Le nouveau référentiel de sciences
Un outil pour planifier les apprentissages
p. 185-189
Texte intégral
1Les savoirs occupent chaque jour une place plus importante dans nos sociétés. De ce fait, les attentes vis-à-vis de l’école sont plus exigeantes et parfois contradictoires.
2Les accès aux savoirs se sont multipliés, concurrençant l’école. Les connaissances engrangées par le monde scientifique sont énormes et en constante progression, rendant impossibles une transmission exhaustive.
3Les évolutions technologiques, économiques et sociales sont rapides et demandent une faculté d’adaptation toujours plus aigüe.
4Pour rencontrer ces nouveaux défis, l’école a entrepris une mutation. Ce changement peut grossièrement se décrire comme le passage d’une pédagogie de l’enseignement à une pédagogie de l’apprentissage. Là où auparavant le travail de l’enseignant consistait essentiellement à exposer l’élève aux contenus de la façon la plus claire, le professeur doit aujourd’hui : accompagner l’élève dans la progression de ses apprentissages, installer les notions selon une logique conforme aux modes de fonctionnement de l’élève, s’assurer de la transférabilité des acquis, installer des stratégies, diversifier ses discours, etc.
5Les prescrits de la Communauté française s’inscrivent dans cette démarche depuis le décret mission (1997).
1. Qu’est-ce qu’un référentiel ?
6La Fédération Wallonie Bruxelles décrète, pour chaque discipline, les niveaux attendus au terme d’un parcours scolaire. Ce prescrit est un référentiel. Chaque réseau construit ensuite un programme qui décrit un parcours permettant de rencontrer les exigences du référentiel dans le temps imparti. Ce programme, une fois adopté, devient le contrat entre le professeur et l’école. Un service d’inspection vérifie l’adéquation entre le travail de l’enseignant et le programme.
2. Le paradigme constructiviste
7Le nouveau référentiel s’inscrit résolument dans une perspective constructiviste. Cette approche considère que :
8▪ le savoir est une construction mentale ; Les sciences sont nées de la volonté de se détacher de la « vérité révélée » pour adopter la « vérité objective » basée sur les faits, les mesures, les expériences reproductibles. L’approche constructiviste modifie cette représentation, car elle considère que l’expérimentateur fait partie de l’expérience ; il observe avec des sens et des capacités limités, il a un projet, il se réfère à des modèles, etc. La « vérité objective » devient ici une « vérité construite ».
9Quelles en sont les conséquences sur l’apprentissage ?
10Chaque concept a différents niveaux de formulation. Par exemple, la masse peut être « ce que mesure la balance », « une mesure de la quantité de matière d’un corps pur », « l’inertie d’un corps face au mouvement », etc. Dans la perspective positiviste, chacune de ces définitions n’est qu’une étape qui mène vers la vérité objective ultime. Dans une perspective constructiviste, chaque formulation est une construction mentale de la réalité et chacun va utiliser celle qui convient à la tâche qu’il veut mener. Dans l’exemple de la masse, la formulation « ce que mesure la balance » suffit pour réaliser un titrage.
11▪ L’interaction de la personne avec les objets du savoir construit son intelligence. L’objectif de l’apprentissage devient la compétence. L’élève doit acquérir les concepts et les faits fondateurs de la discipline, les articuler dans des modèles cohérents et conformes aux représentations du monde scientifique, les contextualiser pour mener à bien des tâches nouvelles et de plus en plus complexes.
12▪ La démarche systémique devient plus appropriée. La démarche analytique découpe une situation en fragments suffisamment petits pour être entièrement étudiés, puis regroupe le tout en supposant que le tout est la somme des parties. La démarche systémique découpe une situation en niveaux hiérarchiques, chaque niveau générant des propriétés émergentes. Le tout est d’avantage que la somme des parties.
13Par exemple, pour étudier le corps humain, une démarche analytique serait d’étudier la tête, les mains, les membres, etc. Une démarche systémique serait d’étudier les molécules organiques constitutives, les cellules, les tissus, les organes, l’organisme. La pédagogie visant le développement de compétences est une démarche globalisante, une compétence intégrant toujours capacités, contenus et contexte.
3. Une séquence de cours
14Une séquence de cours est la suite de leçons permettant de couvrir un thème. L’enseignant qui doit la mettre en œuvre se pose aujourd’hui les questions :
- de l’objectif : qu’est-ce que mes élèves devront être capables de faire au terme de la séquence ?
- de l’appropriation : pour réaliser l’objectif, quelles sont les ressources nouvelles (savoirs & savoir-faire) que je vais devoir installer ?
- des intégrations : l’élève va utiliser ses nouveaux acquis.
- Il va les articuler ensemble et avec ses connaissances antérieures pour se construire des représentations conformes.
- Il va être capable de mener à bien toute une famille de situation mobilisant ces nouvelles ressources.
4. Les défis rencontrés lors de la construction d’un référentiel
15L’école
- prépare à un métier ou à des études supérieures, ;
- fournit les ressources et compétences permettant de mener une activité citoyenne ;
- construit des personnes.
16Poursuivant ces finalités, les concepteurs doivent :
- repérer les ressources utiles d’une discipline et préciser pour chacune les niveaux de formulation attendus ;
- proposer une articulation de ces notions scientifiquement valide et accessible à l’élève ;
- préciser les familles de situation (les contextes et les niveaux de capacité) sur lesquelles l’élève pourra transférer les acquis.
