L’enseignement de la religion et de la morale dans la Constitution vu de Flandre : réflexion critique et proposition constructive
p. 175-191
Note de l’auteur
Merci à Caroline Sägesser pour la traduction.
Texte intégral
1. Le « consensus » sur le cadre constitutionnel
1L’indépendance de la Belgique est le fruit d’un compromis entre catholiques et libéraux, réunis dans une même opposition au régime hollandais et à l’autoritarisme de Guillaume Ier. La volonté du souverain protestant de contrôler l’Église et l’enseignement, mais aussi la presse, alimenta la révolte des uns et des autres. La Constitution de février 1831, rédigée par le Congrès national, est le reflet de cette alliance unioniste entre catholiques et libéraux. En ce qui concerne le régime des cultes, les articles 14 et 15 (aujourd’hui 19 et 20), d’inspiration libérale, établissent la liberté de culte et d’opinion – y compris celle de ne professer aucun culte – tandis que les articles 16 et 117 (aujourd’hui 21 et 181), d’inspiration catholique, émancipent l’Église de tout contrôle de l’État tout en lui garantissant le maintien du financement public.
2L’article 17 (aujourd’hui 24), qui s’ouvre sur « L'enseignement est libre ; toute mesure préventive est interdite » est également le fruit de ce compromis : dans une persepective libérale, la liberté, y compris d’enseignement, est toujours une bonne chose. Dans une perspective catholique, la liberté est une opportunité pour développer un réseau d’écoles catholiques. La liberté inscrite en 1831 à l’article n’était pas alors comprise comme celle des parents de choisir l’école de leurs enfants, mais bien celle de tout citoyen d’ouvrir une école conforme à ses convictions religieuses ou à son projet pédagogique. Il s’agissait en vérité de la « liberté d’enseigner »367. Ce n’est donc pas une surprise que catholiques et libéraux divergèrent bientôt sur l’interprétation de cet article : la question scolaire a donné naissance à de véritables guerres scolaires, dont, pour les catholiques, l’enjeu n’était, ni plus ni moins, que le contrôle de « l’âme de l’enfant ». À côté de la question de la légitimité de l’enseignement catholique et de son financement par les pouvoirs publics, le débat se développa également sur la place de la religion à l’école : devait-elle être aussi enseignée dans les écoles officielles ? Si oui, ce cours devait-il être obligatoire ? Qu’en était-il d’un cours de morale neutre ?
3La question de la place de la religion à l’école ne quittera pas le champ politique jusqu’à la première moitié du 20e siècle. Après la guerre scolaire des années 1950, un gouvernement social-chrétien minoritaire à la Chambre chercha l’apaisement et, en novembre 1958, les trois grandes formations politiques signèrent le Pacte scolaire qui prévoyait le libre choix entre la morale et la religion dans l’enseignement officiel368. La loi du Pacte scolaire du 29 mai 1959 prévoit (art. 8) que chaque école officielle (primaire et secondaire) doit offrir au minimum deux heures par semaine d’instruction religieuse ou de morale non confessionnelle. Par instruction religieuse il fallait entendre l’enseignement de la religion catholique, protestante ou israélite.
4En 1988, la quasi-totalité des compétences en matière d’enseignement ont été transférées aux Communautés. Afin de garantir la paix scolaire et de pérenniser les principales dispositions du Pacte scolaire, celles-ci ont été coulées dans l’article 17 de la Constitution. Cet article, renuméroté depuis 24, dit désormais que « Les écoles organisées par les pouvoirs publics offrent, jusqu'à la fin de l'obligation scolaire, le choix entre l'enseignement d'une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle » (§1) et que « Tous les élèves soumis à l'obligation scolaire ont droit, à charge de la communauté, à une éducation morale ou religieuse » (§3). Ce troisième paragraphe implique que les pouvoirs publics doivent également financer les cours de religion qui sont organisés dans l’enseignement libre. Contrairement au Pacte scolaire, le premier paragraphe de l’article 24 fait désormais référence aux « religions reconnues », entraînant une augmentation automatique du nombre de cours de religions que les écoles officielles seront tenues d’offrir en cas d’admission d’un nouveau courant au financement public. Le Pacte scolaire, lui, ne faisait pas référence à l’anglicanisme, pourtant reconnu dans notre pays depuis 1835 ; entretemps, l’islam (1974), le christianisme orthodoxe (1985) et la laïcité organisée (1993/2002) ont été reconnus, et admis au financement public (tel que prévu à l’article 181 de la Constitution).
2. Les cours « philosophiques », une incongruité dans la Constitution
5Dans une perspective historique, on peut expliquer la présence des cours philosophiques dans la Constitution. En revanche, du point de vue de la philosophie du droit, c’est une aberration. Dans la perspective du libéralisme politique, la Constitution est l’instrument de garantie des droits fondamentaux, qui doivent être protégés contre la tyrannie de la majorité369. C’est ainsi que la liberté de conscience et la liberté d’association doivent être des principes garantis dans la Constitution. Cependant, l’application de ces principes doit être l’objet d’un processus de prise de décision ouvert et démocratique370. Dans cette perspective, le prescript constitutionnel belge est trop précis, avantage le status quo et crée des rigidités et une hiérarchie à l’avantage de certaines religions, historiquement établies. Ce régime constitutionnel n’est pas approprié aux évolutions sociétales nouvelles et il entrave le processus de déliberation démocratique sur ces questions.
6Le droit à l’information et à l’éducation constituent des libertés fondamentales ; le droit à des cours de religion dans les écoles officielles, financés par le gouvernement, n’est pas un droit fondamental – et donc n’a pas à être garanti par la Constitution. Aucune autre matière scolaire, que ce soit le français, les mathématiques ou la biologie – ou l’enseignement de la seconde langue nationale – n’est mentionnée dans la Constitution : seuls les cours dits philosophiques sont obligatoires. Pourtant, l’opportunité pour les écoles officielles d’offrir des cours de religion devrait être décidée par un débat politique public : l’obligation actuelle devrait être ouverte à la contestation démocratique par le biais d’un processus législatif ordinaire.
