Préparer, planifier : une question clé pour la recherche et pour la formation en didactique des disciplines
Cadrage de la problématique
p. 9-12
Texte intégral
1. Les journées du CRIPEDIS, quatrième acte
1La journée d’études que le Centre de recherche interdisciplinaire sur les pratiques enseignantes et les disciplines scolaires (CRIPEDIS) a organisée le 24 avril 2013 sur le thème de la planification des apprentissages était déjà la quatrième du genre. Il est peut-être utile de rappeler ici que cette journée d’étude annuelle fait partie des activités phares de ce centre de recherche, qui rassemble aujourd’hui treize disciplines, dix-sept professeurs, trente-six doctorants, et qui publie par ailleurs un une collection aux Presses universitaires de Louvain comptant actuellement neuf titres. S’étant donné pour objectif général de développer des connaissances susceptibles d’accroitre la qualité de la formation des enseignants et, par là, celle de l’enseignement et des apprentissages, le CRIPEDIS poursuit trois axes de recherche : l’analyse des pratiques enseignantes et de leur impact sur la motivation des apprenants, l’étude du sort des savoirs et du curriculum dans les différentes disciplines de l’enseignement, et l’étude des relations entre les pratiques langagières et les apprentissages disciplinaires.
2Après s’être intéressé en 2010 à la transition secondaire-université, en 2011 à l’examen des évolutions récentes liées au curriculum et des tensions qui y sont liées, en 2012 à la manière dont les disciplines scolaires se situaient face à la double et complémentaire exigence de progression et de transversalité, le Centre a consacré sa journée d’étude de 2013 à la question de la planification des apprentissages. Plusieurs hypothèses et enjeux ont présidé au choix de cette thématique.
2. Planifier son cours, une activité complexe et porteuse d’enjeux majeurs
3Pourquoi s’intéresser à la manière dont les enseignants planifient leurs cours ? Parce qu’au-delà de son apparente banalité, cette activité, qui est consubstantielle de tout travail enseignant, apparait comme l’une des plus révélatrices des complexités du métier.
4Planifier, en effet, c’est se situer dans une triple temporalité : celle de la longue durée (le semestre et l’année, mais aussi, le degré et le cycle), celle de la durée moyenne (la séquence didactique, étalée sur quelques semaines) et celle de la durée courte et immédiate (l’heure de cours à préparer pour le lendemain… et à réguler au moment même où elle se déroule). C’est aussi articuler en permanence des choix personnels avec ceux, prescrits, de l’institution. Comment ces tensions sont-elles vécues et gérées dans les différentes disciplines ? Cette question méritait déjà à elle seule qu’on y consacre une journée de réflexion.
5Mais à travers la planification, ce ne sont pas seulement des contenus de matière que l’enseignant met en place : c’est aussi toute une axiologie, toute une conception de l’apprentissage, des valeurs, des concepts et des méthodes qui sont censés organiser l’ensemble.
6C’est dire le rôle clé qu’occupe cette activité dans la perspective du curriculum, tant commun qu’individuel, et l’urgence qu’il y avait d’en interroger les modalités et les effets à l’heure où se profile une réforme radicale de la formation initiale et continuée des enseignants.
7Pourtant, curieusement, la planification des enseignements et des apprentissages n’a fait l’objet jusqu’à ce jour que d’un nombre très réduit de recherches. On épinglera certes les travaux de Philippe Dessus, de l’Université de Grenoble, et de Philippe Wanlin, de l’Université de Genève, qui se sont interrogés sur les processus psychologiques à l’œuvre chez les enseignants lorsqu’ils planifient leurs cours, et ceux de Sylvie Coppé, de l’IUFM de Lyon, qui a consacré une intéressante étude à la manière dont les stagiaires préparaient des séances de classe à la fin de leur formation initiale. Il faut aussi signaler les études plus anciennes mais programmatiques d’Évelyne Charlier et d’Anne Barrère sur les prises de décision et sur les routines inhérentes à tout travail des enseignants.
