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    Plan détaillé Texte intégral PréambuleUn auteur riche et d’une authentique complexitéCelui qui veut servir de médecin à l’humanitéDETRUIRE : Qu’y a-t-il à détruire et comment ?CREER : une sainte affirmation.EN GUISE DE CONCLUSION : L’originalité de Nietzsche. Bibliographie Notes de bas de page Auteur

    L’Origines des textes

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    Table des matières

    Lire et écrire : de l’origine a l’originalité dans l’œuvre de Friedrich Nietzsche

    Gérard Fronty

    p. 241-278

    Texte intégral PréambuleUn auteur riche et d’une authentique complexitéCelui qui veut servir de médecin à l’humanitéDETRUIRE : Qu’y a-t-il à détruire et comment ?CREER : une sainte affirmation.EN GUISE DE CONCLUSION : L’originalité de Nietzsche. Bibliographie BibliographieCorrespondance et écrits philologiquesŒuvres philosophiques Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    Préambule

    1L’idée de travailler sur Nietzsche, à partir d’un axe de recherche intitulé « Lire et écrire : de l’origine à l’originalité », ne s’est esquissée qu’après l’abandon d’un premier axe intitulé « valeur de l’origine et origine de la valeur dans l’œuvre de Nietzsche ». Mais, lorsqu’on lit ce philosophe avec la volonté de comprendre ce qui le pousse à écrire et pourquoi il écrit, avec cette singularité à nulle autre pareille, on est tenu d’abandonner cet axe, à la fois trop large par son ampleur et trop restreint par sa précision, axe auquel, somme toute, répond de façon riche et expresse le travail de Deleuze dans Nietzsche et la philosophie1.

    2Nous sommes donc partis de la problématique suivante : comment glisse-t-on de l’obsédante quête de l’origine à l’affirmation d’une originalité sans précédent – la pensée philosophique de Nietzsche – ou encore comment, dans l’activité qui consiste à « mieux » lire les Anciens, la raison d’être d’une écriture, son origine et son originalité conjuguées peuvent-elles se révéler ?

    3Pour le comprendre il faut d’abord interroger sérieusement la question de l’origine et, par la mise en évidence de la polysémie de la notion, dévoiler précisément le sens que Nietzsche lui accorde. Origine est un « terme très équivoque, et qui entre dans l’énoncé de beaucoup de problèmes traditionnels, où il appelle une critique spéciale à chaque cas » nous prévient le dictionnaire philosophique de Lalande.

    4Pour y voir plus clair il convient de distinguer trois sens du terme origine. Cette distinction permettra de repérer les moments – et peut-être les raisons – pour lesquels le philologue se fait plus poète que philosophe. En effet, Nietzsche sait parfois jouer des synonymes, mélanger les genres et, ce faisant, questionner les limites de chaque acception du concept. Le glissement d’un niveau de sens à un autre est pour l’auteur de L’origine de la tragédie une façon efficace d’interroger la rigidité de nos pensées et des mots qui en font l’assiette. Ayant à traiter2 de l’écriture du philosophe dans sa dimension poïétique3, c’est-à-dire dans ce qui origine son émergence, il m’a paru essentiel de cerner d’abord le problème de l’origine et le rapport qu’entretient la pensée de Nietzsche avec ce mot.

    51/ L’origine peut s’entendre comme un retour amont à la source. A travers la suite chronologique des événements nous allons du présent à l’amont supposé, l’origine explicitant ce qui conduit à l’effet présent et permettant d’envisager comme nécessaires différents moments en aval. Aux arguments qui prétendent tirer leur valeur démonstrative de l’histoire et de sa chronologie descriptive, on pourra alors opposer une quête de la véritable origine dans les puissances et les actes d’un individu isolé, d’hommes rares, de forces réactives, de masses grégaires en surnombre qui indiquent, par leur mise en évidence, quelles sont les possibilités contenues dans la nature, avant le stade de l’institution. Ainsi l’origine de la tragédie n’est pas ce que l’histoire veut retenir de la tragédie. Car le fait est toujours reconstruit et il sert de norme pour les faits que l’on dit historiquement (re)connus et qui conduisent l’histoire à engendrer le « faitalisme ».

    6Ce qui est censé s’être déroulé s’érige en norme. L’origine est en terme de volonté normative une sorte d’à-valoir qui, sous la forme d’un acompte d’explication rationnelle, emprisonne l’esprit critique dans la logique de la créance et de la crédulité. Par le culte du moment de l’originaire on accorde une puissance de normativité pour ce qui se déroule maintenant et pour ce qui devra se dérouler dans l’avenir. D’à-valoir on glisse à l’avaloir (on avale n’importe quoi) et à l’avaloire, cette pièce de harnais sur laquelle s’appuie le cheval pour freiner ou reculer... Mais c’est notre esprit qui recule et freine. Car, alors, ce qui n’a pas pu avoir lieu, compte tenu des données fondatrices à quoi l’on a réduit la situation première, ne doit plus avoir lieu dans nos situations réelles. L’origine élue, normée, est un outil de sélection prospectif. Dans ces conditions l’origine n’est plus ce qui est premier dans le temps mais dans l’ordre. En dévoiler le mensonge permet de montrer la relativité de la morale et de son axiologie. L’exigence morale est toujours l’affirmation d’une puissance normative qui se fige.

    7Dès lors démêler ce qu’il y a d’originaire et d’artificiel dans la nature actuelle de l’homme4 devient une gageure. Comme pour la statue de Glaucos5 qui semble méconnaissable quand on la sort de l’eau car je ne peux distinguer ce qu’elle garde d’« originaire » et ce qu’elle affiche d’« artificiel ». La quête originaire consiste à isoler intellectuellement l’origine supposée, à la débarrasser de ses impuretés, de ses travestissements. Elle consiste également à rechercher les causes et les faits du premier maquillage. Puisque faits et causes sont de l’empirie, la maxime de l’origine consiste à tout écarter pour comprendre l’essentiel. Et l’essentiel c’est l’abîme. Cela suppose que l’on peut encore rendre vie à l’originaire, qu’il peut être présent et actif, et qu’il se tient encore prêt à surgir de façon intempestive en-dehors de toute logique chronologique et rationnelle par la seule volonté de puissance de l’homme artiste.

    8Toutes les déterminations de l’« être » dans l’ontologie classique sont historiquement repérables et repérées : l’histoire de la haine du devenir et de la vie. On veut nous faire croire que ne sera que ce qui mérite d’être. Mais il n’en est rien et la norme du mérite est toujours pervertie par la puissance des faibles qui ont la force du nombre (origine de leur valeur) et non celle de la valeur de l’origine -car leur valeur est sans valeur elle n’est que faiblesse et réaction à ce qui a de la valeur. Comprendre la valeur de l’origine c’est comprendre le sens normatif de celle-ci.

    92/ L’origine peut être comprise de façon plus large dans une certaine horizontalité ou contemporanéité, plus ou moins structurale, comme ce qui détermine les conditions d’existence concrètes et la valeur d’une chose ou d’un événement, la possibilité d’un commencement ou d’un avènement qui s’impose dans le temps réel, celui qui rythme le cours effectif des choses, c’est-à-dire dans le temps que la sociologie, la psychologie et les sciences de l’homme essaient de concevoir dans ce qui fait advenir l’humain tel qu’il est et tel qu’il agit hic et nunc. Si cette origine est ce qui explique de façon plus contextuelle, elle n’est qu’un des éléments distinctifs de ce qui norme l’histoire réelle. Elle n’explique pas tout, elle est indicielle, car tout ce qui y a sens y relève d’autre chose qu’elle-même ; elle ne conserve en propre que l’anecdote. On pourrait la définir de façon existentielle comme les « entours » qui constituent le berceau de ce qui, en existant ainsi dans l’« historialité » présente, finit par être ainsi et non autrement. Dans cette modalité d’une origine où l’on privilégie le synchronique, le rapport de la totalité à l’individu, comme celui de l’individu à la totalité, est essentiel.

    103/ L’origine considérée du point de vue de ce que le Sujet a porté, sur l’histoire et les choses, comme regard constituant. C’est-à-dire ce qui est donateur de sens. Il suffit de prêter attention à ce que nous dit Nietzsche dès ses premiers écrits dans La philosophie à l’époque tragique des Grecs :

    11« Les questions qui touchent aux origines de la philosophie sont parfaitement indifférentes, parce qu’à l’origine la barbarie, l’informe, le vide et la laideur régnent partout, et qu’en toutes choses seuls importent les degrés supérieurs. Celui qui, au lieu de philosophie grecque, préfère s’adonner aux philosophies égyptienne et perse sous prétexte qu’elles seraient « plus originelles » et parce que de toute façon elles sont plus anciennes, procède de façon tout aussi irréfléchie que ceux qui n’ont de cesse qu’ils n’aient ramené la mythologie grecque si splendide et si profonde à des banalités qui relèvent de la physique, au soleil, à la foudre, à l’orage et au brouillard considérés alors comme son origine première. »6

    12Questionner l’origine c’est interroger le sens c’est-à-dire ce dont une chose est le signe par exemple ce que signifie le tragique ou la métaphysique : « L’homme projette son impulsion à la vérité, son but, en quelque sorte hors de soi pour en faire un monde de l’être, un monde métaphysique, une « chose en soi », un monde déjà existant »7 Voilà l’origine comme décryptement du sens et de l’allégeance au sens : l’origine de la métaphysique s’explique par notre besoin maladif de vérités.

    13L’origine de notre pensée s’explique par notre acceptation hypocrite du triomphe de la raison et de l’ordre sur le chaos et l’irrationnel. En soumettant le réel à une implacable « logicisation », nous avons développé un processus qui a ruiné la culture tragique et dionysiaque où se manifeste la noblesse du génie grec. Nous avons forcé la pensée philosophique à évacuer le poème de son champ et le chant de sa puissance sensible pour en faire une ratiocineuse rengaine que l’enseignement socratique rendra victorieuse. Avec Socrate, la logique s’acoquine de préoccupations morales pour engendrer le rationalisme. Or l’origine du rationalisme en dévoile le sens. Ce n’est qu’une croyance en un pouvoir bien particulier ; celui de la dialectique de la raison qui postule que grâce à ce pouvoir l’homme sera capable d’atteindre et le bonheur et la vertu. C’est cet « optimisme théorique » que combat Nietzsche pour réhabiliter le sens du tragique. Car si le rationalisme et son optimisme moral ont triomphé dans l’universalisme scientifique, et inspiré l’affirmation prométhéenne de Hegel à savoir que « ce qui est rationnel est réel, et ce qui est réel est rationnel », Nietzsche, à l’inverse, continue à croire que l’homme est essentiellement un chaos physiologique dont la complexion reste prisonnière des préjugés de l’ordre et de la morale.

    14Contre les tentatives répétées d’annexer Nietzsche à des formalismes dogmatiques, dont il a pourtant lui-même donné, par anticipation, la réfutation magistrale, il faut accepter l’humilité d’un commentaire axé sur le thème de l’interprétation et de la vérité. Lire c’est déjà interpréter, et bien lire c’est protéger le dynamisme constructeur de cette pensée nietzschéenne si novatrice dans son originalité.

    15Mais « originalité » s’entend également de deux façons : a) de façon laudative l’originalité désigne ce qui est nouveau, ce qui n’imite rien d’antérieur et représente une création ; b) péjorativement elle s’applique à ce qui se singularise par sa bizarrerie, son excentricité. Nietzsche répond à ces deux définitions et il faudrait même, pour couvrir le champ des usages, y ajouter un troisième sens : celui de prototype, en tant qu’il inaugure une démarche, celle de la radicalisation du questionnement originel. Nietzsche réalise, comme prototype d’une philosophie poétisée, la synthèse controversée des deux premières définitions.

    16L’originalité de Nietzsche s’entend dès lors comme ce travail sur l’origine qui consiste d’abord à bien lire les Anciens, à savoir décrypter en eux le sens joyeusement pessimiste du tragique et à l’affronter dans la volonté affirmative d’une écriture qui inaugure l’aptitude à changer de normes. Procéder à cette réévaluation des valeurs en partant d’abord d’une révélation des origines authentiques, et donc d’une réévaluation de celles-ci, tel est le sens de sa démarche.

    17De simple constat de bon sens, la quête de ce thème de l’origine dans l’écriture de Nietzsche nous a vite conduit à plusieurs conclusions :

    181/ Nietzsche est d’abord philologue avant d’en venir à la philosophie. Or, par son essence, le travail critique du philologue a conduit Nietzsche à une critique acerbe de la philologie8 de son temps, de la philologie en général et de l’interprétation faussement historique (ou relevant d’une histoire « antiquaire » de la plupart des auteurs anciens). Et sa critique porte, d’une part, sur l’origine de la pensée philosophique en tant que distincte de la « représentation tragique du monde » et, d’autre part, sur l’origine de la pensée chrétienne ou judéo-chrétienne en tant que distincte de l’humanisme hellénique.

    192/ Si la philologie conduit Nietzsche à la philosophie, son intuition précoce d’une absence de réalité unique et essentielle, dogmatiquement posée comme une valeur référentielle, est à la base de sa démarche. Cette réalité que prétendent clore et défendre les bons, alors que « les bons ne peuvent pas créer, ils sont toujours le commencement de la fin »9 trouve son origine dans une mauvaise interprétation des valeurs de l’Antiquité et dans une fuite de la réalité sensible. L’idéalisme est une plaie. Car pour concevoir la réalité, telle qu’elle est, il ne faut pas la fuir, et encore moins en ignorer ou en dénaturer l’origine. Pire est de la mépriser en en faisant le lieu sensible de simulacres qui participent, plus ou moins, des formes intelligibles d’un arrière-monde que l’on prétend plus vrai que le nôtre. Sa conception de la pluralité herméneutique conduit le philosophe à interroger philologiquement la pluralité conceptuelle des expressions, des notions et des mots, dans l’histoire même de la pluralité interprétative. Cela est nécessaire pour dévoiler le manque de probité de notre tradition morale et philosophique. Il faut débusquer les fausses origines : elles ne sont que des interprétations travesties et perverties des origines réelles. Et travestissement et perversion ne sont jamais dépourvus d’intentions.

    203/ A cet effet, il faut sans cesse entendre, nous l’avons dit, origine dans son acception polysémique. Mais ce que privilégie Nietzsche, dans cette polysémie, c’est toujours la question du sens ou, pour le dire autrement, tous les dévoilements sémantiques de l’origine sont utiles à cette révélation du sens.

    21Par exemple, lorsque Nietzsche parle de cette tare originaire de la morale des faibles, l’origine fraye dangereusement avec l’inné. Et c’est à prendre au sens d’un poids réel de l’hérédité (celle de l’instinct grégaire, comme celle des jugements de valeur hérités – véritable héritage axiologique). Car, originairement, les pratiques (celle de la tragédie par exemple) n’avaient pas la même valeur que celle que nous lui attribuons ; originairement est alors synonyme de primitivement... ce qui sous-entend toute une série d’étapes secondaires, ternaires, etc. Les commencements témoignent alors de formes anciennes d’une réalité qui se modifie et, du même coup, d’une évolution sans laquelle la chose n’aurait pas d’histoire. Une sorte d’archéologie anthropologique voilà ce que Nietzsche inaugure.

    22S’intéresser à l’état originel d’une chose, c’est pouvoir en déduire le chemin parcouru et, conséquemment, les égarements qui ont conduit au lieu d’où l’on parle, plus ou moins originairement et originalement.

    234/ Comme dans un sol dont on ferait une coupe stratigraphique, pour en comprendre tant la surface que la profondeur, il faut admettre que, chez Nietzsche, la quête des origines assume la pluralité sémiologique du concept d’origine. C’est la polysémie du terme qui intéresse le philologue et le pourquoi de ses mutations. « Les divers concepts philosophiques ne présentent rien d’arbitraire, ils n’ont pas une croissance autonome, mais se développent apparentés les uns aux autres et en relations réciproques. Ils ont beau en apparence surgir soudainement et arbitrairement dans l’histoire des idées, ils n’en font pas moins partie d’un système, au même titre que toutes les espèces de la faune d’un continent. »10 L’origine des mots comme celle des idées intéresse Nietzsche. Les mots, les notions, les concepts et les idées sont « en fait beaucoup moins une découverte qu’une reconnaissance, une réminiscence, un retour à un lointain et très antique foyer de l’âme, qu’ils avaient quitté. Philosopher est dans cette mesure une sorte d’atavisme (étymologiquement atavus signifie ancêtres), de l’ordre le plus élevé. »11

    245/ Mais si le poète questionne l’origine ou les origines c’est que l’innocence originelle n’a peut-être rien à voir avec le péché originel, que l’innocence est naturelle et que tout ce qui s’y oppose est l’œuvre d’artifices dont on pourra critiquer l’axiologie. Car Nietzsche est poète, il ne cesse de le dire, mais un poète doté de vis contemplativa et de vis creativa12, un poète capable d’attribuer aux choses, avec une certaine virtù13, des valeurs nouvelles car rien n’a par soi-même de la valeur, pas même la nature !