7S’il y avait probablement une majorité démocratique en faveur du financement des cours de religion obligatoires dans les écoles publiques dans les années 1950, il est possible que les opinions en cette matière aient depuis lors changé, et nous devons avoir la possibilité du débat démocratique sur ce thème. Sous l’impact de la sécularisation, la dépilarisation et les migrations, la société belge et le paysage religieux ont profondément évolué, ce qui ne peut manquer d’avoir un impact sur l’enseignement de la religion. Un débat à ce propos est aujourd’hui indispensable, mais il est entravé voire rendu impossible parce que les dispositions du Pacte scolaire se trouvent « bétonnées » dans la Constitution.
8Le caractère problématique des injonctions de l’article 24 s’apprécie également à la lumière de notre système institutionnel. Dans les années 1980, la Réforme de l’État a confié aux trois Communautés les compétences en matière d’enseignement. Depuis, un ministre propre à chaque Communauté, une adminitration et un corps législatif décrétal propres se sont développés. Seule l’organisation des cours dits philosophiques est encore liée à des dispositions fédérales – constitutionnelles. Il s’agit d’une incohérence par rapport à la répartition des compétences dans notre État fédéral, préjudiciable à l’autonomie des Communautés et contraire au principe de l’homogénéité des compétences. Les Communautés flamande, française et germanophone devraient être libres de déployer leur propre politique d’enseignement, y compris en matière de cours dits philosophiques, sur base d’un processus de décision démocratique. Ces deux arguments plaident pour une modification de l’article 24 de la Constitution. La Constitution doit en effet garantir la tenue du débat ouvert et démocratique, et non l’empêcher.
3. Les chiffres et les différences entre la Communauté flamande et la Communauté française
9Le paysage de l’enseignement se présente différemment en Flandre et en Wallonie. Dans la partie sud du pays, l’enseignement officiel a en effet conservé plus de terrain371. En Communauté française, 42,5 % des élèves du primaire et 61 % des étudiants du secondaire fréquentent l’enseignement libre. En Flandre, ces pourcentages s’établissent respectivement à 62 % et 75 %. Depuis 2008, les écoles du réseau libre en Flandre sont subventionnées par l’État à hauteur de quasi 100 %. Étant donné que 99 % des écoles libres en Flandre sont des écoles catholiques, où les élèves sont obligés de suivre le cours de religion catholique, le pourcentage global d’enfants qui suivent cet enseignement est plus élevé en Communauté flamande qu’en Communauté française : au niveau secondaire, 80 % de tous les élèves suivent le cours de religion catholique, 12 % la morale non confessionnelle, et 4 % la religion islamique. Dans les écoles francophones, ces pourcentages s’établissent respectivement à 69 %, 24 % et 7 %. Par rapport à la Flandre, il y a deux fois plus d’élèves qui suivent le cours de morale non confessionnelle et le cours de religion islamique.
10À côté des écoles catholiques, le réseau libre compte en Flandre quelques écoles juives, protestantes, humanistes et proposant une pédagogie alternative (Steiner, Freinet et autres), qui offrent chacune leur propre cours philosophique. Contrairement à la Communauté française, la Communauté flamande n’oblige pas les écoles libres à organiser « deux heures de la religion correspondant au caractère de l’enseignement372 ». En Flandre les décrets n’excluent aucune possibilité : les écoles libres peuvent proposer un ou plusieurs cours des religions reconnues ou la morale, ou proposer tant la religion que la morale, ou encore elles peuvent proposer un cours de formation culturelle373. Cette dernière est surtout proposée par les écoles à pédagogie alternative. Contrairement à la Communauté française, la Communauté flamande n’oblige donc pas les écoles libres catholiques à n’enseigner que la religion catholique. Quelques écoles primaires catholiques, pour la plupart localisées dans la région minière du Limbourg, proposent déjà depuis un certain temps des cours de religion islamique. Mais ce n’est pas la stratégie dominante du réseau catholique flamand, et de telles initiatives ne sont plus développées actuellement. Donc, en dépit d’un cadre législatif différent, en pratique les situations côté flamand et côté francophone se rejoignent : dans l’enseignement catholique, le plus souvent, les élèves ne peuvent suivre que la religion catholique.
11Si l’on considère uniquement les établissements du réseau officiel en Communauté flamande, le pourcentage d’élèves inscrits au cours de religion catholique s’établit à plus de 50 % en primaire ; il tombe à 28 % en secondaire, une différence qui s’explique par la part plus importante du réseau libre au niveau secondaire. Au niveau de l’enseignement secondaire officiel, le cours de morale non confessionnelle est le plus suivi, avec 51 % des élèves. Le cours de religion catholique s’établit à 28 %. Une situation similaire est observée en Communauté française où le cours de morale rassemble 36 % des effectifs et le cours de religion catholique 43 % dans les écoles primaires, pour respectivement 57 % et 23 % dans les écoles secondaires. Le pourcentage d’élèves qui suivent le cours de religion islamique est le même dans les deux Communautés : 18 %. Dans des villes comme Anvers ou Bruxelles, ce pourcentage augmente jusqu’à frôler les 50 %. Conséquence de la démographie des grandes villes, le pourcentage d’élèves qui optent pour la religion musulmane y augmente chaque année. Il n’y pas d’écoles libres confessionnelles musulmanes en Flandre. Les 0.2 % d’élèves (2000) suivant des cours d’éducation islamique dans les écoles libres sont les élèves des collèges turcs Lucerna – organisés par le mouvement Gülen. Ces écoles, toutefois, n’ont pas le statut d’écoles confessionnelles islamiques, mais officiellement celui d’écoles libres non confessionnelles. En pratique, cependant, tous les élèves suivent les cours d’éducation islamique. Malheureusement, le nombre d’élèves musulmans dans les écoles catholiques n’est pas visible dans les statistiques. Il y a sans aucun doute des milliers de musulmans fréquentant ces écoles, en particulier dans et autour des grandes cités, où les élèves musulmans constituent souvent une majorité dans certaines écoles catholiques.
12Les autres cours dans les établissements du réseau officiel ne scolarisent qu’un très petit nombre d’élèves. En Flandre, comme en Wallonie, le cours de religion protestante n’est fréquenté que par 1 ou 2 % des élèves des écoles publiques, et le cours de religion orthodoxe par moins de 1 % des élèves des écoles publiques. En ce qui concerne les Juifs, on peut constater qu’en Flandre la plupart des jeunes Juifs vont dans une école juive du réseau libre : 1275 dans les écoles juives primaires et 722 dans les écoles juives secondaires (2012-13), alors que seulement 44 élèves suivaient une instruction religieuse juive dans les écoles publiques secondaires.
