, l’espace de transition vers 1 et 4 et le Palaikastro hall (6) (Fig. 465). En ce qui concerne la seconde phase, les circulations se simplifient quelque peu au rez-de-chaussée (Fig. 466)1030. Il n’existe désormais plus qu’un anneau externe constitué d’espaces de type c aboutissant au Palaikastro hall (6) qui conserve son statut topologique précédent. En d’autres termes, même s’il conserve son statut de plaque tournante des circulations, le Palaikastro hall est désormais, quelque soit le côté par lequel on l’approche, sujet à des modalités plus sobres de contrôle des circulations1031. De manière générale, les remarques formulées ci-dessus au sujet des entrées individuelles valent pour la seconde phase (Fig. 467 et 468). En ce qui concerne les valeurs quantitatives (Fig. 469), l’édifice évolue vers plus de ségrégation même si le rapport entre les différentes cellules reste relativement constant. À l’exception de la cellule 9, les espaces présentant une forte valeur de contrôle demeurent identiques à ceux de la première phase (Fig. 470).
258En ce qui concerne l’approche visuelle, étant donné qu’il est difficile d’appréhender les limites réelles de la cour, les analyses Depthmap sont menées à bien avec et sans cette dernière1032. De manière générale, toutes phases confondues, l’intégration visuelle est particulièrement prononcée au niveau du Palaikastro hall (6), des cellules 7, 8 et, évidemment, de la cour lorsqu’elle est prise en compte (Fig. 471a, 472a, 473a et 474a). Ne pas prendre en compte la cour permet également de mieux cerner l’intégration visuelle de certaines cellules internes (portion centrale de la cellule 9, partie est de la cellule 5). Les étapes de profondeur visuelle permettent de bien saisir la perméabilité visuelle de la cour et dans une certaine mesure, du Palaikastro hall. En complément aux graphes d’accès depuis les diverses entrées, leurs étapes de profondeur visuelle sont proposées (Fig. 471b, 472b, 473b et 474b). D’une phase à l’autre et qu’on prenne la cour en considération ou pas, les zones disposant d’un potentiel de contrôle visuel fort restent les mêmes (Fig. 471c, 472c, 473c et 474c). À l’inverse du potentiel de contrôle assez élevé d’une bonne partie de la superficie du rez-de-chaussée, la contrôlabilité est faible dans l’ensemble de l’édifice, à l’exception du bain lustral (3), des cellules 16, 19 mais surtout de la cour très aisément dominable visuellement (Fig. 471d, 472d, 473d et 474d).
259Selon toute vraisemblance, durant sa première phase, le bâtiment B était accessible depuis le Sud via la rue principale et depuis le Nord vers la cour. Il est difficile d’apprécier l’impact qu’aurait pu avoir la cour dans la mesure où l’on connaît mal son aspect réel. Néanmoins, elle devait certainement créer une certaine dilatation spatiale et former un pôle assez statique. Vers l’Ouest, la zone hypostyle (11) constituait probablement un espace de transition entre le caractère ouvert de la cour et l’intérieur du bâti1033. Depuis la rue, l’entrée (14) et la cellule 9 formaient un accès à l’axialité assez prononcée, focalisant les mouvements en direction du Palaikastro hall1034. Au contraire, depuis le couloir (12-13), la progression vers l’intérieur du bâtiment devait être nettement moins intuitive. En effet, si l’on prenait la direction de la zone hypostyle (11), l’alignement des supports verticaux favorisait probablement le mouvement en direction de la cour. De plus, le trajet devait suivre un axe coudé pour regagner la cellule 7 par le biais de 8. Si l’on s’engageait dans le couloir (12-13), l’axialité était également rompue en direction de la cellule 10. Il peut être intéressant de constater que les deux cellules donnant accès à la pièce 7, véritable entonnoir des circulations depuis l’Est du bâtiment vers le Palaikastro hall, étaient munies d’une banquette. En ce qui concerne le reste de l’édifice, les cellules sont bien individualisées les unes par rapport aux autres1035. La pièce 6 formait très certainement un espace statique. Durant la seconde phase, il apparaît évident que l’étage disposait d’un accès public direct via l’escalier (12) et d’un accès qui l’était nettement moins via l’escalier en 5.
260En ce qui concerne l’architecture en tant que domaine actif, quelques remarques peuvent être formulées. Comme à l’accoutumée, le bain lustral (3) semble former une zone appropriée à une communication intime/personelle (gris anthracite) dans sa partie basse (Fig. 475). Si la représentation s’adressait également à un ou des observateurs situés au sein de la cellule 2 ou au-delà de la baie à portes multiples dans la pièce 2b, les modalités de communication pourraient avoir été légèrement différentes et liées à la sphère sociale (gris foncé). Appliquées au Palaikastro hall (6), les sphères de communication mettent en évidence le fait que cet espace disposait d’une superficie suffisante pour que des manifestations nécessitant des modalités de communication de nature publique (portée restreinte - gris de tonalité moyenne) y aient lieu (Fig. 476)1036. Bien que nous ne sachions que très peu de choses sur la cour associée au bâtiment B, il est évident qu’elle pourrait avoir formé le cadre de représentations dont les modalités de communication auraient du être largement publiques (portée restreinte - gris de tonalité moyenne - et étendue - gris clair) (Fig. 477)1037.
261Le Bloc Chi se situe à l’extrémité sud-est de la fouille (Fig. 431). Il fut fouillé au début du 20ème s. sous la direction de R. M. Dawkins (PK IV). C’est à la limite du bloc, en bordure de la rue principale que s’implantait la maison X 1-17 (PK IV : 282-286, Fig. 13 ; Preziosi 1983 : 66-67, Fig. II. 20 et p. 399-403, Fig. IV. 21A ; Troubled Island : 228) (Fig. 479). Le bâtiment se situait à un endroit de la ville qui fut occupé dès le Minoen Ancien et recouvrait des structures architecturales du Minoen Moyen (PK IV : 283). Un dépôt découvert au pied de l’escalier (15) fit rapprocher au fouilleur la date de construction de l’édifice de celle du bâtiment B (PK IV : 283)1038. Alors que la partie ouest de l’édifice (10-17), très certainement des sous-sols, fut abandonnée au MR IB, sa partie est (1-9) fut réoccupée au MR III (PK IV : 283 ; Troubled Island : 228)1039. La maison X mesurait environ 357m2 et comptait une vingtaine de cellules. Elle était dotée d’un porche à colonnes pavé précédé d’un emmarchement faisant la transition jusqu’au niveau de la rue principale (PK IV : 282, Fig. 23 ; Preziosi 1983 : 67 ; Troubled Island : 228). Ce portique d’entrée était muni d’une banquette et pourrait avoir été surmonté, à l’étage, d’un balcon offrant un point de vue privilégié sur la Main Street (Preziosi 1983 : 67 ; Driessen 2005 : 86). Le bâtiment contenait deux escaliers en ‘U’ (15 et 2) dont la partie supérieure abritait certainement un sottoscala (15b et 2b) (PK IV : 283-284 ; Driessen 2005 : 86)1040. Dotée de deux bases de colonne, la cellule 3 semble avoir été la pièce centrale de l’édifice. Tout comme la majorité des pièces de la partie est, elle était finement pavée (PK IV : 283). Si l’on considère que le mur séparant les cellules 4b et 6 peut être un remaniement tardif, l’ensemble (4-4b-6) pourrait avoir formé une salle minoenne (Preziosi 1983 : 66 ; Troubled Island : 228)1041. En ce qui concerne la cellule 7, Preziosi sembla la considérer comme une entrée de l’édifice (Preziosi 1983 : 66)1042. Parmi les trouvailles des plaques d’ivoire portant des gravures finement exécutées furent découvertes ainsi qu’une double-hache en bronze, de la vaisselle et des lampes en pierre, le pommeau d’une épée ou d’un sceptre, une petite paire de cornes de consécration et des traces de plâtre peint tombé de l’étage (PK IV : 283-285 ; Driessen 2005 : 87)1043.
262Avant d’entamer l’analyse de la syntaxe spatiale, deux remarques sont nécessaires. Premièrement, le portique est considéré comme faisant partie intégrante de l’édifice et est donc pris en compte tant dans les calculs d’intégration que dans l’analyse visuelle par la suite. Deuxièmement, les données assez maigres dont on dispose au sujet de cet édifice invitent à la plus grande prudence en termes d’interprétation1044. À la manière du graphe du bâtiment N, le plan justifié de l’édifice X présente un anneau externe constitué de cinq espaces de type c à partir duquel s’articulent les autres espaces, soit directement vers des espaces de type a, soit par le biais d’espaces de type b (Fig. 480). En d’autres termes, le plan justifié est doté d’une partie distribuée à laquelle se rattachent des portions non distribuées. L’anneau externe offre une certaine flexibilité spatiale tout en circonscrivant les circulations au sein d’un réseau fixe. En dehors de cet anneau, le potentiel de contrôle s’accroît localement par l’entremise d’espaces de type b.
263L’entrée depuis la rue principale par le biais du portique suivi du vestibule (1) et d’un espace de transition disposait certainement d’un potentiel de contrôle plus marqué, notamment grâce à la succession linéaire de ces trois espaces avant que n’advienne l’opportunité de poser un choix de circulation. Ce dernier concernant soit le sottoscala (2b), soit l’escalier (2) soit la salle à colonnes (3). Au contraire, depuis la cellule 7, on était directement confronté à des choix de circulation1045. En ce qui concerne l’Est ou l’Ouest, un espace de type b donnait localement accès à des cellules à vocation d’occupation (de type a). Depuis 7, il était également possible d’accéder directement à la salle à colonnes (3), également sur l’anneau externe. Depuis cette dernière, la salle minoenne présumée (4-4b-6) et son annexe (5) s’implantent sous la forme de deux espaces de type b successifs donnant accès à des espaces de type a. Si l’on considère le fait que le portique se situe en bordure de la rue principale, on peut se demander si, associé au vestibule (1), il ne constituait pas l’entrée la plus publique de l’édifice. Depuis ce point, le graphe présente sept niveaux de profondeur et les cellules les plus aisément accessibles, tout de même au quatrième niveau de profondeur, sont l’escalier (2) et la salle à colonnes (3) (Fig. 481). Le reste de l’édifice, desservi par cette dernière, se situe alors en retrait, entre le cinquième et le septième niveau de profondeur. Depuis la rue principale, on a donc l’impression que l’accès à l’étage était presque l’option la plus aisée tant les autres cellules étaient reléguées profondément dans le graphe1046. Si l’on se met dans la perspective d’une entrée par le biais de la cellule 7, le graphe perd deux niveaux de profondeur (Fig. 483). À l’inverse de l’entrée depuis la rue principale, la salle à colonnes (3), ainsi que les cellules 8, 9, 15b, 16 et l’escalier (15) sont aisément accessibles. Étant toutes deux spatialement liées à la cellule 3, la zone de la salle minoenne présumée et de l’entrée principale se situent entre les troisième et cinquième niveaux de profondeur. En termes de valeurs quantitatives, le fait que l’extérieur soit pris en compte dans les calculs n’influe pour ainsi dire pas sur les résultats (Fig. 485). La salle à colonnes (3) constitue la cellule la mieux intégrée au système. On retrouve ensuite l’entrée 7 puis, dans une moindre mesure, la cellule 4. Les autres espaces présentent une situation de ségrégation plus marquée, particulièrement en ce qui concerne la cellule 5, le puits de lumière présumé et les pièces desservies par l’espace de transition au Nord-ouest de 7. Ce sont les couloirs vers 15/16 et entre 1 et 3 ainsi que la salle à colonnes (3) et la cellule 4b qui présentent les valeurs de contrôle les plus importantes (Fig. 486).