    256/ Dans les titres eux-mêmes de ses œuvres, de ses chapitres ou de ses aphorismes, le thème de l’origine (notion dont la polysémie s’étend donc bien de la naissance à la cause et aux conditions de celle-ci) est une obsession14 :

    26La Naissance de la tragédie : entendre aussi bien mise au monde que commencement au sortir d’un organisme maternel (enfantement), d’une terre maternelle.

    27A cet égard le La Philosophie à l’époque tragique des Grecs (resté inachevé)15 témoigne bien de la volonté d’atteindre l’origine entendue comme essence de l’hellénisme. C’est l’essence de l’hellénisme qui obsède le jeune philologue-philosophe qu’est Nietzsche au moment de la Naissance de la tragédie. Ce qui est clair, pour lui, c’est que la philosophie et le monde grec sont inséparables car la philosophie est, d’abord, la saisie de la spécificité de l’hellénisme, la philosophie est hellénique. Elle est presque toujours chez les philosophes la quête d’un principe unitaire et trilogique de la naissance, de la représentation et du devenir (ou de l’unité du devenir). Trois choses sont à la base de l’Etre (Etre originel -Ur-Wesen, ou Mère originelle – Urmutter) les trois W : Wahn-illusion-, Wille-volonté-, et Wehe-le mal (douleurs de l’enfantement) la souffrance. La pensée grecque elle-même s’origine dans la réflexion sur le chaos primitif dont elle a tiré le monde présent et son mouvement.

    28Considérations inactuelles : inactuelle est une traduction courante de unzeitgemäβ qui signifie aussi intempestif, inopportun voire importun. L’inopportunité est caractérisée par le fait de remonter à contre-courant et de désigner, ainsi, l’origine réelle de notre culture, en indiquant les faux travers, les fausses bifurcations. L’inactuel consiste à révéler en quoi la culture actuelle veut nous transmettre une culture historique qui ne s’interroge plus sur la valeur de ce savoir. Inactuel est, également, le fait de se poser en disciple des valeurs de l’Antiquité grecque, restaurées dans leur pseudo-origine, et utilisées pour montrer les deux travers hypocrites de notre modernité : 1/ en déformant l’origine et la valeur de la culture antique et par-là même la valeur de son origine ; 2/ en ne proposant rien de nouveau pour l’avenir qu’un conservatisme édulcoré de ce qui est perversement retenu comme fausses valeurs normatives de l’Antiquité hellénistique.

    29Humain trop humain : Nietzsche se veut un grand seigneur de l’esprit, comme Voltaire, c’est-à-dire quelqu’un qui peut faire la guerre contre tous les idéalismes et toutes les origines de l’Idéal16. Est trop humain ce qu’est devenu l’homme par rapport à l’origine authentique de l’humain. Le « trop », ici, est celui qui dénonce l’abandon de la démesure, de l’hubris des grecs, au profit d’une mesure toujours à l’aune du ressentiment et de sa morale. La victoire d’une véritable philosophie historique, c’est-à-dire critique, sur la philosophie dogmatique aidera à ce progrès de l’humain, à sa restauration, auquel on rendra sa volonté et sa force17. Celles qu’il avait à l’origine.

    30Aurore : Lueur qui précède le lever du soleil ; moment où le soleil va se lever. Et donc commencement et nouveauté (l’Aurore d’une ère nouvelle). L’Aurore est à venir par l’inversion des valeurs et leur transvaluation. L’Aurore est origine, elle indique qu’un soleil nouveau va éclairer autrement le devenir humain.

    31Le Gai Savoir : C’est, dès l’avant-propos, l’annonce joyeuse d’un grand début, celui de la tragédie et de la parodie, enfin permis par la guérison. Celle-ci est consentie par le dévoilement des fausses origines que permet le « vent de dégel » d’une écriture nouvelle qui nous pousse à sortir de l’hiver du ressentiment et des valeurs judéo-chrétiennes. Le superbe § 342 intitulé « Incipit tragoedia » montre ce que signifie ce « redevenir homme » et qui s’achève par l’annonce du déclin de Zarathoustra. Déclin tout relatif car, dans la palingénésie, le déclin c’est, comme la mort du phénix, une naissance à venir. « Avec Aurore j’ai pour la première fois pris les armes contre la morale du renoncement au moi. »18 Alors, comme un prématuré du moi, Nietzsche en appelle à la grande santé celle qui s’émancipe des savoirs mutiles pour devenir gai.

    32Ainsi parlait Zarathoustra : « Etoile d’or » doit reconnaître « cette fatale erreur de la morale » dont il est l’inventeur. Double origine, celle de la création, celle de l’antidote. « Dire la vérité, savoir bien tirer de l’arc, c’est la vertu persane.[...] La victoire de la morale sur elle-même, par véracité, la victoire du moraliste sur lui-même, pour aboutir à son contraire, à moi, c’est cela que signifie dans ma bouche le nom de Zarathoustra. »19 Ainsi parlait Zarathoustra est un livre « pour tous et pour personne » nous dit l’auteur... sans doute parce qu’il est réservé à ceux qui peuvent et savent y chercher l’origine thaumaturgique de l’existence.

    33Par-delà le bien et le mal : à l’origine les préjugés des philosophes obsédés par la quête de la vérité et de la connaissance fondée sur celle-ci, sans se demander d’où vient l’axiome de notre volonté de vérité. Pourquoi dévaloriser l’erreur et l’illusion ? La vérité et toute sa dogmatique panoplie de rationalité n’est-elle pas dangereuse par ses abus de pouvoir ? La philosophie doit être le prélude (le commencement originaire) d’une pensée de l’avenir.

    34La généalogie de la morale : Ce pamphlet exerce une force centripète. Car, comme pour toute roue, la force des rayons dépend de la solidité du moyeu. Or, le philosophe sait freiner la roue du temps20 pour désigner l’axe originel dont tout procède : les rayons sont épi-centrés à l’axiologie de l’idéalisme et de la morale. Il peut même inverser le sens de la roue et cela jusqu’à l’avènement de la nouvelle vérité. « Dionysos est aussi, on le sait, le dieu des ténèbres. – Chaque fois, un début qui doit induire en erreur »...21 La première dissertation donnera l’explication de la naissance de la psychologie du christianisme (l’esprit du ressentiment), la deuxième l’origine de la conscience (l’instinct de cruauté qui se retourne contre lui-même) et la troisième l’origine de la puissance de l’idéal du prêtre et de l’ascétisme (l’idéal de décadence).

    35Le cas Wagner : La démonstration que l’origine mal interprétée conduit au pessimisme et à cet idéal de décadence qu’est la psychologie du prêtre musicien.

    36Le Crépuscule des Idoles : Le crépuscule n’est pas seulement fidèle à la métaphore de la tombée de la nuit, ou à celle du déclin d’une chose, comme par exemple le crépuscule de la vie. Il est aussi, conformément à ce qu’il désigne par rapport au soleil (lueur atmosphérique, lorsque le soleil vient de se coucher – crépuscule du soir – ou va se lever – crépuscule du matin) ce qui, en mourant ou en naissant, annonce un début nouveau. Ainsi le bris des idoles du passé permet d’être créateur d’idoles du devenir, d’une aube où quelque chose d’autre va commencer. Pour ce faire, il faut être un bon musicien philosophe sachant jouer du marteau qui brise les idoles du passé : première étape de la réévaluation de toutes les valeurs leur destruction. Le passage par la nuit permet l’étape du retour à la nouveauté perpétuelle, le retour à l’Un-primordial.

    37L’Antéchrist : Les conceptions et les valeurs dominantes de l’histoire, de la philosophie, de la morale et de la religion ayant été sévèrement critiquées il ne reste plus qu’à traiter du christianisme, qui est le mal par excellence, dans sa négation de la vie. Le Dieu chrétien est une projection de malades de la vie. Car Dieu n’est qu’une projection d’existence des croyants (cf. les dieux grecs). Des hommes sains créent un Dieu sain, c’est-à-dire non décadent, donc capable de tout englober ; il est à la fois divin et diabolique, bon et cruel, sympathique et destructeur. En se mesurant à lui le surhomme dispose d’un étalon de vie, il peut ainsi prétendre au devenir surhumain.

    38Ecce Homo : Le sous titre reprend l’expression de Pindare « Comment on devient ce qu’on est ». C’est, ici, le oui au commencement perpétuel : voici le trajet de l’homme dont la traversée ne s’achève jamais en port où sédentariser la vie. La vie, c’est à nouveau partir, opter pour le dépassement, pour le passage sans fin, d’un humain trop humain à un nouvel humanisme. Par une existence qui s’affirme comme aptitude à se risquer, à muter sans cesse, se propose l’originalité de l’homme : sortir, encore et toujours, de toutes les ornières de l’idéal humain surtout quand il s’est figé depuis trop longtemps (à l’instar de l’humanisme judéo-chrétien). Il n’y a pas d’authentique cheminement sans une réelle remise en cause de ses propres origines. Elire l’Amor fati, combattre les décadents, affirmer l’hubris de l’existence, se dépasser encore n’est pas sans risque. Entre la nostalgie mythique – ou, plus précisément, celle d’un nécessaire renouvellement du mythe, et les travers de la modernité de son temps, Nietzsche a beau être le prophète de la grande santé, il est à un tel stade d’épuisement physique et moral qu’il ne peut, ni ne veut, l’ignorer. Il est à la fois Dionysos et le Crucifié.

    39Il est Nietzsche contre Wagner, l’homme nouveau contre l’homme ancien et, seules, peuvent le réconforter, comme on le faisait dans la tragédie grecque, les Dithyrambes de Dionysos.

    40Les premières lectures de Nietzsche s’éclairent différemment quand on se plonge dans la lecture de cet ouvrage fort singulier qu’est Ecce Homo. La façon dont Nietzsche jette un regard rétrospectif, et rétroactif, sur l’ensemble de son œuvre est on ne peut plus originale. D’abord le titre Ecce Homo (« voici l’homme ») est pour nous rappeler qu’ici se montre l’homme tel qu’il est : au milieu du pont, voici l’homme qui a enduré toutes les douleurs, car le tableau représentant le Christ devant Pilate est souvent appelé « l’Homme de douleur ». C’est l’homme au grand midi de sa vie (der grosse Mittag) au sens du milieu du jour ce qui a pour but de symboliser cette prise de conscience particulière qu’est la pleine lumière sans ombre aucune. A ce moment là, le négatif sinistre, le mal, l’ombre, rien de tout cela n’a sa place. L’affirmation joyeuse du réel est totale. Plus aucune morne moitié d’ombre pour affirmer comme Valéry que :

    « Rendre la lumière
    Suppose d’ombre une morne moitié »

    41Toutes les origines posent le problème de l’interprétation et de l’évaluation. Pour être plus précis, et sans éviter la redondance, il faudrait dire toutes les origines sont à l’origine de la pluralité et de l’erreur des interprétations et des évaluations. « Interpréter, c’est déterminer la force qui donne un sens à la chose. Evaluer, c’est déterminer la volonté de puissance qui donne à la chose une valeur. »22 En cherchant l’origine, c’est le « faitalisme » que combat Nietzsche, c’est-à-dire l’incapacité des libres penseurs à interpréter l’origine des valeurs sur lesquelles ils construisent les échafaudages de leurs convictions et de leurs interprétations. Cette incapacité vient d’une inaptitude à questionner l’origine, dans sa légitimité, autant que dans sa légalité. Ce n’est pas parce qu’une chose est humaine qu’elle est digne de l’être. Le « faitalisme » c’est l’acceptation de ce qui est « humain trop humain ». Or, il y a une diversité de forces capable de produire de l’humain, et certaines forces, extraites de souches négatives ou basses, sont certes des « faits » ; mais Nietzsche a décidé de prêter « une sorte de conscience ironique »« à une époque qui insiste volontiers sur sa culture historique »23 car « le sens historique rend ses serviteurs passifs et respectueux »24. Les historiens sont comme des antiquaires qui collectionnent les faits pour légitimer le processus universel du « concept qui se réalise lui-même », ils se font les idoles du « fait »« alors que le fait est toujours stupide, ayant de tout temps ressemblé à un veau plutôt qu’à un dieu »25. Mais l’homme n’est vertueux que « lorsqu’il se révolte contre la puissance aveugle des faits, contre la tyrannie de la réalité et qu’il se soumet à des lois qui ne sont pas les lois de ces fluctuations de l’histoire »26. Il peut ainsi affirmer son originalité en se dégageant de la glu des origines ou, plus précisément, de l’interprétation myope ou aveugle des origines et de l’évaluation historiciste de celles-ci.

    Un auteur riche et d’une authentique complexité

    42Il en découle que Nietzsche est un auteur difficile, foisonnant, mais également décapant, qui rend vigoureux et déconcerte.

    43Nietzsche est un penseur qui dérange et cela est conforme à son intention. Dès le départ, il décide d’inaugurer une œuvre marginale parce que hors norme, scandaleuse et intempestive. Il accepte l’inconfortable position d’un penseur de l’extrême. Il ne supervise pas l’agitation d’en bas à travers la lunette spéculative édifiée et agitée du haut d’une tour d’ivoire théorique. Non, il est engagé corps et âme (et corps d’abord) dans un flirt agonistique avec les limites de la raison. Il est lui-même physiquement – d’où le terme de complexion – cette « corde tendue entre la bête et le surhomme, une corde sur l’abîme »27.

    44C’est dans cet élan de transcendance qu’il pense la grandeur de l’Homme, et qu’importe le risque si la joie d’exister peut s’affirmer contre toutes les absurdités et tous les mensonges des idéalismes. Lui-même, comme tout Homme n’est « qu’un passage et un déclin »28 ; et c’est cela qui est à assumer joyeusement : la condition humaine, un pont qui n’a pas de but parce qu’il n’est fait que des « flèches du désir vers l’autre rive »29. De rive à rive, voilà l’Homme en mouvement. Mais pour que le port soit patent, pour que la flèche ait une cible réelle, qu’elle soit partie d’un arc authentique, il faut répondre à la question double de l’origine : de quelle rive part-on et quelle rive est à viser ?

    45D’abord brillant en philologie30 classique, cette science qui s’intéresse à l’étude des langues et des civilisations de l’Antiquité, Nietzsche, nommé à 25 ans professeur de philologie grecque à l’Université de Bâle, va petit à petit en venir à la philosophie. A l’origine de sa démarche il y a plusieurs facteurs qui s’interpénétrent et se croisent : sa lecture de la bible en philologue, son milieu familial et la question de son avenir. La lecture de Schopenhauer31 et la rencontre, en 1869, de Cosima von Bülow et Richard Wagner mettent un terme définitif à ce qui aurait pu être une vocation de pasteur et de philologue.

    46C’est de ce premier carrefour complexe (philologie, Schopenhauer, Wagner, Cosima et montée de l’ordre moral protestant dans la Prusse de 1870) que va naître son premier ouvrage en 1872 La Naissance de la tragédie véritable manifeste Wagnérien. Car la rencontre de Nietzsche et de Wagner est aussi déterminante que celle de Schopenhauer.

    47Remarquons que le mot de Naissance impose un questionnement doublement original, car il impose à l’origine deux questions : d’où je viens, qu’est-ce qui provoque le commencement qu’est la mise au monde et qu’est-ce qui perdure par elle ; perdure « qui je suis » : Descartes demandait quod vitae sectabor iter... en effet, naître c’est pouvoir devenir.

    48La dimension généalogique a pour objectif de déloger la réalité antérieure de ce qui est affirmé ou nié par transformation. De ce point de vue la généalogie doit rendre compte de la différence entre ce qui fut vraiment et ce qui prétend être – comment ce qui perdure a muté et n’est que la continuité, plus ou moins menteuse, de ce qui fut. Il s’agit également de repérer, au sens géométrique du terme, le point d’origine à partir duquel la courbe de la variable – le tragique au sens de l’acceptation tragique de l’existence- change de valeur et affirme une progression axiologique différenciée. Première manifestation, première apparition, bref premiers repérages d’écarts factuels pour échapper à la crédulité du faitalisme.