13Une des différences entre l’organisation des cours philosophiques en Communauté flamande et en Communauté française est que l’éventail des choix proposés en Flandre est plus large : en dépit du prescrit constitutionnel, le cours de religion anglicane n’est toujours pas proposé en Communauté française. Les écoles flamandes le proposent, mais le cours ne réunit guère qu’une douzaine d’élèves sur toute la Communauté. En Communauté flamande, il est également possible d’être dispensé de suivre tout cours dit philosophique. La dispense n’est sollicitée que par un petit nombre de parents ; en 2012-2013 ils étaient 1742 élèves à avoir obtenu une telle dispense pour toute la Communauté flamande. Probablement s’agit-il essentiellement de Témoins de Jéhovah, de protestants évangéliques et d’élèves des écoles à pédagogie alternative.
14L’origine de cette possibilité de dispense se trouve dans le statut différent du cours de morale dans les deux grandes Communautés du pays. Depuis longtemps, déjà, le statut du cours de morale non confessionnelle fait l’objet de deux interprétations différentes. Pour certains, il s’agit d’un cours de morale neutre, qui peut être suivi par tout élève qui ne trouverait pas son bonheur dans l’offre des différents cours de religion. Pour d’autres, il s’agit d’un cours engagé, basé sur une morale humaniste qui n’admet pas de transcendance, et peut être à l’occasion anticléricale. Cette différence se révèle cruciale : si le cours de morale est bien un cours neutre, il peut être imposé à chacun, quelles que soit ses convictions ou celles de ses parents. Dans le cas contraire, la dispense de l’enseignement de tout cours dit philosophique s’avère indispensable pour respecter la liberté de conviction.
15La dispense prévue en Flandre trouve son origine dans différentes décisions judiciares. En 1985, un arrêt du Conseil d’État a dit que le cours de morale organisé en Communauté flamande n’avait pas un caractère neutre, et a ainsi rendu la dispense obligatoire. Les parents ont le droit de réclamer que leur enfant soit dispensé de suivre tout cours de religion ou de morale, puisqu’aucun d’entre eux ne correspond à leurs convictions. La décision du Conseil d’État a été confirmée par des arrêts similaires, en 1990374.
16Depuis 1993, le caractère engagé et non neutre du cours de morale en Communauté flamande est formellement admis. Suite à la reconnaissance officielle de l’humanisme non confessionnel (modification de la Constitution en 1993 et loi sur les organisations du Conseil central laîque en 2002), la communauté des Libres penseurs a le droit constitutionnel d’organiser son propre cours philosophique, et s’est employée à le faire. Depuis 1993, la responsabilité du contenu du cours de morale en Flandre est confiée à la communauté laïque : l’Unie voor Vrijzinnige Verenigingen/mens.nu a mis sur pied un conseil, le Raad voor inspectie en begeleiding niet-confessionele zedenleer (RIBZ, asbl) composé de professeurs d’université, d’enseignants, des représentants des parents, des syndicats et des organisations laïques. Exerçant un rôle comparable à celui des organes représentatifs pour les religions reconnues, le RIBZ est responsable du programme du cours de morale, et propose les professeurs et les inspecteurs à la nomination ou à la révocation, et organise leur formation permanente. Ainsi, le cours de morale non confessionnelle ne peut plus être imposé comme un cours obligatoire pour les élèves dont les parents décident qu’ils ne suivront pas l’un des cours de religion.
17La situation est différente en Communauté française, où le Centre d’action laïque (CAL) ne contrôle pas le cours de morale. Les enseignants des cours de morale sont nommés par les pouvoirs organisateurs, et le cours de morale dispose d’un programme officiel de la Communauté française. Ainsi, le cours de morale non confessionnelle continue-t-il à être considéré officiellement375 comme un cours neutre dont la fréquentation ne peut être contraire aux opinions des parents. Cette opinion, cependant, est aujourd’hui remise en cause376.
18Le résultat jusqu’à maintenant est que la dispense est un droit en Flandre, mais est impossible dans les autres Communautés en Belgique. La dispense a été établie en Flandre par une circulaire en 2002377 et confirmée par un arrêté du gouvernement flamand en 2004378. Depuis, la possibilité de dispense a été inscrite, explicitement mais sous la forme d’une note en bas de page, sur le formulaire de choix du cours philosophique à remplir en début d’année. La requête de dispense, en raison du respect de la vie privée, ne doit pas être motivée. En revanche, les parents doivent s’engager à fournir aux enfants le matériel nécessaire à l’étude de leurs propres croyances pendant le temps ainsi libéré. Le Conseil de classe est chargé de vérifier si cela est bien le cas. Il est donc théoriquement possible qu’un élève passe les douze années de son cursus scolaire sans jamais recevoir un cours d’instruction religieuse ou morale.
19C’est pour cette raison qu’en 2003, le Conseil flamand pour l’éducation (Vlaamse Onderwijsraad/VLOR) a fait une proposition spécifique pour les écoles publiques. Avec le juriste Raf Verstegen, le VLOR a soutenu que les écoles publiques ne devraient pas simplement offrir des cours sur les religions reconnues et la morale non confessionnelle, mais aussi un cours « neutre » sur les religions et les conceptions du monde379. Les personnes n’appartenant pas à une religion reconnue ou qui ne sont pas d’accord avec le contenu des cours d’éducation religieuse et de morale non confessionnelle ne devraient pas être exemptés mais devraient disposer d’une alternative valide, « neutre », appelée « orientation religieuse ». La proposition n’aboutit pas, car plusieurs instances, en particulier les catholiques et les laïques s’y opposèrent fortement et firent échouer les discussions380.
20L’absence d’un cours neutre, et la possibilité de dispense qui en découle sont en contradiction avec l’esprit de la Constitution qui indique que chacun a droit à une éducation religieuse ou morale (art. 24§3).
