Poésie pulaar et politique dans les années 70 et 80 au Sénégal et en Mauritanie
p. 37-45
Texte intégral
1L’émergence d’une poésie écrite en peul et en caractères latins1 est récente, à la différence de celle écrite en ajami, c’est-à-dire en peul mais avec les caractères arabes dont les plus anciens manuscrits connus remontent au XVIIIème siècle. Si celle-ci est davantage une poésie religieuse inspirée des canons de la poésie arabe, celle écrite à l’aide de l’alphabet latin présente généralement une forme plus libre2 et une grande variété de thèmes3.
2La nouveauté du phénomène, le barrage de la langue et les difficultés d’accès aux publications sont autant d’éléments pouvant expliquer la quasi-absence d’informations sur cette poésie peule écrite en caractères latins4. Cette méconnaissance contraste avec la popularité dont jouissent certains des poètes dans le monde peul, et tout particulièrement chez les Haal-pulaar’en5, c’est-à-dire les locuteurs du pulaar originaires de la vallée du fleuve Sénégal, le Fuuta-Tooro6 (Sénégal, Mauritanie). Cette communauté – par ailleurs très active en France – fournit à la littérature peule contemporaine7 la majorité de ses auteurs.
3 La poésie pulaar est une poésie avant tout engagée, dont l’émergence et le contenu sont liés au contexte politique des années 70 et 80 dans ces deux pays8.
4Ce qui m’intéresse ici, c’est la double fonction didactique et contestataire de cette poésie qui devient, au cours de cette période agitée, le véhicule d’un savoir politique et historique bien spécifique.
5Afin d’illustrer mes propos, je me suis penchée sur les recueils de quatre poètes haal-pulaar, deux Sénégalais et deux Mauritaniens9. Il s’agit de Seydou Nourou N’Diaye et Mountaga Diagne pour les Sénégalais ; Mamadou Samba Diop surnommé « murtu˙o » (« le rebelle ») et Ibrahima Sarr pour les Mauritaniens10.
Marxisme-léninisme, Maoïsme et « Diopisme » : le réveil national
6Si l’on s’attarde sur le parcours de ces poètes, dont le plus âgé, Mamadou Samba Diop, est né en 1942 et le plus jeune, Mountaga Diagne, en 1963, il est frappant de constater qu’il existe entre eux de nombreuses similitudes.
7De formation universitaire, ils ont tous, à un moment donné, partagé les mêmes convictions politiques : communistes, marxistes-léninistes convaincus, par la suite d’obédience maoïste, de tendance révolutionnaire donc, résolument anti-impérialistes, pour une indépendance totale de leur pays, la valorisation des langues nationales et tous, du moins pour les Sénégalais, dans l’opposition ou oeuvrant dans la clandestinité au moment où Léopold Sedar Senghor était Président de la République, soit de 1960 à 1980. L’un d’eux raconte le climat d’effervescence qui régnait alors :
Des années 75-76 jusqu’aux années 80-85, la jeunesse était très engagée sur le plan politique. On pensait même que la révolution était imminente, surtout la révolution maoïste qui a beaucoup influencé la jeunesse du Fuuta Tooro. Pendant l’année scolaire, le lycée était un creuset où les idéologies se retrouvaient. Ce sont des professeurs, des enseignants en philosophie, des chercheurs qui pensaient vraiment qu’il était temps de réfléchir dans le sens de l’éclosion d’une révolution au Sénégal.
8Etudiants très tôt engagés dans la politique, passionnés et enthousiastes, ils militent activement au sein de partis tels que le P.A.I. (Parti Africain de l’Indépendance) – un parti créé en 1957 par Majehmout Diop mais qui fonctionne dans la clandestinité jusqu’en 1976, et qui se présente dans son manifeste comme un parti marxiste interterritorial ayant vocation à couvrir l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest, ou encore le R.N. D, (Rassemblement National Démocratique), le dernier parti créé par Cheikh Anta Diop en 1976, officialisé en 1981.
9Car tous – et c’est là un autre point commun – sont de grands admirateurs de l’auteur de Nations nègres et cultures (1954)11. D’ailleurs, la rencontre de ces jeunes étudiants avec Cheikh Anta Diop fut parfois décisive, comme l’explique l’un d’eux :
C’est en 1973 que j’ai commencé à me poser des questions sur la langue. Il y avait l’influence de Cheikh Anta Diop, Cheikh Anta qui m’a marqué, qui est mon maître, je me veux son disciple. [...] C’est donc à travers ses travaux que j’ai pris conscience de la question linguistique et de la nécessité de prendre en charge ce combat-là. [...] De fil en aiguille, j’ai commencé à réfléchir à cette question et j’ai commencé à écrire de la poésie en pulaar. Mes premiers poèmes datent de 1973.