    49Mais le fait, même celui de la naissance, n’est pas une fin en soi, car le fait qui donne naissance à quelque chose (manière d’agir, de vivre, de penser, de se conduire) peut être différencié de son effectivité réelle. Entre la cause originale et l’effet terminal, la temporalité use l’origine, la pervertit, et transforme la fonction première en fonction illusoirement réelle. Ainsi le principe et la raison d’être d’une chose – abordés dans leur originalité – sont souvent des idées bien éloignées du résultat, il en est ainsi, par exemple, de la timidité quand elle trouve son origine soit dans la phobie des autres, soit dans un trop grand amour-propre. L’origine donne à la timidité ainsi saisie une efficience bien différente...

    50Or le travail de Nietzsche sur l’origine est explicité très clairement, dès le début de son œuvre, et cette explicitation reste un leitmotiv, une véritable obsession, qui traverse la globalité de sa démarche. Refuser les hypocrisies métaphysiques qui se débarrassent du problème en prônant dogmatiquement « une origine miraculeuse » ou qui légitiment la valeur supérieure d’une chose parce qu’elle est censée échapper à la question de l’origine voilà la conviction de Nietzsche. Il s’agit de comprendre que la « chimie des idées et des sentiments »32 relève d’un processus de transformation explicable. Pour Nietzsche la philosophie historique, enrichie des travaux récents de la science naturelle33, peut affirmer que l’Homme, comme la faculté de connaître, est le résultat d’une évolution. Or cette évolution est réfutée par les philosophes qui veulent tout penser en terme d’essence et d’éternité.

    51« L’humanité aime à chasser de sa pensée les questions d’origine et de commencement : ne faut-il pas être déshumanisé pour sentir en soi le penchant opposé ? »34

    52Déshumanisé signifie ici ne plus être prisonnier des valeurs de l’humaniseur rigidifié synchroniquement par nos valeurs perdurées dans un espace temps finalement fort restreint : celui de l’humanisme occidental.

    53Les métaphysiciens exaltent les origines pour poser arbitrairement l’origine dans un commencement indiscutable. Mais c’est oublier que la raison, dans sa volonté légitimante, dans son travail de justifications, arrive toujours après coup. « Toutes les choses qui vivent longtemps sont peu à peu tellement imbibées de raison que l’origine qu’elles tirent de la déraison devient invraisemblable »35. C’est cette postériorité de la raison, capable de dissimuler ce qui la rend seconde, cette malhonnêteté d’un aval qui n’aurait pas d’amont, d’un verso qui n’aurait pas de recto... que dénonce Nietzsche.

    54Paradoxalement, « avec l’intelligence de l’origine, l’insignifiance de l’origine augmente »36 parce que la question de l’origine est pervertie par la volonté téléologique de faire de l’Homme un but à atteindre. Par Darwin l’Homme a perdu son origine divine, il n’y a en l’Homme aucune nature divine, ni dans le passé ni dans l’avenir : quant à la soumission des logiques de l’origine aux critères d’utilité, il est ridicule « d’expliquer, par l’utilité, la réussite de l’existence ». Les choses peuvent avoir leur origine dans l’erreur ou le hasard. Une véritable critique des jugements de valeur moraux ne peut se dispenser de la quête de l’origine des valeurs et d’une réflexion sur la valeur de cette origine37. Il s’agit de mettre en question la morale, par et dans son origine même autant que dans sa fonction, et d’interroger sa réalité pharmacologique (poison ou remède). Du coup, même l’origine des savants peut être questionnée et leur incapacité à voir la nature naturellement, et non de façon ethnocentrique ou anthropomorphique38.

    55L’obsession des origines conduit Nietzsche à affirmer « celui qui a acquis l’expérience des anciennes origines finira par chercher les sources de l’avenir et des origines nouvelles. »39.

    56L’interrogation sur l’origine porte aussi sur sa valeur. Une action a t-elle de la valeur parce qu’elle serait à l’origine de conséquences à venir positives ou est-elle bonne en soi ? Peut-on juger de la valeur d’un acte en fonction de son intention ? Peut-on ignorer son origine ? Peut-on faire passer l’intention d’une action pour son origine ? Voilà la source de la confusion des valeurs40 largement entrevue et utilisée par les moralistes. Le travail d’écriture de Nietzsche a pour but de dévoiler la supercherie et de donner à ruminer pour que nous comprenions l’écart, la différence, voire l’incompatibilité, qu’il y a entre l’idéalisme de l’homme théorique et la joie créatrice de l’homme tragique. Celui-ci accepte et vénère la réalité et les vérités les plus radicalement démesurées, celui-là n’accepte et n’honore que la sage vérité de la frileuse raison. Celui-ci est artiste, celui-là est antiquaire. C’est dans l’accomplissement de la vie que commence le véritable philosopher41. Le philosophe doit soigner le mal de notre modernité, son « historiographie iconique », et l’aveuglement devant les sciences de la nature. Et, pour y parvenir, il faut une volonté hors normes et des « forces artistes prodigieuses ».

    57« Le philosophe doit reconnaître ce qui fait besoin et l’artiste doit le créer. »42 Mais c’est bien en cela que le philosophe est médecin. « Il n’a qu’à aider à vivre » et, pour ce faire, il se doit de « démontrer la nécessité de l’illusion, de l’art et de l’art dominant la vie. »43. Mais cette démonstration s’exécute « à la grecque », c’est-à-dire en comprenant la douleur d’exister et en la guérissant par l’art. Le philosophe est artiste en cela que la valeur de la philosophie ne réside pas seulement dans la satisfaction purement contemplative qu’il rencontre, construit et étaye, par la sphère de la connaissance ; car l’instinct de connaissance ne se satisfait que provisoirement des vérités scientifiques et se satisfait davantage « de la sphère de la vie » à laquelle il acquiesce et participe. Le philosophe est artiste en cela que la valeur de sa philosophie s’affirme dans l’aptitude à transcender l’homme par la puissance créatrice de valeurs nouvelles.

    58« Le philosophe comme médecin de la civilisation »44 redonne à celle-ci le goût de l’existence. C’est le goût pour la vérité qu’il faut soigner par le goût de l’existence. Notre instinct de la vérité nous a conduit au pire des mensonges, nous oublions que le mot lui-même, en devenant concept, cache son origine notionnelle, l’histoire de sa formation45 : Mais, l’obligation de vivre avec les autres nous fait oublier l’inévitable pragmatisme vital qui nous conduit à nommer vérité les mensonges nécessaires de la vie en communauté. La morale accentue la nécessité du mensonge grégaire. Et nous oublions qu’il en est ainsi, que nous sommes malades de mensonges et d’hypocrisies morales et sociales, ce pourquoi nous finissons par mentir inconsciemment selon la convention imposée par les us et coutumes. Or, c’est l’oubli de l’origine de nos mensonges, cette sorte d’inconscience de nos habitudes morales, qui nous conduit au sentiment de la vérité46.

    59Nous voulons faire comme si la conscience spécifiait l’homme alors qu’elle le dupe, qu’elle le nie dans sa complexion comme dans sa réalité instinctive, physiologique, et qu’elle le réduit à la gesticulation langagière d’une conscience toujours déjà trop communicationnelle et pragmatique. Il faut guérir l’homme du mal de l’origine entretenu par le langage et la tradition47.

    Celui qui veut servir de médecin à l’humanité

    60Pour Nietzsche, la question du rapport de la santé à la philosophie est essentielle. Or toute notre histoire de la philosophie témoigne de la domination de la maladie sur la philosophie parce que toute la philosophie est « un malentendu du corps ». « Derrière les plus hautes évaluations qui guidèrent jusqu’à présent l’histoire de la pensée se cachent des malentendus de conformation physique, soit d’individus, soit de castes, soit de races tout entières »48.

    61Pour philosopher autrement, la philosophie doit se comporter comme un médecin. Mais pour être thérapeute, il faut lutter contre la superstition. « Les deux grands adversaires de toute superstition, la philologie et la médecine. »49 Philologue, il l’est, et médecin, il veut le devenir. « Comme philologue on regarde derrière les « livres saints », comme médecin derrière la décrépitude physiologique du chrétien type ». La décrépitude physiologique se mesure, dès le départ, au refus des valeurs du corps. Le médecin, « celui qui veut servir de médecin à l’humanité »50, devra se méfier de la pitié et de la compassion. Le médecin philosophe est celui dont le marteau guerrier doit, du début à la fin, diagnostiquer, détruire et créer.

    62Diagnostiquer non pas d’un point de vue symptomatique, mais avec une volonté étiologique. Il s’agit de déceler l’origine du mal et non pas ses seules manifestations. L’étude des symptômes ne suffit pas à qui veut guérir, définitivement, les maux de l’humanité.

    63Il faut donc éradiquer assurément le mal et pour cela ne pas craindre de détruire ce que le diagnostic a décelé d’originellement pervers et gangrené.

    64Il faut détruire la racine du mal, pour que les fleurs du mal ne soient plus celles du dégoût de la vie, de la mortification et de l’acedie51. Détruire, chez le prisonnier du négatif, ce spleen condescendant à l’égard des valeurs traditionnelles. C’est en surmontant les ruines d’un monde négatif et réactif enfin démasqué que l’affïrmateur, le philosophe législateur, victorieux de l’étonnement contemplatif, s’érige en artiste.

    65Créer d’autres valeurs et, d’abord, affirmer la vie. Accepter les conditions réelles de l’existence : rien ne demeure, tout s’écoule. Sur la musique de l’Un-devenir, le monde n’est que le lieu des apparences. Les remèdes du mal vivre : être physiologiquement affirmateur et laisser le dieu qui est en soi mener la danse ; rendre au corps ce qui est au corps. Accepter l’absence de sens, l’absence d’essence, le bal des apparences, l’aptitude à modifier sans cesse les valeurs (comprendre l’origine des valeurs c’est relativiser activement la valeur de l’origine) et à se définir comme législateur. Laisser enfin parler le législateur artiste, parce que le médecin aura terminé le diagnostic et que, dès lors, la volonté du lion pourra accepter sa puissance.

    66DIAGNOSTIQUER : Qu’y a t-il donc à diagnostiquer ? D’abord l’incapacité de la plupart des penseurs à penser autrement que dans la continuité, et dans la légitimation, des valeurs de notre civilisation. Or, celle-ci est emplie de pesanteur et déborde d’esprit de négation. Pour Nietzsche, penser ce n’est pas adhérer (on se rappellera le mot de Valéry pour qui il n’y a que les huîtres et les moules qui adhérent). Penser c’est interpréter et évaluer. La pensée est donc créatrice. Le philosophe n’a pas à être convivial, il n’a pas non plus à viser le consensuel. Il doit déranger, jeter le soupçon sur toute chose, pas le petit soupçon, « le grand soupçon »52, « l’abîme du grand soupçon »53. C’est le soupçon qui, dans l’acceptation de la haute douleur du risque physiologique de payer de sa personne, de son corps, contraint le philosophe à descendre dans les grandes profondeurs, et à se « dépouiller de toute confiance, de toute bienveillance, de toute demi-teinte, de toute douceur, de tout moyen terme où nous avions mis précédemment notre humanité. »54 Pour ce faire, le style même du philosophe, tout comme son activité littéraire, doit être à la mesure de son entreprise.

    67Tous les Germanophones reconnaissent que Nietzsche écrit une véritable poésie philosophique, ne serait-ce que dans son aptitude à rénover sa langue, à en inventer la musique, à jouer avec les sonorités et les rythmes pour alléger, en cette langue, sa traditionnelle pesanteur, plombée par l’idéalisme métaphysique. Philosopher, c’est aussi créer en poète et en musicien : ce qui ne signifie pas donner à lire un style musicalement mélodieux et harmonieux, mais, bien davantage, servir la pensée par une musicalité nouvelle, incongrue. L’instrument philosophique par excellence de Nietzsche est le marteau et, plus précisément, le marteau des aphorismes. Lui, mieux que quiconque, qui fait voler en éclat les habitudes des discours ratiocineurs de la tradition philosophique. La volonté de ne pas s’appesantir dans la tradition des grands prosateurs de la raison pousse Nietzsche à une forme d’écriture vive, nerveuse, avec des textes parfois très courts, parfois très imagés, parfois très mystérieux ou obscurs. Pour lui, les mots sont un outil pervers, ils travestissent souvent la réalité et trahissent la vie dans son authenticité. C’est le manque de probité des mots qui pousse le philosophe à les maltraiter, pour que le lecteur soit tenu d’aller au delà des mots, de la même façon que celui qui écoute une musique est tenu d’aller au-delà des notes. Philosopher au marteau est utile pour au moins deux raisons. La première est que le marteau est un outil qui, lorsqu’il est frappé sur des éléments creux, produit un son particulier. Comme un plâtrier tape sur un mur pour déceler les vides, ou les endroits où le plâtre s’est décollé, le philosophe tape sur le mur des idées pour en déceler les faiblesses et les trous cachés : et ça sonne creux très souvent... mais l’enduit est un vrai trompe-l’œil préservant, malicieusement, l’apparente profondeur et la fausse solidité des choses. La seconde raison d’user du marteau, c’est qu’il demeure le meilleur outil pour taper fort sur ce qu’il convient de briser. Et, quand la joie de détruire est au rendez-vous, gare aux idoles de la tradition, leur crépuscule a sonné. Tous les faux idéaux de la morale et de la religion, toutes les idéalités artistiques et comportementales, toutes les entités philosophiques élevées au rang du divin, toutes ces idolâtries de la philosophie traditionnelle sont destinées aux coups du marteau. Voilà la sagesse restaurée. Voilà également, du sage médecin, l’outil le meilleur, l’outil étiologique par excellence.

    68La sagesse est entendue traditionnellement comme cette aptitude à l’écart, « en homme prudent qui se tient à l’écart ». « Mais le vrai philosophe, nous semble t-il à nous, ô mes amis, ne vit ni " en philosophe " ni en " sage " ni surtout en " homme prudent et avisé ", il sent le fardeau et le devoir des cent tentatives et tentations de la vie ; sans cesse il se met lui-même en jeu, il joue le mauvais jeu par excellence... »55. Il porte lui-même le marteau.

    69Un marteau briseur de faux progrès, tel est le marteau de la partition nietzschéenne. Jouer le mauvais jeu c’est donc déranger nos habitudes, notre confort, nos valeurs et déroger à l’axiologie qui les sous-tend. Jouer le mauvais jeu, c’est être intempestif. Nietzsche lorsqu’il abandonne la philologie et les travaux savants (réservés au cercle des faux savants de l’Université), a toutefois découvert, avec celle-ci, que la tragédie grecque, qui est à l’origine de notre civilisation, contient une richesse mal comprise, mal interprétée. Nous obéissons, pour notre part, au moins à deux dogmes qui empoisonnent notre civilisation : celui d’une valorisation outrancière de la notion de progrès, et celui d’une quête de valeurs transcendantes et vraies divinement éloignées de l’homme. Progrès du christianisme, progrès de la science nous aveuglent car nous oublions que d’autres formes de civilisation ont existé et qu’elles sont peut-être plus riches que la nôtre. Nous sommes, pour notre part, une civilisation où régnent, en despotes, les valeurs philosophiques de la mesure et de la raison et, du coup, nous ne voyons plus qu’à travers ces lunettes là. Mais ce sont des lunettes déformantes qui, comme des lunettes inversées, nous éloignent du monde ou, comme des lunettes myopes56, nous empêchent de voir le monde tel qu’il est : un monde de chaos, de démesure et d’irrationalité. A cet égard, la tragédie grecque – celle d’Eschyle et de Sophocle- contient plus de profondeur et de signification qu’on a bien voulu le dire, car elle réalise l’alliance de la démesure et de la mesure. Ceux qui ont opté pour « l’ignorance in physiologicis »57, qui ne se préoccupent que d’une philologie de surface – histoire des déclinaisons et des formes verbales-, ne cherchent pas à comprendre ce qui fait la profondeur de la tragédie grecque. Qu’est ce qui a permis sa mise au monde après, sans doute, une assez longue gestation ?