4. Les défis
21Tant au nord qu’au sud du pays, l’organisation des cours dits philosophiques est désormais l’objet d’un débat politique et sociétal. Ce n’est pas surprenant. Le système du Pacte scolaire apparaît de plus en plus comme anachronique, à la lumière du développement du pluralisme confessionnel et de la dépilarisation. Ces modifications du paysage religieux questionnent le système du Pacte scolaire belge, tant sur le plan pratique que dans ses aspects théoriques. Même si ce système a l’avantage, en qui concerne l’éducation religieuse, d’accorder une attention spéciale aux minorités religieuses reconnues, plusieurs problèmes sont soulevés.
22L’augmentation du nombre de cultes reconnus a des conséquences problématiques, notamment quant à l’organisation, les aspects financiers et la formation des enseignants. Cette organisation (il y a 8 options en Flandres), et l’absence d’un nombre minimum d’élèves requis pour ouvrir un cours, pose de grands problèmes pratiques. Le système d’une éducation religieuse séparée implique un grand nombre de classes et d’enseignants dans les écoles publiques. Dans les zones urbaines de la Belgique, où la population scolaire est religieusement diversifiée, cela génère d’importantes difficultés pour planifier l’emploi du temps des élèves et pour trouver suffisamment de salles de classe et d’enseignants afin d’assurer tous les cours d’éducation religieuse qui se déroulent en même temps. En Communauté flamande, une enquête auprès des directeurs d’écoles primaires communales en zone urbaine a révélé que 80 % d’entre eux rencontraient des difficultés avec l’organisation des cours dits philosophiques381. Pour tous, il s’agit de trouver une plage horaire qui convienne à l’ensemble des professeurs de cours de religion ou de morale, ou se résigner à regrouper les élèves par classe en fonction du choix de cours de religion ou de morale. Parce qu’il n’y a pas un nombre minimum d’élèves requis pour ouvrir un cours, il n’est pas rare non plus d’avoir des classes de religion avec très peu d’élèves. Ce système a ainsi un coût élevé. Ces problèmes financiers et organisationnels ne pourront que croître dans le futur, puisque d’autres conceptions du monde (comme le bouddhisme) demanderont une reconnaissance, ce qui leur donnera le droit d’organiser aussi leur propre cours de religion à l’école. Il n’est pas certain que le système puisse supporter un tel accroissement.
23Un autre problème concerne la difficulté de recruter des enseignants et des inspecteurs compétents car les cultes reconnus n’ont pas tous un programme efficace de formation d’enseignants. C’est tout récemment et dans deux écoles supérieures seulement qu’un diplôme de BA en islam peut être obtenu ; le nombre de diplômés de ces écoles est bien insuffisant pour rencontrer la demande du marché du travail. De nombreux professeurs de religion islamique ne disposent pas d’une formation adéquate, que ce soit au niveau théologique ou pédagogique. De plus, il n’existe pas de formation pour enseigner la religion islamique au niveau du master382. Ceci implique que tous les enseignants de religion islamique dans l’enseignement secondaire supérieur sont sous-diplômés.
24La formation insuffisante des enseignants de cours de religion musulmane a des conséquences inacceptables quant à la qualité de l’enseignement donné. Cette situation est particulièrement vraie dans les villes, où le nombre d’élèves qui choisissent l’islam est élevé, et les directions des établissements scolaires se plaignent régulièrement de la formation pédagogique et théologique insuffisante des enseignants de religion musulmane, mais également de leurs faibles compétences linguistiques. En application de l’autonomie des instances religieuses organisant les cours de religion, les directeurs des établissements scolaires n’ont aucun moyen pour changer la situation. De manière non surprenante, des politiciens plaident pour que la formation des enseignants en islam soit conforme aux valeurs de notre société démocratique et libérale et qu’elle soit en lien avec les progrès scientifiques et théologiques.
25Dans les écoles officielles, la question se pose aussi de savoir s’il faut continuer à mettre en œuvre un système de ségrégation où les musulmans sont mis à part pour l’islam, les catholiques pour le cours de catholicisme romain, les non-croyants pour la morale non confessionnelle, etc. Nombreux sont ceux qui considèrent que ce système n’est pas le meilleur moyen pour préparer les jeunes citoyens à vivre dans une société multiculturelle et pour leur enseigner des aptitudes interculturelles et interreligieuses. La question est particulièrement pertinente si l’on considère que les raisons pour lesquelles les élèves et/ou leurs parents choisissent l’une ou l’autre conception du monde dans les écoles publiques sont souvent non religieuses : la sympathie pour un enseignant particulier, l’influence de leurs amis, l’attraction (perçue) d’un certain sujet religieux, etc., jouent un rôle. En général, les objectifs originaux du système ne sont plus remplis : l’idée sous-tendant le Pacte Scolaire était d’« enseigner dans la religion ». Cependant, pour les parents, les élèves et les enseignants d’éducation religieuse, ce n’est plus le (seul) objet de l’éducation religieuse. Sur ce point, on assiste à un changement de paradigme dans la plupart des pays occidentaux383 : pendant longtemps, le but principal de l’enseignement religieux était, sans conteste, de répondre au désir des parents d’éduquer leurs enfants dans leur propre interprétation confessionnelle de la tradition chrétienne. Aujourd’hui, les buts de cet enseignement sont plus larges : contribuer à l’éducation générale des élèves et les préparer à participer comme citoyens à la future société multiculturelle. L’un des objectifs centraux de l’enseignement religieux est l’Allgemeine Bildung qui implique, entre autres choses, une meilleure compréhension de la société, du respect pour les autres traditions religieuses et une citoyenneté multiculturelle. De même, L’UNESCO, la Commission européenne, l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe et le Conseil de l’Europe soutiennent les initiatives pour stimuler le dialogue religieux, l’éducation interreligieuse et l’étude des religions et de la diversité séculière. Ces initiatives sont perçues comme des éléments essentiels dans la lutte contre les préjugés et dans le soutien à plus de respect et de tolérance384.
26C’est là précisément la faiblesse de l’enseignement en Flandre. Tant les enquêtes nationales qu’internationales indiquent que les écoliers flamands ne sont pas bien formés à la citoyenneté et à la démocratie385 et, particulièrement dans les villes, il existe un degré inquiétant d’intolérance à l’égard des minorités religieuses et des homosexuels. Une enquête réalisée à Gand et à Anvers a révélé qu’un tiers des jeunes n’étaient pas certains qu’il était bon que les musulmans jouissent du droit de pratiquer librement leur religion. Quant aux jeunes musulmans, la moitié d’entre eux s’opposent au mariage homosexuel, un quart justifie la violence à l’égard des homosexuels ; l’antisémitisme demeure très répandu386.
