Du manuscrit à l’imprimé : le Livre des serments de la cathédrale de Tournai (xive-xviie siècles)
p. 225-244
Texte intégral
1Le Livre des serments de la cathédrale de Tournai n’a jamais quitté cette cité du nord-ouest de la Belgique. Il est conservé aujourd’hui encore aux Archives et Bibliothèque de la Cathédrale de Tournai, dont il constitue l’un des fleurons. Ce manuscrit (registre 359/B) a récemment bénéficié d’une édition et d’une étude codicologique approfondie1 qui ont permis d’en saisir toute la richesse. Pour des raisons matérielles liées au présent colloque, les quelques pages qui vont suivre n’auront pas la prétention d’en faire une description exhaustive. Elles montreront simplement l’intérêt de ce type de registre pour l’historien, s’il étudie le fonctionnement, l’histoire religieuse, mais aussi l’histoire économique et sociale d’une cathédrale, ainsi que ses relations avec le monde extérieur2. Elles lèveront également le voile, pour le public lorrain, sur un témoin manuscrit des activités des habitants de la cité épiscopale tournaisienne qui fut, au Moyen Âge, une des plus florissantes aux portes du royaume de France.
1. Tournai, ville et cathédrale
2Une structure épiscopale a vraisemblablement été mise en place dans la ville de Tournai dès la fin du Ve siècle3. Elle est incluse dans la province ecclésiastique de Reims, alors en formation. Très vaste, le diocèse tournaisien comprend, à l’époque médiévale, de riches cités marchandes : outre Tournai (plus de 10 000 habitants à la fin du xiiie siècle4), on compte Gand, Lille et Bruges5. Sa cathédrale, érigée en l’honneur de Notre-Dame, jouit d’une très large renommée, permettant la constitution progressive de son important trésor et occasionnant l’afflux de nombreux pèlerins vers la ville au cours des siècles. Au civil, la cité fait partie du royaume de France6. Du fait de son éloignement, elle tente de se développer comme une sorte de « république urbaine », autonome par rapport aux seigneurs locaux. Elle étend son pouvoir sur une large banlieue, le Tournaisis, et connaît une période faste entre 1250 et 1550.
3Qui dit cathédrale dit chapitre et clos capitulaire. Le chapitre tournaisien est constitué de pas moins de 42 chanoines prébendés7. Très largement possessionné, il défend jalousement ses privilèges religieux, juridiques et économiques. Parmi ceux-ci, on peut citer par exemple le tonlieu sur l’Escaut et les droits de marché, de pesée, d’afforage sur le vin et la bière… qui sont rappelés aux Tournaisiens à travers le programme tant sculpté que vitré de la cathédrale8. Pour cette raison, les relations entre autorités urbaines et chapitre cathédral sont bien souvent tendues9.
4La richesse du chapitre cathédral va lui permettre de devenir une véritable « entreprise », dont dépendent des centaines de personnes. Les responsables des offices ou des charges les plus importantes comme les « employés » subalternes lui sont, dans ce cadre, assermentés. La prestation, par chacun, d’un serment officiel, au texte préétabli et aux clauses savamment pesées, permet en effet à la cathédrale de se prémunir contre toute atteinte à ses prérogatives. Le Livre des serments, comme son nom l’indique, contient le texte des serments que devait prêter quiconque était au service de l’Église tournaisienne, qu’il soit laïc ou ecclésiastique, membre du Magistrat ou évêque, bailli ou ouvrier. Il joue ainsi un rôle fondamental dans la conservation des privilèges de celle-ci, et cela dans des domaines très variés : les mains qui ont souillé les folios de ce manuscrit au fil des siècles sont, en effet, issues de sphères très différentes. À travers le Livre des serments, c’est tout un petit monde qui apparaît organisé à l’abri des voûtes de la cathédrale et à l’ombre de ses clochers.
2. Le manuscrit comme objet : son utilisation, du xive au xviie siècle
2.1. Origine du livre juratoire tournaisien
5Le Livre des serments a été produit à l’instigation du chapitre cathédral de Tournai. Le manuscrit ne porte pas de titre, mais sa table des matières nous indique qu’il devait être connu comme le codex contenant les sacramenta ecclesie Tornacensis10. Par ailleurs, ce volume était exclusivement consacré à cet usage : il ne s’agit en aucune manière d’un manuscrit composite, qui comprendrait des textes de teneurs diverses.
6C’est vraisemblablement durant la période 1385-1396 que le chapitre fait copier (ou renouvelle11 ?) son livre juratoire. Une convergence d’indices semble en effet l’indiquer. Plusieurs clauses issues du texte de certains serments désignent les dates de 1385 et 1396 comme termini post et ante quem de la première campagne scripturaire. Le serment des prévôts de la ville, qui ouvre la série au fol. 3r°, donne le terminus post quem le plus communément admis – 1362 – car il cite un arrêté du Parlement de Paris intervenu à cette date. L’article 4 du serment des chanoines et de leurs procurateurs (fol. 23v°-24r°), copié par la première main, fait cependant référence à un statut capitulaire du 14 juillet 1385 ; il est donc légitime de repousser ce terminus post quem à cette date. Quant au terminus ante quem, il résulte des clauses 12 et 13 du serment des chanoines, qui ont été copiées par des mains postérieures et qui font toutes deux référence à des statuts de 139612.
7Les caractéristiques matérielles du codex corroborent cette fourchette de datation : la première campagne scripturaire est en effet caractérisée par une écriture gothique textuelle et des initiales filigranées rouges et bleues en alternance, typiques des manuscrits gothiques de cette époque13. Quant à la belle enluminure qui orne le premier serment du manuscrit, elle serait à attribuer à Jean Semont, figure capitale de l’enluminure tournaisienne vers 140014.
8Pourquoi avoir fait copier un (nouveau ?15) livre juratoire à cette époque ? Il semblerait que ce soit l’intensification entre 1 200 et 1 400 des conflits avec la ville, occasionnés par les privilèges du chapitre16, qui soit le motif principal. À la fin du xive siècle, les chanoines tournaisiens remportent des victoires successives face à la commune de Tournai, encore dépendante du roi de France. À plusieurs reprises en effet, ce dernier – dont Jean II en 136217 – tranche en leur faveur et oblige les autorités urbaines à leur prêter serment, ce qu’elles refusaient depuis la suppression de la commune en 133218. Victoire donc du chapitre : un témoignage de la prestation de serment des prévôts est conservé pour l’année 138019. À la même époque (1385- 1390), le chapitre se dote d’un cartulaire, appelé cartulaire K, qui a pour objet la protection de ses droits et privilèges économico-juridiques20. C’est donc logiquement qu’à ce moment, dans une même optique de conservation, les chanoines décident de la constitution d’un livre juratoire21. Ce contexte conflictuel confère au Livre des serments le statut d’un véritable outil visant à s’assurer la loyauté, la fidélité et le respect de chacun.