    70La naissance de la tragédie ne s’explique que par le goût qu’avaient les Grecs d’avant Socrate pour les apparences. « Ah ! Ces Grecs, ils s’entendaient à vivre : pour cela il importe de rester bravement à la surface, au pli, de s’en tenir à l’épiderme, d’adorer l’apparence, de croire à la forme, aux sens, aux paroles, à tout l’Olympe de l’apparence ! Ces Grecs étaient superficiels – par profondeur ! »58

    71A l’origine, deux courants inspirent la tragédie et fusionnent en elle. Le courant « apollinien », qui s’incarne essentiellement dans la sculpture grecque, c’est celui de l’équilibre des formes, de la proportion, de l’ordre et de la maîtrise. Là, tout n’est que « luxe, calme et volupté ».

    72Le courant « dionysiaque » est celui de la fête sans mesure, des désirs qui s’épanouissent dans l’orgiaque : désirs débordés du corps en fête, dans la danse, dans la musique et dans la sexualité. Les deux sources du génie grec ont été taries puis condamnées. Cela commence avec Euripide, se poursuit avec Socrate et Platon, et cela est entériné par le christianisme, « cette métaphysique de bourreaux »59 qui « a pour base la rancune instinctive des malades contre les biens portants »60 Le christianisme a dévoyé la philologie et perverti toute lecture. « Un autre signe distinctif du théologien est son incapacité à la philologie. J’entends ici par philologie, dans un sens très général, l’art de bien lire, – de savoir déchiffrer les faits, sans les fausser par des interprétations, sans perdre, dans le désir de comprendre, la prudence, la patience et la finesse. La philologie comme ephexis61 dans l’interprétation : qu’il s’agisse de livres ou de nouvelles dans les journaux, de destinées ou de faits météorologiques, – pour ne point parler du « salut de l’âme »62.

    73Le sens du tragique est perdu, la force et la beauté païenne sont condamnées. Dans la tragédie grecque l’ivresse et la démesure sont admises comme des valeurs. L’homme se mesure aux dieux, il peut même s’opposer à eux et, en se voulant plus que simplement et seulement humain, se prétendre l’égal des Dieux. Le risque rend le jeu plus beau encore, car périr pour se dépasser c’est embellir la vie. C’est cette démesure qui fait la superficialité et la profondeur de la tragédie. Or les valeurs de l’idéalisme (platonicien ou chrétien) sont un terrible et pervers appauvrissement : il n’y aurait plus de beau que ce qui est mesuré et raisonnable, la vertu n’est plus « virtù », elle n’est plus la force, elle est l’acceptation de la faiblesse (acceptation de ne plus être fort). La force, pervertie et réactive, n’est plus qu’un résidu d’elle-même. C’est une force convertie en nihilisme et en volonté de prêcher, parmi les faibles et les pauvres, la négation de la vie : elle s’est métamorphosée en préjugé, en ressentiment, en négation d’elle-même au point que, selon elle, toutes les valeurs ont changé pour l’éternité : désormais ce sont les faibles qui sont bons. Les méchants ce sont les forts qui doivent être punis de leur force. Il s’agit pour Nietzsche de retrouver cette force condamnée par la morale chrétienne et par la tradition philosophique.

    74Proposons dès lors un catalogue non exhaustif de tout ce que le philosophe médecin doit diagnostiquer pour retrouver la force perdue, la force aliénée par l’axiologie chrétienne.

    75Il faut d’abord et avant tout lutter contre la décadence63. Mais qu’est ce qu’un décadent ?

    • Celui qui ne sait pas lire ou ne veut pas lire.64

    • Celui qui édifie un rempart de fausse culture.

    76La fausse culture, « l’asphyxiante culture » dira Dubuffet presque un siècle plus tard, se diagnostique ainsi :

    771. Elle refuse le corps et les instincts. Conséquences : le refus de poser comme point de départ de la réalité humaine la physiologie. Il faut donc clairement diagnostiquer :

    781-1 les versions négatives du concept de bonheur enracinées dans la mécompréhension du corps, et dans la mauvaise interprétation de la douleur physique.

    791-2 la séparation dualiste et métaphysique de l’âme et du corps qui fait de celle là la souveraine de celui-ci. Cela nous transforme en « grenouilles pensantes »65.

    801-3 Le dégoût de la vie sensible, physique, qui conduit à vénérer la fausse jouissance spirituelle. « Cette jouissance grossière, insipide et brune comme l’entendent généralement les jouisseurs, nos gens " cultivés " nos riches et nos dirigeants ! »66

    811-4 « La négation des sens est à la source de toutes les folies, les méchancetés et les maladies qui peuplent la vie humaine. L’affirmation des sens est à la source de la santé physique, morale et théorique »67.

    822. Elle ne vit pas l’art, elle l’érige en pseudo-spiritualité (cf. Kant et le sublime), elle en fait une couverture morale du confort bourgeois.

    833. Elle érige en valeurs normatives les faux-semblants de ses critères de bon goût ; ce faisant, elle normative notre rapport esthétique et poïétique à la vie. A cet effet, son arme de combat tout terrain, c’est la morale : « la morale n’est qu’une interprétation ou, pour parler plus précisément, une fausse interprétation de certains phénomènes. (...) La morale n’est qu’un langage symbolique, " qu’une symptomatologie " : il faut déjà savoir de quoi il s’agit pour en tirer profit »68.

    84Quels sont donc les dangers de la morale et plus particulièrement de la morale néo-platonicienne ?

    853-1 Elle occulte son origine : le mépris de la vie et des sens. Il faut prendre origine, ici, au sens de causalité. L’examen des conditions d’émergence, et de constatation, de la morale permet de comprendre les raisons de l’opposition de celle-ci à toute forme de vie supérieure. Car il y a en réalité deux types de morale :

    863-1-1 Celle qui dit oui à la vie comme la morale des maîtres : une morale saine dominée par un réel instinct de vie. C’est celle qu’adopte le philosophe médecin. C’est une morale saine.

    873-1-2 Celle qui nie la vie dont la dynamique est castratrice et pose dieu comme ennemi de la vie des instincts. « La vie prend fin là où commence " le royaume des Dieux " »69. C’est cette morale qui est condamnable, hypocrite, perfide et malsaine. Cette morale-là est instinct de décadence et elle est « une idiosyncrasie de dégénérés », or ce que l’homme a de plus déterminé par sa complexion interne c’est son instinct grégaire – sa façon d’être non pas surhumain mais sur-animal. Le phénomène moral tout entier est animal. La morale grégaire n’est que la négation du vouloir vivre érigée en impératif catégorique. « Elle dit : « Péris ! »– elle est le verdict prononcé par des condamnés.... »70 Elle affirme des valeurs nihilistes et des critères de décadence. Elle est le parti de la vie décadente.

    883-2 Si, par ailleurs, nous analysons ce qu’est l’origine du progrès moral, c’est-à-dire l’apparente condamnation de la cruauté, force est de constater que nous sommes victimes d’une illusion. Car la cruauté elle-même – celle que nous prétendons combattre par la morale – ne fait que se déguiser autrement, toujours autrement. La spiritualisation de la cruauté est le but et la ruse de toute civilisation. Il y a en effet une certaine perversion de la cruauté dans le christianisme : par exemple, la mortification, de la chair et des sens, permet « la volupté dangereuse de tourner sa cruauté contre soi »71.

    893-3 La morale rend les hommes pusillanimes. L’inoculation des valeurs chrétiennes rend malade les peuples gais en faisant naître, en eux, la mauvaise conscience.

    903-4 L’enquête généalogique permet de révéler la méchanceté des faibles qui, incapables d’être forts, se vengent d’eux en les contraignant, par le nombre et par l’hypocrite affectation d’altruisme. Elle rend possible le dévoilement du processus de « médiocrisation. »

    913-5 Etre civilisé ne rend pas plus moral ; car être civilisé revient, en réalité, à être domestiqué. La spiritualisation de la cruauté est d’autant plus perverse qu’elle nous empêche d’avoir le courage de satisfaire nos mauvais penchants. Or, toute spiritualisation forcée est une atteinte à la nature profonde de l’Homme. Elle met en péril son désir de vivre, en aliénant sa volonté de puissance.

    923-6 La morale est également une dévaluation de l’égoïsme. Quant à ce qui est censé la remplacer, l’amour du prochain, c’est un égoïsme dissimulé, frileux et nocif qui vise à flatter les laissés pour compte, les « parasites » de la vie, ceux qui vivotent aux dépens des hommes qui réussissent leur vie. Il y a une forme noble et une forme basse de l’égoïsme. Le seul égoïsme acceptable c’est celui qui affirme la vie.

    933-7 La morale met en place une stratégie de la médiocrité, elle conditionne à la servitude volontaire, elle pousse à la paresse, à l’adhésion irréfléchie aux normes sociales. La moralité c’est l’instinct du troupeau qui s’installe en nous, comme un ver dans le fruit de l’individu. Elle produit des êtres résignés.

    943-8 La haine de la vie : à la vie, on préfère un hypothétique au-delà, hypostasié dogmatiquement mais « avec l’au-delà on tue la vie »72. À cette origine des travers moraux du christianisme, il faut opposer ce qu’ont vu et vécu les Grecs. La joie du combat incarnée par l’instinct agonal. La volonté de grandir l’homme au lieu de le rapetisser, d’affirmer le devenir libre. Les Grecs ont « juste un vrai regard au fond de l’essence des choses » et ils ont entrevu l’abîme sans fond de la cruauté et de la douleur de l’existence mais, justement, à cause de cela « l’existence et le monde n’apparaissent justifiés qu’en tant que phénomène esthétique »73. Les choses ne sont pas belles par elles-mêmes. Elles ne le sont que si nous les rendons belles.

    954. La culture fait périr les grands hommes. « Seules des natures de bronze, comme Beethoven, Goethe, Schopenhauer et Wagner, parviennent à supporter l’épreuve. Mais chez eux aussi apparaît, dans beaucoup de traits et de rides, l’effet de cette lutte et de cette tension épuisante entre toutes : leur respiration devient plus pénible et le ton qu’ils prennent est souvent trop véhément. »74

    DETRUIRE : Qu’y a-t-il à détruire et comment ?

    96Une fois compris que la symptomatologie ne peut progresser que si l’étiologie sait l’enrichir d’un dévoilement des origines du mal, pour soigner la vie du nihilisme qui la parasite, il faut alors détruire les origines (et en les détruisant c’est toute une hiérarchie arbitraire et factice qui va disparaître), les racines du mal. Dès lors pourra s’ouvrir le champ (le chant) de la création.

    971. Détruire le primat de l’esprit sur le corps car il n’est pas fondé. Le dualisme métaphysique n’est qu’une ruse perverse de l’expression de la volonté d’en finir avec la douleur en supprimant sa source.

    982. Détruire également le dualisme apparence / réalité.

    993. Abolir la tradition non légitime du primat du concept sur la métaphore (image substitutive plus adéquate que l’idée en mouvement de la pensée).

    1004. Anéantir en général toute l’axiologie chrétienne contenue dans sa morale c’est à dire :

    1014-1 « Vider la besace des métaphysiciens »« un petit tout petit bon Dieu, une aimable immortalité, peut-être un peu de spiritisme et certainement tout l’amas confus des misères d’un pauvre pécheur et de l’orgueil du pharisien75.

    1024-2 Dédiviniser c’est-à-dire admettre le chaos, non pas l’absence de nécessité, mais seulement le manque d’ordre, de structure, de forme de beauté, de sagesse (...). »76

    1034-3 Détruire les édifices du sens ou, pour le moins, en dissiper les mirages et en accepter parfois l’absence originelle.

    1044-3-1 Eradiquer le culte des exsangues et des désincarnés.

    1054-3-2 Ruiner les vérités77qui ne sont que des illusions dont on a oublié qu’elles le sont, des métaphores usées.

    1064-3-3 Annihiler l’idée d’une conscience supérieure au corps : la conscience n’est qu’un instrument, un organe mal développé et secondaire.

    1074-3-4 Démanteler la morale produite par la conscience car la morale n’est jamais que la « somme des jugements de valeur antérieurs, relatifs aux actions et aux pensées humaines »78.

    1084-3-4-1 Ruiner la tendance instinctive à adhérer aux valeurs morales. En effet la morale est dangereuse car son emprise vient du fait que nous sommes des croyants avides de certitudes et de stabilité : détruire donc l’enthousiasme de la morale.

    1094-3-4-2 Consumer la morale également en tant que travestissement des pulsions saines : elle est toujours une contre-nature, une pia fraus79 : le pieux mensonge consiste à déguiser les valeurs décadentes en sentiments élevés.

    1104-3-4-3 Saper la sournoise stratégie de séduction des moralistes c’est à dire des professeurs de morale, des prêtres qui prennent la tête du troupeau et donnent une direction au ressentiment. Les prêtres sont des hybrides de maladie et de volonté de puissance. Ils ne peuvent accéder au pouvoir et à la puissance que par le prêche de la morale chrétienne, c’est à dire en activant les valeurs négatives, en prônant l’affaiblissement général de l’humanité. La séduction de pia fraus vient de ce que les valeurs camouflées sont aguichantes, même pour les forts.

    1114-3-4-4 Démolir tout l’édifice criminel du christianisme : « le faux-monnayage in psychologicis qui va jusqu’au crime. L’aveuglement devant le christianisme, c’est là le crime par excellence80 – le crime contre la vie. »81 Le danger le plus pervers est que le christianisme fait de la négation de la vie un idéal et il répand activement ses valeurs décadentes (condamnation du corps, condamnation de l’égoïsme et de la force, éloge du faible, de l’altruisme et du désintéressement). Le prosélytisme du christianisme est un réel danger car l’inversion des valeurs auquel il est parvenu conduit à la décadence. Le christianisme est une mystification en puissance et en acte.

    1124-3-4-5 Eradiquer le christianisme comme défenseur de la faiblesse. L’inversion nihiliste des valeurs rend le fort coupable de sa force et le faible, déterminé par son impuissance, se réjouit de ce nivellement par le bas82. Détruire le christianisme c’est détruire le nihilisme dans son aspect le plus envahissant, le plus contaminant, le plus contagieux.

    1134-3-4-6 Détruire tout l’attirail du moraliste nihiliste chrétien :

    • L’illusion de l’amoralité de l’exploitation, l’exploitation chrétienne qui refuse ce qui est exploitation des hommes au nom d’un devoir-être.

    • la pusillanimité érigée en vertu.

    • la tartufferie morale : elle condamne les passions et fait de nous des pathologiques de la faute et de la responsabilité.

    • la responsabilité83 qui dénature notre innocence.

    • toutes les figures du nihilisme.

    • la doctrine de l’égalité et son poison.

    • le domptage qui résulte de la médiocrisation, détruire aussi la ménagerie et la cage.

    • l’animal grégaire, l’animal domestique et « le concept pusillanime d’humanité au sens moderne »84.

    • tout l’héritage axiologique et également celui de l’hérédité. L’hérédité n’est pas une cause première, elle est conséquence de la vie en commun.

    • toute la propension naturelle de l’homme à la paresse, toute la servitude volontaire de l’homme. Les habitudes et la paresse sont la raison pour laquelle l’homme, dans sa singularité, se dilue jusqu’à dissolution complète dans la masse, dans le comportement normatif de la masse.

    • le goût pathologique pour le vrai savoir et l’obsession de la vérité et toutes les notions de l’idéalisme. Ce ne sont que « des chimères, plus exactement des mensonges, nés des mauvais instincts de natures maladives et foncièrement nuisibles -toutes les notions telles que « Dieu », « l’âme », « la vertu », « le pêché », « l’au-delà », « la vérité », « la vie étemelle »85.

    114Détruire tout cela c’est, définitivement, refuser toute soumission à l’instinct grégaire toujours renforcé par la société. C’est ouvrir et offrir, à la création, le champ des forces affirmatives.

    CREER : une sainte affirmation.

    115Nietzsche immoraliste mais pas amoraliste. La morale saine sera dominée par un instinct de vie86.

    116Les conditions de la création ne sont compréhensibles que si l’on garde en mémoire le premier des « Discours de Zarathoustra » qui fait suite aux dix paragraphes du prologue : « les trois métamorphoses ». Ce discours, Zarathoustra le prononce dans la ville qui s’appelle « la vache multicolore » (synonyme de petite ville de province – un trou – où règne le conformisme le plus conventionnel : un trou de culture chrétienne).