27Dans l’enseignement flamand, l’éducation à la citoyenneté n’occupe pas une place centrale dans le curriculum, en contradiction flagrante avec les besoins actuels de la société. Actuellement, cet enseignement repose essentiellement sur des cours de religion et de morale qui fonctionnent de façon tout à fait autonome et sans contrôle de l’État. Alors, il y a des arguments pour que les pouvoirs publics exercent plus de responsabilités, parce que les tensions multiculturelles et interreligieuses ne vont pas disparaître toutes seules.
28Les processus de dépilarisation et de sécularisation deviennent également visibles dans le choix d’une école : en Flandre, malgré la dépilarisation, 75 % des élèves fréquentent des écoles secondaires catholiques, mais pour beaucoup de parents, le choix d’un établissement catholique n’est plus fondé sur des raisons religieuses. Souvent, la situation géographique, le nombre d’immigrants et la qualité éducative perçue sont des facteurs décisifs dans le choix d’une école. En conséquence, le cours de religion catholique romaine dans les écoles catholiques est de plus en plus fréquenté par des enfants sécularisés qui ne croient pas ou qui ne pratiquent aucune religion. Au début du 21e siècle, seuls 25 % des élèves des écoles catholiques affirment être croyants et 86 % disent n’être que rarement, voire même jamais, entrés dans une église. Environ la moitié des élèves seulement reconnaissent que le cours de religion choisi, c’est-à-dire catholique romain, est en accord avec leur propre conception du monde387. En outre, surtout dans les grandes villes, des écoles catholiques comptent beaucoup d’élèves musulmans, parfois même un majorité. Tous ces élèvent suivent aussi l’éducation religieuse catholique.
29Dans les écoles catholiques, le problème de la ségrégation n’existe pas. Tous les élèves suivent l’éducation religieuse catholique romaine – quelle que soit leur tradition religieuse. Le défi consiste plutôt alors à savoir comment faire face aux effets de la sécularisation et à la pluralité actuelle dans les classes. Le but de l’éducation religieuse catholique ne peut plus être catéchétique : « enseigner dans la religion » relève du passé. Cette transformation est visible dans l’adaptation des programmes de l’éducation catholique. Étant donné que le milieu religieux des élèves dans les écoles catholiques (mais aussi des élèves qui suivent l’éducation catholique dans les écoles publiques) est bien plus divers et sécularisé qu’il y a quelques générations, le curriculum de l’éducation religieuse catholique a été modifié en 1999. Depuis, plus d’attention a été accordée à la réalité de la diversité religieuse, à la présentation et au dialogue avec les traditions non chrétiennes, et à un apprentissage interreligieux. Cependant, le cours a toujours un caractère (semi)confessionnel : il est organisé par l’Église catholique, les enseignants sont nommés par l’Église catholique, et les autres traditions religieuses sont toujours envisagées à travers et confrontées à leur « propre » tradition catholique. Ce type de « déconfessionnalisation » a conduit à un paradoxe : d’un côté, la pluralité religieuse est considérée sérieusement et les élèves reçoivent des informations sur les religions non chrétiennes ; de l’autre, cette information est toujours donnée de l’intérieur et confrontée avec la tradition catholique / chrétienne, laquelle est présentée comme le « chemin vocationnel qui inspire ».
30Bien que ce nouveau curriculum soit une réponse bien pensée au pluralisme et à la sécularisation, il a été critiqué de toutes parts. Pour certains, parmi lesquels l’archevêque André Léonard, le nouveau curriculum n’est pas assez catholique, et l’éducation religieuse est devenue un « méli-mélo » de questions sociétales au lieu d’être une « véritable » éducation religieuse catholique. Pour d’autres, à l’inverse, le curriculum est encore trop « catholique ». On peut se demander combien parmi les élèves, les parents et les enseignants sont d’accord avec l’opinion de Léonard selon laquelle il faut une « authentique » éducation religieuse.
31Cela nous conduit à un autre problème important : l’identité religieuse des enseignants de religion catholique. Le discours officiel derrière le système actuel est que les enseignants d’éducation religieuse catholique sont non seulement des experts et des modérateurs, mais qu’ils doivent aussi être des « témoins » de leur propre croyance religieuse. Comme de plus en plus d’enseignants ne sont plus aussi catholiques (voire ne le sont plus du tout) que ce que le système requiert logiquement, ils font face à un problème identitaire. De plus, dans les écoles primaires, l’éducation religieuse est assurée par l’instituteur, dont l’identité religieuse est la plupart du temps plutôt séculière ou religieusement indifférente. Le discours actuel autour de l’éducation catholique romaine apparaît ainsi comme non réaliste. En outre, il n’y a plus de consensus autour de l’idéal que constituerait l’enseignement depuis sa propre tradition et à partir d’elle comme mieux pour le développement religieux et moral des élèves non catholiques qu’une éducation religieuse intégrée, organisée en toute indépendance et qui mettrait l’accent non sur les convictions religieuses particulières de l’enseignant, mais sur son authenticité, ses compétences et ses connaissances.
5. Améliorer le système ou en changer ?
32Malgré les considérations pratiques et financières et les évolutions religieuses et sociologiques mentionnées ci-dessus, l’organisation de l’éducation religieuse en Belgique n’a pas vraiment changé depuis 1958. Pourtant, dans les dernières années, il y a eu plusieurs propositions et évolutions. Le projet du VLOR de 2003 et l’introduction d’un nouveau programme de religion catholique (semi-déconfessionalisé) en 1999 ont déjà été mentionnées. Ci-dessous nous passerons brièvement en revue les initiatives flamandes plus récentes.