264Bien que les propriétés même de l’analyse visuelle expliquent de légères différences1047, l’intégration visuelle fait globalement écho aux résultats de l’analyse de la syntaxe spatiale (Fig. 487a). On y constate l’intégration prononcée des espaces constituant l’anneau externe ainsi que la ségrégation des zones évoquées ci-dessus. Outre le fait qu’elles permettent une saisie plus intuitive de la réalité spatiale, les étapes de profondeur visuelle mettent également en évidence l’isolement visuel fort qui caractérise la salle minoenne hypothétique et son annexe (Fig. 487b). À nouveau, les étapes de profondeur visuelle des différentes entrées sont proposées (Fig. 482 et 484). En ce qui concerne le contrôle visuel (Fig. 487c), la salle à colonnes (3) se distingue particulièrement mais, comme à l’accoutumée, on retrouve également les différents points de décision au sein du réseau des circulations, notamment au sein de l’espace de transition desservant les cellules 15/16. La contrôlabilité visuelle la plus marquée se trouve au niveau du portique1048 et, dans une moindre mesure, dans les cellules 9 et 16 (Fig. 487d).
265Depuis la rue principale, domaine public par excellence, le portique créait certainement une transition spatiale en direction du vestibule (1). En effet, étant une zone semi-ouverte, le portique était en quelque sorte l’endroit où le monde extérieur et l’intérieur de l’édifice entraient étroitement en contact1049. Quoi qu’il en soit, au regard de la manière dont s’agencent les espaces depuis cette entrée, il semble évident que toute attraction dynamique y était abolie. En effet, l’axe de circulation est sans cesse rompu qu’on prenne la direction de l’étage via l’escalier (2) ou de la salle à colonnes (3). Cette volonté de ne pas faciliter les mouvements vers l’intérieur de l’édifice gagne également à être mise en parallèle avec l’existence d’une banquette de pierre contre le mur extérieur sud de la cellule 5. Peut-être le portique faisait-il, d’une certaine manière, office de loge de portier. De manière générale, la remarque évoquée au sujet de l’absence d’axialité depuis le vestibule (1) vaut pour l’ensemble de l’édifice, à l’exception de la cellule 7 dont la partie délimitée par le mur médian drainait peut-être les circulations en direction de la salle à colonnes de manière plus franche. Spatialement, et visuellement comme en attestent les étapes de profondeur visuelle, les cellules 4, 4b, 5 et 6 forment bel et bien un secteur bien individualisé au sein de l’édifice. De manière générale, l’absence de perméabilité et d’axialité, notamment depuis la rue principale, trahit probablement un souci de se prémunir des intrusions extérieures.
266De manière générale, les espaces internes du bâtiment X ne semblent pas particulièrement appropriés à accueillir des manifestations de grande ampleur. En effet, les limites de la salle à colonnes (3) contiennent plus ou moins la sphère sociale (Fig. 488). Malgré tout, envisagée dans son ensemble, la présumée salle minoenne pourrait avoir formé un cadre spatiale plus propice à des activités impliquant un plus grand nombre de personne et nécessitant des modalités de communication dépassant le cadre social (Fig. 489)1050. Bien qu’il soit impossible de définir la fonction précise du balcon que l’on restitue à la verticale du portique, il est évident qu’envisagé en relation avec la rue, il formait un cadre au sein duquel la communication aurait pu prendre un profil plus public (Fig. 490).
267Avant d’aborder le site suivant, il convient de synthétiser un certain nombre d’informations concernant le tracé des quatre édifices susmentionnés et complétant l’évaluation qu’en fit Cunningham. Pour rappel, ce dernier attira l’attention sur le fait que, au sein de ces bâtiments, la pièce principale1051 était systématiquement séparée du réseau routier par la présence d’au moins un espace de transition de type vestibule (Cunningham 2001 ; Cunningham 2007b). Hormis cette caractéristique, on remarque également que ces édifices disposent systématiquement d’au moins deux entrées1052 : une entrée principale, généralement plus élaborée et liée à un axe de circulation urbain majeur1053 et une entrée secondaire, plus modeste et en relation avec une ruelle ou un passage secondaire1054. Dès lors, même si comme l’affirme Cunningham, un souci d’établir une démarcation entre l’intérieur et l’extérieur existait (par le biais d’espaces de transition présentant souvent une rupture d’axe), une volonté de créer deux accès distincts aux édifices est évidente. Il convient également de noter que ces deux accès convergent tout deux vers la pièce principale, l’entrée secondaire y menant généralement de manière plus directe. Cette situation pourrait plaider en faveur de l’existence de groupes divers (comme par exemple : résidents et visiteurs) utilisant les édifices en question. Nous revenons en détails sur cette idée dans le chapitre suivant mais l’on peut d’ores et déjà souligner le fait que cette tendance à créer un espace permettant à la fois à des rassemblements sociaux et des activités plus restrictives, en situation de ségrégation par rapport au reste du bâti, de prendre place est très typique de l’architecture néopalatiale.
Zakros
268Le site de Zakros se situe sur la côte est de la Crète et dut très certainement son importance à sa position privilégiée, dans une baie bien protégée des vents et constituant une zone portuaire idéale (Fig. 491) (Platon 1971 : 40-41 et 240-246 ; Preziosi 1983 : 147)1055. Dès 1852, Thomas A. B. Spratt identifia la vallée de Zakros comme un site archéologique (Spratt 1865 : 234-236). Bien que les preuves de l’existence d’un important établissement minoen y aient été découvertes par Mariani et Halbherr à la fin du 19ème s. et qu’Hogarth fouilla une partie d’un quartier résidentiel (Hogarth 1900-1901 ; Platon 1971 : 24-33 ; Preziosi 1983 : 139), il fallut attendre 1961 pour que N. Platon commence à mettre au jour le palais. Des trouvailles attestèrent de l’existence d’un établissement dans la zone du palais et de la ville dès le MA III-MM IA (Aerial Atlas : 296 et 298 ; Platon 1999 : 671-673). Durant le protopalatial, on sait assez peu de chose du développement de la ville mais il apparaît clairement qu’un prédécesseur du palais aurait existé (Platon 2002 : 155)1056. C’est durant le néopalatial que le palais se serait implanté au sein d’un environnement urbain préexistant. La ville et le palais auraient été détruits à la fin du MR IB et seules des portions du quartier de la colline sud-ouest furent réoccupées au MR IIIA2 (Chryssoulaki et Platon 1987 : 77 ; Platon 1999 : 671). L’histoire néopalatiale de Zakros, sujette à débat, mérite de plus amples commentaires. Traditionellement, on faisait remonter la création du palais au MM IIIB-MR IA (Platon 1971 : 237 ; Aerial Atlas : 298 ; Troubled Island : 237). Récemment, sur base d’études céramiques, L. Platon soutint que le palais en tant que tel n’aurait pas été construit avant le début du MR IB (Platon 1999 : 678-680 ; Platon 2002 ; Platon 2004)1057. Quoi qu’il en soit, il semble que la ville de Zakros ait subi deux destructions majeures : l’une durant le MR IA (liée à l’éruption de Santorin et à ses phénomènes connexes d’après le fouilleur) et l’autre à la fin du MR IB (Platon 1971 : 265-297 ; Troubled Island : 240). En ce qui concerne cette époque, l’hypothèse que Zakros aurait été un avant-poste knossien fut argumentée plus d’une fois (Wiener 1987 : 265 ; Warren 1999 : 902 ; Platon 2002 ; Platon 2004). L. Platon suggéra à ce propos que la distribution d’objets de luxe au sein de l’établissement au MR IA trahissait une administration plus libérale comparée à la centralisation palatiale du MR IB (Platon 2002 : 152, n. 55). La ville de Zakros s’étendait sur les pentes de trois collines entourant le palais et semblait en quelque sorte le dominer dans la mesure où, de manière assez inhabituelle, il s’implantait sur un terrain plat à un niveau inférieur (Platon 1971 : 247-249)1058. La ville était composée de blocs comprenant de deux à quatre maisons et d’un système de circulation fait de rues principales, de rues secondaires et de ruelles étroites :
The necessity of adapting to the slope of the hillside makes the town-plan seem irregular, and the streets either to follow the contour of the hill as ‘Ringstrassen’ or are perpendicular to them. The perpendicular streets on the sloping terrain take the form of ramps or stairways. […] The main axis of the street-system, built already in the period of the old palaces, is the Harbour Road which led from the harbour to the northeast gate of the palace (Chryssoulaki et Platon 1987 : 77)1059.
269La période néopalatiale modifia quelque peu le réseau urbain. En effet, de nouveaux édifices et les extensions de bâtiments préexistants recouvrirent des sections de rues (Chryssoulaki et Platon 1987 : 77, n. 3 ; Platon 1999 : 679). De manière générale, la ville se densifia à mesure qu’elle envahissait divers espaces ouverts, rues et ruelles1060. Bien qu’aucune d’entre elles n’ait bénéficié d’une publication en bonne et due forme1061, on peut malgré tout mettre en évidence un certain nombre de caractéristiques propres aux bâtiments de (Zakros Chryssoulaki et Platon 1987 : 78 et Aerial Atlas : 298). En effet, ces ‘maisons’ présentaient un arrangement relativement récurrent du rez-de-chaussée, à savoir de nombreuses petites pièces, essentiellement utilisées à des fins de stockage, disposées autour d’une large salle dotée d’une banquette, d’un support central et d’un accès direct depuis la rue. Cette pièce, fréquemment utilisée dans le cadre de diverses activités domestiques, communiquait également par le biais d’un escalier avec l’étage où l’on postula l’existence de la zone résidentielle. Ce type d’arrangement trahit une conception assez traditionnelle de l’agencement architectural interne des édifices domestiques1062. Seuls quelques rares édifices, comme le bâtiment G, se distinguent de ce schéma et adoptèrent visiblement un langage architectural plus élaboré1063. De manière générale, les édifices urbains révélèrent les traces d’activités domestiques assez typiques (meules, presses à vin et/ou olives) mais pas d’un réel artisanat d’objets précieux1064. Les nombreux vases de stockage retrouvés au sein des maisons plaident en faveur d’une autosubsistance (Chryssoulaki et Platon 1987 : 82). Les édifices urbains présentaient une orientation nord-sud assez précise contrastant de ce fait avec le palais dont l’alignement ne correspondait pas strictement aux points cardinaux (Shaw 1973b : 52-53). Cette évidente différence d’orientation ainsi que le conservatisme architectural de la plupart des ‘maisons’ tendent à prouver que Zakros vit le jour en tant que simple ville portuaire et non pas en tant que ville organisée autour d’un palais (Chryssoulaki et Platon 1987 : 77)1065. Avant d’aborder une description plus précise du palais, il est nécessaire d’évoquer certaines constatations de Cunningham au sujet de Zakros. En effet, ces dernières se basent, entre autres, sur des conceptions théoriques liées à l’analyse de la syntaxe spatiale (Cunningham 2001 : 77-79). Cunningham insista sur le fait que le palais de Zakros était caractérisé par une forte perméabilité1066 et qu’il était réellement imbriqué au sein de la ville à tel point qu’il fut parfois difficile de les distinguer. Il rappela également qu’il existait une véritable dichotomie en termes d’indices de prestige et de manifestations de richesse entre le palais et ses environs immédiats, une situation contrastant énormément avec celle des autres sites palatiaux. En termes d’urbanisme, Cunningham attira l’attention sur le fait que la ville de Zakros manquait d’intelligibilité, c'est-à-dire d’un tracé potentiellement compréhensible (et donc aisément parcourable) en fonction de la visibilité immédiate depuis un point donné1067. En effet, à l’exception de la Harbour Road, le réseau routier conservé à Zakros a un très faible degré d’axialité et les lignes de vue y sont continuellement bloquées (Cunningham 2001, Fig. 5. 2)1068. Au sein de ce système, les ‘maisons’ sont généralement bien intégrées, en effet, comme évoqué ci-dessus, leur pièce à support central autour de laquelle s’organisent les autres cellules et l’accès à l’étage est directement en connexion avec la rue. Cunningham interpréta ce manque d’intelligibilité du tracé de la ville et l’intégration élevée des ‘maisons’ au sein de ce dernier comme indice du fait que le réseau urbain était essentiellement (si pas exclusivement) utilisé par les habitants locaux formant une population clairement homogène (Cunningham 2001 : 78). À ce sujet, le bâtiment G, construit après le palais, se distingue une nouvelle fois des autres édifices. En effet, il possède une entrée plus élaborée dotée d’un portique desservant un vestibule faisant véritablement office d’espace de transition entre le monde extérieur et l’intérieur du bâtiment. Ce souci d’établir une limite trans-spatiale pourrait indiquer l’émergence d’un « changement de la matrice sociale » (Cunningham 2001 : 79)1069.