    117Que contient ce récit ? « Les trois métamorphoses de l’esprit : comment l’esprit devient chameau, comment le chameau devient lion, et comment enfin le lion devient enfant »87.

    118Que comprendre ? La mise en évidence d’un travail médical, dont la fin est thérapeutique, et qui ne peut s’opérer qu’en trois temps : 1/ Diagnostiquer les origines du mal ; 2/ Détruire les racines du mal ; 3/ Créer de nouvelles valeurs et de nouveaux principes d’évaluation. Chacun de ces temps se fait dans l’ordre indiqué : 1/ le chameau 2/ le lion 3/ l’enfant. Chacune des étapes est la condition de l’autre, elles sont interdépendantes.

    119Le chameau est un animal fait pour porter des charges de voyage avec un vrai portefaix. Sa force sert à cela et, plus il est fort, plus il est à même de porter. « L’esprit robuste charge sur lui tous les fardeaux présents » c’est à dire le poids des normes et des valeurs établies, les charges de la connaissance et des valeurs établies, les poids de l’éducation, de la culture et de la morale, le faix de l’altruisme et de la pusillanimité.

    120L’esprit robuste n’a donc pas peur de regarder les choses en face et la traversée du désert ne l’effraie pas, même si elle lui garantit la déréliction. Mais l’extrême solitude est nécessaire à la purification de la charge que représente le poids réel de l’hérédité. L’esprit robuste n’est pas paresseux. L’esprit robuste est fait pour cela, accepter la difficulté de l’épreuve, ne pas craindre les souffrances qui lui sont inhérentes. C’est en portant le fardeau de l’héritage axiologique, au lieu où il peut être d’abord assumé, puis compris, puis réfléchi et critiqué en fonction du dévoilement de sa généalogie,88 que sera possible la révélation évidente des origines89.

    121Au lion revient donc la tâche de briser les idoles nées de l’art de faire illusion, d’éradiquer le mensonge originel – le pia-fraus. C’est à lui que revient la tâche d’une critique de toutes les valeurs établies, critique au terme de laquelle il faudra jeter les fardeaux, après les avoir foulés au pied, et casser les statues. Car le lion veut être maître de son désert. Il ne veut plus servir, il ne veut plus obéir à un ordre de valeurs qui affadissent sa vie et entravent son bonheur d’exister. Il veut affirmer sa force et sa volonté de puissance. Ni Dieu pervers, ni maître haineux de la vie, telle est sa devise. Il lui faut tuer le grand dragon de l’impératif catégorique. Ayant détruit la soumission aux fondements erronés de la métaphysique des mœurs, le lion peut restaurer une volonté qui n’est plus esclave de la bonne volonté. La volonté n’obéit plus à des valeurs autres que celles qu’elle est capable de se donner. Son autonomie n’est plus celle de l’hypocrisie qui consiste à dissoudre le sujet derrière l’exigence d’universalité de la loi à laquelle il obéit. Je n’ai plus à agir en pensant que seule est nécessaire la conformité à la loi morale universelle. La formule originelle de l’impératif catégorique, « Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu ’elle devienne une loi universelle »90, n’est plus valable pour l’orgueil du Lion enfin sorti de sa torpeur. Le Lion reconquiert donc la force de sa nature. Le dragon qui condamne le « Je veux » n’est que le porte-parole du nihilisme et du ressentiment. Le Lion s’est rendu libre, entendez par-là il a purifié notre esprit des chaînes de l’habitude. Et l’habitude est, à l’origine, celle de notre impuissance, de notre passivité, caractérisées par l’acceptation des valeurs auxquelles nous nous soumettons, et dont nous jouons le jeu avec une fausse innocence, ou une feinte bonne conscience.

    122Finie l’hypocrisie, le lion fait de nous un enfant ou plus précisément un devenir enfant. Nous ne serons plus l’écaille du dragon, ni son souffle putride, ni sa tendance mortifère. La puissance du bien nous conduit au seuil de la liberté, d’une liberté qui n’est entravée par aucun chemin de valeurs préexistantes. S’achève ainsi la soumission à l’axiologie des devoirs porteuse de valeurs négatives de la vie.

    123Conquérir le droit de créer de nouvelles valeurs ne peut se faire que pour un esprit débarrassé de toute histoire et de tout critère normatif. La création doit avoir la possibilité de l’originalité. Elle ne doit plus être entravée par le fardeau des fausses origines : « l’enfant est innocence et oubli, un renouveau et un jeu, une roue qui roule d’elle -même, un premier mouvement, une sainte affirmation91 ». L’originalité de l’enfant c’est la possibilité de nouveaux commencements, d’origines innovantes, inédites, insolites, différentes. L’enfant c’est également l’enfance de la philosophie, la possibilité, pour le philosophe, de devenir législateur, d’affirmer son aptitude à créer de nouvelles valeurs et, ce faisant, de nouveaux principes d’évaluation.

    124Ces trois métamorphoses symbolisent aussi les étapes de la vie de Nietzsche, de son œuvre, voire même de sa santé car il n’y a pas de coupure radicale de l’une à l’autre. Il y a, en puissance, dans le chameau, le lion à venir, comme l’enfant est dans le lion et le tragique accepté de l’existence dans tous les trois. Au bout il y a l’amor fati : l’acceptation joyeuse du destin tragique des hommes.

    125Le stade ultime de l’enfant libérant ainsi l’homme du fardeau des valeurs absolues est atteint. Dès lors le philosophe législateur peut légiférer. Il s’agit pour Nietzsche de réussir là où les Grecs ont échoué, c’est à dire dans l’aptitude à se purifier de la mauvaise conscience que nous inculquent des philosophes moralistes et des chefs du troupeau. Accepter l’arbitraire de la nécessité qui nous fait élire, dans le désordre de l’Un-primordial, des valeurs toujours affirmées par la volonté de puissance, cette quatrième force des illusions les plus basses et les plus puissantes92.

    126L’homme à l’esprit libre croît comme l’arbre, en hauteur, mais aussi à l’intérieur et vers le bas, ses racines. L’homme libre est un guerrier affranchi de toutes les morales – sauf de la sienne – qui laisse parler en lui la pensée physiologique interne : celle du besoin instinctif d’exprimer sa force, de la mesurer, de devenir vigoureux, de dominer93. « L’instinct de liberté » n’est pas différent de la volonté de puissance. Mais il y a une volonté de puissance morbide c’est celle du christianisme, de l’adaptation réactive, de la conservation de soi. L’homme libre a des armes offensives, le nihiliste a des armes défensives. Le nihiliste ne conçoit la liberté que de façon négative comme absence de contrainte et d’entrave. L’homme libre ne craint pas la contrainte et la nécessité. Ce n’est pas la libération judéo-chrétienne qui peut épanouir l’esprit : il ne peut que l’asservir aux valeurs de l’hédonisme profondément ramolli par nos divers conservatismes nécessaires à nos survies. Mais vivre n’est pas survivre. En disciplinant ses pulsions, en surmontant sa maladie, on parvient à la maîtrise de soi. L’homme sympathique, c’est l’enfant qui triomphe. Ce n’est que rétrospectivement que l’on peut rendre compte de « comment on devient ce que l’on est », c’est à dire du processus de gestation pour lequel on ne saurait sauter d’étapes94.

    127Alors, arrivé au terme, on peut acquiescer au monde, dire oui au destin, et affirmer le joyeux tragique de notre singularité95. En effet, l’individu et le destin sont un, puisque la véritable liberté c’est l’accomplissement de la nécessité intérieure. Or, pour Nietzsche, la transvaluation et l’innovation de toutes les valeurs c’est cela son destin. L’intellectualisation de cette nécessité, loin d’aliéner la liberté, lui donne au contraire des ailes. Car, ainsi, l’on peut s’affranchir des strictes limites de l’individualisme pour prétendre à la fusion cosmique : « un tel esprit affranchi se dresse au centre de l’Univers avec un fatalisme joyeux et confiant, avec la certitude que seul l’individuel est condamnable et que tout sera délivré et approuvé dans la totalité – il ne dit plus non... »96

    EN GUISE DE CONCLUSION : L’originalité de Nietzsche.

    128Réévaluation de toutes les valeurs :

    • Partir de la vie : à l’origine la vie est volonté de puissance, il faut enfin affirmer la vie ascendante. Du coup, sont à réévaluer toutes les passions dites mauvaises, il faut les réévaluer dans l’optique de la vie et contre toutes les formes de tartuferies morales qui s’opposent à la nature et à la nécessité. Il faut donc admettre qu’il n’y a pas de volonté libre et que l’homme n’est pas responsable97. Il est nécessaire de réévaluer la cruauté et l’égoïsme98.

    • Abolir la théorie du phénomène. Cesser de penser dans la tradition kantienne que derrière le phénomène se tiendrait une mystérieuse réalité ensoi. Dorénavant le phénomène recouvre tout le champ du réel, il est « la réalité agissante et vivante elle-même »99. S’achève, ainsi, l’idée d’un spectacle offert au sujet passif de la représentation. Le sujet est rendu actif, car il a un texte à décrypter. Pour ce faire, il faut multiplier les approches et les surplombs sans quoi le sens s’échappe, faute de le dominer suffisamment. Le texte s’insère dans ce que Nietzsche appelle le « perspectivisme » : il témoigne d’une aptitude au surplomb qui permet la vision globale et herméneutique. « Le caractère interprétatif de tout ce qui advient. Il n’y a pas d’événement en soi. Ce qui advient c’est un groupe de phénomènes sélectionnés et rassemblés par un être qui interprète »100.

    • Redonner au corps sa valeur et sa dimension originelle de toute pensée. « Interroger directement le sujet sur le sujet et les reflets que l’esprit saisit de lui-même, ce procédé a ses dangers ; il se pourrait qu’il fût utile et important pour l’activité du sujet de donner une fausse interprétation de lui-même. C’est pourquoi nous nous adresserons au corps... »101

    • Il faut par ailleurs re-naturaliser l’homme et vanter « l’homme tropical »102.

    • Recréer une véritable justice : « "aux égaux, égalité, aux inégaux, inégalité" – tel serait le vrai langage de la justice, et, ce qui s’en suit nécessairement, ce serait de "ne jamais égaliser des inégalités" »103.

    • Nietzsche pousserait, dès lors, l’aptitude à créer des valeurs jusqu’aux limites d’une sorte de platonisme restauré, car le véritable pouvoir échoît à celui qui détermine les valeurs.

    • Le philosophe législateur vit à distance de l’agitation de la place publique. Il tente de restaurer le caractère naturel de l’obéissance et de la domination. Il tente de renforcer l’homme que le christianisme a affaibli et, pour cela, se pose la question du type d’homme que l’on doit élever : « quel type aura la plus grande valeur, sera le plus digne à vivre, le plus certain d’un avenir », comment réaliser « une espèce de surhomme » ?104 II faudra aller jusqu’au bout de telle sorte « qu’en l’homme, créature et créateur soient réunis »105.

    • Affranchir l’homme de toutes ses formes de valeur. Guérir la volonté malade cette mater saeva cupidinum...106 » et alors « il pourrait un jour y avoir des esprits libres de ce genre »107.

    • Le philosophe élève l’art à la dignité philosophique car l’art réhabilite le monde des apparences et de l’illusion dénigrée par la science et la morale, or la vie veut l’illusion.

    • Le philosophe artiste accède à la transfiguration et à la force du perspectivisme108.

    • La vie est acceptée en ce qu’elle est dépourvue de sens et d’essence, désubstantialisée et surtout déculpabilisée. On peut aimer ce monde-ci, tel qu’il est, à condition d’en aimer la nécessité, le devenir. Il n’y a ni but idéal, ni finalité globale du monde. « C’est nous qui avons inventé l’idée de ce "but" : dans la réalité, le but n’existe pas... On est nécessité, on est un fragment de fatalité, on relève du tout, – il n’existe rien qui puisse juger, mesurer, comparer, condamner notre être, car cela reviendrait à juger, mesurer, comparer, condamner le Tout... Or il n’y a rien en dehors du Tout ! »109

    • L’art sert à cela accepter et supporter le tragique c’est à dire « l’abîme sans fond de cruauté et de douleur de l’existence »110

    • Brisons donc la tyrannie de la faute et affirmons ce qui donne à la vie sa joie, l’activité méta-physiologique de l’artiste : l’art anoblit la réalité. « La vérité est laide : nous avons l’art afin que la réalité ne nous tue pas »111.

    • Le jeu et le rêve enfin réhabilités, notre savoir peut être gai, car l’artiste tragique n’est ni pessimiste, ni désenchanté. « L’artiste tragique n’est pas pessimiste, – il dit justement « oui » à tout ce qui est problématique et effroyable, il est démoniaque... »112 II accepte la nécessité de créer l’existence. C’est dans cette acceptation joyeuse de la vie qu’il est possible d’en enchanter le cours et, pour sublimer son absurdité, il nous reste le chant dithyrambique. En donateurs de sens, sur le pont de l’existence, nous avançons dans l’enthousiasme de la volonté de devenir supérieur à ce que nous avons pu être, jusqu’ici, dans l’humanisme frileux et sans probité du judéo-christianisme. « Nous qui méditons et sentons, nous sommes ceux qui font réellement et sans cesse quelque chose qui n’existe pas encore : tout ce monde toujours grandissant d’appréciations, de couleurs, d’évaluations, de perspectives, de degrés, d’affirmations et de négations. Ce poème inventé par nous est sans cesse appris, exercé, répété, traduit en chair et en réalité, oui même en vie quotidienne, par nos propres acteurs, ceux que l’on appelle les hommes pratiques. Tout ce qui a quelque valeur dans le monde actuel n’en a pas par soi-même, selon sa nature, – la nature est toujours sans valeur : – on lui a un jour donné et attribué une valeur, et c’est nous qui avons été les donateurs, les attributeurs ! C’est seulement nous qui avons créé le monde qui intéresse l’homme ! – Mais c’est précisément la notion qui nous manque, et si nous la saisissons un instant, aussitôt elle nous échappe l’instant d’après : nous méconnaissons notre meilleure force, et nous nous sous-estimons quelque peu, nous autres contemplatifs, – nous ne sommes ni aussi fiers, ni aussi heureux que nous pourrions l’être. »113

    129L’originalité de Nietzsche et de son écriture résident dans cette volonté tenace de questionner puissamment l’origine des valeurs, celles de nos modes et de nos modèles de vie, de les mettre en demeure jusqu’à ce que revienne, débarrassés de tous préjugés, l’envie de naître autrement à la vie, d’être à nouveau une force vive. La conscience la plus exigeante de sa tâche originale est de : « surmonter la métaphysique ». Pour ce faire, il fallait l’écrire et il fallait écrire. L’écrire pour la dominer, écrire pour la vaincre.

    130On ne peut « surmonter les philosophes, par l’annihilation du monde de l’être »114 Toute l’écriture de Nietzsche consiste à détruire la théorie de l’Idéal, avec cette double machine de guerre qu’est la critique d’exégèse et la critique généalogique. Face à la tradition et au système de raisons qu’elle déploie, le philosophe du « grand soupçon » renouvelle d’abord la question de la légitimité. Plus précisément il veut que nous nous demandions à quelle origine un système puise-t-il sa légitimité ? De quel type de vie est-il le bouclier et l’arme idéologique ? Et, prisonniers du système, à quels dogmes axiologiques nous soumettons-nous sans le moindre étonnement ? Car l’idéologie est à la fois défensive et agressive, négative et réactive. Elle est un ensemble de jugements de valeur qui conditionnent l’existence et condamnent, au mépris de la vie. Mais l’interprétation ne peut pas se réduire à un éclectisme de bon aloi.

    131Le réel ne se laisse jamais épuiser par aucune interprétation, ni dans notre aptitude à le lire, ni dans celle dont nous pouvons en rendre compte. Nous nous y abîmons sans fin puisque le réel est l’abîme par excellence, dans la mesure où l’être du phénomène n’est pas un fond substantiel, mais bien l’absence de fond. Et c’est pour donner du sens à cet abîme qu’arbitrairement nous pouvons décréter que : « L’essence la plus intime de l’être (Sein) est la volonté de puissance »115. La volonté de Nietzsche se tient là dans cette joyeuse aptitude. La puissance de Nietzsche est l’originalité de son écriture. Or cette originalité n’aurait pu voir le jour sans cette quête herméneutique de l’origine.