10Pour d’autres, ce fut leur engagement dans les associations culturelles villageoises, dont ils rappellent qu’elles étaient souvent investies par les mouvements révolutionnaires, qui leur donna l’envie d’écrire :
Et puis il y avait Mao, son petit livre rouge, la Révolution culturelle [...]. Tout çà nous avait beaucoup influencé [...]. Je me souviens qu’à l’époque, on parlait de « ligne de masse » : « adopter la ligne de masse », c’était se rapprocher du peuple en utilisant les langues africaines. On faisait du théâtre, on chantait de la poésie dans les associations culturelles. Et puis il y avait tout ce climat poétique, littéraire auquel Senghor n’était sans doute pas étranger. C’est dans ce contexte que je me suis mis à écrire.
11Le fait d’écrire en pulaar constitue pour ces étudiants farouchement opposés au pouvoir en place un exutoire et un moyen de contestation indéniable. Leurs poèmes dénoncent notamment l’impérialisme français (au Sénégal) ou arabe (en Mauritanie) et ses méfaits, condamnent l’existence des catégories sociales qui existent au Fuuta Tooro ; certains appellent le peuple à la révolution et l’Afrique à l’unité, à l’instar des poèmes Lenyol am (« mon peuple »), Afrik de Seydou Nourou N’Diaye, mais également Gawlo miskineeβe (« le griot des pauvres »), l’un des poèmes les plus connus de Mamadou Samba Diop.
12Ils revendiquent le passé prestigieux du Fuuta Tooro en rappelant les hauts faits de certains personnages historiques, souvent religieux, d’origine fuutanke12 ou non13, et en rétablissant la « profondeur » du passé africain remontant à l’Egypte pharaonique. Citons comme exemples Mawβe Fuutankooβe (« Les héros du Fuuta ») de Mamadou Samba Diop, Alhajji Saydu Nuuru Taal et βe mbarii Hammadi (« ils ont tué Hammadi ») d’Ibrahima Sarr, Enndu βaleeri (« Le sein noir ») de Mountaga Diagne. Il s’agit explicitement pour certains d’entre eux de « redonner une conscience historique »14 à tous ceux qui n’ont pas forcément accès au savoir ou qui vivent dans l’ignorance de leurs origines :
Quand j’écris, souvent, c’est pour moi un combat historique. Oui, je parle le ulaar, mais mes traits, c’est des traits égyptiens.
13Ces poètes célèbrent également la richesse et la beauté de la langue et de la culture pulaar, d’abord en montrant leur habilité à manier les mots et les sonorités de la langue, mais aussi en insistant sur la nécessité d’apprendre à lire et à écrire dans sa langue maternelle. C’est le cas des poèmes Njanngen pulaar (« Apprenons le pulaar ») et emngal am (« Ma langue ») de Mamadou Samba Diop, par exemple.
14Ces poètes ont une responsabilité : prévenir, informer, sensibiliser. Leurs vers ne sont pas seulement des cris de révolte ou d’amour : ils sont aussi des cris d’alerte. D’ailleurs, le titre des recueils est évocateur. Mbaggu lenyol (« Le tambour du peuple »), tel est le titre du premier recueil de Seydou Nourou N’Diaye, publié en 1993 grâce à l’I.F.A. N (Institut Fondamental d’Afrique Noire). A l’instar du tam-tam qui servait jadis à avertir les villages d’un danger imminent, Seydou Nourou N’Diaye avertit le peuple. Même chose pour Mountaga Diagne : Ngulloori, publié en 1989 grâce à la S. LL (Société Internationale de Linguistique), signifie « La bête féroce qui crie »15 ; le mot Ndillaan, titre de son second recueil publié en 1997 à l’aide de l’Eglise Luthérienne Evangélique du Sénégal, désigne un petit oiseau vivant sur le dos du crocodile. La métaphore est claire : le rôle de cet oiseau auprès du redoutable prédateur est le même que celui du poète : protéger, veiller, avertir. Quant à Mamadou Samba Diop, son dernier recueil publié en 2002 grâce à l’A.R.E.D (Associates in Research and Education for Development), une ONG américaine, s’intitule Wullaango boolumbal (« Le cri du martin-pêcheur »).