270Comme nous l’avons déjà évoqué, le palais de Zakros (Fig. 492) (Platon 1971 : 80-81 ; Preziosi 1983 : 139-148, Fig. II. 46 et p. 476-478, Fig. IV. 32A-B ; Chryssoulaki et Platon 1987 : 84, Fig. 9 ; Aerial Atlas : 292-301, Fig. 44. 3 ; Troubled Island : 235-238, Fig. 7. 86)1070 s’implantait en contrebas de la ville, sur un terrain plat et dégagé1071. Au premier coup d’œil, il apparaît évident que l’organisation générale de l’édifice fait écho à celle des autres palais minoens. En effet, on y retrouve une cour centrale ceinte de quatres ailes plus que probablement dotées d’étage (s)1072. De plus, la différentiation fonctionnelle de ces différentes ailes semble claire. En effet, préalablement à une description plus ciblée de ces dernières, on peut signaler que l’on considéra généralement que l’aile ouest remplissait des fonctions de stockage, d’administration et de culte, que l’aile nord constituait une zone de service accueillant des activités de préparation (et peut-être de consommation) de nourriture, que l’aile sud était occupée par une zone artisanale et que l’aile est avait une vocation résidentielle (Platon 1971 : 82 ; Troubled Island : 237). D’un point de vue structurel, ce bâtiment faisait appel à des techniques assez typiques de l’architecture palatiale (charpenterie élaborée, appareillage soigné et décoration des murs, puits de lumière, baies à portes multiples, et grande utilisation des supports verticaux - portiques, colonnades) (Platon 1971 : 82-83)1073. En termes de matériaux, il est évident qu’on utilisa essentiellement les ressources locales1074. En ce qui concerne la connaissance de cet édifice, une des caractéristiques les plus fondamentales est qu’il échappa en majeure partie au pillage et ne fut pas réellement réoccupé suite à sa destruction (Platon 1971 : 86-88 ; Troubled Island : 237)1075. De nombreuses pièces contenaient encore les objets qui s’y trouvaient et l’équipement tombé de l’étage fut très certainement trouvé à l’emplacement précis de sa chute. Le palais de Zakros offrit ainsi une image précieuse, comme un instantané de ce qu’il était au moment de sa destruction à la fin du MR IB1076. L’édifice aurait eu une superficie approximative de 8000m ² répartie en environ 150 pièces en comptant les espaces supérieurs disparus (Aerial Atlas : 298)1077. La description qui suit se scinde en trois et évoque respectivement les voies d’accès au palais, ses espaces ouverts et finalement, ses différentes ailes et leurs caractéristiques principales. Le fouilleur insista essentiellement sur deux accès principaux. Au Nord-est, se trouvait d’après lui l’entrée principale du palais sous la forme d’un passage couvert (69) fait de grandes marches mettant en relation la cour intérieure est (63-64) et la rue provenant du port à un niveau supérieur (Platon 1971 : 89-91 ; Adams à paraître). Le sol de ce passage s’ouvrant par le seuil le plus impressionnant que révéla le palais était fait de dalles irrégulières à l’exception d’une bande soigneusement pavée dans l’axe1078. Le second accès aurait été à l’air libre et aurait formé une espèce de corridor (49) menant directement à la cour centrale depuis le Sud-ouest. Cette approche aurait été desservie depuis l’Est et l’Ouest par des passages de terre battue sans doute reliés à des rues (Platon 1971 : 92 ; Adams à paraître). N. Platon s’étonna également de l’absence d’une entrée côté est dans la mesure où il postulait la nécessité d’une communication plus directe avec la mer (Platon 1971 : 89). Le fait que les limites précises de l’aile est ne sont pas connues et que l’état de conservation général de cette dernière est maigre rend toute conclusion difficile. Néanmoins, le fouilleur considéra comme possible l’existence d’une entrée de ce côté est, notamment en relation avec le grand espace rectangulaire situé à l’Est de la cellule 62 (Platon 1971 : 175)1079. L’existence du corridor (38) pose également question en la matière. En effet, cet espace desservait visiblement la cour centrale et, à son débouché sur celle-ci, des cornes de consécration furent mises au jour (Platon 1971 : 195). Il est fort probable que ce corridor ait constitué un autre accès au palais car l’on imagine mal qu’il se soit terminé en cul-de-sac1080. Platon attira l’attention sur l’absence d’une entrée côté ouest et se garda de se prononcer formellement au sujet d’une éventuelle ouverture vers la ville au Nord (Platon 1971 : 92-93)1081. Néanmoins, il mentionna l’existence d’un passage ascendant (55), une sorte de rampe d’accès en direction de la ville bloquée dans la dernière phase du palais (Platon 1971 : 209 ; Troubled Island : 237). Il évoqua également l’existence d’une porte, bloquée durant la phase finale, mettant en relation la cellule 29 avec une zone extérieure (d’hypothétiques jardins ou une cour arrière) (Platon 1971 : 170). Il est également avéré que le secteur constitué des cellules 17-21 représentait un ajout plus tardif, accessible par le biais de la cellule 21 mais ne communiquant pas avec le reste du palais au niveau du rez-de-chaussée (Platon 1971 : 103 et 151 ; Preziosi 1983 : 146-147 ; Troubled Island : 237). On constate donc aisément que le véritable nombre d’entrées dont disposait le palais de Zakros pose question. À ce sujet, l’hypothèse selon laquelle seule l’entrée nord-est aurait pu fonctionner durant la phase finale nous semble quelque peu extrême (Troubled Island : 237)1082. Récemment, Hitchcock interpréta l’étroite ouverture du mur nord de la cellule 32 comme une entrée de service potentielle1083 et rappela que la cellule 68 n’était accessible que depuis l’extérieur (Hitchcock 2000 : 95). Quoi qu’il en soit, il semble évident que, durant l’existence du palais tel qu’il nous apparaît aujourd’hui, les passages (69) et (49) étaient les accès principaux (Palyvou 2002, pl. LIX). Bien qu’il soit difficile d’avoir la certitude que les diverses modifications d’accès évoquées ci-dessus aient été contemporaines, elles semblent caractériser un souci de diminuer la perméabilité de l’édifice1084. Dans un premier temps, outre les deux entrées majeures, ce dernier aurait potentiellement été accessible depuis le Nord (via la cellule 32 et le passage 55), depuis l’Est (via le corridor 38) et depuis le Sud (via la pièce 291085). Dans un second temps, la plupart de ces accès semblent avoir été bloqués. Comme évoqué ci-dessus, N. Platon en attesta en ce qui concerne les ouvertures en 29 et en 55. En ce qui concerne l’ouverture en 32, on remarqua que le mur nord fut renforcé au MR IB1086. Cette opération entraîna peut-être le blocage de l’ouverture qui paraîtrait logique en regard de la tendance générale à restreindre les accès. En ce qui concerne le corridor (38) qui nous paraît avoir été une entrée potentielle, il est impossible de se prononcer. Parmi les espaces ouverts associés au palais, Platon mentionna l’existence d’une cour ouest dont il repéra quelques traces. D’après lui, elle connut différentes phases durant le néopalatial, évoluant d’une cour pavée s’élevant doucement sur les pentes de la colline bordant les limites du palais à un espace s’échelonnant en différentes terrasses recouvertes de chaux et de galets et probablement mises en relation par des rampes ou des escaliers (Platon 1971 : 94)1087. L’existence d’une cour sud, d’usage plus privé, fut également évoquée (Platon 1971 : 95). La cour centrale du palais de Zakros mesurait environ 30m sur 12m et n’était pas pavée mais faite de terre tassée renforcée avec de la chaux (Platon 1971 : 95 ; Aerial Atlas : 298 ; Vansteenhuyse 2002 : 247). On y mit au jour une petite construction quadrangulaire, en face de la cellule 301088 ainsi que trois cornes de consécration1089. La cour centrale disposait de trois accès vers l’aile ouest, l’un vers le couloir (31), l’autre directement vers le Hall of Ceremonies (28) et la dernière, au milieu, vers la pièce 30 que Platon qualifia d’antichambre. Cette dernière était pourvue d’une colonne centrale et desservait l’aile ouest ainsi que l’étage par le biais d’un escalier coudé. Les murs soigneusement appareillés de cette pièce révélèrent plusieurs doubles-haches incisées1090. Au Nord, la cour s’ouvrait sur un portique (34) pavé doté de deux colonnes et d’une banquette (Platon 1971 : 97-98)1091. Coté est, elle donnait accès au couloir d’accès menant à la cour nord-est (63-64), à un portique conférant une monumentalité certaine à la façade est et étroitement associé aux cellules 36 et 37, au corridor (38) ainsi qu’aux cellules 39-41 (Platon 1971 : 98 et 195-196). Tout comme ceux de la façade ouest, le mur donnant sur le Sud de la cour centrale était soigneusement appareillé et percé de deux ouvertures en 46 et 42 (Platon 1971 : 99 et 210). Entre les façades sud et ouest, la cour centrale s’ouvrait en direction du passage (49). C’est au Nord-est du palais, en étroite relation avec l’entrée principale que l’on mit au jour la seconde cour (63-64). Elle mesurait environ 13m50 sur 14m était probablement entièrement pavée et dotée d’un système de drainage (Platon 1971 : 100 ; Vansteenhuyse 2002 : 247)1092. Malheureusement, les dommages occasionnés par l’agriculture affectèrent énormément cette zone (Platon 1971 : 200). Il apparaît que les murs la circonscrivant étaient appareillés en pierres de taille et qu’elle aurait pu desservir, à l’Est, des pièces dont nous avons perdu toute trace (Platon 1971 : 200-202)1093. L’aile sud du palais fut essentiellement interprétée comme accueillant des ateliers et quelques espaces réservés au stockage (Preziosi 1983 : 147). Elle était accessible depuis la cour centrale mais également depuis le passage (49) par le biais d’un couloir (46b) décoré de peintures murales sous le retour de l’escalier (46a)1094. De nombreuses trouvailles attestèrent du caractère artisanal de ce secteur (Platon 1971 : 210-221). De manière générale, la pièce 42 fut identifiée comme zone de stockage, la pièce à colonne (43) pourvue de banquettes et de murs plâtrés aurait pu être l’atelier principal ou la salle de repos des ouvriers, la pièce 47 doté d’un mur de partition aurait accueilli un atelier de fabrication d’essences aromatiques dans sa partie est et une zone de stockage dans sa partie ouest alors que la pièce 48 aurait été un espace de travail auxiliaire (Platon 1971 : 210-214 ; Platon 1993 : 115-117). Les communications entre les cellules 48, 45 et 44 n’étaient pas claires. Il apparaît néanmoins qu’elles purent également accueillir des activités artisanales (Platon 1971 : 215-221 ; Platon 1993 : 115-117). Quoi qu’il en soit, les ouvertures les mettant en relation furent bloquées, probablement en vue d’empêcher l’écroulement des murs de l’étage (Platon 1971 : 215 ; Troubled Island : 237). L’aile nord est en majeure partie occupée par une vaste salle (32) dotée de six supports verticaux que l’on interpréta comme une cuisine (Platon 1971 : 203-209 et 255 ; Preziosi 1983 : 145-146 ; Hitchcock 2000 : 87). Cette identification est basée sur l’abondance de vaisselle culinaire, de restes animaux et de divers foyers. Le petit escalier retrouvé dans la cellule 32 devait mener à une petite armoire murale (Platon 1971 : 204). La cellule 33 aurait été une zone de stockage et les cellules 50 et 51 des annexes que l’on retrouva remplies de vaisselle, d’ustensiles de cuisine et d’ossements animaux. On y repéra également un foyer. Platon estima que la cellule 32 pu servir de salle à manger informelle mais insista également sur l’hypothèse de Graham qui défendit l’idée de l’existence de salle de banquet à l’étage des salles hypostyles (Platon 1971 : 208 ; Graham 1961 et 1962 : 125-128). Si cette dernière existait à Zakros, elle aurait très certainement été accessible par le biais de l’escalier (52) (Platon 1971 : 255 ; Preziosi 1983 : 146 ; Hitchcock 2000 : 87)1095. Les cellules 53 et 54 étaient des zones de stockage et durant la phase finale du palais, le passage 55 fut bloqué et accueillit un foyer fait de dalles et une banquette basse probablement destinée à recevoir des vases de stockage (Platon 1971 : 208-209)1096. Malgré les dégâts occasionnés par l’érosion et l’agriculture, l’aile est du palais de Zakros est intéressante à plus d’un titre. Dans sa partie nord, on retrouve deux salles de stockage (56-57) ouvertes sur l’espace 55 mais dont l’accès fut bloqué durant la phase finale (Platon 1971 : 183-184 et 209 ; Troubled Island : 238). À l’est de cette zone, dans l’angle nord de la cour (63-64), quelques cellules furent mises au jour. Même s’il est difficile de définir les limites de l’espace 61, on mit en évidence le fait qu’il était séparé par une fenêtre de ladite antichambre (59) (Platon 1971 : 180-181 et 184). Cette dernière était accessible par le biais d’un corridor coudé dans lequel on pénétrait par quelques marches depuis la cellule 351097. Depuis l’antichambre (59), un escalier en bois donnait accès à la cellule 58. Elle était ceinte de podiums à colonnes formant des niches au Nord et à l’Ouest. On retrouva des traces de peintures murales dans ces niches représentant notamment des cornes de consécration placées sur une plate-forme ou un autel (Platon 1971 : 182). Le sol de cette pièce était fait de terre tassée revêtue de plâtre rouge. Platon interpréta cette pièce comme un bain étroitement liée au quartier royal qu’il reconstitua dans les pièces 36 et 37. Selon lui, cette pièce avait à la fois une fonction pratique (bain) et rituelle (purification), les deux réalités étant intimement liées dans la vie du palais telle qu’il l’imaginait (Platon 1971 : 183). Il convient toutefois de préciser que malgré le système d’évacuation des eaux assez complexe mis au jour, aucune trace n’en fut repérée en relation avec la pièce 58. Gesell considéra cette cellule comme un bain lustral, une appréciation récemment partagée par Hitchcock (Gesell 1985 : 140 ; Hitchcock 2000 : 179). Comme nous l’avons évoqué, la façade est de la cour centrale était formée par un vaste portique. Ce dernier desservait un ensemble de cellules que le fouilleur interpréta comme le quartier résidentiel royal (Fig. 493) (Platon 1971 : 174-180 et 253-254)1098. Cette zone était constituée d’un subtil agencement d’espaces constituant en quelque sorte une double salle minoenne (Preziosi 1983 : 140-141 ; Nordfeldt 1987 : 191 ; Hitchcock 2000 : 173-174). La première s’étendait sur l’axe Nord-Sud et était composée d’une salle principale (37a), d’un vestibule (37b) et d’un puits de lumière (37c). Elle était accessible depuis le portique mais également depuis le Nord via une zone étroite circonscrite par des baies à portes multiples mettant en relation la majorité des cellules de cette zone. La seconde était orientée sur un axe Est-Ouest et formée d’un portique d’entrée à colonne (36b), d’une salle principale (36a) et d’un puits de lumière (36c) séparé de cette dernière par des fenêtres (Platon 1971 : 178)1099. Le mauvais état de préservation du secteur empêcha de retrouver la moindre trace de décoration au sein de ces cellules qui ne révélèrent pour ainsi dire pas de trouvailles1100. Comme on le souligna à plusieurs reprises, ce secteur dit ‘résidentiel’ (par analogie à ce type d’agencement et l’interprétation qui en fut faite dans les autres palais) se distinguait des autres par le fait qu’il était directement en communication avec la cour centrale (Preziosi 1983 : 140 ; Nordfeldt 1987 : 191 ; Hitchcock 2000 : 173)1101. Cette perméabilité pose évidemment question, à plus forte raison si l’on considère que la zone interprétée comme pôle de réception public par le fouilleur (le Hall of Ceremonies de l’aile ouest) ne disposait que d’une seule ouverture sur la cour centrale1102. Séparée de cette zone par un espace de transition ceint de baies à portes multiples, la grande pièce 62, baptisée Hall of the Cistern, fut mise au jour (Platon 1971 : 185-191). Comme son nom l’indique, cette pièce contenait une grande citerne enduite d’un matériau hydraulique qui était reliée à une source souterraine de telle sorte qu’elle restait constamment pleine et ne formait pas un simple réservoir (Platon 1971 : 186). Elle était dotée de sept marches permettant d’y descendre et bordée d’une balustrade pourvue de colonnes dont certaines bases furent retrouvées. Le fouilleur estima que la pièce 62 était couverte et qu’une ouverture aurait pu exister à la verticale de la citerne1103. Selon toute vraisemblance, l’espace 68 aurait formé la cage d’un escalier menant à l’étage de l’aile est (Platon 1971 : 190-191). Au Sud de cet espace, se trouvait une construction soignée en pierres de taille (68) faite d’une quinzaine de marches desservant une chambre souterraine (Platon 1971 : 192-195 ; Hitchcock 2000 : 95). Cette dernière abritait une source et aurait pu avoir été en relation avec la citerne susmentionnée. Cette cellule, uniquement accessible depuis l’extérieur, fut souvent interprétée comme un pôle rituel sur base de la découverte d’olives (que l’on interpréta comme des offrandes), d’une base pyramidale de double-hache et de cornes de consécration (Platon 1971 : 194-195 ; Gesell 1985 : 140 ; Hitchcock 2000 : 95-97). La dernière partie de l’aile est qui nous reste à décrire se situait dans l’angle sud-est de la cour centrale et fut appelée Unit of the Built Well (Platon 1971 : 195-199 ; Hitchcock 2000 : 95). La nature des cellules 39 et 40 n’est pas bien connue1104, en revanche, on mit au jour un puits desservi par un petit escalier dans la cellule 41. Divers objets découverts au sein de ce puits donnèrent l’impression que des offrandes y furent déposées à un moment précis (Platon 1971 : 196-199 et Gesell 1985 : 140). À son sujet, Hitchcock attira l’attention sur le fait que la présence d’une source d’eau à proximité d’une zone artisanale semblait des plus logiques (Hitchcock 2000 : 95). L’aile ouest du palais de Zakros se scindait en quatre parties : une zone de stockage au Nord, un ensemble de pièces formant un ajout au tracé originel du palais à l’Ouest, la partie ouest de l’aile proprement dite (Central Shrine) et, finalement, sa partie est (Hall of the Ceremonies). L’annexe composée des cellules 17-21 fut probablement ajoutée dans une phase avancée du palais (Platon 1971 : 103-151). Au rez-de-chaussée, elle n’était accessible que depuis l’extérieur de l’édifice, par le biais de la cellule 211105. Au-delà de ce vestibule, les espaces 17, 19 et 20 formés par une baie à portes multiples de construction grossière et des cloisons de briques crues. La cellule 20 contenait une structure faite de petits bassins enduits entourant un baquet plus grand. Le fouilleur considéra cette installation comme ayant un caractère artisanal et proposa de la mettre en rapport avec le travail des couleurs pour la teinture des tissus (Platon 1971 : 103 ; Platon 1993 : 117-118, Fig. 14-15). La cellule 18 accueillait un escalier stuqué au-dessous duquel une latrine, accessible depuis la pièce 19, fut aménagée. C’est au Nord de l’aile ouest que se trouvait la principale zone de stockage (Platon 1971 : 104-114). On y accédait par le biais du vestibule carré (9) qui mettait en relation les différentes parties de l’aile. Les pièces 1-8 révélèrent un grand nombre de pithoi et d’autres types de vases mais également du matériel provenant de l’étage de ce secteur (accessible par le biais de l’escalier s’ouvrant en 11) que le fouilleur interpréta comme zone de stockage de vaisselle et objets liés aux pièces rituelles de la partie ouest de l’aile (Platon 1971 : 107-112). Le sottoscala 10 abritait également divers objets (Platon 1971 : 113). Depuis le couloir (31), on pouvait également accéder à un sottoscala, bloqué durant la phase finale, qui contenait de nombreux objets culinaires (Platon 1971 : 203)1106. C’est également durant la phase finale que furent bloquées les ouvertures entre 32 et 6 ainsi que celle entre 5 et 1 (Platon 1971 : 104, 204 et 238 ; Troubled Island : 238). De manière générale, le fouilleur considéra la partie ouest de l’aile ouest comme un complexe de nature rituelle (Central Shrine) fait des pièces de tailles et de formes différentes mises en relation par le biais de corridors étroits (Platon 1971 : 115-123). Les pièces 11 et 15 étaient éclairées par les fenêtres du puits de lumière associé au Hall of the Ceremonies (Platon 1971 : 115). Les cellules 11, 12, 13 et 15 contenaient un matériel riche, varié et assez abondant (Platon 1971 : 115-122)1107. Elles furent essentiellement interprétées comme dépôts de matériel lié à la zone rituelle1108. Néanmoins, il est évident que les cellules 11 et 15 formaient également des zones de transition, permettant de contrôler l’accès à la zone cultuelle depuis le Hall of the Ceremonies et le vestibule carré (9). La cellule 23, dotée de deux banquettes, fut interprétée comme un sanctuaire à banquettes (Platon 1971 : 124-126 ; Gesell 1986 : 137)1109. Divisée en quatre parties par de basses cloisons de briques crues, la pièce 22 fut interprétée comme dépôt de matériel utilisé dans le sanctuaire à banquettes (Platon 1971 : 126-127 ; Gesell 1986 : 137)1110. La pièce 24 formait vraisemblablement un bain lustral, la pièce 26 un atelier et 27, une cellule de stockage, probablement ajouté plus tardivement à la façade (Platon 1971 : 127-132 ; Gesell 1985 : 137-139 ; Platon 1993 : 112-113, Fig. 4-5 ; Troubled Island : 237). La pièce 25, baptisée Treasury of the Shrine, constituait un impressionnant dépôt d’objets rituels (Platon 1971 : 133-148 et Gesell 1985 : 139)1111. La pièce 26 (Archive of the Shrine) contenait quant à elle une trentaine de tablettes en linéaire A entreposées dans des niches construites en briques crues (Platon 1971 : 148-154 ; Schoep 1995). Cette découverte prouva l’existence d’une administration, probablement liée au sanctuaire1112. Le Hall of the Ceremonies s’étendait du côté est de l’aile ouest et formait un vaste espace d’environ 10m sur 12 (Platon 1971 : 155-160). La façon dont les différentes cellules qui constituaient cet espace s’agençaient semble assez confuse si l’on en juge par les descriptions relativement variées qui en furent faites (Platon 1971 : 156 ; Preziosi 1983 : 142-143 ; Hitchcock 2000 : 176). Quoi qu’il en soit, il semble évident que la partie nord-ouest formait un puits de lumière alors que la partie sud-ouest, ceinte de baies à portes multiples au Nord et à l’Est, pouvait être aisément isolée de l’espace longitudinal pourvu de colonnes se trouvant à sa droite. Platon signala que ces pièces devaient avoir un aspect particulièrement impressionnant1113. C’est au sein du puits de lumière que furent majoritairement retrouvés les fragments de deux rhytons très célèbres qui poussèrent le fouilleur à attribuer une fonction cérémonielle à ces espaces (Platon 1971 : 158 et 161-169 ; Gesell 1985 : 139-140). Il apparaît évident que l’aile ouest du palais de Zakros est moins perméable que celle de Knossos, Malia ou même Phaistos (Preziosi 1983 : 145 ; Hitchcock 2000 : 175-176)1114. Au Sud, la cellule 28 s’ouvrait par une baie à portes multiples sur ledit Banquet Hall (29) (Platon 1971 : 170-173). Cette appellation basée sur la découverte de nombreuses amphores et de petites jarres à vin fut mise en doute par le fouilleur qui ne se prononça pas formellement sur la fonction de cette salle, se contentant de souligner son élaboration formelle (même type de traitement de sol que le Hall of the Ceremonies et décorations murales faites de stucs en reliefs peints formant une frise courrant le long des quatre murs).