2.2. Un manuscrit qui évolue : ses caractéristiques matérielles
9Ce codex a été utilisé par le chapitre durant une période de près de trois siècles, entre la fin du xive et le début du xviie siècle. Il nous est parvenu dans un assez bon état, bien qu’il ait changé et évolué au cours du temps. Il faut dire que le Livre des serments a bénéficié d’un traitement particulier grâce à son statut prestigieux. Tout dans son aspect matériel rappelle en effet ce prestige, qui fait lui-même écho à l’importance du manuscrit pour la conservation et la défense des privilèges du chapitre cathédral et pour l’organisation de la vie des personnes qui en dépendent peu ou prou. Nous nous bornerons à décrire ici les principaux traits de sa physionomie, son étude codicologique approfondie ayant déjà fait l’objet d’un précédent article22.
10Rappelons que la première campagne scripturaire a débuté vers 1385-1396, à la faveur d’un climat particulièrement conflictuel entre autorités capitulaires et urbaines (fig. 1 et 2). Cette campagne couvre la majorité des folios du manuscrit (serments 1 à 41). Il en émane une forte impression de soin, d’unité et d’homogénéité. Elle est caractérisée par une textura gothique claire et soignée, des initiales colorées et finement filigranées de rouge et de bleu en alternance, ainsi qu’une mise en page aérée et régulière, avec un schéma de réglure rigoureux (couvrant 7 cahiers sur 9)23 tracé à l’encre, des titres et des rubriques structurantes et une foliotation romaine à l’encre rouge. Lorsque des ajouts ou des corrections postérieurs ont été effectués, on a toujours veillé à les introduire assez discrètement dans la page, sans en bouleverser l’harmonie et l’économie générale, par le truchement d’une série de procédés techniques24.
Fig. 3 : Le serment des prévôts de la ville de Tournai (ibid., fol. 3r°)
11L’enluminure qui entoure le serment des prévôts de la ville de Tournai (fig. 3) et forme une sorte d’encadrement animé du texte date également de cette époque, comme indiqué ci-dessus. Œuvre probable de l’enlumineur Jean Semont, elle rehausse encore le prestige du manuscrit25. Une initiale à antennes, phytomorphe, est le point de départ de rinceaux de vigne qui se prolongent en marge de tête, en marge de petit fond et en marge de pied du folio. Une chimère ailée et aux oreilles pointues engoule l’initiale ; la queue de cet être forme, conjointement avec l’antenne de l’initiale, les rinceaux inférieurs. Sur le rinceau horizontal est posée une scène de chasse inversée : sur une terrasse, un coq suivi de quatre poules poursuit un renard qui s’enfuit en regardant derrière lui, surpris de ce retournement de situation. À droite, un échassier (sans doute une cigogne) tient dans son bec un écot se terminant en un rinceau de vigne. L’enlumineur a veillé à relier tous les éléments pour former un véritable encadrement : l’échassier prend pied sur le rinceau remontant dans le coin inférieur droit du folio et engoule le rinceau dressé dans le coin supérieur droit ; un perroquet, au centre de la marge de tête, fait la jonction entre le rinceau du coin supérieur gauche et celui du coin supérieur droit. Il faut remarquer la précision du trait, la délicatesse de la palette des tons utilisés, et la présence de la feuille d’or (dans les feuilles de vigne et l’initiale au dragonnet). On estime généralement que ce genre de décoration assez raffinée n’était pas destiné aux « outils de la pratique » ; pourtant, certains documents administratifs recevaient bien une ornementation élaborée : le Livre des serments en est un exemple26.
12À cette première campagne scripturaire tout à fait homogène, fait suite une seconde campagne hétérogène, fruit du travail d’une quinzaine de scribes différents entre le xve et le début du xviie siècle (fol. 45v°-fol. 58v°, serments 42-62). Bien que les écritures restent celles de personnages habitués à cet exercice, on voit qu’au fil du temps la pratique prend nettement le pas sur la solennité. Au fil des folios, disparaissent en effet éléments de décoration, couleurs, souci du soin, respect d’une mise en page rigoureuse ; on assiste à une simplification des systèmes de réglure, passant progressivement d’un schéma portant uniquement des lignes de justification (dans le cahier 8) à un folio vierge (cahier 9). Les ratures et corrections sont désormais grossières et bien visibles ; les scribes, selon leur inspiration, n’hésitent pas à tirer parti des marges pour écrire le texte de leur serment. Ces copistes si peu soigneux, qui sont-ils ? Dans la majorité des cas, leur identité reste inconnue (comme c’est le cas pour la première campagne scripturaire). Clercs et secrétaires maîtrisant la plume ont dû se succéder ; certains d’entre eux sont cependant connus, lorsqu’ils ont laissé leur nom ou leur signature à la fin du serment qu’ils ont copié. Nous ne signalerons ici que celui de Jean Buyet27, à qui l’on doit le serment du chapelain des basses formes (serment 55). Il se distingue en effet de tous les autres, car c’est le seul qui semble avoir souhaité, à la fin du xvie ou au début du xviie siècle, renouer avec le prestige passé du manuscrit. Son serment est en effet copié avec soin, dans une humanistique ronde et claire, à travers une mise en page aérée et respectant scrupuleusement la justification. De plus, il a fait précéder le texte de son serment d’un titre rubriqué et l’a doté de très belles lettres cadeaux, également visibles dans plusieurs manuscrits musicaux de la cathédrale de Tournai28.
13À ces deux campagnes d’écriture répondent deux unités codicologiques bien distinctes. La première s’étend du fol. C au fol. 49 – cahiers 1 à 7 – et correspond grosso modo à la première campagne scripturaire (celle-ci prenant fin au fol. 45v°, quelques mains du xve siècle en ont en effet complété les espaces qu’elle avait laissés vides dans le cahier 7 et au début du cahier 1). Ces sept cahiers constituent donc le cœur médiéval originel du manuscrit ; ils sont couverts par le système de réglure tracé à l’encre et la numérotation romaine.
