Les crimes de la Bande noire
p. 59-86
Texte intégral
1En cette seconde moitié de XIXe siècle, une bande de voleurs terrorise la région de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Sillonnant les villages des arrondissements de Namur, Dinant, Charleroi et Nivelles, ils pillent les populations rurales les plus nanties. Celle que l’on appellera rapidement la Bande noire ou Bande de l’Entre-Sambre-et-Meuse arrivera, pendant plus de cinq ans, à passer entre les mailles du filet tendu par les autorités. Ainsi, sans compter les délits individuels commis avant la naissance de la bande, trois vols ont été commis durant l’année 1856, six en 1857, pour atteindre douze vols en 1858, neuf en 1859, quatorze en 1860 et enfin, sept avant avril 1861, mois de leur arrestation145. Le 26 avril 1861, les principaux sujets de cette association de malfaiteurs sont enfin arrêtés par la police, guidée par la dénonciation de l’un des leurs : Léopold Rabet. Jean-Baptiste Boucher, son frère, Philippe, deux des frères Leclercq – Auguste et Joseph – et l’oncle des Leclercq, François Hubinon sont mis hors d’état de nuire. L’arrestation des individus manquants – Alexandre Leclercq, le petit Thomas, Marie-Josèphe Leclercq, Arvicius, Chavée, Gobert ainsi que les deux Vanderavero – se fera par la suite, à partir des dénonciations faites par les individus alors en contact avec la justice. À la suite des interrogatoires, le voile est levé sur toute une série de vols dont beaucoup avaient été classés sans suite dans les quatre arrondissements concernés. La police judiciaire rouvre l’enquête sur des vols qui ont été commis parfois jusqu’à six ans plus tôt. Les témoins sont à nouveau appelés à raconter ce qu’ils savent sur le passage des bandits qui ont détroussé les leurs. Criminels et victimes sont confrontés et les interrogatoires se poursuivent. Désormais, les enquêteurs sont en mesure de répondre à de nombreuses questions jusqu’alors laissées sans réponse. Un nouveau point de vue est apporté à l’affaire, non plus celui des témoins, ni celui des spécialistes du crime mais celui, cette fois, des bandits146. À cet égard, un seul des crimes est resté sans réponse satisfaisante : le crime de Couillet qui aura une place à part dans ce présent chapitre.
2Le récit des crimes de la Bande noire fourni par les différentes sources que sont l’acte d’accusation, le dossier de l’instruction et les articles de presses rédigés sur l’affaire, a permis de comprendre le mode d’organisation de ces bandits du XIXe siècle. Si une présentation détaillée et systématique des 56 actes criminels de la Bande noire n’aurait pas trouvé sa place dans cet ouvrage parce que trop détaillée, nous nous sommes tout de même attardée à la description de certains crimes, parce qu’étant, soit, les plus emblématiques, soit les plus significatifs de cette fameuse bande.
1. Différents crimes emblématiques commis par la Bande noire
1.1. Avant la rencontre
3Avant de se rencontrer, les membres de la Bande noire n’en étaient pas à leur premier essai. Avant 1856, la plupart de ces hommes avaient déjà fait l’objet de condamnations pour raisons diverses et certains vols commis de manière indépendante ont même été révélés par l’instruction de 1861. C’est d’ailleurs à la suite de deux vols importants que le hasard a conduit Jean-Baptiste Boucher et Auguste Leclercq à se rencontrer à la prison de Namur.
4C’est après un vol de colza que Jean-Baptiste Boucher se retrouve en prison. Accompagné de son voisin d’enfance, Pierre Chavée, il s’est rendu dans la nuit du 29 au 30 décembre 1854 dans un champ à Lonzée afin d’y voler une grande quantité de graines de colza. Ils ont tous deux été condamnés pour ce fait le 5 avril 1855 à six mois d’emprisonnement par la Chambre correctionnelle du Tribunal de première instance de Namur147. Ils entrent en prison au mois de juillet 1855 pour n’en sortir que six mois plus tard, en janvier 1856.
5Pendant que Boucher et Chavée purgent leur peine à la prison de Namur, un crime aussi audacieux que violent est perpétré à Temploux le 4 septembre 1855 vers une heure du matin. Maximilien Quairiat, qu’on appelle le vieux, alors âgé de 63 ans, dort avec son épouse dans une des chambres à l’étage de la maison. Il en est de même pour leur servante qui occupe une pièce au rez-de-chaussée. Les malfaiteurs – au nombre de trois ou quatre selon les témoins – se sont introduits une première fois dans la chambre de leurs victimes sans se faire entendre, afin de subtiliser un grand coffre en bois déposé à la tête du lit. Ce n’est que lorsqu’ils se trouvent dans la pièce d’à côté que le bruit qu’ils font réveille le couple Quairiat. Immédiatement, Maximilien Quairiat sort de son lit et se dirige vers la pièce voisine. Lorsqu’il ouvre la porte de sa chambre, il est blessé au front par un coup de pistolet tiré à trois mètres de lui. À peine a-t-il la force de poursuivre un instant les voleurs jusqu’à la porte qu’il s’effondre et perd connaissance.
6Le médecin est immédiatement appelé sur les lieux et constate la gravité des blessures de Quairiat. Il extrait du crâne de son patient plusieurs chevrotines de plomb148. Chez les Quairiat, c’est rapidement l’effervescence. L’échevin de la commune de Temploux, et le garde champêtre arrivent en premier sur les lieux. Ils seront suivis plus tard par le substitut du Procureur du Roi de Namur, par le juge d’instruction, ainsi que par le greffier qui procèderont à l’instruction149. Les premières recherches sont entamées et le coffre en bois, qui ne contenait en réalité que des couverts en métal et quelques accessoires vestimentaires, est retrouvé à un demi-kilomètre du lieu du vol, dans la direction de Namur. Les voleurs ont transporté la lourde pièce de bois avec une brouette prise dans le voisinage150. Rapidement, une première reconstitution des faits est effectuée. L’épouse Quairiat est entendue. Comme tout témoin qui comparaît devant la justice, elle prête serment et récite la formule prévue à cet effet : « Je jure de dire toute la vérité, rien que la vérité, ainsi Dieu me soit en aide ». Alors elle rapporte ce qu’elle sait : « un individu était venu chez elle » la veille. « Il s’était assis sans qu’on ne le priât, avait demandé de la paille et des pommes à acheter ; remarquait tout ce qui se trouvait dans la maison avec des yeux hagards et s’était déclaré de Floriffoux ». Elle poursuit en disant que « ce devait être la deuxième fois que cet individu se présentait chez elle, mais en premier lieu accompagné d’un autre151 ». Sur base de ces informations, les enquêteurs ont effectué de nombreuses recherches dans les villages environnant, interrogeant tour à tour des personnes susceptibles de leur fournir des informations. Plusieurs individus sont arrêtés et auditionnés mais sans succès. Le 16 septembre 1855, Maximilien Quairiat décède des suites de ses blessures152.
7C’est Jean-Baptiste Boucher qui reparlera en premier de l’affaire de Temploux153. Il nie y avoir participé mais dit avoir entendu les Leclercq en parler. Il affirme également savoir qu’Auguste, le second des frères Leclercq, s’est constitué prisonnier quelques jours plus tard pour une peine dont il devait s’acquitter afin de se fournir un alibi. Philippe va également dans ce sens. Selon lui, Auguste allât même jusqu’à se vanter d’avoir tué un homme à Temploux154. La seule peine connue à cette période est celle purgée par Auguste du 1er octobre au 16 novembre 1855 à la prison de Namur, pour « coups, blessures, rébellion, outrage, etc.155 ». Ironie du sort, c’est très probablement durant cette courte période qu’il a fait la connaissance de Jean-Baptiste Boucher à la prison de Namur et que l’association de malfaiteurs entre les deux familles a commencé. Quant aux interrogatoires du côté des Leclercq, ils n’ont apporté aucun renseignement. Tous nient avec insistance leur présence à Temploux bien que les autorités judiciaires les voient coupables156.
1.2. Les deux familles réunies
8Le premier vol commis par des membres des familles Leclercq et Boucher est celui de Warêt-la-Chaussée dans la nuit du 12 au 13 mars 1856.
9Alors qu’il est détenu à la prison de Namur, Jean-Baptiste Boucher apprend de la part d’un certain Pirlot, un codétenu rencontré à l’infirmerie de la prison, que Jean-Baptiste Schaeys a la réputation d’être un « vieillard très riche de sa commune » et qu’« il habite seul une petite maison construite en chaume157 ». Une fois libéré, il s’empresse d’aller repérer les lieux avec son frère, Philippe Boucher. Prétextant une excuse, il parvient même à s’introduire chez le vieillard de 80 ans et à « causer » une heure environ avec lui158. Flairant le coup idéal, les deux frères ont l’idée de proposer à Auguste Leclercq, leur nouveau complice, de s’associer à eux. C’est ainsi que pour s’introduire dans la maison, les trois bandits ont fait un trou avec une pelle dans le pignon en chaume de la maison. Le vieux Schaeys n’a pas eu le temps de réagir avant d’être attrapé et roulé dans des couvertures par Auguste, alors que Jean-Baptiste fouille la maison et que Philippe fait le guet. Un coffre en bois a été fracturé et la montre en or, et les quatre mille florins de Brabant qu’il contenait ont été emportés.
10Alors que les premiers vols n’ont eu qu’un écho très limité, le troisième délit commis par la bande est couvert par la presse locale et sera qualifié par La Gazette de Mons d’« odieuse agression de Montigny-sur-Sambre159 ».