33En 2010-2011 le Parlement flamand a discuté la proposition déposée par des parlementaires Open Vld et Groen en juin 2010, qui proposaient qu’au troisième degré de l’enseignement secondaire, la moitié des heures réservées aux cours dits philosophiques soient consacrées à l’étude des autres traditions, tant dans l’enseignement libre que dans l’enseignement officiel388. En décembre 2011, la Commission de l’éducation du Parlement flamand a organisé des auditions d’experts issus du monde académique et de responsables des trois réseaux d’enseignement. Cependant, l’un des problèmes fondamentaux de cette proposition était qu’elle donnait au gouvernement autorité pour décider (au moins partiellement) du contenu de l’éducation religieuse, ce qui ne correspond ni au principe de séparation de l’Église et de l’État ni à la tradition constitutionnelle de la Belgique. C’est pourquoi il n’est pas étonnant qu’il n’y ait pas eu de majorité pour soutenir cette proposition.
34Sans attendre le résultat du débat parlementaire, le Conseil des écoles de la Communauté flamande (Gemeenschapsonderwijs – GO !) fit sa propre proposition. À partir de septembre 2014, une plus grande attention devrait être donnée à la connaissance d’autres conceptions religieuses et au dialogue interreligieux dans les deux dernières années du cursus secondaire. Cependant, bien que le Conseil ait annoncé cette idée dans les médias, l’organisation pratique de ce cours (à savoir qui l’enseignera, qui sera responsable de la formation des enseignants, des programmes et des inspections, combien de cours doivent être planifiés) et la conformité de cette proposition avec l’article 24 de la constitution restent des questions ouvertes389.
35Dans certaines écoles officielles, les enseignants ont de plus en plus conscience de la nécessité de compléter l’éducation religieuse organisée en classes séparées par la coopération entre enseignants et élèves de différentes conceptions du monde. Cependant, ces initiatives dépendent de la situation locale dans les écoles, de la créativité et de la bonne volonté des enseignants d’éducation religieuse et de l’enseignant de morale non confessionnelle. Il n’y a actuellement pas beaucoup de support structurel pour ces initiatives, mais cela pourrait changer dans le futur proche. En 2012, les différentes instances religieuses et l’instance responsable pour l’éthique non confessionnelle ont signé une déclaration conjointe au sujet de leur engagement à stimuler les compétences interreligieuses et le dialogue. Toutes les religions et l’instance laïque s’accordent à dire que les élèves doivent en apprendre davantage au sujet des autres conceptions et sont d’accord avec l’idée qu’il doit y avoir plus de coopération interreligieuse entre les enseignants de différentes conceptions du monde. Actuellement des étapes visant à concrétiser cela pour six périodes d’enseignement chaque année sont envisagées. Bien que destinées prioritairement à l’enseignement officiel, les écoles libres pourraient également s’efforcer d’adopter le même concept. Il s’agit à l’évidence d’une évolution positive, mais qui paraît être too little too late : elle privilégie le status quo, le système du Pacte scolaire, et empêche de développer la réflexion autour de nouvelles pistes.
36Le ministre de l’Enseignement flamand (Pascal Smet sp. a) a travaillé en coulisses pour aboutir à une proposition basée sur l’accord de gouvernement. Dans l’accord de gouvernement du gouvernement flamand (2009-2014) se trouvait l’intention de travailler avec les enseignants des différents cours de religion et de morale pour aboutir à une proposition de cours commun pour l’avenir390. Toutefois, le ministre a mis son initiative de côté après que les autorités religieuses se soient engagées conjointement en faveur des compétences interconvictionnelles.
37Moi-même, je propose depuis 2009 une réforme en profondeur de l’héritage du Pacte scolaire. Notre système d’éducation religieuse et morale, vieux de 50 ans, n’est plus en phase avec une société caractérisée par une diversité croissante, par la dépilarisation et la sécularisation. Pour cette raison, je suis partisan de rendre les cours de religion et de morale facultatifs (tout au moins dans le réseau officiel), et d’introduire un cours, obligatoire, de philosophie et d’histoire du fait religieux, dans tous les réseaux. Cette proposition, qui, en Flandre, est bien connue sous l’acronyme LEF (Levensbeschouwing, Ethiek & Filosofie [Conceptions de la vie, éthique et philosophie])391, ne s’inscrit pas dans une réforme dans le cadre du Pacte scolaire, mais veut introduire un nouveau système. Dans le contexte de la Belgique, cette proposition est radicale, parce qu’elle nécessite en principe une réforme de l’article 24 de la Constitution qui ne permet pas en l’état actuel de rendre les cours de religion et de morale facultatifs392.
38La proposition LEF est fondée sur les concepts d’éducation religieuse intégrative et d’éducation religieuse basée sur le savoir des sciences des religions393. Elle s’inspire des évolutions observées dans d’autres pays – et notamment le cours d’Éthique et de Culture religieuse (ECR) au Québec – pour démontrer la faisabilité du changement394. Tout comme en Flandre, c’est la sécularisation et la diversité religieuse croissante qui ont amené le sujet de l’éducation religieuse à l’agenda au Québec. Le « savoir vivre ensemble » est au cœur du débat. La proposition LEF répond à la critique de ségrégation dans les écoles publiques et peut solutionner quelques problèmes pratiques mentionnés ci-dessus. De plus, LEF met l’accent sur la philosophie et sur l’éducation citoyenne, qui sont jusqu’à présent quasiment absents des curricula réguliers en Flandres. LEF donne au gouvernement l’opportunité de contrôler les buts de l’éducation morale, religieuse, civique et philosophique de tous les élèves.
39LEF accepte la séparation entre l’État et l’Église (et donc que les cours de religion soient placés sous l’autorité des organes représentatifs des religions et des cultes) mais cette séparation ne peut pas fonctionner comme un alibi pour le passivité du gouvernement en ce qui concerne l’enseignement de la religion, de la morale, de la citoyenneté et de la philosophie. Il est nécessaire que le gouvernement prenne une initiative pour garantir que tous les élèves de toutes les religions, y compris les musulmans, les protestants évangéliques et les juifs orthodoxes, aient un cours indépendant et qualitatif sur la citoyenneté et la philosophie, mais aussi sur les religions (basée sur le savoir des sciences des religions et non sur une théologie). Le gouvernement doit le faire parce que tous les élèves ont le même droit à l’information qualitative et à l’éducation scientifique sur les religions, la morale, et la démocratie.