    132La philosophie nouvelle, antiplatonicienne, commence par une « généalogie », progresse par un « philosopher avec le marteau », et s’installe dans l’inachèvement que permet le soupçon toujours renouvelé116. La généalogie permet de décrypter tous nos jugements, nos croyances, nos valeurs, nos « idéologies », comme des « symptômes » artificieux qui, sans innocence aucune, dissimulent une réalité inconsciente et, le plus souvent, inavouable117. Nietzsche est à la fois l’ermite (sa vie est toute de solitude) et le philosophe118. « Toute philosophie dissimule aussi une philosophie, toute opinion est aussi une cachette, toute parole aussi un masque. »119 Descartes disait « larvatus prodeo ». Nietzsche aussi avance masqué mais avec le masque tragique et joyeux de Dionysos. La pensée toujours suspicieuse, se tourne vers les hauteurs qui surplombent les surfaces et vers les tréfonds qui surpassent les grands fonds. Derrière chaque déclaration d’intention, il y a à débusquer des partis pris et une histoire secrète qui reflètent, eux-mêmes, certains états vitaux de la condition humaine.

    133NT : La Naissance de la tragédie.

    134CIN : Considérations inactuelles.

    135HH : Humain, trop humain.

    136HHI : Humain, trop humain I.

    137HH II, OSM : Humain, trop humain II, Opinions et sentences mêlées.

    138HH II, VO : Humain, trop humain II, Le Voyageur et son ombre.

    139A : Aurore.

    140GS : Le Gai Savoir.

    141APZ : Ainsi parlait Zarathoustra.

    142PBM : Par-delà bien et mal.

    143GM : La Généalogie de la morale.

    144CW : Le Cas Wagner.

    145GDI : Crépuscule des idoles.

    146AC : L’Antéchrist.

    147EH : Ecce Homo.

    148NW : Nietzsche contre Wagner.

    149DD : Dithyrambes de Dionysos.

    Bibliographie

    Bibliographie

    Œuvres de Nietzsche

    Correspondance et écrits philologiques

    – Correspondance, en 2 tomes (de juin 1850 à déco 1874), Gallimard, 1986

    – Lettres à Peter Gast, trad. Louise Servicen, Christian Bourgeois, 1981 – Dernières lettres. Rivages, 1989.

    – Le Service divin des Grecs, L’Herne, 1990.

    – Introduction aux leçons sur l’Œdipe-Roi de Sophocle/Introduction aux études de philologie classique. Encre marine, 1994.

    – Les Philosophes pré platoniciens, L’Éclat, 1990.

    – Introduction à la lecture des dialogues de Platon, L’Éclat, 1998.

    Œuvres philosophiques

    – Œuvres, Bouquins, Robert Laffont, 1993 (T. 1 : La Naissance de la tragédie, Considérations inactuelles. Humain trop humain I et II, Aurore ; T. 2 : Le Gai Savoir, Ainsi parlait Zarathoustra, Par-delà le bien et le mal, La généalogie de la morale. Le cas Wagner, Le Crépuscule des Idoles, L’Antéchrist, Ecce Homo, Nietzsche contre Wagner, Dithyrambes de Dionysos).

    – Œuvres philosophiques complètes, Gallimard, 1968-1997, 18 volumes, dont 6 de Fragments posthumes. Il s’agit de l’édition de référence, établie sur la base des manuscrits par Giorgio Colli et Mazzino Montinari et respectant scrupuleusement l’ordre chronologique des textes.

    – Œuvres, tome 1, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 2000. Cette édition, prévue en trois volumes, reprend l’édition Colli-Montinari en y ajoutant quelques écrits philologiques et, surtout, des notices explicatives et de notes philosophiques. Elle ne comporte pas les Fragments posthumes.

    – Ainsi parlait Zarathoustra, trad. Georges-Arthur Goldschmidt, coll. « Le Livre de Poche », LGF, 1972 ; trad. Maurice Betz, 1963. Pour ce texte très particulier, on privilégiera une de ces deux traductions, plus sobres que celle de Maurice de Gandillac dans l’édition de référence.

    Il faut également signaler les éditions suivantes en format de poche, qui ont le mérite de comporter des présentations et des commentaires historiques et philosophiques :

    – Le livre du philosophe, traduction de Angèle Kremer-Marietti, Paris, coll. « GF », Flammarion, 1991.

    – Ecce Homo, Nietzsche contre Wagner et L’Antéchrist, trad., introduction et notes par É. Blondel, coll. « GF », Flammarion, 1992 et 1994.

    – Généalogie de la morale, introduction et notes par P. Choulet, coll. « GF », Flammarion, 1996.

    – Le livre du philosophe, traduction de Angèle Kremer-Marietti, Paris, coll. « GF », Flammarion, 1991.

    – Le Gai Savoir et Par-delà bien et mal, trad., introduction et notes par P. Wotling, coll. « GF », Flammarion, 1997 et 2000.

    – Eléments pour la Généalogie de la morale, trad., introduction et notes par P. Wotling, coll. « Le Livre de Poche », LGF, 2000.

    Notes de bas de page

    1  Gilles Deleuze, Nietzsche et la philosophie, Paris, PUF, 1962. Voir en particulier chap. II « Ambivalence du sens et des valeurs ».

    2  Cette intervention s’est faite dans le cadre d’un séminaire de DEA portant sur les mythes de l’origine dans le cadre du colloque du LAPRIL (Laboratoire pluridisciplinaire de recherches sur l’imaginaire appliquées à la littérature) de l’Université Michel de Montaigne Bordeaux III.

    3  « Qu’est-ce en effet que la Poétique, ou plutôt la Poïétique ? On va vous le dire. C’est tout ce qui a trait à la création d’ouvrages dont le langage est à la fois la substance et le moyen. Cela comprend, d’une part, l’étude de l’invention et de la composition, le rôle du hasard, celui de la réflexion, de l’imitation ; celui de la culture et du milieu ; d’autre part, l’examen et l’analyse des techniques, procédés, instruments, matériaux, moyens et supports d’action. » Valéry cité par J. Pommier in J. Pommier, Paul Valéry et la création littéraire.

    4  « Et comment l’homme viendra-t-il à bout de se voir tel que l’a formé la Nature, à travers tous les changements que la succession des temps et des choses a dû produire dans sa constitution originelle, et de démêler ce qu’il tient de son propre fond d’avec ce que les circonstances et ses progrès ont ajouté ou changé à son état primitif ? » J.-J. Rousseau, Discours sur l’Origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, (1754), Ed. G-F, 1971, pp.145.

    5  Cf. Platon République X, 611 e-d.

    6  La philosophie à l’époque tragique des Grecs § 1.

    7  FP, XVI, 57.

    8  cf. Larousse : 1. Étude d’une langue ou d’une famille de langues, fondée sur l’analyse critique des textes.
    2. Établissement ou étude critique de textes par la comparaison systématique des manuscrits ou des éditions, par l’histoire.

    9  EH, « Pourquoi je suis un destin », § 4 et 5.

    10  « Les divers concepts philosophiques ne présentent rien d’arbitraire, ils n’ont pas une croissance autonome, mais se développent apparentés les uns aux autres et en relations réciproques. Ils ont beau en apparence surgir soudainement et arbitrairement dans l’histoire des idées, ils n’en font pas moins partie d’un système, au même titre que toutes les espèces de la faune d’un continent. Rien ne le vérifie mieux en fin de compte que la machinale sûreté avec laquelle les philosophes les plus divers viennent, tour à tour, occuper leur place sur un schéma préalable de philosophies possibles. Une invisible magie les contraint à parcourir inlassablement le même circuit ; si indépendants qu’ils se croient les uns des autres dans leur volonté critique ou systématique, quelque chose en eux les conduit, les pousse dans un ordre déterminé, précisément la parenté innée des concepts et leur caractère systématique. La pensée qu’ils représentent est en fait beaucoup moins une découverte qu’une reconnaissance, une réminiscence, un retour à un lointain et très antique foyer de l’âme, qu’ils avaient quitté. Philosopher est dans cette mesure une sorte d’atavisme, de l’ordre le plus élevé. L’étrange air de famille qu’ont entre elles les philosophies hindoues, grecques, allemandes, s’explique très simplement. Dès qu’il y a parenté linguistique, il est inévitable qu’en vertu de la communauté philosophique des grammaires – les mêmes fonctions grammaticales exerçant dans l’inconscient leur empire et leur direction – tout soit d’emblée préparé pour une évolution et une succession analogues des systèmes philosophiques, de même qu’inversement la voie semble coupée à certaines autres possibilités d’interprétation du monde. Selon toute vraisemblance, des philosophes du domaine linguistique ouraloaltaïque (où la notion de sujet semble particulièrement atrophiée) regarderont le monde autrement et fréquenteront d’autres sentiers que des indo-européens ou des musulmans : la puissance magique qu’exercent des fonctions grammaticales données est en dernier ressort celle d’estimations physiologiques et de particularités raciales. – Cela dit pour remettre à leur place les assertions superficielles de Locke sur l’origine des idées. » PBM, P1, § 20, in Bouquins, Robert Laffont, 1993, t. II, p. 575-576.

    11  Id.

    12  GS, « Illusion des contemplatifs » in Bouquins, Robert Laffont, 1993, t. II, § 301.

    13  Les concepts de fortune et de virtù (traduction vertu ou vaillance) sont à la base de la réflexion de Machiavel. La fortune c’est le hasard, les circonstances et la matière qui résiste à l’homme politique. Devant la fortune l’homme est impuissant s’il n’utilise, au bon moment, le bon moyen : l’occasion propice à l’initiative audacieuse. La fortune appelle donc la virtù. En effet, Machiavel n’est pas un fataliste, au contraire, pour lui la fortune n’est pas un destin et le libre arbitre et la volonté des hommes peuvent combattre la fortune par la virtù (vertu étant un mot trop connoté de valeur morale). Bien sûr la virtù suppose des qualités morales comme le courage, la ténacité, la fermeté, mais elle signifie bien davantage l’aptitude à répondre fermement et efficacement aux aléas de la fortune. C’est l’art de choisir les moyens en fonction de la fortune et de dominer ainsi les circonstances. La virtù c’est le « génie politique » cette lucidité dont disposent les bons Princes lorsqu’ils savent se servir des circonstances s’y adapter les utiliser et imposer leur loi.

    14  Nous ne prétendons pas procéder à une « titrologie » exhaustive mais nous sommes sûrs qu’elle mériterait d’être faite.

    15  Cf. Nietzsche, Le livre du philosophe, traduction de Angèle Kremer-Marietti, Paris, coll. « GF », Flammarion, 1991.

    16  « Car Voltaire, par opposition à tout ce qui a écrit après, est un grand seigneur de l’esprit : exactement ce que je suis moi aussi. – Le nom de Voltaire sur un écrit de moi – c’était vraiment un progrès – vers moi... Si l’on y regarde de plus près, on découvre un esprit impitoyable, qui connaît tous les recoins où l’Idéal se sent chez lui, – où il possède ses oubliettes et, pour ainsi dire, son refuge ultime. Une torche à la main, qui ne donne nullement la « lumière vacillante » d’une torche, on illumine d’une clarté incisive ce souterrain de l’Idéal. C’est la guerre, mais la guerre sans poudre ni fumée, sans poses martiales, sans pathos ni membres démis – tout cela ne serait encore qu’« idéalisme ». L’une après l’autre, les erreurs sont tranquillement posées sur la glace, l’Idéal n’est pas réfuté – il gèle... Ici gèle, par exemple, « le génie » ; un coin plus loin, c’est « le saint » ; sous une épaisse bonde de glace, voilà que gèle « le héros » ; au bout du compte, ce qui gèle, c’est « la foi », la prétendue « conviction », et même la « pitié » se refroidit sensiblement – presque partout gèle « la Chose en soi »... » EH, « Pourquoi j’écris de si bons livres », § 1 « Humain, trop humain » traduction Eric Blondel, GF, 1992, p. 113.

    17  « Toute action exige l’oubli, comme tout organisme a besoin, non seulement de lumière, mais encore l’obscurité. Un homme qui voudrait ne sentir les choses que d’une façon purement ressemblerait à quelqu’un que l’on aurait forcé de priver de sommeil, ou bien à un animal qui serait condamné à ruminer sans cesse les mêmes aliments. Il est donc possible de vivre presque sans souvenir, de vivre même heureux comme le montre l’exemple de l’animal, mais il est absolument impossible de vivre sans oublier. Si je devais m’expliquer d’une façon plus simple encore, je dirais : il y a un degré d’insomnie, de rumination, de sens historique, qui nuit à l’être vivant et finit par l’anéantir, qu’il s’agisse d’un individu, d’un peuple ou d’une civilisation. » CIN, Livre premier, § 1, trad. Henri Albert révisée par Jacques Le Rider, in Bouquins, Robert Laffont, 1993, p. 220-221.

    18  EH, « Pourquoi j’écris de si bons livres », § 2.

    19  Id., « Pourquoi je suis une fatalité », § 3.

    20  Le philosophe en tant que frein de la roue du temps. C’est aux époques de grand péril qu’apparaissent les philosophes – au moment où la roue tourne de plus en plus vite – eux et l’art prennent la place du mythe disparaissant LP, § 24-27-30, p. 42-44.

    21  EH, « Pourquoi j’écris de si bons livres », § « Généalogie de la morale – Pamphlet ».

    22  Gilles Deleuze, op. cit., p. 61.

    23  CIN, « De l’utilité et de l’inconvénient de l’histoire pour la vie », § 8, p. 259.

    24  id., p. 261.

    25  ibid., p. 264.

    26  op. cit., p. 265.

    27  APZ, 1er partie § 4.

    28  id.

    29  ibid.

    30  Nietzsche fait un labeur considérable sur les auteurs grecs et sur les problèmes d’authenticité et de filiation de leurs œuvres.

    31  En particulier Le monde comme représentation et comme volonté mais aussi sans doute chap. XXIV des Parerga et Parapolimena, intitulé La lecture et les livres dans la traduction due à Auguste Dietrich, et « L’art de ne pas lire » aux éditions Distance, 1992.

    32  HHI, § 1, 1 et 2.

    33  Darwin... ce qui n’empêche pas Nietzsche d’être sceptique et critique à l’égard du Darwinisme cf. note 38.

    34  HHII, VO, 2ème partie § 3 « au commencement était ».

    35  A, L1, §1.

    36  A, L1, § 44.

    37  id, § 3-7.

    38  GS, § 345. Voir aussi l’« Anti-Darwin » texte des Fragments posthumes in Volonté de puissance dans lequel Nietzsche explique qu’on a « toujours à défendre les forts contre les faibles » car ce sont les faibles qui l’emportent par la puissance de négation et le pouvoir de leurs idéaux foncièrement grégaires...

    39  APZ, III § 25.

    40  PBM 2ème partie §32.

    41  Le livre du Philosophe, LI § 18.

    42  id. § 27.

    43  ibid. § 38.

    44  Op. cit. LII § 175.

    45  « Tout mot devient immédiatement concept par le fait qu’il ne doit pas servir justement pour l’expérience originale, unique, absolument individualisée, à laquelle il doit sa naissance, c’est-à-dire comme souvenir, mais qu’il doit servir en même temps pour des expériences innombrables, plus ou moins analogues, c’est-à-dire, à strictement parler, jamais identiques et ne doit donc convenir qu’à des cas différents. Tout concept naît de l’identification du non-identique. » Op. cit. LIII, p. 122.

    46  « Qu’est-ce donc que la vérité ? Une multitude mouvante de métaphores, de métonymies, d’anthropomorphismes, bref, une somme de relations humaines qui ont été poétiquement et rhétoriquement haussées, transposées, ornées, et qui, après un long usage, semblent à un peuple fermes, canoniales et contraignantes : les vérités sont des illusions dont on a oublié qu’elles le sont, des métaphores qui ont été usées et qui ont perdu leur force sensible, des pièces de monnaie qui ont perdu leur empreinte et qui entrent dès lors en considération, non plus comme pièces de monnaie, mais comme métal. » Op. cit. p. 123.

    47  GS, L. V, § 354 intitulé « Du "génie de l’espèce”. ».

    48  GS, A-P. 2ème Edition, § 2.

    49  AC § 47.

    50  A § 134.

    51  Mélancolie dépressive du moine ascétique. Cf. HH I, A-P, § 2.

    52  GS AP § 3.

    53  NW § 2.

    54  GS § 3.

    55  PBM § 205.

    56  OSM § 128 « contre les myopes ».

    57  EH, Pourquoi je suis si malin, §2.

    58  GS, AP 2eme édition, § 4.

    59  GDI, « Les quatre grandes erreurs », § 7.

    60  AC, §52, p. 1088.

    61  Suspension du jugement, attitude sceptique.

    62  AC, §52, p. 1088.

    63  « Sans compter que je suis un décadent, je suis aussi le contraire d’un décadent. » EH « pourquoi je suis si sage » § 2.