1.3. L’odieuse agression de Montigny-sur-Sambre
11Le 5 octobre 1856 vers huit heures du soir, jour de la fête communale, « une tentative d’assassinat suivie d’un vol d’argent considérable » à lieu dans la ferme d’Oignies qui est isolée de cinq cents pas environ de toute habitation160. Boniface Balon, 75 ans, et sa sœur, Désirée, âgée de 66 ans en sont les habitants. Ils partagent leur maison avec leur neveu qui est en train de festoyer au cabaret. Ce n’est que bien plus tard que les enquêteurs apprendront que cette demeure a été connue de la Bande noire grâce à Jean-Baptiste Boucher qui a déménagé cette année-là de Gembloux à Montigny-sur-Sambre. Sur les conseils de leur complice, Philippe et Auguste sont allés l’examiner, ce qui a confirmé leur idée qu’ils y entreraient sans peine161. Lorsqu’ils ont vu les voleurs arriver, les chiens ont aboyé fortement et se sont tus dès que les premiers ont escaladé la muraille162. Les Balon qui sont en train de terminer leur repas, n’ont, quant à eux, rien entendu. Peu de temps après, ils entendent frapper à leur porte alors que quelqu’un crie qu’il est arrivé quelque chose à leur neveu. Le sieur Balon se précipite pour aller ouvrir et se fait attaquer par Joseph Leclercq et Jean-Baptiste Boucher mais arrive tout de même à se défendre. La lutte est trop inégale. À bout de forces, il tombe sous leurs coups et est trainé dans l’écurie163. Là, il est gardé par Joseph pendant que ses complices, Auguste Leclercq, Philippe Boucher, et Alexandre Leclercq, le quatrième de la famille, entrent par la fenêtre afin de fouiller la maison. Ils seront rejoints plus tard par Jean-Baptiste Boucher. Désirée Balon, restée dans la maison, est elle aussi violemment maîtrisée par Auguste Leclercq qui, tout en lui serrant les mains autour du cou, la menace de l’étrangler si elle dit encore un mot. Les victimes ont reçu de nombreux coups. Désirée Balon a été blessée par trois fois à la tête tandis que son frère souffre de multiples contusions au visage et ailleurs. Avant de fuir, les bandits ont réussi à fracasser un coffre et à s’emparer de la somme de 12 650 francs. Un gros bâton de bois a été trouvé sur les lieux mais aucun indice n’a pu mettre la police sur une piste avant l’aveu des différents bandits en avril 1861.
12Ce n’est qu’en mars de l’année suivante, soit quatre mois après le vol de Montigny-sur-Sambre que les membres de la Bande noire se remettent sur les routes à la recherche de maisons à dérober. Mais ils s’y remettent de plus belle, écumant ainsi les campagnes à la recherche de maisons vides ou habitées par des personnes âgées. Ils passent par Jambes, Orbais, Grand-Leez, Erpion, Gerpinnes et également par chez le voisin d’Auguste Leclercq à Wanfercée-Baulet. Presque à chaque fois, ils utilisent la ruse, la menace et la violence pour arriver à leurs fins, laissant sur leur passage des maisons saccagées et des habitants traumatisés.
1.4. Quand la police n’est pas loin…
13Durant l’année 1858, les méfaits de la Bande noire, sans doute devenue tout à fait à l’aise dans ses activités illégales, redoublent d’intensité. Alors que l’année 1857 ne compte que six vols à leur être attribués, l’année suivante en compte deux fois plus.
14Le premier de cette longue série est commis dans la nuit du 15 au 16 janvier 1858 chez la veuve Henricot, rentière à Corroy-le-Château. Celle-ci se couche le 15 janvier vers les neuf heures du soir et est réveillée vers minuit par du bruit dans la maison. Elle comprend rapidement que trois hommes sont entrés dans sa demeure avec de mauvaises intentions et parvient à s’enfuir par la fenêtre. Cette fois c’est sa servante qui, à son tour, va être roulée dans ses couvertures par un homme qui la menace de « lui couper la gueule, si elle ne se tait point164 ». La menace est faite avec un coutre de charrue qu’il tient dans sa main, pendant que deux autres emportent le coffre qui est abandonné par la suite dans la campagne. Les trois bandits – Alexandre, Auguste et Jean-Baptiste – ont laissé des indices qui vont dans la direction de Sombreffe. Les recherches ne mènent d’abord à rien de concret et une ordonnance de non-lieu est prononcée le 20 mai 1858. Cependant, de nouvelles informations vont permettre de reprendre l’enquête. Des soupçons sérieux pèsent sur les frères Leclercq, eux-mêmes habitants de Sombreffe. Une visite domiciliaire est effectuée chez Alexandre où une pelote de laine identique à celle volée ce soir-là est retrouvée. Puisqu’Alexandre Leclercq n’est pas là pour la visite domiciliaire, c’est Auguste qui ouvre la porte aux autorités. Mais alors que les gendarmes interrogent leur oncle, François Hubinon et l’épouse d’Alexandre, Auguste en profite pour s’éclipser et retourner à son domicile. Plus tard, lors de la visite domiciliaire effectuée chez Auguste, les gendarmes retrouvent également une pelote identique à celle du vol, trouvée chez Alexandre mais cette fois, avec la preuve que sa femme l’a elle-même achetée. Il avouera en 1861 qu’entre le temps de la perquisition chez Alexandre et celle effectuée à son domicile, à Wanfercée-Baulet, son épouse a eu le temps d’acheter la pelote de laine dans un magasin de Fleurus. Au moment des faits, les trois Leclercq – Joseph, Alexandre et Auguste – sont appelés à Namur sous mandat de comparution. Ils nient leur participation à ce crime tant et plus, si bien qu’ils sont mis hors de cause par une ordonnance du 14 octobre 1858165. Les bandits se sentant observés par la police attendent le mois de mai avant de recommencer leurs expéditions nocturnes et se rendre à Emines, chez les Demoiselles Du Bois.
1.5. Après le calme, vient la tempête
15Les trois mois qui suivent représentent une nouvelle accalmie pour la population des quatre arrondissements wallons. Repos qui ne fut pas vain puisqu’il permit aux cinq principaux protagonistes de la Bande noire – qui sont les trois frères Leclercq et les deux frères Boucher – de redoubler d’effort en cette fin d’année 1858. Entre fin août et fin décembre, neuf maisons ont été cambriolées par la Bande noire, et les parquets de trois arrondissements différents sont descendus sur les lieux de leurs crimes166. Mais si les bandits volent plus fréquemment, force est de constater que pour toutes ces effractions, à l’exception de la première commise à Castillon le 22 août 1858, ils sont moins audacieux. En effet, les huit autres maisons qu’ils ont visitées représentaient moins de risques puisqu’elles étaient vides à leur arrivée.
16À Castillon par contre, alors qu’il est environ minuit, les époux Bienaimé sont subitement réveillés par une grosse pierre projetée dans la fenêtre de la chambre qu’ils occupent. Trois hommes se présentant comme de pauvres Flamands qui ont faim leur somment de dire où se trouve leur argent167. Là encore, ils sont violemment immobilisés et menacés d’étranglement. Un coffre est découvert et quatre à cinq cent francs en sont soustraits. Les investigations menées par les gendarmes ne donnent aucun résultat168.
17Six semaines plus tard, c’est une nouvelle fois du côté de Wanfercée-Baulet que la bande va rôder. Comme chacun sait dans le village, Jacques Servais, qui habite à quelques pas de la maison d’Auguste Leclercq, joue tous les dimanches aux cartes au cabaret. Il est donc absent lorsque Jean-Baptiste, Joseph et Alexandre pénètrent dans sa maison. Auguste a minutieusement organisé ce vol. Il a pris soin de se créer un alibi pour l’occasion et s’est fait remplacer par son demi-frère, le petit Thomas, qui ne doit guère être plus âgé que quatorze ans à cette époque. C’est d’ailleurs à cette occasion qu’il fera ses premiers pas dans la bande.
1.6. La communauté se protège
18Ces multiples vols commis durant l’année 1858 ont incité les communautés des quatre arrondissements concernés à se protéger. À la suite des pillages commis dans la nuit du 24 au 25 décembre à Silenrieux et dans la nuit du 16 au 17 janvier 1859 chez le curé de Tarcienne, le brigadier de Walcourt entreprend de doubler l’effectif des patrouilles de nuit169. Les civils sont eux aussi beaucoup plus en alerte. D’ailleurs, en cambriolant une maison à Baisy-Thy, chez la famille Brunard, telle ne fut pas la surprise de la bande lorsqu’ils s’aperçoivent que des domestiques dorment dans la cuisine de la maison, « afin de repousser une attaque, si elle venait à se produire170 ». Les bandits sont donc repartis sans le butin escompté171.
1.7. Un vol couvert par la presse
19À ce stade de l’activité criminelle de la bande, il devient évident pour chaque hennuyer qu’une bande organisée de voleurs sillonne les campagnes. La population est inquiète et les agents judiciaires en alerte. Cette inquiétude est rapidement traduite par les journaux qui couvrent de plus en plus de vols commis par la bande, y consacrant des articles à chaque fois plus longs et plus détaillés. C’est le cas pour les deux vols commis dans la nuit du 6 au 7 mars 1859, jour de la fête du carnaval dans la commune de Roux.
20Voici l’article paru dans la rubrique de L’Indépendance Belge du 13 mars 1859 :
La commune de Roux et ses hameaux sont encore sous l’impression pénible qu’ont produit, sur l’esprit des habitants, deux vols commis avec une rare audace dans la nuit du dimanche au lundi. Le premier a eu pour théâtre une maison que Mlle Jennard, rentière, occupe au hameau de Villebauroux. Trois hommes masqués et ayant leurs chaussures entourées de couvertures de laine, se sont introduits chez elle, vers minuit et demi, par une fenêtre qu’ils ont fracturée, et ont exigé qu’elle leur donne l’argent et les valeurs qu’elle possédait. Elle leur avait déjà compté 75 francs qu’elle avait pris dans le tiroir d’un meuble du rez-de-chaussée, et une montre d’argent, quand les trois bandits parurent se préoccuper d’un bruit de voix qui se faisait entendre au dehors. C’étaient des gens attardés qui passaient en chantant. […] Cet incident eut pour résultat d’ébranler l’audace des trois malfaiteurs ; ils se consultèrent à voix basse, et au lieu de continuer leurs perquisitions, ils firent comprendre à Mlle Jennard qu’ils se disposaient à sortir, et lui demandèrent de les éclairer ; ce qu’elle fit avec un grand sang-froid. Le lendemain, la montre fut retrouvée dans une prairie voisine. Le second vol a été commis chez M. Alphonse Cambier, qui, cette nuit-là, se trouvait absent. La porte de sa maison a été enfoncée à l’aide d’un fer qu’on suppose être un coutre de charrue ; d’autres portes de l’intérieur ont été également brisées, plusieurs meubles fracturés, etc. Les voleurs ont emporté quelques centaines de francs en monnaie d’argent. Ils n’ont pas touché à des billets que renfermait un portefeuille qu’ils ont fouillé. La justice a fait plusieurs descentes à Roux, mais jusqu’à ce jour ses investigations n’ont pas eu de résultat. On comprend aisément l’inquiétude que ces deux vols hardis ont jetée dans les esprits172.