271L’analyse de la syntaxe spatiale du palais de Zakros se déclinera en deux plans justifiés. Au sein de ces derniers le Hall of the Ceremonies (28) et les salles minoennes (36) et (37) sont envisagés comme des cellules uniques pour éviter de rendre malaisée la lecture des graphes. Néanmoins, étant donné que les baies à portes multiples et l’agencement des espaces constitutifs de ces zones rendaient possible de subtils schémas de circulation, elles sont étudiées plus en détail séparément. Le plan justifié de la première phase du palais présente environ 25 % d’espaces de type a et de type b, 22 % d’espaces de type c et 28 % de type d (Fig. 494)1115. Comme évoqué ci-dessus, le grand nombre d’entrées potentielles en fait un édifice très perméable. En soi, tout comme en ce qui concerne le palais de Malia, il est assez remarquable qu’un édifice contenant un nombre de cellules élevé ne présente que sept niveaux de profondeur. Quelle que soit l’entrée empruntée, on aboutit assez aisément à la cour centrale, de type d, qui forme véritablement le pivot des circulations à l’échelle de l’édifice tout entier. De manière générale, il convient de remarquer que malgré l’existence d’un pourcentage relativement élevé d’espaces d’occupation pure (type a) desservis par des cellules de type b (formations non-distribuées), ces zones ne sont accessibles qu’à travers un réseau complexe à la distributivité élevée. Le graphe est assez éloquent, particulièrement en regard de ceux des autres palais, aussi n’est-il pas nécessaire d’en détailler chaque connexion1116. Néanmoins, certaines configurations méritent qu’on s’y attarde quelque peu. Ainsi, on peut remarquer qu’une volonté évidente de contrôle des circulations se retrouve à des endroits assez significatifs : en direction du bain lustral (58) depuis la cour (63-64), au sein de la partie ouest de l’aile sud (cellules 47a-b et 48, probablement en relation avec l’existence de zones de stockage), en direction du Hall of the Cistern (62) et de l’accès à l’étage de l’aile est (67), vers le présumé jardin ou cour privée depuis 29, vers le Treasury of the Shrine (25), vers les annexes de la cuisine (50 et 51) et finalement vers la zone de stockage nord-ouest (cellules 1-5). Les zones susmentionnées disposaient donc d’un contrôle plus basique des circulations, c'est-à-dire d’un contrôle plus facile à mettre en œuvre par le simple biais d’une réclusion spatiale plus ou moins prononcée (espaces de type b disposés en séquence linéaire). Dans de telles circonstances, c’est le tracé même de l’architecture qui conditionne les modèles de mouvement. Au contraire, dans le reste du graphe, les multiples connexions entre cellules (manifestées par la prépondérance d’espaces de type c et d) trahissent une impressionnante complexité en termes de potentialités circulatoires. Dans ce cas, les mouvements pouvaient être aiguillés par des éléments physiques dont nous avons perdu la trace ou dont nous ne sommes plus capables d’apprécier la valeur (ou, pour être plus précis, dont nous ne sommes pas à même d’évaluer l’impact qu’ils avaient sur les Minoens)1117 mais également par des facteurs transcendant la structure physique de l’architecture.
272Cette étonnante complexité en termes d’agencement spatial trouve son expression la plus évidente dans l’aile est du palais de Zakros (Fig. 493). Le plan justifié ciblé de cette partie du bâtiment frappe par sa distributivité (Fig. 495). Au sein des salles minoennes, seuls les puits de lumière sont des espaces de type a. À la vue de ce plan, le rôle de zone tampon de la salle minoenne (36) prend tout son sens1118.
273En effet, outre la cour centrale, elle constituait la principale zone de transition pour les personnes pénétrant dans le palais depuis l’entrée (69) et la cour (63-64) et se dirigeant vers la salle minoenne (37) et le reste de l’aile est. Le secteur du Hall of the Ceremonies (28), constitué de quatre espaces de type d, présente également un système de circulation complexe (Fig. 496).
274Si l’on se concentre sur les deux entrées principales du palais, dont l’existence est formellement attestée, un certain nombre de considérations peuvent être faites. Depuis l’entrée sud (49), le graphe présente huit niveaux de profondeur (Fig. 497). On accède soit directement à la zone artisanale de l’aile sud par le biais du couloir (46b)1119, soit à la cour centrale qui commande alors l’accès vers tous les autres espaces du bâtiment sans qu’aucune zone ne paraisse plus recluse qu’une autre en comparaison du plan justifié traditionnel. Depuis la rampe d’accès nord-est (69), la situation évolue de façon assez significative (Fig. 499). Le graphe gagne deux niveaux de profondeur et l’accès à la cour centrale est donc nettement moins direct. Au contraire, on accède plus aisément au bain lustral (58). De plus, depuis cette entrée, il n’est pas nécessaire de passer par la cour centrale pour gagner l’étage de l’aile nord (et sa ‘salle de banquet’ présumée) par l’escalier (52) ou l’aile est par le biais de la salle minoenne (36). Si l’on admet que cette entrée avait un caractère ‘officiel’ assez prononcé (Platon 1971 : 89-92 ; Hitchcock 2000 : 87-88), ces constatations pourraient être particulièrement significatives. Quoi qu’il en soit, le reste de l’édifice est plus reclus que depuis l’entrée (49). Les valeurs quantitatives sont fortement similaires que l’extérieur soit pris en compte ou pas (Fig. 501). Cela s’explique probablement par le fait que l’on parvient assez rapidement à la cour centrale depuis toutes les entrées et que, depuis celle-ci, l’ensemble de l’édifice est accessible. C’est donc la cour en elle-même qui constituerait la destination publique alors que l’interface du reste du bâtiment articulerait davantage les relations entre résidents (au sens théorique du terme). On constate évidemment que la cour centrale est la cellule dont l’intégration est la plus forte. Viennent ensuite le Hall of the Ceremonies (28) et le Square Lobby (9). Les cellules dont la ségrégation est particulièrement prononcée sont le bain lustral (58), le Hall of the Cistern (62) et l’escalier (67) y étant associé, ainsi que la zone de stockage (4) et la zone artisanale (48). Il convient également de remarquer que l’escalier (67) mis à part, les autres accès à l’étage disposent d’une intégration similaire1120. Dans l’ordre décroissant, les cellules présentant les valeurs de contrôle les plus conséquentes sont la cour centrale, le couloir d’accès aux magasins, la cuisine (32), la cellule 11, la cour (63-64) et la cellule 15 (Fig. 502). Le plan justifié de la deuxième phase du palais présente environ 29 % d’espaces de type a, 28 % d’espaces de type b, 18 % d’espaces de type c et 25 % de type d (Fig. 503)1121. Avec 57 % d’espaces de type a et b, il perd donc sensiblement en distributivité par rapport à celui de la première phase. Néanmoins, bien que le nombre d’entrées diminue, le graphe ne prend qu’un niveau de profondeur. L’ensemble des constatations évoquées au sujet de la première phase reste d’application pour la seconde. En effet, les agencements spatiaux s’y déclinent de manière très similaire. On peut malgré tout remarquer que l’accès à l’ensemble des zones de stockage (cellules 2-8) adopte désormais un profil non-distribué, au même titre que la cuisine (32). Il convient de souligner que l’annexe sud-ouest était totalement indépendante du reste du palais et présente aussi une nature non-distribuée1122. Les particularités des entrées (49) et (69) n’évoluent, quant à elles, pour ainsi dire pas d’une phase à l’autre (Fig. 504 et 506). De manière générale, on garde l’impression que la cour centrale est le principal liant spatial de l’édifice1123. À nouveau, les valeurs quantitatives restent constantes que l’extérieur soit pris en compte ou non (Fig. 508). L’ensemble de l’édifice perd quelque peu en intégration mais la hiérarchie des cellules reste identique à celle de la première phase. Les cellules à forte valeur de contrôle restent globalement les mêmes (Fig. 509)1124.
275D’une phase à l’autre, les données obtenues par l’entremise de Depthmap sont fortement similaires. Aussi, sont-elles commentées de concert. En termes d’intégration visuelle (Fig. 510a et 511a), les résultats font essentiellement écho à ceux de l’analyse de la syntaxe spatiale. On constate ainsi l’intégration très prononcée de la cour centrale (particulièrement dans sa partie nord) et du Hall of the Ceremonies (28) et la ségrégation d’espaces tels que le bain lustral (58), les espaces de stockage (3) et (4), les cellules 25-27 ou encore la partie sud-ouest de l’aile sud. En ce qui concerne les étapes de profondeur visuelle (Fig. 510b et 511b), il est intéressant de constater que la cour centrale n’était qu’assez peu perméable visuellement depuis les divers points d’entrée1125. On constate également que la réclusion visuelle de certaines cellules est nettement plus prononcée d’une phase à l’autre, tout particulièrement au niveau des annexes de la cuisine, de la zone de stockage et d’une partie de l’aile ouest. En complément à leurs graphes d’accès, les étapes de profondeur visuelle sont également appliquées aux deux entrées principales (Fig. 498, 500, 505 et 507). En ce qui concerne le contrôle visuel (Fig. 510c et 511c), le potentiel de la cour centrale se distingue très nettement au même titre que la partie nord du Hall of the Ceremonies (28). Les plans de contrôlabilité sont particuliers dans la mesure où l’on peut aisément repérer une différentiation très nette entre des zones à fort potentiel et des zones à potentiel très faible (Fig. 510d et 511d). C’est ainsi que se distinguent la cour (63-64), le bain lustral (58), la cour centrale, la cuisine, les espaces de stockage (3) et (4), la partie sud-ouest de l’aile sud (cellules 47a-b et 48), les cellules 22 et 25-27 ainsi que, durant la seconde phase, l’extension sud-ouest.