14La césure entre cette unité et la suivante est matérialisée par la présence des anciennes garde et contre-garde (fol. 50-51) du codex, réutilisées comme folios à la fin du xvie siècle, et qui étaient autrefois solidaires du second plat de la reliure, quand celle-ci n’enserrait que les sept premiers cahiers du manuscrit. Lorsque les scribes postérieurs (xve-xvie siècles) ont eu tiré parti de tous les folios non écrits des cahiers du xive siècle, ainsi que de la garde et de la contre-garde, il a été nécessaire d’ajouter de nouveaux cahiers. La belle reliure a été enlevée, la contre-garde a été décollée avec sa garde et celles-ci ont été unies au cahier 7 ; deux nouveaux cahiers y ont été joints (cahiers 8 et 9), constituant une nouvelle unité matérielle. La reliure a été à nouveau fixée sur l’ensemble. Cette opération de déplacement est datée assez précisément grâce au travail fourni dans l’édition du manuscrit. On sait en effet que les derniers serments copiés avant le déplacement datent de 1575 (fol. 51r°) et 1580 (fol. Dr°), indications fournies par les scribes. Par contre, le quatrième texte29 copié sur un nouveau cahier remonte à 1591. On peut donc en conclure que l’ajout des folios dans le manuscrit et la nouvelle pose de l’ancienne reliure se sont opérés après 1580 et avant 1591. Cette seconde unité matérielle est caractérisée par un parchemin de moindre qualité (par rapport à celui des sept cahiers précédents), des systèmes de réglure se simplifiant au fil des folios et par la présence exclusive de mains du xvie et du début du xviie siècle, relevant de la deuxième campagne scripturaire.
15On constate donc une très nette évolution dans le travail des copistes et dans la présentation des textes du Livre des serments entre le xive et le xviie siècle. Le souci d’uniformité de l’écriture et de la mise en page, de soin, d’ajout de multiples éléments de décoration et de couleurs dont fait montre la première main médiévale s’oppose très nettement à la diversité paléographique, aux mises en page variées, aux ratures, aux corrections et à l’absence de toute ornementation des serments copiés à partir du xve siècle. Cette dichotomie matérielle semble refléter une nette évolution dans le statut du manuscrit : d’instrument de prestige, peut-être utilisé dans la pratique lors des prestations de serments, il paraît être passé à celui de livre de « mémoire », régulièrement mis à jour cependant. Nous y reviendrons plus loin.
16Terminons la description du codex par l’évocation de sa reliure qui a longtemps suscité l’intérêt et lui a valu d’être fréquemment désigné comme « le » liber catenatus des archives capitulaires. Cette reliure est assez luxueuse. Ses plats consistent en de solides ais de bois épais d’environ 6 mm et qui sont couverts de veau rouge. Ils sont protégés par divers ouvrages métalliques censés éviter la détérioration du cuir par les frottements. D’autres rivets dorés, cloutés tout le long du mors, ont un rôle purement décoratif. Le veau est lui-même décoré d’un gaufrage en losanges fleurdelisés. L’élément distinctif le plus frappant de la reliure est son crochet, auquel pendait une chaîne, faisant du manuscrit un liber catenatus. Étant donné son caractère précieux et indispensable, il était tout à fait logique que cet ouvrage ait été enchaîné à un meuble de la salle capitulaire. L’usage d’enchaîner les livres dans l’Europe médiévale est par ailleurs répandu dans les lieux « publics » comme une cathédrale, une université ou même une église paroissiale30 ; le travail récent de Philippe Cordez sur les livres enchaînés démystifie par ailleurs cette pratique31. Cette reliure daterait, selon nos observations, de la seconde moitié du xve siècle. Elle n’est donc pas contemporaine mais postérieure à la première campagne d’écriture du Livre des serments (il n’est cependant pas impossible que le manuscrit ait porté une autre reliure à cette époque)32.
2.3. Le rôle du manuscrit dans les prestations de serment
17On a souvent dit dans l’historiographie passée que le Livre des serments ne quittait qu’une fois l’an la salle capitulaire, lorsque c’était au tour des prévôts de la ville de Tournai de s’astreindre à cette formalité dans la chapelle privée de l’évêque. Pourtant, à la lecture de plusieurs textes, on constate qu’il est parfois précisé l’endroit dans lequel le serment devait être prêté : par exemple, dans le cas du directeur des écoles de l’Église de Tournai, in revestibulo vel choro33, ou, dans celui des prévôts de la ville, en le capelle saint Vincent (selon le Livre des serments, fol. 3r°) ou in capellam episcopi vel infra domum episcopalem vel in ecclesia, prout placet (selon un document daté de 1281-128534). Il est donc légitime de s’interroger : le Livre des serments a-t-il réellement eu une vie aussi statique que celle qui lui a été attribuée jusqu’ici ? Était-il réellement utilisé pour prêter serment ? Ou était-il un simple « dépositaire » de la mémoire des textes, exposé dans la salle capitulaire ?
18Il est certain que ce manuscrit a été effectivement, fréquemment et activement manipulé au cours des siècles. Faute de place, on lui ajoute de nouveaux cahiers ; des mains successives le complètent, aux xve, xvie et xviie siècles ; les coins inférieurs des folios sont souillés et d’une teinte plus sombre35 ; le contenu des textes est doté de nombreuses notes marginales, d’ajouts, de corrections ou de remarques postérieures ; un signet dépasse dans la chasse de gouttière afin de retrouver plus facilement un texte36. Cependant, rien ne nous indique s’il était réellement utilisé, dans la pratique, pour prêter serment. Signalons que si l’on peut très bien envisager un jureur lisant publiquement l’écriture gothique textuelle ample et claire de la première campagne scripturaire, ce n’est pas le cas pour les autres folios du manuscrit dont il est malaisé de déchiffrer les écritures cursives, avec des passages biffés, corrigés ou ajoutés en marge. On sait d’ailleurs que le problème du déchiffrement des écritures passées s’est posé aux utilisateurs du Livre des serments : la copie, par une main de la fin du xvie siècle, d’un serment du xve siècle « in alio charactere » (c’est-à-dire dans les charactere de son époque) en est un signe (fol. 46r°). Selon ce constat, on pourrait formuler l’hypothèse que le manuscrit soit passé, au fil du temps, du statut d’instrument de prestige utilisé dans la pratique à la cathédrale lors des prestations de serment, à celui de livre de mémoire mis à jour par les copistes au fil des ans, et cela jusqu’au début du xviie siècle.