15D’abord écrits, ces poèmes étaient diffusés oralement à l’aide de supports audiovisuels et déclamés à l’occasion de rencontres et / ou dans le cadre d’associations culturelles villageoises16. Ce n’est que bien plus tard, que l’on se souciera de leur publication17. Le caractère oral de cette poésie a sans nul doute favorisé sa diffusion. A en croire certains, cette poésie était d’ailleurs très populaire :
Mbaggu lenyol, lenyol am, lenyol am... On récitait cela, on le chantait dans tout le Fouta, les ouvriers, les paysans, les pêcheurs... C’est vous mes parents parce que demain, vos mains rouges de sang vont faire naître la révolution, c’est çà qu’on chantait l Et on prenait même les airs musicaux qui sont très répandus, le fonds pulaar et on chantait cela l
Je me souviens que ce qui m’a poussé à regrouper mes poèmes, c’est un neveu qui venait du Fuuta et qui était cireur à Dakar. Une fois, il s’est mis à chanter l’un de mes poèmes. Moi qui ne suis jamais allé au Fuuta, je voyais un Fuutanke chanter mes textes. Cela m’a beaucoup ému. C’était un choc émotionnel.
La poésie, témoignage de l’histoire des opprimés négro-africains
16En Mauritanie, la politique d’arabisation qui s’intensifie depuis les indépendances et le conflit plus ou moins ouvert entre populations négro-africaines et arabo-berbères aboutissent aux tragiques évènements de 1986-1989,18 lesquels vont considérablement marquer les écrits de Mamadou Samba Diop et d’Ibrahima Sarr.
17En Caltiima « Nous refusons », tel est le titre d’un des poèmes les plus célèbres de Mamadou Samba Diop, mais également d’un recueil publié en 1991 grâce à la revue Binndi e jannde. Dans ce poème, il s’insurge contre le « racisme d’État » qui prévaut alors en Mauritanie, et contre l’injustice dont souffre la population noire dont on nie la culture et la langue.
18Dans ce contexte, on comprendra que la revendication des langues nationales, la glorification du passé et de la culture pulaar, des thèmes que l’on retrouvait jusqu’alors dans la poésie sénégalaise, vont prendre en Mauritanie une tout autre résonance. La reconnaissance de la langue pulaar devient un véritable enjeu identitaire.
19Tout comme au Sénégal, leurs poèmes se diffusent oralement, par le biais de cassettes, et à l’instar du Gumbalaa, une épopée du Fuuta à laquelle ces poètes font souvent référence, parce qu’elle servait à galvaniser les guerriers il y a quelques siècles, les poèmes de Mamadou Samba Diop ou d’Ibrahima Sarr redonnent du baume au coeur à des militants opprimés. Les deux poètes mauritaniens deviennent alors les symboles et les porte-paroles de la résistance19, les chantres de la lutte négro-africaine, d’où le sobriquet de murtu˙o « le rebelle » par lequel les Haal-pulaar’en désignent généralement Mammadou Samba Diop.
20A cause de leur popularité – Ibrahima Sarr était journaliste à la radio et la télévision mauritanienne – mais également de leur engagement politique au sein des Forces de Libération Africaine de Mauritanie, communément appelées les F.L.A. M, ils paieront cher de leur personne. Ainsi, après la publication du Manifeste du Nègre Opprimé20 en septembre 1986, Ibrahima Sarr qui en fut l’un des signataires, sera arrêté et condamné à quatre ans de prison. Il en sortira en 1990. Son séjour dans les prisons mauritaniennes de Nouakchott, Oualata, et Aïoun El Atrouss donnera naissance à plusieurs écrits regroupés dans le recueil intitulé Kartaali niββe (« les sanglots nocturnes ») publié chez Papyrus en 2000, écrits composés en prison mais déjà bien connus des Haal-pulaar’en. Quant à Mamadou Samba Diop, il sera expulsé.