1.8. Les Boucher dans le collimateur
21Le matin du 25 avril 1859, le bourgmestre de Renlies rédige une lettre d’information à l’attention du Procureur du Roi de l’arrondissement de Charleroi173. Celle-ci rend compte que deux vols avec circonstances aggravantes ont été commis dans la nuit qui précède l’envoi de la lettre. Des voleurs se sont introduits dans une baraque d’ouvrier pendant son absence en forçant la porte. Ils ont fait quelques dégâts et sont repartis avec une bouteille de genièvre. Le second cas est beaucoup plus sérieux. Les deux victimes sont les époux de Saint-Aubain. Fidèles à leurs pratiques, les voleurs sont entrés dans la maison par une fenêtre fracturée, ils ont pénétré dans la chambre des deux personnes endormies, les ont menacés, et ont forcé les coffres. Les témoins font savoir que leurs assaillants sont quatre hommes masqués, s’éclairant à l’aide d’une chandelle et armés, l’un d’une fourche, le second d’un pistolet et le troisième, d’un bâton, et d’un couteau. Monsieur de Saint-Aubain a été frappé au front, mais sa blessure fut sans conséquence. Le 25 avril 1859, le juge d’instruction de Charleroi, le Procureur du Roi et le greffier, tous trois alertés par la lettre du bourgmestre, se rendent sur les lieux pour poursuivre l’instruction déjà entamée par le maréchal du logis de Renlies et le juge de paix de Beaumont174. Les recherches amènent Victor Beckers, juge d’instruction de Dinant à effectuer une visite domiciliaire à Chastre, le 30 avril 1859, chez Jean-Baptiste Boucher. Le soir du vol, il a été aperçu non loin de la maison de Saint-Aubain et correspond à la description faite d’un des agresseurs par les victimes. La visite domiciliaire n’a donné aucun résultat, et il en est de même pour les interrogatoires. Malgré tout, Jean-Baptiste restera en prison pendant six semaines, et son frère, Philippe, également soupçonné, y restera huit jours. Les interrogatoires de 1861 confirmeront que les auteurs du vol sont effectivement Jean-Baptiste et Philippe Boucher ainsi qu’Alexandre, Auguste et Joseph Leclercq175.
1.9. La série des vols continue…
22Les Boucher qui se sentent surveillés par la police décident temporairement de ne plus participer aux vols commis dans l’arrondissement de Charleroi. Seul Jean-Baptiste ne peut résister à profiter de la période de décembre, lorsque certaines maisons sont vides – leurs habitants étant dans leur famille – pour se remplir les poches. Louis Coppée, un vieux marchand de ferraille d’Hanzinelle, est cambriolé. Atteint de surdité presque totale, il n’a pas entendu que des voleurs se sont introduits dans les pièces du bas de sa maison et ont emporté une grande quantité de chemises neuves, des chaussettes et autres vêtements, ainsi qu’une somme de trente-cinq francs en pièces de cinq francs176. L’instruction permettra d’apprendre plus tard que le vol a été commis par Jean-Baptiste Boucher, Auguste Leclercq et Léopold Rabet, le beau-frère de Jean-Baptiste. Ce vol est d’autant plus important que Rabet fait son entrée dans la bande et qu’il devient rapidement un pilier de l’association de malfaiteurs. Auguste a pris le convoi à Châtelineau177 et est descendu à Gerpinnes où Rabet l’attend pour lui montrer les lieux, attendu qu’il a déjà été explorer la maison Coppée auparavant. Boucher les a rejoints à Hanzinelle-même et ils ont commis le vol une fois la nuit tombée178.
23Le vol suivant, selon l’ordre repris dans l’acte d’accusation, est celui de Couillet : effroyable agression commise sur la veuve Dubois dont on parle encore actuellement. L’intérêt porté envers ce vol, au moment du fait, pendant le procès de la Bande noire et encore bien des années plus tard, a été tellement important que nous avons souhaité lui consacrer une place particulière dans ce présent ouvrage, place qui suit ce chapitre179.
24Les vols de cette fin d’année 1860, s’ils sont nombreux – on en dénombre neuf – se présentent comme étant, pour la plupart, moins violents voire même, moins risqués. Il n’est d’ailleurs pas rare que les bandits aient privilégié des maisons inhabitées – comme ce fut le cas à Vodecée, Yves-Gomezée ou, cette fois encore, à Wanfercée-Baulet – ou des greniers et étables environnantes, y volant de la nourriture, des vêtements ou encore des porcs, comme ce fut le cas à Ligny. Mais les voleurs ne se limitent plus à des butins considérés de première nécessité, ils vont jusqu’à dérober des objets qui peuvent surprendre tels « qu’un livre d’anecdotes et d’histoires édifiantes, un prix d’arithmétique, un moulin à café, un fer à repasser, une paire de bas de femme en laine noire, etc180 ».
25L’œil suspicieux de la police étant à certains moments trop pesant. Les trois complices les plus actifs en cette période – Rabet, Auguste et Jean-Baptiste – iront même jusqu’à s’éloigner quelque peu des villages habituels en se rendant à Jemelle par le convoi de Namur, en passant par Neufchâteau. Mais ces visites se révèleront infructueuses.
26Pour cette grande série de vols de 1860, les parquets judiciaires des différents arrondissements ont eu affaire à trois vols à main armée, au vol et à l’assassinat de Couillet ainsi qu’à dix autres vols de moindre importance181. Mais les membres de la Bande noire n’en resteront pas là, se sentant toujours plus forts de leur expérience.
1.10. Le blessé de Gilly
27Le Procureur général a raison lorsqu’il dit dans son acte d’accusation à propos du vol commis en janvier 1861 que « le pays entier s’est vivement ému182 ». Le docteur Ferdinand Hanoteau, ancien bourgmestre de la commune de Gilly habite une maison au centre de l’agglomération. Vers minuit, dans la nuit du 15 au 16 janvier 1861, il est réveillé en sursaut par le bruit de l’une de ses fenêtres qui vole en éclats. Immédiatement, il voit deux individus entrer dans sa chambre et se jette en bas de son lit avant d’être aperçu. N’ayant pour seule arme qu’un vase de nuit trouvé à sa portée, il l’assène sur la tête de l’un des malfaiteurs. L’homme blessé se jette sur lui et l’empoigne aussitôt. Commence alors une lutte entre le docteur âgé de soixante-six ans et son agresseur, Auguste. Le brigand est d’ailleurs mal pris par Hanoteau et appelle un de ses complices à l’aide. Ils sont désormais deux à le frapper. Un coup violent lui est asséné à l’œil. Cette blessure le terrasse mais il est encore frappé de coups de pieds une fois sur le sol jusqu’à en perdre connaissance183.
28Pendant qu’Auguste s’occupe du vieux, Jean-Baptiste fouille les coffres184. La servante, Thérèse Watillon, couchée dans une chambre voisine tente d’appeler au secours mais elle est arrêtée dans son élan par un individu qui fait le guet. Elle parvient malgré tout à sortir par la porte côté jardin et à crier à l’aide185. La fille du docteur Hanoteau qui habite la maison voisine est réveillée par les hurlements de la servante. En ouvrant sa fenêtre, elle a à peine le temps d’apercevoir deux échelles dressées contre le mur de la maison de son père : un homme est sur l’échelle, un second dans la cour et un troisième dans la rue. Alertée par cette attaque multiple, elle se met à crier « au secours, au feu, à l’assassin186 ! ». Mais elle n’a pas le temps d’appeler plus puisque l’homme qui fait le guet dans la rue lui lance un gros morceau de brique qui la blesse, à son tour, à la tête et l’aveugle pour un temps. Elle ne sait, du reste, pas dans quelle direction les voleurs se sont enfuis juste après ses cris.
29Le juge d’instruction Aulit est rapidement appelé sur les lieux et s’y rend accompagné du substitut du Procureur du Roi et de son greffier. Son procès-verbal donne une description précise des lieux : un grand coffre forcé, un pot en porcelaine éclaté en morceaux, des traces de luttes et une grande mare de sang. Si les blessures du docteur Hanoteau ne mettent pas ses jours en danger, il a malgré tout perdu l’usage de son œil droit dans la bagarre187. Très rapidement, la presse couvre l’affaire. Plusieurs articles sont publiés les jours qui suivent l’attaque et les descriptions des voleurs ne sont pas sans exagération. La Gazette de Mons parle de « voleurs armés jusqu’aux dents et dont la violence n’a d’égal que les Chauffeurs d’antan188 ». L’affaire est trop grave. La police mène des recherches acharnées et arrive bientôt à la découverte d’un coupable. Pierre Vanderspiegelen, le domestique du docteur Hanoteau a une mauvaise réputation et n’est pas à son domicile le soir du meurtre189. Bien vite, le reste de sa famille est impliqué. Lui et deux de ses frères sont arrêtés et prêts à être envoyés aux Assises pour un vol avec violence qu’ils n’ont pas commis. Lorsque la Bande noire est arrêtée, l’instruction de l’affaire Hanoteau est rapidement reprise. Les témoins et suspects répètent alors ce qu’ils avaient déjà dit aux gendarmes quelques mois plus tôt. Les aveux de Rabet en mai 1861 permettent de faire la lumière sur certains points laissés en suspens auparavant. Ils révèlent que pour faire le coup, Rabet est accompagné de Jean-Baptiste, d’Auguste, de Joseph et d’Auguste Vanderavero et de François, son père. Cette fois encore, la police n’est pas loin lorsqu’elle recherche un coupable parmi les domestiques d’Hanoteau mais il faut remonter encore. C’est Auguste Vanderavero, un ancien domestique du docteur Hanoteau qui a donné le filon au reste de la Bande noire190.
30Dans la série de vols commis en 1861, le rythme des activités de la Bande noire s’accélère. Les criminels sont sans doute encore plus confiants qu’en 1860 et également plus avides. Entre la mi-janvier et début avril 1861, la bande visitera six maisons. Aiseau, Jamagne, Jauche, Chaumont, Hanzinne, autant de villages où là encore, des personnes âgées sont surprises en pleine nuit, menacées, violentées, et dépouillées de butins en tous genres. Mais le dernier vol commis par la Bande noire avant son arrestation est, cette fois encore, très violent.