19Les témoignages iconographiques et documentaires dont nous disposons ne nous permettent pas non plus d’apporter une réponse plus nette à cette question. D’abord, parce qu’ils sont peu nombreux ; ensuite, parce qu’ils ne mentionnent jamais la présence du liber catenatus. Ce qui est par contre certain, c’est que le texte des Évangiles devait être mis à disposition des jureurs. Le vitrail du bras sud du transept de la cathédrale, représentant la prestation de serment d’un prévôt de la ville, montre en effet ce dernier posant la main sur les Évangiles37, et cela conformément au texte de son serment (il précise en effet que les prévôts, comme beaucoup d’autres, jurent as sains euvangeles de Diu). Dans un acte notarié de 1380, il est bien indiqué que les prévôts, durant leur prestation de serment, doivent toucher de leur propre main38 et baiser les Évangiles (sacrosanctis euvangeliis manibus propriis tactis et osculatis39). Mais encore une fois, on ignore quel fut le rôle du Livre des serments : les Évangiles utilisés étaient-ils ceux copiés dans celui-ci (aux fol. 7r°-12r°), ou s’agissait-il de ceux d’un évangéliaire ou d’un missel quelconque ? Tout livre juratoire comprenait normalement des extraits des Évangiles40 (parfois même une scène de crucifixion41). Selon H. Gilles, dans le cas du Languedoc, le missel était malgré tout souvent utilisé pour prêter serment, car on pouvait facilement en trouver dans toutes les églises42. Rien ne nous permet de savoir ce qu’il en était dans le cas tournaisien. Signalons cependant pour terminer que certains témoignages font référence aux reliques de la sainte Croix43 conservées à la cathédrale comme support de la prestation de serment des prévôts, des jurés et des échevins, et non plus des Évangiles44.
2.4. Du manuscrit à l’imprimé
20Bien qu’il trouve son origine dans le dernier quart du xive siècle, le Livre des serments est régulièrement actualisé. Les textes copiés par les mains des xve, xvie et xviie siècles mettent à jour l’information, signalant un changement politique45 ou religieux46, l’évolution textuelle d’un serment (ajout d’une clause) ou la suppression d’un autre, etc. Il n’empêche qu’à un moment donné, le Livre des serments fut abandonné au profit de l’imprimé. Les folios laissés vierges, à la fin du recueil, en témoignent. Au début du xviie siècle, ce sont des registres dans lesquels le texte des serments est préimprimé selon un formulaire laissant des espaces vierges (destinés à recevoir notamment le nom du jureur) qui sont utilisés (fig. 4). Cette nouvelle « technologie » garantit au chapitre une preuve signée de chaque prestation de serment. Plusieurs exemplaires de ces registres ont été conservés (pour les serments des chanoines, des grands vicaires, des curés de paroisse, des chapelains des basses formes par exemple)47. Les premières signatures conservées remontent, pour les chanoines, à 1633. Elles se poursuivent jusqu’à la fin de l’Ancien Régime et la suppression du chapitre. Quant au Livre des serments, il a rejoint la collection des archives capitulaires qu’il n’a plus quittée depuis.
3. Quelques éléments de contenu
21Le Livre des serments a été observé jusqu’ici d’un point de vue matériel. Mais qu’en est-il de son contenu48 ? En quoi consistent les serments ? Qui étaient les jureurs ? Quelles activités religieuses, économiques ou judiciaires ce manuscrit documente- t-il ?
3.1. Le serment et ses clauses
22De manière très concrète, le cœur de chaque serment consiste en la promesse d’être loyal et fidèle à l’institution cathédrale. Les abbés (serm. 18 et 20) du diocèse sont les seuls à promettre leur sujétion, leur révérence et leur obéissance tant à l’évêque qu’au chapitre. Les prévôts de la ville (serm. 3) s’engagent à être fidèles et loyaux à l’évêque et ses successeurs et prêtent serment devant le prélat, le doyen et les chanoines réunis. Tous les autres serments ne se prêtent qu’au chapitre cathédral. Les chanoines s’engagent à lui être fidèles (serm. 23). Les grands vicaires (ou prêtres du grand autel) et les curés des paroisses promettent obéissance, sujétion et révérence (serm. 30 et 38). Pour les nombreux chapelains de la cathédrale et les chapelains paroissiaux, (serm. 31 et 39) la reverentia fait place à l’honor. Les laïcs occupant des postes plus « techniques » jurent généralement d’être fidèles et loyaux, ou de s’acquitter de leur ouvrage du mieux qu’ils le peuvent.
23Toute une série de clauses accompagnent cette base fondamentale. Selon le poids et l’étendue des responsabilités et des compétences du jureur, la longueur du serment est plus ou moins grande. Ainsi, celui du doyen du chapitre (serm. 21) compte pas moins de 29 clauses ; celui du directeur des écoles de Tournai (version primitive, serm. 41) 27 ; celui du grainetier (serm. 46) 11 ; celui des ouvriers (serm. 42), du cavier (serm. 56), des chapelains des basses formes (serm. 55)... 6 ; celui des clercs des chapelles (serm. 50) 3, etc. Certaines donnent des précisions quant à l’endroit où le serment doit être prononcé ; d’autres signalent les gestes qui doivent être accomplis : toucher les Évangiles ou confirmer par écrit, et de sa propre main, son serment. Les chanoines et leurs procurateurs, les grands vicaires et les abbés sont astreints à cette dernière formalité. On en a conservé des traces, notamment dans le cas des abbés du diocèse de Tournai : le manuscrit contenant leurs serments autographes se trouve aux Archives de l’État à Tournai (ms. 66)49.
24La grande majorité des clauses s’intéressent cependant surtout aux questions de préséance, de privilèges et de droits acquis dont le chapitre veut absolument s’assurer le respect. Les articles correspondent souvent à une réponse autrefois apportée à un abus constaté et que l’on veut désormais prévenir. Il semble bien, à la lecture des serments les plus longs, que l’on s’est adapté au fur et à mesure des problèmes rencontrés. Cette pratique typique de la réglementation d’Ancien Régime a pour conséquence une succession sans logique apparente des thématiques abordées. Ce désordre n’est pas négligeable. Comme on peut dater la plupart des clauses grâce aux archives capitulaires, on peut suivre les dérives rencontrées, les adaptations effectuées et les solutions trouvées au fil du temps. Une étude des ajouts postérieurs et des notes marginales, serait, à cet égard, également très enrichissante.