276Bien que nous ayons postulé l’existence de plusieurs entrées au palais de Zakros, il est impossible d’apprécier les abords de chacune d’entre elles. En effet, l’étendue restreinte des fouilles dans certains secteurs et la conservation toute relative des vestiges qui s’y trouvent ne permettent pas d’évaluer les approches en direction de la cuisine (32), de la rampe (55) ou du couloir (32). On peut néanmoins remarquer que leur profil longitudinal en faisait très certainement des espaces de transition induisant un certain dynamisme en direction de l’intérieur du bâtiment1126. Les deux entrées principales du palais sont malgré tout connues. Le dispositif situé au Nord-est ne laisse aucun doute quant à la manière dont était approché le palais1127. En effet, à cet endroit, la route pavée s’interrompait et un grand seuil monolithique marquant l’entrée de la rampe qui descendait vers la cour (63-64). Bien que l’ouverture de cette voie d’accès ne se trouvait pas dans l’alignement de la route, il est évident qu’elle devait drainer les circulations en son sein, à plus forte raison si la voie de communication ne s’étendait pas audelà. Couplé à l’existence d’un dallage formant une sorte de tapis rouge, le profil longitudinal de la rampe (69) aiguillait évidemment le mouvement en direction de la cour (63-64). Le mauvais état de conservation de ce secteur nous empêche d’en apprécier l’aspect, néanmoins le vaste espace que formait cette cour estompait indubitablement tout dynamisme. Peut-être s’agissait-il de temporiser l’accès à la cour centrale afin d’inviter les visiteurs à prendre certaines dispositions au préalable. L’existence d’un kernos de forme particulière (Platon 1971 : 201) dans une pièce annexée à la cour dont on ne gardait que de rares traces ainsi que celle du bain lustral (58) pourraient évoquer le déroulement de pratiques rituelles particulières, constituant une étape préliminaire à la pénétration dans la cour centrale depuis l’entrée ‘officielle’. On peut également imaginer que le dallage dessinant la bande évoquée par Platon se poursuivait au sein du pavement de la cour (63-64) et menait en direction du couloir desservant la cour centrale et les cellules adjacentes. En ce qui concerne le passage sud (49), il est évident qu’il ne présentait pas un aspect aussi soigné que l’entrée nord-est1128. En effet, il était desservi par des voies de communication faite de terre tassée et était étroitement associé à l’aile artisanale sud. L’axe longitudinal de ce passage allait mourir sur le mur sud de la cellule 29 et il formait un coude avant d’aboutir à la cour centrale. Il est évident que cette dernière formait un espace éminement positif dont la nature statique devait être assez prononcée. Néanmoins, les nombreuses connexions qu’elle entretenait avec les cellules des ailes qui la circonscrivaient contribuaient certainement à amoindrir ce caractère, tout du moins localement (Letesson et Vansteenhuyse 2006 : 100). Chaque aile du palais disposait d’un accès propre à l’étage, généralement situé à proximité de la cour centrale, à l’exception notable de l’escalier (67) de l’aile est. Au sein de l’aile sud, les pièces étaient bien individualisées les unes des autres et leurs connexions évoquaient un schéma circulatoire assez simple1129. La salle à colonne (43) semble avoir formé le noyau de cette aile, en effet, les différentes voies d’accès paraissent mener dans sa direction1130. Dans sa majeure partie, l’aile nord était constituée par la cuisine (32) et ses annexes. Le porche (34) s’y distinguait malgré tout. Il était soigneusement pavé (ce qui le distinguait de la cour centrale), directement accessible par le biais du couloir arrivant de la cour (63-64) et doté d’une banquette. Il pouvait donc à la fois servir de transition douce1131 entre la cour centrale et l’étage de l’aile nord et mettre en valeur l’approche de l’escalier (52) depuis le couloir susmentionné. La banquette s’y trouvant ayant pu permettre de contrôler les allées et venues, un peu à la manière d’une loge de portier. La première chose qui frappe à la vue de l’aile est est la relation spatiale extrêmement étroite (selon le principe de Periainen) qu’entretenaient potentiellement les salles minoennes (36) et (37). Pour peu que les diverses ouvertures aient été maintenues ouvertes, elles se fondaient presque en un seul espace et se trouvaient dans une forte continuité spatiale par rapport à la cour centrale. Dans une certaine mesure, cette remarque vaut également pour le Hall of the Cistern (62) qui pouvait être largement ouvert sur la cellule 37. Évidemment la présence massive de baies à portes multiples au sein de cette aile rendait possible (et voir même probable) une gestion subtile de l’espace architectural1132. Du côté de l’aile ouest, les accès étaient bien différenciés : le couloir (31) menait à la cuisine et au Square Lobby (9), la cellule (30) menait essentiellement à l’étage bien qu’elle desservait également la cellule 9 alors que l’entrée sud mettait directement la cour centrale en communication avec le Hall of the Ceremonies (28). Les différentes parties constitutives de ce dernier et la pièce 29 peuvent se prêter aux mêmes commentaires que les salles minoennes de l’aile est à l’exception près qu’elles n’entretenaient qu’une relation spatiale (et visuelle) très réduite avec la cour centrale. Néanmoins, il est évident que le Hall of the Ceremonies était assez étroitement lié à la partie occidentale de l’aile ouest que ce soit visuellement par le biais des fenêtres du puits de lumière ou spatialement par le biais des différentes ouvertures. Il semble donc raisonnable d’affirmer que la cellule 28 était davantage orientée vers l’intérieur de l’aile ouest qu’en direction de la cour centrale. Les cellules 9, 11 et 15 constituaient probablement des zones tampons dont le tracé permettait d’amoindrir tout dynamisme, voir de filtrer les circulations en direction de la zone de stockage (à l’agencement simple) pour la première et des diverses cellules de la partie occidentale pour les deux autres. Bien que les cellules 13, 16, 22 et 23 semblent disposer d’un agencement un peu particulier, l’existence de cloisons en briques crues devait permettre un certain compartimentage spatial. Au contraire, le bain lustral (24) et les cellules 25-27 sont bien différenciés des espaces adjacents. Étant donné que la cour nord-est et la cour centrale formaient deux espaces à ciel ouvert, il peut être intéressant d’évaluer l’impact potentiel des façades qui les circonscrivaient et contribuaient à leur donner une identité visuelle particulière. En effet, comme nous l’avons déjà évoqué, le regard humain est automatiquement attiré par les grands espaces dégagés (dans ce cas précis, le ciel qui se dessine au-delà des façades du bâtiment) en conséquence de quoi les plans verticaux deviennent extrêmement importants (Cousin 1980 : 146). En effet, si un observateur doit élever les yeux trop haut pour apercevoir le ciel, il risque d’être affecté par un stress visuel assez conséquent. Dans de telles circonstances, les façades seraient perçues comme un obstacle cloisonnant (Letesson et Vansteenhuyse 2006 : 100). En ce qui concerne la cour centrale, si l’on applique la zone de vision optimale d’un observateur situé au milieu de la cour, les façades est et ouest ne devaient pas dépasser 4m40 et les façades nord et sud 8m80. Avec l’ellipse de vision, ces valeurs passent respectivement à 3m10 et 5m50. Bien que la présence d’escaliers ne soit pas une preuve suffisante de l’existence formelle d’étages à part entière, le fait que Platon ait mis au jour de nombreuses traces des matériaux de construction et d’abondants objets provenant de couches supérieures de destruction tend à corroborer leur existence, tout particulièrement dans l’aile ouest. Ces constatations tendraient à prouver que les façades de la cour centrale à Zakros auraient pu instiller un certainement étouffement spatial chez les personnes s’y tenant pour peu qu’on les dote toutes d’un étage en bonne et due forme. Aussi, si l’on admet que cette cour constituait un lieu de rassemblement privilégié et que l’on imagine mal qu’elle ait formé un contexte spatial potentiellement négatif1133, il faut admettre que toutes les façades n’étaient pas dotées d’un réel étage mais peut-être simplement d’un toit terrasse, accessoirement muni d’une couverture légère1134. En ce qui concerne la cour nord-est, on peut raisonnablement admettre que ses murs nord et est ne s’élevaient pas vraiment à une hauteur conséquente (en tout cas pas supérieure à celle d’un étage). En revanche, il n’est pas impossible que ses deux autres murs de façades aient été plus élevés, contribuant à magnifier l’approche officielle du palais et à impressionner les visiteurs1135.
277En tant que domaine actif, l’architecture du palais de Zakros mérite également quelques commentaires. Tout comme dans le cadre de l’étude des autres palais, la cour centrale, théâtre présumé de diverses manifestations, est envisagée à la lumière des sphères de communication. Que ces dernières soient simplement disposées aux principaux points de pénétration sur la cour (sous la forme de sphères) mais également à l’endroit où existaient de nombreuses connexions entre une aile et la cour ou en regard de l’emplacement présumé du balcon que l’on restitue à la verticale du portique est (Platon 1971 : 179) et qui aurait pu constituer un poste d’apparition et/ou d’observation (sous la forme de bandes parallèles) (Fig. 512), on peut constater qu’une majeure partie de la cour centrale devait se prêter à des manifestations nécessitant des modalités de communication publique de portée restreinte (gris de tonalité moyenne) et de portée étendue (gris clair)1136. À nouveau, tout comme en ce qui concerne les autres palais, il est possible qu’une communication plus subtile ait eu lieu plus localement à certains points de contact entre la cour centrale et les ailes environnantes (Letesson et Vansteenhuyse 2006 : 112, n. 10). Si l’on se réfère à la figure 257 également évoquée dans l’étude des autres cours centrales, il est évident que, depuis le balcon dont on pourrait postuler l’existence à l’étage de l’aile est, voir l’ensemble de la cour centrale aurait demandé un effort et obligé à pencher la tête vers le bas (Letesson et Vansteenhuyse 2006 : 111). Mises en relation avec l’étrange structure retrouvée au sein de la cour centrale (Fig. 513), les sphères de communication tendent à corroborer les modalités publiques des représentations y ayant lieu. En ce qui concerne le présumé sanctuaire à banquettes (23), Platon éveilla l’attention sur le fait que sa petite taille devait signifier qu’il n’était conçu que pour accueillir un nombre assez restreint de personnes (Platon 1971 : 124). En étroite relation avec les banquettes, on retrouve en effet la sphère de communication intime/personnelle (gris anthracite) (Fig. 514). Comme à l’accoutumée, les bains lustraux (24) et (58) renvoient également à une communication plus intime et à des représentations n’impliquant qu’un nombre restreint de personnes, tout du moins au sein même de la cellule en elle-même (Fig. 515). En effet, comme illustré avec le bain lustral (58), il est possible que différents niveaux de participation aient existé à mesure que l’on s’éloignait du lieu de la manifestation présumée. Comme évoqué ci-dessus, l’aile est semble avoir été résolument orientée vers la cour centrale et offrait la possibilité de mettre cette dernière en communication visuelle avec le Hall of the Cistern (62). Bien que rien ne prouve que cette cellule ait eu une quelconque fonction rituelle, il peut être intéressant d’y tracer les sphères de communication visuelle (Fig. 516). On se rend ainsi compte que les sphères intime/personnelle (gris anthracite) et sociale (gris foncé) correspondent à l’étendue de la citerne dont on imagine qu’elle pouvait être le point focal, alors que ses abords immédiats correspondaient à la sphère publique de portée restreinte (gris de tonalité moyenne). Il est également assez évident que les baies à portes multiples de l’espace séparant cette zone de la salle minoenne (37) semblent correspondre à la limite entre deux sphères. L’accès visuel ou physique à cette zone, étroitement associée aux salles minoennes1137, aurait ainsi pu être amplement modulé : « Through manipulation of the pier-anddoor partitions small groups of people could have been kept isolated in hall [36] from activities taking place in and around the ‘Cistern’. Meanwhile those activities could be gradually revealed or concealed by opening or closing the pier-and-door partitions of hall [37] and the corridor separating it from […] the ‘Cistern’. » (Hitchcock 2000 : 174). Bien que rien ne prouve que des manifestations rituelles se soient déroulées au sein de la cellule 62, il convient d’admettre que la continuité visuelle et spatiale qu’entretiennent les cellules de l’aile est entre elles et tout particulièrement par rapport à la cour centrale pourrait plaider en faveur de l’existence d’un prolongement de la dimension publique de cette dernière vers l’intérieur de l’aile.
Choiromandres et Kokkino Froudi
278C’est à partir de 1984 et jusqu’environ 1996 qu’un programme de recherche du Ministère grec de la Culture entreprit d’étudier le réseau routier minoen au sein d’une région pilote (Tzedakis et al. 1989 ; Tzedakis et al. 1990 ; Chryssoulaki 1999) (côte orientale de la Crète, Province de Sitia, préfecture de Lasithi1138). C’est au sein de cette région, qu’à la fin du 19ème s., Arthur Evans repéra diverses constructions qu’il n’hésita pas alors à qualifier de fortins ou de postes de garde qu’il imagina s’organisant en réseaux (Tzedakis et al. 1989 : 72, n. 79, Fig. 42)1139. Par la suite, consécutivement à ses découvertes à Knossos, Evans défendit l’idée d’une Pax Minoica (PoM II : 60-92 et tout particulièrement p. 63, n. 5) et marqua durablement la recherche qui l’adopta quasi aveuglément pendant longtemps (Chryssoulaki 1999 : 76-77). Afin d’illustrer les travaux menés à bien par l’équipe grecque, nous allons nous concentrer sur ledit poste de Choiromandres (Tzedakis et al. 1989, Fig. 32 ; Tzedakis et al. 1990 : 49, Fig. 4) (Fig. 518) qui, de ce type de constructions, est celle qui dispose de la bibliographie la plus importante. Ce poste s’implantait au sein d’une vallée au Sud de Zakros (Tzedakis et al. 1989 : 67, Fig. 27 ; Tzedakis et al. 1990 : 45, Fig. 1), dans laquelle fut découverte une des routes qui jalonnaient la région et « semble avoir joué un rôle important dans le mouvement des hommes et des biens, dès le début de l’époque palatiale » (Tzedakis et al. 1990 : 43, n. 4). De manière générale, cet édifice se situait sur une colline élevée avec vue sur l’ensemble de la vallée et les issues des passages naturels qui y mènent (Tzedakis et al. 1990 : 45). Bien qu’il ait été le seul bâtiment couvert (ou à demi couvert) de la zone, le poste de Choiromandres n’était certainement pas un édifice fonctionnellement indépendant :
Le plan rectangulaire du poste doit donc être compris comme indissociable d’une programme de construction plus vaste de postes de vigiles et de petites tours, ainsi que de murs d’une épaisseur imposante [périboles], qui couvrent toute la surface du plateau. Ces murs, que l’on retrouve ailleurs dans la partie Est de la vallée, prolongent le programme architectural de l’acropole dans les environs, barrant efficacement la route à toute arrivée inopinée sur le plateau (Tzedakis et al. 1990 : 48)1140.