    64  Lecteur attentif de Schopenhauer c’est dans son œuvre qu’il a puisé cette exigence : « Pour lire le bon, il y a une condition : c’est de ne pas lire le mauvais. Car la vie est courte, et le temps et les forces sont limités.
    On ne peut jamais lire trop peu de mauvaises choses, et jamais assez ce qui est bon. Les mauvais livres sont un poison intellectuel ; ils détruisent l’esprit Parce que les gens, au lieu de lire ce qu’il y a de meilleur dans toutes les époques, ne lisent que les dernières nouveautés, les écrivains restent dans le cercle étroit des idées en circulation, et l’époque s’embourbe toujours plus profondément dans sa propre fange.
    On écrit des livres sur tel ou tel grand esprit de l’antiquité, et le public les lit ; mais il ne lit pas le grand homme lui-même. Il ne veut lire que ce qui est fraîchement imprimé, parce que similis simili gaudet, et que l’aride et fade bavardage d’un plat écrivain de nos jours lui est plus approprié et plus agréable que les pensées du grand esprit. Pour ma part, je remercie le destin de m’avoir fait connaître, dès ma jeunesse, cette belle recommandation d’Auguste-Wilhelm Schlegel, qui a été depuis mon étoile polaire :
    Lisez attentivement les anciens, les véritables anciens : Ce que les modernes en disent ne signifie pas grand’ chose.
    (...) Il y a en tout temps deux littératures, qui marchent d’une façon assez indépendante l’une à côté de l’autre : une littérature réelle et une littérature purement apparente. La première se développe en littérature durable. Cultivée par des gens qui vivent pour la science ou pour la poésie, elle va d’un pas sérieux et tranquille, mais excessivement lent ; elle produit par siècle, en Europe, à peine une douzaine d’œuvres, mais qui restent. L’autre, cultivée par des gens qui vivent de la science ou de la poésie, va au galop, à travers le bruit et les cris de ceux qui la pratiquent, et débite chaque année des milliers d’œuvres sur le marché. Mais, au bout de quelques années, on demande : Où sont-elles ? Qu’est devenue leur renommée si rapide et si bruyante ? Aussi peut-on qualifier cette dernière littérature de passagère, et l’autre de permanente. » Arthur Schopenhauer, extraits de « L’art de ne pas lire », chap. XXIV des Parerga et Parapolimena, intitulé dans la traduction due à Auguste Dietrich, La lecture et les livres. Distance, 1992.

    65  « Nous ne sommes pas libres, nous autres philosophes, de séparer le corps de l’âme, comme le fait le peuple, et nous sommes moins libres encore de séparer l’âme de l’esprit. Nous ne sommes pas des grenouilles pensantes, nous ne sommes pas des appareils objectifs et enregistreurs avec des entrailles de réfrigération – (...). » GS, Avant-Propos, 2ème id § 3.

    66  Id § 4.

    67  Feuerbach, Contre le dualisme du corps et de l’âme, de la chair et de l’esprit, trad. C. Mercier, Pocket, Coll. Agora, 1997, p. 178.

    68  CDI « ceux qui veulent « améliorer » l’humanité » § 1.

    69  Id § 4.

    70  CDI, La morale contre nature » § 6.

    71  PBM § 229.

    72  AC § 58.

    73  NT chap. 24.

    74  CI, III § 3.

    75  HHII, § 12.

    76  GS. § 109.

    77  Vérité et mensonge au sens extra moral, § 1, trad. Michel Haar et Marc B de Launay, in Ecrits posthumes (1870- 1873), Œuvres philosophiques complètes, tome I vol. 2 Gallimard, 1975, pp. 282-284.

    78  V.P tome 1, p 269. NRF.

    79  Pieux mensonges DDI « ceux qui veulent rendre l’humanité meilleure » § 5.

    80  En français dans le texte.

    81  EH, « pourquoi je suis un destin » § 7.

    82  « Le christianisme a pris parti pour tout ce qui est faible, bas, manqué, il a fait un idéal de l’opposition envers les instincts de conservation de la vie forte, il a gâté même la raison des natures les plus intellectuellement fortes en enseignant que les valeurs supérieures de l’esprit ne sont que péchés, égarements et tentations. Le plus lamentable exemple, c’est la corruption de Pascal qui croyait à la corruption de sa raison par le péché originel, tandis qu’elle n’était corrompue que par son christianisme ! » AC, § 2-5, trad. Henri Albert révisée par Jean Lacoste, in Bouquins, Robert Laffont, 1993, t. II, p. 1042-1043.

    83  Cf. Irresponsabilité et innocence HHI § 107.

    84  La joute chez Homère in Ecrits posthumes.

    85  EH, « pourquoi je suis si intelligent », § 10.

    86  CDI, « La morale comme contre-nature » § 4-6.

    87  APZ, « Les discours de Zarathoustra »« les trois métamorphoses ».

    88  PBM, § 264 : « Il est absolument impossible qu’un homme ne porte pas dans son corps les qualités et les préférences de ses parents et de ses aïeux : même quand les apparences semblent prouver le contraire. C’est là le problème de la race ». (...)

    89  id. « et que veulent-elles d’autre aujourd’hui, l’éducation et la culture ! A notre époque très populaire, je veux dire plébéienne, « l’éducation » et la « culture doivent être essentiellement l’art de faire illusion, -de dissimuler son origine, la plèbe dont on a hérité dans son corps et dans son âme ».

    90  Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, Delagrave, p. 136.

    91  APZ, id.

    92  Cf. le §18 de la Naissance de la tragédie : illusion socratique (par la connaissance) artistique (par le voile de la beauté) et tragique (par la consolation métaphysique de la croyance en une vie étemelle).

    93  Cf. CDI, « Raids d’un inactuel » § 38 et 41.

    94  Lire à cet effet les belles pages sur l’œuvre et le génie in Humain, trop humain I, « De l’âme des artistes et des écrivains » § 162 -165.

    95  Cf. EH, « Pourquoi je suis un destin ».

    96  CDI, « raids d’un inactuel », § 49, § 103 « l’innocence de la méchanceté ».

    97  cf. § 107 de HHI, « irresponsabilité et innocence ».

    98  cit. « voir souffrir fait du bien, faire souffrir plus de bien encore – (...) » GM, II, 6.

    99  FP, V, 88.

    100  Id., XIII, 64.

    101  Id., XVI, 18.

    102  PBM, § 197.

    103  CDI, « Raids d’un inactuel », § 48.

    104  A, § 3 et 4.

    105  PBM, § 225.

    106  Horace, Odes, I, XIX, V 1 : « Mère cruelle des désirs ».

    107  HHI, Avant propos, § 2.

    108  cf. PBM, « Des préjugés des philosophes » § 10.

    109  CDI, « Les quatre erreurs », § 8.

    110  NT, chap. 19voir aussi NT chap. 24.

    111  FP, XIV, 16 [40].

    112  CDI, « La raison dans la philosophie » § 6.

    113  GS, § 301.

    114  FP, XVI, 85.

    115  Id, XVI, 156. Voir aussi « Que le représenter n’est rien qui repose sur soi, rien d’immuable, identique à soi-même : donc l’être, le seul qui nous soit garanti, est changeant, non identique à lui-même, tout relatif » in FP, XII, 22.

    116  Un philosophe : c’est un homme qui constamment vit, voit, entend, soupçonne, espère, rêve des choses extraordinaires ; qui est frappé, comme de l’extérieur, d’en haut et d’en bas, par ses propres pensées, son genre à lui d’événements et de coups de foudre ; lui-même est peut-être un orage, portant en son sein la foudre ; un homme fatal, toujours environné de grondements, de sourds roulements de tonnerre, d’abîmes béants et de sinistres présages. Un philosophe : hélas, c’est un être qui souvent se fausse compagnie à toutes jambes, qui a souvent peur de soi – trop curieux cependant pour ne pas, chaque fois, « revenir à lui ». & 292, PBM, « Qu ’est-ce qui est noble ? »

    117  « L’homme, cet animal complexe, menteur, artificiel et impénétrable, que sa ruse et son astuce, plus que sa force, rendent redoutable aux autres animaux, a inventé la bonne conscience pour jouir enfin de son âme comme d’une chose simple ; et toute la morale est une longue et intrépide falsification sans laquelle il serait impossible d’éprouver aucune jouissance au spectacle de l’âme. Considérées sous cet angle, il y a peut-être beaucoup plus de choses qui relèvent de l’« art » qu’on ne le croit communément. » & 291, PBM, « Qu ’est-ce qui est noble ? »

    118  « L’ermite ne croit pas qu’un philosophe à supposer qu’un philosophe ait toujours été d’abord un ermite – ait jamais exprimé dans ses livres ses opinions véritables et définitives. N’écrit-on pas justement des livres pour dissimuler ce que l’on cache en soi ? Il doute même qu’un philosophe puisse avoir des opinions "véritables et définitives" ; il se demande s’il n’y a pas en lui nécessairement, derrière chaque caverne, une caverne encore plus profonde – si au-dessus d’une surface il n’y a pas un monde plus vaste, plus étranger, plus riche, si derrière chaque fond, et sous chaque "fondement" il n’y a pas un tréfonds. Toute philosophie est une philosophie de façade – tel est le jugement de l’ermite ; "il y a quelque chose d’arbitraire, dira-t-il, dans le fait qu’il se soit arrêté ici, qu’il ait regardé en arrière et autour de lui, qu’il ait ici jeté sa bêche au lieu de creuser plus profond – et il y a aussi dans ce fait une part de méfiance". » & 289, PBM., « Qu ’est-ce qui est noble ? »

    119  Id.

    Auteur

    Gérard Fronty

    Université de Bordeaux 3

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    1  Gilles Deleuze, Nietzsche et la philosophie, Paris, PUF, 1962. Voir en particulier chap. II « Ambivalence du sens et des valeurs ».

    2  Cette intervention s’est faite dans le cadre d’un séminaire de DEA portant sur les mythes de l’origine dans le cadre du colloque du LAPRIL (Laboratoire pluridisciplinaire de recherches sur l’imaginaire appliquées à la littérature) de l’Université Michel de Montaigne Bordeaux III.

    3  « Qu’est-ce en effet que la Poétique, ou plutôt la Poïétique ? On va vous le dire. C’est tout ce qui a trait à la création d’ouvrages dont le langage est à la fois la substance et le moyen. Cela comprend, d’une part, l’étude de l’invention et de la composition, le rôle du hasard, celui de la réflexion, de l’imitation ; celui de la culture et du milieu ; d’autre part, l’examen et l’analyse des techniques, procédés, instruments, matériaux, moyens et supports d’action. » Valéry cité par J. Pommier in J. Pommier, Paul Valéry et la création littéraire.

    4  « Et comment l’homme viendra-t-il à bout de se voir tel que l’a formé la Nature, à travers tous les changements que la succession des temps et des choses a dû produire dans sa constitution originelle, et de démêler ce qu’il tient de son propre fond d’avec ce que les circonstances et ses progrès ont ajouté ou changé à son état primitif ? » J.-J. Rousseau, Discours sur l’Origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, (1754), Ed. G-F, 1971, pp.145.

    5  Cf. Platon République X, 611 e-d.

    6  La philosophie à l’époque tragique des Grecs § 1.

    7  FP, XVI, 57.

    8  cf. Larousse : 1. Étude d’une langue ou d’une famille de langues, fondée sur l’analyse critique des textes.
    2. Établissement ou étude critique de textes par la comparaison systématique des manuscrits ou des éditions, par l’histoire.

    9  EH, « Pourquoi je suis un destin », § 4 et 5.

    10  « Les divers concepts philosophiques ne présentent rien d’arbitraire, ils n’ont pas une croissance autonome, mais se développent apparentés les uns aux autres et en relations réciproques. Ils ont beau en apparence surgir soudainement et arbitrairement dans l’histoire des idées, ils n’en font pas moins partie d’un système, au même titre que toutes les espèces de la faune d’un continent. Rien ne le vérifie mieux en fin de compte que la machinale sûreté avec laquelle les philosophes les plus divers viennent, tour à tour, occuper leur place sur un schéma préalable de philosophies possibles. Une invisible magie les contraint à parcourir inlassablement le même circuit ; si indépendants qu’ils se croient les uns des autres dans leur volonté critique ou systématique, quelque chose en eux les conduit, les pousse dans un ordre déterminé, précisément la parenté innée des concepts et leur caractère systématique. La pensée qu’ils représentent est en fait beaucoup moins une découverte qu’une reconnaissance, une réminiscence, un retour à un lointain et très antique foyer de l’âme, qu’ils avaient quitté. Philosopher est dans cette mesure une sorte d’atavisme, de l’ordre le plus élevé. L’étrange air de famille qu’ont entre elles les philosophies hindoues, grecques, allemandes, s’explique très simplement. Dès qu’il y a parenté linguistique, il est inévitable qu’en vertu de la communauté philosophique des grammaires – les mêmes fonctions grammaticales exerçant dans l’inconscient leur empire et leur direction – tout soit d’emblée préparé pour une évolution et une succession analogues des systèmes philosophiques, de même qu’inversement la voie semble coupée à certaines autres possibilités d’interprétation du monde. Selon toute vraisemblance, des philosophes du domaine linguistique ouraloaltaïque (où la notion de sujet semble particulièrement atrophiée) regarderont le monde autrement et fréquenteront d’autres sentiers que des indo-européens ou des musulmans : la puissance magique qu’exercent des fonctions grammaticales données est en dernier ressort celle d’estimations physiologiques et de particularités raciales. – Cela dit pour remettre à leur place les assertions superficielles de Locke sur l’origine des idées. » PBM, P1, § 20, in Bouquins, Robert Laffont, 1993, t. II, p. 575-576.

    11  Id.

    12  GS, « Illusion des contemplatifs » in Bouquins, Robert Laffont, 1993, t. II, § 301.

    13  Les concepts de fortune et de virtù (traduction vertu ou vaillance) sont à la base de la réflexion de Machiavel. La fortune c’est le hasard, les circonstances et la matière qui résiste à l’homme politique. Devant la fortune l’homme est impuissant s’il n’utilise, au bon moment, le bon moyen : l’occasion propice à l’initiative audacieuse. La fortune appelle donc la virtù. En effet, Machiavel n’est pas un fataliste, au contraire, pour lui la fortune n’est pas un destin et le libre arbitre et la volonté des hommes peuvent combattre la fortune par la virtù (vertu étant un mot trop connoté de valeur morale). Bien sûr la virtù suppose des qualités morales comme le courage, la ténacité, la fermeté, mais elle signifie bien davantage l’aptitude à répondre fermement et efficacement aux aléas de la fortune. C’est l’art de choisir les moyens en fonction de la fortune et de dominer ainsi les circonstances. La virtù c’est le « génie politique » cette lucidité dont disposent les bons Princes lorsqu’ils savent se servir des circonstances s’y adapter les utiliser et imposer leur loi.

    14  Nous ne prétendons pas procéder à une « titrologie » exhaustive mais nous sommes sûrs qu’elle mériterait d’être faite.

    15  Cf. Nietzsche, Le livre du philosophe, traduction de Angèle Kremer-Marietti, Paris, coll. « GF », Flammarion, 1991.

    16  « Car Voltaire, par opposition à tout ce qui a écrit après, est un grand seigneur de l’esprit : exactement ce que je suis moi aussi. – Le nom de Voltaire sur un écrit de moi – c’était vraiment un progrès – vers moi... Si l’on y regarde de plus près, on découvre un esprit impitoyable, qui connaît tous les recoins où l’Idéal se sent chez lui, – où il possède ses oubliettes et, pour ainsi dire, son refuge ultime. Une torche à la main, qui ne donne nullement la « lumière vacillante » d’une torche, on illumine d’une clarté incisive ce souterrain de l’Idéal. C’est la guerre, mais la guerre sans poudre ni fumée, sans poses martiales, sans pathos ni membres démis – tout cela ne serait encore qu’« idéalisme ». L’une après l’autre, les erreurs sont tranquillement posées sur la glace, l’Idéal n’est pas réfuté – il gèle... Ici gèle, par exemple, « le génie » ; un coin plus loin, c’est « le saint » ; sous une épaisse bonde de glace, voilà que gèle « le héros » ; au bout du compte, ce qui gèle, c’est « la foi », la prétendue « conviction », et même la « pitié » se refroidit sensiblement – presque partout gèle « la Chose en soi »... » EH, « Pourquoi j’écris de si bons livres », § 1 « Humain, trop humain » traduction Eric Blondel, GF, 1992, p. 113.