3.2. Personnes assermentées
25Parmi les nombreuses personnes devant prêter serment à l’Église de Tournai, celles relevant de la sphère religieuse occupent bien entendu une place prépondérante. Cette sphère religieuse correspond à la triple fonction de la cathédrale : prière, bienfaisance et enseignement.
26En ce qui concerne les activités de prière d’abord, on constate que les plus hautes autorités de la cathédrale prêtent serment : l’évêque n’échappe pas à la règle (fig. 1), de même que les abbés du diocèse de Tournai. Le chapitre et tous ses membres également (les 42 chanoines, ainsi que le chanoine semi-prébendé), quelle que soit leur fonction : doyen au serment particulièrement long, chanoine sans charge particulière, chanoine hospitalier (serm. 26), chanoine pénitencier (serm. 29), chanoine écolâtre (serm. 28), etc. Les statuts relatifs à l’absence et la résidence des chanoines établis par les évêques Gautier de Marvis50 et Jean de Vassogne51 sont par ailleurs également retranscrits scrupuleusement dans le Livre des serments, puisque les serments du doyen et des chanoines y font explicitement référence. En dehors du chapitre, les grands vicaires ou prêtres du grand autel prêtent bien entendu serment (fig. 4), ainsi que les auxiliaires subalternes du culte : chapelains de la cathédrale, chapelain épiscopal (serm. 43), clercs des chapelles, vicariots ou chantres (serm. 32). Les clercs attachés aux différents offices (clercs du chapitre, du réfectoire, du revestiaire, de la trésorerie) disposent aussi de serments spécifiques (serm. 33-36)52. Toujours dans cette fonction de prière, on trouve les curés des différentes paroisses de la ville de Tournai – car ils sont considérés comme tous soumis à la cathédrale – ainsi que leurs chapelains. Le chapelain du béguinage de Tournai (serm. 60) est également astreint à prêter serment.
27La fonction sociale de la cathédrale se matérialise ensuite à travers plusieurs institutions de bienfaisance : la léproserie, dont le chapelain prête serment (serm. 53), mais surtout l’hôpital de la ville53. Celui-ci est géré non seulement par un chanoine hospitalier (gestion spirituelle, serm. 26), mais aussi par un directeur (gestion administrative, serm. 27) et un receveur (serm. 63) au serment particulièrement riche. On peut y lire non seulement l’organisation pratique de la gestion de l’hôtel-Dieu, mais également des éléments de la vie quotidienne des malades et du personnel chargé de s’occuper d’eux (en l’occurrence les sœurs et les domestiques). L’alimentation, le contenu des courses faites au marché (viande de bœuf, de porc, de mouton, sel, pois, fèves, vin…), la manière dont les sœurs doivent manger (à plusieurs par assiette), le silence qu’elles doivent respecter pour éviter de commérer… tout ceci est réglementé par le serment du receveur de l’hôpital.
28La fonction intellectuelle de la cathédrale se matérialise finalement à travers les écoles tournaisiennes, dont sont acteurs, non seulement le chanoine écolâtre et le directeur des écoles de l’Église de Tournai, mais également le prévôt, les bacheliers, les maîtres et les maîtresses d’école. Le monde scolaire est donc particulièrement bien documenté à travers les serments, qui nous donnent une image de la vie des petits écoliers et de la fonction de leurs maîtres au Moyen Âge. Pas moins de sept serments relatifs aux écoles ont été traités dans l’édition du Livre des serments. À leur lecture, il apparaît entre autres que l’écolâtre (magister scolarum) délivre des certificats d’indigence aux enfants pauvres, distribue aux bacheliers leurs gratifications, décide de l’utilisation des taxes prélevées, choisit le directeur des écoles et le présente au chapitre (serm. 28). Ce directeur, directement subalterne de l’écolâtre, doit être un maître ès arts ou un licencié d’une faculté supérieure et c’est à lui qu’il revient notamment de vérifier les lectures et les leçons des enfants et de veiller à ce que le programme soit respecté (serm. 41 et 48). Les bacheliers, soumis au précédent, instruisent les enfants en lettres (déclinaisons et conjugaisons) et les éduquent aux valeurs morales ; ils sont tenus de parler latin (serm. 65). Le prévôt, sorte de concierge, ouvre et ferme l’école, la surveille, restitue les objets perdus (serm. 66). Les maîtres et les maîtresses des petites écoles paroissiales, chargés d’instruire et d’éduquer correctement les enfants, ne doivent en aucun cas faire obstacle à ceux qui désireraient fréquenter d’autres « établissements », dont les grandes écoles (serm. 67). Quant aux enfants, on constate qu’ils doivent s’acquitter de taxes pour aller à l’école et sont tenus de fournir de l’argent afin que les couvertures en bois de leurs livres soient réparées54.
29Parmi les personnes assermentées, apparaissent en second lieu celles, essentiellement laïques, qui relèvent de la sphère économique et judiciaire. On l’a souligné à plusieurs reprises : une farouche concurrence oppose les membres de la commune de Tournai à la puissante cathédrale. Depuis 1227 au moins, les prévôts et jurés d’une des plus importantes cités du royaume de France doivent prêter chaque année un serment dans la chapelle épiscopale (fig. 3). Ils jurent entre autres fidélité à l’évêque, promettent de respecter l’immunité de l’Église de Tournai ; des peines sont prévues au cas où ils enfreindraient celle-ci. À plusieurs reprises, le Magistrat a tenté d’éluder ce serment. Après enquête, le roi et le Parlement de Paris réaffirment cette obligation pour les membres du Magistrat (prévôts, jurés, échevins : serm. 3- 6)55.
30Ces personnages, s’ils sont assermentés à la cathédrale, ne sont cependant pas employés par celle-ci. Néanmoins, d’autres laïcs, acteurs de la vie économique, issus des métiers, du commerce et de l’artisanat, lui sont également liés par un serment et forment ainsi une sorte de « personnel » administratif et technique. On remarquera que les serments prêtés par ceux-ci sont naturellement rédigés en français, au contraire des serments destinés aux clercs et aux lettrés, copiés et prêtés en latin. Parmi ce personnel, on compte d’abord les ouvriers (serm. 42 et 59) actifs comme aujourd’hui autour du chantier millénaire de la cathédrale et chargés de l’entretien de son patrimoine : maçons, charpentiers, plombiers, vitriers, serruriers et manouvriers prêtent chaque année serment de s’acquitter correctement de leur tâche au profit de l’Église de Tournai ; de conseiller loyalement le chapitre s’il faut négocier à l’occasion de travaux et de ne prêter à personne ni de déplacer les outils appartenant à l’office de la fabrique.