31Dans la nuit du 4 au 5 avril, des étrangers se sont introduits chez la veuve Ranwet, rentière de la commune de Gozée. Auguste Vanderavero a pris avec le Crollé le convoi à Sombreffe vers Charleroi où ils ont rejoint Auguste et Alexandre Leclercq191. Les bandits ont attendu l’heure propice au vol dans un talus non loin de la maison de la veuve. Par heure propice, entendons par là une heure assez avancée dans la nuit pour que tout le monde – victime et voisins – soient dans un profond sommeil. Deux des malfrats sont aperçus aux abords de la maison Ranwet vers neuf heures du soir alors qu’ils inspectent les lieux. Les brigands se sont introduits à l’étage de la chambre de la veuve à l’aide d’une échelle volée dans une cour voisine192. Le Crollé est entré en premier dans le salon en brisant la fenêtre. Il a été suivi d’Alexandre et d’Auguste Leclercq tandis que Vanderavero est resté sur la route pour faire le guet. De son côté, la veuve Ranwet est réveillée vers minuit par son chien mais n’imagine rien de suspect et se rendort. Une heure plus tard, alors que l’animal est toujours excité elle se lève pour aller voir ce qui se passe et en arrivant au pied de la porte de sa chambre à coucher, elle voit surgir un étranger dans sa chambre avec une lumière à la main qui lui porte un violent coup de bâton à la tête. Très rapidement, elle est saisie à la gorge et à la bouche afin de ne pas crier. Elle reçoit plusieurs coups dont un violent dans l’estomac193. Sa servante, Victorine Baquet, 22 ans, entend les cris et appelle au secours par la fenêtre de derrière en espérant alerter les voisins. Le malfaiteur qui tient la vieille dame, alors dérangé, la lâche, ce qui lui laisse le temps de s’enfuir, toute couverte de sang. Mais elle n’est pas assez rapide et se fait vite rattraper par le brigand qui lui demande où se trouve son argent. Pendant ce temps, les meubles de la chambre sont fouillés, y compris la malle et la garde-robe qui cachent une somme de cinq cent francs. Victorine, la servante, qui était à l’étage du dessus a eu le temps de sortir par la porte de derrière et d’aller chercher les voisins194. Peu de temps après, elle revient accompagnée mais il n’y a plus personne195. La dame a été blessée au côté droit de la tête. Elle a perdu beaucoup de sang et un os de son bras droit a été fracturé.
2. Le crime de Couillet
32Le crime de Couillet est l’affaire la plus médiatisée de toutes celles liées à l’histoire de la Bande noire. La grande majorité des articles qui relatent l’affaire de la bande lui consacrent une place de choix. Mais en plus d’être la plus médiatisée, l’affaire de Couillet est également la plus complexe. Le crime de la veuve Dubois et les conséquences directes qui en ont découlé touchent à plusieurs problématiques dont certaines sont encore vives actuellement196. En effet, la médiatisation liée à cette affaire ne s’est pas limitée à 1861 – période du procès de la Bande noire – mais existe toujours actuellement puisque des articles dans des quotidiens belges paraissent encore régulièrement sur l’affaire. Si la justice des années 1860 a toujours clamé avoir trouvé les assassins de la veuve, force est de constater que beaucoup de questions restent encore non résolues et ne le seront sans doute jamais. D’ailleurs, la décision finale de la justice sur l’affaire a été fort controversée, en particulier par le mouvement flamand qui considère Coucke et Goethals innocents du crime pour lequel ils ont été condamnés à mort. Si ce crime ne doit occuper qu’une place secondaire dans ce présent travail consacré aux crimes et au procès de la Bande noire et non de celui de Coucke et Goethals (qui pourrait également faire l’objet d’un travail d’une ampleur similaire), il a malgré tout semblé intéressant de détailler cette affaire. En revanche, ne nous méprenons pas, l’objectif n’est pas ici de vouloir rechercher la vérité sur l’implication de Coucke et Goethals dans l’affaire de Couillet, et encore moins d’en donner une orientation, mais bien de mettre brièvement en lumière la complexité des faits et des dépositions auxquelles la justice a dû faire face au moment du procès des deux Flamands, de celui de la Bande noire et des actions en lien avec l’affaire qui furent menées encore bien des années après.
33Dans la nuit du 23 au 24 mars 1860, alors que le vent souffle à grande force sur le village de Couillet, des voleurs se sont introduits dans une maison isolée. Il doit être onze heures passées lorsque la veuve Dubois, Scholastique Dussart, entend trois hommes s’introduire dans sa chambre. Les voleurs sont entrés dans la maison en brisant le carreau de la fenêtre qui donne sur la salle à manger. Ce sont trois hommes au visage noirci, portant des blouses et armés de fers de charrue qui ont attaqué la veuve Dubois. Elle décrit l’un d’eux comme étant très grand alors que les deux autres sont beaucoup plus petits. Elle ajoute que l’un d’eux lui a volé un jupon qu’il s’est mis sur la tête pour ne pas être vu et qu’à chaque fois que le tissu est tombé, un de ses compagnons le lui a remis sur les yeux197. La veuve les décrit comme des Flamands puisqu’ils se parlent entre eux dans cette langue, et qu’ils s’adressent à elle dans un mauvais français198. Selon elle, ces individus seraient déjà passés plusieurs fois devant sa maison auparavant. Elle pense d’ailleurs avoir vu le plus grand passer à maintes reprises avec une charrette199. Lorsqu’ils l’aperçoivent dans son lit, le plus petit s’empare immédiatement de la veuve et la jette au sol :
[…] ils m’ont prise de mon lit et m’ont étendue sur le plancher à côté, le plus petit était armé d’un petit fer d’une charrue. Quand j’étais couchée à terre près de mon lit, le plus petit a dit : maintenant vous ferez la charité aux Flamands, et en même temps, il m’a porté un coup du petit fer dont il était armé200. L’assassin voulut lui porter un second coup mais un de ses compagnons s’y opposa en disant que la victime en avait assez201.
34La veuve est sommée de dévoiler sur le champ ses cachettes d’argent, sans quoi, ils la tuent. Pendant que le plus petit s’occupe d’elle, les autres forcent armoires et secrétaires à l’aide de l’outil qui a été utilisé pour frapper la dame la première fois202. Au rez-de-chaussée, ils trouvent au total 650 francs en pièces de 5 francs, qu’ils se divisent immédiatement devant la victime. Ils emportent également un porte-monnaie qui renferme cent francs en pièces d’or203. Alors qu’ils montent avec elle à l’étage, ils sont surpris par Bastoche, le domestique de la veuve, alerté par la servante qui est parvenue à s’enfuir sans se faire entendre. L’homme est armé d’une fourche et force les bandits à prendre la fuite. Tous trois se sauvent aussitôt par une fenêtre et s’évanouissent dans la nuit, sans même que ni la servante, ni le domestique n’aient eu le temps de les voir, laissant derrière eux le doute à jamais résolu de leur identité.
35Une fois la nouvelle connue, les autorités judiciaires s’activent rapidement. Un maréchal des logis de la gendarmerie de Charleroi arrive le matin du crime vers huit heures chez la victime, accompagné de trois gendarmes et procède aux premiers constats, auditions et interrogatoires204. Il est suivi, une heure plus tard du juge d’instruction, Félicien Aulit et du Procureur général près de la cour d’appel, Charles-Victor de Bavay, en personne205. Ce vol-là est celui de trop et la population de Couillet risque de céder rapidement à la panique. Assez vite, des patrouilles de nuit s’organisent entre les habitants. Le nombre important de mendiants et de vagabonds qui trainent dans les localités industrielles de Couillet, Gilly et Marcinelle sont sous la haute surveillance de la police206. D’autant plus que la veuve Dubois, qui semblait bien se porter le lendemain du vol, malgré une blessure ouverte à l’omoplate droite et des multiples contusions sans gravité, succombe à sa blessure gangrenée le 31 mars, à l’âge de septante-quatre ans. De nombreux suspects sont arrêtés, interrogés puis relâchés207. Sans résultat.
36Jusqu’au jour du 5 avril 1860 où une lettre anonyme arrive entre les mains du Procureur du Roi de Charleroi. Celle-ci informe le magistrat que le Sieur Baugniet serait « à même de donner des renseignements très précieux sur trois individus qui ont beaucoup de ressemblance pour la taille et la figure avec le signalement donné par la dite Dame veuve Dubois ». Cette même lettre désigne les trois individus comme étant les dénommés Jan Coucke, vendeur de pommes de terre, Peter Goethals, maître piocheur au chemin de fer, et Henry Smet, également vendeur de légumes208. Charles Scournemont, cordonnier à Couillet, reconnaîtra par la suite avoir écrit cette lettre à la demande d’une certaine Rosalie Gagnage209. Le boulanger Baugniet est immédiatement interrogé et témoigne avoir passé la soirée du 23 mars 1860 avec Coucke et Goethals au Cabaret du Tambour, tenu par Joseph Debrauwer. Ils y sont entrés à vingt heures et en sont ressortis vers vingt-trois heures trente. Rosalie Gagnage est en réalité la femme d’Henri Smet et elle est également reconnue par les autres témoins comme étant la maîtresse de Coucke, également présent dans le cabaret ce soir-là210. Vers dix heures du soir, Smet, son époux, est venu la chercher, ils ont bu un dernier verre et sont allés se coucher. Pendant la soirée, Coucke et Goethals sont sortis à plusieurs reprises « afin de se parler211 ». Denis Baugniet rajoutera par la suite que Goethals se serait même absenté pendant une demi-heure dans la soirée212. Une fois l’heure de rentrer, Baugniet a fait un bout de chemin avec les deux Flamands. Il s’est d’ailleurs étonné du fait que Coucke se dirige du côté opposé à sa demeure mais n’a reçu aucune réponse à sa remarque. « Arrivé sur le chemin de fer de la société de Couillet, Coucke et Goethals l’ont suivi dans la direction de la demeure de la veuve Dubois et lui, Baugniet, est retourné chez lui213 ». Par la suite, plus aucun témoin n’a vu Coucke et Goethals entre onze heure trente et une heure du matin. Les témoignages font réapparaître Goethals, vers une heure du matin214 et Coucke vers deux heures, seulement.