279Le poste aurait été fondé à l’époque protopalatiale (MMIIA) et utilisé pendant presque 300 ans jusqu’au MRIB (Tzedakis et al. 1989 : 72 ; Tzedakis et al. 1990 : 57 et 62 ; Chryssoulaki 1999 : 81)1141. Il s’agit d’un bâtiment carré d’environ 12m sur 12 (143m ²) séparé en six cellules (Tzedakis et al. 1989 : 66 ; Tzedakis et al. 1990 : 51). Il fut construit sur la pointe nord-est de la colline sur un rocher grossièrement nivelé qui s’étend seulement sous la partie ouest (Tzedakis et al. 1989 : 66). À l’Est, les fouilleurs repérèrent un ensemble de murs qui s’entrecoupent faisant office de fondation1142. La plus grande pièce de l’édifice est la cour dallée (1) (Tzedakis et al. 1989, Fig. 34). Cette dernière était certainement hypèthre ou, comme une dépression circulaire centrale pourrait le laisser deviner, dotée d’une couverture légère (Tzedakis et al. 1990 : 51). La fenêtre dont le mur est garde la trace devait probablement servir, si l’on en croit les fouilleurs, à « décharger les bêtes de somme qui arrivaient dans la cour extérieure Est et transporter les produits directement à l’intérieur du bâtiment » (Tzedakis et al. 1990 : 51, Fig. 8). Cette pièce était également dotée d’une sortie de secours (Tzedakis et al. 1989 : 66, Fig. 29 ; Chryssoulaki 1999 : 78, n. 25). Le matériel découvert à cet endroit prouva que la cour était un espace de service1143. Les pièces qui encadrent la cour à l’Ouest et au Nord devaient être recouvertes par un toit plat et une terrasse revêtue de fines plaques de schiste dont on retrouva de nombreuses traces durant la fouille (Tzedakis et al. 1990 : 53). La cellule 2, était pourvue de banquettes et révèla quelques vases culinaires (Tzedakis et al. 1990 : 53). C’est au sein de la pièce 4, dotée d’une fenêtre côté ouest, que l’on retrouva les traces d’un petit atelier, probablement de tailleur de pierre (Tzedakis et al. 1990 : 53-55, Fig. 11-13). Dépourvu d’entrée, du moins au niveau de conservation des murs, la cellule 5 reste relativement énigmatique (Tzedakis et al. 1990 : 55)1144. La cellule 6, assez mal conservée, est reliée à la pièce 3 par un couloir dallé oblong1145. Au Sud de l’édifice, la pièce étiquetée VI par les fouilleurs semble avoir été une adjonction plus tardive et n’est pas retenue dans le plan présenté dans ce travail (Tzedakis et al. 1990 : 56, Fig. 4). Accolée à l’édifice au Nord, se trouve une terrasse (7) circonscrite de murs assez élevés qui ne communiquait pas avec le reste de l’édifice et à laquelle on accédait sans doute par le biais d’un escalier depuis la cour extérieure à l’Est (Tzedakis et al. 1989 : 66, Fig. 35, n. 72 ; Tzedakis et al. 1990 : 56). De manière générale, si l’appareil, les terrasses successives et les murs de la colline, joints au petit nombre d’ouvertures semblent être caractéristiques d’une architecture défensive, les trouvailles (mobilier et ustensiles domestiques) ne diffèrent en rien de celles faites « dans n’importe quel bâtiment minoen servant à l’agriculture ou l’élevage » (Tzedakis et al. 1990 : 56-57)1146. C’est une des raisons qui poussèrent les fouilleurs à rapprocher Choiromandres d’exemples de l’architecture rurale minoenne dans une démarche comparative (Tzedakis et al. 1990 : 57-62)1147. C’est ainsi que ce poste de garde fut comparé à la maison de Stou Kouse1148, à la ‘maison-sanctuaire’ de Rousses1149 ou encore au bâtiment d’Agia Varvara1150. Les fouilleurs estimèrent donc que le poste de garde de Choiromandres - et les postes de garde en général - adoptèrent le « modèle architectural traditionnel de l’époque, complété par des aménagements qui conféraient au bâtiment son caractère défensif. » (Tzedakis et al. 1990 : 62). En ce qui concerne ce « modèle architectural », il est intéressant de remarquer que le plan de Choiromandres évoque le modèle du carré inscrit au sein d’un carré (square-within-a-square pattern) dont Preziosi précisa l’importance en architecture minoenne1151.
280Le plan justifié de ce poste de garde pose un léger problème dans la mesure où la sortie de secours mettant en relation spatiale la cour dallée (1) avec la cour extérieur à l’Est (Tzedakis et al. 1989 : 66, n. 71 ; Chryssoulaki 1999 : 78, n. 25) pourrait être envisagée comme un point de pénétration dans le système (et consécutivement, la cellule 1 comme un espace de type c) (Fig. 519). Dans la mesure où cette dernière ne devait certainement fonctionner que lors de certaines circonstances et probablement pas de manière quotidienne, nous considérons la cellule 1 comme un espace de type b. De plus, il est nécessaire de préciser que la terrasse (7), ne faisant pas partie du bâti interne en tant que tel, n’est pas intégrée à l’analyse. De nature non-distribuée, le graphe s’ouvre donc sur un espace de type b, au potentiel de contrôle fort, qui articule les circulations dans le reste du poste de garde, soit directement vers des espaces de type a (cellules 2 et 3) soit par l’entremise d’un espace de transition (de type b) vers les cellules 4 et 6 (également de type a). Comme nous l’avons remarqué dans d’autres édifices au plan relativement similaire, le potentiel de contrôle semble s’accroître à mesure que l’on s’enfonce dans l’édifice par le biais d’une succession d’espaces de type b1152. Les valeurs quantitatives n’évoluent qu’assez peu selon que l’on prenne l’extérieur en compte ou non dans les calculs (Fig. 520). C’est la cour dallée (1) qui est la cellule la mieux intégrée au système, suivie par le couloir nord. Les cellules 2, 3, 4 et 6 sont, quant à elles, nettement moins intégrées1153. Les cellules présentant les valeurs de contrôle les plus conséquentes sont la cour (1) et l’espace de transition nord (Fig. 521).
281L’intégration visuelle corrobore très clairement les résultats de l’analyse de la syntaxe spatiale (Fig. 522a) alors que les étapes de profondeur visuelle font écho à l’idée d’un contrôle accru à mesure que l’on s’enfonçe dans le bâtiment en illustrant la réclusion visuelle des pièces du nord (Fig. 522b). Le potentiel de contrôle visuel est particulièrement élevé aux points de décision, c'est-à-dire à l’entrée, à la jonction entre 1 et 2 et à l’ouverture de la cour dallée sur le couloir nord (Fig. 522c). La contrôlabilité, quant à elle, se manifeste principalement dans la cour dallée (et notamment à sa jonction avec la pièce 2) ainsi que dans la partie nord des cellules 4 et 6 (Fig. 522d).
282Si l’on se fie au plan établi par les fouilleurs (Tzedakis et al. 1990 : 45, Fig. 1), il apparaît évident qu’on ne pouvait approcher aisément l’édifice de Choiromandres que depuis le Sud de la colline, en passant entre les postes de vigile B2 et B3. En ce qui concerne l’agencement interne, la cour dallée (dont les fouilleurs estiment qu’elle pouvait avoir été dotée d’un support central) rappelle les salles à support central parfois dotées d’un foyer dont on a mentionné l’existence dans divers édifices. À ce sujet, mis à part le fait qu’elle soit directement accessible depuis l’extérieur, on pourrait faire au sujet de la cour (1) les mêmes commentaires que ceux concernant la salle à support central (3) de l’édifice M de Vasiliki. Il en va de même pour la partie nord de l’édifice de Choiromandres où l’on retrouve, dans un tracé en chicane depuis 2 vers 4 et 6, un souci d’atténuer tout dynamisme.
283Rien ne porte à croire que des représentations de quelque type que ce soit aient pu avoir lieu au sein de ce poste de garde1154. Aussi, il est difficile d’y tracer les sphères de communication à un endroit précis. Quoi qu’il en soit, cet édifice n’aurait certainement pas pu accueillir une manifestation nécessitant un mode de communication dépassant la sphère sociale.
284Situé au Nord de Choiromandres, le long du même axe routier (Tzedakis et al. 1990 : 60, Fig. 20, n. 42), le poste de garde de Kokkino Froudi (Chryssoulaki 1999, pl. VI. n. 13 ; pl. VII et VIII, n. 9) (108m ²) (Fig. 523) présente les caractéristiques récurrentes d’un tel édifice1155. Il n’est évoqué ici qu’à titre exemplatif et ne sera pas analysé dans la mesure où son tracé interne, qui n’est pas sans rappeler Stou Kouse, est une version simplifiée de celui de Choiromandres. De manière générale, l’édifice de Kokkino Froudi remplit les trois facteurs principaux rendant compte de la nature et de la fonction des postes de garde : il a un caractère défensif clair (il s’agit d’une structure ‘fermée’ indépendante bien qu’intégrée à un système plus étendu fait des murs et de structures secondaires. C’est la multiplication de tels systèmes qui forme un réseau apte à couvrir une zone très étendue), présente une forme architecturale homogène (résultant d’une planification et d’une échelle de construction standardisée) et est étroitement lié aux axes de communication sur lesquels il disposait d’un contrôle visuel (Chryssoulaki 1999 : 81).
Mochlos
285Petite île d’environ 250m sur 300, Mochlos se trouve à proximité de la côte nord de la Crète, à l’extrémité orientale de la baie de Mirabello (Aerial Atlas : 188 ; Soles et al. 2003, Fig. 1). Durant l’Âge du Bronze, l’île était reliée à la Crète par un isthme étroit d’environ 180m de long (Aerial Atlas : 188, Fig. 25. 2)1156. Ce dernier la mettait en contact avec une plaine fertile, délimitée par les montagnes Ornos, s’étendant sur 4,5km, principalement à l’Est de Mochlos (Soles et al. 2003 : 1). Le site insulaire et la région côtière furent d’abord explorés par Seager au début du 20ème s. (Seager 1909 ; Seager 1912), puis brièvement lors de fouilles de sauvetage et de sondages effectués par Platon dans les années 50 avant d’être systématiquement remis en chantier par J. Soles et C. Davaras à partir de 1989 (Soles et Davaras 1992, 1994 et 1996). L’île en elle-même révéla la présence de nombreuses tombes à maison datées du MA II-MM IA au sein desquelles un matériel riche et abondant fut découvert (Aerial Atlas : 186 ; Soles 1992). Ces dernières auraient été liées à un établissement sur la côte sud de l’île1157. À l’époque protopalatiale (MM IB-II), Mochlos donne l’impression d’avoir été partiellement abandonnée (Aerial Atlas : 186 et 192). En effet, on ne retrouva de cette période que quelques rares dépôts (Soles et Davaras 1992 : 422-423 et 426-428 ; Soles et Davaras 1996 : 180-184). Durant la phase MM III-MR I, la ville néopalatiale se développa, sur une surface globalement semblable à celle de l’établissement prépalatial alors que certaines tombes furent réutilisées (Aerial Atlas : 186 et 192). Les fouilles mirent au jour quatre blocs urbains pour un total d’une petite quinzaine de bâtiments (Fig. 524) (Soles et Davaras 1996, Fig. 1). Au MR IB, la ville s’étendit audelà des limites de l’île dans la mesure où un établissement de nature industrielle sur lequel nous reviendrons fut découvert derrière le village moderne (Aerial Atlas : 192 ; Soles et Davaras 1996 : 202-207 ; Soles 1997 ; Soles et al. 2003 ; Soles 2004 : 155)1158. Cette période fut également, de manière générale, une phase durant laquelle, à deux reprises, les structures préexistantes furent rénovées ou rebâties et de nouveaux édifices construits aussi bien sur l’île que sur la plaine voisine où apparurent diverses petites fermes (Soles 2004 : 153-157)1159. Toujours à la même époque, au début du MR IB, une carrière fut ouverte à proximité du site, sur le continent (Soles 1983 ; Soles 2004 : 159). Cette dernière fut utilisée dans l’édification des divers bâtiments à Mochlos mais également à Pseira et Gournia (Aerial Atlas : 186 ; Soles 2004 : 159). Sans entrer dans les détails, la ville de Mochlos fut détruite à la fin du MR IB, probablement suite à un tremblement de terre, bien que l’on retrouva également des traces d’incendie (Aerial Atlas : 186)1160. Par la suite, au MR III, le site fut fortement réoccupé avant d’être finalement abandonné à la fin du MR IIIB (Smith 2005 ; Brogan 2006).