    17  « Toute action exige l’oubli, comme tout organisme a besoin, non seulement de lumière, mais encore l’obscurité. Un homme qui voudrait ne sentir les choses que d’une façon purement ressemblerait à quelqu’un que l’on aurait forcé de priver de sommeil, ou bien à un animal qui serait condamné à ruminer sans cesse les mêmes aliments. Il est donc possible de vivre presque sans souvenir, de vivre même heureux comme le montre l’exemple de l’animal, mais il est absolument impossible de vivre sans oublier. Si je devais m’expliquer d’une façon plus simple encore, je dirais : il y a un degré d’insomnie, de rumination, de sens historique, qui nuit à l’être vivant et finit par l’anéantir, qu’il s’agisse d’un individu, d’un peuple ou d’une civilisation. » CIN, Livre premier, § 1, trad. Henri Albert révisée par Jacques Le Rider, in Bouquins, Robert Laffont, 1993, p. 220-221.

    18  EH, « Pourquoi j’écris de si bons livres », § 2.

    19  Id., « Pourquoi je suis une fatalité », § 3.

    20  Le philosophe en tant que frein de la roue du temps. C’est aux époques de grand péril qu’apparaissent les philosophes – au moment où la roue tourne de plus en plus vite – eux et l’art prennent la place du mythe disparaissant LP, § 24-27-30, p. 42-44.

    21  EH, « Pourquoi j’écris de si bons livres », § « Généalogie de la morale – Pamphlet ».

    22  Gilles Deleuze, op. cit., p. 61.

    23  CIN, « De l’utilité et de l’inconvénient de l’histoire pour la vie », § 8, p. 259.

    24  id., p. 261.

    25  ibid., p. 264.

    26  op. cit., p. 265.

    27  APZ, 1er partie § 4.

    28  id.

    29  ibid.

    30  Nietzsche fait un labeur considérable sur les auteurs grecs et sur les problèmes d’authenticité et de filiation de leurs œuvres.

    31  En particulier Le monde comme représentation et comme volonté mais aussi sans doute chap. XXIV des Parerga et Parapolimena, intitulé La lecture et les livres dans la traduction due à Auguste Dietrich, et « L’art de ne pas lire » aux éditions Distance, 1992.

    32  HHI, § 1, 1 et 2.

    33  Darwin... ce qui n’empêche pas Nietzsche d’être sceptique et critique à l’égard du Darwinisme cf. note 38.

    34  HHII, VO, 2ème partie § 3 « au commencement était ».

    35  A, L1, §1.

    36  A, L1, § 44.

    37  id, § 3-7.

    38  GS, § 345. Voir aussi l’« Anti-Darwin » texte des Fragments posthumes in Volonté de puissance dans lequel Nietzsche explique qu’on a « toujours à défendre les forts contre les faibles » car ce sont les faibles qui l’emportent par la puissance de négation et le pouvoir de leurs idéaux foncièrement grégaires...

    39  APZ, III § 25.

    40  PBM 2ème partie §32.

    41  Le livre du Philosophe, LI § 18.

    42  id. § 27.

    43  ibid. § 38.

    44  Op. cit. LII § 175.

    45  « Tout mot devient immédiatement concept par le fait qu’il ne doit pas servir justement pour l’expérience originale, unique, absolument individualisée, à laquelle il doit sa naissance, c’est-à-dire comme souvenir, mais qu’il doit servir en même temps pour des expériences innombrables, plus ou moins analogues, c’est-à-dire, à strictement parler, jamais identiques et ne doit donc convenir qu’à des cas différents. Tout concept naît de l’identification du non-identique. » Op. cit. LIII, p. 122.

    46  « Qu’est-ce donc que la vérité ? Une multitude mouvante de métaphores, de métonymies, d’anthropomorphismes, bref, une somme de relations humaines qui ont été poétiquement et rhétoriquement haussées, transposées, ornées, et qui, après un long usage, semblent à un peuple fermes, canoniales et contraignantes : les vérités sont des illusions dont on a oublié qu’elles le sont, des métaphores qui ont été usées et qui ont perdu leur force sensible, des pièces de monnaie qui ont perdu leur empreinte et qui entrent dès lors en considération, non plus comme pièces de monnaie, mais comme métal. » Op. cit. p. 123.

    47  GS, L. V, § 354 intitulé « Du "génie de l’espèce”. ».

    48  GS, A-P. 2ème Edition, § 2.

    49  AC § 47.

    50  A § 134.

    51  Mélancolie dépressive du moine ascétique. Cf. HH I, A-P, § 2.

    52  GS AP § 3.

    53  NW § 2.

    54  GS § 3.

    55  PBM § 205.

    56  OSM § 128 « contre les myopes ».

    57  EH, Pourquoi je suis si malin, §2.

    58  GS, AP 2eme édition, § 4.

    59  GDI, « Les quatre grandes erreurs », § 7.

    60  AC, §52, p. 1088.

    61  Suspension du jugement, attitude sceptique.

    62  AC, §52, p. 1088.

    63  « Sans compter que je suis un décadent, je suis aussi le contraire d’un décadent. » EH « pourquoi je suis si sage » § 2.

    64  Lecteur attentif de Schopenhauer c’est dans son œuvre qu’il a puisé cette exigence : « Pour lire le bon, il y a une condition : c’est de ne pas lire le mauvais. Car la vie est courte, et le temps et les forces sont limités.
    On ne peut jamais lire trop peu de mauvaises choses, et jamais assez ce qui est bon. Les mauvais livres sont un poison intellectuel ; ils détruisent l’esprit Parce que les gens, au lieu de lire ce qu’il y a de meilleur dans toutes les époques, ne lisent que les dernières nouveautés, les écrivains restent dans le cercle étroit des idées en circulation, et l’époque s’embourbe toujours plus profondément dans sa propre fange.
    On écrit des livres sur tel ou tel grand esprit de l’antiquité, et le public les lit ; mais il ne lit pas le grand homme lui-même. Il ne veut lire que ce qui est fraîchement imprimé, parce que similis simili gaudet, et que l’aride et fade bavardage d’un plat écrivain de nos jours lui est plus approprié et plus agréable que les pensées du grand esprit. Pour ma part, je remercie le destin de m’avoir fait connaître, dès ma jeunesse, cette belle recommandation d’Auguste-Wilhelm Schlegel, qui a été depuis mon étoile polaire :
    Lisez attentivement les anciens, les véritables anciens : Ce que les modernes en disent ne signifie pas grand’ chose.
    (...) Il y a en tout temps deux littératures, qui marchent d’une façon assez indépendante l’une à côté de l’autre : une littérature réelle et une littérature purement apparente. La première se développe en littérature durable. Cultivée par des gens qui vivent pour la science ou pour la poésie, elle va d’un pas sérieux et tranquille, mais excessivement lent ; elle produit par siècle, en Europe, à peine une douzaine d’œuvres, mais qui restent. L’autre, cultivée par des gens qui vivent de la science ou de la poésie, va au galop, à travers le bruit et les cris de ceux qui la pratiquent, et débite chaque année des milliers d’œuvres sur le marché. Mais, au bout de quelques années, on demande : Où sont-elles ? Qu’est devenue leur renommée si rapide et si bruyante ? Aussi peut-on qualifier cette dernière littérature de passagère, et l’autre de permanente. » Arthur Schopenhauer, extraits de « L’art de ne pas lire », chap. XXIV des Parerga et Parapolimena, intitulé dans la traduction due à Auguste Dietrich, La lecture et les livres. Distance, 1992.

    65  « Nous ne sommes pas libres, nous autres philosophes, de séparer le corps de l’âme, comme le fait le peuple, et nous sommes moins libres encore de séparer l’âme de l’esprit. Nous ne sommes pas des grenouilles pensantes, nous ne sommes pas des appareils objectifs et enregistreurs avec des entrailles de réfrigération – (...). » GS, Avant-Propos, 2ème id § 3.

    66  Id § 4.

    67  Feuerbach, Contre le dualisme du corps et de l’âme, de la chair et de l’esprit, trad. C. Mercier, Pocket, Coll. Agora, 1997, p. 178.

    68  CDI « ceux qui veulent « améliorer » l’humanité » § 1.

    69  Id § 4.

    70  CDI, La morale contre nature » § 6.

    71  PBM § 229.

    72  AC § 58.

    73  NT chap. 24.

    74  CI, III § 3.

    75  HHII, § 12.

    76  GS. § 109.

    77  Vérité et mensonge au sens extra moral, § 1, trad. Michel Haar et Marc B de Launay, in Ecrits posthumes (1870- 1873), Œuvres philosophiques complètes, tome I vol. 2 Gallimard, 1975, pp. 282-284.

    78  V.P tome 1, p 269. NRF.

    79  Pieux mensonges DDI « ceux qui veulent rendre l’humanité meilleure » § 5.

    80  En français dans le texte.

    81  EH, « pourquoi je suis un destin » § 7.

    82  « Le christianisme a pris parti pour tout ce qui est faible, bas, manqué, il a fait un idéal de l’opposition envers les instincts de conservation de la vie forte, il a gâté même la raison des natures les plus intellectuellement fortes en enseignant que les valeurs supérieures de l’esprit ne sont que péchés, égarements et tentations. Le plus lamentable exemple, c’est la corruption de Pascal qui croyait à la corruption de sa raison par le péché originel, tandis qu’elle n’était corrompue que par son christianisme ! » AC, § 2-5, trad. Henri Albert révisée par Jean Lacoste, in Bouquins, Robert Laffont, 1993, t. II, p. 1042-1043.

    83  Cf. Irresponsabilité et innocence HHI § 107.

    84  La joute chez Homère in Ecrits posthumes.

    85  EH, « pourquoi je suis si intelligent », § 10.

    86  CDI, « La morale comme contre-nature » § 4-6.

    87  APZ, « Les discours de Zarathoustra »« les trois métamorphoses ».

    88  PBM, § 264 : « Il est absolument impossible qu’un homme ne porte pas dans son corps les qualités et les préférences de ses parents et de ses aïeux : même quand les apparences semblent prouver le contraire. C’est là le problème de la race ». (...)

    89  id. « et que veulent-elles d’autre aujourd’hui, l’éducation et la culture ! A notre époque très populaire, je veux dire plébéienne, « l’éducation » et la « culture doivent être essentiellement l’art de faire illusion, -de dissimuler son origine, la plèbe dont on a hérité dans son corps et dans son âme ».

    90  Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, Delagrave, p. 136.

    91  APZ, id.

    92  Cf. le §18 de la Naissance de la tragédie : illusion socratique (par la connaissance) artistique (par le voile de la beauté) et tragique (par la consolation métaphysique de la croyance en une vie étemelle).

    93  Cf. CDI, « Raids d’un inactuel » § 38 et 41.

    94  Lire à cet effet les belles pages sur l’œuvre et le génie in Humain, trop humain I, « De l’âme des artistes et des écrivains » § 162 -165.

    95  Cf. EH, « Pourquoi je suis un destin ».

    96  CDI, « raids d’un inactuel », § 49, § 103 « l’innocence de la méchanceté ».

    97  cf. § 107 de HHI, « irresponsabilité et innocence ».

    98  cit. « voir souffrir fait du bien, faire souffrir plus de bien encore – (...) » GM, II, 6.

    99  FP, V, 88.

    100  Id., XIII, 64.

    101  Id., XVI, 18.

    102  PBM, § 197.

    103  CDI, « Raids d’un inactuel », § 48.

    104  A, § 3 et 4.

    105  PBM, § 225.

    106  Horace, Odes, I, XIX, V 1 : « Mère cruelle des désirs ».

    107  HHI, Avant propos, § 2.

    108  cf. PBM, « Des préjugés des philosophes » § 10.

    109  CDI, « Les quatre erreurs », § 8.

    110  NT, chap. 19voir aussi NT chap. 24.

    111  FP, XIV, 16 [40].

    112  CDI, « La raison dans la philosophie » § 6.

    113  GS, § 301.

    114  FP, XVI, 85.

    115  Id, XVI, 156. Voir aussi « Que le représenter n’est rien qui repose sur soi, rien d’immuable, identique à soi-même : donc l’être, le seul qui nous soit garanti, est changeant, non identique à lui-même, tout relatif » in FP, XII, 22.

    116  Un philosophe : c’est un homme qui constamment vit, voit, entend, soupçonne, espère, rêve des choses extraordinaires ; qui est frappé, comme de l’extérieur, d’en haut et d’en bas, par ses propres pensées, son genre à lui d’événements et de coups de foudre ; lui-même est peut-être un orage, portant en son sein la foudre ; un homme fatal, toujours environné de grondements, de sourds roulements de tonnerre, d’abîmes béants et de sinistres présages. Un philosophe : hélas, c’est un être qui souvent se fausse compagnie à toutes jambes, qui a souvent peur de soi – trop curieux cependant pour ne pas, chaque fois, « revenir à lui ». & 292, PBM, « Qu ’est-ce qui est noble ? »

    117  « L’homme, cet animal complexe, menteur, artificiel et impénétrable, que sa ruse et son astuce, plus que sa force, rendent redoutable aux autres animaux, a inventé la bonne conscience pour jouir enfin de son âme comme d’une chose simple ; et toute la morale est une longue et intrépide falsification sans laquelle il serait impossible d’éprouver aucune jouissance au spectacle de l’âme. Considérées sous cet angle, il y a peut-être beaucoup plus de choses qui relèvent de l’« art » qu’on ne le croit communément. » & 291, PBM, « Qu ’est-ce qui est noble ? »

    118  « L’ermite ne croit pas qu’un philosophe à supposer qu’un philosophe ait toujours été d’abord un ermite – ait jamais exprimé dans ses livres ses opinions véritables et définitives. N’écrit-on pas justement des livres pour dissimuler ce que l’on cache en soi ? Il doute même qu’un philosophe puisse avoir des opinions "véritables et définitives" ; il se demande s’il n’y a pas en lui nécessairement, derrière chaque caverne, une caverne encore plus profonde – si au-dessus d’une surface il n’y a pas un monde plus vaste, plus étranger, plus riche, si derrière chaque fond, et sous chaque "fondement" il n’y a pas un tréfonds. Toute philosophie est une philosophie de façade – tel est le jugement de l’ermite ; "il y a quelque chose d’arbitraire, dira-t-il, dans le fait qu’il se soit arrêté ici, qu’il ait regardé en arrière et autour de lui, qu’il ait ici jeté sa bêche au lieu de creuser plus profond – et il y a aussi dans ce fait une part de méfiance". » & 289, PBM., « Qu ’est-ce qui est noble ? »

    119  Id.

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    L’Origines des textes

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    Fronty, G. (2003). Lire et écrire : de l’origine a l’originalité dans l’œuvre de Friedrich Nietzsche. In D. Sabbah & P. Feyler (éds.), L’Origines des textes (1‑). Presses Universitaires de Bordeaux. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pub.50600
    Fronty, Gérard. « Lire et écrire : de l’origine a l’originalité dans l’œuvre de Friedrich Nietzsche ». In L’Origines des textes, édité par Danièle Sabbah et Patrick Feyler. Pessac: Presses Universitaires de Bordeaux, 2003. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pub.50600.
    Fronty, Gérard. « Lire et écrire : de l’origine a l’originalité dans l’œuvre de Friedrich Nietzsche ». L’Origines des textes, édité par Danièle Sabbah et Patrick Feyler, Presses Universitaires de Bordeaux, 2003, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pub.50600.

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    Sabbah, D., & Feyler, P. (éds.). (2003). L’Origines des textes (1‑). Presses Universitaires de Bordeaux. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pub.50430
    Sabbah, Danièle, et Patrick Feyler, éd. L’Origines des textes. Pessac: Presses Universitaires de Bordeaux, 2003. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pub.50430.
    Sabbah, Danièle, et Patrick Feyler, éditeurs. L’Origines des textes. Presses Universitaires de Bordeaux, 2003, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pub.50430.
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