37Le lendemain, les trois individus sont convoqués et interrogés. À partir de ce moment-là, tout se passe très vite. Henry Smet est immédiatement relâché parce que son alibi est fiable pour le soir du crime. Quant aux autres, rien n’est moins certain. Les deux Flamands prétendent à peine se connaître bien que ce soit Coucke qui fournisse les pommes de terre aux trois habitants de la baraque ouvrière de Goethals. Ce soir-là, ils ont beaucoup bu ensemble. Aucun des deux ne sait dire avec certitude à quelle heure ils sont rentrés chez eux215. Coucke, dans ses dépositions, prétend que Goethals est tellement ivre en sortant du cabaret qu’il doit faire une partie du chemin en le tenant par le bras « pour le mettre sur sa route ». C’est donc pour cela qu’il n’aurait pas pris la direction de sa baraque216. Ses interrogatoires sont souvent faits de contradictions. Il en vient à avouer qu’il ne sait pas exactement ce qu’il a fait ce soir-là ni pourquoi, l’alcool en étant la cause. Il ne peut pas non plus justifier l’argent qu’il a dépensé et qu’il a gagné : il semblerait qu’il ait été en mesure de rembourser ses dettes, juste après le vol217. Quant à Goethals, il semble plus cohérent dans ses dépositions. Il dit être retourné chez lui vers une heure du matin mais par contre, soutient être sorti du cabaret de Debrauwer vers minuit et demi. Fait qui est contredit par le témoignage dudit cabaretier. Le maître-piocheur dit également avoir été connu de la veuve Dubois, de sa servante et de son domestique, mais n’avoir jamais pénétré dans l’habitation de la dame218. Il dit également qu’il a vu un père et son fils, deux Flamands qui vendaient de la graisse en arpentant les villages de Wallonie, loger chez Coucke la nuit du crime219. Une ordonnance de prise de corps est rendue contre les deux accusés par la chambre du conseil du Tribunal de première instance de Charleroi, le 14 juillet 1860.
38Quant aux pièces à conviction, elles ont aussi leur importance. Une pioche a été retrouvée chez Goethals. Il l’a utilisée toute la journée de l’agression puisqu’il travaille sur la voie de chemin de fer de Couillet en compagnie d’un autre piocheur. Ils y ont laissé l’outil sur place à la fin de leur tâche. Celle-ci « s’adapte de la manière la plus parfaite aux coupures opérées sur les vêtements de la victime et la blessure n’a pu être faite, comme le démontre le procès-verbal d’autopsie, qu’au moyen d’un instrument recourbé tel qu’une pioche220 ». Une lanterne a également été retrouvée dans la baraque de Goethals. Celle-ci est de petite taille et elle n’est plus utilisée par son propriétaire, le compagnon d’habitation de Goethals, parce qu’elle a le défaut de s’éteindre trop souvent221. Or, celle utilisée par les bandits pour s’orienter dans la maison avait le même défaut si l’on en croit le témoignage de la veuve et les nombreuses allumettes chimiques trouvées sur les lieux222. Enfin, lorsque Coucke est arrêté, il est trouvé en la possession d’un porte-monnaie qui est proche de la description de celui volé chez la veuve. Mais celle-ci n’étant plus en vie, personne d’autre n’est en mesure de le confirmer.
39Le 16 juillet 1860, soit, deux jours après son arrestation, Pierre Goethals fait une dernière tentative en avouant les faits. Il implique également Coucke, Baugniet, le boulanger et Debrauwer, le cabaretier. Selon lui, Coucke avait besoin d’argent pour rembourser ses dettes et Baugniet a proposé de trouver cet argent chez la veuve Dubois223. Ils seraient alors tous partis dans cette direction. Dans ses aveux, il n’oublie pas de préciser qu’il faisait le guet pendant que les autres étaient dans la maison, voulant ainsi diminuer les charges qui pèsent contre lui. Baugniet répond à ses accusations en disant que si Goethals les accuse, lui et son beau-frère Debrauwer, c’est pour se venger d’avoir fourni des informations en sa défaveur à la police. D’autres recherches sont effectuées dans ce sens et la dénonciation faite par le prévenu ne sera en fin de compte pas retenue par les autorités parce que considérée comme non réaliste.
40Le juge d’instruction qui couvre l’affaire ne sait que conclure. Il existe un trou d’une heure environ dans l’horaire des deux individus – entre onze heures trente et minuit trente - période durant laquelle la veuve Dubois est sortie de son lit par trois voleurs. D’autant plus qu’il n’y a pour l’heure que deux suspects. Selon les dires de la veuve, les bandits ont dû être un minimum de trois personnes. Qui pourrait-être le troisième individu ? Y avait-il également quelqu’un qui faisait le guet comme c’est souvent le cas dans ce genre d’attaques ? Qui sont ces vendeurs de graisse dont on connait l’existence mais qui se sont littéralement volatilisés ? Sont-ils impliqués dans l’affaire ? Les choses auraient été plus faciles si la veuve, unique témoin de l’agression, avait été encore en vie. Ici, les autorités n’ont affaire qu’à des dépositions fragiles et souvent de seconde main, des pièces à conviction qui « auraient pu » avoir été utilisées à cette occasion, mais sans en avoir l’exacte certitude. D’autant plus que les interrogatoires des deux accusés amènent à une reconstitution des faits fragile, souvent contradictoire par rapport à d’autres témoignages, voire peut-être même mensongère. Enfin, un des témoins principaux, Rosalie Gagnage, se serait vraisemblablement confiée à deux voisines, fait qu’elle nie avec force devant la police. Ce démenti lui vaudra d’ailleurs d’être publiquement arrêtée le 25 août au beau milieu de la dernière séance du procès224.
41Faute de preuves suffisantes, les recherches se poursuivent. Plusieurs individus sont interrogés dans la région de Couillet mais également plus loin. D’autres crimes au mode opératoire semblable sont finement étudiés. L’objectif étant d’espérer recouper des informations entre ces différents vols et celui de la veuve Dubois. Ainsi, le juge d’instruction de Charleroi va s’intéresser à Jean-Baptiste Boucher et à son frère alors soupçonnés pour un vol commis à Obaix225. Les accusés, Coucke et Goethals sont en fin de compte envoyés devant la cour d’assises par un arrêt datant du 18 juillet 1860.
42Le vingt août 1860 à dix heures du matin, la cour d’assises de la province du Hainaut ouvre ses portes pour accueillir le procès de Coucke et Goethals226. Le président de la cour est Mr Scaufflaire, et Charles-Victor de Bavay est le Procureur général. Les avocats de Coucke et Goethals sont tous deux commis d’office. Quant au jury, il est composé de beaucoup de citadins habitant Mons, Tournai ou Charleroi. Parmi les trente jurés désignés au sort, il y a huit rentiers et propriétaires, trois notaires, trois avocats, trois agents communaux, un commissaire de police ainsi qu’un inspecteur général à la pension227. Cette composition bourgeoise ne laisse que bien peu de chance aux deux ouvriers Flamands. Comme Coucke ne parle pas bien le français, un interprète a été commis d’office. Quant à Goethals, les membres de la cour s’adressent directement à lui. L’acte d’accusation est lu devant l’assemblée par le greffier de la cour, à la demande du Président de la cour d’assises. Celui-ci a été rédigé par le Procureur général de Bavay, représentant du Ministère public au procès. Le document relate les faits avec l’assurance de la culpabilité des deux accusés et utilise des phrases convaincantes telles que « l’instruction ne laisse aucun doute sur la culpabilité des deux autres prévenus et aussi, il y a donc la concordance la plus parfaite entre les indications de madame Dubois et les circonstances particulières aux deux accusés228 ». Au total, soixante et un témoins passent à la barre. Chacun écoute ce qu’ils ont à dire et l’interprète traduit soit en flamand si le témoin est francophone, soit en français si le témoin parle le flamand. Les avocats de la défense avancent leurs arguments. La défense de l’avocat de Coucke est couverte d’éloge par la presse. Il fait appel au doute et aux remords qui pourraient frapper le jury dans l’incertitude d’une totale culpabilité229. Les débats sont clos le 25 août 1860230 et le verdict tombe.
43Les deux Flamands sont :
[…] déclarés coupables de complicité d’assassinat de la veuve Dubois, Goethals, pour avoir procuré l’instrument qui a servi à le commettre […] et coupables de vol et de complicité de vol commis pendant la nuit, à l’aide d’escalade et d’effraction extérieure et intérieure dans une maison habitée à plusieurs, l’un étant porteur d’armes ; le vol ayant été précédé de l’assassinat et commis au moyen de cet assassinat231.
44La sentence qui leur a été infligée est la mort. Malgré le pourvoi en cassation et le recours en grâce qui a été introduit, ils sont transportés à la mi-novembre de la prison de Mons à celle de Charleroi en vue de recevoir le châtiment que la justice leur a infligé232. Ils sont exécutés sur la place de Charleroi devant une foule immense. « La justice des hommes était satisfaite. La double n’a demandé que cinq minutes233 ».
45Parmi l’immense foule qui assiste à la scène, un regard est peut-être moins innocent que tous les autres quant à ce dénouement. Auguste Leclercq, le Lieutenant de la Bande noire assiste à la mort de Coucke et Goethals234. En novembre, il est encore loin de se douter qu’il sera interrogé près de six mois plus tard pour la même affaire.
46C’est Léopold Rabet qui, le premier, va reparler du vol de Couillet. Dans son quatrième interrogatoire fait à Dinant le 30 avril 1861, il avoue devant les autorités que le crime de Couillet est le second auquel il a participé depuis qu’il a joint la Bande noire en 1859235. Il implique également Auguste Leclercq, Joseph et l’oncle Hubinon. Les trois seraient rentrés dans la maison alors qu’il faisait le guet. Les interrogatoires continuent, d’abord devant le juge d’instruction de Dinant, puis devant le juge d’instruction de Charleroi, suite au transfert de toute la bande à Charleroi au début du mois de mai 1861. À Charleroi, Rabet affirme qu’ils sont allés trois fois à Couillet puisqu’ils ont dû remettre le vol les deux premières fois parce que Joseph Leclercq est absent au rendez-vous. Il implique également Jean-Baptiste Boucher comme étant l’organisateur du vol236. Fait qui est confirmé par Boucher. Il dit qu’à la fin du mois de 1859, il est soupçonné pour un vol commis à Obaix et que la police est venue saisir chez lui cinq cent francs par visite domiciliaire237. Afin de récupérer cette somme, il décide en accord avec Auguste, d’organiser le vol de Couillet, auquel il ne compte pas participer de façon à faire croire à la police qu’il est innocent quant à la vague de vols qui touche la région. Il se rend alors à Couillet afin d’en apprendre plus sur l’habitation de la veuve Dubois238. Selon le plan, les quatre individus prévus – Auguste, Rabet, Joseph et l’oncle Hubinon – devaient se donner rendez-vous dans un hangar et attendre la nuit noire avant de se rendre chez la veuve. Toujours d’après Boucher, ses quatre complices étaient prévus pour le vol, mais il se peut très bien que des inconnus aient également participé au cambriolage239. Le 13 juillet 1861, Philippe Boucher va également dans ce sens. Il avoue que lui aussi est soupçonné et qu’il a demandé à ses complices d’être au courant de la date à laquelle le vol doit être commis, de façon à se créer un alibi fiable240.