31Plusieurs personnes sont chargées de la perception des taxes sur les boissons. Ces taxes, perçues par le chapitre en vertu de la (fausse) donation de Chilpéric56, lui sont particulièrement chères, d’où la nécessité d’un personnel spécialisé en la matière. Des serments spécifiques sont imposés au clerc de la maltôte (serm. 7) et aux signiferi (serm. 40) ou porteurs des « enseignes » du chapitre (prélevant la taxe sur les tonneaux de vin), au contrôleur des afforages (prélevant la taxe sur la bière, serm. 2), au brouetteur des afforages (chargé du transport de la bière prélevée en nature, serm. 49), au cavier et à son aide (appelé le sacqueur du vin), responsables de la cave du chapitre (serm. 56 et 57). Les marchands de vin et les brasseurs de bière, de cervoise et d’hydromel sont tenus de jurer qu’ils s’acquitteront sans faute de ces taxes (serm. 8 et 9). Quant au grainetier (serm. 46), comme son nom l’indique, il est responsable de la grange du chapitre, destinée à recevoir, à conserver et à faire battre les céréales prélevées dans les campagnes.
32En matière de police, les « clochemans » (serm. 35, 36 et 58) sont chargés de la surveillance étroite de la cathédrale, des cimetières et du cloître ; tenus de dormir dans la cathédrale, ils y sonnent les heures de jour comme nuit. Le trésor de l’édifice de culte, ses objets, son mobilier et ses vêtements liturgiques retiennent particulièrement leur attention. D’autres fonctions judiciaires emmènent leur détenteur dans les rues de Tournai, voire beaucoup plus loin. Le bailli général (serm. 45 et 61) veille au respect des franchises et des privilèges du chapitre en tant que seigneur temporel et, flanqué des lieutenants qu’il a institués, perçoit nombre d’amendes. D’autres baillis, comme celui de Bellonne57 (serm. 44) ou celui de Melles, de Mourcourt et de Borgies58 (serm. 47), gèrent des seigneuries capitulaires et leurs bois. Le bailli de Bellonne, selon son serment, chassait des bois les maraudeurs ou les animaux qui y paissaient en dehors des périodes prévues, vérifiait le travail accompli par les bûcherons et veillait à la vente des différentes essences présentes, toutes énumérées dans le serment (chênes, frênes, houx…).
33Comme on l’a suggéré au début de cette contribution, on peut presque imaginer la cathédrale de Tournai comme une grande entreprise, occupant des centaines de personnes, ce qui en faisait sans doute l’un des plus gros employeurs de la région. Autour de cette cathédrale gravitait tout un petit monde dont les textes du Livre des serments nous permettent de toucher la vie quotidienne, dans toute sa matérialité. Ce manuscrit s’impose donc comme bien plus qu’un recueil de formules juridiques relatives à l’autorité d’une institution ecclésiastique. Il est sans conteste un témoin privilégié des activités d’une partie de la société tournaisienne du xive au xviie siècle.
Notes de bas de page
1 J. PYCKE, M. BELIN, Quand clercs, échevins, maîtres d’école… prêtaient serment. Édition du Livre des serments de la cathédrale de Tournai, Tournai/Louvain-la-Neuve, Archives et Bibliothèque de la Cathédrale de Tournai, 2010 ; M. BELIN, « Le Livre des serments de la cathédrale de Tournai (14e-17e siècles) : étude codicologique », Archives et Manuscrits précieux tournaisiens, t. 4, Louvain-la-Neuve, Archives et Bibliothèque de la Cathédrale de Tournai, 2010.
2 Le texte de la présente contribution est une synthèse des textes présentés lors de deux conférences (M. BELIN, J. PYCKE), l’une à Tournai (Grand séminaire, 22 avril 2010) et l’autre à Strasbourg (Université de Strasbourg, 3 juin 2010), enrichie de détails issus tant de l’édition du manuscrit que de son étude codicologique (citées à la note précédente).
3 Le premier prélat mentionné dans la liste de référence parue en 2010 est Théodore, évêque avant 496, qui précède saint Éleuthère (après 496-531). Voir J. PYCKE, C. VLEESCHOUWERS, Ouvrir les cartulaires des évêques de Tournai. Une richesse dévoilée. 1098 regestes d’actes de 898 à 1677, Louvain-la-Neuve, Archives et Bibliothèque de la Cathédrale de Tournai, 2010, p. 12.
4 J. DUMOULIN, J. PYCKE, Tournai, Bruxelles, Artis-Historia, 1986, p. 31.
5 F. JACQUES, Le diocèse de Tournai (1690-1728) et ses divisions archidiaconales et décanales de 1331 à 1789 : cartes de géographie historique, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1973.
6 En 1187, l’évêque Everard d’Avesnes (1173-1191) « rend » officiellement la cité au roi de France Philippe Auguste ; la ville accède au statut de commune jurée par une charte concédée par ce dernier en 1188 (J.-M. CAUCHIES, « Le Hainaut et le Tournaisis au fil du temps [xie- xviiie siècles] : histoire et pouvoirs », Créer - Administrer - Réformer. Regards croisés sur dix siècles d’histoire des institutions publiques en Hainaut et en Tournaisis, actes du colloque tenu au Grand séminaire à Tournai et aux Archives de l’État à Mons les 17-18 oct. 2008, Mons et Bruxelles, AGR, 2009, p. 34 ; J.-M. THIERI, Les relations entre Tournai et les rois de France, 1187-1332, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, 1990 [mémoire de licence]).
7 Depuis 1242 et jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, 42 prébendes pleines et une demiprébende, dont le bénéficiaire est appelé chanoine semi-prébendé (J. PYCKE, Le chapitre cathédral Notre-Dame de Tournai de la fin du xie à la fin du xiiie siècle : son organisation, sa vie, ses membres, Louvain-la-Neuve, Université catholique de Louvain, 1986, p. 99-100).
8 Voir J. PYCKE, M. BELIN, op. cit., p. 36-37 ; G.-M. LEPROUX, La peinture à Paris sous le règne de François Ier, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2001, p. 81 et suiv. ; J. PYCKE, Le vitrail et la pierre racontent le faux diplôme de Chilpéric. Quatre siècles de rapports tumultueux entre le chapitre cathédral et la commune de Tournai, à paraître.