286Bien que la publication finale concernant l’établissement insulaire de Mochlos ne soit pas encore disponible, les rapports préliminaires ainsi que divers articles permettent de se faire une idée relativement précise de deux des édifices du centre urbain. Le premier, le bâtiment C. 3 (Fig. 525) (Soles et Davaras 1996 : 194-198, Fig. 11 ; Troubled Island : 242 ; Soles 2004 : 158-160) se situait en bordure ouest du quartier C, à l’endroit où il était séparé du quartier B par une rue descendant du Nord-est vers le Sud-ouest (Soles et Davaras 1996 : 185, Fig. 6 ; Soles 2004 : 157, Fig. 11. 3). Fouillé de 1990 à 1993, l’édifice fut probablement bâti durant la phase de transition MM III/MR IA comme en attestèrent des sondages dans la pièce 5 (Soles et Davaras 1996 : 198). Consécutivement à l’éruption de Santorin, un tremblement de terre aurait mis à mal cette structure dont le mur est et la majeure partie de l’étage s’effondra (Soles et Davaras 1996 : 198 ; Soles 2004 : 158). Par la suite, au MR IB, le vestibule d’entrée (1) et l’escalier y étant associé furent partiellement élaborés en pierres de taille (Soles 2004 : 158, Fig. 11. 3). Au même moment, une structure rectangulaire dotée de deux pièces fut ajoutée à l’angle sud-est du bâtiment (cellules 11 et 12) et était, selon toute vraisemblance, un espace de vie indépendant accessible depuis une petite ruelle séparant, à l’Est, les bâtiments C. 3 et C. 4 (Soles 2004 : 158, Fig. 11. 3). Durant une seconde phase MR IB, la rue est-ouest entre C. 2 et C. 3 fut bloquée par la construction de deux pièces (cellules 13 et 14) accessibles depuis la rue via une porte à l’Ouest mais également, en ce qui concerne la plus orientale, depuis l’intérieur de C. 3 via la pièce 10 (Soles 2004 : 160, Fig. 11. 3)1161. Après la destruction finale du MR IB, la zone fut réoccupée au MR III (Soles et Davaras 1996 : 197-198 ; Smyth 2005). Les vestiges conservés donnent à l’édifice une superficie avoisinnant les 131m2 pour une quinzaine de cellules lors de son extension maximale durant la seconde phase MR IB. Les cellules 8, 9 et 10 furent les premières à avoir été fouillées. Situées en contrebas, elles formaient à n’en pas douter un secteur de stockage. En effet, on y retrouva de nombreux pithoi, des jarres piriformes et des coupelles coniques et ogivales probablement utilisées pour puiser dans les plus grands conteneurs (Soles et Davaras 1996 : 194-197). La pièce 10 révéla également la présence d’un amas de fragments de lingots de cuivre et d’objets en bronze en mauvais état. Il est probable que ces éléments aient été entreposés dans un sac en tissu dans l’attente d’être fondus et retravaillés1162. C’est au sein de la cellule 9 que l’on mit également au jour un kernos en pierre qui provenait certainement de l’étage dont tomba également une table à libation attestant la présence d’un petit sanctuaire domestique (Soles et Davaras 1994 : 404 ; Soles et Davaras 1996 : 196). Cette même cellule donnait aussi accès au rez-de-chaussée par le biais d’un escalier en ‘L’. L’entrée principale de l’édifice se situait à l’angle nord-ouest, sur la rue séparant les quartiers B et C (Soles et Davaras 1996 : 197). Le vestibule (1) donnait accès à la pièce 3 au Sud mais également à un long escalier en ‘U’ desservant l’étage supérieur (Soles et Davaras 1996 : 197)1163. Le secteur formé par les espaces 3, 4, 5 et 6 supportait très certainement un étage mais fut quelque peu perturbé par la réoccupation MR III (Soles et Davaras 1996 : 197). Selon toute vraisemblance, une ouverture mettait en relation la pièce 3 avec la pièce 4 ainsi qu’avec le palier de l’escalier associé à la cellule 9 (Soles et Davaras 1996 : 197-198). Une lampe en pierre fut découverte dans l’angle sud-ouest de la pièce 3 et pourrait avoir servi à éclairer le palier susmentionné (Soles et Davaras 1996 : 198). Bien qu’aucune trace de porte ne subsiste, les fouilleurs estimèrent que la cellule 4 était également connectée à l’espace 5 à l’Est (Soles et Davaras 1996 : 198).
287Le plan justifié proposé au sein de ce travail concerne la dernière phase néopalatiale de l’édifice (Fig. 526)1164. De manière générale, il n’est pas sans rappeler, entre autres, les plans justifiés des édifices de Palaikastro. En effet, on y retrouve un anneau externe simple (constitué d’espaces de type c) à partir duquel s’articule le reste de l’édifice soit directement vers des espaces de type a, soit par l’entremise d’espaces de type b. Cet agencement offre une certaine flexibilité en termes de circulation mais, du fait qu’il circonscrit les mouvements au sein d’un réseau défini, conserve un certain potentiel de contrôle. Hormis l’ouverture sur la cellule 14 (de type a), le bâtiment était pourvu de deux entrées formant la base de l’anneau. Le vestibule (1) donnait accès à l’étage par le biais de l’escalier (2) mais également à la cellule 3, la première pièce du rez-de-chaussée. C’est depuis cette dernière que s’articulaient les circulations au sein des vestiges conservés, soit au même niveau vers 4 et 5, soit vers le niveau de la zone de stockage par l’entremise du palier (6) et de l’escalier (7). Depuis l’entrée en 13, il était nécessaire de passer par une enfilade de deux magasins (10 et 9) avant de rejoindre l’escalier susmentionné. En plus de mettre le sous-sol en relation avec l’étage par le biais de ce dernier, la cellule 9 commandait également l’accès en direction du grand espace de stockage 8. Depuis le vestibule (1), l’entrée principale, l’accès en direction de l’étage et des pièces du rez-de-chaussée est très aisé (entre les deuxième et cinquième niveaux de profondeur) (Fig. 527). Au contraire, la zone des magasins est bien plus recluse spatialement. Si l’on emprunte l’entrée en 13, la perspective est inversée et le graphe gagne un niveau de profondeur (Fig. 529). En effet, le secteur de stockage est facilement accessible alors que l’accès au premier étage et les pièces du rez-de-chaussée sont relégués entre les sixième et huitième niveaux de profondeur. De manière générale, hormis les points de pénétration dans l’édifice (1 et 13), les valeurs quantitatives gardent un rapport relativement constant même si elles gagnent en ségrégation lorsque l’extérieur n’est pas pris en compte (Fig. 531). Néanmoins, en termes d’intégration, que l’extérieur soit pris en compte ou non, les cellules 3, 6 et 7 dominent largement au contraire de l’escalier (2), de la cellule 8 et surtout de la pièce 5. Les cellules présentant une valeur de contrôle importante sont le vestibule (1) et l’espace 9 (Fig. 532)1165.
288Pour mener à bien l’analyse visuelle en prenant en compte le fait que les différentes cellules de l’édifice ne se trouvaient pas au même étage, le postulat fut pris qu’il était impossible de voir depuis le bas de l’escalier (7) en direction du palier (6). Dans une telle situation, le contrôle, la contrôlabilité et les étapes de profondeur restent comparables aux résultats que l’on obtient en ne prenant pas cette mesure de blocage visuel. Seule l’intégration change considérablement. En effet, en ne bloquant pas l’ouverture entre ces deux cellules, l’intégration visuelle renvoie aux résultats de l’analyse de la syntaxe spatiale qui ne prend évidemment pas en compte les étages en tant que tels (Fig. 533a). Au contraire lorsque le rez-de-chaussée est bien séparé du sous-sol, on constate que la cellule 3 constitue la zone la mieux intégrée du premier alors que, dans le cas du second, c’est le cas de la partie sud des pièces 8, 9 et 10 (Fig. 533b). Les étapes de profondeur visuelle illustrent la réclusion visuelle assez prononcée des cellules 8 et 5 (Fig. 533c). Elles furent également appliquées à chacune des deux entrées en complément de leur graphe d’accès (Fig. 528 et 530). En termes de contrôlabilité, la cellule 8 présente un potentiel particulièrement élevé que l’on retrouve également, dans une moindre mesure, au sein de la cellule 13, de la pièce 3 et du vestibule (1) (Fig. 533e).
289L’édifice C.3 était accessible, d’une part, depuis une des rues principales de la ville qui séparait le quartier B du quartier C, d’une autre, depuis un espace perpendiculaire à cette dernière s’ouvrant en face de l’angle sud-est du bâtiment B. 2 (Soles 2004 : 157, Fig. 11. 3). Le vestibule (1) formait indubitablement l’entrée principale de l’édifice (Soles et Davaras 1996 : 194). Depuis ce dernier, l’attraction dynamique la plus manifeste était probablement en direction de l’étage, l’escalier s’ouvrant dans le prolongement de l’ouverture sur la rue. En revanche, la circulation vers le rez-de-chaussée adoptait un profil en chicane. On peut se demander si cette apparente volonté d’orienter les mouvements en direction de l’étage au détriment du rez-de-chaussée ne reflète pas la tendance, réçemment évoquée, à l’implantation de zones cultuelles semi-publiques à l’étage des bâtiments au MR IB (Driessen 2005 : 88)1166. Cette hypothèse s’avère encore plus séduisante si l’on rappelle que c’est durant le MR IB que le vestibule et l’escalier se voient partiellement reconstruits en pierres de taille et qu’il existe, au sein de C. 3, des trouvailles attestant de l’existence probable d’une zone rituelle à l’étage du secteur des magasins. Bien qu’étant placés en enfilade les magasins 8, 9 et 10 étaient caractérisés par une certaine continuité spatiale il est évident que l’adjonction de la cellule 13, créant une entrée en chicane, venait en compliquer l’accès. En ce qui concerne le reste de l’édifice, le peu de certitude que l’on a en matière de connexions spatiales rend toute considération hypothétique. Néanmoins, il peut être intéressant de faire remarquer que le profil de l’escalier (7) contribuait certainement à atténuer tout dynamisme spatial entre le niveau des magasins et le rez-de-chaussée.
290Si l’on envisage les cellules conservées présentant la plus grande superficie, il paraît évident que l’édifice C. 3 constituait certainement le cadre d’activités d’échelle intime/personnelle et sociale. Néanmoins, il peut être intéressant de faire remarquer que des pièces plus étendues pourraient avoir existé à l’étage1167.
291Implanté à proximité du bâtiment C. 3 dont il n’est séparé que par une rue, dans l’angle nord-ouest de la portion fouillée de la ville, l’édifice B. 2 (Fig. 534, 535 et 536) (Soles et Davaras 1994 : 405-411, Fig. 8-10 ; Soles et Davaras 1996 : 184-194, Fig. 6-8 ; Troubled Island : 243 ; Soles 1999 : 57-58, pl. IIIa ; Soles 2004 : 159-160) fut découvert en 1991 et fouillé par la suite, notamment en 1992-1993 (Soles et Davaras 1996 : 184-185). Étant donné que des tessons MR IB furent continuellement trouvés sous les sols de l’édifice, on estima qu’il fut établi à cette époque (Soles et Davaras 1996 : 189). La découverte de coupelles à boire da