47C’est la première fois qu’une fracture aussi nette se dessine entre les deux branches de la bande. Si les Boucher avouent le crime de Couillet (bien qu’ils n’y soient pas allés) et accusent les Leclercq, du côté des Leclercq, la dénégation est totale241. Selon François Hubinon, l’oncle des frères Leclercq, Rabet confond avec un autre crime. Ils ne se seraient connus en réalité que bien plus tard. Fait qu’il contredit le lendemain. Cette fois, il reconnait avoir été la première fois à Couillet mais avoir dû annuler. Joseph, quant à lui, nie tout. Il dit qu’il n’aurait su participer au vol puisqu’il était blessé au pied à cette période, ce qui l’empêchait de poser le pied à terre. Or les recherches ont permis de savoir qu’il a en effet été blessé mais qu’il a conservé ce handicap apparent plus longtemps afin de se donner un alibi242. En revanche, il va faire une déclaration qui va avoir son importance pour la suite des évènements. Selon lui, il s’est retrouvé le 10 juillet 1861 dans un champ avec Rabet pour attendre l’heure propice au vol commis à Jemelle. Dans la discussion, celui-ci lui aurait avoué avoir commis le crime de Couillet avec quatre Flamands et un second Wallon et qu’il y avait parmi les Flamands, deux marchands de graisse. À cela, il rajoute que le plus jeune des deux autres Flamands a travaillé au chemin de fer avec lui et que c’est par l’intermédiaire de celui-ci qu’il a connu les autres243. Il poursuit en disant que ce Flamand est d’ailleurs un des deux qui ont été condamnés en 1860. Toujours d’après cette discussion avec Rabet, il affirme que ce dernier est entré dans la maison avec trois Flamands et qu’un autre Flamand et le Wallon sont restés faire le guet et que Rabet était armé d’une pioche volée. Pour finir, Rabet demande à Joseph de garder cet aveu secret auprès de Jean-Baptiste et Auguste qui n’auraient pas apprécié que ce dernier fasse « bande à part ».
48Du côté Boucher et consorts, tous persistent à dire que Joseph, Auguste et l’oncle Hubinon ont été le 23 mars à Couillet. Du côté des accusés Leclercq, l’explication du mensonge des Boucher réside dans le fait que Jean-Baptiste aurait dit, en la présence de Rabet, que puisque leurs crimes les mèneraient de toute façon à la guillotine, s’il était pris, Boucher aimerait autant se déclarer auteur du crime de Couillet pour mettre les juges en doute244.
49Le Procureur général n’a pas l’air de prendre les déclarations d’Auguste Leclercq très au sérieux et continue à le considérer coupable, ce à quoi il se dit totalement étranger. Ils n’ont d’ailleurs pas accordé un crédit total aux déclarations de Rabet qui semblent n’impliquer que la Bande noire alors que le « petpet », c’est ainsi que Rabet est surnommé, prétend n’avoir jamais entendu parler de Coucke et Goethals. Suite à ces différents témoignages, des recherches ont été effectuées sur la théorie d’une alliance entre Rabet et des Flamands. D’ailleurs, plusieurs témoignages relevés par l’entrepreneur des chemins de fer de châtelet témoignent que Goethals et Rabet auraient été employés au même moment au chemin de fer de Morialmé en 1857. L’un, comme ouvrier à la station et l’autre, comme piocheur245.
50En définitive, les conclusions de la justice, qui font suite à l’ancienne et à la nouvelle procédure, vont vers l’idée d’un crime alliant des Flamands à la Bande noire. La théorie du Procureur général de Bavay expose que Coucke, Goethals et un autre Flamand sont rentrés dans la maison pendant qu’un troisième Flamand accompagné d’Auguste et de Rabet ont surveillé les alentours. Le Procureur De Bavay affirme que le crime a été orchestré par Jean-Baptiste Boucher et qu’il a été remis à trois reprises. Selon les autorités, l’idée de s’associer avec des Flamands viendrait même de Jean-Baptiste qui voulait rendre plus crédible sa diversion quant aux soupçons de la police en tant que membre d’une bande de voleurs. Ces Flamands, il les aurait trouvés grâce à Rabet et son lien avec Goethals.
51En janvier 1862, les deux vendeurs de graisse flamands sont finalement identifiés, arrêtés et interrogés. Par la même occasion, les interrogatoires reprennent pour Joseph Leclercq et Léopold Rabet qui campent chacun sur leurs positions. Les archives ne contiennent aucun renseignement quant à cette dernière instruction à l’exception des interrogatoires de Joseph et de Rabet. Cependant, force est de constater que cette dernière instruction relative à l’affaire de Coucke et Goethals n’apportera aucun renseignement supplémentaire puisqu’elle se clôturera par un non-lieu246.
52Aujourd’hui, il est difficile de savoir avec exactitude où se trouve la vérité par rapport au mensonge. Cependant, nombreux sont les éléments de l’affaire qui plaident en faveur de la culpabilité de Coucke et Goethals. Leur emploi du temps pour le moins flou d’abord, qui mêle ébriété, contradictions, mensonges, et aveux. Les pièces à conviction retrouvées chez Goethals ensuite, que seul un hasard bien trop malheureux autoriserait une concordance si parfaite avec les outils utilisés pour le vol chez la veuve Dubois.
53Cependant, il est clair que dans ses conclusions, la justice fait un choix parmi les informations fournies par Rabet, Joseph Leclercq, Auguste et Jean-Baptiste. Pour un même interrogatoire, elle accorde du crédit à certains renseignements et considère le reste comme étant mensonger247. Ce choix se fait en général selon que l’information est, ou non, confirmée par un témoignage extérieur. Cependant, nous ne sommes pas en mesure de savoir de quelle façon ont été effectués les interrogatoires, ni si les questions posées par la justice étaient inductives ou pas. Par exemple, lorsque Joseph Leclercq dit avouer la vérité en impliquant Rabet, Coucke et Goethals ainsi que les vendeurs de graisse, il est probable qu’il ait pu entendre parler de ces vendeurs de graisse qui sont effectivement déjà suspects depuis 1860, par la presse et non par une discussion qu’il aurait eu avec Rabet. Aussi, pourquoi la police considère-t-elle qu’Auguste est présent, et non pas l’oncle Hubinon, ni Joseph Leclercq alors que tous nient de la même façon ? De plus, connaissant le caractère autoritaire et violent d’Auguste Leclercq, peut-on croire qu’il ait accepté de faire le guet alors que des inconnus entraient dans la maison, sachant que ceux qui font le guet, reçoivent généralement une moins grande part du butin (en rapport avec le risque moins important qui a été pris) ? Et pourquoi Auguste Leclercq nie-t-il avec une telle insistance sachant que cette position ne changera rien au châtiment qu’il encourt ? Une seule chose est sure : la Bande noire a en effet eu la maison de la veuve Couillet dans son collimateur. Et il est très probable qu’il s’agisse en réalité d’une alliance entre certains membres de la Bande noire et Coucke et Goethals. Cependant, nous n’obtiendrons sans doute jamais le fin mot de l’histoire…
3. Épilogue
54Cet exposé des faits les plus notables de la Bande noire nous permet de mettre en avant les interrelations qui existent entre les cinq différents types d’acteurs présents dans un cas de banditisme : les malfrats, les villageois agressés, la communauté rurale, les acteurs judiciaires, et enfin, la presse.
55L’analyse de ces cinquante-cinq vols commis par la Bande noire nous permet de constater qu’ils ont été exécutés de façon crescendo, passant de six vols en 1856 à quatorze en 1860 et à sept, déjà entre janvier et avril 1861. Très certainement, les voleurs ont fait preuve de plus d’audace voire même d’avidité au fil des années. Par contre, il s’avère qu’en 1858, année durant laquelle la population commence à se mettre en alerte suite aux nombreux vols commis dans la région, les voleurs ont choisi à sept reprises des maisons vides, évitant ainsi la confrontation avec l’habitant. Cela ne s’est produit que deux fois auparavant. Il est plus que probable que la bande a réalisé le risque plus important qu’elle encoure alors que la population la craint.
56Ensuite, tout au long de ces six années de criminalité, c’est à l’élite majoritairement rurale que les brigands vont s’attaquer. À l’exception de l’avocat Mantia et du médecin et ancien bourgmestre Hanoteau, les victimes sont pour la plupart rentières, ou propriétaires d’une exploitation agricole. Une grande partie d’entre-elles ont des domestiques à demeure. Il n’y a, parmi toutes ces victimes qu’un seul ecclésiastique, le curé Delvosal de Tarcienne. Cette exception est étonnante puisque les ecclésiastiques, absents ponctuellement de leur domicile à l’occasion des célébrations peuvent représenter des cibles faciles.
57La criminalité représentée par l’affaire de la Bande noire met en exergue la pauvreté en effectifs judiciaires dont sont dotées les communautés rurales. Lorsqu’un vol est commis, c’est souvent le bourgmestre ou le garde champêtre qui est le premier à arriver sur les lieux. Parfois, il arrive même que la nouvelle d’un vol n’arrive aux oreilles de l’autorité compétente de la commune que quelques jours après les faits. Dans la majorité des cinquante-cinq cas, les recherches sont restées infructueuses et ont amené à un abandon des poursuites avant d’être reprises en 1861. En 1858, les autorités de Walcourt décident néanmoins de doubler les effectifs de nuit en vue d’une meilleure protection de la population locale. Mais cette action n’est encore que trop ponctuelle et n’est visiblement pas efficace. Le nombre de vols est alors croissant. En 1860, suite au crime de Couillet, les habitants se voient forcés, faute d’effectifs policiers en suffisance, d’organiser des patrouilles de surveillance. En outre, en plus de trop peu d’enquêteurs, c’est également parfois d’incompétence dont les enquêteurs ont fait preuve. L’exemple de l’affaire de Corroy-le-Château est flagrant puisque le manque de vigilance des autorités a permis à Auguste de fournir une explication quant aux objets suspects trouvés à son domicile, et ce, entre le temps de la première visite domiciliaire effectuée chez son frère et la seconde à son domicile.