9 Voir à ce sujet J. PYCKE, Les documents du Trésor des chartes de la cathédrale Notre- Dame de Tournai relatifs aux relations économiques, commerciales et juridiques avec la ville de Tournai au Moyen Âge, Louvain-la-Neuve, Archives et Bibliothèque de la Cathédrale de Tournai, à paraître en 2011 ; M. BELIN, op. cit.
10 Archives de la Cathédrale de Tournai (= A.C.T.), Reg. 359/B, fol. Dv.
11 On ne peut affirmer que l’actuel Livre des serments est le premier du genre à Tournai, le texte de plusieurs serments étant plus ancien (1201, 1227, etc. Voir J. PYCKE, M. BELIN, op. cit., p. 20 et 22). Cependant, aucune référence à un autre manuscrit, antérieur à celui-ci, n’a été trouvée. S’il a existé, il semble avoir été définitivement remplacé par le Livre des serments du xive siècle.
12 Ibid., p. 10, 53-54.
13 B. BISCHOFF, Paléographie de l’Antiquité romaine et du Moyen Âge occidental, Paris, Picard, 1993, p. 148-151.
14 Il serait décédé vers 1414. Voir à son sujet D. VANWIJNSBERGHE, « De fin or et d’azur » : les commanditaires de livres et le métier de l’enluminure à Tournai à la fin du moyen âge (xive-xve s.), Louvain, Peeters, 2001 et id., « Moult et bons notables ». L’enluminure tournaisienne à l’époque de Robert Campin (1380-1430), Louvain, Peeters, 2007.
15 Voir note 11.
16 J. HOYOIS, Tournai au treizième siècle, Bruxelles, s.n.n.d., p. 53.
17 Édition dans J. PYCKE, M. BELIN, op. cit., p. 111-116 (annexe 4).
18 P.-J. DE GRIEK, « L’image de la ville et l’identité monastique dans l’œuvre de Gilles Li Muisis (1272-1353) », W. VERBEKE, L. MILIS, J. GOOSSENS (éd.), Medieval Narrative Sources. A gateway into the medieval mind, Louvain, Leuven university press, 2005, p. 146 et 148. Voir à ce sujet les documents 247 et 263 édités dans J. PYCKE, Les documents…, op. cit.
19 J. PYCKE, M. BELIN, op. cit., p. 117-119.
20 Ce cartulaire partage d’ailleurs certaines caractéristiques matérielles avec le Livre des serments. M. GRULOIS, « Le cartulaire K de la Cathédrale de Tournai conservé aux Archives capitulaires : analyse codicologique et structure interne », Archives et Manuscrits précieux tournaisiens, t. 1, Tournai/Louvain-la-Neuve, Archives et Bibliothèque de la Cathédrale de Tournai, 2007, p. 116-117 et 122.
21 Le problème de la prestation de serment des prévôts de la ville rebondira à plusieurs reprises jusque dans la deuxième moitié du xve siècle. Notons que l’analyse de documents établis successivement en 1386 et édités tout récemment dans J. PYCKE, Les documents…, op. cit. (documents 349, 350 et 352), nous amène à désormais réexaminer cette date avec prudence. Nous avons en effet constaté que le procès intenté par le chapitre en 1386 est considéré comme non avenu, ce qui remet en cause la « victoire » de 1386 signalée dans l’édition. Précisons que cela ne modifie aucunement la datation de la première campagne scripturaire (1385-1396), puisque celle-ci s’appuie sur la datation de clauses de certains serments, indépendamment du contexte, comme nous l’exposons dans cet article.
22 Le lecteur se reportera donc à celle-ci (M. BELIN, op. cit.) pour connaître plusieurs éléments indispensables à toute description codicologique et n’ayant malheureusement pas pu être abordés ici. Il en va de même pour les irrégularités du manuscrit.
23 Schéma de réglure principal (en mm) : 23 (marge de petit fond) + 111 + 57 (marge de gouttière) X 22-23,5 (marge de tête) + 9 (couloir horizontal supérieur) +167 + 9 (couloir horizontal inférieur) + 68 (marge de pied), avec une unité de réglure de 8 à 9 mm et 23 lignes rectrices, linteau compris.
24 Carets, petites flèches, croisettes, traits d’appels, etc. (ibid.).
25 Voir note 16.
26 D. VANWIJNSBERGHE, « De fin or et d’azur »…, op. cit., p. 83.
27 Prêtre, fils de Pierre, chapelain, il teste le 20 octobre 1620, alors qu’il est malade. Son exécution testamentaire le désigne comme « maître » et chapelain de Saint-Jacques à Tournai, le 29 avril 1621. Plusieurs manuscrits musicaux de la cathédrale portent sa marque (J. PYCKE, « La confrérie de la Transfiguration au Mont-Saint-Aubert puis à la cathédrale de Tournai du 15e au 18e siècle », Archives et manuscrits précieux tournaisiens, t. 1, Tournai/Louvain-la- Neuve, Archives et Bibliothèque de la Cathédrale de Tournai, 2007, p. 136.
28 J. PYCKE, M. BELIN, op. cit., p. 17.
29 Les trois premiers ne pouvant être datés que par des « termini post quos » (après le concile de Trente, après 1559…).
30 X. HERMAND, « Les prêtres de paroisse et le livre dans les Pays-Bas méridionaux à la fin du Moyen Âge : culture, lectures et pratiques de l’écrit », I. PARMENTIER (dir.), Livres, éducation et religion dans l’espace franco-belge, xve-xixe siècles, actes de la journée d’étude du 29 février 2008, Namur, Presses universitaires de Namur, 2009, p. 22, 50-52.
31 Ph. CORDEZ, « Le lieu du texte : les livres enchaînés au Moyen Âge », Revue Mabillon, 2006, t. 17, p. 75-103.
32 M. BELIN, op. cit.
33 J. PYCKE, M. BELIN, op. cit., p. 85.
34 J. PYCKE, Les documents…, op. cit., édite (document 144a) « l’ énumération des droits et des redevances que le chapitre cathédral de Tournai possède grâce à la donation du roi Chilpéric », document établi à Tournai vers 1281-1285. Nous faisons ici référence à son article 26.
35 Comme c’est le cas pour le cartulaire K des A.C.T. (M. GRULOIS, op. cit., p. 108).
36 Ce signet est fait d’une languette de parchemin, dépassant dans la gouttière du codex au fol. 39. Il permettait sans doute de retrouver rapidement, soit le serment des curés des paroisses (fol. 38v°-39v°), soit celui des chapelains des paroisses (fol. 39v°-41r°), soit les deux.