21Cette poésie n’est plus alors seulement contestataire, elle devient également le lieu privilégié de la mémoire collective, afin que ce qui s’est passé entre 1986 et 1989 en Mauritanie ne soit jamais oublié. Ainsi, le poème nay jeenay (« le 4/09 ») relate l’arrestation le 4 septembre 1986 de tous ceux qui ont participé à la publication du Manifeste. Un autre poème coo˙tiigu rend hommage aux trois officiers noirs mauritaniens21 exécutés le 6 décembre 1987. Coo˙tiigu, c’est l’action de racheter quelque chose ; le poète considère que la mort de ces trois officiers a racheté leur liberté, et qu’ils ont désormais leur place aux côtés des plus grands noms de l’histoire des Fuutanke. C’est certainement l’un des poèmes les plus connus d’Ibrahima Sarr. Il fut composé le jour même de l’exécution de ces officiers, dans la prison de Nouackchott.
22Le poète est investi d’une responsabilité nouvelle en devenant le gardien de la mémoire d’une communauté opprimée, comme l’illustre l’histoire particulièrement touchante de cette famille d’un des officiers tués en 1986 qui, lorsqu’ Ibrahima Sarr sortira de prison le 14 septembre 1990, lui remettra en mains propres le message suivant retrouvé dans la poche de la veste du défunt : Holko min mba˙i ? Maa Ibrahima Sarr jabboo (« Qu’avons-nous fait ? Ibrahima Sarr y répondra. »). Ibrahiima Sarr ne connaissait rien de cet officier, mais celui-ci avait certainement déjà entendu et apprécié ses poèmes. Avant de mourir, il lui demande donc de figer l’histoire, d’en rendre compte, afin que leur mort ne soit pas vaine et ne tombe pas dans l’oubli.
23Finalement, l’un des effets de cette situation politique aura été de renforcer la popularité de ces poètes et la conscience linguistique des Haal-pulaar’en, comme le rappelle Sonja Fagerberg-Diallo22 :
Acute political problems inspired the development of both writing and literature in Pulaar, perhaps best remembered for the galvanizing poetry which was well known on both sides of the border. « I memorized the poetry written by Mauritanian Haalpulaar who were struggling against the cultural imperialism of the white Maures ».
24L’exemple de la poésie pulaar écrite à l’aide des caractères latins me semble bien illustrer le thème de ce colloque « Littératures, savoirs et enseignement » dans la mesure où elle devient dans les années 1970 et 1980, au Sénégal puis en Mauritanie, le vecteur d’un savoir politique et historique non enseigné institutionnellement, au caractère contestataire, parfois même subversif.23
25Au Sénégal, elle est le lieu d’expression de jeunes gens militant dans l’opposition en faveur de la promotion des langues nationales, particulièrement imprégnés des idées révolutionnaires communistes et des thèses de Cheikh Anta Diop.24 Cette poésie diffusée surtout dans les campagnes fut ainsi un outil de sensibilisation, au service de l’alphabétisation en pulaar, dans le cadre des associations culturelles villageoises.25
26Savoir plus ou moins « censuré » jusqu’en 1981,26 « le message diopien »27 trouve également dans la poésie un canal de diffusion. Ceci rejoint cette remarque d’Elikia M’Bokolo à propos de celui qu’il qualifie comme « l’historien le plus populaire en Afrique Noire » :
Il n’est pas jusqu’aux masses rurales et paysannes qui ne soient emportées par la « tempête diopienne » comme en témoignent aujourd’hui de toutes récentes traditions orales qui, ici et là, font remonter l’origine des peuples à la « Vallée du Nil » ou à l’Egypte pharaonique.28
27En Mauritanie, les poètes se font griots, historiens. Le caractère contestataire de leurs vers est indéniable : contre l’oppresseur, une seule arme, la langue. Ils deviennent alors les porte-paroles d’une résistance étouffée et leurs vers, par la glorification de ses martyrs et de ses héros, se mettent au service de la résistance politique des Haal-pulaar’en.
28Au Sénégal comme en Mauritanie, cette poésie se diffuse oralement à l’abri des autorités. Les vers de Mamadou Samba Diop ou encore d’Ibrahima Sarr sont jusqu’à présent l’objet de récitations publiques, notamment dans la communauté pulaarophone vivant en Europe et ces poètes sont régulièrement invités à s’exprimer lors de conférences. La poésie est un genre vivant, avant tout oral (bien qu’elle soit écrite au départ), et très apprécié.29 De ce fait, les publications disponibles sont loin de rendre compte non seulement du répertoire de ceux qui ont déjà publiés, mais également du nombre de poètes.
Notes de bas de page
1 L’alphabet latin fut adopté et officialisé pour le peul en 1966 lors de la Conférence de Bamako.
2 Cette question de la forme et du modèle littéraire qui la sous-tend serait tout à fait intéressante à approfondir, compte-tenu du profil de certains poètes, arabisants et / ou francisants, et de l’existence d’un discours revendiquant une forme de poésie originale dégagée de toute influence extérieure, plus proche de la poésie orale peule.