40LEF est un plaidoyer en faveur d’une meilleure connaissance des religions et de l’apprentissage de la philosophie, pour une formation morale adéquate et pour une éducation citoyenne. Tous les enfants ont le droit de recevoir une formation à la philosophie, à l’éthique et à la connaissance des religions du monde. En outre, le vivre-ensemble impose que son contenu soit explicité et étudié dans les écoles. Dans notre époque marquée par une grande diversité, mais aussi une sécularisation impressionnante, donner une éducation adéquate sur les différentes religions et sur la manière dont nous pouvons vivre ensemble est une des premiers devoirs de nos écoles.
41Vivre ensemble dans la diversité exige des efforts, tant de l’(ancienne) majorité que de la part des minorités. L’enseignement ne mettra jamais trop l’accent sur l’importance du respect mutuel, des droits fondamentaux et de la démocratie et doit offrir sur ces différents plans une formation tant théorique que pratique. Certes, l’enseignement ne peut fournir des réponses à tous les problèmes posés par le vivre-ensemble, mais ce n’est pas un argument pour ne rien faire. Si nous sommes convaincus que la formation personnelle et l’apprentissage du vivre ensemble sont des tâches importantes de l’enseignement, alors l’introduction d’un cours commun comme LEF y a sa place.
Notes de bas de page
367 Mathias El Berhoumi, Le régime juridique de la liberté d’enseignement à l’épreuve des politiques scolaires, Bruxelles, Bruylant, 2013.
368 Jeffrey Tyssens, Guerre et paix scolaires 1950-1958, Bruxelles, De Boeck Université, 1997.
369 John Rawls, Libéralisme politique, Paris, PUF, [1993] 1995 ; Jürgen Habermas, Droit et démocratie. Entre faits et normes, Paris, Gallimard, [1992] 1997.
370 Matteo Bonotti, M., « Beyond Establishment and Separation : Political Liberalism, Religion and Democracy », dans Res Publica, 18/2012, pp. 333 – 349.
371 Les statistiques qui concernent la Communauté flamande sont tirées de Statistisch jaarboek van het Vlaams Onderwijs – schooljaar 2012-2013 et sont représentatives des années récentes. Les statistiques qui concernent la Communauté française donnent les chiffres de 2013-14.
372 Décret portant organisation de l'enseignement maternel et primaire ordinaire et modifiant la réglementation de l'enseignement, 13 juillet 1998, art. 55.2.
373 Décret du 25 février 1997 relatif à l'enseignement (M. B. 17 avril 1997), art. 42 : « Les écoles primaires libres offrent soit l'enseignement d'une ou plusieurs religions reconnues ou de la morale inspirée par ces religions, soit l'enseignement de la morale non confessionnelle, soit les deux, soit l'enseignement de la formation culturelle. Dans les écoles primaires libres, le cours de morale non confessionnelle est donné par priorité par un membre du personnel qui a suivi une formation initiale ou continue à cette fin ». Pour les écoles sécondaires : art. 55 du décret concernant l’enseignement II du 31 juillet 1990 (M.B. 18 août 1990).
374 Conseil d’État, arrêt n° 25.326 du 14 mai 1985, affaire Sluijs ; arrêt n° 35.442 du 10 juillet 1990, affaire Vermeersch ; arrêt n° 35.834 du 13 novembre 1990, affaire Davison.
375 Néanmoins, les associations laïques ont un intérêt particulier pour le cours de morale, notamment via la Fédération des amis de la morale laïque. Pour discussion, voir Xavier Delgrange, « Le cours de morale. Entre neutralité et prosélytisme », dans les actes de la table ronde du 25 avril 2009 sur : « Neutralité de l’enseignement de la Communauté française, mais engagement du professeur de morale ? », Entre-Vues,www.entre-vues.net, 43pages.
376 Conseil d’État, section du contentieux administratif, arrêt no no 226.627 du 6 mars 2014.
377 Circulaire GD/2002/05 du 15 juillet 2002. Voir aussi la circulaire OND/VI/9/AIG/98-99/3 du 1er mai 1999. La possibilité de dispense est également inscrite dans le décret sur l’enseignement fondamental du 25 février 1997, art. 29 (et dans le décret concernant l’enseignement XIV du 5 février 2003) et pour l’enseignement secondaire dans le décret concernant l’enseignement II (art. 52ter) du 31 juillet 1990 (M. B. 18 août 1990), et dans le décret concernant l’enseignement du 14 février 2003 (M. B. 1er juillet 2003).
378 Arrêté du Gouvernement flamand relatif à l'option ou la dispense accordée de suivre un cours dans une des religions reconnues ou un cours de morale non confessionnelle dans l'enseignement primaire et secondaire officiel, 14 juillet 2004 (M.B. 1er septembre 2004).
379 VLOR – Algemene Raad, Een nieuw vak over ethiek en levensbeschouwing in het officieel onderwijs : “levensbeschouwelijke oriëntatie”, Advies AR/PCA/ADV/010 d.d. 22 avril 2003. Raf Verstegen, « Een nieuw vak over levensbeschouwing en ethiek in het licht van art. 24 G.W. en de fundamentele rechten en vrijheden ? », dans T.O.R.B. 2002-03 (3), pp. 271-290.
380 Michel Magits, Eddy Borms, « Ethiek en levensbeschouwing in het onderwijs » in T.O.R.B. 2003-2004 (3), 220-225 ; Maurice Van Stiphout, « Een nieuw "neutraal" vak over levensbeschouwing en ethiek ? » dans T.O.R.B. 2003-2004 (3), pp. 212-219.
381 OVSG (2011), « Een puzzel met steeds meer stukjes : Levensbeschouwelijke vakken organiseren in het basisonderwijs », dans Imago, 11 (1), pp. 12-13.
382 L’Université catholique de Louvain (KULeuven) offrira dès l’année académique 2014-15 un MA en théologie islamique en une année.
383 Leni Franken & Patrick Loobuyck, Religious Education in a Plural, Secularised Society. A Paradigm Shift, Münster, Waxmann, 2011 ; Robert Jackson et all. (eds.), Religion and Education in Europe. Developments, Contexts and Debates, Münster, Waxmann, 2007 ; Luce Pépin, Teaching about Religions in European School Systems : Policy Issues and Trends - NEF Initiative on Religion and Democracy in Europe, London, Alliance Publishing Trust, 2009 ; Pille Valk et all. (eds.). Teenagers' Perspectives on the Role of Religion in their Lives, Schools and Societies. A European Quantitative Study, Münster, Waxmann, 2009.