37 La scène représente le prévôt, en présence de l’évêque, des chanoines et d’une série d’autres individus (jurés, témoins…), posant la main sur un ouvrage. Le décor est celui de la chapelle épiscopale Saint-Vincent. Un autre vitrail (bras nord du transept) représente également ce serment, dans une mise en scène un peu différente. Au sujet de ces vitraux et de leur auteur présumé, voir G.-M. LEPROUX, op. cit. Une reproduction des vitraux se trouve dans J. PYCKE, M. BELIN, op. cit., p. 26 et 29.
38 H. GILLES, qui a étudié les livres juratoires en Languedoc, s’interroge également quant à l’attitude que doit avoir le jureur vis-à-vis de l’Évangile. Selon lui, lorsqu’il est précisé que le serment doit être prêté corporaliter, il est nécessaire que le jureur touche effectivement le texte (et pas avec le pied ou le coude), comme le décréta le pape Nicolas IV (H. GILLES, « Les livres juratoires des consulats languedociens », Livres et bibliothèques (xiiie-xve siècles), Toulouse, Privat, 1996, p. 336.
39 J. PYCKE, M. BELIN, op. cit., p. 118.
40 Dans les livres juratoires languedociens, il est souvent précisé, comme c’est le cas dans le Livre des serments, que la prestation se fait super sancta Dei evangelia tacta, sur les quatre Évangiles de Dieu. Selon H. GILLES, ce qui caractérise tous les livres juratoires, c’est la présence en leur sein de fragments d’Évangiles. Leur place dans le volume varie souvent (en tête, au centre, à la fin…) de même que les textes retenus (la Passion, la résurrection, la généalogie de Jésus…), dont le choix est parfois difficile à comprendre ; dans certains cas, de larges extraits sont copiés, dans d’autres, il s’agit de fragments extrêmement brefs (H. GILLES, op. cit., p. 336, 340 et 343).
41 Voir M. BELIN, op. cit. (point « Les irrégularités du manuscrit : quelques hypothèses ») au sujet de la présence éventuelle d’une Crucifixion peinte sur des folios manquants du manuscrit. Cette réflexion a été suscitée par la note bibliographique de J.-L. LEMAITRE parue au sujet de l’édition (Revue d’histoire de l’Église de France, 2010, t. 96 [n°237], p. 590-591).
42 H. GILLES, op. cit., p. 336.
43 Voir F. DE CUYPER, G. DEMORTIER, e.a., La croix byzantine du Trésor de la Cathédrale de Tournai, Louvain-la-Neuve, Institut supérieur d’archéologie et d’histoire de l’art, 1987.
44 Voir le document de 1281-1285 (articles 25 et 26) cité à la note 34.
45 Par no signeur le roy de Franche biffé et remplacé par de par l’empereur le roy d’Espangne (fol. 4v°).
46 Par exemple, la refonte de la géographie ecclésiastique des anciens Pays-Bas se traduit par la mention de la province ecclésiastique de Cambrai, dont relève le diocèse de Tournai à partir de 1559 (serment du chanoine semi-prébendé, serment n°52). La profession de foi selon le concile de Trente est également copiée dans le manuscrit (serment 51).
47 J. PYCKE, M. BELIN, op. cit., p. 54 et 62.
48 Nous incluons dans cette analyse quelques serments tournaisiens n’étant pas copiés dans le Livre des serments mais ayant été édités, en complément, dans notre ouvrage (serments 63- 67 ; ibid., p. 100-108). Sur les 67 textes (annexes non comprises) édités dans M. BELIN, J. PYCKE, op. cit., p. 57, 5 sont des serments au sens strict (à côté des passages des Évangiles, des statuts de résidence promulgués par l’évêque…) et 62 sont contenus dans le Livre des serments.
49 J. PYCKE et M.-A. JACQUES, L’abbaye tournaisienne de Saint-Nicolas-des-Prés, dite encore de Saint-Médard ou de Saint-Mard (1126-1795). Bref historique et patrimoine culturel, Tournai/Louvain-la-Neuve, 2008, Archives et Bibliothèque de la Cathédrale de Tournai, p. 24.
50 Évêque de 1219/1220 à 1252 (J. PYCKE, C. VLEESCHOUWERS, op. cit., p. 13).
51 Évêque de 1292/1293 à 1300 (ibid.).
52 Au sujet des auxiliaires du culte, voir J. PYCKE, Le chapitre cathédral…, op. cit., p. 178 et sv.
53 Voir J. PYCKE, « Documents relatifs à l’administration de l’hôpital capitulaire de Notre- Dame de Tournai », Annales de la Société belge d’histoire des hôpitaux, 1970, t. 8, p. 3-53.
54 Selon des clauses du serment du directeur des écoles (serm. 41 et 48). J. PYCKE, M. BELIN, op. cit., p. 74-77 et 84-86.
55 Ibid., p. 31 ; M. BELIN, op. cit. Voir J. PYCKE, Les documents…, op. cit., qui édite plusieurs documents relatifs à la violation de l’immunité de l’Église par le Magistrat tournaisien, dont le jugement promulgué par Gautier de Marvis (6 juin-3 décembre 1227).
56 O. GUYOTJEANNIN, J. PYCKE, B.-M. TOCK, Diplomatique médiévale, Turnhout, Brepols, 1993, p. 378-393.
57 Bellonne, bois de la commune de Rumes, province de Hainaut, arrondissement de Tournai, Belgique.
58 Melle et Mourcourt font aujourd’hui partie de la commune de Tournai, province de Hainaut, chef-lieu d’arrondissement, Belgique. Borgies est un lieu-dit du village de Velaines, aujourd’hui commune de Celles, province de Hainaut, arrondissement de Tournai, Belgique.
Auteur
Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix (Namur)
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L’entreprise et l’articulation travail/famille
Transformations sociétales, supports institutionels et médation organisationnelle
Bernard Fusulier, Silvia Giraldo et David Laloy
2008
Contredire l’entreprise
Actes du colloque de Louvain-la-Neuve, 23 octobre 2009
Andrea Catellani, Thierry Libaert et Jean-Marie Pierlot (dir.)
2010
La Chine et les grandes puissances en Afrique
Une approche géostratégique et géoéconomique
Tanguy Struye de Swielande
2011
Un enseignement démocratique de masse
Une réalité qui reste à inventer
Marianne Frenay et Xavier Dumay (dir.)
2007
Arguing about justice
Essays for Philippe Van Parijs
Axel Gosseries et Philippe Vanderborght (dir.)
2011