3 Je ne souhaite pas établir de critères de distinction rigides entre ces deux types de poésie écrites en peul mais n’utilisant pas le même système d’écriture, d’une part parce que nous n’en connaissons pas encore suffisamment ; d’autre part parce qu’il me semble qu’à plusieurs niveaux, elles se ressemblent.
4 A ma connaissance, seul Aliou Mohamadou a attiré l’attention sur cette poésie, dans un article intitulé « Nouvelles tendances en littérature peule. Présentation des textes de cinq auteurs haal-pulaar (Sénégal et Mauritanie) », in Baumgardt, Ursula et Bounfour, Abdellah, eds., Panorama des littératures africaines. Etat des lieux et perspectives, Paris, L’Harmattan/INALCO, coll. Bibliothèque des Etudes Africaines, 2000, p. 77-92
5 Plus connus sous le nom de Toucouleurs.
6 Le peul parlé dans cette région est appelé pulaar.
7 J’entends par là la littérature écrite en peul et en caractères latins. Je travaille actuellement sur cette création littéraire dans le cadre de ma thèse.
8 Les années 70 et 80 sont marquées au Sénégal et en Mauritanie par les mouvements de revendication des langues nationales, la progressive légalisation (1976 puis 1981) des partis d’opposition sénégalais, l’influence des idées révolutionnaires et des thèses de Cheikh Anta Diop sur la jeunesse, la dégradation de la situation politique mauritanienne.
9 Ces recueils sont au nombre de sept : Diagne, Mountaga, Ngulloori, Dakar, S.I. L, 1989, 29 p. (2ème ed : 1996) ; Diagne, Mountaga, Ndillaan, Dakar, Ed. Nanondiral, 1997, 49 p. ; Diop, Mamadou S, En Caltiima, Paris, Binndi e jannde, 1991, 60 p. ; Diop, Mamadou S, Wullaango Boolumbal, Dakar, A.R.E. D, 2002, 111 p. ; N’Diaye, Seydou Nourou, Mbaggu lenyol, Dakar, l. F.A. N, 1993, 46 p. ; Saar, Ibrahima, Bokki, Dakar, Ed. Papyrus, 2000, 51 p. ; Saar, Ibrahima, Kartaali niββe, Dakar, Ed. Papyrus, 2000, 33 p.
10 Tous ces auteurs furent rencontrés au moins une fois entre 1998 et 2004. Dans cet article, j’ai inclus des extraits de ces entretiens sans référence précise à l’un de ces quatre poètes afin de préserver l’anonymat des propos cités.
11 Lequel n’a d’ailleurs jamais renié ses convictions marxistes.
12 Fuutanke : habitant du Fuuta Tooro
13 On trouve ainsi des poèmes citant de grandes figures de la résistance africaine, à l’instar de Patrice Lumumba.
14 On reconnaît là bien sûr dans leur discours l’influence de Cheikh Anta Diop. Cette idée de « restauration de la conscience historique » est essentielle dans l’œuvre de celui-ci comme l’indique Cheikh M’Backé Diop dans l’ouvrage qu’il consacre à son père, Cheikh Anta Diop : l’homme et l’œuvre, Paris, Présence Africaine, 2003, 407 p. Comme l’explicite Théophile Obenga dans cet ouvrage, « restaurer la conscience historique » est pour C.A. Diop un double acte : prendre conscience de la profondeur historique du monde et acquérir la conscience de participer à l’Histoire. Cette notion est la condition sine qua non au développement culturel, mais également politique et économique de l’Afrique.