5. Structure du nouveau référentiel de sciences
17Le référentiel est structuré par discipline (biologie, chimie, physique) et découpé en UAA (unité d’acquis d’apprentissage). Chaque UAA couvre un thème et constitue un ensemble cohérent.
6. Structure d’une UAA
18Chaque UAA présente différentes rubriques :
19■ les compétences à développer.
20Cette rubrique décrit ce que l’élève devra être capable d’effectuer au terme de l’UAA. Elle est rédigée afin de permettre d’entrevoir comment une évaluation en vérifiera la maitrise ;
21■ les ressources.
22Cette rubrique liste les prérequis, savoirs et savoir-faire rencontrés dans l’UAA ;
23■ les processus cognitifs.
24La gestion par l’élève d’une situation complexe génère des cheminements de la pensée qui peuvent être rassemblés. Le législateur a choisi trois de ces catégories de processus :
25○ connaître.
26L’élève fait œuvre d’abstraction. Il repère le concept à partir de différents contextes et l’articule avec d’autres dans une modélisation du réel ;
27○ appliquer.
28L’élève a à sa disposition un protocole, un mode d’emploi permettant de mener à bien la tâche qui lui a été confiée, soit parce qu’il en dispose, soit parce qu’il l’a appris ;
29○ utiliser ce protocole
30- est exercer un savoir-faire si la contextualisation du protocole à la situation est évidente ;
31- est mobiliser le processus cognitif « appliquer » si la difficulté réside dans l’identification du protocole parmi d’autres et dans la contextualisation de celui-ci ;
32○ transférer.
33Ici, l’élève ne dispose pas de mode d’emploi, soit parce qu’il n’y en a pas, soit parce que l’élève ne l’a pas appris.
34La présence de processus cognitifs dans les référentiels constitue une innovation qui se situe bien dans la dynamique constructiviste décrite dans l’introduction ci-dessus. En effet le professeur peut fonctionner différemment selon qu’il veut que l’élève exerce un processus repéré. Par exemple, sous :
35■ connaitre :
36○ à partir de situations très différentes, amener l’élève à repérer une même notion et la décontextualiser pour identifier le concept ;
37○ faire construire des topogrammes afin de lier les concepts d’un thème ;
38■ appliquer :
39○ montrer la gestion d’une situation exemplaire et en extraire le protocole permettant de la gérer. Mener ensuite des exercices de contextualisation du protocole. Mener ensuite des exercices où l’élève doit identifier le protocole adéquat.
40■ Transférer :
41○ gérer avec les élèves des situations de plus en plus complexes. Chaque situation se traite en se référant à la précédente. L’élève apprend à repérer les invariants ; savoirs présents dans chacune des situations et qui permettent de regrouper celles-ci en une famille. L’élève, pour exercer sa compétence, doit ici posséder une banque de situations auxquelles se référer.
7. Articulation des UAA dans un référentiel
42Les UAA sont placées dans le référentiel de façon à permettre :
- une appropriation spiralaire des notions essentielles ;
- les concepts fondateurs d’une discipline reviennent dans différentes UAA, mais avec à chaque fois un niveau de formulation plus abstrait et plus touffu ;
- de tenir compte de l’âge des élèves et de leur faculté d’abstraction ;
- de créer des liens entre les disciplines ;
- la construction d’une représentation pertinente de la discipline.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Identité professionnelle en éducation physique
Parcours des stagiaires et enseignants novices
Ghislain Carlier, Cecília Borges, Clerx Marie et al. (dir.)
2012
Progression et transversalité
Comment (mieux) articuler les apprentissages dans les disciplines scolaires ?
Ghislain Carlier, Myriam De Kesel, Jean-Louis Dufays et al. (dir.)
2012
La planification des apprentissages
Comment les enseignants préparent-ils leurs cours ?
Mathieu Bouhon, Myriam De Kesel, Jean-Louis Dufays et al. (dir.)
2013
Le plaisir de chercher en mathématiques
De la maternelle au supérieur, 40 problèmes
Laure Ninove et Thérèse Gilbert (dir.)
2017
La pratique de l’enseignant en sciences
Comment l’analyser et la modéliser ?
Manuel Bächtold, Jean-Marie Boilevin et Bernard Calmettes
2017
Vers l’interdisciplinarité
Croiser les regards et collaborer dans l’enseignement secondaire
Myriam De Kesel, Jean-Louis Dufays, Jim Plumat et al. (dir.)
2016
Didactiques et formation des enseignants
Nouveaux questionnements des didactiques des disciplines sur les pratiques et la formation des enseignants
Bernard Calmettes, Marie-France Carnus, Claudine Garcia-Debanc et al. (dir.)
2016
Donner du sens aux savoirs
Comment amener nos élèves à (mieux) réfléchir à leurs apprentissages ?
Jean-Louis Dufays, Myriam De Kesel, Ghislain Carlier et al.
2015
L’apprentissage en situation de travail
Itinéraires du développement professionnel des enseignants d’éducation physique
Ghislain Carlier (dir.)
2015
Le curriculum en questions
La progression et les ruptures des apprentissages disciplinaires de la maternelle à l’université
Myriam De Kesel, Jean-Louis Dufays et Alain Meurant (dir.)
2011
Les voies du discours
Recherches en sciences du langage et en didactique du français
Francine Thyrion
2011