8Très peu de recherches cependant, à notre connaissance, se sont intéressées jusqu’à ce jour aux aspects proprement disciplinaires du processus de planification. Au-delà des routines communes, planifie-t-on de la même manière en sciences humaines et en sciences exactes, en français et en histoire, en mathématiques et en physique ? En retour, en quoi l’étude du travail des enseignants dans les différentes disciplines éclaire-t-il la connaissance du processus de planification ? Et quelles actions peut-on proposer aux enseignants pour exploiter au mieux leurs spécificités disciplinaires à ce propos ?
3. Deux témoins privilégiés, cinq ateliers disciplinaires
9Pour éclairer cette réflexion, nous avons sollicité l’éclairage de deux témoins privilégiés. Le premier, Frédéric Dewez, par sa position institutionnelle de responsable pédagogique au sein du réseau libre catholique (SeGEC), était bien placé pour poser un regard d’ensemble sur les pratiques actuelles des professeurs de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Sans se prononcer sur les spécificités disciplinaires de la planification, il se fonde ici sur une expérience de collaboration multidisciplinaire pour plaider, avec un solide exemple à l’appui, pour un nouveau mode de planification applicable à plusieurs disciplines qui permette une meilleure intégration des acquis scolaires.
10Notre second témoin est François Victor Tochon, professeur à l’Université du Wisconsin-Madison1, dont les ouvrages (notamment L’enseignant expert, Nathan, 1993) alimentent depuis longtemps le travail des formateurs. Fort des recherches qu’il a menées sur le travail des enseignants, celui-ci s’inscrit dans le cadre de l’« approche profonde » de l’éducation (deep education) pour présenter un modèle de planification « ouverte » de l’enseignement applicable plus particulièrement au cas de la discipline « français » et pour mettre en évidence le défi que les réformes en cours posent aux enseignants et aux administrations scolaires.
11Au-delà de ces deux éclairages liminaires, les participants à cette journée d’études se sont répartis en cinq ateliers disciplinaires : ceux-ci ont été consacrés au français (sous la coordination de Jean-Louis Dufays), à l’histoire (sous la coordination de Mathieu Bouhon), aux langues modernes (sous la coordination de Fanny Meunier), aux mathématiques (sous la coordination de Sabine Hausmann) et aux sciences (sous la coordination de Myriam De Kesel, de Jim Plumat et de Bernard Tinant). Dans chaque atelier, deux à quatre intervenants, issus des universités, des Hautes Écoles, mais aussi de la coordination pédagogique des réseaux d’enseignement, ont alimenté la réflexion en faisant état de recherches empiriques et théoriques susceptibles d’interpeler tant les formateurs et les enseignants que les décideurs institutionnels.
12Ce sont ces différents travaux qui se trouvent rassemblés dans le présent ouvrage. Bien sûr, ceux-ci ne constituent qu’une première exploration très modeste et partielle de la matière éminemment vaste et complexe qu’est la planification des enseignements dans les différentes disciplines scolaires. Puissent-ils cependant inspirer de nombreuses autres recherches qui permettront aux enseignants de demain à la fois de mieux comprendre et de davantage voir reconnaitre l’expertise professionnelle inhérente à leurs processus de planification.
Notes de bas de page
1 Genevois d’origine, il enseigne dans le département de Curriculum & Instruction (didactiques disciplinaires) de son université, où il a dirigé la formation des enseignants de langue de 2001 à 2007. Depuis vingt-cinq ans, il étudie la manière dont les enseignants planifient les apprentissages. Il a dérivé de ses recherches de terrain un modèle d’apprentissage en profondeur fondé sur l’autonomie de choix par les apprenants, de leurs thèmes et contenus d’apprentissage articulés en projets éducatifs. Ses livres et articles sont publiés en huit langues. Parmi eux : La recherche-intervention éducative (Presses de l’Université du Québec), Tropics of Teaching (Toronto University Press).
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La planification des apprentissages
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