58Autre exemple, l’analyse des débats menés à la chambre des représentants nous a permis d’apprendre que le bourgmestre de Sombreffe a personnellement fourni des certificats de moralité à trois des frères Leclercq ainsi qu’à Gobert Lefèvre qui habitent sa commune et ce, après qu’ils aient travaillé en tant que serviteur dans sa demeure ou dans celle de sa belle-mère. Cette grave erreur commise par ce membre de la police judiciaire (qui ne fut pas renommé pour cette fonction par la suite) permet de comprendre pourquoi les autorités judiciaires ont mis tellement de temps à soupçonner ces individus248.
Notes de bas de page
145 Les sources qui ont principalement été exploitées sont le dossier de l’instruction, les articles de certains journaux publiés au moment des faits, ainsi que l’acte d’accusation du procès.
146 Cette affirmation est cependant à prendre avec une certaine distance puisque l’histoire vécue par les bandits de la Bande noire nous est transmise en condition d’interrogatoire judiciaire et par l’intermédiaire du greffier.
147 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 53/15, 1861, Ordonnance de jugement, 5 avril 1855, Tourinnes-Saint-Lambert.
148 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 54/1, 1861, Correspondance de l’Échevin délégué de la commune de Temploux, E. Defoux, au Procureur du Roi de Namur, 4 septembre 1855, Temploux.
149 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 54/2, 1861, Procès-verbal. Tribunal de première instance de Namur, 4 septembre 1855, Temploux.
150 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 54/1, 1861, Correspondance de l’Échevin délégué de la commune de Temploux, E. Defoux, au Procureur du Roi de Namur, 4 septembre 1855, Temploux.
151 Voici le signalement qu’en fait la dame Quairiat : « Homme d’environ 30 ans, grands yeux, moustaches rousses, figure assez maigre, pantalon gris à taches, sans bretelles, casquette assez large avec grande visière, mauvaise chemise et mauvaise cravate, n’avait guère l’air d’un campagnard ». AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 54/1, 1861, Correspondance de l’Échevin délégué de la commune de Temploux, E. Defoux, au Procureur du Roi de Namur, 4 septembre 1855, Temploux.
152 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 54/3 bis, 1861, Correspondance du bourgmestre de Temploux au Procureur du Roi de Namur, 16 septembre 1855, Temploux.
153 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 54/15, 1861, Interrogatoire de Jean-Baptiste Boucher, 12 juillet 1861, Temploux.
154 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 54/18, 1861, Interrogatoire de Philippe Boucher, 1er août 1861, Temploux.
155 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 54/20, 1861, Correspondance du Juge d’instruction de Namur, De la Barre, au Juge d’instruction de Charleroi, Aulit, 5 août 1861, Temploux.
156 « Acte d’accusation. Cour d’assises du Hainaut. Association de malfaiteurs contre les personnes et les propriétés. Crimes des arrondissements de Charleroi, Nivelles, Dinant et Namur. Acte d’accusation », in L’Indépendance Belge (supplément), 13 décembre 1861, p. 4.
157 Ibid., p. 1.
158 Ibid.
159 La Gazette de Mons, 6 octobre 1856, p. 3.
160 Ibid.
161 « Acte d’accusation. Cour d’assises du Hainaut. Association de malfaiteurs... », in L’Indépendance Belge (supplément), 13 décembre 1861, p. 1.
162 Ibid.
163 La Gazette de Mons, 6 octobre 1856, p. 3.
164 « Acte d’accusation. Cour d’assises du Hainaut. Association de malfaiteurs... », in L’Indépendance Belge (supplément), 13 décembre 1861, p. 2.
165 Ibid.
166 Le juge d’instruction Radelet de Nivelles est chargé des vols commis à Cortil-Noirmont la nuit du 14 au 15 novembre 1857, le juge Baugniet, nommé à Charleroi, est responsable des affaires de Wanfercée-Baulet (10 octobre 1857), et Cour-sur-Heure (14-15 novembre 1857), enfin, le juge d’instruction de Nivelles, J. Lekeu traite les affaires de Silenrieux et Tarcienne (nuit du 24 au 25 décembre 1857). Almanach royal officiel publié depuis 1840 en exécution de l’arrêté royal du 14 octobre 1839, Bruxelles, 1856, p. 117-119.
167 « Acte d’accusation. Cour d’assises du Hainaut. Association de malfaiteurs... », in L’Indépendance Belge (supplément), 13 décembre 1861, p. 2.
168 L’Indépendance Belge, 30 août 1858, p. 2.
169 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, 1861, Correspondance du brigadier commandant la brigade de Walcourt, Mr Goulaud, au Procureur du Roi de Dinant, 8 janvier 1859, Silenrieux/Tarcienne (inutiles).
170 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 22/3, 1861, Procès-verbal d’audition des témoins, 3 février 1859, Baisy-Thy.
171 « Acte d’accusation. Cour d’assises du Hainaut. Association de malfaiteurs... », in L’Indépendance Belge (supplément), 13 décembre 1861, p. 2.
172 L’Indépendance Belge, 13 mars 1859, p. 3.
173 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 26-27/3, 1861, Correspondance du Bourgmestre de Renlies au Procureur du Roi de Charleroi, 25 avril 1859, Renlies.
174 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 26-27/6, 1861, Procès-verbal de constat du vol, 25 avril 1859, Renlies.
175 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 26-27/45, 1861, Interrogatoire de Jean-Baptiste Boucher, 15 juin 1861, Renlies.
176 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 30/2, 1861, Procès-verbal de constat d'un vol d'habillement et d'argent avec effraction et escalade commis au préjudice et en la demeure de Louis Coppée. Auteurs inconnus, 2 janvier 1860, Hanzinelle.
177 Ce mot fait partie du langage courant pour l’époque et désigne un ensemble de véhicules ferroviaires tractés.
178 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 30/4, 1861, Interrogatoire d’Auguste Leclercq, 22 mai 1861, Hanzinelle.
179 Voir infra : Le crime de Couillet.
180 Il semble que ces objets soient quelque peu différents de ceux pris habituellement tels que la viande et les chemises masculines ainsi que les divers tissus qui sont privilégiés dans les autres vols. « Acte d’accusation. Cour d’assises du Hainaut. Association de malfaiteurs... », in L’Indépendance Belge (supplément), 13 décembre 1861, p. 3.
181 « Acte d’accusation. Cour d’assises du Hainaut. Association de malfaiteurs... », in L’Indépendance Belge, 13 décembre 1861, p. 3.
182 Ibid.
183 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 45/2, 1861, Procès-verbal d’audition de témoin, F. Hanoteau, 16 janvier 1861, Gilly.
184 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 45/24, 1861, Interrogatoire de Jean-Baptiste Boucher, 14 mai 1861, Gilly.
185 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 45/4, 1861, Procès-verbal d’audition de témoin, Thérèse Watillon, 16 janvier 1861, Gilly.
186 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 45/10, 1861, Procès-verbal d’audition de témoin, Léocadie Hamal-Hanoteau, 16 janvier 1861, Gilly.
187 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 45/2, 1861, Procès-verbal d’audition de témoin, F. Hanoteau, 16 janvier 1861, Gilly.
188 La Gazette de Mons, 19 janvier 1861, p. 2. Cette expression fait référence aux bandits de l’époque révolutionnaire qui brulaient les pieds de leurs victimes pour leur faire avouer leurs cachettes d’argent. Pour plus d’informations, voir : Roger Darquenne, Brigands et larrons dans le département de Jemappes (1794-1814), Vol. 30, La Louvière, Cercle d'histoire et de folklore Henri Guillemin, 1994.
189 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 45, 1861, Poursuite contre les frères Vanderspiegelen et autres, Gilly – Hanoteau (Inutile).
190 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 45/23, 1861, Interrogatoire de Léopold Rabet, 11 mai 1861, Gilly.
191 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 52/23, 1861, Correspondance du juge d’instruction de Charleroi au gendarme de Thuin, 17 août 1861, Gozée.
192 Ibid.
193 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 52/3, 1861, Procès-verbal d’audition des témoins, Marie-Thérèse Bichelot, veuve Ranwet, 6 avril 1861, Gozée.
194 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 52/2, 1861, Procès-verbal de constat de vol avec effraction et tentative d'assassinat commis sur la veuve Ranwet, rentière, 6 avril 1861, Gozée.
195 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 52/3, 1861, Procès-verbal d’audition des témoins, Marie-Thérèse Bichelot, veuve Ranwet, 6 avril 1861, Gozée.
196 Annales parlementaires, Question et réponses écrites, sessions 2004-2005, 18 mars 2005, question n° 84, p. 14447.
197 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 3, 1860, Procès-verbal de description des lieux, 24 mars 1860.
198 Seuls, les deux plus petits se sont adressés à la dame, le plus grand ne se serait adressé qu’aux autres, et en flamand uniquement.
199 Cette affirmation a été rapportée par le bourgmestre de la commune à qui la veuve se serait confiée le lendemain de son agression. AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 12, 1860, Procès-verbal du témoin Delimborg, 1er juin 1860.
200 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 4, 1860, Procès-verbal d’audition de la victime, Scholastique Dussart, 24 mars 1860.
201 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 3, 1860, Procès-verbal de description des lieux, 24 mars 1860.
202 Cet outil n’a pas été formellement identifié. La veuve Dubois l’a désigné comme étant un coutre de charrue mais la blessure qui lui a été assénée est plus large, ce qui laisserait supposer qu’il s’agit en réalité d’une pioche qui aurait été utilisée de son côté tranchant. AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 14, 1860, Procès-verbal du témoin Delimborg, 13 juin 1860.
203 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 3, 1860, Procès-verbal de description des lieux, 24 mars 1860.
204 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 1, 1860, Procès-verbal du crime dressé par la gendarmerie, 24 mars 1860.
205 Il est fort à supposer que le Procureur général se trouvait déjà dans la région parce qu’autrement, il n’aurait pu se déplacer aussi vite de Bruxelles. C’est d’ailleurs notamment sa présence sur les lieux qui l’a amené à s’impliquer autant dans le procès de Coucke et Goethals ainsi que plus tard, dans celui de la Bande noire. AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 3, 1860, Procès-verbal de description des lieux, 24 mars 1860.