384 OSCE, The Toledo guiding principles on teaching about religion or belief. Warsaw, Office for Democratic Institutions and Human Rights [ODIHR], 2007 ; Council of Europe, White paper on Intercultural Dioalogue : ‘ Living Together as Equals with dignity, Strasbourg, 2008 ; Robert Jackson, « Teaching about Religions in the Public Sphere : European Policy Initiatives and the Interpretive Approach », dans Numen 55, 2008 (2-3), pp. 151-182 ; John Keast (ed.), Religious Diversity and Intercultural Education : a Reference Book for Schools, Strasbourg, 2007.
385 Saskia de Groof, et all., International Civic and Citizenship Education Study (ICCS) – Vlaanderen in ICCS 2009, Bruxelles, 2009.
386 Nicole Vettenburg et all. (eds.), Jong in Antwerpen en Gent. Bevindingen uit de JOP-monitor Antwerpen-Gent, Leuven, Acco, 2013 ; Nicole Vettenburg, et all. (eds.), Jong in Brussel. Bevindingen uit de JOP-monitor Brussel, Leuven, Acco, 2011.
387 Didier Pollefeyt (Ed.). Godsdienstonderwijs uitgedaagd. Jongeren en (inter) levensbeschouwelijke vorming in gezin en onderwijs, Leuven, Peeters, 2004, pp. 258-259.
388 Vlaams Parlement, Voorstel van decreet houdende wijziging van het artikel 55 van het decreet van 31 juli 1990 betreffende het onderwijs-II, wat de vakken godsdienst en niet-confessionele zedenleer betreft, 7 juli 2010, st. 623-1 (2009-2010).
389 Au moment de finaliser cet article, il apparaît que le projet du GO ! a du plomb dans l’aile. En raison notamment de l’opposition des inspecteurs des cours philosophiques, l’initiative sera limitée à un projet-pilote dans quatre écoles en milieu urbain, où durant le troisième trimestre du troisième degré une offre commune viendra travailler les compétences interconvictionnelles.
390 Vlaams Regering 2009-2014, Een daadkrachtig Vlaanderen in beslissende tijden. Voor een vernieuwende, duurzame en warme samenleving, p. 27 : « Met het oog op de realisatie van een gezamenlijk aanbod ‘ levensbeschouwing’, naast de huidige keuzemogelijkheden binnen het officieel onderwijs, maken we de samenwerking mogelijk tussen de aanbieders van de verschillende levensbeschouwelijke vakken. »
391 www.levensbeschouwingen.be ; Patrick Loobuyck & Leni Franken, « Het schoolpactcompromis in vraag gesteld. Pleidooi voor een nieuw vak over levensbeschouwingen en filosofie in het Vlaams onderwijs », dans T.O.R.B. 44, 2009 (1-2), pp. 44-65 ; Patrick Loobuyck, Meer LEF in het onderwijs. Levensbeschouwing, Ethiek en Filosofie voor iedereen, Brussel, VUBPress, 2014 ; Patrick Loobuyck & Caroline Sägesser, Le vivre-ensemble à l’école. Plaidoyer pour un cours philosophique commun, Bruxelles, CAL, 2014.
392 Cependant, sur ce point il n’existe pas de consensus entre les juristes. Selon Marc Uyttendaele la Constitution permet bien de rendre les cours de religion et de morale facultatifs. La lettre du prescrit constitutionnel est bien de contraindre les écoles à offrir cet enseignement, et non les élèves à le suivre. Mais l’esprit du texte et l’intention du Constituant est bien d’obliger les élèves à suivre un cours. (voir Xavier Delgrange, Les Cours de Philosophie et la Constitution – Éléments de réflexion à propos du Rapport introductif portant sur “l’introduction de davantage de philosophie dans l’enseignement, que soit à court ou à long terme” déposé par Mme Wynants, http://centres.fusl.ac.be/CIRC/document/Cahier1/Delgrange.pdf). Il est donc plus efficace de supprimer la dernière phrase de l’article 24 §1 de la Constitution, d’autant plus que de telles considérations sont peu à leur place dans le texte constitutionnel.
393 Wanda Alberts, Integrative religious education in Europe. A study-of-religions approach, Berlin/New York, Walter de Gruyter, 2007 ; Tim Jensen, « RS based RE in public schools : a must for a secular State », dans Numen 55, 2008 (2-3), pp. 123-150 ; Tim Jensen, « Why Religion Education, as a Matter of Course, ought to be Part of the Public School Curriculum ». Dans Leni Franken & Partick Loobuyck, Religious Education in a Plural, Secularised Society. A Paradigm Shift, Münster, Waxmann, 2011, pp. 131-150.
394 George Leroux, Éthique, culture religieuse, dialogue. Argument pour un programme, Québec, Fides, 2007 ; Jacques Cherblanc & Dany Rondeau (dir.), La formation à l’éthique et à la culture religieuse. Un modèle d’implantation de programme, Québec, Presses de l’université Laval, 2010 ; Jean-Pierre Béland & Pierre Lebuis (dir.), Les défits de la formation à l’éthique et à la culture religieuse. Bilan et réflections autour d’un modèle d’implantation de programme, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2008 ; Mireille Estivalèzes & Solange Lefebvre (dir.), Le programme d’éthique et culture religieuse. De l’exigeante conciliation entre le soi, l’autre et le nous, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2012 ; la troisième partie du Jean-Paul Willaime (dir.), Le défi de l’enseignement des faits religieux à l’école : réponses européennes et québécoises, Paris, Riveneuve éditions, 2014.
Auteur
Étudié les sciences religieuses à la Katholieke Universiteit Leuven et la philosophie morale à l’Université de Gand. Il est actuellement maître de conférences en religions et conceptions du monde au Centre Pieter Gillis de l’Université d’Anvers et professeur invité en philosophie politique à l’Université de Gand. Ses recherches portent sur le libéralisme, les systèmes de relations État-Églises, la place du religieux dans la sphère publique, l’enseignement religieux et le multiculturalisme
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