15 Traduction de l’auteur.
16 Par exemple, l’Association pour la Rénovation de Ndioum au Fuuta Tooro.
17 Composés en 1973, les poèmes de Seydou Nourou N’Diaye, par exemple, ne seront publiés qu’en 1993.
18 Le conflit se cristallise dès 1959 sur le système éducatif mauritanien que les populations négro-africaines mauritaniennes accusent d’être discriminatoire, favorisant ceux dont la langue maternelle est l’arabe et pénalisant les autres. Des heurts sanglants finissent par éclater en 1966. Les différentes réformes entreprises dans les années 70 ne calmeront pas les esprits. Bien au contraire, la situation empire et en 1986, le gouvernement ordonne l’arrestation de nombreux négro-africains mauritaniens, souvent d’origine haal-pulaar. Il s’en suit une forte répression. A cette question linguistique se rajoute le problème de la désertification qui poussent les populations toujours plus vers le sud, créant ainsi des tensions dans la vallée du fleuve Sénégal. En avril 1989, un incident éclate à la frontière sénégalo-mauritanienne. C’est le début des pillages, des massacres et des expulsions. Voir à ce sujet Vandermotten, Céline, Géopolitique de la vallée du fleuve Sénégal. Les flots de la discorde, Paris, l’Harmattan, 2004 (coll. Études Africaines), 165 p. et Mauritanie : contexte d’une crise, 1986-1989, Paris, Editions francophones d’Amnesty International, 1989, 63 p.
19 D’ailleurs, leurs poèmes sont souvent repris par les chanteurs pulaar, notamment Baaba Maal dont la renommée est internationale. Voir à ce sujet Wane, Ibrahima, Chanson moderne et modèle de communication orale, Thèse de doctorat, sous la dir. de Bassirou Dieng, UCAD/Département de Lettres Modernes, Dakar, 2003, 469 p.
20 Ce texte de 37 pages rédigé par les F.L.A.M et diffusé en septembre 1986 sur le territoire national et étranger accuse le gouvernement mauritanien de discrimination à l’égard de la population noire avec à l’appui des statistiques dénonçant les nominations au gouvernement. Dans sa conclusion, le manifeste appelait les Mauritaniens à s’unir pour lutter contre un système jugé oppresseur et raciste. Ce manifeste en rappelle un autre : le Manifeste des 19, rédigé en 1966 par un groupe d’étudiants et de lycéens noirs qui dénonçait un système éducatif discriminatoire, favorisant l’arabe. Il fut également suivi de répressions.
21 Amadou Sarr, Seydi Ba, Saïdou Sy. Leur mort fut un véritable choc pour les Haal-pulaar’en mauritaniens.
22 Ly, M.A., La diffusion du livre en langue pulaar : le cas de l’ARED au Sénégal, Paris, Collège coopératif, 1997 (inédit), cité par Fagerberg-Diallo, Sonja, « Constructive Interdependance : The Response of a Senegalese Community to the Question of Why Become Literate » in The Making of Literate Societies, Oison David R. & Torrance Nancy, eds., Malden (U.S. A), Blackwell Publishers, 2001, p. 161.
23 Bien entendu, elle n’est pas que contestataire. Cette poésie présente une grande variété de thèmes : on y trouve des réflexions plus personnelles sur l’amour, la solitude, l’importance de la religion musulmane, par exemple. Je me suis focalisée sur l’un de ses aspects mais il y aurait encore beaucoup à dire sur cette poésie, non seulement au niveau du contenu, mais également de la forme.
24 Cette cohésion idéologique et politique entre ces poètes-ci, n’empêche pas par ailleurs l’existence de divergences. Certains auteurs présentent par exemple un parcours tout à fait différent, rejetant par exemple ou ne sentant absolument pas concernés par les thèses de Cheikh Anta Diop.
25 La question que l’on pourrait d’ailleurs se poser serait celle de l’impact réel de ces poèmes sur les populations du Fuuta Tooro : quel rôle ont-ils joué dans l’alphabétisation en pulaar par exemple ? Ont-ils été des éléments de sensibilisation efficaces ? Qu’en est-il de tout ce savoir idéologique, politique et historique véhiculé de manière plus ou moins délibéré par ces textes ?
26 D’après Cheikh Mbacké Diop, op.cit. (cf note 15), Cheikh Anta Diop fut empêché d’enseigner à l’université jusqu’au départ de Léopold Sédar Senghor en 1980. Ce qui ne l’empêchait pas par ailleurs de multiplier les conférences et d’être très populaire auprès des étudiants. C’est en 1981 qu’il sera nommé professeur d’histoire ancienne à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Dakar.
27 Expression utilisée pour désigner la pensée de Cheikh Anta Diop par François-Xavier Fauvelle dans son ouvrage, Cheikh Anta Diop : l’histoire et l’idéologie, Paris, Karthala, Centre de Recherches Africaines, 1996, 237 p.
28 Cf. la préface de l’ouvrage de François-Xavier Fauvelle, op. cit., p. 8.
29 L’aspect oral, didactique et militant de cette poésie, écrite en caractères latins, n’est pas sans rappeler celle, plus ancienne, écrite en ajami.
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