206 La Gazette de Mons, 3-4 avril 1860, p. 3.
207 Parmi ceux-ci, il y a notamment les trois Flamands qui ont travaillé quelques années auparavant chez la veuve et qui ont tous un alibi pour le soir du vol. AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 1, 1860, Procès-verbal de constat de vol, 24 mars 1860.
208 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 23, 1860, Lettre d’un « habitant de la commune » au Procureur du Roi du Tribunal de première instance de Charleroi, 5 avril 1860.
209 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 45, 1860, Procès-verbal d’audition des témoins, Charles Scournemont, 1er mai 1860.
210 L’affirmation selon laquelle elle aurait écrit cette lettre incriminant les deux hommes, Coucke et Smet est bien étrange puisque la témoin n’aurait aucun intérêt à incriminer, à la fois, son mari et son amant. D’autant plus qu’elle nie avoir fait cette demande auprès du cordonnier.
211 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 31, 1860, Procès-verbal d’audition des témoins, Denis Baugniet, 5 avril 1860.
212 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 31, 1860, Procès-verbal d’audition des témoins, Denis Baugniet, 5 avril 1860.
213 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 32, 1860, Procès-verbal d’audition des témoins, Denis Baugniet, 7 avril 1860.
214 Jacob Neve vit avec Goethals et un autre Flamand dans une petite baraque qu’ils ont eux-mêmes construite. Goethals les a réveillés en rentrant. L’autre flamand a demandé l’heure qu’il était et s’est entendu répondre qu’il n’était que onze heures du soir. Il a malgré tout pris une allumette pour connaître l’heure exacte et s’apercevoir qu’il est en réalité une heure moins dix. Le Flamand rajoute qu’en rentrant, Goethals est un peu « pris de boisson » mais sait malgré tout très bien ce qu’il fait, ce qui lui arrive souvent. AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 46, 1860, Procès-verbal d’audition des témoins, Jacob Nève, 8 avril 1860.
215 Goethals affirme qu’il est une heure moins le quart quand il rentre, Coucke affirme qu’il doit être dix heures du soir, et le témoin Baugniet affirme qu’il doit être onze heures trente lorsqu’il quitte Coucke et Goethals sur le chemin du retour. AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 63, 1860, Interrogatoire de Pierre Goethals, 7 avril 1860 ; AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 153, 1860, Interrogatoire de Jan Coucke, 7 avril 1860.
216 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 63, 1860, Interrogatoire de Jan Coucke, 7 avril 1860.
217 Le cabaretier témoigne que le lendemain du jour où la dame Dubois a été frappée, Coucke lui a échangé une pièce d’or contre une pièce de vingt francs. La veille du crime, il a emprunté cinq francs au cabaretier, qu’il a été en mesure de lui rendre le surlendemain. « Ma femme n’a pas pu s’empêcher de me dire, après la sortie du marchand de pommes de terre qu’il n’avait pas le sou il y a deux jours et que maintenant il avait vingt francs dans sa poche ». En confrontation, Coucke affirme qu’il a échangé cette pièce de vingt francs avec le cabaretier le dimanche vingt mars. L’autre dit que c’est impossible puisqu’il ne travaille pas le dimanche. AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 35, 1860, Procès-verbal d’audition de témoin, Pierre Debrauwer, 9 avril 1860.
218 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 67, 1860, Interrogatoire de Pierre Goethals, 28 avril 1860.
219 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 38, 1860, Procès-verbal d’audition de témoin, Pierre Debrauwer, 5 juillet 1860.
220 La thèse de l’objet courbe concorde avec l’idée, soumise par les autorités, selon laquelle la veuve Dubois aurait été face à son agresseur au moment où elle a été frappée mais qu’elle a malgré tout été touchée à l’omoplate. Cependant, cette affirmation n’a pu être prouvée avec certitude. AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 273, 1860, Acte d’accusation, 18 juillet 1860.
221 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 1, 1860, Procès-verbal de constat du vol, 24 mars 1860.
222 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 1, 1860, Procès-verbal du crime dressé par la gendarmerie, 24 mars 1860.
223 Il dit également que tous, sauf lui, se sont couvert le visage de cirage noir apporté par Debrauwer. Enfin, il n’a rien su dire concernant l’outil qui a été utilisé, et du reste, ne sait qui a frappé la veuve Dubois. AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 68, 1860, Interrogatoire de Pierre Goethals, 17 juillet 1860.
224 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 287, 1860, Procès-verbal des audiences de la cour d’assises, 20 août 1860-25 août 1860.
225 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 231, 1860, Correspondance du juge d’instruction de Charleroi au juge d’instruction de Dinant, 26 mars 1860.
226 Affaire jugée à la cour d’assises du Hainaut pendant la seconde série de la troisième session de 1860.
227 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 281, 1860, Affaire criminelle, liste des jurés, 20 juillet 1860.
228 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 273, 1860, Acte d’accusation, 18 juillet 1860.
229 « J’ai voulu montrer seulement quel terrible remords pourrait entrer dans vos âmes, lorsque le lendemain d’un arrêt suprême, un doute surgirait à votre esprit sur la culpabilité des accusés. […] Frappez si vous êtes convaincus que les accusés sont coupables, mais aussi si un doute s’élève dans votre esprit, que ce doute leur soit favorable… », La Gazette de Mons, 28-29 août 1860, p. 2.
230 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 287, 1860, Procès-verbal des audiences de la cour d’assises, 20 août 1860-25 août 1860.
231 Pour être précis, Goethals est considéré par le jury comme étant non coupable d’avoir porté le coup volontaire, mais bien coupable de s’être rendu complice et d’avoir procuré l’instrument. Quant à Coucke, le jury le déclare non coupable d’avoir frappé la veuve, non coupable de s’être rendu complice en fournissant l’instrument qui a permis le coup, et enfin, coupable de complicité des coups et blessures volontaires portés à la veuve Dubois. AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 285, 1860, Questions posées au Jury, en séance publique de la cour d’assises du Hainaut, par le Président de cette cour, 25 août 1860.
232 La Gazette de Mons, 17 novembre 1860, p. 2 ; L’Étoile Belge, 17 novembre 1860, p. 3.
233 La Gazette de Mons, 18 novembre 1860, p. 3.
234 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 31/21, 1861, Interrogatoire de Philippe Boucher, 13 juillet 1861, Couillet.
235 Voici ses premières paroles à ce propos : « Je vous jure par le christ que je vois ici devant nos yeux, que les deux individus qui ont été guillotinés n’ont aucunement participé à ce crime et qu’ils ont payé pour nous ». AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 31/1, 1861, Interrogatoire de Léopold Rabet, 30 avril 1861, Couillet.
236 Pour obtenir ces aveux, le Procureur du Roi de Dinant a promis à Rabet une commutation de peine qui lui permettrait d’échapper à l’échafaud. AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, 1860, Correspondance du Procureur du Roi de Dinant au Procureur général près de la cour d’appel de Bruxelles, 30 avril 1861.
237 Il dit n’avoir pas participé au vol d’Obaix mais avoir su par la suite que ses compagnons en étaient les auteurs.
238 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 31/14, 1861, Interrogatoire de Jean-Baptiste Boucher, 30 mai 1861, Couillet.
239 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 31/16, 1861, Interrogatoire de Jean-Baptiste Boucher, 1er octobre 1861, Couillet.
240 La première fois, il n’est pas mis au courant mais s’en plaint à son frère qui l’avertit la seconde via une lettre qui lui a été envoyée au début du mois de mars et qui contenait le chiffre seize en chiffres romains. Il en a donc conclu que le vol de Couillet était prévu pour le seize mars. Quant à la deuxième fois, il n’a pas été prévenu, mais fort heureusement, sa femme était sur le point d’accoucher, il dut par conséquent rester à son chevet. AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 31/21, 1861, Interrogatoire de Philippe Boucher, 13 juillet 1861, Couillet.
241 Léopold Rabet est lié à la famille de Jean-Baptiste Boucher par son épouse. Voir infra : Identité et structure de la Bande noire. Une bande familiale : quand le banditisme devient une tradition.
242 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 31/16, 1861, Interrogatoire de Jean-Baptiste Boucher, 1er octobre 1861, Couillet.
243 Il ajoute également qu’il connaissait bien le Wallon mais pas les Flamands qu’il ne connaissait « que de vue ». Quant aux vendeurs de graisse, ils s’étaient enfuis après les faits et étaient retournés « dans leur pays ».
244 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, n° 31/16, 1861, Interrogatoire de Jean-Baptiste Boucher (suivi d’une confrontation avec Auguste Leclercq), 6 novembre 1861, Couillet
245 AÉM, Cour d’assises du Hainaut, Affaire Coucke et Goethals, n° 255, 1860, Joseph Hinant.
246 de Brouwer, La peine de mort en Belgique…, p. 285.
247 Par exemple, accepter la théorie selon laquelle Rabet serait allé avec Auguste Leclercq à Couillet, mais refuser d’entendre que Joseph et l’oncle Hubinon y étaient aussi. Cette manière de faire a d’ailleurs été critiquée par Me Masquelier, l’avocat du petit Thomas lors des débats en cour d’assises, après quoi, le Procureur général fut fort choqué et obligea l’avocat à s’excuser. Voir infra : La réponse des avocats de la défense.
248 Annales parlementaires, séance du 30 janvier 1862, p. 574.
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Dirk Heirbaut, Xavier Rousseaux et Alain Wijffels (dir.)
2010
Des polices si tranquilles
Une histoire de l’appareil policier belge au XIXe siècle
Luc Keunings
2009
Amender, sanctionner et punir
Histoire de la peine du Moyen Âge au XXe siècle
Marie-Amélie Bourguignon, Bernard Dauven et Xavier Rousseaux (dir.)
2012
La justice militaire en Belgique de 1830 à 1850
L'auditeur militaire, « valet » ou « cheville ouvrière » des conseils de guerre ?
Éric Bastin
2012
Un commissaire de police à Namur sous Napoléon
Le registre de Mathieu de Nantes (10 vendémiaire an XII - 28 août 1807)
Antoine Renglet et Axel Tixhon (dir.)
2013
La Bande noire (1855-1862)
Le banditisme dans l'Entre-Sambre-et-Meuse et ses liens avec l'affaire Coucke et Goethals
Laure Didier
2013
« Pour nous servir en l'armée »
Le gouvernement et le pardon des gens de guerre sous Charles le Téméraire, duc de Bourgogne (1467-1477)
Quentin Verreycken
2014